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SPECTRUM #2/2017

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CULTURE<br />

Le Tunnel, un café social et un atelier culturel<br />

Le Tunnel a rouvert ses portes après sa fermeture soudaine en 2016. Description et retour sur l’évolution<br />

de ce lieu mythique, où la largeur d’esprit et la mixité sont à l’honneur. DANA SARFATIS<br />

Il vente, il pleuvine, j’ai froid, mes cheveux<br />

s’envolent dans tous les sens, je<br />

me dis que cette journée me fait chier,<br />

je me dis que cette journée ressemble<br />

à toutes les autres journées et qu’elles<br />

me font toutes chier. Je sens le poids des<br />

contraintes et la pression dans mon diaphragme,<br />

je n’arrive pas à m’en débarrasser<br />

et puis, … j’arrive devant le café du<br />

Tunnel.<br />

Je rentre et monte à l’étage. Je me pose à<br />

une grande table en bois. A côté de moi,<br />

une femme et un homme. Elle lit un livre<br />

en se faisant une tresse, il lit un journal<br />

en tapant le rythme avec son pied. C’est le<br />

rythme de Dire Straits. Ils ont l’air concentrés.<br />

Je commande un café. « Pourquoi t’as<br />

coupé la musique ?» crie le gérant à l’étage<br />

du dessous. « C’est pas moi, c’est Spotify »<br />

répond la serveuse. Ambiance chill. Au<br />

moment où j’écris cette phrase, ils passent<br />

du J.J. Cale. C’est Cajun Moon. Ma respiration<br />

décélère. On m’apporte mon café. Je<br />

me sens sereine. Il fait un temps de merde<br />

dehors et je me sens d’autant plus sereine.<br />

Un lieu avec une histoire singulière<br />

C’est Mama Leone qui a fait du Tunnel<br />

un endroit culte. Cette ancienne camionneuse<br />

voulait créer une place sans jugement<br />

pour tous les marginaux et les délaissés.<br />

Elle avait fondé par le biais de ce<br />

bistrot une véritable institution sociale.<br />

Chaque année, elle organisait le Noël des<br />

cloches, où le repas et le Samos étaient<br />

offerts à tous les gens défavorisés qui<br />

passaient la porte. Les soirées de Mama<br />

Leone étaient déchaînées. « Elle avait<br />

une jambe de bois, qu’elle jetait à travers<br />

le bistrot lorsqu’elle était complètement<br />

bourrée », « Parfois, elle était tellement<br />

bourrée que ses clients devaient appeler<br />

la police », « Les gens dansaient sur les<br />

tables ». Après avoir été gérante du Tunnel<br />

pendant plus de vingt ans et lui avoir<br />

conféré une aura légendaire, elle décède<br />

en 2001 d’un cancer.<br />

Entre 2001 et 2010, Un homme appelé<br />

Akritas reprend l’établissement. Il proposait<br />

une cuisine « fleurie » et des « soirées<br />

toutes grecques », … « des soirées<br />

qu’il organisait dans la cave du Tunnel, à<br />

l’époque où on pouvait encore fumer dans<br />

les bistrots. On y écoutait de la techno<br />

et on consommait des drogues, c’étaient<br />

des soirées sulfureuses qui nous faisaient<br />

prendre dix ans d’un coup. ».<br />

Puis, l’endroit est repris par Nathalie<br />

Bloesch et son associée Rebecca Casutt. Il<br />

devient alors un café culturel qui propose<br />

des expositions et des concerts, jusqu’à sa<br />

fermeture brutale en avril 2016.<br />

Le Tunnel aujourd’hui<br />

En janvier <strong>2017</strong>, le Tunnel ré-ouvre ses<br />

portes. Il est repris par l’association La<br />

Tuile. Cette fois-ci, il devient un lieu social<br />

et culturel (combinant ainsi l’essence<br />

du bistrot de Mama Leone et l’esprit du<br />

café des dix dernières années).<br />

On y instaure le système des menus suspendus,<br />

système provenant de la tradition<br />

napolitaine du caffè sospeso. On y<br />

propose un programme artistique varié :<br />

De la musique cubaine à la lecture de<br />

contes, en passant par des concerts de<br />

jazz et des pièces de théâtre. « La semaine<br />

passée, on a eu une performance un peu<br />

étrange d’un type qui s’enfilait des fruits<br />

dans l’anus. Le public n’a pas compris ...<br />

Nous non plus en fait ». Jérôme Miserez,<br />

gérant actuel du Tunnel m’explique : « Je<br />

suis incapable de dire pourquoi quelque<br />

chose me plaît ou pas. Mais si j’aime, je le<br />

mets au programme, et j’aime des choses<br />

très diverses ». On y trouve de tout donc,<br />

un peu comme la clientèle qu’accueille ce<br />

café. Tous les âges et tous les genres sont<br />

réunis autour de ces grandes tables en<br />

bois, formant un décor hétéroclite qui fait<br />

du bien.<br />

Toutes les citations sont tirées de ma conversation<br />

avec Jérôme Miserez, gérant du Tunnel<br />

Ambiance :<br />

J.J. Cale – Cajun Moon<br />

Buddy Guy – Mustang Sally<br />

Keb’ Mo’ – Am I Wrong<br />

Dire Straits – Once Upon A Time In The<br />

West<br />

Dire Straits – News<br />

Dire Straits – Lady Writer<br />

© Photo : www.la-tuile.ch<br />

© Foto: pixabay.com<br />

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2/<strong>2017</strong>

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