So Foot Septembre 17
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82 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE<br />
avait simplement notre liberté et le rythme<br />
était simple: on allait à l’école, on posait nos<br />
affaires chez nous et on allait dehors avec les<br />
copains devant le bloc d’appartements. C’était<br />
exceptionnel, je n’avais qu’à regarder par la<br />
fenêtre s’il y avait du monde. Je me suis régalé.<br />
Pour les parents, c’était complètement différent<br />
et ça, on ne l’a compris que plus tard. On reparle<br />
de cette époque avec les parents, les grandsparents,<br />
les copains. Chacun a son expérience,<br />
son histoire. Aujourd’hui, tout est différent. Si<br />
l’on regarde bien, il y a moins d’espaces de jeu<br />
pour les enfants, plus de circulation dans les<br />
rues, les familles n’habitent plus vraiment dans<br />
les appartements… Mais les possibilités d’achat<br />
d’une maison sont beaucoup plus simples qu’à<br />
l’époque.<br />
Tu étais réputé pour être un très bon élève. Ma<br />
mère me disait dernièrement qu’en fait, je n’étais<br />
jamais content. En République tchèque, tu es<br />
noté de 1 à 5. 1, c’est la meilleure note. Eh bien<br />
quand je rentrais chez moi avec un 2, j’étais<br />
énervé parce que j’ai toujours voulu atteindre la<br />
perfection. Je disais souvent à ma mère: “Si je<br />
peux faire 100 %, pourquoi je vais me contenter<br />
de 99 %?” Dans ma vie, encore aujourd’hui,<br />
je suis comme ça. J’ai toujours été l’un des<br />
meilleurs de ma classe mais parce que c’est ce<br />
que je recherchais. J’accepte que quelqu’un soit<br />
meilleur que moi, c’est aussi ce qui me motive car<br />
je me dis: “S’il arrive à faire aussi bien telle chose,<br />
pourquoi pas moi?” Après, l’école, c’était aussi<br />
une stratégie: je faisais tous mes devoirs pendant<br />
les pauses et ça me permettait d’être tranquille<br />
ensuite chez moi, de gagner dix-quinze minutes<br />
de liberté supplémentaire.<br />
Tu abordes le foot de la même manière? On va<br />
dire que quand je commence quelque chose,<br />
c’est pour le faire du mieux possible. Alors,<br />
si un exercice peut me permettre de gagner<br />
0,5 % de performance, je le prends. Je sais que<br />
le corps humain a des limites mais personne<br />
ne les connaît. Le sport, c’est pareil: quand tu<br />
atteins un certain niveau, certaines personnes<br />
disent que tu ne peux plus t’améliorer. Mais c’est<br />
toujours possible. Aujourd’hui, l’évolution du<br />
foot te permet de travailler avec de nouvelles<br />
techniques, de découvrir de nouvelles<br />
inspirations… La performance, c’est une<br />
recherche constante. Si tu vas à l’entraînement<br />
sans challenge, tu acceptes de t’enfermer dans<br />
une routine et tu ne progresses plus. Par exemple,<br />
je capte des ballons depuis trente ans donc je ne<br />
peux plus m’améliorer là-dessus. La répétition est<br />
trop simple donc j’essaye surtout de travailler la<br />
phase de préparation, l’approche, de me mettre<br />
en danger. Je veux maîtriser les événements.<br />
Il y a des choses qu’on ne peut pas anticiper. En<br />
octobre 2006, quand Stephen Hunt t’a fracassé le<br />
crâne, as-tu craint de perdre tout ce que tu avais<br />
appris jusque-là? Déjà, première chose, j’étais<br />
content d’avoir survécu. Deuxième chose, j’étais<br />
préparé à tous les scénarios, puisqu’on m’avait<br />
dit, en gros, que ma carrière était finie. Mais j’ai<br />
“Pour certains mots<br />
français, le masculin et le<br />
féminin changeaient du<br />
tchèque. En cours de<br />
français, ça générait des<br />
situations marrantes,<br />
comme quand, ma femme<br />
et moi, on confondait le<br />
chat et la chatte, par<br />
exemple… Tu vois le truc…”<br />
tout fait pour me donner la chance de revenir.<br />
Chaque minute était consacrée à mon retour.<br />
Je ne voulais pas avoir de regrets. Heureusement,<br />
mon corps a bien réagi aux traitements. Tout est<br />
réparé à 100 %, mon cerveau n’a aucun problème<br />
de coordination. Je suis chanceux.<br />
Ça t’agace de porter ce casque? J’aimerais jouer<br />
sans, hein… Mais, déjà, ça pourrait créer des<br />
problèmes avec les assurances. Ensuite, je n’ai<br />
aucune certitude sur mon état de santé si je<br />
reprends un choc à la tête. Je préfère avoir le<br />
casque et vivre avec que prendre un risque qui<br />
pourrait m’être fatal.<br />
Il y avait un bel imbroglio autour de son<br />
homologation, pour une question de sponsoring<br />
notamment… Le médecin m’a conseillé<br />
Canterbury, qui était le seul équipementier<br />
capable de faire ce genre de casques à l’époque.<br />
Mais en Champions League, je n’avais pas le<br />
droit d’arborer le logo. Ensuite, le casque n’est<br />
pas reconnu comme un équipement officiel sur<br />
un terrain de foot, donc il a fallu parler avec la<br />
FA, avec l’UEFA, avec toutes les associations<br />
pour bénéficier d’une exception… Les premières<br />
années, avant chaque match, l’arbitre devait<br />
vérifier le casque, on devait signer des papiers…<br />
C’était vraiment la galère (rires).<br />
Tu as toujours des plaques dans la tête? Oui, à<br />
vie… Au début, ça sonnait toujours à l’aéroport.<br />
Les portiques devaient sans doute être moins<br />
précis qu’aujourd’hui. Ça sonne plus rarement<br />
désormais.<br />
Quand tu pars du Sparta Prague en 2002, tu choisis<br />
Rennes. Pourquoi? Quitter le Sparta Prague<br />
pour venir en France, c’était une façon de me<br />
rapprocher de mon rêve: la Premier League. Pour<br />
progresser, franchir un cap, je devais rejoindre<br />
un championnat plus compétitif et comme<br />
je n’avais que 19 ans à l’époque, je ne pouvais<br />
pas obtenir de permis de travail pour jouer en<br />
Angleterre. Arsenal s’était renseigné… J’ai eu<br />
deux choix: l’Allemagne et la France. Je parlais<br />
déjà allemand, donc la Bundesliga, c’était plus<br />
simple. Mais comme Rennes a présenté la plus<br />
grosse offre pour le Sparta, je suis reparti de zéro,<br />
dans un pays où je ne connaissais personne et<br />
dont je ne comprenais pas un mot de la langue.<br />
J’ai adoré la Bretagne, sincèrement. J’étais avec<br />
ma femme, on avait vingt ans, je jouais pour<br />
un bon club, avec des personnes sympas et des<br />
infrastructures exceptionnelles. Il n’y avait qu’un<br />
match par semaine sauf quand il y avait la coupe<br />
de la ligue ou la coupe de France donc ça nous<br />
laissait un peu de temps pour découvrir la région.<br />
On a quasiment tout fait: Carnac, Brest, le Mont-<br />
Saint-Michel, Dinan, Dinard… Maintenant que je<br />
joue 50 matchs par saison, c’est plus dur.<br />
Découvrir une nouvelle culture, ça te plaît? C’est<br />
quelque chose que les gens sous-estiment<br />
souvent. La carrière de certains joueurs s’est<br />
arrêtée car ils ne voulaient pas apprendre une<br />
nouvelle langue ou ne voulaient pas s’intégrer.<br />
Il y a quelque chose qu’il ne faut pas oublier:<br />
quand tu arrives dans un nouveau club, que tu es<br />
étranger, tu dois être meilleur que le joueur local,<br />
sinon, c’est fini. Et quand tu ne comprends pas<br />
ce que l’on te dit, ça impacte tes performances.<br />
Forcément, au départ, ça fait pas mal de travail,<br />
ce n’est pas simple, mais c’est le seul moyen de<br />
réussir. Quand je suis arrivé à Rennes, la ligue 1<br />
reprenait à peine une semaine plus tard, je n’avais<br />
pas le droit de prendre du retard si je voulais<br />
pouvoir communiquer avec mes coéquipiers.<br />
Je suis un gardien qui parle beaucoup. Pour moi,<br />
c’est essentiel de donner des informations hyper<br />
précises aux défenseurs. Au bout d’un mois, je<br />
connaissais tout du fonctionnement du club et je<br />
comprenais le français, tout était donc lancé.<br />
Comment as-tu appris le français? Avec ma<br />
femme, je passais entre une et deux heures<br />
chaque jour, pendant trois mois, avec la<br />
professeure engagée par le club, une prof<br />
exceptionnelle. Elle nous faisait faire des jeux<br />
de rôle. Elle découpait des photos dans les<br />
magazines, des saucissons, des légumes. Je<br />
faisais le vendeur et ma femme jouait la cliente.<br />
C’était plus simple et rapide, super drôle à faire<br />
aussi. Pour certains mots, le masculin et le<br />
féminin changeaient du tchèque. Ça générait<br />
des situations marrantes, comme quand on<br />
confondait le chat et la chatte, par exemple… Tu<br />
vois le truc… Et puis il y a eu la télé. Je regardais<br />
tous les films avec les sous-titres en français.<br />
Friends, aussi. Je me suis intéressé au rugby, je<br />
regardais le Top 16 le samedi avant les matchs.<br />
Je m’amusais à comprendre les stratégies. Ma<br />
femme, elle, c’était souvent Les colocataires,<br />
“En match, il pourrait<br />
y avoir dix types à poil<br />
en tribunes que je ne les<br />
verrais même pas”