So Foot Septembre 17
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le village reculé<br />
de Treillières, où<br />
les parents de sa<br />
fiancée rencontrée<br />
à Nantes se sont installés pendant la guerre.<br />
Marie-Annick Barreau se souvient qu’Antoine<br />
Raab “utilisait alors un nom d’emprunt à<br />
consonance alsacienne, avec Albert pour<br />
prénom”. Rapidement, “Albert” devient une<br />
figure des villages environnants. “Il ne restait<br />
pas dans le grenier, précise Donatien Nozay.<br />
Il travaillait souvent à la ferme de M. Lucas.”<br />
L’Allemand s’acclimate bien. Il rend la vie de<br />
ses nouveaux amis meilleure en détournant<br />
des fils pour leur installer l’électricité, ou en<br />
les distrayant sur le terrain de foot, tous les<br />
dimanches. “C’était un grand footballeur<br />
allemand, il était bien plus fort que nous,<br />
grand et costaud, les muscles saillants.” <strong>So</strong>n<br />
intégration ne suffit toutefois pas à assurer sa<br />
Une fois le drapeau à la croix<br />
gammée levé, tous les<br />
joueurs allemands font un<br />
salut nazi, sauf un. Devant<br />
45 000 personnes, Antoine<br />
Raab refuse de lever le bras<br />
tranquillité. Plusieurs<br />
fois “vendu” aux<br />
Allemands, Raab s’en<br />
sort grâce à de faux<br />
papiers. Il restera sur place jusqu’à la Libération,<br />
se permettant même de faire imprimer<br />
régulièrement des tracts invitant les Allemands<br />
à la désertion, qu’il diffuse en les lançant pardessus<br />
le mur de la caserne locale.<br />
Le FCN et la paix<br />
À la fin de la guerre, Raab fait son retour<br />
dans le centre-ville de Nantes avec sa fiancée,<br />
Marinette. Il y croise par hasard Pierre Lautrey,<br />
le dirigeant du FC Nantes fraîchement fondé.<br />
Le football revient par la grande porte. Même<br />
si, physiquement, la planque dans le grenier a<br />
eu raison de ses muscles et de son endurance.<br />
Il deviendra donc entraîneur-joueur du FCN,<br />
dès 1946 –“Il me disait souvent qu’il avait été le<br />
premier entraîneur du club”, raconte aujourd’hui<br />
Donatien Nozay– puis, peu à peu, il occupe<br />
toutes les fonctions importantes. Gilbert<br />
Le Chenadec, qui signe avec le FCN en 1958,<br />
se souvient de lui comme “vice-président, aux<br />
côtés de M. Clerfeuille”, avec qui il forme un<br />
duo de “grosses personnalités”. Il est également<br />
le premier à occuper un poste de directeur<br />
sportif, lorsque Nantes est désespérément<br />
coincé en D2. Il participe ainsi à la venue de<br />
Gondet, de Blanchet… et d’Arribas, auquel il<br />
finit par s’opposer, jugeant son jeu trop osé, trop<br />
révolutionnaire. Le FC Nantes avancera sans<br />
lui. Après avoir ouvert un magasin de sport,<br />
Antoine Raab décède le 2 décembre 2006. Il a<br />
93 ans. L’histoire ne dit pas s’il y eut une messe<br />
à son enterrement. • PAR CÔME TESSIER. TOUS PROPOS<br />
RECUEILLIS PAR CT, SAUF MENTION / ILLUSTRATION: GIANPAOLO<br />
PAGNI