So Foot Septembre 17
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86 SO FOOT _GUIDE ANGLETERRE<br />
l’inconnu pour moi. Tout ça a été rendu possible<br />
parce que j’étais ambassadeur d’un projet dont<br />
le nom veut, en gros, dire “Avec nous, tu peux le<br />
faire” en français. On organisait des concerts,<br />
des expositions, on ouvrait les portes aux<br />
jeunes artistes, qu’ils soient peintres, musiciens,<br />
photographes… Ça a permis à certains, qui<br />
n’arrivaient pas à faire parler d’eux, de se faire<br />
remarquer. Je devais être une sorte d’exemple<br />
donc je me suis retrouvé comme batteur, après<br />
quatre petits mois d’expérience, à un concert de<br />
charité. Je n’étais… pas très bon (rires). Jouer en<br />
live, je ne savais pas ce que c’était et là, on était à<br />
Prague, avec des centaines de personnes, quatre<br />
télévisions… Et après coup, quand j’ai vu les gens<br />
danser, sauter, chanter, j’ai explosé de joie. J’ai<br />
tout de suite souhaité faire un vrai concert mais à<br />
une condition: que ce soit un groupe qui vienne<br />
me chercher pour mes qualités, pas l’inverse.<br />
Europe 2 était partenaire de ce concert de charité.<br />
Je discutais de cette envie avec un mec de chez<br />
eux et il me dit: “Ouais, je joue du clavier avec un<br />
groupe.” Je le connaissais depuis trois ans et il<br />
ne m’en avait jamais parlé. Là, il me propose de<br />
venir jouer avec eux et voilà comment je me suis<br />
retrouvé en concert avec Eddie Stoilow puis en<br />
festival après.<br />
Musique toujours. Lorsqu’il parle de jeu, Jürgen<br />
Klopp aime dire qu’il veut voir du heavy metal dans<br />
le style de ses équipes. Il disait aussi qu’Arsenal<br />
ressemblait plutôt à “une chanson silencieuse”.<br />
Tu penses qu’Arsenal joue quel style de musique<br />
aujourd’hui? C’est vrai qu’on est proche de la<br />
musique classique (rires). On est dans la beauté,<br />
la synchronisation des instruments… C’est une<br />
philosophie désormais ancrée dans les gènes<br />
du club: on refuse de jouer sans la manière et<br />
ça se transmet de génération en génération. Je<br />
crois qu’on a trouvé le bon équilibre lors des<br />
derniers mois de la saison dernière. L’idée est<br />
de continuer à contrôler le match mais en se<br />
sécurisant davantage derrière.<br />
Tu as quitté Chelsea lors de l’été 2015, après avoir<br />
tout gagné. Depuis quelques années, Arsenal<br />
traîne une image de losers. Tu comprends cette<br />
étiquette? En arrivant au club, je me suis dit: “Ok,<br />
Arsenal n’a plus gagné la Premier League depuis<br />
“Peu importe la manière,<br />
Mourinho veut le résultat.<br />
La philosophie d’Arsenal<br />
est complètement opposée<br />
à ça: on ne gagne pas à tout<br />
prix, on veut le faire<br />
avec la manière, même<br />
si on commence à changer<br />
cette approche”<br />
dix ans mais moi, je veux être celui qui arrive à les<br />
ramener vers le titre.” Je ne me voyais pas quitter<br />
ce championnat qui est, selon moi, le meilleur du<br />
monde, et je voulais aussi continuer à me battre<br />
pour le titre. Le souci, c’est qu’on ne développe<br />
pas une mentalité de vainqueur en claquant des<br />
doigts. Chelsea avait un avantage simple: sur<br />
les dix dernières années, le club a gagné un peu<br />
plus de quinze titres. La première raison à ça,<br />
c’est que d’une année à l’autre, les changements<br />
dans l’effectif n’ont pas été très violents. Quand<br />
tu faisais le bilan en fin de saison, il y avait<br />
toujours un titre, que ce soit la Premier League,<br />
une FA Cup, une C1 ou autre chose. Arsenal n’a<br />
rien gagné, au-delà des victoires en Cup, depuis<br />
2004. Si l’on regarde bien, il n’y a quasiment<br />
personne de l’effectif qui a remporté la Premier<br />
League… Il y a Danny Welbeck et moi. On doit<br />
apprendre ensemble, on doit trouver ce chemin<br />
vers la victoire. Mon rêve, aujourd’hui, ce serait<br />
de gagner autant avec Arsenal qu’avec Chelsea<br />
mais je ne pense pas disposer de dix ans devant<br />
moi pour ça…<br />
Pour la première fois depuis 1996, le club ne va<br />
pas disputer la ligue des champions… Il y a une<br />
situation paradoxale: on vient de finir la saison<br />
cinquième avec 75 points. La saison précédente,<br />
on termine deuxième avec 71 points. Il faut voir<br />
comment la Premier League a évolué. Quand<br />
je suis arrivé, il y avait Manchester United, pas<br />
encore vraiment Chelsea, City ne comptait pas<br />
dans la course au titre, Tottenham non plus…<br />
Aujourd’hui, la concurrence et les effectifs sont<br />
dingues. Gagner un match devient de plus en<br />
plus compliqué chaque saison.<br />
Ce mental de gagnant, il te vient de Mourinho?<br />
Quand il est arrivé de Porto, il a apporté une<br />
chose principale: il venait d’un club où il n’était<br />
pas acceptable pour lui de terminer deuxième<br />
du championnat. Il a apporté le même esprit<br />
à Chelsea. Il ne pense que par la victoire, quel<br />
qu’en soit le prix. Il déteste les matchs nuls. Si on<br />
rentrait au vestiaire avec un nul, on savait qu’il<br />
ne serait pas satisfait. Par contre, il voulait aussi<br />
qu’on soit capable de garder un 1-0 ou d’envoyer<br />
un 5-0 si c’était possible. Peu importe la manière,<br />
Mourinho veut le résultat. La philosophie<br />
d’Arsenal est complètement opposée à ça: on<br />
ne gagne pas à tout prix mais on veut gagner<br />
avec la manière. On commence à changer cette<br />
approche.<br />
Tu te sens différent des autres footballeurs?<br />
J’ai décidé de prendre ma vie en charge, de la<br />
contrôler. Je ne ferai jamais quelque chose parce<br />
que mon agent me dit: “Petr, tu fais ci, tu fais<br />
ça.” Je cherche toujours à comprendre le but<br />
d’une action même si, bien évidemment, j’ai des<br />
personnes qui travaillent avec moi parce que le<br />
monde du foot l’impose. Je ne peux pas gérer<br />
toutes les négociations, je n’ai pas le temps,<br />
mais ceux qui m’entourent savent ce que je<br />
veux. Certains joueurs subissent les choix de<br />
leur entourage. C’est dangereux, car une fois<br />
ta carrière terminée, ces personnes arrêtent de<br />
travailler avec toi et tu peux vite te retrouver<br />
perdu.<br />
Arsène Wenger dit souvent que la retraite<br />
l’angoisse. Et toi? Ça ne me fait pas peur, je pense<br />
que ça ouvre aussi des possibilités pour faire<br />
des choses différentes. Je passe mes licences<br />
d’entraîneur actuellement, ce qui me permettra<br />
d’être prêt si on me donne l’opportunité de<br />
continuer dans le foot. Je commence aussi à<br />
travailler sur l’amélioration du fonctionnement<br />
du foot en République tchèque. Là, je suis dans<br />
une routine voyage-match, voyage-match, donc<br />
je n’ai pas vraiment eu de temps libre depuis<br />
mes <strong>17</strong> ans. Parfois, je me dis que j’en aurai peutêtre<br />
marre de reproduire cette routine en tant<br />
qu’entraîneur. Après, quand Arsène Wenger parle<br />
de retraite, il ne parle pas de la même que moi,<br />
qui approche des quarante ans. Je comprends<br />
que ça puisse l’angoisser. Tu me reposeras la<br />
question au même âge qu’Arsène, peut-être que<br />
ça me fera peur aussi. Une chose est sûre: quand<br />
je vais arrêter le foot, vous ne me trouverez<br />
jamais à la maison, assis, les jambes en l’air, à ne<br />
rien faire.<br />
Ton père tient toujours son cahier de statistiques<br />
sur tes performances? Oui! Il l’a toujours… Il a<br />
commencé à le tenir lors de mes débuts chez les<br />
pros, au Chmel Blsany, en 1999. La dernière fois<br />
que je l’ai vu, je lui ai dit que c’était peut-être le<br />
moment d’arrêter, en rigolant. Il commence à ne<br />
plus avoir de place. • TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR RB<br />
ET MB