Marianne
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
événement<br />
politique<br />
› P.M. : Le chômage dont on parlera<br />
sera défini d’une autre façon. La précarité<br />
augmentera alors qu’il faudrait<br />
augmenter les salaires, mutualiser<br />
les investissements, les parcours<br />
d’apprentissage dans les filières.<br />
Alexandre Saubot, quels<br />
leviers contre le chômage ?<br />
A.S. : Sur la gestion statistique, je<br />
partage ce que dit Philippe Martinez.<br />
Le pays ne sortira pas de l’ornière si<br />
des gens ne travaillent qu’une heure<br />
par mois. Cependant, un chef d’entreprise<br />
qui voit arriver un surcroît<br />
d’activité s’interroge sur sa capacité à<br />
y faire face à court terme puis sur ce<br />
qui se passera à moyen terme après<br />
cette commande. J’en rencontre donc<br />
tous les jours qui préfèrent laisser<br />
échapper une opportunité plutôt que<br />
de prendre un risque. Savoir qu’ils<br />
pourront s’adapter les rassurera. En<br />
confiance, on espère qu’ils embaucheront<br />
plus en CDI qu’en CDD. Car<br />
l’intérêt collectif, c’est d’offrir plus<br />
de perspectives à tout le monde. Un<br />
salarié en CDI consomme, investit<br />
plus sereinement.<br />
Sur la mutualisation des investissements,<br />
des apprentissages au<br />
niveau de la branche, nous devons<br />
travailler sur des filières dont les partenaires<br />
réduiraient les risques en<br />
s’engageant sur des durées longues.<br />
Les grands groupes jouent déjà un<br />
rôle de porte-avions en embarquant<br />
leurs sous-traitants à l’étranger.<br />
P.M. : Hélas, ceux qui ne peuvent pas<br />
suivre se retrouvent sans boulot…<br />
Le chef de l’Etat veut,<br />
dès octobre, réformer la<br />
formation professionnelle.<br />
Vous êtes partants ?<br />
P.M. : Le président, dans ce domaine,<br />
comme bien d’autres, a sa vision… et<br />
les pieds qui ne touchent pas terre.<br />
Laisser accréditer l’idée que la formation<br />
professionnelle serait un puits<br />
sans fond au service de quelques-uns,<br />
c’est limite populiste. Ces organismes<br />
sont certifiés, justement, comme<br />
c’est paritaire, on se surveille.<br />
A.S. : Je regrette aussi que ce sujet<br />
de la formation serve à instruire le<br />
procès des partenaires sociaux. On<br />
nous dit : vous avez 34 milliards, vous<br />
20 / <strong>Marianne</strong> / 8 au 14 septembre 2017<br />
“Lorsqu’un accord rempLace<br />
un contrat individueL, c’est<br />
un méchant changement !”<br />
phiLippe martinez<br />
n’en faites rien Or nous ne gérons<br />
ensemble que 10 % de ce montant ! Le<br />
reste est mobilisé par les entreprises,<br />
par l’Etat employeur et les pouvoirs<br />
publics. Nous désigner comme premiers<br />
responsables est une erreur,<br />
cela ne reflète ni la réalité des chiffres,<br />
ni la répartition des responsabilités !<br />
En outre, le système fonctionne plutôt<br />
bien : la qualification des salariés<br />
répond aux demandes et besoins des<br />
entreprises !<br />
Le président veut dégager<br />
15 milliards pour la formation<br />
des personnes sans emploi.<br />
C’est pertinent ?<br />
A.S. : Quinze milliards sur cinq ans,<br />
ça fait 3 milliards par an. S’il nous<br />
prend la totalité de l’argent que nous<br />
gérons, comment aiderons-nous les<br />
salariés à s’adapter ? Jeunes et chômeurs<br />
doivent être formés, mais un<br />
actif en emploi doit aussi être soutenu<br />
pour le conserver et s’adapter<br />
aux révolutions technologiques.<br />
P.M. : Considérer que tous les privés<br />
d’emploi ont besoin de formation,<br />
c’est caricatural ! Nous avons des<br />
bac + 5 privés d’emploi qui ont quand<br />
même une qualification ! Discutons,<br />
mais pas sur une base consistant<br />
à dire « vous avez trop d’argent qui<br />
ne sert pas ». Ce n’est pas nous qui<br />
créons, homologuons des boîtes<br />
dont certains formateurs n’ont pas<br />
l’expérience requise ! En Bretagne,<br />
la CGT a levé un lièvre sur une boîte<br />
de préparation au mannequinat qui<br />
tendait plus vers la prostitution. Qui<br />
l’avait accréditée ?<br />
Vous soutenez donc la<br />
volonté de Macron de<br />
noter ces organismes ?<br />
P.M. : Oui. Il faut aussi améliorer<br />
la formation continue de tous les<br />
salariés et pas seulement de ceux<br />
qui intéressent le plus l’entreprise,<br />
c’est un point de différence avec le<br />
Medef. Il faut leur donner une base<br />
plus large qu’une simple adaptation<br />
au poste de travail. Un employé d’un<br />
sous-traitant contribue autant à la<br />
réalisation d’un produit qu’un salarié<br />
dans un grand groupe. Reconnaissons-le<br />
dans les grilles de salaires<br />
et de classification.<br />
A.S. : Je reconnais qu’il y a encore<br />
du travail à faire pour améliorer la<br />
formation des salariés dans l’entreprise<br />
et en dehors.<br />
Vous défendez tous les<br />
deux le paritarisme ?<br />
A.S. : Oui, mais un paritarisme<br />
transparent, exemplaire, centré<br />
sur les besoins des salariés et des<br />
entreprises.<br />
P.M. : Je complète. Démocratique, où<br />
chacun compte pour un et le Medef<br />
pas pour cinq.<br />
La CGT mobilise le<br />
12 septembre. Vous attendez<br />
des cortèges massifs ?<br />
P.M. : Je ne suis pas Madame Irma.<br />
On nous accuse d’en rajouter sur<br />
les ordonnances, nous disons qu’il<br />
y a danger. Les salariés trancheront.<br />
Comment appréhendez-vous<br />
ces cortèges et ces débrayages<br />
dans les entreprises,<br />
monsieur Saubot ?<br />
A.S. : Le droit syndical et le droit<br />
de manifester sont garantis par la<br />
Constitution. Les chefs d’entreprise<br />
respectent la loi et les garanties accordées<br />
dans les pays démocratiques. n<br />
propos recueillis par l.d. et r.d.