Marianne
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l’actualité expliquée par l’histoire<br />
politique<br />
› il a été chassé le 12 mai 1588 que le roi Henri III est<br />
assassiné à Saint-Cloud, le 2 août 1589.<br />
Pour reprendre la ville, Henri IV tire en vain ses<br />
boulets en direction du faubourg Saint-Antoine. Leur<br />
souvenir est perpétué par une rue du XI e arrondissement<br />
et une station de la ligne 9 du métro. La conversion<br />
et le fameux « Paris vaut bien une messe » seront<br />
plus effcaces. Le bon roi Henri veut moderniser la<br />
ville et quitter le Louvre, hanté d’atroces souvenirs. Il<br />
construit un palais élégant, formant une place carrée…<br />
Le poignard de Ravaillac met fin au rêve, le pouvoir<br />
ne s’installera pas place des Vosges. Le temps des<br />
murailles continues est révolu. Elles n’avaient arrêté<br />
aucun ennemi extérieur.<br />
de agostini / leemage<br />
Muraille fiscale<br />
Les Bourbons reprennent cependant l’idée fixe des<br />
anciens capétiens : fixer clairement les limites de Paris.<br />
Louis XIII construit de nouvelles barrières. De nouveau,<br />
la ligne fortifiée se retourne contre la monarchie, elle<br />
permet aux Frondeurs de tenir en respect les troupes<br />
de Louis XIV, qui sitôt victorieux la détruit, remplaçant<br />
les portes Saint-Denis et Saint-Martin par des arcs<br />
de triomphe à sa gloire. De ces travaux grandioses,<br />
l’histoire retiendra une chanson de Norbert Glanzberg<br />
pour Yves Montand, les Grands Boulevards.<br />
Cependant, Paris n’en avait pas fini avec les grands<br />
ouvrages de ceinture. Sous Louis XVI, la Ferme Générale<br />
obtint la construction d’une ligne frontalière entourant<br />
la ville, avec 57 barrières équipées de postes d’octroi.<br />
Commencée en 1784, la muraille fiscale est bouclée<br />
en 1789. Ainsi pouvait-on contrôler strictement les<br />
denrées entrant ou sortant de Paris. L’effet immédiat<br />
fut le développement du commerce à l’extérieur de la<br />
ville. Un grand marché de chevaux se développe ainsi à<br />
Montreuil, au croisement des chemins de Rosny et de<br />
Vincennes, qui avec l’accent des cochers de l’époque<br />
devient donc la Croix-de-Chavaux.<br />
L’enceinte des Fermiers Généraux renforce évidemment<br />
le mécontentement des Parisiens. Les marchands<br />
des faubourgs sont ruinés par le contrôle de la Ferme et<br />
les prix s’envolent à l’intérieur de la capitale. Aux états<br />
généraux de 1789, l’abolition des taxes et de l’octroi<br />
figure en bonne place sur les Cahiers de doléances des<br />
Parisiens. La Ferme Générale est supprimée en 1791<br />
et nombre de bâtiments d’octroi flambant neufs sont<br />
joyeusement détruits comme autant de symbole de<br />
l’Ancien Régime. Quelques bâtisses subsistent, et, près<br />
des octrois de la barrière du Trône, devenue place du<br />
Trône renversé, aujourd’hui place de la Nation, s’élève<br />
l’une des trois guillotines de la Terreur.<br />
Du 22 au 25 floréal An II le tribunal révolutionnaire<br />
juge les Fermiers généraux qui finissent presque tous<br />
sous le « rasoir national ». Il reste une ligne de boulevards,<br />
et les deux lignes de métro partiellement aérien,<br />
menant de Nation à Etoile, par Barbès-Rochechouart<br />
au nord et Denfert-Rochereau au sud. L’octroi disparu,<br />
conçue pour<br />
parcourir d’est en<br />
ouest la capitale,<br />
la rue de Rivoli,<br />
dont le tracé fut<br />
ordonné par Napoléon<br />
Bonaparte en 1801<br />
afin de permettre<br />
aux fiacres et<br />
aux escadrons de<br />
traverser paris<br />
jusqu’à la place de<br />
la Concorde, va être<br />
réduite (à d.). il ne<br />
restera bientôt qu’une<br />
seule voie sur la large<br />
chaussée, qui sera<br />
réservée aux bus<br />
et aux vélos.<br />
les travaux réalisés pour sa construction eurent un<br />
effet inverse de leur objectif, en ouvrant les entrées de<br />
la capitale en plusieurs points. En tout état de cause,<br />
les Prussiens et les Russes entrèrent par deux fois sans<br />
combattre, en 1814 et 1815.<br />
Cette double occupation de Paris ne devait pas<br />
grand-chose à l’absence d’ouvrage de défense, et tout<br />
aux manœuvres des maréchaux et politiciens ; Fouché<br />
et Talleyrand en tête s’empressèrent d’ouvrir les portes<br />
aux armées étrangères venues restaurer les Bourbons.<br />
Le souvenir des Cosaques abreuvant leurs chevaux<br />
dans les bassins des Tuileries était encore assez pesant,<br />
en 1840, sous la monarchie de Juillet, pour que l’on envisage,<br />
en période de paix, de doter Paris de fortifications.<br />
L’idée venait d’un civil, M. Thiers, alors ministre de<br />
Louis-Philippe. Les militaires n’étaient guère enthousiastes,<br />
mais en dépit de l’hostilité du très influent<br />
maréchal Soult, on commença la construction de deux<br />
lignes de forts, formant deux cercles concentriques. Le<br />
cercle intérieur fut complété sous Napoléon III par une<br />
zone permettant de faire camper des troupes et de faire<br />
paître du bétail. Ces magnifiques ouvrages militaires<br />
permirent aux Prussiens d’infliger à Paris le plus long et<br />
le plus terrible siège de son histoire, au cours de l’hiver<br />
1870-1871. Les forts extérieurs donnèrent bien du fil à<br />
retordre à l’envahisseur mais, une fois installées sur les<br />
hauteurs dominant la capitale, les troupes de Bismarck<br />
n’eurent aucun mal à l’encercler. Le plan conçu pour<br />
protéger la capitale servit à en fermer toutes les issues.<br />
Les vivres épuisés, les Parisiens tentèrent de survivre en<br />
les coMMunards tinrent<br />
les versaillais en respect, tant<br />
qu’ils purent s’appuyer sur<br />
les forts construits par adolphe<br />
thiers trente ans plus tôt.<br />
88 / <strong>Marianne</strong> / 8 au 14 septembre 2017