Marianne
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dr<br />
livre<br />
RétRoviseuR<br />
La loi de la jungle<br />
Achaque époque ses « jungles ». Nous<br />
avons Calais. Mais, au début du siècle<br />
dernier, celle de Thomas Callaghan, alias<br />
Jack Black, était peuplée de routards,<br />
de clochards ou de yeggs, des voleurs<br />
spécialisés dans l’ouverture de coffres-forts. La<br />
marge de l’Amérique. A moitié abandonné par<br />
un père veuf, fasciné par les exploits des bandits<br />
de grands chemins, le jeune garçon refusera<br />
toujours de travailler selon les règles des braves<br />
gens. Ecrit en 1926, Personne ne gagne est le<br />
récit autobiographique d’une vie de hobo, ces<br />
vagabonds célestes qui ignoraient l’intérêt<br />
d’acheter un billet de chemin de fer. Après des<br />
années de prison pour trafic et consommation<br />
d’opium, cambriolages et évasions multiples,<br />
assagi, Jack Black deviendra archiviste dans un<br />
journal mais finira ses jours, criblé de balles, dans<br />
le port de San Francisco. Les bibliothèques des<br />
prisons lui feront office d’université, mais ni l’usage<br />
du fouet, ni la camisole de force ne parviendront<br />
jamais à le dompter. Sa morale restera celle des<br />
« Johnson », ces cambrioleurs que la pègre<br />
respecte, selon un code de l’honneur que l’auteur<br />
idéalise probablement. Fresque rocambolesque<br />
mais aussi formidable « roman » initiatique et<br />
d’aventures, le livre offre un aperçu décoiffant de<br />
ce qu’était la future première puissance mondiale<br />
au début des années 30, quand la justice se rendait<br />
à la tête du client et au petit bonheur la loi. n A.L.<br />
Personne ne<br />
gagne, de Jack<br />
Black, éd. Monsieur<br />
Toussaint<br />
Louverture,<br />
470 p., 11,50 €.<br />
dr<br />
Hillbilly élégie, de<br />
J.D. Vance, Globe,<br />
288 p., 22 €.<br />
livre<br />
Le pRophète<br />
de La semaine<br />
Un Trump<br />
d’avance<br />
La couverture française<br />
de Hillbilly élégie est<br />
aussi belle que celle de<br />
l’édition américaine.<br />
Une forêt rougie par<br />
l’automne, quelque part<br />
dans les Appalaches. On<br />
pense aussitôt à Ron Rash, Donald Ray<br />
Pollock et à quelques autres écrivains qui<br />
ont mis ce coin oublié du rêve américain sur<br />
la cartographie de la littérature mondiale.<br />
Inconnu au bataillon jusqu’à la publication<br />
de son livre, James-David Vance, la petite<br />
trentaine, fait désormais partie de la famille.<br />
La sienne est du cru. Redneck comme « ils »<br />
disent, blanche, autrefois ouvrière, démocrate,<br />
et convaincue d’aller au paradis, aujourd’hui<br />
républicaine, pauvre, décimée par la drogue,<br />
la pauvreté et le ressentiment. Ce n’est pas<br />
une fiction mais un témoignage à la première<br />
personne qui, des habitudes alimentaires aux<br />
violences domestiques, dit tout, en bien et en<br />
mal, des valeurs, espoirs et désillusions d’une<br />
population dont la « Grande Société », urbaine,<br />
éduquée et métissée croyait pouvoir à jamais<br />
faire l’économie. L’élection de Donald Trump a<br />
changé la donne et, paru quelques mois avant la<br />
victoire du milliardaire, l’ouvrage de J.D. Vance<br />
a pris là-bas des allures prophétiques. Bien<br />
mieux qu’en tract, mêlant la documentation<br />
académique et la plongée dans l’intime, une<br />
somme sur l’Amérique qui va mal. n A.L.<br />
La date<br />
Le 28 septembre<br />
Ce sera la début du festival Un aller-retour dans le noir à Pau,<br />
dont <strong>Marianne</strong> est partenaire, jusqu’au 1 er octobre. Le parrain<br />
cette année : Pascal Dessaint, dont le dernier roman paraît<br />
ce mois-ci (Un homme doit mourir, Rivages, 240 p., 19,50 €).<br />
8 au 14 septembre 2017 / <strong>Marianne</strong> / 69