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Jean-François Bovy Le pavillon de chasse de ... - MultiMania

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<strong>Jean</strong>-<strong>François</strong> <strong>Bovy</strong><br />

<strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel <strong>de</strong> Bavière à Boisfort par<br />

Germain Boffrand.<br />

Mémoire originellement présenté<br />

pour l’obtention d’un titre universitaire<br />

sous la direction <strong>de</strong> Manuel Couvreur<br />

à l’Université Libre <strong>de</strong> Bruxelles


Je tiens à remercier personnellement monsieur Manuel Couvreur pour ses<br />

conseils évi<strong>de</strong>mment avisé et pour l’intérêt et la confiance qu’il a eu pour ce<br />

travail. Je tiens à remercier Aurélie <strong>François</strong> pour ses encouragements, ses<br />

relectures avisées et malgré tout… ainsi qu’Alexis Bigonville pour son ai<strong>de</strong><br />

précieuse concernant le dépouillement <strong>de</strong>s archives. Que ces trois adjuvants à<br />

l’achèvement <strong>de</strong> ce travail reçoivent mon éternelle reconnaissance.


Liste <strong>de</strong>s abréviations :<br />

A.G.R. : Archives générales du royaume.<br />

B.O.C. : Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour.<br />

C.G. : Correspondance générale.<br />

M.D. : Manuscrits divers.<br />

S.E.A. : Secrétairerie d’état alleman<strong>de</strong>.<br />

S.E.G. : Secrétairerie d’état et <strong>de</strong> guerre.


Plan :<br />

1. Introduction en forme <strong>de</strong> critique historique.<br />

2. Maximilien-Emmanuel, prince-électeur <strong>de</strong> Bavière et Germain Boffrand.<br />

3. La <strong>chasse</strong> et les forêts au XVIIIième siècle.<br />

4. Description générale <strong>de</strong>s lieux, faite d'après les gravures.<br />

5. Description du <strong>pavillon</strong> central, faite d’après les gravures :<br />

5.1 L'extérieur.<br />

5.2 <strong>Le</strong> rez-<strong>de</strong>-chaussée.<br />

5.3 L’étage d’habitation.<br />

6. Inspirations :<br />

6.1 Andrea Palladio.<br />

6.2 Louis <strong>Le</strong> Vau :<br />

6.2.1 Vaux-le-Vicomte.<br />

6.2.2 La ménagerie <strong>de</strong> Versailles.<br />

6.3 Jules Hardouin-Mansart à Marly.<br />

6.4 Autres.<br />

7. Influences et <strong>de</strong>scendance.<br />

8. La question <strong>de</strong> la place du <strong>pavillon</strong> dans l’œuvre <strong>de</strong> Boffrand.<br />

9. La question du rococo dans le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort.


10. Conclusion.<br />

11. Planches.<br />

12. Bibliographie.<br />

13. Archives.<br />

14. Annexes.


1. Introduction :<br />

En 1704, Maximilien-Emmanuel commanda <strong>de</strong>s plans pour un <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>chasse</strong> à situer sur ses terres <strong>de</strong> Boisfort à Germain Boffrand. <strong>Le</strong> prince-électeur<br />

avait rencontré l'architecte par le biais d'une <strong>de</strong> ses maîtresses, la comtesse<br />

d'Arco, qui connaissait Boffrand.<br />

L’essentiel à souligner ici est que les plans que Boffrand réalisa en 1705<br />

nous sont inconnus et que lorsqu’il publie en 1745 son Livre d'architecture 1 , il<br />

est alors l'architecte que l'on connaît aujourd'hui surtout pour l'aspect décoratif<br />

1 BOFFRAND Germain, Livre d'architecture contenant les principes généraux<br />

<strong>de</strong> cet art et les plans, élévations et profils <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s<br />

bâtiments faits en France & dans les pays étrangers, par le sieur<br />

Boffrand, architecte du Roy & <strong>de</strong> son académie royale d'architecture,<br />

Paris, Guillaume Cavalier père, 1745. Nous avons utilisé l’exemplaire<br />

<strong>de</strong> la réserve précieuse <strong>de</strong> la Bibliothèque Royale Albert 1 er <strong>de</strong><br />

Bruxelles. <strong>Le</strong> Livre d’architecture y est présenté sous reliure avec un<br />

second texte <strong>de</strong> Boffrand : Description <strong>de</strong> ce qui a été pratiqué pour<br />

fondre en bronze d’un seul jet la figure équestre <strong>de</strong> Louis XIV, élevée<br />

par la ville <strong>de</strong> Paris dans la place <strong>de</strong> Louis le Grand, en mil six cens<br />

quatre-vingt-dix-neuf. Une notice sur l’ouvrage se trouve dans La<br />

réserve précieuse, naissance d’un département <strong>de</strong> la bibliothèque<br />

royale, Bruxelles, Bibliothèque Albert I, 1961, pp. 176 à 178. Un <strong>de</strong>s<br />

auteurs pense que le Livre d’architecture n’est paru qu’en 1759, voir<br />

du COLOMBIER Pierre, L’architecture française en Allemagne au<br />

XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires <strong>de</strong> France, 1956, p.76.


<strong>de</strong> son œuvre. Ainsi les dix pages <strong>de</strong> gravures du Livre d’architecture<br />

représentant le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Bouchefort et le court texte qui les accompagne sont<br />

les seules sources d'époque qui existent sur les bâtiments 2 . Quarante années<br />

séparent donc la comman<strong>de</strong> et l'élaboration <strong>de</strong> l'édifice <strong>de</strong> sa publication<br />

officielle et il ne nous est pas possible <strong>de</strong> juger a priori ce qui a pu être modifié<br />

par Boffrand durant cette longue pério<strong>de</strong>. Aussi toutes les <strong>de</strong>scriptions et étu<strong>de</strong>s<br />

qui seront faites ici le seront sur la base <strong>de</strong> l'état établi en 1745, tel que les<br />

gravures nous le présentent.<br />

Nous verrons plus loin s'il est possible <strong>de</strong> définir, d'après l'évolution du<br />

style <strong>de</strong> Boffrand suivie à travers d’autres projets et constructions, quelles<br />

adaptations le <strong>pavillon</strong> a pu subir en 40 ans. Notons d'ores et déjà que certains<br />

décèlent à Boisfort " …, dès 1705, ..., les traits qui distinguent l'art <strong>de</strong><br />

Boffrand 3 ", qu’aucune hésitation ne semble nulle part possible quant à<br />

l'objectivité <strong>de</strong>s gravures 4 et que le projet qui nous est présenté en 1745 s’intègre<br />

bien dans l’évolution <strong>de</strong> l’architecture <strong>de</strong> Boffrand. Nous verrons si cette<br />

conclusion peut se vérifier dans les faits.<br />

2 <strong>Le</strong>s gravures sont reproduites en fin <strong>de</strong> texte, ill. 1 à 5 et une copie du texte<br />

introductif aux gravures <strong>de</strong> la main <strong>de</strong> Boffrand figure en annexe 1.<br />

3 GALLET Michel, <strong>Le</strong>s architectes parisiens au XVIIIième siècle, Paris,<br />

Mengès, 1995, p.74.<br />

4 Aucun <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la bibliographie qui traitent plus ou moins du <strong>pavillon</strong><br />

<strong>de</strong> Boisfort ne met en doute l’objectivité <strong>de</strong>s gravures.


Pour savoir si la construction a pu s'achever, en dépit <strong>de</strong>s nombreuses<br />

affirmations sur la question 5 , il nous faut avant tout retourner au texte <strong>de</strong><br />

5 Dans l’ouvrage Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, édité par<br />

GLASER Hubert, Munich, Hirmer, 1976, t.1, p.164, l’on nous<br />

confirme que la construction du <strong>pavillon</strong> a été entamée ; dans la notice<br />

numéro 677, t.2, p.296, l’auteur va jusqu’à affirmer que le bâtiment a<br />

été abandonné "au premier étage", «bis zum ersten Stockwerk», sans<br />

préciser la source <strong>de</strong> cette information. Dans La forêt <strong>de</strong> Soignes, art<br />

et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle : catalogue <strong>de</strong> l’exposition<br />

Europalia 87 Österreich, édité par la Royale Belge et le Château <strong>de</strong>s<br />

Trois-Fontaines, Watermael-Boisfort et Au<strong>de</strong>rghem, 1987, p. 133,<br />

l’on nous confirme que le <strong>pavillon</strong> ne fut jamais réalisé. Pour du<br />

COLOMBIER Pierre, op.cit., p.38 et FREDERICQ-LILAR Marie,<br />

"quelques aspects du rococo flamand, l’architecture et le décor<br />

intérieur" in Rocaille-rococo, étu<strong>de</strong>s sur le XVIIIième siècle,<br />

vol.XVIII, édité par Hervé Hasquin et Roland Mortier, Bruxelles,<br />

1991, p.66, le <strong>pavillon</strong> fut construit. Pour GARMS Jörg, "Boffrand" in<br />

Germain Boffrand 1667-1754, l’aventure d’un architecte indépendant,<br />

présenté sous la direction <strong>de</strong> M. Gallet et J. Garms, Paris, Herscher,<br />

1986, p.59 nous apprend que le <strong>pavillon</strong> fut interrompu parce que<br />

Maximilien-Emmanuel était revenu à l’idée <strong>de</strong> l'aménagement <strong>de</strong><br />

Tervuren, antérieure à celle <strong>de</strong> Boisfort. HAUTECOEUR Louis,<br />

Histoire <strong>de</strong> l'architecture classique en France, Paris, A. Picard, vol.3,<br />

1957, p.83 et p.137 semble d’abord ne pas contester l'achèvement <strong>de</strong><br />

la construction et ensuite paraît hésiter et s'en tient à dire que Boffrand<br />

"<strong>de</strong>ssina" le <strong>pavillon</strong>. Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, Art<br />

& architecture of the eightteenth century in France, Harmondsworth,<br />

Pelican history of art, 1972, v.37., p.208, soulignent les difficultés


l'architecte qui dit clairement que la construction avait dû s'arrêter au retour <strong>de</strong><br />

l'électeur en France 6 .<br />

Quand on voit pour la première fois les gravures, l’œuvre présente<br />

immédiatement un caractère particulier. Afin <strong>de</strong> déterminer précisément celui-ci,<br />

nous étudierons plus profondément le contexte culturel du début du 18 ième siècle<br />

et particulièrement les <strong>de</strong>ux personnalités marquantes <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel<br />

et Germain Boffrand. Par cette approche, nous distinguerons mieux en quoi et à<br />

quel point le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort reflète les esprits particuliers <strong>de</strong> son<br />

commanditaire et <strong>de</strong> son architecte. Boffrand eut dans sa carrière plus d’affinités<br />

avec les princes étrangers qu’avec la France et nous tenterons <strong>de</strong> comprendre<br />

dans la foulée pourquoi l’art <strong>de</strong> Boffrand plut plus particulièrement hors <strong>de</strong><br />

l’influence directe <strong>de</strong> la cour <strong>de</strong> Versailles.<br />

financières qui poursuivent Maximilien-Emmanuel mais préten<strong>de</strong>nt<br />

que la construction n'a pu s'achever. Concernant ces possibles<br />

difficultés financières du prince-électeur, dans les toutes premières<br />

années du 18ième, les informations semblent claires : s’il peur arriver<br />

dans ces années qu’il manque <strong>de</strong> fonds pour certains ouvrages, c’est<br />

parce que beaucoup étaient accomplis en même temps, voir par<br />

exemple <strong>Le</strong> Palais <strong>de</strong> Bruxelles : 8 siècles d’art et d’histoire, par A.<br />

Smolar-Meynart, A. Vanrie, M. Soenen, L. Ranieri, M. Vermeire,<br />

Bruxelles, Crédit Communal, 1991, pp. 128, 132 et 134.<br />

6 BOFFRAND Germain, op.cit., p.45 : «Cette maison a été commencée par Son<br />

Altesse Electorale; mais son voyage en France quelque temps après,<br />

en fit discontinuer l'execution.»


<strong>Le</strong>s analyses contextuelles ne doivent pas faire oublier que l’ensemble <strong>de</strong><br />

Boisfort <strong>de</strong>vait avoir l’usage particulier d’une maison <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> qui a du<br />

imposer certains aspects <strong>de</strong> son organisation. Une approche <strong>de</strong> la pratique<br />

cynégétique <strong>de</strong> l’époque mettra en évi<strong>de</strong>nce ces adaptations et nous pourrons<br />

mesurer à quel point l’architecte a intégré ces fonctions à son projet. Boffrand<br />

n’a pas conçu le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort comme un hôtel parisien et nous tenterons<br />

<strong>de</strong> montrer en quoi le projet présente <strong>de</strong>s caractéristiques qui le relient<br />

indéniablement à la <strong>chasse</strong>.<br />

Pour expliquer la diffusion du modèle <strong>de</strong> Boisfort en Allemagne, nous<br />

mettrons en évi<strong>de</strong>nce en quoi cet ensemble, qui s’insère dans la longue tradition<br />

du plan centré, renouvelle et enrichit ce schéma à une époque qui le goûtait<br />

particulièrement. Nous montrerons par là le fort caractère baroque du <strong>pavillon</strong><br />

<strong>de</strong> Boisfort et <strong>de</strong> son système. Nous insisterons également sur les différences qui<br />

existent entre Boisfort et sa <strong>de</strong>scendance alleman<strong>de</strong> pour mettre en avant ce que<br />

ces générations qui suivent Boffrand auront gardé et perdu <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>sseins.<br />

Enfin, Boffrand étant connu pour être le décorateur le plus représentatif<br />

du style rococo, nous chercherons en quel mesure <strong>de</strong>s prémisses <strong>de</strong> cet art qui<br />

naît alors peuvent être perçus à Boisfort.<br />

Au sujet <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> historique du début du 18 ième siècle, les<br />

informations manquent. D’une part, les fonds d’archives d’époque s’avèrent<br />

souvent incomplets pour les années qui suivent le passage du siècle. <strong>Le</strong>s


archives du Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour sont celle qui nous ont paru d’entrée<br />

les plus intéressantes 7 . Mais comme pour d’autres fonds, il a fallu admettre<br />

qu’entre les <strong>de</strong>rnières années du 17 ième , vers 1697, et la <strong>de</strong>uxième décennie du<br />

18 ième siècle, il n’y avait rien d’intéressant à trouver 8 . On peut considérer que<br />

7 Pour nous gui<strong>de</strong>r dans les archives et l’institution <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour, nous<br />

avons utilisé trois ouvrages <strong>de</strong> références : AERTS Erik,<br />

"Geschie<strong>de</strong>nis en archief van <strong>de</strong> Rekenamers" in Geschie<strong>de</strong>nis en<br />

archief van <strong>de</strong> Rekenamers : Overzicht van <strong>de</strong> archieven en<br />

verzamelingen van het Algemenen Rijksarchieven, Bruxelles, 1996,<br />

pp. 372 à 376, SOENEN Micheline, "Institutions centrales <strong>de</strong>s Pays-<br />

Bas sous l’Ancien Régime" in Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fonds et collections <strong>de</strong>s<br />

archives générales du royaume, Bruxelles, 1994, pp. 554 à 563 et<br />

BETHUNE Kim, "Gestion et entretien <strong>de</strong>s bâtiments royaux dans les<br />

Pays-Bas autrichiens (1715-1794)" in Etu<strong>de</strong>s sur le XVIIIième siècle,<br />

vol.XXIX, édité par Hervé Hasquin et Roland Mortier, Bruxelles,<br />

2001. Voir également <strong>Le</strong>s institutions du gouvernement central <strong>de</strong>s<br />

Pays-Bas habsbourgeois, par E. Aerts, M. Bael<strong>de</strong>, H. Coppens, H. <strong>de</strong><br />

Schepper, H. Soly, A.K.L. Thijs & K. van Honacker, Bruxelles,<br />

archives générales du royaume, 1995, t.2, p.602. La liste exhaustive<br />

<strong>de</strong>s fonds consultés se trouve avec la bibliographie en fin <strong>de</strong> texte.<br />

8 A.G.R., B.O.C., n° 110, 112 et 113, 115 concernent tous les quatre les châteaux<br />

et maisons du domaine <strong>de</strong> Brabant y compris les châteaux <strong>de</strong> Tervuren<br />

et Boisfort. <strong>Le</strong>s pério<strong>de</strong>s concernées par les cartons sont pour le<br />

numéro 110 l’année 1600, pour les 112 et 113 les années entre 1637 et<br />

1655 et pour le 115 les années entre 1737 et 1744. Dans A.G.R.,<br />

B.O.C., n° 145 contenant les quittances et billets d’ouvriers pour les<br />

travaux exécutés au service du Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour entre


Maximilien-Emmanuel a dû ramener vers la Bavière une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> ses<br />

documents personnels concernant ces années ou qu’ils ont été perdus. Pour les<br />

1700 et 1719, on trouve <strong>de</strong>s notes d’entrepreneur précises pour les<br />

années entre 1690 et 1700 puis pour après 1708. Pour les années entre<br />

1708 et 1718, on possè<strong>de</strong> une remise <strong>de</strong> comptes généraux concernant<br />

Tervuren et Boisfort. Dans A.G.R., B.O.C., n° 239 qui contient <strong>de</strong> la<br />

correspondance relative aux domaines <strong>de</strong> Boisfort entre 1600 et 1756,<br />

les informations concernent surtout la première moitié du 17 ième siècle<br />

et un peu le milieu du 18 ième . Dans la correspondance générale, on<br />

rencontre les mêmes lacunes : A.G.R., C.G., n° 199, censé contenir les<br />

années <strong>de</strong> 1683 à 1712 contient en fait les années entre 1683 et 1685<br />

puis celles entre 1709 et 1712. A.G.R., C.G., n° 200 et 201 concernent<br />

les années entre 1686 et 1699. A.G.R., C.G., n° 202 contient les<br />

années entre 1700 et 1718 avec <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s lacunaires entre 1704 et<br />

1708. A.G.R., C.G., n° 399 concerne la charge <strong>de</strong> J.-B. Aimé et<br />

contient <strong>de</strong>s notes concernant divers travaux entrepris aux bâtiments<br />

<strong>de</strong> la cour et aux domaines <strong>de</strong> Tervuren et Boisfort, à partir <strong>de</strong> 1730<br />

seulement. Remarquons que ces lacunes se remarquent également<br />

dans la correspondance politique du prince-électeur, par exemple<br />

contenue dans les archives <strong>de</strong> la Secrétairerie d’Etat et <strong>de</strong> Guerre <strong>de</strong>s<br />

archives générales. Dans A.G.R., S.E.G., n° 593 et 594 qui<br />

contiennent la correspondance <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel avec divers<br />

interlocuteurs français et espagnols, le numéro 593 concerne les<br />

années 1692 à 1702 et le 594 les années 1704 à 1706. Ce <strong>de</strong>rnier est<br />

essentiellement constitué <strong>de</strong> lettres en espagnol. A.G.R., S.E.G., n°<br />

595 contient la correspondance <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel avec le<br />

prési<strong>de</strong>nt du Conseil <strong>de</strong>s finances entre 1685 et 1702.


années plus tardives <strong>de</strong>s séjours belges <strong>de</strong> l’électeur, à partir <strong>de</strong> 1710 plus ou<br />

moins, l’on trouve <strong>de</strong> nombreux documents d’archives.<br />

<strong>Le</strong> Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour est une institution proprement <strong>de</strong>stinée<br />

à la gestion <strong>de</strong>s entretiens et constructions <strong>de</strong>s bâtiments royaux et domaniaux<br />

ainsi qu’à la prévention <strong>de</strong>s abus dans ces domaines. L’institution a été fondée<br />

dès le 15 ième siècle et en 1685, par décision royale, elle s’occupa <strong>de</strong> l’entièreté<br />

<strong>de</strong>s bâtiments dont une partie était auparavant cogérée par le Conseil <strong>de</strong>s<br />

finances. <strong>Le</strong> Bureau <strong>de</strong>s ouvrages resta cependant subordonné à celui-ci et à la<br />

Chambre <strong>de</strong>s comptes 9 . <strong>Le</strong> contrôleur, soumis pourtant à un surintendant, est<br />

l’élément central du Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour. Il est le relais entre la<br />

hiérarchie institutionnelle et les ouvriers ; il règle et vérifie les comptes relatifs<br />

aux payements <strong>de</strong>s ouvriers et à l’achat <strong>de</strong>s matériaux 10 , il pratique <strong>de</strong>s visites<br />

aux chantiers pour estimer l’importance <strong>de</strong>s travaux, vérifier leur bonne<br />

réalisation et les surveiller, il établit aussi <strong>de</strong>s estimations <strong>de</strong> coût <strong>de</strong>s travaux<br />

qui seront remises à la Chambre <strong>de</strong>s comptes, laquelle pourra accor<strong>de</strong>r<br />

partiellement ou complètement les travaux puis au Conseil <strong>de</strong>s finances qui<br />

allouera <strong>de</strong>s fonds 11 . <strong>Le</strong>s travaux entrepris par le Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour,<br />

sans l’accord <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux institutions, n’étaient en général pas payés 12 .<br />

9 BETHUNE Kim, op.cit., pp. 15 à 20.<br />

10 Ibi<strong>de</strong>m, pp. 35 et 37.<br />

11 Ibi<strong>de</strong>m, pp.25 à 31.<br />

12 Ibi<strong>de</strong>m, p.75.


On notera que la charge d’architecte <strong>de</strong> la cour, qui resta en général liée<br />

au Bureau <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> la cour, était parfois directement soumise au<br />

gouverneur général. Même si cette particularité n’est plus particulièrement<br />

attestée que dans la secon<strong>de</strong> moitié du 18 ième siècle 13 , appliquée au<br />

gouvernement <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel, elle pourrait expliquer certaines<br />

lacunes <strong>de</strong>s archives du Bureau. Il semble que l’engagement <strong>de</strong> Boffrand se soit<br />

fait <strong>de</strong> manière à peu près officieuse, et partant <strong>de</strong> là, l’on doit comprendre que<br />

celui-ci n’apparaisse pas dans les documents conservés. <strong>Le</strong> premier architecte<br />

i<strong>de</strong>ntifié est un dénommé Herroquelle qui est mentionné dans les documents en<br />

1710 14 .<br />

Il faut ensuite considérer la littérature scientifique : certaines coupures<br />

historiques arbitraires ten<strong>de</strong>nt parfois à placer dans l’ombre <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s dont<br />

les ouvrages ne traitent plus qu’à titre comparatif ou introductif. <strong>Le</strong>s premières<br />

années du 18 ième siècle sont intégrées pour la commodité au 18 ième siècle et ainsi<br />

<strong>de</strong> suite. <strong>Le</strong> 18 ième siècle aura tendance à finir avec les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> Louis<br />

XIV, ce qui semble mieux correspondre à une certaine réalité historique, alors<br />

que les étu<strong>de</strong>s sur le 17 ième siècle ne s’éten<strong>de</strong>nt pas toutes au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 1700. Il<br />

s’ensuit un certain flou quant au début du nouveau siècle. Selon ce qui a été<br />

13 Ibi<strong>de</strong>m, p.39.<br />

14 Ibi<strong>de</strong>m, annexe 6, p.194.


constaté dans les archives, les renseignements se font plus nombreux et précis<br />

après environ 1710.


2. Maximilien-Emmanuel, prince-électeur <strong>de</strong> Bavière, et<br />

Germain Boffrand:<br />

Partout le personnage <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel nous est décrit comme un<br />

extravagant et un ambitieux. Durant les séjours qu'il fit à Bruxelles et ailleurs<br />

dans nos régions, et malgré les déboires divers qu'il y connut, il fut remarqué<br />

pour son goût du luxe, <strong>de</strong> la fête et <strong>de</strong>s arts. Aucun revers ne put entamer son<br />

optimisme débordant ni ses projets <strong>de</strong> conquêtes multiples. Intrigant, imaginatif<br />

et sans scrupule, il crut toujours être en pouvoir <strong>de</strong> réaliser son rêve <strong>de</strong> contrôler<br />

les Pays-Bas 15 .<br />

15 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.38, GACHARD Louis-Prosper, Histoire<br />

<strong>de</strong> la Belgique au début du XVIIIe siècle, Bruxelles, Librairie<br />

européenne C. Muquardt, 1880, pp. 4 et 5, PIOT Charles,<br />

"Maximilien-Emmanuel" in Biographie nationale, Bruxelles, 1897,<br />

t.14, p.169 et PIRENNE Henry, Histoire <strong>de</strong> Belgique <strong>de</strong>s origines à<br />

nos jours, t.3, Bruxelles, 1973, pp. 263 à 265. Cette vie fastueuse, faite<br />

<strong>de</strong> carnavals, <strong>de</strong> banquets, <strong>de</strong> concerts, <strong>de</strong> représentations <strong>de</strong> pièces <strong>de</strong><br />

théatre et d’opéras, est également attestée par le relevé <strong>de</strong>s très<br />

fréquentes cérémonies contenu dans le "Journal <strong>de</strong>s cérémonies <strong>de</strong> la<br />

cour <strong>de</strong> Bruxelles <strong>de</strong>puis le 26 mars 1692 jusqu’à la fin <strong>de</strong> 1766<br />

pendant que Max-Emmanuel et le Marquis <strong>de</strong> Bedmar étaient<br />

gouverneurs généraux <strong>de</strong>s Pays-Bas catholiques, tenu par Lozano,<br />

Ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Oratoire <strong>de</strong> la Chapelle Royale" in A.G.R., M.D., n° 923.<br />

Cette liste concerne uniquement les activités organisées dans le cadre<br />

<strong>de</strong> la Chapelle royale et ce n’est donc qu’un témoin partiel du tumulte<br />

<strong>de</strong> la vie bruxelloise sous le prince-électeur.


Parmi les nombreux détours politiques qu’a emprunté la carrière <strong>de</strong><br />

Maximilien-Emmanuel, qui reçut à la mort <strong>de</strong> son père la principauté <strong>de</strong><br />

Bavière, plusieurs l’ont ramené dans la région du Brabant où il passera une<br />

partie <strong>de</strong> sa vie.<br />

<strong>Le</strong> Brabant, au tournant du siècle, est un territoire <strong>de</strong>s Pays-Bas espagnols<br />

convoité par la France. Maximilien vit pour la première fois se présenter<br />

l'occasion <strong>de</strong> s'installer en nos régions en 1689, lorsque l'empereur Léopold lui<br />

proposa en mariage sa fille Marie-Antoinette. Cette alliance lui conférait par<br />

donation le contrôle <strong>de</strong>s provinces espagnoles du nord 16 . Volontaire et soucieux<br />

d'agrandir ses possessions personnelles, il désira vite s'installer. Grâce à<br />

d'importants soutiens et à une certaine reconnaissance <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l'Espagne, en<br />

décembre 1691, il obtint <strong>de</strong> Charles II l'autorité effective sur les Pays-Bas<br />

espagnols, sous le titre <strong>de</strong> gouverneur général 17 . Immédiatement, Maximilien-<br />

Emmanuel s'installe à Bruxelles 18 .<br />

16 HASQUIN Hervé, Dictionnaire d'histoire <strong>de</strong> Belgique, Bruxelles, Didier<br />

Hatier, 1988, p.320 et PIOT Charles, op.cit., pp. 162 à 164.<br />

17 <strong>Le</strong> gouverneur général était le plus haut délégué <strong>de</strong>s souverains espagnols puis<br />

autrichiens, il occupait la plus haute position après eux. <strong>Le</strong> gouverneur<br />

général <strong>de</strong>vait présenter <strong>de</strong> hautes qualités <strong>de</strong> noblesse et <strong>de</strong>s talents<br />

diplomatiques et militaires. Voir <strong>Le</strong>s institutions du gouvernement<br />

central <strong>de</strong>s Pays-Bas habsbourgeois, op.cit., t.1, pp. 188 et 191 et<br />

LEFEVRE Joseph, "la correspondance <strong>de</strong>s Gouverneurs Généraux <strong>de</strong><br />

l’époque espagnole" in Archives, bibliothèques et musées <strong>de</strong> Belgique,<br />

n°XXI, Bruxelles, 1950, p.28. Au début du 18 ième siècle, l’introduction


La vie bruxelloise du prince est ponctuée entre 1692 et 1700 par la guerre<br />

contre les Français, que les régions du sud <strong>de</strong>s Pays-Bas espagnols intéressent<br />

vivement, et par <strong>de</strong>s troubles sociaux 19 .<br />

En 1700, quand les terres <strong>de</strong> Charles II, à la mort <strong>de</strong> celui-ci, furent<br />

léguées à Philippe d'Anjou et que l'empire d'Autriche s'opposa à cet arrêté<br />

testamentaire, Maximilien-Emmanuel prit le parti <strong>de</strong> la France en dépit <strong>de</strong> son<br />

usuel attachement à la maison d'Autriche 20 . On ne peut douter chez l’électeur<br />

d’un certain goût pour la France et d’une gran<strong>de</strong> admiration pour la cour <strong>de</strong><br />

Louis XIV qui ont du jouer dans la prise <strong>de</strong> cette décision 21 . Pour prix <strong>de</strong> son<br />

revirement politique, Maximilien-Emmanuel manda le gouvernement <strong>de</strong>s Pays-<br />

Bas à titre perpétuel aux Français. En 1702, Louis XIV, auquel son petit-fils<br />

d’un ministre plénipotentiaire va quelque peu limiter le pouvoir du<br />

gouverneur général. En 1703, Maximilien-Emmanuel se plaint d’être<br />

<strong>de</strong>venu inutile <strong>de</strong>puis l’entrée en fonction du ministre. Voir <strong>Le</strong>s<br />

institutions du gouvernement central <strong>de</strong>s Pays-Bas habsbourgeois,<br />

op.cit., t.1, pp. 188, 226 et 279.<br />

18 HASQUIN Hervé, op.cit., p.320 et PIOT Charles, op.cit., pp. 162 à 164.<br />

19 GACHARD Louis-Prosper, op.cit., p. 5, HASQUIN Hervé, op.cit., p. 320 et<br />

PIOT Charles, op.cit., pp. 165 et 166.<br />

20 <strong>Le</strong>s institutions du gouvernement central <strong>de</strong>s Pays-Bas habsbourgeois, op.cit.,<br />

t.1, pp. 31 et 42, GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 15 et 16 et<br />

SOENEN Micheline, "Institutions centrales <strong>de</strong>s Pays-Bas sous<br />

l’Ancien Régime" in Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fonds et collections <strong>de</strong>s archives<br />

générales du royaume, Bruxelles, 1994, p.190.<br />

21 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.38 et 39.


Philippe avait octroyé ce titre, conclut avec le prince <strong>de</strong> Bavière un accord :<br />

Maximilien-Emmanuel allait continuer à bénéficier <strong>de</strong>s revenus <strong>de</strong> sa charge <strong>de</strong><br />

gouverneur général <strong>de</strong>s Pays-Bas mais il ne recevrait la souveraineté sur ces<br />

territoires qu’au cas où ses possessions bavaroises venaient à être perdues 22 . En<br />

1701, il était rentré en Bavière où, en raison d'actions belliqueuses et d'intrigues,<br />

il fut définitivement mis au ban <strong>de</strong> l'empire 23 .<br />

En 1704, ayant été privé <strong>de</strong> ses provinces après la bataille d’Höchstädt 24 ,<br />

il se réfugia en France avec son frère l'Electeur <strong>de</strong> Cologne, Joseph-Clément. Il<br />

voulut que l'accord signé avec Louis XIV soit mis en application mais les<br />

Espagnols s’y opposèrent et Maximilien dut se contenter <strong>de</strong> continuer d’exercer<br />

à Bruxelles les fonctions <strong>de</strong> gouverneur général. Il organisa à cette occasion la<br />

défense <strong>de</strong> la ville contre les Alliés 25 . C'est durant cette pério<strong>de</strong> que le prince-<br />

22 GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 17, 18, 27, <strong>de</strong> SCHRIJVER Réginald,<br />

"<strong>Le</strong>s prétentions autrichiennes à l’héritage <strong>de</strong>s Habsbourg d’Espagne.<br />

<strong>Le</strong>s Pays-Bas du sud pendant la guerre <strong>de</strong> succession d’Espagne.<br />

1700-1716" in Belgique autrichienne, 1713-1794 : les Pays-Bas<br />

méridionaux sous les Habsbourg d’Autriche, édité par HASQUIN<br />

Hervé, Bruxelles, crédit Communal, 1987, p.14.<br />

23 HASQUIN Hervé, op.cit., p. 320, PIOT Charles, op.cit., pp.166 et 167 et<br />

PIRENNE Henry, op.cit., pp. 263 à 265.<br />

24 GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 125 et 126 et <strong>de</strong> SCHRIJVER<br />

Réginald, op.cit., p.22.<br />

25 HASQUIN Hervé, op.cit., p. 320, PIOT Charles, op.cit., p.167 et PIRENNE<br />

Henry, op.cit., pp. 264 et 265.


électeur fit connaissance avec Germain Boffrand par l'entremise <strong>de</strong> son amie la<br />

comtesse d'Arco. Née Agnès <strong>Le</strong>louchier, celle-ci fut très longtemps la maîtresse<br />

<strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel 26 . Elle se maria avec le comte Ferdinand d’Arco en<br />

1695 27 . Maximilien et la comtesse entretinrent une correspondance importante<br />

dans laquelle on peut suivre la volonté progressive <strong>de</strong> Maximilien <strong>de</strong> construire<br />

dans ses nouveaux domaines brabançons. Ce goût <strong>de</strong>s constructions lui est venu<br />

<strong>de</strong> l’exil 28 . En janvier 1705, il décrit par missive à la comtesse le divertissement<br />

que lui procurent bâtiments et jardins et s’amuse aussi à imaginer <strong>de</strong>s projets<br />

d’architecture. Un peu plus tard, l’intendant <strong>de</strong>s jardins Carbonnet arrive à<br />

Bruxelles, suivi <strong>de</strong> peu, en février, par Germain Boffrand, pour un séjour<br />

bruxellois qu’il renouvellera dans l’année 29 . Apparemment, l’architecte fut<br />

26 Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.1, p.53, De<br />

SCHRIJVER Réginald, Max II. Emanuel von Bayern und das<br />

spanische Erbe : die europäischen Ambitionen <strong>de</strong>s Hauses<br />

Wittelsbach, 1665-1715, Mainz, P. Von Zabern, 1996, pp. 149, 158 et<br />

238 et du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.38.<br />

27 Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.1, p.99 et du<br />

COLOMBIER Pierre, op.cit., p.38 qui semble vouloir dire qu’Agnès<br />

<strong>Le</strong>louchier était <strong>de</strong>venue comtesse grâce à l’appui <strong>de</strong> Maximilien-<br />

Emmanuel.<br />

28 GARMS Jörg, op.cit., p.59 et Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um<br />

1700, op.cit., t.1, pp. 131 et 134.<br />

29 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., pp. 38 et 39 et GARMS Jörg, op.cit., p.59.


ecommandé à Maximilien-Emmanuel par la comtesse d’Arco 30 et à cette<br />

occasion il prit la place d’Alexis Delamair, un architecte français qui s’était<br />

rendu en Bavière au service <strong>de</strong> l’électeur 31 . Des liens qui pouvaient rapprocher<br />

la comtesse <strong>de</strong> Boffrand à cette époque, on ne sait rien, mais il est probable que<br />

la renommée que s’était acquise l’architecte dès ses premiers travaux parisiens<br />

avait fait <strong>de</strong> lui le candidat idéal 32 . En tout cas, la rencontre entre Maximilien et<br />

l’architecte enchantera l’électeur qui trouvera dans la conversation architecturale<br />

le plus grand plaisir. Maximilien ne tarira pas d’éloges pour Boffrand 33 .<br />

On peut penser que la longue affectation <strong>de</strong> l’électeur à son poste a<br />

participé <strong>de</strong> cette envie <strong>de</strong> construire. Ses prédécesseurs restèrent en général trop<br />

peu <strong>de</strong> temps pour pouvoir caresser <strong>de</strong> telles ambitions.<br />

30 Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.1, p.132 et t.2,<br />

n°677, p.296 et GARMS Jörg, op.cit., p.23.<br />

31 GARMS Jörg, op.cit., p.23. Notons qu’avant Delamair, Maximilien venait <strong>de</strong><br />

congédier un autre architecte qu’il avait <strong>de</strong>puis 30 ans à son service,<br />

l’italien Enrico Zuccali. Voir du COLOMBIER Pierre, op.cit., pp. 38<br />

et 39.<br />

32 GALLET Michel, "introduction" in Germain Boffrand 1667-1754, l’aventure<br />

d’un architecte indépendant, présenté sous la direction <strong>de</strong> M. Gallet et<br />

J. Garms, Paris, Herscher, 1986, pp. 10 et 11.<br />

33 Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.1, p.132 et t.2,<br />

n°678, p.297, voir aussi du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.82.


En 1706, après sa défaite à la bataille <strong>de</strong> Ramillies et la perte du<br />

Brabant 34 , vaincu et débouté, Maximilien-Emmanuel se réfugie en France. Son<br />

projet <strong>de</strong> <strong>pavillon</strong> ne sera jamais achevé et il se voit forcé d’oublier pour un<br />

temps son engouement pour les bâtiments 35 .<br />

La suite <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> l'électeur est presque une suite d'échecs et <strong>de</strong> défaites.<br />

Il s'installera quelques temps à Mons, voudra attaquer sans succès la ville <strong>de</strong><br />

Bruxelles <strong>de</strong>venue autrichienne et <strong>de</strong>vra à chaque fois reculer et se réfugier en<br />

France 36 . En 1711, grâce au soutien du vieux Louis XIV, il installera un<br />

gouvernement dans les comtés <strong>de</strong> Namur et <strong>de</strong> Luxembourg. Il <strong>de</strong>viendra même,<br />

grâce au traité <strong>de</strong> 1702, souverain <strong>de</strong> partie restée française <strong>de</strong>s Pays-Bas <strong>de</strong><br />

1712 à 1714 37 . Cette année-là, il fut rétabli en ses terres alleman<strong>de</strong>s, renonça à sa<br />

34 GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 131 à 134 et <strong>de</strong> SCHRIJVER<br />

Réginald, "<strong>Le</strong>s prétentions autrichiennes à l’héritage <strong>de</strong>s Habsbourg<br />

d’Espagne. <strong>Le</strong>s Pays-Bas du sud pendant la guerre <strong>de</strong> succession<br />

d’Espagne. 1700-1716" in Belgique autrichienne, 1713-1794 : les<br />

Pays-Bas méridionaux sous les Habsbourg d’Autriche, op.cit., pp. 16<br />

et 17.<br />

35 Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.1, p.132 et<br />

GARMS Jörg, op.cit., p.59.<br />

36 GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 152 à 154.<br />

37 <strong>Le</strong>s institutions du gouvernement central <strong>de</strong>s Pays-Bas habsbourgeois, op.cit.,<br />

p.32, GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 288 à 293 et <strong>de</strong><br />

SCHRIJVER Réginald, op.cit., p.22.


souveraineté et quitta définitivement nos contrées 38 . <strong>Le</strong> territoire qui lui échut en<br />

1712 n’est qu’une très petite partie <strong>de</strong> ce que Maximilien-Emmanuel gouvernait<br />

avant 1706 mais en restant dans nos régions, le prince-électeur était toujours à<br />

proximité <strong>de</strong> Paris. Il y avait toujours <strong>de</strong>s connaissances dont la comtesse<br />

d’Arco 39 , il utilisait <strong>de</strong>s troupes françaises pour défendre ses territoires et, en<br />

outre, il espérait toujours obtenir en fréquentant la cour <strong>de</strong> France le trône d’un<br />

pays d’Europe sans roi 40 . Pendant cette <strong>de</strong>rnière pério<strong>de</strong> qu’il passe en France,<br />

Maximilien-Emmanuel fit une secon<strong>de</strong> fois appel à Boffrand pour<br />

l’aménagement d’une maison à Saint-Cloud. Boffrand était chargé d’élaborer les<br />

idées que Joseph Effner <strong>de</strong>vait appliquer sur place 41 . Effner était à Paris <strong>de</strong>puis<br />

1706 et allait <strong>de</strong>venir l’architecte <strong>de</strong> la cour <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel au retour<br />

38 GACHARD Louis-Prosper, op.cit., pp. 315 et 322, HASQUIN Hervé, op.cit.,<br />

p. 320, PIOT Charles, op.cit., pp. 167 à 169 et SOENEN Micheline,<br />

op.cit., p.191.<br />

39 De SCHRIJVER Réginald, Max II. Emanuel von Bayern und das spanische<br />

Erbe : die europäischen Ambioionen <strong>de</strong>s Hauses Wittelsbach, 1665-<br />

1715, op.cit., p.227 et du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.39.<br />

40 De SCHRIJVER Réginald, "<strong>Le</strong>s prétentions autrichiennes à l’héritage <strong>de</strong>s<br />

Habsbourg d’Espagne. <strong>Le</strong>s Pays-Bas du Sud pendant la guerre <strong>de</strong><br />

succession d’Espagne. 1700-1716" in Belgique autrichienne, 1713-<br />

1794 : les Pays-Bas méridionaux sous les Habsbourg d’Autriche,,<br />

op.cit., p.22.<br />

41 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.39, GACHARD Louis-Prosper, op.cit.,<br />

p.319, GARMS Jörg, op.cit., pp. 59 et 60 et HAUTECOEUR Louis,<br />

op.cit., vol.3, pp.82 et 83.


<strong>de</strong> celui-ci en Bavière ; entre-temps il fut sans doute durant huit ans l’élève <strong>de</strong><br />

Boffrand 42 . La <strong>de</strong>rnière pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> présence <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel dans nos<br />

régions est très bien renseignée, tant dans les sources que dans la littérature<br />

scientifique.<br />

A Munich, dès son retour, Maximilien-Emmanuel organise <strong>de</strong>s ateliers <strong>de</strong><br />

toutes sortes pour lesquels il engage <strong>de</strong> nombreux artistes et artisans français. Il<br />

entreprend alors <strong>de</strong>s travaux qui vise à donner à la cour <strong>de</strong> Bavière la<br />

magnificence <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Louis XIV. Effner, entre autres, jouera un rôle dans ces<br />

aménagements.<br />

Maximilien-Emmanuel meurt en 1726.<br />

Germain Boffrand naquit en 1667 à Nantes 43 . Son père était sculpteur et<br />

architecte mais n’étant pas membre d’une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s lignées <strong>de</strong>s métiers du<br />

bâtiment. Cette position quelque peu marginale écartera toute sa vie Boffrand <strong>de</strong><br />

l’architecture officielle. Il était le neveu du poète <strong>de</strong> cour Philippe Quinault qui<br />

le fit venir à Paris pour étudier la sculpture puis l’architecture avec Jules<br />

42 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.39 et PONS Bruno, "Germain Boffrand et<br />

le décor intérieur" in Germain Boffrand 1667-1754, l’aventure d’un<br />

architecte indépendant, présenté sous la direction <strong>de</strong> M. Gallet et J.<br />

Garms, Paris, Herscher, 1986, pp. 206 et 207.<br />

43 L’essentiel <strong>de</strong> cette courte biographie est tiré <strong>de</strong> GARMS Jörg, op.cit., pp. 22<br />

à 28.


Hardouin-Mansart 44 . Il commence sa carrière officielle dans le bureau <strong>de</strong>s<br />

bâtiments du roi au titre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinateur. Il quittera le service <strong>de</strong>s bâtiments du roi<br />

en 1699 pour entreprendre sa première construction : l’hôtel <strong>Le</strong> Brun à Paris<br />

dont il avait obtenu le contrat par le biais <strong>de</strong> son oncle. Cette première<br />

construction personnelle lui vaudra un grand renom dans les milieux parisiens.<br />

A partir <strong>de</strong> là, il s’assurera <strong>de</strong>s comman<strong>de</strong>s à Nancy pour le duc <strong>de</strong> Lorraine, à<br />

Boisfort et dans différents hôtels. En 1710, il entreprend un nouveau type <strong>de</strong><br />

travail : sans attendre <strong>de</strong>s comman<strong>de</strong>s particulières, il achète <strong>de</strong>s terrains qu’il<br />

bâtit selon ses plans d’hôtels particuliers qu’il revend ensuite. Dans ces années il<br />

construit l’un <strong>de</strong>s modèles d’hôtel parisien les plus renommés : l’hôtel Amelot<br />

<strong>de</strong> Gournay. Outre cela, il travaille au Petit-Luxembourg et à l’Arsenal. En<br />

1718, ses investissements s’écroulent et il perd tous ses biens dans une nouvelle<br />

spéculation. La décennie qui suit permet à l’architecte <strong>de</strong> se relever en profitant<br />

<strong>de</strong> sa réputation intacte. Il est consulté en 1723 pour la rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> Würzburg et<br />

l’année suivante part en visite en Allemagne. Dans cette décennie, il dirige et<br />

rebâtit l’Hôpital général mais son activité architecturale connaît une baisse <strong>de</strong><br />

ca<strong>de</strong>nce. En 1735, il décore l’intérieur <strong>de</strong> l’hôtel <strong>de</strong> Soubise qui le rendra<br />

44 Voir Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, Art & architecture of the<br />

eightteenth century in France, Harmondsworth, Pelican history of art,<br />

1972, v.37, p.203.


célèbre. <strong>Le</strong>s quinze <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> sa vie, Boffrand trouvera encore<br />

l’énergie <strong>de</strong> se lancer dans <strong>de</strong> nombreux projets urbanistiques et architecturaux.<br />

Parallèlement à l’architecture, Germain Boffrand eut <strong>de</strong> nombreuses<br />

activités variées : il écrivit <strong>de</strong>s œuvres littéraires dont un éloge à son oncle,<br />

occupa <strong>de</strong> hautes fonctions dans les offices <strong>de</strong>s Ponts et chaussées et dans ceux<br />

<strong>de</strong> l’Hôpital général, il fut ingénieur <strong>de</strong> l’artillerie, il participa à la construction<br />

d’une fabrique <strong>de</strong> tuyaux <strong>de</strong> plomb et investit dans <strong>de</strong>s activités capitaliste, enfin<br />

c’était un membre assidu <strong>de</strong> l’Académie d’architecture. En 1745, il publie ses<br />

idées et surtout <strong>de</strong> nombreuses gravures <strong>de</strong> ses œuvres dans son livre<br />

d’architecture.<br />

Il mourut en 1754.


3. La <strong>chasse</strong> et les forêts au XVIIIième siècle:<br />

<strong>Le</strong>s <strong>chasse</strong>s princières au 18 ième siècle ont subi l’importante influence <strong>de</strong> la cour<br />

française <strong>de</strong> Louis XIV. Au 17 ième siècle, les <strong>chasse</strong>s, comme tout ce qui touche<br />

à la vie <strong>de</strong> cour, se parent d’un faste grandiose. <strong>Le</strong>s effectifs <strong>de</strong>s <strong>chasse</strong>urs<br />

grossissent, les courtisans suivent la <strong>chasse</strong> en carrosses, comme il convient, et<br />

beaucoup d’animaux sont tués 45 . Au 18 ième , on <strong>chasse</strong>ra parfois tant que<br />

certaines espèces se raréfieront et que le nombre moyen <strong>de</strong> grands animaux<br />

diminuera 46 . Il est également <strong>de</strong> coutume que le spectacle <strong>de</strong> la <strong>chasse</strong> soit<br />

ouvert à chacun, comme toute activité royale 47 , mais certaines voies sont<br />

45 SALVADORI Philippe, La <strong>chasse</strong> sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1996,<br />

pp. 194 à 196, 205 et 207.<br />

46 Cela se produisit dans la forêt <strong>de</strong> Soignes, voir WAUTERS Alphonse, op.cit.,<br />

livre neuvième, pp. 233 et 243. D’abord, l’auteur dit que sous Charles<br />

<strong>de</strong> Lorraine, dans la secon<strong>de</strong> moitié du 18 ième , l’on pratiqua la <strong>chasse</strong><br />

<strong>de</strong> masse parce que les bêtes étaient trop nombreuses dans les bois.<br />

Ensuite, il affirme que, durant le 18 ième siècle, certaines espèces<br />

<strong>de</strong>vinrent rares. Sans doute doit-on dès lors supposer que ce sont les<br />

<strong>chasse</strong>s <strong>de</strong> Charles <strong>de</strong> Lorraine qui firent diminuer le nombres<br />

d’animaux dans la forêt <strong>de</strong> Soignes. Voir également GOBLET<br />

d’ALVIELLA Eugène, Histoire <strong>de</strong>s bois et forêts <strong>de</strong> Belgique <strong>de</strong>s<br />

origines à la fin du régime autrichien, Paris et Bruxelles, P. Chevalier<br />

et M. Lamertin, 1927, t.2, pp. 379 à 389 pour une étu<strong>de</strong> complète <strong>de</strong><br />

l’occupation animale <strong>de</strong>s forêts belges.<br />

47 SALVADORI Philippe, op.cit., p.204.


cependant interdites au public 48 . Lors <strong>de</strong>s <strong>chasse</strong>s, cette masse d’acteurs <strong>de</strong>vait<br />

pouvoir manœuvrer dans l’épaisseur <strong>de</strong>s bois et l’on dès lors fit percer <strong>de</strong><br />

nombreuses routes. En règle générale, ces routes sont organisées par série <strong>de</strong><br />

huit à partir d’un point central. Nous décrirons plus loin en quoi cette structure<br />

participait d’un système généralisé dès le 17 ième siècle. Sous Louis XIV, on<br />

prend l’usage <strong>de</strong> relier les huit rayons entre eux pour former un vaste octogone.<br />

<strong>Le</strong>s routes sont larges et les carrefours aménagés pour le passage <strong>de</strong>s voitures et<br />

<strong>de</strong>s calèches. La plupart <strong>de</strong>s implantations et les défrichements qu’elles<br />

nécessitent progressent en suivant les zones les plus fréquentées par les<br />

<strong>chasse</strong>s 49 . Ce découpage géométrique <strong>de</strong>s domaines <strong>de</strong> même que la fondation<br />

<strong>de</strong> nombreux <strong>pavillon</strong>s et <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> participent d’une prise <strong>de</strong><br />

48 MAROTEAU V., "<strong>Le</strong>s forêts péri-urbaines, milieu <strong>de</strong> loisir : le cas <strong>de</strong> la<br />

région parisienne à l’époque mo<strong>de</strong>rne et contemporaine" in <strong>Le</strong> bois et<br />

la ville du moyen-âge au XXième siècle, acte du colloque organisé à<br />

Saint-Cloud les 18 et 19 novembre 1988 par le Centre d’Histoire<br />

Urbaine <strong>de</strong> l’Ecole Normale Supérieure <strong>de</strong> Fontenay / Saint-Cloud et<br />

le Groupe d’Histoire <strong>de</strong>s Forêts Françaises, par J.-L. Biget, J.<br />

Boissière, J.-C. Hervé et D. Roche, Saint-Cloud, Ecole Normale <strong>de</strong><br />

Fontenay, 1991, p.98.<br />

49 MAROTEAU V., op.cit., p.98 et SALVADORI Philippe, op.cit, pp. 213 et<br />

210. L’extension du système général dépend en ce sens <strong>de</strong> l’activité<br />

cynégétique. Notons que souvent la <strong>chasse</strong> fut un élément qui joua en<br />

faveur <strong>de</strong> la conservation <strong>de</strong> massifs forestiers et donc <strong>de</strong> leur<br />

aménagement réfléchi. Voir GOBLET d’ALVIELLA Eugène, op.cit.,<br />

t.2, pp. 369, 378 et 379.


contrôle <strong>de</strong> l’espace <strong>de</strong> la forêt et assoit la puissance du roi sur la nature par <strong>de</strong>s<br />

signes physiques et concrets 50 .<br />

Outre son rôle <strong>de</strong> loisir privilégié, la <strong>chasse</strong> s’accompagne d’une<br />

importante activité sociale parallèle à la vie <strong>de</strong> cour journalière. Durant les<br />

assemblées qui précè<strong>de</strong>nt les <strong>chasse</strong>s, et les repas qui les suivent, est présent tout<br />

l’entourage <strong>de</strong> l’illustre hôte qui continue ainsi d’organiser sa société.<br />

Nombreuses sont les personnes qui ne viennent pas pour la <strong>chasse</strong> proprement<br />

dite, ainsi l’activité cynégétique est étroitement liée à l’attribution <strong>de</strong>s places et<br />

du rang à la cour <strong>de</strong> Louis XIV 51 .<br />

Cette présence courtisane, celle <strong>de</strong>s <strong>chasse</strong>urs et l’entretien <strong>de</strong>s animaux<br />

<strong>de</strong> <strong>chasse</strong> nécessitaient <strong>de</strong> nombreuses constructions : habitations, chenils,<br />

écuries, etc. Il était <strong>de</strong> plus important que la <strong>chasse</strong> progresse, erre d’un endroit<br />

à l’autre et ainsi on fit construire beaucoup d’installations dont la taille variait <strong>de</strong><br />

la simple halte à la plus fastueuse <strong>de</strong>meure 52 . Il faut se souvenir que Versailles,<br />

comme d’autres châteaux, n’était à l’origine qu’un simple <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> qui<br />

s’étendit et prit <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> représentation nouvelles, avec le temps.<br />

50 SALVADORI Philippe, op.cit, pp. 146, 213 et 214.<br />

51 Ibi<strong>de</strong>m, pp. 148, 152, 160 et 205.<br />

52 Ibi<strong>de</strong>m, pp. 209 et 213.


4. Description générale <strong>de</strong>s lieux, faite d'après les gravures:<br />

La "maison <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> <strong>de</strong> Monseigneur Maximilien-Emmanuel électeur <strong>de</strong><br />

Bavière, située à 2 lieues <strong>de</strong> Bruxelles, au <strong>de</strong>ssus du village <strong>de</strong> Bouchefort, dans<br />

la forêt <strong>de</strong> Sogné" <strong>de</strong>vait semble-t-il remplacer un <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong><br />

préexistant 53 . <strong>Le</strong> choix <strong>de</strong> Boisfort n’est pas innocent : si Bruxelles est petit à<br />

petit <strong>de</strong>venue capitale <strong>de</strong>s Pays-Bas, c’est en partie parce qu’on pouvait y<br />

53 L'appellation est celle utilisée par l'architecte, BOFFRAND Germain, op.cit.,<br />

p.45 : «Son Altesse Electorale avoit dans le village <strong>de</strong> Bouchefort une<br />

Maison <strong>de</strong> Chasse, qui étoit trop petite : il résolut d’en faire une plus<br />

gran<strong>de</strong> & plus commo<strong>de</strong>. Elle fut placée dans la forêt <strong>de</strong> Sogne au-<br />

<strong>de</strong>ssus du village.» Il est difficile <strong>de</strong> dire si le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong>vait<br />

remplacer un <strong>pavillon</strong> déjà existant au-<strong>de</strong>ssus du village ou si<br />

Boffrand évoque une autre construction <strong>de</strong> Boisfort qui n'aurait plus<br />

suffi aux besoins. GALLET Michel, <strong>Le</strong>s architectes parisiens au<br />

XVIIIième siècle, op.cit., p.74 parle également d’un <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong><br />

à Tervuren que le projet <strong>de</strong> Boisfort aurait pu remplacer dans l’usage.<br />

Il semble d'après la tournure <strong>de</strong> phrase <strong>de</strong> Boffrand que c'est bien sur<br />

place, à Boisfort qu'existait une maison <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> à remplacer. Quant<br />

à l’étymologie <strong>de</strong> Bouchefort, on apprend dans La forêt <strong>de</strong> Soignes :<br />

art et histoire <strong>de</strong>s origines aux XVIIIe siècle : catalogue <strong>de</strong><br />

l’exposition Europalia 87 Österreich, édité par la Royale Belge et le<br />

Château <strong>de</strong>s Trois-Fontaines, Watermael-Boisfort et Au<strong>de</strong>rghem,<br />

1987, p.134 qu’elle provient d’une déformation latine du mot<br />

néerlandais Bosvoor<strong>de</strong>.


<strong>chasse</strong>r 54 . Boisfort était, malgré le mauvais état <strong>de</strong> la forêt au tournant du 18 ième<br />

siècle 55 , un <strong>de</strong>s plus agréables endroits à proximité <strong>de</strong> Bruxelles et avait<br />

54 La forêt <strong>de</strong> Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle : catalogue<br />

<strong>de</strong> l’exposition Europalia 87 Österreich, op.cit., p. 87 et WAUTERS<br />

Alphonse, Histoire <strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> Bruxelles ou <strong>de</strong>scription historique<br />

<strong>de</strong>s localités qui formaient autrefois l’ammanie <strong>de</strong> cette ville,<br />

Bruxelles, Culture et civilisation, 1973, livre neuvième, p.249.<br />

55 Voir La forêt <strong>de</strong> Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle :<br />

catalogue <strong>de</strong> l’exposition Europalia 87 Österreich, op.cit., pp. 4 et 97,<br />

GOBLET d’ALVIELLA Eugène, op.cit., t.3, pp. 123, 127, 128, 309 et<br />

310 et Van <strong>de</strong>r BEN Dirk, La forêt <strong>de</strong> Soignes, passé, présent, avenir,<br />

Bruxelles, Racine, 1997 et 2000, p.70. <strong>Le</strong>s nombreux passages <strong>de</strong><br />

troupes, le percement <strong>de</strong> nouvelles routes ou l’aménagement<br />

d’anciennes, un mauvais entretien <strong>de</strong> la végétation, les défrichements<br />

continuels durant le régime espagnol, l’abattage souvent massif et peu<br />

contrôlé pour le bois <strong>de</strong> chauffage et d’autres usages, sont autant <strong>de</strong><br />

causes <strong>de</strong> ce mauvais état <strong>de</strong> la forêt. On constate un certain pillage<br />

<strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong> Soignes pour les pério<strong>de</strong>s qui nous<br />

intéressent, soit qu’il fut officiel et autorisé, soit qu’il fut illégal, tel le<br />

braconnage. La surveillance <strong>de</strong>s forêts était organisée en milices mais<br />

celles-ci ne pouvaient tout contrôler. A ce propos, voir La forêt <strong>de</strong><br />

Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle : catalogue <strong>de</strong><br />

l’exposition Europalia 87 Österreich, op.cit., p. 88, Van <strong>de</strong>r BEN<br />

Dirk, op.cit., p.70 et WAUTERS Alphonse, op.cit., livre neuvième,<br />

p.250. Pour pallier activement à la perte <strong>de</strong> larges parcelles <strong>de</strong> bois,<br />

dès 1703, on interrompit les défrichements et on procéda en 1706 aux<br />

premières replantations officielles d’arbres qui prirent <strong>de</strong> l’ampleur<br />

durant le 18 ième , voir La forêt <strong>de</strong> Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines


constitué au 17 ième siècle un lieu <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> apprécié qui comportait <strong>de</strong> plus<br />

l’ancienne vénerie ducale 56 . Boisfort était également un carrefour <strong>de</strong> routes et<br />

sentiers qui rayonnent <strong>de</strong>puis le village vers Bruxelles, bien sûr, mais également<br />

du hameau <strong>de</strong> Vert-Chasseur situé dans l’actuelle commune d’Uccle vers La<br />

Hulpe et <strong>de</strong>puis Boisfort vers Rouge-Cloître et Groenendael. Ce réseau <strong>de</strong> routes<br />

à l’est <strong>de</strong> Bruxelles fut amélioré et prolongé en 1698 57 .<br />

<strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> est placé parfaitement au centre d'une clairière artificielle<br />

circulaire <strong>de</strong> 150 toises soit environ 300 mètres <strong>de</strong> diamètre. <strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> a un<br />

diamètre cinq fois inférieur <strong>de</strong> 30 toises 58 . La clairière est ainsi une vaste<br />

esplana<strong>de</strong> vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> laquelle partent sept routes que Boffrand nomme "avenues",<br />

elles sont disposées tous les huitièmes <strong>de</strong> cercle et alignées sur les portiques.<br />

Seule la partie censée surplomber le village, dégagée <strong>de</strong> tout arbre, a été<br />

aménagée en une terrasse entourée d'un muret qui se prolonge quelque peu le<br />

au XVIIIème siècle : catalogue <strong>de</strong> l’exposition Europalia 87<br />

Österreich, op.cit., p.4 et 97, GOBLET d’ALVIELLA Eugène, op.cit.,<br />

t.3, pp.132 à 135, LEFEBVRE Sylvie, "<strong>Le</strong>s pépinières dans les Pays-<br />

Bas autrichien : le cas <strong>de</strong> Soignes" in Parcs, jardins et forêts au<br />

XVIIIe siècle, étu<strong>de</strong>s sur le XVIIIième siècle, vol.XXV, édité par<br />

Hervé Hasquin et Roland Mortier, Bruxelles, 1997, pp. 40 à 42 et Van<br />

<strong>de</strong>r BEN Dirk, op.cit., p.70.<br />

56 Ibi<strong>de</strong>m, livre neuvième, pp. 146, 224, 243 et 249.<br />

57 Ibi<strong>de</strong>m, livre neuvième, pp. 224 et 243.<br />

58 GARMS Jörg, op.cit., p.60.


long <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux chemins. Cette terrasse <strong>de</strong>vait offrir une belle vue plongeante sur<br />

le domaine et le village.<br />

Ainsi la forme centrée du <strong>pavillon</strong> se voit-elle étendue par rayonnement<br />

d'abord à la clairière puis à la forêt environnante qu'organisent les routes. De<br />

plus loin encore, le site du <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> <strong>de</strong> Boisfort est repris à gran<strong>de</strong><br />

échelle dans l’organisation <strong>de</strong>s routes <strong>de</strong> l’est <strong>de</strong> Bruxelles.<br />

A la lisière <strong>de</strong> la clairière ron<strong>de</strong>, Boffrand a placé les diverses<br />

dépendances et facilités, tenues éloignées <strong>de</strong> l’habitat princier par l’espace <strong>de</strong> la<br />

clairière. Ainsi, du côté <strong>de</strong> la terrasse et du village, <strong>de</strong> chaque côté entre les<br />

premières routes, se trouvent les corps <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, <strong>de</strong>ux petites constructions<br />

rectangulaires. Dans les quatre huitièmes <strong>de</strong> cercle restant se trouvent disposés<br />

en éventail dans le sens <strong>de</strong>s aiguilles d'une montre le "chenil", les "remises", les<br />

"écuries" et les "cuisines".<br />

Ces dépendances sont très peu détaillées dans les gravures, au point <strong>de</strong> ne<br />

plus être différenciées que par les appellations qui les qualifient, elles sont<br />

seulement évoquées dans le texte du maître. Sur le plan général (la planche<br />

<strong>de</strong>uxième <strong>de</strong> Boffrand), on voit qu’elles couvrent une bien plus gran<strong>de</strong> surface<br />

que le <strong>pavillon</strong> : chaque bloc satellite est en fait composé <strong>de</strong> trois ou quatre<br />

bâtiments rectangulaires très allongés disposés en quadrilatère autour d’une<br />

cour. Dans le cas du "chenil" et <strong>de</strong>s "cuisines", les quatre ailes qui contiennent la<br />

cour intérieure sont formées par <strong>de</strong>s bâtiments ; le côté extérieur <strong>de</strong>s "remises" et


les "écuries", tourné vers le bois, ne semble fermé que par un mur ou une<br />

palissa<strong>de</strong>.<br />

D'après ce que l'on peut <strong>de</strong>viner sur la gravure <strong>de</strong> l'élévation du <strong>pavillon</strong><br />

où on voit apparaître dans le fond les bâtiments <strong>de</strong>s dépendances, ceux-ci étaient<br />

tous basés sur un même modèle simple et sobre. Ils sont moins hauts que le<br />

<strong>pavillon</strong> central et comportent un rez-<strong>de</strong>-chaussée à hautes arca<strong>de</strong>s en plein-<br />

cintre ainsi qu’un étage en attique aux fenêtres presque carrées dont le linteau<br />

est légèrement arrondi. <strong>Le</strong>s murs sont nus à l’exception d’une ban<strong>de</strong> sobre au<br />

niveau du sol <strong>de</strong> l’étage et les fenêtres ne présentent aucune décoration. <strong>Le</strong>s<br />

élévations <strong>de</strong> ces bâtiments sont légères lorsqu’on les compare à celles du<br />

<strong>pavillon</strong> principal. Ainsi l'aspect <strong>de</strong>s dépendances par rapport au bâtiment du<br />

centre <strong>de</strong>vait paraître plus massif et volumineux mais aussi moins affiné dans la<br />

décoration.<br />

Toute l'organisation est basée sur le salon central et à tous les niveaux se<br />

retrouve l'idée d'une structure centralisée et rayonnante. Ainsi, sur les gravures,<br />

les dépendances semblent avoir été déformées pour s'inscrire parfaitement entre<br />

les routes divergentes. <strong>Le</strong>s faça<strong>de</strong>s principales tournées vers le <strong>pavillon</strong> central<br />

sont plus étroites que les côtés arrières, tournés vers la forêt. Du coup, les<br />

dépendances ont une forme trapézoïdale légèrement arrondie. Cet effet dans la<br />

disposition <strong>de</strong>s bâtiments secondaires renforce l'impression d'extension<br />

rayonnante, à la manière d'une perspective accélérée.


Il est difficile <strong>de</strong> dire dans quelle mesure l'aménagement <strong>de</strong> la forêt<br />

alentours avait été prévu mais la simple présence immédiatement évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>s<br />

routes suffit à donner cette sensation <strong>de</strong> rayonnement jusque loin dans les<br />

fourrés.<br />

De plus, sur la gravure, les routes sont bordées <strong>de</strong> rangées d’arbres,<br />

manifestement <strong>de</strong>ssinées en rangées pour contraster avec les massifs <strong>de</strong>s bois.<br />

<strong>Le</strong>ur gran<strong>de</strong> largeur et ces rangées d’arbres <strong>de</strong>vaient accentuer l’importance <strong>de</strong><br />

ces voies dans l’organisation cardinale <strong>de</strong> l’espace <strong>de</strong> la forêt, celle-ci <strong>de</strong>vant<br />

avoir paru moins sensible au niveau du sol que sur un plan d’implantation. En<br />

effet la position centrale du <strong>pavillon</strong> coince la vue qu’on peut avoir d’une <strong>de</strong>s<br />

routes quand on regar<strong>de</strong> vers la clairière. A cause du <strong>pavillon</strong>, on ne peut pas<br />

vraiment se rendre compte <strong>de</strong> la poursuite <strong>de</strong> la percée rectiligne <strong>de</strong> la route au-<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la clairière, sauf à travers les portiques et en traversant le salon. Cette<br />

disposition implique d’une part que le <strong>pavillon</strong> est théoriquement toujours<br />

visible <strong>de</strong>puis n’importe quel point <strong>de</strong>s routes et d’autre part que du salon, on<br />

voit par les routes à l’infini 59 .<br />

La forêt conserve une gran<strong>de</strong> présence malgré les bâtiments : les<br />

dépendances sont en effet cernées par <strong>de</strong>s massifs d’arbres sur trois <strong>de</strong> leurs<br />

côtés. Sans cette épaisseur <strong>de</strong> feuillage que Boffrand a laissée entre les routes et<br />

les bâtiments, la bordure <strong>de</strong> la clairière serait apparue comme une succession <strong>de</strong><br />

faça<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> routes semblables à <strong>de</strong>s rues, à la manière d’une place <strong>de</strong> ville.


L’architecte se montre ici très respectueux d’une certaine ambiance forestière<br />

tout en garantissant au domaine un confort refermé sur lui-même.<br />

Il faut noter aussi qu’aucune <strong>de</strong>s dépendances ne prend vraiment pied sur<br />

l’espace <strong>de</strong> la clairière : les murs <strong>de</strong>s bâtiments commencent à peu près là où<br />

s’achève l’espace dénudé. En ce sens, la clairière semble avoir été conçue pour<br />

contenir et mettre en évi<strong>de</strong>nce le <strong>pavillon</strong> principal, centre du système général,<br />

telle un écrin <strong>de</strong> forêt 60 .<br />

La création d'une terrasse et le déboisage <strong>de</strong> la zone témoigne d’une<br />

intention évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> faire du <strong>pavillon</strong> un belvédère largement ouvert sur la<br />

vallée. Boffrand vante d’ailleurs l’agréable vue que proposent le village, les<br />

étangs et la plaine 61 . Il a placé sur la gravure quelques minuscules maisons dans<br />

la vallée. Cependant, au vu du large diamètre <strong>de</strong> la clairière et en raison du<br />

muret qui la bor<strong>de</strong>, il est peu probable que l’on ait pu voir la vallée <strong>de</strong>puis le<br />

<strong>pavillon</strong> central, et ce même <strong>de</strong>puis l’étage ou la petite plate-forme du fanal.<br />

Pour profiter du panorama, sans doute aurait-il fallu approcher du muret.<br />

59 Cet aspect est mis en avant dans le texte, BOFFRAND Germain, op.cit., p.45.<br />

60 GARMS Jörg, op.cit., pp. 60 et 61 parle du <strong>pavillon</strong> comme d’un "corps<br />

parfait" ou "bâtiment idéal par sa forme et son site".<br />

61 BOFFRAND Germain, op.cit., p.45.


5. Description du <strong>pavillon</strong> central:<br />

5.1 L'extérieur:<br />

D’emblée se détache au centre <strong>de</strong> chaque faça<strong>de</strong> le haut portique ionique. Un<br />

fronton simple à épaisse corniche repose sur les quatre colonnes <strong>de</strong> l'ordre<br />

colossal. <strong>Le</strong> portique est fort saillant et comporte trois marches qui conduisent le<br />

visiteur au niveau du sol <strong>de</strong> l'habitation. Si le motif du portique à ordre colossal<br />

provient sans nul doute <strong>de</strong> l'architecture palladienne et si Boffrand l'avait déjà<br />

fait sien auparavant, l'architecte reprend ici à Palladio et à une <strong>de</strong> ses plus<br />

célèbres villas l'idée <strong>de</strong> base <strong>de</strong> quatre portiques i<strong>de</strong>ntiques placés sur quatre<br />

faça<strong>de</strong>s sans insistance particulière sur l’une d’entre elles. En effet, à Boisfort,<br />

trois faça<strong>de</strong>s sont ornées <strong>de</strong> décorations cynégétiques tandis que sur la faça<strong>de</strong><br />

principale, qui est tournée vers la campagne 62 , figurent les armes <strong>de</strong> Maximilien-<br />

62 GARMS Jörg, op.cit., p.60. Nous n’avons pas pu déterminer comment<br />

l’auteur a pu définir que la faça<strong>de</strong> principale était celle tournée vers la<br />

vallée. En suivant une certaine logique d’organisation précise du<br />

bâtiment en vue d’un profit maximal du paysage, on peut arriver à une<br />

telle conclusion. Il peut sembler normal en effet que le côté jugé le<br />

plus convenable à la jouissance soit hiérarchiquement le plus<br />

important.


Emmanuel 63 , lesquelles sont les seules indications <strong>de</strong> la prépondérance <strong>de</strong> cette<br />

faça<strong>de</strong> sur les autres. Cette symétrie presque parfaite <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s participe du<br />

rayonnement général. <strong>Le</strong>s trophées sont disposés sur les murs autour <strong>de</strong>s<br />

portiques, <strong>de</strong>ux par <strong>de</strong>ux et leur disposition reprendrait celle <strong>de</strong>s trophées <strong>de</strong>s<br />

écuries <strong>de</strong> Versailles 64 .<br />

<strong>Le</strong>s frontons <strong>de</strong>s portiques sont traités <strong>de</strong> manière simple, sans re<strong>de</strong>nts ni<br />

décrochements, et ils sont posés sur une architrave constituée d’une large ban<strong>de</strong><br />

nue. <strong>Le</strong> seul fronton visible <strong>de</strong> face sur les gravures est orné <strong>de</strong>s sculptures d’un<br />

trophée et d’animaux aux têtes ron<strong>de</strong>s qui ressemblent à <strong>de</strong>s lions. <strong>Le</strong> fond <strong>de</strong> la<br />

partie sculptée du fronton est occupé par divers hampes et drapeaux.<br />

Il faut noter que la gran<strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s portiques, lorsqu’on les voit <strong>de</strong><br />

profil <strong>de</strong>puis une <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s, confère au bâtiment une assise visuelle large et<br />

stable, presque pyramidale.<br />

Entre les portiques, les murs extérieurs sont typiques <strong>de</strong> la manière <strong>de</strong><br />

Boffrand: ils sont simples et nus, vierges <strong>de</strong> tout découpage ornemental. Même<br />

le léger soubassement s'inscrit sans rupture dans le plan uni du mur. <strong>Le</strong>s<br />

fenêtres, au nombre <strong>de</strong> dix par mur, conservent elles aussi une gran<strong>de</strong> simplicité.<br />

Au rez-<strong>de</strong>-chaussée, les fenêtres débutent au sol et se terminent en arc semi-<br />

63 Cette particularité est invisible sur les gravures, où l’on ne nous présente<br />

qu’une seule face, mais décrite dans le texte, BOFFRAND Germain,<br />

op.cit., p.45.<br />

64 GARMS Jörg, op.cit., p.61.


circulaire, à l'étage elles ont un arc surbaissé, presque plat, dont la largeur<br />

augmente légèrement sur le sommet. Cette disposition est fréquente chez<br />

Boffrand et confirme son goût pour les extérieurs simples et massifs.<br />

<strong>Le</strong>s premiers toits, dont la hauteur répète celle <strong>de</strong>s frontons <strong>de</strong>s portiques,<br />

sont également simples, ils comportent chacun plusieurs excroissances qu’on<br />

assimilerait aisément à <strong>de</strong>s cheminées, nous y reviendrons. Dans la gravure, huit<br />

<strong>de</strong> ces excroissances figurent sur le toit inférieur. Elles sont situées à <strong>de</strong>ux<br />

hauteurs distinctes et présentent au moins <strong>de</strong>ux tailles différentes.<br />

Par-<strong>de</strong>ssus le toit inférieur dépasse le tambour du salon qui est percé <strong>de</strong><br />

seize fenêtres. Celles-ci se terminent en arcs semi-circulaires et sont séparées<br />

entre elles par <strong>de</strong>s pilastres plats que relie une architrave moulurée. Au sommet<br />

<strong>de</strong> chaque pilastre, Boffrand a placé une statue qui se découpe sur le ciel.<br />

Cette différence <strong>de</strong> structure décorative entre les murs inférieurs et ceux<br />

du tambour fait contraster les <strong>de</strong>ux parties <strong>de</strong> l'édifice et renforce même, <strong>de</strong>puis<br />

l'extérieur, l'importance du salon qui s’affirme comme le centre du dispositif<br />

architectural. Il s’opère en montant un rapprochement vers le centre qui se<br />

marque par une décoration plus appuyée.<br />

<strong>Le</strong> toit supérieur est un large cône tronqué qui ne laisse pas transparaître<br />

la forme <strong>de</strong> la coupole interne. Il est lui aussi équipé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cheminées, sur la<br />

gravure. Au niveau où le cône est tronqué, Boffrand a placé sur la bordure<br />

supérieure <strong>de</strong> la couverture une décoration qui imite <strong>de</strong>s pans <strong>de</strong> tissu tombant.<br />

Sur la partie plate ménagée au sommet du toit conique, il y a une haute structure


<strong>de</strong> forme très travaillée. La transition entre le toit et celle-ci est assurée par ce<br />

qui semble être une balustra<strong>de</strong> octogonale. La structure comporte en son sommet<br />

une image <strong>de</strong> la couronne du prince-électeur <strong>de</strong> Bavière, le "chapeau du<br />

prince" 65 . Placée au faîte du bâtiment, cette structure a l'usage d'un fanal <strong>de</strong>stiné<br />

à faciliter le retour au bercail <strong>de</strong>s <strong>chasse</strong>urs 66 . Ainsi, il <strong>de</strong>vait être prévu d’y<br />

produire <strong>de</strong> la lumière et on peut accé<strong>de</strong>r au sommet par <strong>de</strong>s escaliers qui<br />

courent dans les charpentes. Dans la partie supérieure, un balcon a été aménagé<br />

pour pouvoir profiter au mieux <strong>de</strong> la vue. D’un point <strong>de</strong> vue architectural, le<br />

fanal constitue aussi le couronnement décoratif du <strong>pavillon</strong> : il est l’élément le<br />

plus centré, le plus élevé et le plus finement ouvragé.<br />

Sur la gravure d’une <strong>de</strong>s faces extérieures du <strong>pavillon</strong> (la planche sixième<br />

chez Boffrand), les pilastres du tambour du salon vus <strong>de</strong> profil s’incurvent <strong>de</strong><br />

manière concave <strong>de</strong> sorte qu’ils relient harmonieusement le tambour au toit du<br />

premier étage. Si le procédé est connu et fréquemment utilisé <strong>de</strong>puis la<br />

Renaissance, il semble que Boffrand ait hésité quant à ce point. En effet, dans la<br />

gravure en coupe du <strong>pavillon</strong> (la planche septième), où l’on remarque qu’à<br />

l’approche du tambour les toits du premier étage s’abaissent obliquement pour<br />

laisser la lumière pénétrer le salon <strong>de</strong> manière optimale, on découvre que les<br />

pilastres du tambour sont traités différemment : ils prennent un profil droit et<br />

65 GARMS Jörg, op.cit., p.60 et von KALNEIN Wend et LEVEY Michael,<br />

op.cit., p.214.<br />

66 BOFFRAND Germain, op.cit., p.45.


sont placés en oblique à plus ou moins 45 <strong>de</strong>grés, comme <strong>de</strong> petits arcs-<br />

boutants. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux versions <strong>de</strong> la liaison entre le tambour et l’étage d’habitation<br />

sont ainsi très différentes. La première version veut résoudre un problème<br />

d’ordre esthétique, la secon<strong>de</strong> semble vouloir régler un problème technique <strong>de</strong><br />

résistance à la poussée latérale <strong>de</strong> la coupole.<br />

Cette première différence <strong>de</strong> conception doit entrer dans le débat critique<br />

sur la validité et l’objectivité historique <strong>de</strong>s gravures. En effet, nous allons<br />

trouver plus avant d’autres divergences et imprécisions qui mettent en doute<br />

l’idée d’un développement complet du projet architectural ou au moins <strong>de</strong> sa<br />

présentation objective dans les gravures.<br />

L’apparence extérieure du <strong>pavillon</strong> présente quelques caractéristiques<br />

particulières qui indiquent sa fonction <strong>de</strong> <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> : il s’agit du fanal<br />

dont l’usage se confond dans la forme, <strong>de</strong>s trophées <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> qui décorent trois<br />

<strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s, et aussi <strong>de</strong> la forêt qui encercle la clairière et semble repousser vers<br />

le centre les bâtiments <strong>de</strong>s dépendances.<br />

Plus présents et directs sont les signes <strong>de</strong> l’importance et <strong>de</strong> la richesse<br />

princière que Boffrand a voulu souligner. On doit supposer, d’après la<br />

personnalité <strong>de</strong> l’électeur Maximilien-Emmanuel, que celui-ci voulait lui-même<br />

que l’aspect <strong>de</strong> son nouveau <strong>pavillon</strong> prennent un sens <strong>de</strong> glorification <strong>de</strong> sa<br />

personne. Au sommet du fanal, Boffrand a placé la représentation <strong>de</strong> la<br />

couronne <strong>de</strong> Bavière et sur le rebord supérieur <strong>de</strong>s toits, il déploie une draperie


simulée, avec ses festons et ses bro<strong>de</strong>ries. Dans le programme <strong>de</strong> ce décor<br />

d’ostentation princière, les volontés esthétique et politique <strong>de</strong> Maximilen-<br />

Emmanuel se confon<strong>de</strong>nt. Avec le schéma visuel pyramidal culminant dans le<br />

décor ajouré du fanal et la couronne s’assoit la puissance du prince 67 .<br />

Ces détails particuliers que l’architecte intègre à son édifice et qui doivent<br />

éclairer le spectateur sur la <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> celui-ci apparaissent fréquemment<br />

dans l’art <strong>de</strong> Boffrand. Il est parmi les premiers à vouloir donner à ses édifices<br />

<strong>de</strong>s caractères qui en définissent l’usage pour chacun et immédiatement 68 . Dans<br />

le cas <strong>de</strong> Boisfort, ces éléments, la perfection du système architectural, la liberté<br />

complète d’aménagement que celle-ci sous-entend, ainsi qu’une proximité <strong>de</strong><br />

forme avec le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Marly qui fut construit à peu près en même temps<br />

pour Louis XIV et sur lequel nous reviendrons, confèrent au <strong>pavillon</strong> un très fort<br />

caractère princier 69 .<br />

67 Ces éléments participent également d’une adaptation naturelle du style <strong>de</strong><br />

Boffrand qui s’orne et <strong>de</strong>vient parfois théâtral lorsqu’il travaille hors<br />

du cadre académique français. Voir HAUTECOEUR Louis, op.cit.,<br />

vol.3, p.136.<br />

68 BOFFRAND Germain, op.cit., p.11, GALLET Michel, "introduction", op.cit,<br />

p.14 et HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, p.139.<br />

69 GARMS Jörg, op.cit., p.61.


5.2 <strong>Le</strong> rez-<strong>de</strong>-chaussée:<br />

La pièce principale du <strong>pavillon</strong> est le salon. C'est une haute pièce ron<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

10 toises, soit près <strong>de</strong> 20 mètres, <strong>de</strong> diamètre qui s'ouvre sur toute la hauteur du<br />

bâtiment pour se terminer en une coupole à seize croisées 70 .<br />

L’élévation est ici très importante et les lignes <strong>de</strong> forces verticales sont<br />

accentuées quand les architraves sont simplifiées. De par son extension<br />

verticale, ce salon s'apparente à un salon à l'italienne. L'élévation, qui est visible<br />

dans la gravure <strong>de</strong> la coupe du <strong>pavillon</strong> (la planche septième) est constituée <strong>de</strong><br />

trois niveaux distincts : le rez-<strong>de</strong>-chaussée aux murs percés sur tout le tour<br />

d'arca<strong>de</strong>s en plein-cintre, l'étage que constitue un mince corridor rond qui court<br />

autour du salon et dont les piliers portent <strong>de</strong>s termes atlantes et, dans les murs du<br />

tambour, le niveau <strong>de</strong>s fenêtres hautes qui constituent la prise <strong>de</strong> jour principale<br />

<strong>de</strong> la pièce. <strong>Le</strong>s atlantes supportent les bases <strong>de</strong>s arca<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ces fenêtres. Celles-<br />

ci semblent plus hautes <strong>de</strong> l’extérieur qu’elles ne le sont vraiment : par un<br />

système <strong>de</strong> décrochement étagé, l’architecte ménage un large encadrement<br />

architectonique dans lequel s’enfonce la fenêtre haute. Cette particularité est<br />

visible sur la gravure <strong>de</strong> la coupe du <strong>pavillon</strong>.<br />

Il faut noter que la forme générale ron<strong>de</strong> à l'intrados <strong>de</strong>s murs du salon se<br />

transforme sur l'extrados en un octogone. Cette transition <strong>de</strong> forme est dictée par<br />

huit piliers massifs échancrés qui définissent entre eux huit arca<strong>de</strong>s. Sur<br />

l’intrados, les piliers possè<strong>de</strong>nt tous une niche semi-circulaire en leur milieu et,


une fois sur <strong>de</strong>ux, cette niche est appuyée par ce qui semble être <strong>de</strong>ux petits<br />

pilastres figurés sur la gravure par <strong>de</strong> petits re<strong>de</strong>nts.<br />

<strong>Le</strong> plan du <strong>pavillon</strong> est basé sur l’octogone et cela conditionne<br />

l'emplacement et la forme <strong>de</strong>s autres pièces.<br />

<strong>Le</strong> salon s'ouvre ainsi sur quatre corridors carrés. Dans sa gravure du plan<br />

du rez-<strong>de</strong>-chaussée (planche troisième) Boffrand en appelle trois "salle" et le<br />

quatrième "cabinet". Ces quatre pièces sont <strong>de</strong>s corridors en ce sens qu'elles ne<br />

servent que <strong>de</strong> passage, à tout le moins abstraitement, dans la conception du<br />

plan, et ceci malgré l'appellation <strong>de</strong> "cabinet" <strong>de</strong> Boffrand. Ces quatre corridors<br />

sont ouverts sur tous leurs côtés. Ils établissent d'abord un accès droit entre le<br />

salon et l'extérieur, par les portiques, accès qui se poursuit en ligne droite sur la<br />

perspective <strong>de</strong>s routes; ensuite ils donnent un accès latéral aux appartements et à<br />

l'escalier monumental.<br />

<strong>Le</strong>s appartements sont aménagés dans trois <strong>de</strong>s espaces trapézoïdaux que<br />

ménagent les corridors et le tracé en octogone <strong>de</strong>s murs. <strong>Le</strong>s appartements ne<br />

communiquent pas directement avec le salon, en effet trois <strong>de</strong>s huit arca<strong>de</strong>s du<br />

salon <strong>de</strong>vaient être fermées, les cinq autres s’ouvrant sur les corridors et<br />

l’escalier monumental qui occupe le quatrième trapèze.<br />

Cet escalier monumental qui s'étend en <strong>de</strong>ux volées incurvées <strong>de</strong>puis<br />

l'étage serait, en hommage à Louis <strong>Le</strong> Vau, un <strong>de</strong>s maîtres <strong>de</strong> Boffrand, une<br />

70 BOFFRAND Germain, op.cit., p.45.


copie <strong>de</strong> l'escalier <strong>de</strong>s Ambassa<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> Vaux 71 . Cet escalier occupe plus d’un<br />

huitième <strong>de</strong> la surface générale et cette envergure ne s’imposait manifestement<br />

pas : l’étage ne présentant que <strong>de</strong>s chambres et autres pièces privées. Ainsi<br />

l’escalier s’affirme pour lui-même 72 . Si celui-ci est le seul chemin affirmé pour<br />

accé<strong>de</strong>r à l'étage, son usage dans la vie courante <strong>de</strong>vait être limité. En effet la<br />

disposition <strong>de</strong>s appartements <strong>de</strong> l'étage est calquée sur celle du rez-<strong>de</strong>-chaussée<br />

et il faut sans doute considérer que les <strong>de</strong>ux parties forment un seul appartement.<br />

Ainsi Boffrand a placé dans les recoins <strong>de</strong>s appartements <strong>de</strong> petits escaliers<br />

permettant à l'habitant ou aux gens <strong>de</strong> maison d'aller et venir en ces lieux sans<br />

emprunter toujours le solennel grand escalier. En ce compris le grand escalier, il<br />

existe sur le plan du rez-<strong>de</strong>-chaussée sept escaliers.<br />

<strong>Le</strong>s trois appartements du rez-<strong>de</strong>-chaussée sont aménagés différemment<br />

les uns <strong>de</strong>s autres. Celui que la gravure du rez-<strong>de</strong>-chaussée en plan (la planche<br />

troisième) montre en haut à gauche était <strong>de</strong>stiné "à Madame". Il comporte une<br />

pièce principale carrée, la "chambre <strong>de</strong> madame"; un "cabinet" rond d'où on<br />

accè<strong>de</strong> à un escalier coincé dans la pointe aiguë d'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux triangles et enfin<br />

une petite pièce triangulaire. Pour ces trois pièces, Boffrand a choisit trois<br />

71 GARMS Jörg, op.cit., p.61.<br />

72 Ibi<strong>de</strong>m, p.61, l’auteur a également remarqué la monumentalité indue <strong>de</strong><br />

l’escalier <strong>de</strong> Boffrand. Cela confirme pour lui une volonté expresse <strong>de</strong><br />

la part <strong>de</strong> Boffrand <strong>de</strong> citer <strong>Le</strong> Vau.


formes distinctes, montrant par là son goût prononcé pour les formes<br />

particulières, pour les plans complexes et son refus <strong>de</strong> l'angle droit. On retrouve<br />

également ici un trait qu'on dit typique <strong>de</strong> l'architecte, à savoir la juxtaposition<br />

<strong>de</strong> volumes et d'espaces distincts qu'il refuse d'unifier et cherche plutôt à faire<br />

contraster les uns avec les autres. Il faut noter que cette accumulation <strong>de</strong> formes<br />

diverses n’apparaît aucunement à l’extérieur où les murs sont très sobres.<br />

Ces différents espaces doivent en outre correspondre à une "ambiance"<br />

particulière. Ainsi le cabinet rond pouvait voir sa forme poursuivie dans le<br />

volume et comporter un plafond arrondi qui lui aurait conféré l'intimité<br />

particulière d'une coquille. La chambre gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s coins droits pour conserver<br />

une certaine solennité <strong>de</strong> fonction.<br />

<strong>Le</strong> second trapèze, en haut à droite sur les gravures, est occupé par une<br />

gran<strong>de</strong> pièce <strong>de</strong> forme générale rectangulaire avec aux <strong>de</strong>ux extrémités <strong>de</strong>s<br />

échancrures concaves qui inscrivent la pièce dans le trapèze. Dans les <strong>de</strong>ux<br />

petits triangles subsistant se trouvent <strong>de</strong> petits escaliers, l’un carré, l’autre<br />

allongé. Boffrand qualifie cette pièce d'"antichambre <strong>de</strong> l'Electeur" mais sur la<br />

gravure, en traits fins, il <strong>de</strong>ssine dans une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux alcôves cinq petites croix<br />

disposées en croix <strong>de</strong> Jérusalem. La forme particulière <strong>de</strong> la pièce, les<br />

échancrures <strong>de</strong>s murs ainsi que ces croix fon<strong>de</strong>nt certaines hypothèses quant à<br />

l’usage religieux <strong>de</strong> cette pièce 73 . Suivant cette idée, la petite salle carrée qui ne<br />

73 HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, p.137.


communique qu’avec l’"antichambre" pourrait avoir été <strong>de</strong>stinée à servir <strong>de</strong><br />

sacristie.<br />

<strong>Le</strong> troisième trapèze est <strong>de</strong>stiné à Maximillien-Emmanuel et reprend la<br />

structure <strong>de</strong> l'appartement <strong>de</strong> Madame: il s’agit d’une pièce carrée, dite<br />

"chambre <strong>de</strong> l'Electeur", d’un cabinet rond jouxtant un escalier ovale et d’une<br />

pièce triangulaire, qualifiée sur les gravures <strong>de</strong> "gar<strong>de</strong>-robe" et qui comporte<br />

également un escalier arrondi. L'on peut supposer, par parallélisme et même si<br />

rien ne l'indique, que la pièce triangulaire qui jouxte la chambre <strong>de</strong> Madame soit<br />

également une gar<strong>de</strong>-robe.<br />

Boffrand a figuré en traits pointillés fins, sur les gravures en plan, ce qui<br />

semble être <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> mobiliers. Ainsi, dans les chambres décèle-t-on<br />

l’emplacement du lit, encastré dans une alcôve 74 et sans doute <strong>de</strong> certains <strong>de</strong>s<br />

meubles principaux. <strong>Le</strong>s murs <strong>de</strong>s pièces sont très travaillés et leur profil vise à<br />

intégrer les meubles dans le volume <strong>de</strong>s murs. Il en est <strong>de</strong> même pour les petits<br />

escaliers qui semblent lovés dans l’épaisseur du mur. Outre ces pointillés, il<br />

n’est pas possible <strong>de</strong> définir précisément le décor et l’aménagement <strong>de</strong>s pièces.<br />

<strong>Le</strong>s quelques éléments <strong>de</strong> décoration intérieur que Boffrand figure dans la<br />

gravure en coupe restent trop imprécis pour servir une analyse sérieuse. On y<br />

74 Cette pratique est attestée <strong>de</strong>puis 1699 et semble due à Jules Hardouin-<br />

Mansart. Voir CHAUNU Pierre, op.cit., p. 396 et KALNEIN Wend et<br />

LEVEY Michael, op.cit., p.203.


voit par exemple un modèle <strong>de</strong> cheminée, manifestement <strong>de</strong>ssiné à la hâte, plus<br />

pour en indiquer la présence que pour définir un modèle particulier.<br />

Nous avons voulu rapprocher certaines <strong>de</strong>s échancrures creusées dans les<br />

murs <strong>de</strong>s cheminées que l’on a vues disposées sur les toits et vérifier si celles-ci<br />

pouvaient se retrouver dans le plan. D’après les gravures et en dépit <strong>de</strong><br />

l’imprécision que cela sous-entend, l’on a pu définir que chaque cellule, corridor<br />

carré ou appartement trapézoïdal, <strong>de</strong>vait présenter <strong>de</strong>ux cheminées ; le salon en<br />

a quatre. Ainsi, si bien sûr l’on considère que les gravures correspon<strong>de</strong>nt entre<br />

elles, il semble que les cheminées figurées sur le toit dans la gravure en vue<br />

extérieure ne puisse pas être directement reliées sur le plan à une forme<br />

particulière du mur. Il est probable que le <strong>pavillon</strong> n’avait aucun besoin d’autant<br />

<strong>de</strong> cheminées effectives : il y a au total vingt cheminées sur les toits. Il se peut<br />

donc que Boffrand ait voulu jouer sur l’aspect décoratif <strong>de</strong>s cheminées, mêlant<br />

sans doute à celles prévues pour un usage réel <strong>de</strong>s cheminées factices. Il<br />

maintient l’équilibre <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s et imprime un certain rythme aux toits.<br />

5.3 L'étage d'habitation:<br />

Dans la courte liste <strong>de</strong>s gravures relatives à Boisfort, Boffrand écrit : «la<br />

Planche quatrième represente le plan du premier étage distribué à plusieurs<br />

appartemens, <strong>de</strong> même que le second étage (Planche V), dégagés par <strong>de</strong>s


corridors qui ont vues sur le salon» 75 . Or nulle part dans les gravures n’apparaît<br />

un plan <strong>de</strong> second étage et la planche cinquième représente l’élévation<br />

extérieure du <strong>pavillon</strong> 76 . <strong>Le</strong>s vues <strong>de</strong> profil montrent à suffisance qu’un<br />

<strong>de</strong>uxième étage habitable n’était pas prévu. Si Boffrand avait prévu un <strong>de</strong>uxième<br />

étage complet, la seule mention qui en est faite est celle <strong>de</strong> son texte. Ou alors<br />

avait-il l’intention d’introduire une gravure montrant l’organisation <strong>de</strong> la sous-<br />

toiture supérieure qu’il n’aura finalement pas publiée ? Si ces questions<br />

<strong>de</strong>meurent sans réponses, elles alimentent encore l’étu<strong>de</strong> critique <strong>de</strong>s gravures.<br />

L'étage d'habitation a la forme octogonale générale du <strong>pavillon</strong>. Au centre<br />

s'ouvre le salon. Un "corridor" étroit fait la jonction entre la forme ron<strong>de</strong> et les<br />

murs <strong>de</strong>s appartements. Une arca<strong>de</strong> sépare le corridor rond du salon, les seize<br />

pilastres <strong>de</strong> celle-ci portent sur l’intrados les seize statues d’atlantes. Sur la<br />

gravure <strong>de</strong> la coupe, les atlantes sont présentés dans <strong>de</strong>s positions variées, ils<br />

portent apparemment leur charge sans efforts ni douleur. De nouveau, les<br />

atlantes seraient une citation <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> Louis <strong>Le</strong> Vau au château <strong>de</strong> Vaux-le-<br />

Vicomte..<br />

75 BOFFRAND Germain, op.cit., p.45<br />

76 Et suite à ce décalage la planche septième que Boffrand annonce comme celle<br />

<strong>de</strong> «la coupe du bâtiment par le milieu du Salon» est en fait la gravure<br />

portant la mention Pl.VI. La gravure qui porte la mention Pl.VII dans<br />

le Livre d’architecture correspond au chapitre suivant qui concerne<br />

Nancy.


<strong>Le</strong> corridor établit la communication entre toutes les pièces <strong>de</strong> l'étage et<br />

l'escalier monumental. <strong>Le</strong>s appartements reprennent la structure alternée en<br />

trapèzes et carrés du rez-<strong>de</strong>-chaussée : ainsi, les corridors carrés définissent-ils à<br />

l'étage <strong>de</strong> nouvelles pièces. L’utilisation pour l’habitat <strong>de</strong>s carrés correspondants<br />

aux corridors entraîne que les appartements soient beaucoup moins nettement<br />

séparés les uns <strong>de</strong>s autres. <strong>Le</strong>s espaces <strong>de</strong> l’étage sont alors encore plus<br />

complexes et les pièces, plus petites : à surface égale, on retrouve presque <strong>de</strong>ux<br />

pièces à l’étage pour une au rez-<strong>de</strong>-chaussée. <strong>Le</strong>s murs à l’étage sont moins<br />

épais et cet allégement s’étend aux huit piliers du salon : ceux-ci se dédoublent<br />

en seize piliers plus fins qui définissent seize ouvertures et portent les seize<br />

atlantes.<br />

La conservation <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong>s appartements ne s'imposait pas<br />

nécessairement et l'espace gagné sur les indispensables corridors d’entrée du<br />

rez-<strong>de</strong>-chaussée n'a pas été utilisé directement mais, en général, subdivisé en<br />

nouvelles petites pièces. Ainsi, en commençant sur la gauche, le premier espace<br />

carré a été divisé en <strong>de</strong>ux pièces, une "gar<strong>de</strong>-robe" et une "chambre", et rattaché<br />

aux appartements <strong>de</strong> Madame. Ceux-ci comportent à l'étage une secon<strong>de</strong> "gar<strong>de</strong>-<br />

robe" triangulaire, <strong>de</strong>ux chambres et dans l'espace triangulaire restant aboutit<br />

l'escalier privé. Dans la partie carrée du haut se retrouvent une "chambre" et une<br />

"gar<strong>de</strong>-robe". <strong>Le</strong> second trapèze, en haut à droite, entre les <strong>de</strong>ux petits escaliers<br />

qui occupent les <strong>de</strong>ux espaces triangulaires <strong>de</strong>s extrémités, compte <strong>de</strong>ux<br />

"chambres" et <strong>de</strong>ux "gar<strong>de</strong>-robes". Dans la troisième partie carrée, à droite, sont


aménagées <strong>de</strong>ux pièces carrées aux mêmes dénominations que précé<strong>de</strong>mment.<br />

Enfin, le troisième trapèze comporte un "petit cabinet" rond, une "antichambre"<br />

carrée et la "chambre <strong>de</strong> son Altesse l'Electeur", carrée elle aussi. Aux <strong>de</strong>ux<br />

bouts se trouvent les petits escaliers.<br />

L’organisation <strong>de</strong> l’étage est calquée sur celle du rez-<strong>de</strong>-chaussée et l’on<br />

doit sans doute considérer que les <strong>de</strong>ux séries d’appartements, ceux "<strong>de</strong><br />

Madame" et ceux <strong>de</strong> l’électeur, se poursuivent du rez-<strong>de</strong>-chaussée à l’étage 77 .<br />

Des six petits escaliers présents au rez-<strong>de</strong>-chaussée, il en reste à l’étage<br />

seulement quatre. Celui qui partait du triangle <strong>de</strong> l’"appartement <strong>de</strong> Madame" et<br />

celui <strong>de</strong> la "gar<strong>de</strong>-robe" <strong>de</strong> l’appartement <strong>de</strong> l’Electeur ont disparu. Si ces<br />

escaliers étaient <strong>de</strong>stinés à la communication vers un sous-sol, Boffrand ne<br />

laisse nulle part filtrer un indice <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier. Sinon, il s’agit<br />

peut-être à nouveau d’une variante dans la série <strong>de</strong>s gravures, Boffrand aurait<br />

ajouté ou enlevé ces escaliers entre <strong>de</strong>ux évolutions <strong>de</strong> son projet. Ici encore l’on<br />

77 Hardouin-Mansart semble avoir été un précurseur <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> dispositif en<br />

"unités <strong>de</strong> vie" clairement définies par rapport au reste. Notons que<br />

chez cet architecte comme chez Boffrand, les unités sont constituées<br />

en général d’une chambre, d’un cabinet et d’une gar<strong>de</strong>-robe. C’est le<br />

cas, par exemple, au Château-Neuf <strong>de</strong> Meudon que Hardouin-Mansart<br />

construisit à peu près au même moment que le projet <strong>de</strong> Boisfort. Voir<br />

CHAUNU Pierre, op.cit., pp. 402 à 405 et Von KALNEIN Wend et<br />

LEVEY Michael, op.cit., p.203 et figure 1, p.204.


emarque <strong>de</strong>s différences entre les gravures et cela doit éveiller <strong>de</strong>s<br />

interrogations sur celles-ci.<br />

<strong>Le</strong> <strong>de</strong>rnier espace, qui se trouve juste à côté du grand escalier, est une<br />

gran<strong>de</strong> pièce carrée que <strong>de</strong>ux pans <strong>de</strong> murs convergents isolent un peu du<br />

corridor. Cette salle est énigmatiquement appelée "salle du Trouk" 78 .<br />

78 Malgré les nombreuses recherches menées pour découvrir le sens <strong>de</strong> ce terme,<br />

nous n’avons aucune information fiable sur ce sujet. Nous avons<br />

cherché pourtant dans <strong>de</strong> nombreux dictionnaires : <strong>de</strong> français<br />

mo<strong>de</strong>rne et historique, d’allemand, <strong>de</strong> russe, <strong>de</strong> néerlandais, et<br />

d’autres ; nous avons parcouru <strong>de</strong> nombreuses encyclopédie, <strong>de</strong>s<br />

répertoires <strong>de</strong> termes inusités ou disparus, <strong>de</strong> noms propres, et<br />

beaucoup d’autres ouvrages. Nous avons découvert une ville <strong>de</strong><br />

Lituanie appelée Trouk et le terme existe comme nom <strong>de</strong> famille.<br />

Nous avons aussi rencontré par hasard ce terme qui intervient dans<br />

une compétition équestre contemporaine en Russie et il existe en<br />

langue arabe : un souk <strong>de</strong> la médina <strong>de</strong> Tunis porte le nom <strong>de</strong> "souk el<br />

Trouk", l’on y vendrait apparemment <strong>de</strong>s vêtements. <strong>Le</strong>s recherches<br />

dans ces directions n’ont pas eu <strong>de</strong> résultat probant. Pour ces <strong>de</strong>ux<br />

<strong>de</strong>rniers points, voir ces sites :<br />

http://www.equestrian.engis.ru/hb_horse_eng_18.html ,<br />

http://www.visit-tunisie.com/regions.html ,<br />

http://www.race.es/guiapaises/africa/tun/tun0005000001a.shtml et<br />

http://www.sacal.it/rivista3/tunisia.html . <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers sites<br />

spécifient que le souk el Trouk est le souk "<strong>de</strong>s Turcs".


6. Inspirations:<br />

6.1 Palladio :<br />

L’influence <strong>de</strong> Palladio est très sensible dans le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort. <strong>Le</strong> style<br />

architectural <strong>de</strong> Boffrand possè<strong>de</strong> à la base <strong>de</strong>s caractères palladiens que l’on<br />

retrouve ici comme dans d’autres <strong>de</strong> ses œuvres : il y notamment l’usage du<br />

portail ionique et un goût pour les murs massifs et sobres.<br />

La structure du <strong>pavillon</strong> central reprend, nous l’avons dit, celle d’une <strong>de</strong>s<br />

plus célèbres villas <strong>de</strong> Palladio : la villa Rotonda qui, bâtie sur un sommet<br />

proche <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Vicence, est pourvue d’une loggia par faça<strong>de</strong> pour la<br />

jouissance du paysage. Dans les <strong>de</strong>ux cas, les constructions sont faites pour<br />

profiter du spectacle <strong>de</strong>s alentours et les architectes insistent sur la beauté <strong>de</strong> la<br />

vue 79 .<br />

Outre ces points communs, il faudrait voir ce qui distingue profondément<br />

les <strong>de</strong>ux édifices. D’abord, si chez Palladio le plus important est la<br />

contemplation du paysage, le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort regar<strong>de</strong> essentiellement les<br />

fuites <strong>de</strong>s routes, le paysage <strong>de</strong> la vallée étant invisible <strong>de</strong>puis le bâtiment. A<br />

79 Une autre villa <strong>de</strong> Palladio présente ce caractère <strong>de</strong> belvédère : la villa<br />

Trissino à Meledo, qui est aussi située sur une colline et ouverte par<br />

quatre portiques. Voir ACKERMAN James S., Palladio, Paris,<br />

Macula, 1981, pp. 56 à 61.


Boisfort peut-être est-ce le <strong>pavillon</strong> lui-même qui est conçu pour être vu. Nous<br />

l’avons dit dans la <strong>de</strong>scription générale, toute la disposition du domaine est<br />

définie par la forme du <strong>pavillon</strong> et la clairière détache celui-ci <strong>de</strong>s alentours pour<br />

le mettre en évi<strong>de</strong>nce. <strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> joue donc ici un rôle <strong>de</strong> centre organisateur et<br />

<strong>de</strong> pôle d’attache : le voir replace le spectateur dans l’ordre du système. <strong>Le</strong> fanal<br />

posé au sommet <strong>de</strong>s toits et <strong>de</strong>stiné à ramener les <strong>chasse</strong>urs fait du <strong>pavillon</strong> la<br />

chose à voir par opposition au belvédère que constitue la villa <strong>de</strong> Palladio.<br />

Ensuite, une comparaison <strong>de</strong> l’extérieur <strong>de</strong>s édifices témoigne d’une<br />

insistance particulière <strong>de</strong> Boffrand sur le centre du <strong>pavillon</strong>. Chez Palladio, le<br />

dôme se détache à peine du massif cubique, le tambour étant aveugle et réduit au<br />

minimum. La forme générale apparaît massive et un peu ru<strong>de</strong>. <strong>Le</strong> faîte <strong>de</strong>s<br />

frontons à six colonnes se trouve à la hauteur <strong>de</strong> la corniche du toit, à leur<br />

niveau est construit un attique aux fenêtres carrées. De ce fait, les portiques ne<br />

couvrent pas toute la hauteur du massif d’habitation, comme chez Boffrand. <strong>Le</strong><br />

décrochement <strong>de</strong>s portiques <strong>de</strong> profil est proportionnellement plus grand chez<br />

Palladio et les escaliers développent bien plus <strong>de</strong> marches. Ces caractéristiques<br />

confèrent à la villa <strong>de</strong> Palladio une silhouette pyramidale plus aplatie dont le<br />

sommet du dôme est l’apex.<br />

A Boisfort, la silhouette équilatérale s’épanouit dans le fanal déchiqueté<br />

qui couronne les toits. <strong>Le</strong> bloc aux faces fuyantes rompt la massivité cubique. La<br />

décoration extérieure, dépouillée et classique chez Palladio prend un rythme<br />

crescendo chez Boffrand. La volonté d’éclairage et la multiplication <strong>de</strong>s fenêtres


sont <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> ce rythme, mais chaque élément <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> y participe :<br />

ainsi les cheminées et leurs simulacres, les statues, le fenestrage du tambour et<br />

aussi l’affirmation progressive <strong>de</strong> la décoration, quasi absente au bas et <strong>de</strong> plus<br />

en plus complexe jusqu’au fanal. A la villa Trissino, Palladio obtient un effet <strong>de</strong><br />

crescendo différent, dans la structure, par la disposition en terrasses et en<br />

nombreux niveaux aux longues rangées d’arca<strong>de</strong>s 80 .<br />

La forme générale <strong>de</strong> la villa est un cube massif et toutes les pièces à<br />

l’intérieur sont <strong>de</strong>s rectangles, à l’exception <strong>de</strong> l’espace central et <strong>de</strong>s quatre<br />

escaliers pris dans les massifs <strong>de</strong> murs entre les entrées. A Boisfort, Boffrand a<br />

varié la taille et la forme <strong>de</strong>s pièces à l’intérieur <strong>de</strong>s cellules d’appartements,<br />

mais il a conservé les quatre axes <strong>de</strong> circulation et <strong>de</strong> vision en croix qui<br />

constituent dans les <strong>de</strong>ux édifices les seuls accès à la pièce ron<strong>de</strong> du centre.<br />

Ainsi, le passage vers les pièces satellites et les appartements se fait<br />

latéralement, <strong>de</strong>puis les corridors ouverts sur chaque côté. Ces corridors sont<br />

tous <strong>de</strong> même surface dans le plan <strong>de</strong> Boffrand, en revanche ils présentent <strong>de</strong>s<br />

tailles différentes chez Palladio.<br />

La villa Rotonda date <strong>de</strong>s années 1566-1570 et relève d’un classicisme<br />

simple, typique <strong>de</strong> Palladio.<br />

80 ACKERMAN James S., op.cit., p.58, qualifie ce procédé palladien <strong>de</strong><br />

"modèle <strong>de</strong> la pompe architecturale".


6.2 Louis <strong>Le</strong> Vau :<br />

Germain Boffrand fut longtemps l’élève <strong>de</strong> Louis <strong>Le</strong> Vau et leur collaboration<br />

durant les jeunes années <strong>de</strong> Boffrand marquera celui-ci pour <strong>de</strong> nombreuses<br />

années. Quelques caractéristiques <strong>de</strong> Boffrand semblent directement lui venir <strong>de</strong><br />

son maître : l’usage très fréquent <strong>de</strong> l’ordre colossal, un travail sérieux sur le<br />

plan d’après les vocations <strong>de</strong>s édifices, un goût neuf pour les larges espaces <strong>de</strong><br />

forme particulières, ron<strong>de</strong>, ovale ou autre. Certain <strong>de</strong> ses édifices et, par eux,<br />

certaines <strong>de</strong> ses idées auront une portée historique immense. <strong>Le</strong> Vau a en effet<br />

travaillé la plupart du temps à <strong>de</strong> grands projets importants comme<br />

l’aménagement <strong>de</strong> Versailles et la construction <strong>de</strong> Vaux-le-Vicomte, parmi ceux<br />

qui comptent pour nous.<br />

6.2.1 Vaux-le-Vicomte :<br />

<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> Vaux-le-Vicomte offre un exemple neuf à la fin du 17 ième siècle<br />

d’étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong> la distribution <strong>de</strong>s édifices. A ce titre, il marquera<br />

également l’architecture alleman<strong>de</strong>. <strong>Le</strong> plus important dans ce domaine est le<br />

grand salon à l’italienne ovale qui organise autour <strong>de</strong> lui les ailes latérales<br />

d’habitation. Cette position première d’une pièce qui s’étend sur <strong>de</strong>ux étages<br />

sera particulièrement appréciée et imitée en Allemagne où l’architecture<br />

italienne gardait via l’Autriche un grand renom 81 . Pour la première fois à Vaux,<br />

nous rencontrons un espace presque circulaire qui prédomine sur le reste par une


position avancée et détachée du bâtiment proprement dit. La forme arrondie du<br />

salon s’affirme avant toutes les autres parties du bâtiment et influence celles-ci<br />

en s’étendant. <strong>Le</strong>s décrochements que produit le dôme du salon sont rai<strong>de</strong>s et<br />

direct : si l’arrondi influence par sa présence la forme <strong>de</strong>s murs contigus, ceux-ci<br />

restent encore très rigi<strong>de</strong>s et droits et provoquent <strong>de</strong>s angles marqués en se<br />

croisant. Bientôt ils s’arrondiront et se fondront l’un dans l’autre. <strong>Le</strong> salon <strong>de</strong><br />

Vaux-le-Vicomte possè<strong>de</strong> à ce niveau une importance comparable à celui <strong>de</strong><br />

Boisfort : la forme <strong>de</strong> base implique dans le plan une adaptation directe <strong>de</strong>s<br />

espaces voisins qui se transforment.<br />

<strong>Le</strong> salon <strong>de</strong> Vaux inspire très directement <strong>de</strong>ux éléments <strong>de</strong> Boisfort : ce<br />

sont d’abord les atlantes porteurs d’arca<strong>de</strong>s qu’à coup sûr Boffrand avait en tête<br />

en composant Boisfort 82 et également le grand escalier <strong>de</strong>s Ambassa<strong>de</strong>urs qu’il<br />

cite véritablement dans l’escalier monumental <strong>de</strong> Boisfort, nous l’avons dit.<br />

81 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.75.<br />

82 Voir GARMS Jörg, op.cit., p.61.


6.2.2 La ménagerie <strong>de</strong> Versailles :<br />

Une autre construction du règne <strong>de</strong> Louis XIV a pu exercer une influence<br />

importante sur le projet <strong>de</strong> Boisfort : la ménagerie <strong>de</strong> Versailles. Aucun auteur<br />

ne rapproche les <strong>de</strong>ux bâtiments mais cela tient peut-être au fait que la<br />

ménagerie, détruite, est peu connue et rarement décrite.<br />

La ménagerie a été également conçue par Louis <strong>Le</strong> Vau et on a déjà fait<br />

remarquer la notable influence e celui-ci sur Boffrand, son élève. <strong>Le</strong> bâtiment<br />

fut entamé à la fin <strong>de</strong> 1662 ou au début <strong>de</strong> 1663, il s’agit <strong>de</strong> la première<br />

dépendance <strong>de</strong> <strong>Le</strong> Vau à Versailles 83 . <strong>Le</strong> roi emmenait ses gens à la ménagerie<br />

en promena<strong>de</strong>, pour se changer les idées et se divertir, c’était l’attraction<br />

touristique <strong>de</strong> Versailles. Il était prévu qu’on y fasse que <strong>de</strong> courts séjours 84 .<br />

<strong>Le</strong> bâtiment est conçu en fonction d’un <strong>pavillon</strong> octogonal à <strong>de</strong>ux étages<br />

que dissimule <strong>de</strong> prime abord un corps <strong>de</strong> logis rectangulaire bâti avec <strong>de</strong>ux<br />

ailes qui font retour vers l’avant. La partie octogonale s’ouvre largement sur les<br />

enclos à animaux, organisés en étoile autour d’elle 85 . Une première ceinture <strong>de</strong><br />

jardins expose pour ainsi dire le système : celle-ci présente en effet huit courts<br />

chemins que poursuivent les murets <strong>de</strong>s enclos Ces huit bouts <strong>de</strong> chemins<br />

83 BRATTIG Patricia, "Ludwig XIV. Als König <strong>de</strong>r Tiere. Die Ménagerie in<br />

84 Ibi<strong>de</strong>m, p.268.<br />

Versailles, ein verlorenes Meisterwerk von Louis <strong>Le</strong> Vau" in<br />

Wissenschafliche Buchgesellschaft, Darmstad, 2001, p.263.


démarrent aux angles du <strong>pavillon</strong>. L’octogone est le centre affirmé <strong>de</strong><br />

l’ensemble et domine la faça<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntale. Il comporte sept gran<strong>de</strong>s portes-<br />

fenêtres donnant sur le large balcon qui court autour du <strong>pavillon</strong>. C’est l’endroit<br />

idéal pour embrasser du regard les enclos 86 . De là, le roi qui avait son siège à<br />

l’étage <strong>de</strong> l’octogone dominait littéralement le mon<strong>de</strong> animal à ses pieds.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s enclos et <strong>de</strong>vant l’entrée du <strong>pavillon</strong> étaient aménagés <strong>de</strong>s<br />

bâtiments secondaires qui servaient entre autres usages <strong>de</strong> haras et <strong>de</strong> chenil 87 .<br />

On voit sur le plan général <strong>de</strong> la ménagerie que les bâtiments secondaires et <strong>de</strong>s<br />

cours brisent sur le côté <strong>de</strong> l’entrée l’aménagement général en huit parties.<br />

La domination affirmée du maître <strong>de</strong>s lieux par sa position supérieure et<br />

surtout par sa vision dominante à 360 <strong>de</strong>grés se retrouve dans les visées <strong>de</strong><br />

Boisfort, étendue aux bois alentours. Maximilien-Emmanuel s’affirme par ce<br />

projet comme maître <strong>de</strong> la forêt qu’il aménage et peut symboliquement<br />

surveiller à chaque instant. C’est par ces aménagements qui sont faits que le<br />

possesseur <strong>de</strong>s bois assoit sur eux sa domination 88 . <strong>Le</strong> rayonnement est centré<br />

dans les <strong>de</strong>ux constructions sur l’endroit principal <strong>de</strong>s lieux qui définit toute<br />

l’organisation en quartiers du périmètre proche. Louis XIV domine <strong>de</strong> sa<br />

position le mon<strong>de</strong> animal, Maximilien-Emmanuel celui <strong>de</strong> la forêt <strong>de</strong> Soignes.<br />

85 Ibi<strong>de</strong>m, p.265 et ill.1, p.265.<br />

86 Ibi<strong>de</strong>m, p.267.<br />

87 Ibi<strong>de</strong>m, p.268.<br />

88 Voir note 50.


Si le prince-électeur a pu voir les bâtiments en 1704, ceux-ci étaient en<br />

train d’être rénovés et agrandis sous les ordres <strong>de</strong> Jules Hardouin-Mansart pour<br />

Marie Adélaï<strong>de</strong> <strong>de</strong> Savoie qui possédait les alors 89 . Mais c’est plutôt <strong>de</strong> maître à<br />

élève entre <strong>Le</strong> Vau et Boffrand que le lien s’est fait et c’est peut-être à la<br />

ménagerie <strong>de</strong> Versailles que Boisfort doit avant tout son environnement découpé<br />

nettement en huit autour <strong>de</strong> la clairière. Ces projets <strong>de</strong> <strong>Le</strong> Vau et <strong>de</strong> Boffrand<br />

sont à notre connaissance les plus directement caractéristiques <strong>de</strong> l’usage du<br />

plan centré extensif en France. Dans les <strong>de</strong>ux cas, on peut parler d’œuvres<br />

premières dans l’histoire <strong>de</strong> l’architecture à plan centré et les <strong>de</strong>ux projets<br />

participent comme précurseurs d’un regain du goût pour ce type d’organisation<br />

au 18 ième siècle.<br />

6.3 Jules Hardouin-Mansart à Marly :<br />

La structure générale, basée sur un <strong>pavillon</strong> principal organisateur entouré<br />

d’autres <strong>pavillon</strong>s secondaires, se retrouve dans le château <strong>de</strong> Marly. Cet<br />

ensemble fut achevé en 1686 par Jules Hardouin-Mansart pour le repos du roi<br />

89 BRATTIG Patricia, op.cit., p.264.


hors <strong>de</strong>s tumultes <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> cour officielle 90 . Bien qu’il soit aujourd’hui<br />

détruit, on le connaît par <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins et <strong>de</strong>s gravures 91 .<br />

Isolé sur un petit côté <strong>de</strong> l’ensemble se trouve le <strong>pavillon</strong> principal<br />

parallélipipédique réservé au roi qui fait face à un grand parterre. Sur les <strong>de</strong>ux<br />

longs côtés du parterre viennent se placer douze autres <strong>pavillon</strong>s plus petits,<br />

presque cubiques qui présentent tous la même élévation. Ces <strong>pavillon</strong>s étaient<br />

<strong>de</strong>stinés aux courtisans. <strong>Le</strong> parterre est constitué <strong>de</strong> bassins géométriques<br />

disposés en contrebas <strong>de</strong>s bâtiments, la jonction <strong>de</strong>s niveaux se fait par trois<br />

terrasses aménagées.<br />

<strong>Le</strong>s faça<strong>de</strong>s et la décoration générale présentent, par l’intervention <strong>de</strong><br />

Mansart, une forme plus gracieuse <strong>de</strong> la décoration usuelle sous Louis XIV 92 .<br />

<strong>Le</strong>s faça<strong>de</strong>s sont surmontées en leur centre d’un fronton et elles sont rythmées<br />

par un ordre colossal <strong>de</strong> pilastres plats. <strong>Le</strong>s portes et fenêtres sont rectangulaires,<br />

la corniche est sculptée comme le fronton et les coins sont marqués par un<br />

chaînage. <strong>Le</strong>s toits <strong>de</strong>s édifices sont plats.<br />

90 A la fin <strong>de</strong> son règne, Louis XIV préférait l’ambiance plus intime <strong>de</strong> Marly à<br />

l’immensité <strong>de</strong> Versailles. Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael,<br />

op.cit., p.201.<br />

91 BLUNT Anthony, Art and architecture in France 1500-1700,<br />

Harmondsworth, Penguin books Ltd., 1973, p.342 et ill.283.<br />

92 Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, op.cit., p. 202.


On sait que le <strong>pavillon</strong> principal présentait un salon à l’italienne, ouvert<br />

sur l’étage, et comportait <strong>de</strong>s atlantes comme à Boisfort. Il semble que le modèle<br />

<strong>de</strong> Marly soit comme pour Boisfort le salon <strong>de</strong> Vaux-le-Vicomte 93 .<br />

La structure générale fait interagir les constructions et leur environnement<br />

dans un ordre clair et rigoureux, basé sur l’angle droit. La nature se quadrille, le<br />

<strong>pavillon</strong> principal est parallélépipédique, les autres cubiques, et tous s'arrangent<br />

en un grand rectangle autour d'un bassin rectangulaire.<br />

Tout mouvement d'extension rayonnante a été ainsi banni à Marly.<br />

Hardouin-Mansart a voulu y conserver une stabilité fermée et confortable : les<br />

<strong>pavillon</strong>s <strong>de</strong>s courtisans forment un ri<strong>de</strong>au entre l’espace aménagé du parterre et<br />

la nature alentours. Pour ainsi dire, il n’y a rien à voir à l’extérieur du périmètre<br />

<strong>de</strong>s <strong>pavillon</strong>s.<br />

Si le schéma d’implantation peut sembler proche <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Boisfort,<br />

l’architecture <strong>de</strong>s <strong>pavillon</strong>s est fort différente aussi : le <strong>pavillon</strong> central <strong>de</strong><br />

Boisfort présente un volume beaucoup moins bien défini que ceux <strong>de</strong>s <strong>pavillon</strong>s<br />

<strong>de</strong> plan rectangulaire <strong>de</strong> Marly. <strong>Le</strong>s murs fuyants <strong>de</strong> l’octogone interdisent le<br />

sentiment <strong>de</strong> stabilité que doit donner la perfection orthogonale <strong>de</strong> Marly, a<br />

fortiori ceux <strong>de</strong>s dépendances dont la forme <strong>de</strong> trapèze arrondi accélère encore<br />

la tourmente sensuelle. <strong>Le</strong>s élévations <strong>de</strong> Boisfort comparées à celles <strong>de</strong> Marly<br />

présentent ce même caractère presque dramatique. De la stabilité froi<strong>de</strong> et sobre<br />

<strong>de</strong>s murs au niveau du sol, on arrivera finalement à la forme instable et légère du<br />

93 GARMS Jörg, op.cit., p.61 et HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, p.137.


fanal. A Marly les toits étaient très bas et dissimulés au regard par <strong>de</strong>s<br />

balustra<strong>de</strong>s droites.<br />

A Boisfort, l’extension rayonnante, mise en avant comme rarement dans<br />

l’architecture française, répond à un caractère esthétique et politique <strong>de</strong><br />

l’édifice. Ici tout est fait pour que le regard porte au plus loin et que, dans ses<br />

errances, il retrouve toujours la silhouette centralisante du <strong>pavillon</strong>. Ouverture,<br />

dynamisme et extension à l’infini sont <strong>de</strong>s caractéristiques baroques 94 qui<br />

correspon<strong>de</strong>nt ici bien à la personnalité <strong>de</strong> l’Electeur : si Louis XIV, quand il<br />

fait bâtir Marly, n’a plus rien à conquérir, Maximilien-Emmanuel, quand il<br />

arrive à Bruxelles, est encore rempli <strong>de</strong> projets et d’ambitions. Et cela implique<br />

une certaine pression <strong>de</strong> chaque instant.<br />

Maximilien-Emmanuel a peut-être été à Marly pendant ses séjours<br />

parisiens <strong>de</strong> 1704 et aura voulu expressément <strong>de</strong> Boffrand <strong>de</strong>s constructions<br />

comparables 95 . En comparant l’ensemble <strong>de</strong> Marly à celui <strong>de</strong> Boisfort, l’on ne<br />

peut douter du caractère baroque <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> Boffrand 96 . Mais il s’agit d’un<br />

baroque qui reste dissimulé sous <strong>de</strong>s attributs somme toute très classiques :<br />

architrave ininterrompue sur tout le tour <strong>de</strong> l’édifice, frontons continus, absence<br />

94 NORBERG-SCHULTZ Christian, La signification dans l'architecture<br />

occi<strong>de</strong>ntale, Liège et Bruxelles, Pierre Mardaga, 1977, p.287 et von<br />

KALNEIN Wend et LEVEY Michael, op.cit., pp. 212 et 214.<br />

95 HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, p.137.<br />

96 GALLET Michel, <strong>Le</strong>s architectes parisiens au XVIIIième siècle, op.cit., p.74<br />

et GARMS Jörg, op.cit., pp. 60 et 61.


d’arrondis dynamiques dans les faça<strong>de</strong>s, … La décoration extérieure <strong>de</strong> Boisfort<br />

semble même plus sobre que celle <strong>de</strong> Marly. Ce que Marly a véritablement<br />

amené dans l’approche <strong>de</strong> l’organisation générale d’ensembles d’édifices, c’est<br />

la "désarticulation" du plan d’ensemble 97 . Par là, Marly a eu un grand impact en<br />

97 Selon le terme <strong>de</strong> Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.74. Cette conception<br />

s’oppose à une habitu<strong>de</strong> du 17 ième siècle d’emboîter les différentes<br />

ailes <strong>de</strong> grands bâtiments les unes dans les autres. Beaucoup <strong>de</strong> grands<br />

châteaux baroques présentent <strong>de</strong>s structures complexes en fer à<br />

cheval. Cela est parfois du à une élaboration progressive du plan<br />

général pas adjonctions, citons l’exemple <strong>de</strong> Versailles, mais souvent<br />

cette structure est adoptée directement, souvenons-nous du château <strong>de</strong><br />

Lunéville par Boffrand, du château <strong>de</strong> Maisons par <strong>François</strong> Mansart,<br />

du Grand Trianon et <strong>de</strong> la ménagerie <strong>de</strong> Versailles par Jules Hardouin-<br />

Mansart et même <strong>de</strong> travaux du Bernin comme son projet <strong>de</strong> faça<strong>de</strong><br />

pour le Louvre ou la place Saint Pierre <strong>de</strong> Rome. Plus proches <strong>de</strong><br />

notre sujets sont les exemples du château principal du parc du<br />

Nymphenburg du Munich, dont nous allons traiter ou du château <strong>de</strong><br />

Schleissheim, <strong>de</strong>ux œuvres <strong>de</strong> Enrico Zuccali, voir Kurfürst Max<br />

Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.1, figures 36, 40 et<br />

45, t.2, figures 667 à 669, pp. 291 à 294. C’en est au point que cette<br />

structure est <strong>de</strong>venue caractéristique <strong>de</strong> l’architecture baroque, voir<br />

NORBERG-SCHULTZ Christian, op.cit., pp.287 à 290.


Allemagne et certaines constructions y imitent visiblement l’ensemble<br />

français 98 .<br />

6.4 Autres.<br />

L’idée <strong>de</strong> base d’un édifice conçu sur la base <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux axes qui se croisent est<br />

une idée très en vogue au tournant du 18 ième siècle et qui était déjà fort répandue<br />

auparavant 99 . On retrouve ce schéma dans <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> plusieurs architectes à<br />

la pointe <strong>de</strong> leur art à l’époque. Plus largement répandus sont les projets<br />

urbanistiques basés sur les mêmes principes <strong>de</strong> rayons concentriques organisant<br />

les divisions <strong>de</strong> l’espace. La Renaissance a produit plusieurs plans <strong>de</strong> ville idéale<br />

basés sur un modèle rayonnant mais on peut presque dire que <strong>de</strong> tout temps cette<br />

organisation centralisée a eu une gran<strong>de</strong> importance, liée symboliquement à une<br />

idée <strong>de</strong> perfection systématique 100 .<br />

98 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., pp. 72 à 74 et planche V. <strong>Le</strong> bâtiment<br />

allemand le plus proche <strong>de</strong> Marly est La Favorite, près <strong>de</strong> Mayence.<br />

Son architecte est Maximilian von Welsch.<br />

99 GARMS Jörg, op.cit., p.60 donne une courte liste d’antécé<strong>de</strong>nts à ce<br />

modèle <strong>de</strong> bâtiments centrés : Il cite Serlio, Ducerceau, <strong>Le</strong> Pautre,<br />

Cottard, et Marot.<br />

100 Citons le projet <strong>de</strong> Sforzinda qu’eut Filarete à la fin du 15 ième siècle, bien que<br />

les rayons n’y soient pas visibles ni organisateurs et la ville <strong>de</strong><br />

garnison <strong>de</strong> Palmanova, bâtie à la fin du 16 ième siècle près <strong>de</strong> Venise,<br />

dont le centre est occupé par un tour <strong>de</strong> guet et qui comporte dix-huit<br />

rayons organisateurs que suivent les rues. <strong>Le</strong>s édifices centrés plus


Outre cela, l’esprit <strong>de</strong> Boisfort rappelle l’architecture française <strong>de</strong> la<br />

renaissance. La forme générale du bâtiment, avec ses hauts toits droits animés <strong>de</strong><br />

cheminées verticales et <strong>de</strong> vases, peut rappeler en effet certains toits <strong>de</strong><br />

Chambord 101 .<br />

anciens sont en général <strong>de</strong>s bâtiments religieux ; citons le Tempietto<br />

<strong>de</strong> Bramante, les projets théoriques <strong>de</strong> Léonard <strong>de</strong> Vinci et les<br />

nombreux baptistères ronds du moyen âge, par exemple.<br />

101 GARMS Jörg, op.cit., p.61 et GALLET Michel, op.cit., p.74.


7. Postérité et <strong>de</strong>scendance :<br />

<strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort, en dépit du fait qu’il n’a pas été achevé, a eu une<br />

importante influence durant le 18 ième siècle, plus particulièrement en Allemagne.<br />

Il est <strong>de</strong>venu dans son ensemble un modèle <strong>de</strong> petite maison <strong>de</strong> plaisance pour<br />

prince 102 et certains <strong>de</strong> ses détails <strong>de</strong>viendront <strong>de</strong>s motifs fréquents dans l’art<br />

germanique du 18 ième siècle : par exemple les atlantes 103 . Cette transmission se<br />

fait d’abord par l’intermédiaire <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel et la Bavière où<br />

Boffrand sera reconnu et mandé pour conseil ou invité à critiquer <strong>de</strong>puis la<br />

France <strong>de</strong>s plans pour <strong>de</strong>s édifices allemands. Cette rencontre directe et<br />

personnelle <strong>de</strong> Boffrand avec l’art germanique permet à l’architecte <strong>de</strong> libérer<br />

certaines idées que l’ambiance artistique française n’aurait tolérées, tout en<br />

s’adaptant aux désirs <strong>de</strong> ses commanditaires 104 . Par exemple, Boffrand travailla<br />

102 GARMS Jörg, op.cit., p.61, PONS Bruno, op.cit., p.206 et von KALNEIN<br />

Wend et LEVEY Michael, op.cit., p.214. <strong>Le</strong> second considère le<br />

<strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort comme un "véritable manifeste architectural" qui<br />

fut le point essentiel <strong>de</strong> la diffusion en Allemagne <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong><br />

Boffrand.<br />

103 BAZIN Germain, Baroque et rococo, Paris, Thames & Hudson, 1994, p.228.<br />

104 BAZIN Germain, op.cit., p.188 et GARMS Jörg, op.cit., p.62. Dans<br />

HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, pp.136 et 137, on retrouve la<br />

même idée que la plus gran<strong>de</strong> liberté créatrice dont peut jouir<br />

Boffrand hors du contexte français lui fait élaborer <strong>de</strong>s projets<br />

novateurs. A propos du contexte socio-culturel français durant le


en 1737 pour le comte munichois Törring sur <strong>de</strong>s plans en vue d’une<br />

transformation <strong>de</strong> son palais. Il conféra au vestibule du palais <strong>de</strong>s dimensions<br />

monumentales et le plaça <strong>de</strong> sorte qu’il traverse <strong>de</strong> part en part le bâtiment,<br />

reliant directement la rue à la cour centrale. Cet usage et la taille générale du<br />

vestibule ne se voient pas dans les travaux français <strong>de</strong> l’architecte 105 .<br />

Avant cela, en 1724, Boffrand fut appelé à Würzburg 106 par Johann Phillip<br />

von Schönborn. D’abord, en 1723, l’architecte Balthazar Neumann vint en<br />

France pour y consulter Boffrand et Robert <strong>de</strong> Cotte et les confronter quant au<br />

projet pour la Resi<strong>de</strong>nz. Boffrand fut préféré à <strong>de</strong> Cotte à cause <strong>de</strong> sa<br />

disponibilité et <strong>de</strong> sa capacité d’adaptation aux volontés <strong>de</strong>s commanditaires,<br />

qualités que nous avons déjà soulignées. De Cotte fut jugé autoritaire et trop<br />

attaché dans ses œuvres à l’expression <strong>de</strong>s meilleures principes <strong>de</strong><br />

l’architecture 107 . Boffrand fut avant tout chargé <strong>de</strong> repenser complètement la<br />

structure du château mais il participa aussi aux travaux <strong>de</strong> décoration<br />

d’appartements, corrigea <strong>de</strong>s plans pour la chapelle <strong>de</strong>s Schönborn à Würzburg,<br />

fit <strong>de</strong>s projets d’autels et <strong>de</strong> tombeaux. Il voyagea aussi d’un château l’autre<br />

pour y voir l’architecture alleman<strong>de</strong> et donner ses avis sur celle-ci. Il publiera<br />

règne <strong>de</strong> Louis XIV, voir ROCHEBLAVE Samuel, <strong>Le</strong> goût en<br />

France, Paris, Librairie Armand Collin, 1914, p.109 et suivantes.<br />

105 GARMS Jörg, op.cit., p.62.<br />

106 Pour une <strong>de</strong>scription plus approfondie du voyage <strong>de</strong> Boffrand en Allemagne,<br />

voir du COLOMBIER Pierre, op.cit., pp. 88 et 89.<br />

107 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.82 et GARMS Jörg, op.cit., p.63.


ses projets pour Wurzbürg dans le livre d’architecture 108 . Ce voyage <strong>de</strong><br />

Boffrand en Allemagne est un fait rare dans l’histoire <strong>de</strong> l’architecture<br />

française : en général, les architectes français restent dans leur pays 109 . Malgré<br />

tout, ce sont plutôt les gravures <strong>de</strong> ses projets, le travail <strong>de</strong> Effner et Maximilien-<br />

Emmanuel lui-même qui firent <strong>de</strong> Boffrand un architecte reconnu outre-Rhin.<br />

Nous avons signalé qu’à son retour en Bavière, Maximilien-Emmanuel fut<br />

repris <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s envies <strong>de</strong> construire et qu’il s’entoura pour cela <strong>de</strong> Français<br />

immigrés. <strong>Le</strong> plus célèbre <strong>de</strong>s travaux qui furent achevés à ce moment sont les<br />

jardins du Nymphenburg que Dominique Girard conçut après 1715 avec le plus<br />

grand goût 110 . Dans le parc qui présente un schéma d’organisation basé sur <strong>de</strong>ux<br />

centres rayonnants placés <strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong> l’axe principal 111 , Maximilien-<br />

Emmanuel fit bâtir par Joseph Effner le Pago<strong>de</strong>nburg qui a <strong>de</strong>s caractéristiques<br />

qui dénotent <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> Boffrand. Il s’agit d’un petit bâtiment basé<br />

sur une pièce centrale octogonale dont quatre côtés se poursuivent en croix. La<br />

forme générale rappelle Boisfort dans <strong>de</strong>s dimensions très diminuées. <strong>Le</strong> style<br />

décoratif extérieur reste classique, il est basé sur un ordre colossal <strong>de</strong> pilastres<br />

corinthien plats, les murs latéraux <strong>de</strong>s quatre avancées sont laissés nus et enfin le<br />

108 BOFFRAND Germain, op.cit., planches LV à LX.<br />

109 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., pp. 88 et 89.<br />

110 Du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.40.


âtiment présente une corniche proéminente surmontée d’une frise plate 112 . Un<br />

bâtiment similaire qui porte le même nom a été bâti à Rastatt. Il comporte <strong>de</strong>s<br />

toits en étage et <strong>de</strong>s balcons aux fenêtres <strong>de</strong> l’étage. Ces <strong>pavillon</strong>s participent<br />

d’un "style chinois" qui se développe au 18 ième siècle et que leur nom rappelle 113 .<br />

<strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> <strong>de</strong> Clemenswerth à Sögel, en Wesphalie, bâti à<br />

partir <strong>de</strong> 1736 pour un fils <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel, l’archevêque <strong>de</strong> Cologne<br />

Clément-Auguste, montre lui une organisation générale très inspirée <strong>de</strong> celle <strong>de</strong><br />

Boisfort 114 . Un <strong>pavillon</strong> principal occupe le centre d’une clairière ron<strong>de</strong> au bord<br />

<strong>de</strong> laquelle sont disposés d’autres bâtiments. Huit chemins mènent du centre aux<br />

huit <strong>pavillon</strong>s secondaires qui sont tous i<strong>de</strong>ntiques à l’exception <strong>de</strong> celui qui se<br />

trouve du côté <strong>de</strong> l’avenue d’accès principale qui est plus grand. <strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong><br />

central à la forme en croix <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Boisfort, <strong>de</strong>ux axes principaux organisent<br />

111 Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.2, figures 681<br />

et 705, pp. 298 et 307.<br />

112 Ibi<strong>de</strong>m, t.2, pp. 307 et 308 et figure 701. Voir également le site suivant:<br />

http://cobra.crcl.cs.cmu.edu:8000/raluca-pics/germany-<br />

aug/pago<strong>de</strong>nburg.jpg.html , d’une traite.<br />

113 Concernant le Pago<strong>de</strong>nburg <strong>de</strong> Rastatt consulter le site suivant :<br />

http://www.zum.<strong>de</strong>/Faecher/G/BW/Lan<strong>de</strong>skun<strong>de</strong>/rhein/staedte/rastatt/<br />

pago<strong>de</strong>nburg.htm , d’une traite. Notons que pour MINGUET Philippe,<br />

op.cit., pp. 194 et suivantes, "le style chinois" n’est qu’une variété <strong>de</strong><br />

la décoration rococo.<br />

114 La forêt <strong>de</strong> Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle :<br />

catalogue <strong>de</strong> l’exposition Europalia 87 Österreich, op.cit., p.133.


le bâtiment en se croisant dans le salon du centre. Ces axes ne se poursuivent pas<br />

ici d’un bout à l’autre du bâtiment et trois <strong>de</strong>s branches <strong>de</strong> la croix sont fermées<br />

par <strong>de</strong>s murs : le <strong>pavillon</strong> ne possè<strong>de</strong> qu’une entrée. Si la forme générale <strong>de</strong><br />

Boisfort se retrouve dans ce <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> <strong>chasse</strong>, un certain aspect du projet <strong>de</strong><br />

Boffrand s’est ainsi perdu. L’élévation <strong>de</strong> <strong>pavillon</strong> est rendue moins verticale et<br />

animée qu’à Boisfort par l’absence <strong>de</strong> tambour détaché du massif d’habitation et<br />

une simplicité générale presque rustique. <strong>Le</strong>s contours <strong>de</strong>s toits et <strong>de</strong>s murs sont<br />

partout anguleux, la faça<strong>de</strong> principale est seule marquée par un fronton arrondi<br />

discret. La pièce centrale n’apparaît pas ron<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’extérieur et l’ensemble donne<br />

une impression géométrique. Notons encore que l’échelle générale est plus<br />

petite à Sögel qu’à Boisfort : les <strong>pavillon</strong>s secondaires sont constitués<br />

essentiellement d’une gran<strong>de</strong> pièce. L’architecte <strong>de</strong> cet ensemble est Johann<br />

Conrad Schlaun 115 .<br />

L’Amalienburg 116 que <strong>François</strong> Cuvilliés construisit pour le successeur <strong>de</strong><br />

Maximilien-Emmanuel, Charles-Albert, dans le parc du Nymphenburg <strong>de</strong><br />

Munich <strong>de</strong> 1734 à 1739, présente <strong>de</strong>s aspects dérivant du modèle <strong>de</strong> plan centré,<br />

malgré sa forme allongée : parmi les caractéristiques <strong>de</strong> l’extérieur du bâtiment<br />

on remarque une insistance sur la partie centrale qui se bombe sur un côté et sur<br />

115 Pour <strong>de</strong>s informations historiques et <strong>de</strong>s vues du <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Clemenswerth,<br />

consulter les sites suivant : http://www.clemenswerth.<strong>de</strong>/ et<br />

http://www.marstall-clemenswerth.<strong>de</strong>/Bildungsstaette/in<strong>de</strong>x.htm ,<br />

dans la section «die Geschichte».


le <strong>de</strong>ssus. La présence <strong>de</strong> la salle arrondie du milieu est rendue évi<strong>de</strong>nte parce<br />

qu’elle influence et déforme les structures murales attenantes, à la manière du<br />

salon du château <strong>de</strong> Vaux-le-Vicomte en plus petit et plus apaisé : ici les angles<br />

ont disparus et les courbes rejoignent les parties droites sans joint visible. Sur le<br />

toit est aménagé une terrasse ron<strong>de</strong> <strong>de</strong> laquelle on pouvait tirer le gibier. Cette<br />

fonction <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> pouvoir sur les alentours par une position dominante, peut-<br />

être secondaire à l’Amalienburg, n’en reste pas moins présente. Notons<br />

également que la multiplication <strong>de</strong> constructions restreintes dans le parc<br />

munichois du Nymphenburg participe également <strong>de</strong> l’affirmation du contrôle<br />

d’un maître sur son mon<strong>de</strong>, comme il a été dit plus haut 117 . Ces bâtiments<br />

constituent ici aussi <strong>de</strong>s jalons tangibles <strong>de</strong> la présence organisatrice du prince.<br />

Rappelons que ces trois bâtiments présentent <strong>de</strong>s caractéristiques qui les<br />

relient directement à Boisfort et aux autres antécé<strong>de</strong>nts français : leur usage<br />

normal était limité dans la durée, on ne prévoyait d’y faire <strong>de</strong> longs séjours mais<br />

plutôt d’aller y profiter quelques temps <strong>de</strong> la nature très présente dans tous les<br />

cas. Clemenswerth était <strong>de</strong>stiné avant tout à la pratique <strong>de</strong> la <strong>chasse</strong>.<br />

Après Marly et par l’intermédiaire <strong>de</strong> Boisfort, les architectes en<br />

Allemagne auront une certaine tendance à ouvrir <strong>de</strong> vastes espaces entre les<br />

différents éléments <strong>de</strong> leurs ensembles. Ce système est utilisé à la manière <strong>de</strong><br />

116 Voir du COLOMBIER Pierre, op.cit., p.152.<br />

117 Voir la note 50.


Boisfort plutôt que <strong>de</strong> Marly, avec un <strong>pavillon</strong> principal placé au centre d’une<br />

esplana<strong>de</strong> circulaire plutôt qu’à une extrémité <strong>de</strong> rectangle. On remplacera<br />

souvent les <strong>pavillon</strong>s isolés par une ceinture unie <strong>de</strong> constructions, ce qui éclaire<br />

avec plus d’emphase le <strong>pavillon</strong> central mais ferme également l’espace sur un<br />

côté et constitue une sorte <strong>de</strong> recul après Marly. A cause d’une mise en évi<strong>de</strong>nce<br />

supplémentaire <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong>ur, le <strong>pavillon</strong> central dans ces exemples perd <strong>de</strong> sa<br />

vision périphérique 118 .<br />

Nous avons parlé <strong>de</strong> certains projets urbanistiques basés sur la<br />

centralisation <strong>de</strong> l’espace, notamment les projets renaissants <strong>de</strong> ville idéale. Si<br />

ces idées ont eu leur heure <strong>de</strong> gloire à la fin <strong>de</strong> la renaissance plus<br />

particulièrement, elles continuent d’alimenter l’architecture du 18 ième siècle avec<br />

<strong>de</strong>s évolutions qu’elles ont subies entre-temps. En 1715, la ville <strong>de</strong> Karlsruhe est<br />

reconstruite sur un modèle rayonnant idéal 119 . Durant le 17 ième siècle, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s<br />

villes comme Paris ou Turin furent réaménagées selon ces principes <strong>de</strong> séries<br />

118 On citera pour ce type, le château <strong>de</strong> Lustheim pour lequel une ceinture <strong>de</strong><br />

bâtiments était prévue. voir Kurfürst Max Emanuel. Bayern und<br />

Europa um 1700, op.cit., t.1, figures 33 et 34. Ce type semble s’être<br />

répandu et on le retrouve dans <strong>de</strong>s architectures simulées, lors <strong>de</strong> fêtes<br />

en l’honneur <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel, par exemple, voir Kurfürst<br />

Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, op.cit., t.2, figure 52,<br />

p.26.


d’extensions géométriques basées sur <strong>de</strong>s centres organisateurs, ensuite cette<br />

organisation fut étendue aux campagnes et aux forêts 120 .<br />

L’inspiration directe <strong>de</strong> Palladio que présente le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort<br />

confère également à Boffrand une position <strong>de</strong> précurseur du palladianisme<br />

anglais, ou en tout cas <strong>de</strong> relais vers celui-ci 121 .<br />

119 La forêt <strong>de</strong> Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle :<br />

catalogue <strong>de</strong> l’exposition Europalia 87 Österreich, op.cit., p. 133.<br />

120 NORBERG-SCHULTZ Christian, op.cit., pp. 289 à 292 parle <strong>de</strong> "centre <strong>de</strong><br />

signification". Comme le souligne l’auteur, cette innovation dans<br />

l’organisation <strong>de</strong> l’espace se rattache à l’architecture <strong>de</strong> jardin. A<br />

propos <strong>de</strong> l’extension <strong>de</strong> ce système aux forêts, voir SALVADORI<br />

Philippe, op.cit., p.213.<br />

121 Suivant l’avis <strong>de</strong> von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, op.cit., p.208.<br />

SOUCHAL <strong>François</strong>, "l'influence française dans l'architecture <strong>de</strong>s<br />

Pays-Bas et <strong>de</strong> la principauté <strong>de</strong> Liège au temps <strong>de</strong> Voltaire et <strong>de</strong> J.-J.<br />

Rousseau (1730-78)" in Etu<strong>de</strong>s sur le XVIIIième siècle, vol.VI, édité<br />

par Hervé Hasquin et Roland Mortier, Bruxelles, 1991, p.16 se dirige<br />

dans cette voie en décrivant l’art <strong>de</strong> Boffrand à Boisfort comme plus<br />

palladien que français.


8. La question <strong>de</strong> la place du <strong>pavillon</strong> dans l’œuvre <strong>de</strong> Boffrand.<br />

Nous avons noté déjà que les spécialistes considèrent sans hésitation le <strong>pavillon</strong><br />

comme représentatif <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> Boffrand au début <strong>de</strong> sa carrière et <strong>de</strong> son art<br />

tout court 122 .<br />

En 1699, Boffrand avait bâti l’hôtel <strong>Le</strong>brun où il appliquait <strong>de</strong>s ornements<br />

en rapport direct avec le haut statut <strong>de</strong> son commanditaire.<br />

<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> Lunéville 123 présente une élévation basée sur un ordre<br />

colossal et un jeu <strong>de</strong> contraste <strong>de</strong>s masses habituels chez Boffrand. Il présente un<br />

fronton posé sur quatre colonnes massives. <strong>Le</strong> château est conçu suivant <strong>de</strong>ux<br />

optiques : l’une officielle qui veut une représentation grandiose <strong>de</strong> la cour <strong>de</strong><br />

Lorraine, l’autre qui veut conserver au maître <strong>de</strong>s lieux le plaisir et la quiétu<strong>de</strong>.<br />

Ainsi le château est-il ouvert d’un côté sur une cour d’honneur que bor<strong>de</strong> le<br />

retour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ailes <strong>de</strong> l’édifice et <strong>de</strong> l’autre sur les jardins. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux espaces<br />

sont reliés entre eux par le portique ouvert au centre du corps principal. <strong>Le</strong>s<br />

appartements sont construits dans une <strong>de</strong>s ailes côté jardin et sont organisés<br />

selon le système <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> vie encore imparfait.<br />

Après Boisfort, en 1711, Boffrand élabore un premier projet pour le<br />

château <strong>de</strong> la Malgrange 124 , près <strong>de</strong> Nancy, il conçoit un plan basé sur un salon<br />

122 Voir notes 3 et 4.<br />

123 Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, op.cit., pp. 208 à 210.<br />

124 Ibi<strong>de</strong>m, pp. 214 à 216.


ond qui <strong>de</strong>ssert quatre ailes latérales qu’occupent les appartements. <strong>Le</strong>s rayons<br />

que suivent ces ailes ne sont pas perpendiculaires comme à Boisfort : le résultat<br />

est un schéma en forme <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux V joints par les pointes. Dans les angles aigus<br />

prennent place les faça<strong>de</strong>s, les escaliers et les pièces utilitaires, rejetés hors <strong>de</strong>s<br />

ailes d’habitation. <strong>Le</strong>s élévations <strong>de</strong> la Malgrange montrent un mélange <strong>de</strong><br />

classicisme et <strong>de</strong> fantaisie que l’on retrouve également à Boisfort 125 .<br />

<strong>Le</strong>s autres châteaux que <strong>de</strong>ssina Boffrand aux alentours <strong>de</strong> 1710, à<br />

Commercy et à Haroué 126 , présentent comme les précé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s caractères<br />

palladiens accolés à un style français classique.<br />

L’hôtel Amelot <strong>de</strong> Gournay 127 qu’il éleva en 1712 poursuit au niveau du<br />

plan une évolution entamée à Boisfort. La forme particulière <strong>de</strong> l’espace central,<br />

dans ce cas la cour ovale, donne a priori aux pièces contiguës <strong>de</strong>s formes<br />

particulières. A Boisfort, l’octogone du salon <strong>de</strong>ssinait les trapèzes <strong>de</strong>s<br />

appartements, eux-mêmes composés <strong>de</strong> pièces <strong>de</strong> formes variées. Dans l’hôtel<br />

parisien, Boffrand pousse plus loin ce travail et obtient <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> formes<br />

irrégulières, pentagonales, elliptiques et trapézoïdales qui sont uniques dans<br />

l’architecture parisienne. <strong>Le</strong>s élévations extérieures, malgré cette complexité du<br />

plan, restent sobres et typiques <strong>de</strong> Boffrand. La forme ovale <strong>de</strong> l’espace<br />

principal confère un caractère très particulier aux faça<strong>de</strong>s côté cour, en effet<br />

125 HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, p.138.<br />

126 Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, op.cit., p.217.<br />

127 Ibi<strong>de</strong>m, p.224..


celles-ci suivent une forte courbure et présentent une forme concave très<br />

appuyée.<br />

<strong>Le</strong>s premières œuvres <strong>de</strong> Boffrand, y compris Boisfort, présentent ainsi un<br />

caractère baroque <strong>de</strong> variété, <strong>de</strong> recherche et d’innovation dans le plan. Ce<br />

courant est tempéré chez Boffrand par l’usage parallèle d’un langage <strong>de</strong> forme<br />

essentiellement classique. Si le souvenir <strong>de</strong> Palladio est très présent dans ces<br />

années, Boffrand n’en gar<strong>de</strong> que ce qu’il peut utiliser pour ses projets 128 et<br />

s’inspire plutôt librement <strong>de</strong>s travaux d’autres maîtres <strong>de</strong> l’époque.<br />

128 Ibi<strong>de</strong>m, p.217.


9. La question du rococo dans le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort.<br />

Comme nous l’avons montré au long <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions et comparaisons, le<br />

<strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort s’insère bien dans le style classique français par son<br />

vocabulaire <strong>de</strong> formes tout en possédant un fort caractère baroque dans son<br />

esprit. Ce caractère vient <strong>de</strong> certaines idées architecturales <strong>de</strong> Boffrand et du<br />

contexte <strong>de</strong> construction du <strong>pavillon</strong> selon les désirs <strong>de</strong> l’électeur. Il ne sera dans<br />

ce chapitre aucunement question <strong>de</strong> remettre ces considérations en cause mais<br />

partant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux faits que nous allons décrire, il nous a semblé opportun <strong>de</strong><br />

vouloir déceler à Boisfort, si ce n’est <strong>de</strong>s formes du rococo proprement dites,<br />

<strong>de</strong>s éléments précurseurs à ce style.<br />

En premier l’on rappellera à nouveau que Boffrand est l’auteur <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s<br />

plus célèbres exemples <strong>de</strong> décoration rococo en France : le salon ovale <strong>de</strong> l’hôtel<br />

<strong>de</strong> Soubise ; en second que l’art rococo a connu ses balbutiements dès le début<br />

du siècle 129 . A partir <strong>de</strong> là, il nous a semblé qu’il fallait rapi<strong>de</strong>ment analyser le<br />

129 BAZIN Germain, op.cit., p. 187, CHAUNU Pierre, op.cit., p.352,<br />

d’HAINAUT-ZVENY Brigitte, "les décors rocaille : essai d’analyse<br />

stylistique" in Rocaille-rococo, étu<strong>de</strong>s sur le XVIIIième siècle,<br />

vol.XVIII, édité par Hervé Hasquin et Roland Mortier, Bruxelles,<br />

1991, p. 111, MINGUET Philippe, Esthétique du rococo, Paris, Vrin,<br />

1979, p.183, von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, op.cit., p.202<br />

et WEISGERBER <strong>Jean</strong>, "qu’est-ce que le rococo ? essai <strong>de</strong> définition<br />

comparatiste" in Rocaille-rococo, étu<strong>de</strong>s sur le XVIIIième siècle,


projet <strong>de</strong> Boisfort sous ce biais. La recherche ne pourra pas se baser sur les<br />

éléments <strong>de</strong> décor intérieur du <strong>pavillon</strong> dont on a dit qu’il n’apparaissaient pas<br />

dans les gravures mais plutôt sur <strong>de</strong>s éléments récurrents <strong>de</strong> l’architecture <strong>de</strong><br />

Boffrand qui sont aussi <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong> l’art rococo. Parmi celles-ci se<br />

retrouvent <strong>de</strong>s caractéristiques qui ne doivent pas tout aux travaux <strong>de</strong> Boffrand<br />

mais participent du changement général que connaît l’architecture à la fin du<br />

règne <strong>de</strong> Louis XIV 130 .<br />

Une <strong>de</strong>s caractéristiques premières du style <strong>de</strong> Boffrand s’applique<br />

également à l’art rococo : il s’agit d’un contraste invisible entre la simplicité<br />

extérieure et le luxe <strong>de</strong>s intérieurs 131 . A Boisfort, on a vu que les pièces<br />

présentaient au moins trois formes différentes mais qu’elles s’agençaient <strong>de</strong><br />

manière assez simple, par trois. De l’extérieur <strong>de</strong> l’édifice, aucun changement <strong>de</strong><br />

forme <strong>de</strong>s pièces secondaires n’est perceptible, seul le salon impose sa gran<strong>de</strong>ur.<br />

D’autres innovations et recherches <strong>de</strong> Boffrand suivent également le cours<br />

<strong>de</strong>s idées neuves <strong>de</strong> la fin du règne <strong>de</strong> Louis XIV, ainsi cette volonté<br />

d’adaptation <strong>de</strong> l’architecture aux besoins journaliers <strong>de</strong>s habitants 132 ou l’usage<br />

vol.XVIII, édité par Hervé Hasquin et Roland Mortier, Bruxelles,<br />

1991, p.19.<br />

130 MINGUET Philippe, op.cit., pp. 183 et suivantes..<br />

131 BAZIN Germain, op.cit., p.188 CHAUNU Pierre, op.cit., pp. 352 et 395,<br />

HAUTECOEUR Louis, op.cit., vol.3, p.136 et MINGUET Philippe,<br />

op.cit., pp. 184 et 185.<br />

132 BAZIN Germain, op.cit., pp. 151, 206 et 208.


d’éléments baroques et classiques mêlés sans distinctions 133 . L’usage du plan<br />

centré <strong>de</strong> forme ron<strong>de</strong> ou ovale est fréquent dans le rococo mais n’a pas le<br />

caractère dynamique que l’on a rencontré chez Boffrand et aurait tendance à se<br />

vouloir refermé sur lui-même 134 .<br />

Plutôt que <strong>de</strong> voir dans ces nouveautés les caractéristiques d’un style<br />

défini, disons que Boisfort porte, comme les autres travaux <strong>de</strong> Boffrand à la<br />

même époque, <strong>de</strong>s idées qui <strong>de</strong>viendront pour un temps l’idéal architectural. En<br />

tout cas, aucune caractéristique précise <strong>de</strong> Boisfort ne peut être directement<br />

reliée à l’art rococo. Si une partie <strong>de</strong> l’édifice a pu présenter un aspect rococo<br />

plus affirmé, ce sont les appartements qui présentent une intégration basique du<br />

mobilier aux murs et les "cabinets", s’il s’avère qu’ils avaient un plafond<br />

arrondi. Disons que le motif principal <strong>de</strong> la décoration intérieure du salon, les<br />

atlantes, se rattachent à une tradition qui reste baroque.<br />

133 D’HAINAUT-ZVENY Brigitte, op.cit., pp. 113 et 114.<br />

134 MINGUET Philippe, op.cit., p.191.


10. Conclusion.<br />

<strong>Le</strong>s variations que nous avons rencontrées dans les gravures durant l’analyse du<br />

<strong>pavillon</strong> font se poser <strong>de</strong>s questions auxquelles il est ardu <strong>de</strong> répondre. Sans<br />

doute ne doit-on pas considérer ces variantes comme <strong>de</strong>s preuves d’une<br />

contrefaçon volontaire <strong>de</strong>s plans mais plutôt comme <strong>de</strong>s témoins <strong>de</strong> différents<br />

projets successifs ou d’une exploitation variée <strong>de</strong>s possibilités. Il semble en effet<br />

peu probable que l’architecte ne se soit pas rendu compte <strong>de</strong> la légère<br />

incohérence <strong>de</strong>s gravures entre elles en composant son livre d’architecture.<br />

Deux escaliers supplémentaires et un changement <strong>de</strong> forme <strong>de</strong>s pilastres du<br />

tambour ne peuvent mettre en doute l’objectivité <strong>de</strong>s gravures d’un projet<br />

manifestement déjà bien en place. Si les différences avaient été plus flagrantes,<br />

on aurait pu parler d’esquisse <strong>de</strong> mise en place <strong>de</strong>s formes mais le projet est ici<br />

très avancé, si pas achevé. <strong>Le</strong> fait que le <strong>pavillon</strong> se place sans difficulté dans<br />

l’évolution historique <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> Boffrand confirme encore s’il le fallait cette<br />

conclusion.<br />

<strong>Le</strong> <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort est un jalon important dans l’architecture du 18 ième<br />

siècle. Il s’inscrit dans la tradition centenaire <strong>de</strong>s édifices à plan centré mais<br />

Boffrand a intégré à Boisfort ce type <strong>de</strong> plan dans le système baroque. La<br />

personnalité <strong>de</strong> Maximilien-Emmanuel a conféré à l’édifice <strong>de</strong>s caractères rares<br />

inusités qui <strong>de</strong>viennent à l’époque déjà démodées. <strong>Le</strong> caractère baroque, les<br />

violents contrastes volontaires <strong>de</strong> volumes, par exemple, disparaît à ce moment


pour la fluidité du rococo. C’est dans sa structure que Boisfort porte les germes<br />

<strong>de</strong> sa postérité. Il n’empêche que ce qui plaît aux Allemands chez Boffrand,<br />

c’est en partie son caractère baroque. L’Allemagne est restée toujours très<br />

influencée par l’art baroque italien, art <strong>de</strong> faça<strong>de</strong>. Toute sa carrière, resté éloigné<br />

<strong>de</strong> l’architecture officielle, il développe un art moins tranché et académique que<br />

ses confrères, il se permet d’inventer et <strong>de</strong> tester <strong>de</strong> nouvelles formes, <strong>de</strong><br />

mélanger les styles décoratifs. En plus <strong>de</strong> cela, ses plans ont les qualités<br />

françaises d’une distribution étudiée en vue d’un confort agréable.<br />

En ce qui concerne l’aspect cynégétique <strong>de</strong> Boisfort, nous en avons<br />

souligné les caractéristiques et celles-ci tiennent à la fois dans la présence <strong>de</strong>s<br />

nécessaires dépendances et <strong>de</strong>s décorations <strong>de</strong> <strong>chasse</strong> que dans l’aménagement<br />

<strong>de</strong> la forêt aux abords. Dans le contexte <strong>de</strong> l’extension du système baroque à<br />

toutes les échelles du mon<strong>de</strong>, ces aménagements ont une gran<strong>de</strong> importance et le<br />

<strong>pavillon</strong>, en tant que centre organisateur, <strong>de</strong>vient symbole <strong>de</strong> pouvoir et <strong>de</strong><br />

contrôle.<br />

Nous dirons enfin que le contexte général du début du 18 ième siècle <strong>de</strong>vait<br />

produire une œuvre telle que le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort, tourmentée une <strong>de</strong>rnière<br />

fois pas la disparition imminente <strong>de</strong> ses principes. Comme Maximilien-<br />

Emmanuel n’abandonnant jamais, le <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort se présente comme le<br />

<strong>de</strong>rnier exemple puissamment baroque d’une architecture française qui se<br />

tourne, y compris Boffrand, vers une recherche plus humaine <strong>de</strong> confort <strong>de</strong> vie.


11. Illustrations.<br />

Liste <strong>de</strong>s illustrations :<br />

Figure 1 : vue en plan général <strong>de</strong> Boisfort. De BOFFRAND Germain, Livre<br />

d'architecture contenant les principes généraux <strong>de</strong> cet art et les plans,<br />

élévations et profils <strong>de</strong> quelques-uns <strong>de</strong>s bâtiments faits en France &<br />

dans les pays étrangers, par le sieur Boffrand, architecte du Roy & <strong>de</strong><br />

son académie royale d'architecture, Paris, Guillaume Cavalier père,<br />

1745, pl.1.<br />

Figure 2 : vue en plan du rez-<strong>de</strong>-chaussée du <strong>pavillon</strong> central <strong>de</strong> Boisfort. De<br />

BOFFRAND Germain, op.cit., pl.2.<br />

Figure 3 : vue en plan du premier étage du <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort. De<br />

BOFFRAND Germain, op.cit., pl.3.<br />

Figure 4 : vue en élévation d’une <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s du <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort. De<br />

BOFFRAND Germain, op.cit., pl.4.<br />

Figure 5 : vue en coupe par le salon du <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> Boisfort. De BOFFRAND<br />

Germain, op.cit., pl.5.<br />

Figure 6 : vue en plan <strong>de</strong> la villa Rotonda. De ACKERMAN James S., Palladio,<br />

Paris, Macula, 1981, figure 32, p.65.<br />

Figure 7 : vue oblique <strong>de</strong> la villa Rotonda. De ACKERMAN James S., op.cit.,<br />

figure 31, p.64.


Figure 8 : vue d’en-bas <strong>de</strong> la villa Rotonda. De ACKERMAN James S., op.cit.,<br />

figure 33, p.65.<br />

Figure 9 : vue en plan du château <strong>de</strong> Vaux-le-Vicomte. De BLUNT Anthony,<br />

Art and architecture in France 1500-1700, Harmondsworth, Penguin<br />

books Ltd., 1973, figure 188, p.229.<br />

Figure 10 : vue extérieur générale du château <strong>de</strong> Vaux-le-Vicomte. De BLUNT<br />

Anthony, op.cit., figure 189, pp. 230 et 231.<br />

Figure 11 : vue en plan général <strong>de</strong> la ménagerie <strong>de</strong> Versailles. De BRATTIG<br />

Patricia, "Ludwig XIV. Als König <strong>de</strong>r Tiere. Die Ménagerie in<br />

Versailles, ein verlorenes Meisterwerk von Louis <strong>Le</strong> Vau" in<br />

Wissenschafliche Buchgesellschaft, Darmstad, 2001, figure 1, p.265.<br />

Figure 12 : vue en plan <strong>de</strong>s rez-<strong>de</strong>-chaussée et étage du <strong>pavillon</strong> <strong>de</strong> la ménagerie<br />

<strong>de</strong> Versailles. De BRATTIG Patricia, op.cit., figure 2, p.266.<br />

Figure 13 : gravure d’une vue <strong>de</strong> la ménagerie <strong>de</strong> Versailles. De BRATTIG<br />

Patricia, op.cit., figure 3, p.266.<br />

Figure 14 : gravure d’une vue <strong>de</strong> la ménagerie <strong>de</strong> Versailles. De BRATTIG<br />

Patricia, op.cit., figure 4, p.267.<br />

Figure 15 : gravure d’une vue générale <strong>de</strong> Marly. De BLUNT Anthony, op.cit.,<br />

figure 283, p.342.<br />

Figure 16 : vue générale <strong>de</strong> Clemenswerth. De http://www.clemenswerth.<strong>de</strong>/ .<br />

Figure 17 : vue <strong>de</strong> profil du <strong>pavillon</strong> central <strong>de</strong> Clemenswerth. De<br />

http://www.clemenswerth.<strong>de</strong>/ .


Figure 18 : vue <strong>de</strong> trois quarts du <strong>pavillon</strong> central <strong>de</strong> Clemenswerth. De<br />

http://www.rainer-czilwa.<strong>de</strong>/galerie/clemenswerth1.htm .<br />

Figure 19 : vue frontale du Pago<strong>de</strong>nburg, dans le parc du Nymphenburg <strong>de</strong><br />

Munich. De http://cobra.crcl.cs.cmu.edu:8000/raluca-pics/germany-<br />

aug/pago<strong>de</strong>nburg.jpg.html .<br />

Figure 20 : vue du Pago<strong>de</strong>nburg <strong>de</strong> Rastatt. De<br />

http://www.zum.<strong>de</strong>/Faecher/G/BW/Lan<strong>de</strong>skun<strong>de</strong>/rhein/staedte/rastatt/<br />

pago<strong>de</strong>nburg.htm .<br />

Figure 21 : portrait <strong>de</strong> Germain Boffrand pas Adam l’Aîné. De Germain<br />

Boffrand 1667-1754, l’aventure d’un architecte indépendant, présenté<br />

sous la direction <strong>de</strong> GALLET Michel et GARMS Jörn, Paris,<br />

Herscher, 1986, p.9


12. Bibliographie:<br />

Baroque et rococo en Belgique, initié par MINGUET Philippe, Liège et<br />

Bruxelles, Pierre Mardaga, 1987.<br />

Belgique autrichienne, 1713-1794 : les Pays-Bas méridionaux sous les<br />

Habsbourg d’Autriche, édité par HASQUIN Hervé, Bruxelles, crédit<br />

Communal, 1987.<br />

Créateurs <strong>de</strong> jardins et <strong>de</strong> paysages <strong>de</strong> la Renaissance au début du XIXe siècle,<br />

sous la direction <strong>de</strong> RACINE Michel, Arles : Actes Sud; Versailles :<br />

Ecole nationale supérieure du paysage, 2001.<br />

Germain Boffrand 1667-1754, l’aventure d’un architecte indépendant, présenté<br />

sous la direction <strong>de</strong> GALLET Michel et GARMS Jörn, Paris,<br />

Herscher, 1986.<br />

Kurfürst Max Emanuel. Bayern und Europa um 1700, édité par GLASER<br />

Hubert, Munich, Hirmer, 1976.<br />

La forêt <strong>de</strong> Soignes, art et histoire <strong>de</strong>s origines au XVIIIème siècle : catalogue<br />

<strong>de</strong> l’exposition Europalia 87 Österreich, édité par la Royale Belge et<br />

le Château <strong>de</strong>s Trois-Fontaines, Watermael-Boisfort et Au<strong>de</strong>rghem,<br />

1987.<br />

La réserve précieuse, naissance d’un département <strong>de</strong> la bibliothèque royale,<br />

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<strong>Le</strong> bois et la ville du moyen-âge au XXième siècle, acte du colloque organisé à<br />

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Urbaine <strong>de</strong> l’Ecole Normale Supérieure <strong>de</strong> Fontenay / Saint-Cloud et<br />

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<strong>Le</strong> Palais <strong>de</strong> Bruxelles : 8 siècles d’art et d’histoire, par A. Smolar-Meynart, A.<br />

Vanrie, M. Soenen, L. Ranieri, M. Vermeire, Bruxelles, Crédit<br />

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faits en France & dans les pays étrangers, par le sieur Boffrand,<br />

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VERLET Pierre, L'art du meuble au XVIIIième siècle à Paris, Paris, PUF, Que<br />

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VERLET Pierre, <strong>Le</strong>s meubles français du XVIIIième siècle, Paris, PUF, 1956.<br />

Von KALNEIN Wend et LEVEY Michael, Art & architecture of the eightteenth<br />

century in France, Harmondsworth, Pelican history of art, 1972, v.37.<br />

WAUTERS Alphonse, Histoire <strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> Bruxelles ou <strong>de</strong>scription<br />

historique <strong>de</strong>s localités qui formaient autrefois l’ammanie <strong>de</strong> cette<br />

ville, Bruxelles, Culture et civilisation, 1973.


13. Archives :<br />

- A.G.R., Audience, n°1238.<br />

- A.G.R., B.O.C., n° 1 à 7 (manquants), 8 (inaccessible), 9 (manquant), 10<br />

(inaccessible), 11 (manquant), 70, 110, 112 et 113, 115, 143 à 145,<br />

199 à 202, 239, 245, 352 et 354, 371, 399.<br />

- A.G.R., C.G., n° 199, 200, 201, 202, 245, 371, 399.<br />

- A.G.R., M.D., n° 923 et 1528.<br />

- A.G.R., S.E.A., n° 684 à 687.<br />

- A.G.R., S.E.G., n° 593 et 594, 595.

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