Août 2018
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68 Magazine Quoi faire à Québec - août <strong>2018</strong><br />
CHRONIQUEUSE LITTÉRAIRE<br />
Florence Vézina<br />
LITTÉRAIRE<br />
De vive voix<br />
J’envie mes grands-parents d’avoir des albums<br />
remplis de photos en noir et blanc. Des piles<br />
de souvenirs malléables.<br />
J’ai accumulé des petites choses avec le temps.<br />
J’ai accumulé des objets que j’ai jetés dans le<br />
fond de ma garde-robe. J’ai attendu de vieillir<br />
un peu pour qu’ils me rendent nostalgique.<br />
Une photo d’un spectacle des Backstreet Boys.<br />
Une vieille carte de fête signée par une amie<br />
que je ne reconnaîtrais plus. Un vieux CD<br />
gravé de tous les succès de 2004. Des choses<br />
tangibles à mettre dans des boîtes à chaque<br />
déménagement.<br />
À reprendre six ou même douze fois la<br />
même photo, on devient maniaque. Un<br />
bras mal placé, un sourire trop crispé, on<br />
supprime et on recommence.<br />
On s’égare devant l’essentiel. Il y avait<br />
quelque chose d’authentique dans le fait de<br />
prendre un seul cliché. Il y avait quelque chose<br />
de vrai dans le fait d’écouter en boucle le<br />
CD gravé durant un roadtrip. C’était beau de<br />
recevoir des cartes de souhaits signées à la<br />
main. Je me lasse des « bonne fête » peu senties<br />
qui s’accumulent sur mon mur Facebook.<br />
Je veux plus de bohème. Moins d’instantané.<br />
Je veux des rendez-vous où on vient me chercher<br />
à ma porte à la place d’un « chu là » sur<br />
mon écran de cellulaire. Je veux des soirées<br />
où on sort danser plutôt que de rester devant<br />
Netflix. Je veux qu’on se raconte les choses de<br />
vive voix, plutôt que de me les envoyer sur une<br />
vidéo qui dure seulement dix secondes.<br />
Je souhaite connaître, un jour, la sensation<br />
d’ouvrir une grosse boîte pleine de poussière<br />
pour me plonger dans mes souvenirs.<br />
Avec les captures d’écran, les photos qu’on ne<br />
fait jamais développer, les vidéos qu’on perd<br />
en même temps que nos téléphones. Avec les<br />
appels téléphoniques qu’on troque pour des<br />
messages textes. Avec tout le virtuel qui se supprime<br />
en une fraction de seconde, on manque<br />
l’authenticité que mes grands-parents avaient<br />
sur toutes leurs photos en noir et blanc.<br />
L’essence de la photo se perd dans les mille<br />
clics à la recherche de la meilleure prise.<br />
Avant, on avait l’espace d’un instant pour<br />
prendre la photo qui allait nous remémorer les<br />
beaux moments. Ensuite, on passait à autre<br />
chose et on continuait à vivre.