Touring Decembre 2019

CHEMIN FAISANT
PATRICK ZANINI
Des chambres à air
devenues sacs branchés
Au départ, Patrick Zanini souhaitait juste voyager en Amérique
centrale, mais les choses se sont passées différemment. Séduit par
l’artisanat local, il fonde sa propre manufacture de sacs au Salvador
en se concentrant sur la durabilité et le commerce équitable.
TEXTE ET PHOTO FELIX MAURHOFER
tels Pancita ou Canasta. La préférence
de Patrick Zanini, amateur
de foot, va toutefois au sac de sport
Cubeta. Il relève que ses produits
sont fort bien accueillis: «La tendance
actuelle à la durabilité facilite
les ventes et le fait que chaque
sac est unique nous aide aussi.»
bâtiment de l’usine
d’emballages Brieger est
situé à Zurich-Altstetten.
L’ancien
C’est là, dans les combles,
que Patrick Zanini s’est installé.
Il nous attend devant une table
de bureau massive datant d’une
époque révolue, entre un miroir
posé à même le sol, une équivoque
figure en bois et une imposante
armoire à dossiers suspendus. Le
tout est parfumé par l’odeur appétissante
d’une cuisine casher, probablement
toute proche. Des sacs
modernes de toutes sortes sont
suspendus partout, entre des
boîtes en carton à moitié ou pas
encore déballées. Il en existe pour
tous les goûts: de formes rondes,
angulaires ou organiques – une
véritable caverne d’Ali Baba pour
tous ceux qui affectionnent ces
modèles uniques et branchés.
Le goût de l’aventure
L’expéditeur des cartons est la manufacture
Schreif, au Salvador.
L’entrepreneur zurichois de 35 ans
a fondé cette entreprise il y a quatre
ans, à Santa Ana. Par pure passion
pour le changement, comme il le
confie. Après avoir étudié l’histoire
et la philosophie, il a décidé de partir
sillonner l’Amérique centrale
plutôt que d’enseigner dans une
salle de classe. Au Salvador, il aperçoit
des enfants ramasser des
chambres à air usagées sur le bord
de la route et les apporter à des
couturières, qui en confectionnent
des sacs. Leur art de la couture le
stupéfie et, bien qu’il n’eut aucune
connaissance dans ce domaine à
l’époque, il s’engage dans la fabrication
de sacs de haute qualité, à partir
de vieilles chambres à air, combinées
avec du cuir. L’aventure des
sacs Schreif peut commencer. Tiré
de l’allemand, le nom assemble les
termes «chambre à air» et «pneu».
Implication permanente
La création de sa propre manufacture,
si loin de chez lui, a coûté
beaucoup de forces et de nuits
blanches à Patrick. Le Salvador est
un pays peu sûr et les autorités, en
partie corrompues, fonctionnent
au ralenti. Avec, comme difficulté
supplémentaire, la culture de travail
qui y règne. Les travailleurs
ne s’impliquent généralement pas
dans la structure hiérarchique et
sont habitués à exécuter les ordres.
L’entrepreneur a donc passé beaucoup
de temps à motiver ses
employés afin que ces derniers
prennent des initiatives personnelles.
A la fois partenaire de l’affaire et
styliste, Evelyn Wyss a conçu
jusqu’à présent 14 modèles différents,
portant des noms originaux,
Patrick Zanini est conscient que
le marché, saturé et difficile à
pénétrer, n’a pas attendu ses sacs.
Il en vend cependant chaque année
quelque 1500 unités, principalement
via des magasins, mais
également en ligne. Même le lointain
Japon en raffole.
Et quel conseil donnerait-il aujourd’hui
au fondateur d’une
start-up? «Il doit avoir pleinement
foi en son projet, s’appuyer sur un
bon mentor et ne pas trop perdre
son temps dans la littérature de
gestion d’entreprises», explique
Patrick Zanini pour qui l’éthique
des affaires, combinée avec des
salaires équitables et des produits
durables, est une préoccupation
cruciale. En toute logique, les sacs
Schreif incarnent parfaitement
cette philosophie. ◆
«Les créateurs de start-up
ne devraient pas trop perdre
leur temps avec la littérature
de gestion d’entreprises»
Patrick Zanini
Chef et fondateur des sacs Schreif, à Zurich
Des sacs, mais aussi des
sacoches sont produits
sous la marque Schreif.
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