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The Red Bulletin Janvier 2020 (FR)

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Jonathan Simmons, alias Gunner Stahl,<br />

achète son premier appareil photo à un<br />

ami lors d’une soirée. Il a dix-huit ans.<br />

Malgré son échec à un cours de photographie,<br />

il ressent le besoin de photographier<br />

sa vie à l’école, dans les fêtes, les concerts.<br />

Une vie qui sera impactée par la scène<br />

trap qui explose alors aux USA depuis son<br />

Atlanta natal.<br />

La trap – un courant du hip-hop fait de<br />

textes et de mélodies rapidement esquissées<br />

sur un fond de snare, de charleston<br />

et de boîte à rythme Roland TR-808 au<br />

sub-bass puissant, puis immédiatement<br />

uploadées sur les plateformes de streaming<br />

– est devenue une force dominante<br />

du rap. Et les portraits intimes de Gunner<br />

Stahl, 27 ans, parviennent à canaliser<br />

cette énergie brute. L’Américain s’est taillé<br />

une place de choix dans cette scène en<br />

prenant des clichés sans fard des plus<br />

grandes stars de la trap comme Future et<br />

le super- producteur Metro Boomin alors<br />

qu’ils se trouvaient à la Fashion Week de<br />

Paris, ou Gucci Mane pendant sa tournée.<br />

L’attachement de Stahl à la photo en<br />

35 mm apporte une autre dimension à son<br />

esthétique recherchée, rendant son travail<br />

encore plus imprévisible dans un monde<br />

toujours plus numérisé. Mais c’est un<br />

médium qu’il a découvert par hasard :<br />

alors qu’il se préparait à documenter la<br />

tournée Yeezus de Kanye West à Atlanta en<br />

2013, l’appareil photo de Stahl s’est brisé.<br />

L’appareil de remplacement proposé par<br />

un ami n’étant pas numérique, il fallait<br />

donc passer par un drugstore pour acheter<br />

de la pellicule. Stahl a depuis rejeté ces<br />

photos qu’il qualifie de « déchets », mais<br />

a continué de prendre des photos avec<br />

l’appareil et est tombé amoureux de la<br />

crudité du processus du film.<br />

Ce n’est qu’autour de 2014 que Stahl<br />

se lance dans la photographie musicale.<br />

Beaucoup de ses amis étaient musiciens<br />

et il avait même été nommé membre du<br />

collectif de rap local Two-9 après avoir<br />

simplement traîné avec eux en studio.<br />

Stahl a commencé à documenter leurs<br />

sessions d’enregistrement et leurs collaborateurs<br />

: les premières images de son<br />

flux Instagram incluent l’un des DJs de<br />

Two-9, Osh Kosh, aux côtés du styliste<br />

« Si la personne ne<br />

m’inspire pas, je ne la<br />

photographie pas. »<br />

Virgil Abloh, ainsi que des photos d’un<br />

Wiz Khalifa aux cheveux violets prises au<br />

moment où il est venu enregistrer avec<br />

le collectif.<br />

Stahl ne s’immisce pas dans le processus<br />

créatif de ceux qui l’entourent, ce qui<br />

signifie qu’en retour il a leur respect, et<br />

pour eux, ses photos constituent une rupture<br />

nécessaire. Elles apparaissent plus<br />

proches de la réalité et offrent aux fans<br />

un aperçu de leurs artistes préférés dans<br />

leur habitat naturel. « Je n’entretiens<br />

les relations que pour arriver à ce type<br />

d’images, explique Stahl. Si je ne suis pas<br />

passionné par la personne, je ne la photographie<br />

pas. » Mais la crédibilité de son<br />

travail a inévitablement transcendé les<br />

héros de sa ville natale, et lui a permis<br />

d’approcher des mégastars mondiales<br />

comme Ed Sheeran, Drake, Kanye West,<br />

Kylie Jenner, Post Malone, Miley Cyrus,<br />

Lana Del Rey et même Adam Sandler.<br />

Aujourd’hui, Stahl vit plutôt dans les<br />

hôtels : il passe la majeure partie de sa<br />

vie à se déplacer à la recherche de la meilleure<br />

photo. Il ressent ainsi une empathie<br />

plus profonde pour ses sujets et leur vie<br />

sur la route. Ses portraits sont réalisés<br />

entre les studios, les coulisses et les<br />

logements provisoires mais les images<br />

donnent l’impression d’être habitées.<br />

L’une de ses photos les plus emblématiques,<br />

la couverture de la mixtape éponyme<br />

de Playboi Carti, le natif d’Atlanta,<br />

parue en 2017, montre ce dernier confortablement<br />

affalé entre deux modèles<br />

dans une location de Los Angeles.<br />

À travers son travail, Stahl peut partager<br />

avec son public les pass « all-access »<br />

qu’il a obtenus pour suivre les stars de la<br />

trap. En 2017, il a créé une collection<br />

capsule de vêtements pour Puma et réalisé<br />

une exposition en galerie intitulée<br />

For You, Mom – un hommage à sa mère,<br />

décédée d’un cancer du sein. Récemment,<br />

Stahl a publié Gunner Stahl: Portraits,<br />

un ouvrage rempli de ses photos inédites<br />

préférées des trois dernières années avec<br />

des contributions de Swae Lee, du duo de<br />

trappeurs Rae Sremmurd et d’un célèbre<br />

photographe de rap des années 90, Chi<br />

Modu. Le livre a été présenté dans des<br />

galeries de trois villes : New York, Los<br />

Angeles et, bien sûr, Atlanta. Mais bien<br />

que son étoile grandisse, Stahl, à l’image<br />

de ses photographies, conserve les deux<br />

pieds sur terre.<br />

« Sois toi-même, dit-il. Alors les gens<br />

viendront davantage à toi. »<br />

Gunner Stahl: Portraits (Abrams) ;<br />

Instagram : @gunnerstahl.us<br />

64 THE RED BULLETIN

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