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Des procédés lourds et coûteux, un espace Schengen de plus en plus inaccessible.<br />

SHUTTERSTOCK<br />

clientèle est essentiellement française. Sa mésaventure et celle<br />

de son cousin, un avocat d’affaires de Rabat qui travaillait sur un<br />

projet de joint-venture avec une entreprise de Saint-Étienne, lui<br />

font affirmer que « la France a commis une erreur stratégique en<br />

réduisant les visas sans aucun discernement, ni aménagement<br />

au moins en fonction des catégories socioprofessionnelles ».<br />

Toutes les corporations sont concernées ; avocats et architectes<br />

vivent les mêmes désagréments. Face à cette situation, côté tunisien,<br />

certains suggèrent d’exiger également d’imposer des visas<br />

aux ressortissants français en visite : « Cette réciprocité allégerait<br />

le sentiment d’humiliation que l’on éprouve quand le rejet est<br />

signifié », explique Slim, un brillant développeur qui, après un<br />

refus de visa, a perdu les frais d’inscription réglés à l’école d’informatique<br />

où il devait poursuivre son master – mais qui a reçu<br />

un accueil réconfortant au Canada, où il fait désormais carrière.<br />

DES FRAIS PROHIBITIFS<br />

Pourtant, l’externalisation des procédures de demandes, il y<br />

a près de dix ans, aurait dû améliorer le service. Mais cela n’a pas<br />

été le cas puisque Jean-Yves Leconte, sénateur représentant les<br />

Français établis hors de France, a saisi à ce propos la Première<br />

ministre Élisabeth Borne dès la reconduction de sa mission en<br />

juin 2022. Sollicité par les médias, le Quai d’Orsay assure que<br />

la lenteur est due à un manque d’agents, qui sera résolu par<br />

des recrutements en septembre, et impute la surcharge à la<br />

reprise de la mobilité post-Covid-19. Le sénateur déplore aussi<br />

les difficultés qu’ont les familles à pouvoir se retrouver et désapprouve<br />

les délais et le coût du précieux sésame. Les freins mis<br />

aux regroupements familiaux provoquent des situations parfois<br />

déchirantes : « Après trois ans de démarches pour que je rejoigne<br />

mon futur mari, c’est lui qui a dû rentrer car il a été mis au chômage<br />

à cause de la pandémie », confie Sondos, laquelle a mis<br />

sa vie entre parenthèses en attendant son visa et ne veut plus<br />

penser au temps, à l’argent et à l’énergie perdus. Samira, une<br />

commerçante qui circule surtout pour ses vacances, a trouvé<br />

l’astuce pour court-circuiter les désagréments : en s’adressant à<br />

une agence de voyages qui se charge de toutes les démarches et<br />

lui remet en mains propres les documents, elle évite l’épreuve<br />

des files d’attente auprès de TLScontact, le centre de collecte<br />

des demandes de visas, qui seront ensuite traitées par le consulat.<br />

« Je préfère payer une agence que j’ai identifiée et qui me<br />

connaît, plutôt que de verser des suppléments à TLS pour un<br />

service premium », assure la quadragénaire qui apprécie, malgré<br />

tout, de faire régulièrement une tournée des bonnes tables à<br />

Paris et à Lyon. Elle n’est pas la seule à trouver le coût prohibitif :<br />

pour pouvoir obtenir un rendez-vous et déposer un dossier (sans<br />

aucune certitude sur son acceptation), il faut débourser entre<br />

80 et 99 euros selon le type de visa, et 33,50 euros qu’empoche<br />

directement le centre de collecte. Les frais représentent pratiquement<br />

un SMIG pour les ressortissants du Maghreb , et le<br />

hic est qu’en cas de refus, aucun remboursement n’est possible.<br />

Une pratique qui ouvre la porte à d’éventuels trafics ainsi qu'à<br />

des intermédiaires qui assurent avoir leurs entrées auprès de<br />

TLS, le délai d’attente pour un rendez-vous pouvant aller jusqu’à<br />

deux mois. Le Quai d’Orsay justifie 30 % de l’encombrement au<br />

niveau des dépôts à cause de désistements de demandeurs qui<br />

n’annuleraient pas leur rendez-vous.<br />

Sur les réseaux sociaux, la communauté maghrébine<br />

échange ses points de vue et fait le récit de ses déboires. « On<br />

ne veut pas de nous, on va ailleurs », lit-on souvent, mais la<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 37

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