Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12
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Juifs d’ailleurs<br />
LES JUIFS DE BULGARIE<br />
AU PLUS FORT DE SA DÉMOGRAPHIE, AU SORTIR DE<br />
LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE, LA COMMUNAUTÉ<br />
JUIVE DE BULGARIE, DANS LES BALKANS, A COMPTÉ<br />
QUELQUE 50 000 ÂMES. COMME POUR LA PLUPART<br />
DES PAYS D’EUROPE, CETTE COMMUNAUTÉ S’EST PEU<br />
À PEU COMPOSÉE, AU FIL DES SIÈCLES, DE STRATES<br />
D’ORIGINE TRÈS DIVERSE.<br />
Après la destruction du Second Temple, des Juifs quittent<br />
Eretz Israël et se répandent dans le monde entier. Certains<br />
se retrouveront sur le territoire, alors partie intégrante de<br />
l’Empire romain, de ce qui deviendra, en l’an 681, la Bulgarie.<br />
Au cours des siècles suivants, des Juifs persécutés de<br />
Bavière, de Hongrie et des républiques italiennes se retrouveront<br />
en Bulgarie. Au XIVème siècle, le roi Ivan-Alexandre,<br />
après avoir divorcé, se maria avec <strong>une</strong> Juive, Sara qui se<br />
convertit et devint la reine Téodora. En 1396, le pays fut<br />
conquis par les Turcs. Aux Juifs autochtones, les « Romaniotas<br />
» et aux Juifs ashkénazes vont alors se joindre les Juifs<br />
séfarades fuyant l’Espagne de l’Inquisition. Désormais majoritaires,<br />
ils imposeront peu à peu leur langue, le judéo-espagnol<br />
et leur culture. Par ailleurs, il est intéressant de noter<br />
que le célèbre Yossef Caro, auteur du Choulkhan Aroukh,<br />
s’installa, de 1523 à 1536 dans la ville bulgare de Nikopol<br />
où il fonda <strong>une</strong> yeshiva.<br />
En 1878, à l’issue de la guerre russo-turque, la Bulgarie retrouve<br />
son indépendance. Pour les Juifs du pays, cela se<br />
traduit par un essor sans précédent. Des journaux, en bulgare,<br />
en judéo-espagnol et en hébreu, sionistes ou non,<br />
voient le jour, la communauté s’organise, les Juifs s’impliquent<br />
dans toutes les branches d’activité : commerce, artisanat,<br />
culture, sciences, politique. L’absence quasi absolue<br />
d’antisémitisme pousse des Juifs de Russie, d’Ukraine et de<br />
Pologne à rejoindre la Bulgarie, enrichissant la communauté,<br />
notamment dans le domaine des arts.<br />
L’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne et le rapprochement<br />
du pays alors dirigé par le roi Boris III, avec les<br />
nazis, vont entraîner des moments très douloureux pour la<br />
communauté juive. Le 29 décembre 1940, le gouvernement<br />
bulgare crée les Brannik, équivalent local des je<strong>une</strong>sses hitlériennes<br />
et <strong>une</strong> « loi sur la sauvegarde de la nation » est<br />
appliquée dès le 13 janvier 1941. Les mariages mixtes sont<br />
interdits, des biens sont confisqués, des je<strong>une</strong>s gens sont<br />
astreints au travail forcé, l’étoile ja<strong>une</strong> est imposée, un<br />
numerus clausus est instauré dans plusieurs corps de métier.<br />
L’aryanisation de la Bulgarie est en marche. Dès la fin<br />
de l’année 1941, le Führer exerce des pressions de plus en<br />
plus fortes sur le roi pour que les Juifs bulgares soient expulsés<br />
et déportés. En janvier 1943, le chef nazi Dannecker,<br />
adjoint du sinistre Adolf Eichmann, est dépêché en Bulgarie<br />
pour organiser la déportation des Juifs. Le roi Boris III signe<br />
un accord avec l’Allemagne prévoyant la déportation des<br />
Juifs vivant dans les territoires de Grèce et de Yougoslavie,<br />
la Thrace et la Macédoine, alors occupés par les troupes<br />
bulgares. 11363 Juifs sont ainsi déportés vers les camps de<br />
la mort. Ce forfait accompli, les Allemands exigent à présent<br />
que les Juifs de la Bulgarie proprement dite soient arrêtés<br />
et déportés. Cette fois, le peuple et ses dirigeants<br />
ne laissent pas faire. Des<br />
manifestations eurent lieu<br />
à travers le pays, 43 députés<br />
signèrent <strong>une</strong> déclaration<br />
contre la déportation. Parmi<br />
eux le vice-président Dimitar<br />
Péchev. L’écrivain Elin Pelin<br />
clame : « La conscience<br />
du peuple bulgare est sur la balance.<br />
La tache qui sera posée<br />
sur notre peuple, avec l’expulsion<br />
de nos citoyens juifs, ne s’effacera<br />
pas pendant des générations ». Des<br />
associations <strong>profession</strong>nelles : médecins, juristes, artistes,<br />
commerçants, exigent l’annulation du décret en préparation.<br />
Le patriarche Cyril, de la ville de Plovdiv déclare haut<br />
et fort : « Partout où les Juifs seront envoyés, j’irai avec<br />
eux ». <strong>Un</strong>e grande manifestation de soutien aux Juifs a<br />
lieu à Sofia, la capitale du pays. Contraint et forcé, le roi<br />
capitule. Il ne signera pas le décret. On peut dire, même<br />
s’il y a eu des exactions et des déplacements à l’intérieur<br />
du pays, que les Juifs de Bulgarie ont été sauvés par leurs<br />
concitoyens.<br />
Beaucoup de Juifs bulgares ont choisi, après la Guerre, de<br />
faire leur alyah. Il n’existe plus que quelques milliers de<br />
Juifs dans le pays avec néanmoins <strong>une</strong> organisation communautaire,<br />
des synagogues et un Musée juif et la présence<br />
de la plupart des grandes organisation juives, notamment à<br />
Sofia et à Plovdiv. Il n’y a qu’<strong>une</strong> seule école juive à Sofia,<br />
l’école Dimcho Debeljanov, qui fait partie du réseau Ronald<br />
S. Lauder sous l’égide de l’ORT. (*)<br />
La Bulgarie entretient par ailleurs d’excellents liens avec<br />
l’État d’Israël.<br />
(*) Cette école, hélas, a été l’objet, le 21 mars dernier,<br />
d’inscriptions antisémites<br />
Extérieur de la synagogue de Sofia<br />
Jean-Pierre Allali<br />
Rabbi Yossef Caro<br />
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