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Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12

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vis-à-vis de toi que de moi-même ! Le fait que tu te sois associée<br />

à un dirigeant antisémite témoigne d’<strong>une</strong> attitude si<br />

étrangère à mon propre mode de vie que je me sens plein<br />

de colère ou de mélancolie… Je me fais un point d’honneur<br />

de me sentir absolument propre et sans ambiguïté par rapport<br />

à l’antisémitisme, c’est-à-dire opposé à lui, ainsi que<br />

je le suis dans mes écrits (…) Pour parler aussi franchement<br />

que possible, ce parti (qui n’aimerait que trop pouvoir utiliser<br />

mon nom !) m’inspire du dégoût (…) et le fait que je<br />

sois incapable de faire quoi que ce soit pour lutter contre,<br />

et que dans tout feuillet de correspondance antisémite on<br />

utilise le nom de Zarathoustra m’a déjà rendu malade à plusieurs<br />

reprises. » La responsabilité d’Élisabeth dans la méprise<br />

traditionnelle à propos des soi-disant convergences<br />

entre le nietzschéisme et l’idéologie nazie est considérable.<br />

C’est sans doute en pensant à sa sœur que notre philosophe<br />

a pu écrire : « C’est avec ses parents qu’on a le moins<br />

de parenté »…<br />

OUTRE CET ANTI-ANTISÉMITISME DE NIETZSCHE, il<br />

existe cependant, dans l’œuvre du philosophe, quelques<br />

propos sévères contre les Juifs. Mais il ne s’agit absolument<br />

pas des contemporains de notre auteur. Il est question des<br />

Juifs de l’époque des débuts du christianisme. Si notre penseur<br />

s’avoue très impressionné<br />

par l’audace des<br />

Hébreux de la Tora, il se<br />

montre en revanche très<br />

critique à l’égard des<br />

prêtres de l’époque du<br />

second Temple. Il voit<br />

dans le <strong>sacerdoce</strong> institutionnel<br />

<strong>une</strong> perversion<br />

de l’esprit biblique. A y<br />

regarder de plus près,<br />

cependant, on se rend<br />

vite compte qu’il y a chez<br />

Nietzsche <strong>une</strong> fâcheuse<br />

confusion entre prêtres,<br />

pharisiens et premiers<br />

chrétiens. Or, c’est visiblement<br />

plutôt ces derniers,<br />

maladroitement<br />

qualifiés de « Juifs »,<br />

que Nietzsche accuse<br />

d’être dans <strong>une</strong> logique<br />

de « négation de la<br />

vie ».<br />

LE DÉPASSEMENT<br />

DE SOI. L’œuvre de<br />

Nietzsche a fortement<br />

influencé d’importants<br />

intellectuels juifs, parmi<br />

lesquels Martin Buber,<br />

Léo Strauss, Ahad Aam<br />

(qui travailla sur les similitudes<br />

entre la figure<br />

biblique du «juste » - le<br />

tsadik - et le surhomme<br />

nietzschéen), Franz<br />

Kafka, Stefan Zweig<br />

sans parler de Sigmund<br />

Freud. Dans son dernier<br />

livre - Nietzsche l’Hébreu,<br />

publié en Israël - ,<br />

Nietzsche<br />

le Professeur israélien Jacob Golomb rappelle l’influence<br />

nietzschéenne sur certains grands théoriciens du sionisme<br />

comme Max Nordau, Théodore Herzl ou Zéev Jabotinsky<br />

(qui avait toujours dans sa poche Ainsi parlait Zarathoustra).<br />

Proposons un survol très imprécis de quelques thèmes<br />

permettant d’envisager des « passerelles » entre la pensée<br />

juive et certaines idées centrales de la philosophie nietzschéenne.<br />

Tout au long de ses écrits, NIETZSCHE APPELLE DE SES<br />

VŒUX L’AVÈNEMENT D’UN HOMME NOUVEAU, LE<br />

« SURHOMME » (übermensch), homme libre et rayonnant,<br />

libéré du poids des superstitions et du ressentiment. Raphaël<br />

Draï3 démontre la convergence entre la pensée biblique<br />

et le concept nietzschéen d’« éternel retour » et souligne,<br />

par ailleurs, la surprenante proximité des mots ivri (« hébreu<br />

») et übermensch. Ivri renvoie précisément (comme<br />

über) à l’idée d’au-delà, de dépassement des limites, voire<br />

de transgression. Les commentateurs juifs utilisent souvent<br />

la technique du hipoukh ou « lecture inversée ». Il s’agit de<br />

lire un mot à rebours en considérant que le hipoukh d’un<br />

mot exprime l’exact contraire du mot en question. Dans le<br />

cas de ivri (racine : ‘E.V.R),<br />

le hipoukh correspond à la<br />

racine R.V.’E qui signifie un<br />

carré, un espace clos, un<br />

cadre étroit. Autrement dit,<br />

être hébreu, c’est précisément<br />

aspirer à se libérer<br />

des systèmes clos.<br />

Le récit biblique raconte<br />

qu’avant la création d’Ève,<br />

Dieu déclare : « Il n’est<br />

pas bon que l’homme<br />

soit seul » (Genèse 2,18).<br />

Prenant, à la mode <strong>rabbin</strong>ique,<br />

quelques distances<br />

avec le sens littéral du<br />

verset (mais en respectant<br />

la formulation hébraïque<br />

qui permet de multiples<br />

lectures), le Rabbi de<br />

Kotzk (1787-1859, maître<br />

hassidique polonais) propose<br />

un commentaire que<br />

l’on pourrait qualifier de<br />

nietzschéen : « Il n’est pas<br />

bon que l’homme soit seulement<br />

un homme. Il doit<br />

être plus qu’un homme ! »<br />

INSOUMISSION. Dans<br />

sa critique radicale de la<br />

religion, Nietzsche s’inquiète<br />

surtout de l’inhibition<br />

des potentialités humaines<br />

qu’elle provoque.<br />

Le croyant est agenouillé,<br />

tête baissée, renonçant à<br />

toute autonomie et à toute<br />

initiative par soumission<br />

passive à l’autorité divine.<br />

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