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POLITIQUE · ÉCONOMIE · LA VIGNE · LE VIN · HORS CHAMPAGNE<br />
VITISPHÈRE<br />
Alexandre Abellan<br />
03·07·23<br />
HUGO CLÉMENT DÉGOMME LA HVE,<br />
QUI NE SERAIT ACCEPTABLE QUE SI<br />
ELLE ÉTAIT... BIO (2)<br />
En France, « quasiment la moitié des exploitations agricoles pourraient devenir HVE sans changer de pratiques<br />
» affirme le maraîcher bio Mathieu Rullier** (à Mignaloux-Beauvoir, Vienne), sans qu’il soit donné de<br />
précisions sur l’origine de cette estimation. Mais le reportage s’arrête sur les témoignages d’une productrice<br />
de courges, Françoise Meyer (à Mane-en-Provence, Alpes-de-Haute-Provence) évoquant la certification HVE<br />
comme « une simple formalité » à base de « calculs et d’administratif », et d’une auditrice, Christine Herrero,<br />
n’ayant jamais refusé de candidatures HVE. Évoquant les récentes évolutions de HVE, le documentaire note<br />
que « face aux critiques, le label a un petit peu serré la vis » et se concentre sur les pesticides, avec l’interdiction<br />
d’utilisation des produits phytopharmaceutiques Classés Mutagènes Reprotoxiques avérés (CMR 1). Une<br />
évolution diminuée dans sa portée par le reportage, notant que ces produits ne sont quasiment plus utilisés,<br />
contrairement aux Classés Mutagènes Reprotoxiques suspectés (CMR 2), toujours « tolérés ».<br />
Concurrence<br />
De manière appuyée, le documentaire affirme les dégâts d’un affrontement commercial entre bio et HVE, le<br />
premier pâtissant du second. En témoigne une gérante de magasin bio fermant l’une de ses enseignes à cause<br />
de la crise du pouvoir d’achat et de la concurrence d’autres labels. Sans qu’il soit question d’autres facteurs,<br />
comme la demande de nouveaux engagements en bio (de prix ou d’exigences environnementales, comme sur<br />
le bilan carbone) ou l’écrasante notoriété de la bio sur la HVE (confirmée chaque année).<br />
Critiquant un « joli dessin marketing », Hugo Clément note également l’omniprésence du label HVE dans les<br />
rayons de la grande distribution. « Grande trouvaille des viticulteurs que le label HVE » grince Lionel Vilain,<br />
ingénieur agronome et conseiller technique pour France Nature Environnement (FNE), faisant état d’un «<br />
jackpot », qui indique avoir « un peu honte » d’avoir été le promoteur du concept de la HVE lors du Grenelle<br />
de l’Environnement de 2009.<br />
En somme, ce documentaire tient du procès à charge… de revanche ? Après un premier documentaire «Alerte<br />
rouge sur le vin» l’an passé, on peut espérer que le troisième documentaire sera celui de l’équilibre et de la<br />
nuance pour Sur le front. Car il n’y a pas de monopole de bonnes pratiques entre les labels : nul ne pouvant<br />
prétendre à la perfection. Il existe ainsi des vignerons certifiés à la fois bio et HVE pour allier les approches<br />
du vivant et de la biodiversité. Des témoignages sur l’intérêt de la HVE comme première étape pour tendre<br />
vers la bio existent aussi, rappelant que la certification n’est pas une fin, mais un moyen d’amélioration dans<br />
le cadre du développement durable. Un processus d’amélioration qui exclut toutes œillères qui impose des<br />
étapes progressives. Il n’y a qu’une voie à suivre et qu’une voix à entendre pour suivre ce chemin. Dans<br />
l’Histoire naturelle des animaux (1882), Buffon écrit que « la nature marche toujours et agit en tout par degrés<br />
imperceptibles et par nuances ». Changement des pratiques et des approches, la transition agroécologique<br />
avance de même. À quand dans un programme TV ?<br />
* : La question pouvant être élargie à la structure même de l’exploitation agricole, seuls les petits domaines<br />
agricoles semblant vertueux pour le documentaire. Une coopérative agricole est ainsi présentée comme un<br />
pôle « logistique » tenant du « grossiste » à vocation « industrielle » dans le documentaire. Cette entreprise<br />
n’a pas accepté d’échanger avec Hugo Clément, il faut dire que la question posée donne déjà une idée de la<br />
réponse attendue : « comment cette agriculture intensive peut-elle obtenir un label environnemental ? »<br />
** : S’indignant de serres de tomates hors-sol éclairées jour et nuit dans la région nantaise, l’agriculteur<br />
ajoute que le bilan carbone n’est pas pris en compte HVE. Il ne l’est pas non plus dans la bio, où le chauffage<br />
hivernal est possible en serre depuis 2019, avec une interdiction commercialisation du 21 décembre au 30<br />
avril, une interdiction qui vient tout juste d’être retoquée par le Conseil d’État.<br />
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