Boxoffice Pro n°455 – 1er novembre 2023
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à l’Alhambra ou au Gyptis mais aussi la programmation<br />
thématique d’un gros complexe comme l’Artplexe<br />
Canebière. Les soutiens tarifaires locaux (carte C-jeune<br />
du Département, projections plein air gratuites de la<br />
Ville...) et nationaux (volet collectif du pass Culture)<br />
sont aussi un atout. Reste que la communication doit<br />
être renforcée pour toucher davantage de jeunes, notamment<br />
via les réseaux sociaux, tout comme la médiation,<br />
en travaillant davantage collectivement. Faut-il prévoir<br />
des rencontres pendant les vacances scolaires entre<br />
exploitants et enseignants… motivés ?<br />
On sait en effet que leur formation sur leur temps de<br />
travail est remise en question, comme s’en sont inquiétés<br />
David Galtier, conseiller régional siégeant dans les<br />
commissions Culture, ainsi la représentante locale de la<br />
DAAC (Délégation académique pour l'art et la culture).<br />
Plus largement, reste la question des « droits culturels ».<br />
Nicolás Roman Borre, du Gyptis à Marseille, et Catherine<br />
Mallet, de la Cascade à Martigues, soulignent ainsi que<br />
beaucoup de jeunes « s’autocensurent », ne se sentant pas<br />
toujours légitimes à fréquenter les lieux de culture, ni à<br />
s’inscrire à des formations cinéma.<br />
Une jeunesse en action(s)<br />
Pour y remédier, les stratégies ne manquent pas. On peut<br />
citer le projet “Le Grand bain”, qui crée des jumelages<br />
entre des écoles du sud et du nord de Marseille, pour<br />
que des élèves d'origines socio-culturelles différentes<br />
échangent sur des films identiques. Autre piste encourageante,<br />
“Toute la lumière sur les Segpa”, née d’un<br />
partenariat entre l’Alhambra et la Direction départementale<br />
de l’Éducation nationale des Bouches-du-Rhône,<br />
touche près de 200 collégiens en grande difficulté scolaire,<br />
qui réalisent des courts métrages diffusés en fin d’année<br />
lors d’un festival. « Le but pour eux, c’est de plaire et de<br />
faire quelque chose qui plaît », explique Olivier Guenoun,<br />
professeur en Segpa au collège Mont-Sauvy à Orgon. Et<br />
s’ils viennent au ciné-club « d’abord pour les pizzas gratuites,<br />
au final, ils voient et débattent d’un film ». L’important,<br />
c’est de faire partie du groupe <strong>–</strong> « et on rigole beaucoup »<br />
<strong>–</strong>, y compris en utilisant le côté narcissique des jeunes :<br />
en 2022, les Segpa du collège d’Orgon ont gagné le Prix<br />
de l'Audace artistique et culturelle*. « Les élèves ont réussi<br />
à faire un discours devant Xavier Darcos et François Hollande,<br />
car ils s’étaient engagés auprès du groupe. » Mieux encore :<br />
au bout de douze éditions dans les Bouches-du-Rhône,<br />
“Toute la lumière sur les Segpa” a commencé l’an dernier<br />
son déploiement au niveau national (six départements,<br />
37 collèges), avec le soutien du CNC, de l’Éducation<br />
nationale… et de la Fondation Total Énergies.<br />
Tous à L’Alhambra<br />
Construit en 1928 et réouvert en 1990 après avoir<br />
été rénové par la Ville de Marseille, L’Alhambra<br />
dispose d’une salle de 232 places et de nombreux<br />
espaces de convivialité et de formation (studio de<br />
tournage, une salle de montage, de MashUp…).<br />
Un cinéma art et essai de quartier, sur les hauteurs<br />
de l’Estaque, mais qui rayonne bien au-delà,<br />
notamment en travaillant avec 57 établissements<br />
scolaires et plus de 40 structures socio-culturelles,<br />
touchant entre 8 et 10 000 jeunes chaque année,<br />
à travers des projections, de nombreux ateliers de<br />
réalisation et de programmation. Un travail qui<br />
concerne en priorité le nord de Marseille (15 e et<br />
16 e arr.) mais s’étend à l’ensemble de la région, par<br />
l’accompagnement de projets et le prêt d’outils<br />
pédagogiques.<br />
Bel élan aussi du côté de Vitrolles avec Vatos Locos<br />
Vidéo, l’asso qui a pris un nom de gang pour mener des<br />
actions éducatives et essayer de transmettre des valeurs.<br />
« Quand j’étais ado, le ciné m’a sauvé la vie », témoigne<br />
Ludovic Piette, directeur de Vatos Locos, qui a commencé<br />
par faire des courts métrages en VHS dans sa cité de<br />
Vitrolles. Depuis sa création en 2004, l’asso de quartier<br />
est devenue une structure professionnelle, « qui essaie<br />
d'ouvrir l’esprit grâce au cinéma, en s'appuyant d’abord sur<br />
les envies des jeunes ». Leur festival Vitrollywood, qui leur<br />
permet de déambuler en limousine <strong>–</strong> ce qui, comme les<br />
pizzas, « est leur première motivation » <strong>–</strong>, est l’aboutissement<br />
des ateliers menés toute l’année auprès de 600 jeunes, le<br />
mercredi ou sur le temps scolaire, mais aussi en itinérance<br />
en pied d’immeuble. « Au final toutes ces actions construisent<br />
un esprit de famille, où les jeunes restent une fois devenus<br />
adultes et sont dans la bienveillance. »<br />
Pass Culture en région<br />
Les représentants du pass pour la région Sud et la Corse,<br />
Sylvain Bianchi et Jeanne Bélichard, ont fait le point sur<br />
l’utilisation de l’appli, alors que s’est écoulée la première<br />
année complète de son volet collectif <strong>–</strong> qui, pour rappel,<br />
est ouvert depuis cette rentrée aux classes de 6 e <strong>–</strong> et que<br />
le pass met de plus en plus en avant la diversification des<br />
offres. En Paca, 119 cinémas sont partenaires et plus de<br />
la moitié des scolaires ont utilisé la part collective pour<br />
aller voir des films l’an dernier <strong>–</strong> pas seulement Simone<br />
et Tirailleurs, mais aussi des films à la résonance plus<br />
locale, comme Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin et<br />
©Matthieu Parent<br />
Interdit aux chiens et aux Italiens d’Alain Ughetto. La<br />
dynamique se poursuit : en septembre <strong>2023</strong>, les réservations<br />
ont augmenté de 49 % par rapport à septembre<br />
2022 dans la région Sud. On y constate aussi que la<br />
pratique artistique (ateliers son, Mashup…) est la 3 e<br />
catégorie la plus réservée, soit davantage qu’au niveau<br />
national. Le pass Culture permet aussi de financer des<br />
actions comme la journée comédie musicale (projections<br />
et conférence) organisée par le réseau régional Les Écrans<br />
du Sud, dans le cadre de Lycéens et apprentis au Cinéma.<br />
Enfin, pour nourrir la réflexion des participants et clôturer<br />
ces Rencontres par du cinéma, Affronter l’obscurité de<br />
Jean-Gabriel Périot (Météore, 7 février 2024) a été projeté<br />
en avant-première et en sa présence. Le réalisateur de<br />
Retour à Reims est cette fois parti à Sarajevo, où, pendant<br />
le siège entre 1992 et 96, des jeunes hommes ont choisi<br />
de prendre leur caméra pour contrer la violence par<br />
l’image. 30 ans après, ils se confrontent à ce qu’ils avaient<br />
filmé. « J’ai eu besoin de faire un film pour comprendre et<br />
pour partager leurs images : un travail de passage, comme<br />
celui que vous faites », a commenté le cinéaste à Marseille,<br />
alors que son film interroge notre monde d’incertitudes…<br />
où l’éducation au regard est plus que jamais nécessaire.<br />
Cécile Vargoz<br />
*lancé par la Fondation Culture & Diversité, en partenariat avec les ministères<br />
de l'Éducation nationale, de la Culture et de l'Agriculture<br />
©Matthieu Parent<br />
©Matthieu Parent<br />
Une cartographie de l’éducation aux images à Marseille, pour repérer les points forts et les manques<br />
« L’important, c’est de faire partie du groupe, et on rigole beaucoup », explique Olivier Guenoun,<br />
professeur en Segpa à Orgon, ici aux côtés de Ludovic Piette, directeur de Vatos Locos Vidéo<br />
à Vitrolles, et de William Benedetto de L’Alhambra.<br />
N°455 / 1 er <strong>novembre</strong> <strong>2023</strong><br />
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