Boxoffice Pro n°455 – 1er novembre 2023
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L'ÉMISSION<br />
LE PRÉSIDENT DE L’AFCAE RÉAFFIRME LES VALEURS<br />
DE L’ART ET ESSAI<br />
©<strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong><br />
Dans l’Émission <strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong>,<br />
Guillaume Bachy défend un classement<br />
art et essai basé sur le travail des salles,<br />
des conditions d’exploitation qui<br />
tiennent compte du territoire… et les<br />
valeurs modernes de proximité, de<br />
diversité et de débat collectif, que les<br />
cinémas art et essai doivent partager,<br />
pour faire société.<br />
Guillaume Bachy, président de l’Afcae<br />
Choisir la salle où on va voir un film,<br />
c’est un geste citoyen<br />
GUILLAUME BACHY<br />
L'Association française des cinémas art et essai fêtera ses<br />
70 ans en 2025 : une structure « très vivante », fédérant<br />
1 250 salles, qui ont mieux redémarré après la Covid que<br />
l’ensemble du parc, pour retrouver aujourd’hui, en<br />
moyenne, un niveau de fréquentation proche de celui<br />
de la période 2017-19. Grâce à de grands films bien sûr,<br />
mais aussi parce que les salles art et essai « ont un public<br />
fidèle, qui vient en sûreté, dans des lieux d’accueil animés ».<br />
Une réforme art et essai plus juste, qui<br />
récompense le travail des salles<br />
Et c’est ce travail d’animation qui, pour l’Afcae, doit être<br />
au centre du classement. Si la réforme, voulue par le<br />
CNC dans un calendrier très serré, après les préconisations<br />
du rapport Lasserre, « n’était pas une demande de l’Afcae »,<br />
elle se dit « tout à fait d’accord pour mieux récompenser la<br />
programmation des films les plus fragiles. Mais la minoration<br />
pour les films sortant sur 400 copies nous pose problème »,<br />
explique Guillaume Bachy. « De façon éthique, pourquoi<br />
un film serait-il “minoré” en fonction de sa combinaison de<br />
sortie, choisie par le distributeur ? » Par ailleurs, l’accès à<br />
ces films dits porteurs sera plus difficile pour les salles<br />
art et essai : « s’ils comptent moins dans leur classement, les<br />
distributeurs risquent de les proposer à d’autres salles »… ce<br />
qui se produit déjà depuis l’explosion des plans de sorties.<br />
Ce que souhaite l’Afcae, « c’est que les salles qui fournissent<br />
le plus d’efforts soient mieux récompensées. Il faut se baser<br />
sur le travail des exploitants, non pas sur le plan de sortie<br />
des films ». La part de soutien sélectif <strong>–</strong> actuellement de<br />
20 %, contre 80 % d’aide automatique liée à la programmation<br />
<strong>–</strong>, doit ainsi augmenter, selon l’Afcae, qui<br />
« demande 50/50 : la plus value qu'ajoute une salle art et<br />
essai, c’est la rencontre, les ateliers, l’éducation aux images…<br />
et ça, ça coûte cher ».<br />
Bien sûr, on doit encourager les salles à montrer davantage<br />
de diversité, mais dans une meilleure reconnaissance<br />
des territoires, car « on ne peut pas faire le même travail<br />
dans une grande ville et dans la ruralité » . Pour cela, l’Afcae<br />
voudrait augmenter le nombre de commissions régionales,<br />
les cinq actuelles couvrant de trop grands territoires pour<br />
les examiner finement. Enfin, elle préconise la création<br />
d’un label 15-25 ans, pour accompagner les salles qui<br />
ont beaucoup investi dans ce travail, qu’elles mettront<br />
d’ailleurs en avant dans leur dossier de classement.<br />
La recommandation des films fonctionne<br />
très bien<br />
Sur la recommandation art et essai des films, que certains<br />
distributeurs souhaiteraient pouvoir refuser, Guillaume<br />
Bachy rappelle la réponse du CNC : « c'est une notion<br />
d’intérêt général », d’où découlent des aides… « y compris<br />
pour les distributeurs ». Le système du collège <strong>–</strong> coordonné<br />
par l’Afcae <strong>–</strong> « fonctionne très bien et n’est pas remis en<br />
cause. Nous avons mis en place, il y a un an, des réunions<br />
régulières pour réfléchir à la notion d’art et essai avec les 50<br />
membres du collège, qui n’ont jamais autant voté, à 79 % ».<br />
Quant aux engagements de programmation, qui ne<br />
concernent que très peu de salles art et essai, l’Afcae y<br />
voit l’intérêt de la filière indépendante. Cela ne doit pas<br />
toutefois « exacerber la concurrence, dans des villes où une<br />
salle art et essai historique serait desservie si un circuit<br />
demande un film pour honorer ses engagements ». Les<br />
potentiels engagements de diffusion, eux, ne doivent pas<br />
seulement régler l’accès aux films, « qui n’est plus notre<br />
plus gros problème aujourd’hui », mais prendre en compte<br />
les conditions d’exploitation. Car « pour montrer de la<br />
diversité, il faut de l’espace disponible sur nos écrans, ce que<br />
ne nous permet pas toujours le nombre de séances exigé ».<br />
Rendre l’art et essai désirable<br />
Des questions qui ne sont pas nouvelles… pour une<br />
association qui, elle, se renouvelle. Une « très belle équipe<br />
de permanents » et d'administrateurs rajeunis, qui initient<br />
des actions : le comité 15-25, « qui a beaucoup aidé certains<br />
films », ou encore la formation des étudiants et des<br />
exploitants adhérents, qui reste primordiale. Plus récemment,<br />
la rubrique “Les Indés” sur AlloCiné, née « d’un<br />
partenariat avec un site où tous les publics s’informent sur<br />
le cinéma, offre la possibilité aux salles art et essai d’inventer<br />
un nouveau marketing. En renvoyant leurs spectateurs sur<br />
cet onglet, les salles les orientent vers des films qu’elles<br />
soutiennent, ce qui a déjà généré 2 millions de connexions ».<br />
L’outil permettra aussi de mettre en avant les salles ellesmêmes<br />
et les événements qu’elles proposent.<br />
Une façon, aussi, de porter collectivement « des valeurs<br />
modernes, d'engagement, proches de celles de beaucoup de<br />
jeunes. Il faut rendre l’art et essai désirable, et dire, comme<br />
l’ont fait les libraires indépendants ou les magasins bio,<br />
que choisir la salle où on va voir un film est un geste<br />
citoyen. » Et plus largement, de partager avec le public<br />
l’ADN de l’art et essai : « la proximité, la diversité,<br />
l’échange collectif : des piliers pour voir ensemble et vivre<br />
ensemble, pour qu’on fasse société ».<br />
Emission à voir ou revoir<br />
sur notre chaîne YouTube<br />
Cécile Vargoz<br />
N°455 / 1 er <strong>novembre</strong> <strong>2023</strong><br />
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