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Boxoffice Pro n°455 – 1er novembre 2023

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©Sarah Mangeret<br />

Un trop grand libéralisme ou<br />

un trop grand protectionnisme<br />

seraient délétères pour notre<br />

création. Il nous faut trouver le<br />

point d’équilibre, entre attractivité<br />

et souveraineté<br />

NICOLAS BARY,<br />

CINÉASTE ET MEMBRE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Nicolas Bary<br />

Au final, Anatomie d’une chute remporte une Palme<br />

d'or et cumule plus de 1,2 million d'entrées aujourd'hui.<br />

Les plateformes, elles, travaillent avec de grands cinéastes,<br />

qui sont nés au cinéma. Il faut préserver la diversité qui<br />

permet aux cinéastes de naître, de s'affirmer et de grandir.<br />

Trop de films ? Je crois qu'il faut relativiser et remettre<br />

les choses en chiffres et en perspective.<br />

Au regard des grèves à Hollywood et notamment<br />

de l’intelligence artificielle, quelles sont vos<br />

pistes de législation, en Europe et en France,<br />

pour protéger davantage les droits des auteurs<br />

et la création ?<br />

N.M : Cela rejoint la déclaration des cinéastes qui est<br />

notamment née de L'Arp [voir encart p.12] et qui a été<br />

reprise, aussi bien au Festival de Venise qu'à San Sebastián,<br />

par des cinéastes du monde entier. Même si les Américains<br />

ont un système basé sur le copyright différent du nôtre,<br />

c'est la première fois que nous sommes tous solidaires.<br />

Les progrès technologiques nous obligent à réinterroger<br />

et à défendre la place de l'auteur. Les textes législatifs<br />

doivent affirmer cette place en se basant sur des principes<br />

absolus. C'est ce qui commence à être mis en place aux<br />

États-Unis : il ne peut pas y avoir de création sans auteur,<br />

ni d'œuvres totalement libres de droits. Il ne s'agit pas<br />

de refuser le progrès technologique, mais de l'intégrer,<br />

le cadrer et le réguler, pour qu’il reste un outil au service<br />

de l’auteur sans prendre sa place.<br />

N.B : Au-delà de la technicité des débats autour de la<br />

régulation et de la législation, le vrai débat de notre siècle<br />

est celui de la place de l'homme dans la société. Nous<br />

pouvons collecter des tonnes de data, reproduire à l'infini,<br />

compiler, faire des remakes de remakes… mais où sera<br />

la sensibilité, l'émotion qui se construit, parfois avec de<br />

la fragilité ou de la vulnérabilité, pour qu’au final un film<br />

nous touche, nous fasse grandir, nous fasse changer ?<br />

N.M : Cela nous amène sur une notion extrêmement<br />

importante que nous défendons avec vigueur à L'Arp :<br />

le cinéma doit rester un cinéma de l'offre et non de la<br />

demande. Le danger, avec une utilisation dénaturée de<br />

l'intelligence artificielle, serait de ne créer qu'en vertu de<br />

ce que les algorithmes demandent, de ce que soi-disant<br />

les spectateurs attendent. Nous défendons le fait que les<br />

plus grandes œuvres naissent alors qu'elles ne sont pas<br />

attendues par les spectateurs. Ce sont des œuvres qui<br />

surprennent et qui ont parfois du mal à se financer.<br />

Quel regard portez-vous sur le rôle des plateformes<br />

dans la création ? Et finalement, sur la<br />

chronologie des médias aujourd'hui ?<br />

N.M : Nous sommes très heureux du rôle que l'Europe<br />

a joué dans la directive SMA et nous avons beaucoup<br />

œuvré pour que les plateformes participent au financement<br />

de la création. Nous sommes toujours très accueillants<br />

envers tous les partenaires possibles. À présent, il faut<br />

que les plateformes respectent leurs obligations, et que<br />

l’Arcom y veille. Plus elles seront vertueuses, plus elles<br />

auront une place avancée dans la chronologie des médias.<br />

Nous avons le bel exemple de Canal+ qui est un très<br />

grand partenaire et qui a investi plus de 200 millions<br />

d’euros cette année dans le cinéma français, avec une<br />

clause de diversité. Il ne faut pas que les plateformes aient<br />

peur de participer au financement d'œuvres différentes<br />

et à pousser de nouveaux talents. Je les encourage à<br />

s'intégrer dans notre système, à soutenir et à lancer des<br />

projets divers, à aller vers plus de parité, à découvrir des<br />

talents… Elles sont en capacité de le faire.<br />

Sur le plan de l’appareil productif et de la formation,<br />

que pensez-vous des projets de “La<br />

grande fabrique de l'image” ?<br />

N.B : Je suis parrain de l’École 24 et de la section cinéma<br />

de l'école d'effets spéciaux Artfx, qui accompagne le<br />

projet de création Pics Studio à Montpellier dans le cadre<br />

de France 2030. Ce plan d'accompagnement se fait avec<br />

une vraie volonté de créer des lieux qui soient des outils<br />

modernes et très à la pointe. Je trouve aussi qu’il y a un<br />

grand dynamisme et un haut niveau autour des écoles<br />

de cinéma en France. Énormément de studios étrangers<br />

viennent d'ailleurs faire leur marché en engageant de<br />

jeunes talents en sortie d'école.<br />

N.M : Pour nous, qui défendons le cinéma français depuis<br />

des années, et alors qu’il n’enthousiasme plus autant les<br />

jeunes qu’avant, il est aussi essentiel de parler d'éducation<br />

à l'image. Pourquoi ne pas soutenir véritablement la<br />

création de ciné-clubs au sein des écoles pour forger une<br />

culture cinématographique, qui est extrêmement importante<br />

? Les cinéastes sont prêts à soutenir de telles initiatives.<br />

Je salue la volonté politique du gouvernement qui<br />

cherche à consolider notre industrie, mais j'espère que<br />

France 2030 va aussi s'emparer du cinéma sur le plan<br />

culturel, et non seulement industriel.<br />

N°455 / 1 er <strong>novembre</strong> <strong>2023</strong><br />

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