Eux et nous - Rencontres Internationales de Genève

Eux et nous
Nivat est l’un des « occidentaux » les mieux informés des
événements qui affectent aujourd’hui le monde « slave ». C’est à
lui que nous devons d’avoir pu écouter Alexandre Siniavski en
1975, alors que le thème des Rencontres était Solitude et
communication. Dans sa conférence intitulée « Moi » et « eux »,
Siniavski nous faisait part de son expérience personnelle du
goulag. Pour donner tout leur sens à nos débats sur Normes et
déviances, il y a dix ans exactement, Georges Nivat présenta le
phénomène de la « dissidence ». Ce fut une séance très
émouvante, consacrée à l’analyse de la protestation qui, à la suite
de Soljenitsyne, s’élevait dans l’ancien « empire » soviétique :
Georges Nivat et ses invités y ont exposé, dans toute leur
complexité, les enjeux et les périls du moment ; ils ont mis en
évidence la part d’inconnu qui demeurait dans une situation qui, à
distance, faisait trop souvent l’objet de simplifications ou
d’acceptations résignées.
Au long des années, Georges Nivat nous a ainsi présenté
personnellement ceux qui avaient affronté un pouvoir qui semblait
irrévocablement installé. Nous sommes nombreux à nous souvenir
de la présence d’Efim Etkind, d’Alexandre Zinoviev, d’Igor
Zolotousski, d’Igor Vinogradov, de Vladimir Boukovski, de Virgilius
Cepaitis (la liste n’est pas complète). Nous eûmes ainsi l’occasion
de voir notre ami à l’œuvre dans la conduite des entretiens, et
d’admirer son sens de l’équité, son besoin de comprendre, sa
passion toujours perceptible sous la maîtrise extérieure. En le
présentant, avant son magistral exposé de 1987, je l’ai défini par
la « clairvoyance inquiète ». Je faisais l’éloge d’une attitude qui
relève de l’intelligence et de la sensibilité réunies, toutes deux en
alerte. Car la sympathie, et la vraie charité (qui est le souci du sort
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