Eux et nous - Rencontres Internationales de Genève

Eux et nous
La rêverie d’Etat universel était bridée, affaiblie, puis ridiculisée.
Les Mémoires du septième secrétaire général (et aussi le dernier),
Mikhaïl Gorbatchev, confirment aujourd’hui la persistance atténuée
et la mutilation de p.018 cette rêverie d’empire chez ce léninien
sentimental, choisi par Brejnev, éduqué par Andropov. Pour lui
l’empire soviétique restait une réalité fondamentale, il fera la leçon
à Soljenitsyne quand celui-ci proposera à la Russie d’abandonner
l’idée d’empire. Voyez ma région de Stavropol, dit-il, elle est un
exemple de cette soviéticité impériale. Et lorsque l’historien Dimitri
Lihatchev, fondateur du Fonds pour la Culture russe en 1989,
fonds destiné à restaurer les valeurs nationales détruites par le
bolchevisme, abandonne la cause soviétique après août 91 (et
avant décembre 91, avant l’accord de Bieloviej, qui consacre la
chute de cet empire), Gorbatchev a des mots brefs mais amers
pour le condamner. L’historien ne pouvait pas ne pas rallier la
cause russe dans ce grand effondrement d’empire. Gorbatchev,
resté léninien, considère, lui, que c’est un recul de l’histoire, une
déchéance dans l’échelle des entités humaines.
Et cet homme du sérail soviétique, si habile à manœuvrer dans
le système bolchevique et tacticien virtuose contre la vieille garde
de l’establishment soviétique, ne comprend pas que la partie est
perdue, l’empire aboli. A-t-il vraiment dit à Eltsine : « Si vous
brisez le premier cercle qui tient tout, l’Union soviétique, le second
ne tiendra pas longtemps, la Fédération de Russie » ? Nous ne
pourrions avoir de confirmation que de son interlocuteur. Mais une
chose reste étonnante : l’irréalité du raisonnement de l’homme qui
a pourtant eu le rôle historique décisif pour donner au bolchevisme
le coup de boutoir interne.
Une expression de Gorbatchev, qui, en Russie, s’est attiré
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