Eux et nous - Rencontres Internationales de Genève

Eux et nous
Europe que vous, qui oubliez les valeurs attachées à ces deux
notions ». L’Europe existe fortement pour certaines personnes.
C’est pour cela que je mentionne ces étudiants de Belgrade qui se
promènent avec un panneau sur l’Euro-pouvoir, panneau un peu
dérisoire et sentimental, mais qui exprime quelque chose de
profond pour eux. L’Europe, c’est le sentiment d’une médiation
supplémentaire et nécessaire entre la nation et l’humanité. Si l’on
n’a pas besoin de cette médiation, on n’a pas besoin d’Europe au
sens moral du terme. On peut mesurer, me semble-t-il, le degré
d’Europe dans un pays selon le besoin qu’il a de passer par cette
médiation culturelle et morale. Nous devons voir que de nombreux
citoyens de cet empire tombé, le bloc de l’Est, s’accrochent à l’idée
d’Europe comme on s’accroche à une main secourable.
M. BRONISLAW BACZKO : Je vous ai écouté avec fascination,
parce que je me suis rendu compte que la Russie n’est pas
seulement un pays en transformation. Elle traverse certainement
une longue crise. Mais elle reste pour moi une grande inconnue.
Vous nous avez montré ce côté inconnu de la Russie. J’ai parfois
l’impression, en parlant avec de jeunes historiens russes, qu’eux-
mêmes ont également le sentiment de vivre dans un pays qu’ils ne
connaissent plus ou pas encore.
Cela pose deux questions. La première concerne la situation de
la p.035 Russie dans le monde contemporain, la seconde la situation
de la Russie elle-même.
J’ai été très frappé par cette observation selon laquelle la Russie
a tendance à se libéraliser après les défaites. Effectivement, la
Russie que nous voyons aujourd’hui est faible. Mais je crains que
la vision que l’Occident a de l’avenir de la Russie ne porte
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