Eux et nous - Rencontres Internationales de Genève

Eux et nous
de vie, avait dans son cabas l’idée qu’il appartenait à un pays fort.
Cette idée l’aidait probablement à vivre. Elle faisait partie, en tout
cas, de sa structure mentale. C’est pourquoi l’écroulement de
l’empire a été pour lui un problème. Combien de libéraux russes
avouent dans la conversation que cela leur fait mal au cœur, par
exemple, de devoir changer de pays pour aller à Odessa, ou
encore au monastère des Cryptes à Kiev — la mère des villes
russes. La plupart d’entre eux admettent néanmoins, non
seulement que c’était nécessaire, mais que c’était le prix de leur
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liberté. Grosso modo, Boris Eltsine s’est fabriqué et a changé
la Russie ainsi. Contre Gorbatchev et son soviétisme, il a dit que la
Russie devait admettre la partition de son empire.
Certains pensent qu’elle sera la grande puissance économique
du XXI e siècle. Cela reste virtuel, mais peut structurer l’avenir de
manière très forte. C’est évidemment un peu paradoxal, quand on
voit certains aspects totalement désolants de la Russie actuelle —
des hôpitaux qui sont des mouroirs. Je pense que cela va changer
assez rapidement. Tout bouge très vite et nous en sommes à
l’étape du redressement.
Mais il est vrai qu’aujourd’hui on peut voir en Russie des
spectacles qui sont indignes, même pas d’une grande nation, mais
de toute nation qui se veut telle, et certainement de l’Europe. J’ai
visité un asile psychiatrique dans le Nord de la Russie, dans ce
qu’on appelle l’Ermitage de Saint-Nil de la Sora. Penser que
l’ermitage de l’un des plus grands saints de la Russie a été
transformé en une sorte de maison de fous à la Jérôme Bosch, où
de malheureuses créatures errent dans trente centimètres de
boue, est insupportable. Le pire est qu’on m’a dit qu’il y a de
longues listes d’attente pour faire admettre des patients dans cette
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