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Lettere e frammenti - Galleria Agnellini Arte Moderna

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En février 1959, François Dufrêne, ayant effectué une première vente<br />

d’affiches lacérées de petits formats, et “Lacéré Anonyme” ayant pris<br />

corps en Villeglé, il l’invite à présenter ses œuvres dans l’atelier de son<br />

père, rue Vercingétorix; la manifestation aura lieu en juin. Lacéré Anonyme<br />

est un personnage mythique, né de la croyance en une création<br />

collective. Ainsi, les cathédrales auraient été construites par une<br />

volonté commune, par l’élan populaire. Pour Vico, Homère personnifie<br />

le peuple grec; Lacéré Anonyme personnifie l’ensemble des lacérateurs<br />

inconnus. C’est la remise en question de l’artiste interprète de<br />

l’âme populaire intermédiaire de l’inconscient collectif.<br />

En octobre, des affiches lacérées, un monochrome bleu, une machine<br />

à peindre, disséminés à l’intérieur et à l’extérieur du Musée Municipal<br />

d’Art Moderne de la Ville de Paris, créent les trois lieux événementiels<br />

de la première Biennale des Jeunes. Pour André Malraux, qui venait de<br />

prendre les Affaires culturelles, ces trois lieux se réduiront à deux.<br />

Lorsqu’il se remémore sa visite inaugurale, Malraux oublie Klein, il<br />

mentionne avec la machine baladeuse et menaçante de Tinguely<br />

(1925-1991), qui l’avait ou qui avait manqué de l’éclabousser, “les<br />

affiches lacérées, les plus insidieux des ready-mades”. Le genre “haffreux”<br />

semble lui dire Picasso à qui il relate le vernissage (La tête d’obsidienne,<br />

Gallimard, Paris, 1974, p. 141).<br />

En cours d’année paraît Sur Marcel Duchamp de Robert Lebel (1904-<br />

1986); l’objet devient un dénominateur commun et les affiches lacérées,<br />

qui étaient abusivement assimilées au collage, seront dès lors<br />

identifiées au ready-made. Les ravisseurs auront beaucoup de mal à<br />

secondariser l’influence duchampienne.<br />

En février 1960, pour répondre aux nouvelles tendances révélées par<br />

la première Biennale, Dufrêne, par l’intermédiaire d’Alain Jouffroy, est<br />

chargé d’une salle au Salon Comparaisons. Il y présente, à côté des<br />

affichistes, un ramasseur de chiffons d’usines, des assemblagistes, une<br />

jeune croûtiste, des expressionnistes baroques et des expérimentaux<br />

travaillant l’espace ou le mouvement.<br />

Ursula Girardon (1926-1989), boulevard Pasteur: premier courtier à<br />

vendre une affiche lacérée.<br />

Villeglé accompagne Dufrêne dans les studios-laboratoires de Pierre<br />

Henry, 80 rue Cardinet. Entre eux deux commence, à l’instigation de<br />

Jouffroy, une collaboration technologie-crirythme.<br />

En avril, à Milan, Pierre Restany, jeune critique, 29 ans, saisit ce<br />

moment historique pour rédiger le premier manifeste du nouveau réalisme<br />

et organiser une exposition, à la <strong>Galleria</strong> Apollinaire, Baptême de<br />

l’appropriation, qui sanctionne l’état de fait qu’il avait ressenti lors de<br />

la Biennale avec Yves le Monochrome, Tinguely, Hains, Dufrêne et<br />

Villeglé. Au groupe initial il ajoute son ami niçois Arman. Six mois<br />

plus tard, le 27 octobre, au domicile d’Yves Klein aura lieu la signature<br />

de la déclaration constitutive du groupe des nouveaux réalistes élargi.<br />

En décembre Mimmo Rotella, de passage à Paris, rend visite à chacun<br />

des « ravisseurs”, qui exposaient alors pour la première fois côte à côte<br />

avec l’ensemble des nouveaux réalistes dans le cadre du Festival<br />

d’avant-garde de Paris au Pavillon américain de la Porte de Versailles.<br />

En 1961, Villeglé prend le relais de Dufrêne au Salon Comparaisons<br />

(il gardera la responsabilité d’une salle jusqu’en 1968). Outre les nouveaux<br />

réalistes, il y invitera de jeunes pop américains et européens, des<br />

représentants parisiens de l’arte povera, de l’école de Nice, des lettristes,<br />

le mec art, Poulet 20 NF, les “objecteurs”, enfin tous les marginaux,<br />

ou dont les critères ne correspondaient pas aux disciplines des<br />

autres organisateurs. Sa présence au sein du comité directeur de ce<br />

salon stimula le groupe des “peintres de la réalité” dont les sujets évoluèrent<br />

et passèrent en deux-trois ans de la nature morte dans la tradition<br />

du XVII e siècle aux pastiches des thèmes urbains du nouveau réalisme,<br />

tout en restant eux-mêmes fidèles aux canons académiques à<br />

l’échelle du tableau de chevalet, respectueux du travail pour le travail,<br />

et bien entendu sans se libérer du préjugé de la matière picturale.<br />

En 1967, las de la mentalité traditionnelle des salons, qui débite l’espace<br />

géométrique par œuvre, il propose avec Jean-Louis Brau, avant<br />

de donner sa démission, pour celui d’avril 1968, une “salle hippie”<br />

dans laquelle ne serait exposée aucune œuvre plastique. Pendant que<br />

les participants y feraient leurs actions, quelques projections de diapos<br />

rappelleraient la destination picturale du lieu.<br />

17 mai 1961. Ouverture de la Galerie J, rue Montfaucon, premier<br />

contrat.<br />

1961-1963. Malgré leur détermination et leur prise de position commune<br />

en faveur d’une primauté du “ravir” sur le “faire”, ceux qui<br />

furent différenciés des autres nouveaux réalistes par l’appellation “affichistes”<br />

furent invités paradoxalement aux expositions The Art of<br />

Assemblage à New York, Dallas et San Francisco, puis à 50 ans de collage<br />

à Saint-Etienne et Paris.<br />

Robert Lebel et Alain Jouffroy différencièrent en 1963 le collage de<br />

l’objet par une exposition germano-pratine dans une galerie éphémère.<br />

1963-1964. Expositions personnelles: Galerie J (Paris) et Ad Libitum<br />

(Anvers). Paul Wember, directeur du Kaiser Wilhelm Museum de<br />

Krefeld, acquiert près de la galerie anversoise une affiche. Il sera également<br />

à l’origine du premier achat européen institutionnel pour<br />

Dufrêne et Hains.<br />

Expositions des quatre “ravisseurs”, préfacées par Restany (L’affiche<br />

lacérée, élément de base de la réalité urbaine), chez Arturo Schwarz à<br />

Milan et à la Gres Gallery à Chicago.<br />

En mai 1965, des affiches d’un bal signées Mathieu et lacérées offrent<br />

à Villeglé une série thématique. Contre la première appropriation le<br />

lacérateur s’était attaqué au cœur pourpre du graphisme, mettant à nu,<br />

de trois coups de rasoir, une tache-écu de sable avec billette et crosse<br />

renversées, destrée de gueules, sénestrée d’une filière de même comportant<br />

pointe triangulaire à l’anglaise. L’ensemble de ces affiches fut<br />

exposé chez Jacqueline Ranson, rue Furstenberg, en février 1967 sous<br />

le titre De Mathieu à Mahé.<br />

En août Villeglé commence la rédaction de Lacéré Anonyme ou Urbi<br />

& Orbi. Il y aborde l’aspect moderne du vieil artiste des mythes traditionnels,<br />

avec toute l’ambiguïté que comporte cet état lorsque le coup<br />

de foudre devient critère de création et comment, en collectionnant<br />

des affiches agressées, il est devenu une personnalité lacérée.<br />

Le 20 octobre, par l’intermédiaire du pataphysicien Noël Arnaud,<br />

Villeglé prend langue avec Léo Malet (1909-1996), autodidacte,<br />

ancien surréaliste et romancier créateur du “privé” Nestor Burma,<br />

qui, au cours des années trente, avait imaginé avec une certaine<br />

forme de “décollage dirigé” de confectionner des objets “psychoatmosphériques-anamorphiques”.<br />

Il était alors attributaire d’une<br />

boîte de livres sur le quai de l’Hôtel de Ville, aux abords du Pont<br />

Louis-Philippe.<br />

Le 9 novembre 1968, ayant l’intention malicieuse d’établir le catalogue<br />

raisonné de l’œuvre de l’Oberdada Johannes Baader (1875-<br />

1954), Villeglé rencontre à Zurich, Café Odéon, Carola Giedion-<br />

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