BEAST Magazine #1 2015
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#Entertainment | Motion Design<br />
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C’est dans cet esprit que vous en êtes venu à des projets qui<br />
mêlent invariablement images et sons. L’un sans l’autre est-il<br />
inconcevable pour vous ?<br />
Oui, c’est cela qui rend l’expérience intéressante. Ensuite,<br />
j’ai poussé la facette interactive du projet, en injectant un<br />
côté audio-réactif dans les visuels de base. C’était pour<br />
la release du dernier album d’Artaban il y a trois ans, à<br />
l’Exit07. J’ai trouvé ça véritablement très intéressant, bien<br />
plus que de simplement diffuser des vidéos. Cela a donné<br />
un aspect plus aléatoire, plus alternatif, qui aboutissait à<br />
un résultat non figé, à davantage de liberté. Comme avec<br />
un instrument de musique, en quelque sorte.<br />
Qu’est-ce qui a motivé le projet LAN en 2014 ?<br />
Il y a quatre ans, j’ai eu la chance de faire partie d’une<br />
délégation francophone pour découvrir le Festival Elektra,<br />
à Montréal. Là, j’ai découvert les possibilités infinies qui se<br />
cachent derrière la notion d’art électronique. De l’image au<br />
son, en passant par la technique, les capteurs, etc. Ça a été<br />
un véritable électrochoc. Aussi, en rentrant, je me suis dit<br />
qu’il était temps de passer à l’action, de faire quelque chose<br />
de tout ce que je venais de découvrir et d’emmagasiner.<br />
Je connaissais déjà Steph Meyers, car j’avais réalisé une<br />
vidéo LOOP, et je connaissais les lieux. De ce fait, tout s’est<br />
enchaîné assez naturellement. J’avais envie de jouer avec<br />
des caméras 3D et de voir ce que l’on pouvait générer<br />
comme visuels… C’était l’idée première. Je voulais aboutir<br />
à une représentation graphique des connexions sociales<br />
dans un endroit clos.<br />
De façon concrète, la caméra capte une position, une<br />
distance, puis toutes ces informations sont injectées dans<br />
un programme spécifique qui génère les visuels. Chaque<br />
personne est représentée par un triangle. Si moins de deux<br />
mètres séparent deux personnes, une ligne se connecte<br />
entre ces deux triangles. Il y a également une bulle, qui<br />
symbolise l’espace personnel qui peut grandir, se mélanger<br />
et se briser. En somme, toutes ces formes définissent les<br />
êtres et les rapports qui existent entre eux.<br />
Le projet LAN 2.0 est décrit comme une version plus élaborée<br />
par rapport à la première version. Comment cela se matérialiset-il<br />
?<br />
Entre les points et les lignes, on trouve désormais de grands<br />
triangles qui représentent le tissu social. En revanche, il<br />
y a eu un bug dans le soft. Par moment, les triangles se<br />
déchirent. Alors, bien sûr, les développeurs ont tout de suite<br />
voulu y remédier, mais moi, j’ai insisté pour que l’on laisse ce<br />
bug, parce que ça apportait une dimension supplémentaire<br />
au projet. Le tissu social lui aussi se déchire, parfois. Sur<br />
le plan technique, LAN 2.0 se caractérise par toute une<br />
réécriture du software, il y a désormais une vraie interface.<br />
Pourquoi est-ce important d’intégrer le public dans vos œuvres ?<br />
Est-ce une façon de donner au mot ‘connecté’ une dimension plus<br />
concrète ?<br />
Je ne cherche pas tant que ça à intégrer le public à mes créations.<br />
Ce qui m’intéresse, c’est l’art génératif, c’est-à-dire l’art généré<br />
de façon aléatoire par l’ordinateur. Je donne des paramètres à<br />
l’ordinateur et, ensuite, je le laisse faire et engendrer des visuels.<br />
En quoi cela relève-t-il de l’art ?<br />
Il faudrait poser à la question à des historiens de l’art (rires)!<br />
Mes créations ne se définissent pas seulement comme un simple<br />
jouet technologique. Il y a une réflexion derrière. Ici, c’est le<br />
contexte sociologique. En définitive, c’est comme une œuvre<br />
picturale lambda: derrière l’œuvre, il a y toujours une réflexion<br />
propre à l’artiste, une réflexion qu’il essaye de retranscrire avec<br />
différents moyens, que ce soit la peinture ou la vidéo. Ça n’est<br />
pas juste un jeu vidéo.<br />
Le public est-il réceptif à cette nouvelle forme d’art ?<br />
C’est quelque chose de très récent ici au Luxembourg. Mais les<br />
gens ont été assez réceptifs. Le souci, c’est qu’il y a encore<br />
toute une éducation à faire. C’est encore très neuf. Par exemple,<br />
lors du premier vernissage de LAN, j’ai passé toute la soirée<br />
à expliquer le projet au public. Mais cela va en ‘s’améliorant’.<br />
Il y a deux semaines, j’ai assisté à la conférence Multiplica,<br />
aux Rotondes et, même entre les professionnels, les opinions<br />
divergent. Pour certains, les nouvelles technologies ont donné<br />
naissance à cette forme d’art. Pour d’autres, les artistes sont<br />
le point de départ. À mon avis, les deux sont intimement liés.<br />
Les studios poussent toujours la démarche un peu plus loin. Par<br />
exemple, quand Xbox a lancé sa caméra Kinect il y a cinq ans,<br />
elle a aussitôt été détournée par les hackers et par les artistes.<br />
Pour mon projet aussi, à la base, il n’y a que de simples caméras<br />
de surveillance. On est de nouveau dans le détournement de la<br />
technologie pour arriver à une matière artistique. Les possibilités<br />
sont infinies.<br />
LAN 2.0, À VOIR AUX ROTONDES<br />
JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE <strong>2015</strong><br />
Suite au grand succès du loop LAN créé par Steve<br />
Gerges en 2014, une version plus élaborée vient d’être<br />
mise au point: l’animation interactive est toujours<br />
nourrie par le positionnement et les mouvements des<br />
personnes, mais elle inclut de nouveaux paramètres,<br />
afin de représenter au plus près l’interconnectivité du<br />
public, ce qui se traduit par une œuvre vidéo plus riche<br />
et plus variée.<br />
<strong>BEAST</strong> MAGAZINE <strong>#1</strong>