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BEAST Magazine #1 2015

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82<br />

#Science | Healthcare<br />

L’ANTHROPOLOGIE<br />

BIOCULTURELLE<br />

OU COMMENT<br />

LA MÉDECINE<br />

MODERNE REJOINT<br />

LA SCIENCE-FICTION<br />

INTERVIEW ALEXANDRE KEILMANN<br />

Dans le cadre de sa participation à la deuxième<br />

édition du Luxembourg Healthcare Summit,<br />

le Dr. Judith Nicogossian, spécialiste<br />

en anthropologie bioculturelle nous parle<br />

de les recherches sur les corps hybrides<br />

qu’elle a entamées en Australie<br />

et sur lesquelles elle travaille toujours,<br />

l’innovation dans le domaine étant constante.<br />

Steve Austin, Darth Vador, et autres humains-cyborgs :<br />

sommes-nous déjà passés du mythe à la réalité ?<br />

La réalité a aujourd’hui rejoint la science-fiction et nous<br />

nous en sommes clairement inspirés, ces quelques dernières<br />

années, pour mettre au point des ingénieries médicales.<br />

L’imagination des écrivains et réalisateurs a en quelque sorte<br />

nourri les espoirs, voire les rêves, du corps médical. Les choses<br />

ont désormais changé : nous retrouvons en médecine, et<br />

notamment en anthropologie, de nombreuses technologies<br />

inspirée de films ou d’ouvrages de science-fiction. Je pense<br />

notamment à l’exosquelette, ces machines alimentées par des<br />

moteurs et portées par l’homme afin de transférer de l’énergie<br />

pour les mouvements de ses membres, que l’on retrouvait<br />

déjà dans la série télé «L’Homme qui valait trois milliards»<br />

dans les années ‘80. L’implantation, dans le cerveau, de<br />

composants électroniques basés sur la RFID, s’est également<br />

muée en pratique médicale. Ces développements ont une<br />

dizaine d’années, mais leur progression est exponentielle.<br />

Pour ma part, j’ai réalisé la première thèse du CNRS sur le<br />

corps hybride. Le sujet était alors totalement novateur et<br />

mes camarades de laboratoire me regardaient bien souvent<br />

avec des grands yeux lorsque j’abordais les biotechnologies<br />

et leur impact sur le corps humain.<br />

Comment les objets connectés peuvent-ils améliorer la vie<br />

d’un patient ? Quel en est, selon vous, le meilleur exemple ?<br />

Les objets connectés sont des inventions fabuleuses.<br />

Ils permettent d’améliorer les conditions de vie des patients,<br />

aident la médecine à résoudre de nombreux problèmes et<br />

profitent aux institutions, notamment en termes de suivi<br />

des patients. Citons notamment les ‘Ingestible Sensors’,<br />

DR. JUDITH<br />

NICOGOSSIAN<br />

de petits composants intégrés aux médicaments et qui, après ingestion,<br />

permettent de contrôler le suivi de la prise du médicament. Cette<br />

technologie est révolutionnaire, notamment pour les patients bipolaires<br />

ou atteints de schizophrénie. Des études ont en effet démontré que<br />

50% des patients n’ingèrent pas leur médication, ce qui entraîne<br />

rechutes et donc de nouveaux coûts d’hospitalisation et de soins, etc.<br />

Selon vous, quelle est la prochaine technologie qui va améliorer<br />

de façon significative la vie des patients ?<br />

Il s’agit d’une invention qui est toujours en phase de test: la biopile<br />

au glucose. Comme son nom l’indique, cette pile permet de résoudre<br />

les problèmes de batterie des implants. Même si nous possédons<br />

actuellement de formidables outils et mécanismes que nous implantons<br />

dans le corps humain et qui sauvent des vies, l’alimentation en énergie<br />

de ces implants reste un problème majeur. Les médecins doivent<br />

souvent réopérer les patients quelques années après une implantation<br />

pour remplacer une pile arrivée en fin de vie. Grâce à une telle biopile<br />

qui fonctionne avec le glucose du corps humain, l’implant pourrait ne<br />

jamais devoir être remplacé. Il s’agirait d’implants ‘à long terme’. Mais<br />

actuellement la biopile consomme encore trop de glucose et place le<br />

patient en hypoglycémie: la route est encore longue.<br />

Finalement, comment définiriez-vous le patient du futur ?<br />

Le patient du futur, ce serait un patient qui utiliserait toute une multitude<br />

de biotechnologies afin de s’auto-diagnostiquer. Il pratiquerait ainsi une<br />

auto-santé et n’aurait plus recours aux institutions et aux médecins, du<br />

moins, tels que nous les connaissons aujourd’hui. Par contre, ce patient<br />

devrait se méfier des technologies qu’il utilise, à savoir toujours les<br />

intégrer à son bien-être et non pas se laisser aller dans les travers, qui<br />

peuvent être nombreux … et tentants! En effet, certaines biotechnologies<br />

pourraient empêcher le développement humain que nous considérons<br />

comme naturel, mais également porter atteinte à la liberté du patient<br />

ou celle d’autrui.<br />

<strong>BEAST</strong> MAGAZINE <strong>#1</strong>

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