Thomas Mann - Rotary Schweiz
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Berlin, <strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong> critique la barbarie<br />
d’Hitler en des termes cinglants. Il ne faisait<br />
désormais plus aucun doute: <strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong><br />
était un des plus prestigieux et redoutables<br />
orateurs contre le national-socialisme. Il faisait<br />
montre d’un grand courage et s’attendait<br />
certes à des mesures de rétorsion.<br />
Adolf Hitler: les chemises brunes au pouvoir<br />
La situation politique s’est rapidement détériorée:<br />
le 30 janvier 1933, Hitler est appelé au<br />
pouvoir en tant que chancelier du Reich; dès<br />
le 28 février 1933, après l’incendie du Reichstag,<br />
Hitler abroge tous les droits individuels<br />
fondamentaux importants dont la liberté de<br />
presse et la liberté d’expression; il autorise<br />
les perquisitions à domicile et la confiscation<br />
des biens privés. À cette époque, <strong>Thomas</strong><br />
<strong>Mann</strong> était avec son épouse Katja à l’étranger<br />
en tournée de conférences; il décida<br />
alors de ne pas retourner en Allemagne ce<br />
qui signifiait l’exil. Il séjourna tout d’abord en<br />
Provence, à Sanary-sur-Mer, puis à Küsnacht<br />
près de Zurich avant de quitter l’Europe<br />
pour les États-Unis où il séjournera de<br />
1938 à 1949. Ce n’est qu’en 1949 qu’il retournera<br />
pour la première fois en Allemagne.<br />
Et le <strong>Rotary</strong>?<br />
Une des premières actions des nazis dès<br />
qu’ils s’emparent de la politique est de juguler<br />
les activités du <strong>Rotary</strong> Club. Dans les années<br />
30, de nombreux articles hargneux et<br />
des pamphlets sont publiés contre le <strong>Rotary</strong>.<br />
Les plus vulgaires étaient les attaques du<br />
«Kampfblatt der Deutschen Aktion», surnommé<br />
le «Blitz». Ce journal reprochait au <strong>Rotary</strong><br />
d’avoir des structures antinationales et<br />
d’être un danger pour l’État: les rotariens<br />
sont des «Judengenossen (acolytes des<br />
juifs) et des marxistes», des «leaders démocrates<br />
demi-juifs», des «porcs assassins,<br />
traîtres à la patrie».<br />
<strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong>: mis au pilori et banni<br />
La situation politique se détériore gravement<br />
dans les premiers mois de l’année 1933. Wilhelm<br />
Ardents, alors président du <strong>Rotary</strong> club<br />
de Munich, partage l’idéologie du nationalisme<br />
socialiste; le 4 avril1933, il envoie une<br />
lettre à <strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong> et à d’autres rotariens<br />
leur annonçant qu’ils sont exclus du club.<br />
C’est ainsi que prit fin après quatre ans seulement<br />
l’affiliation brillante du célèbre écrivain<br />
au <strong>Rotary</strong> club de Munich. L’évolution<br />
politique catastrophique dans son pays natal<br />
n’avait pas pour autant cessé de le préoccuper.<br />
Mais le club munichois ne s’en arrêta<br />
pas là; jusqu’en juin 1933, 25 autres membres<br />
furent exclus, soit 40 pour cent des effectifs.<br />
Cependant, tous les clubs ne se montrèrent<br />
pas aussi rigoureux et inflexibles, quelquesuns<br />
refusèrent de discriminer les Juifs. Début<br />
avril 1933, une majorité de clubs allemands<br />
ne s’était pas encore prononcée<br />
contre une affiliation des Juifs. Malheureusement<br />
cette force de l’identité ne prévalut<br />
pas partout.<br />
Les représentants des clubs discutèrent<br />
avec le gouverneur rotarien Hugo Grille à<br />
Berlin de la situation actuelle sans issue, ils<br />
baissèrent l’échine face à la terrible violence<br />
et déclarèrent à l’unanimité la dissolution<br />
des clubs le 15 octobre 1937. Le verdict sur le<br />
<strong>Rotary</strong> Allemagne était tombé.<br />
<strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong>, déchu de sa nationalité,<br />
émigre en Suisse, puis aux USA<br />
Le régime avait confisqué son mobilier et sa<br />
villa à Munich et – ce qui toucha le plus<br />
l’écrivain – y avait installé une organisation<br />
SS. Golo <strong>Mann</strong> réussit<br />
cependant à faire<br />
passer clandestinement<br />
le Journal intime de son père dont le<br />
passeport allemand ne fut pas prolongé.<br />
l’humanité<br />
En 1938, <strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong> quitte la Suisse et<br />
s’établit sur la côte Ouest des États-Unis à<br />
Pacific Palisades (Californie) où on lui réserve<br />
un accueil chaleureux. Conscient de sa<br />
valeur, il écrira alors: «Là où je suis, c’est l’Allemagne.»<br />
La guerre terminée, il revient en<br />
Suisse, il y décède à Kilchberg (ZH) en 1955.<br />
Des contacts avec le RC Zurich ne figurent<br />
pas dans le dossier du club.<br />
Quel enseignement peut-on tirer de son parcours?<br />
On peut tirer des enseignements à deux niveaux:<br />
l’antithèse entre des systèmes totalitaires<br />
et des objectifs du <strong>Rotary</strong> au niveau<br />
politique et l’échec de l’homme dans des situations<br />
extrêmes.<br />
La recherche de compromis avec le régime<br />
national-socialiste durant de longues années<br />
était condamnée à l’échec dès le début.<br />
Là où les droits de l’homme sont bafoués<br />
et où le génocide fait partie du système, il ne<br />
peut y avoir de terrain d’entente.<br />
Qu’en est-il du subconscient de ces êtres<br />
humains?<br />
À partir du rendu analytique des splendeurs<br />
et misères de l’affiliation rotarienne de <strong>Thomas</strong><br />
<strong>Mann</strong>, des conclusions sont déductibles<br />
sur l’essence de la nature humaine.<br />
Comment s’expliquer qu’un écrivain dont on<br />
parle en termes élogieux et mondialement<br />
connu d’amis rotariens ait à se défendre<br />
soudain publiquement contre des machinations<br />
à cause d’une situation politique renversée<br />
et qu’il soit exclu de son club <strong>Rotary</strong><br />
d’un jour à l’autre sans autre procédé, sans<br />
une parole de regret et sans aucun remerciement?<br />
Le critère des quatre questions rotariennes<br />
s’aligne sur la «règle de l’humanité»; trois de<br />
ces questions demandent la réciprocité selon<br />
la formule: «Ce que tu ne veux pas qu’on<br />
te fasse, ne le fais pas à autrui.» Il est clair<br />
que cette règle représente une valeur qui a<br />
fait ses preuves au cours du temps et fait appel<br />
à un comportement humain exemplaire<br />
comme la non-violence (tolérance), la loyauté<br />
(sincérité), la solidarité (équité).<br />
L’affiliation au <strong>Rotary</strong><br />
n’est cependant pas<br />
une garantie contre les facettes sombres de<br />
l’être humain si chacune n’est pas fixée personnellement<br />
dans ses idéaux.<br />
L’ascension et la chute de <strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong><br />
dans l’Allemagne des années 30 et au <strong>Rotary</strong><br />
Club de Munich montrent de façon évocatrice<br />
que l’humanité de l’homme inclut non<br />
seulement le bien, mais aussi le mal et la lâcheté.<br />
DGE Erwin Bischof<br />
Erwin Bischof<br />
(16.10.1940), historien<br />
et publiciste<br />
est entré au <strong>Rotary</strong><br />
il y a 30 ans; tout<br />
d'abord membre<br />
du RC Bern Muri, il est membre<br />
du RC Bern Christoffel depuis 16<br />
ans (membre fondateur).<br />
Son ouvrage «<strong>Thomas</strong> <strong>Mann</strong> und<br />
<strong>Rotary</strong> – Wie der deutsche Dichter<br />
gegen die Barbarei des Nationalsozialismus<br />
kämpfte» peut être<br />
commandé sous<br />
www.interforum-events.ch<br />
(CHF 20.–, version e-book € 9.90)<br />
ROTARY SUISSE LIECHTENSTEIN JUNI 2013