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206 LES RELATIONS DES JASUITES [Vol.37
confeff^, il prit vn Crucifix attach6 ^ fon Chappelet,
& s'adreffant k Noftre Seigneur, il luy difoit tendrement
ces : paroles Toy qui te nommes lefus, en verit6
tu es bon! Quoy done? c'eft tout de bon que tu es
mort pour moy en la fagon que cette image me reprefente:
[54] C'eft tout de bon que tu as voulu eftre
mon frere aifne: C'eft tout de bon que tu m'aimes,
ayant voulu lauer mes pechez dans ton fang: le t'ay
quelquefois fafche: mais comme tu es bon, & que tu
efcoutes ceux qui te prient, ne prends point la
penf^e de m'enuoyer au feu; mene-moy auec toy, car
ie t'aime, tu le fgais bien. le ne fuis pas marry de
fouffrir, & d'eftre malade, car ie I'ay bien merite, &
toy-mefme tu as voulu fouffrir. Puis fe tournant
vers moy, il me difoit: Mon Pere, ie prieray pour
toy au Ciel : Ie diray k celuy qui a tout fait, quand
ie le verray: Aime ceux qui ont eu tant de foin de
moy. L'allant voir la veille de fa mort, ie trouuay
fon Crucifix pofe fur fa poic5trine toute defcouuerte.
mis fur mon
Ie luy en demanday la ra[i]f on : Ie I'ay
cceur, me dit-il, pource que ie n'aime plus rien que
celuy qui m'a fauu6 par fa mort, c'eft luy qui me
conduira dans le Ciel, qui applanira le cbemin. Ie
fjay bien que mes pechez fe iettent k la trauerfe,
mais il oftera ces obftacles, il m'ouurira la porte de
fon Paradis, ou iamais plus ie ne pourray mourir.
Ie ne crains point de fortir de ce monde, puis que
lefus eft auec moy. Sa femme [55] qui eftoit aupres
de luy, auroit, deuant fon baptefme, poulf6 les hauts
oris, veu mefmement qu'elle portoit en fon fein vne
petite fille malade k la mort, & en regardoit vne
autre quafi agonizante dans fon berceau, & dans cet
abyfme d'afflidtion, la penfee du bonheur etemel