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Nous faisons remarquer à Neil Smith que ça fait beaucoup de temps consacré,<br />
pour un aussi jeune homme, à songer à la vie après la mort. « Mon frère a fait<br />
une overdose quand j’avais 15 ans, ma sœur a souvent tenté de se suicider,<br />
alors je pensais beaucoup à tout ça, même si je savais rationnellement qu’il<br />
n’existait pas de paradis, explique-t-il. Le livre est surtout un hommage à<br />
mon enfance, que j’ai beaucoup passée dans l’imaginaire. Comme nous<br />
déménagions constamment, je n’avais pas beaucoup d’amis, alors les livres<br />
étaient mes amis. Je pouvais constamment me réfugier dans un monde<br />
imaginaire, au point où ce monde-là me semblait plus réel que le monde<br />
autour de moi. Les gens trouvent dans la religion une façon de survivre,<br />
de surmonter leurs problèmes. C’est ce qu’étaient les livres pour moi, une<br />
religion. »<br />
En guise de pudique hommage au salvateur pouvoir de la lecture, Neil Smith<br />
devient dans Boo le plus lettré des toponymistes et attribue des noms de<br />
personnages de romans phares de sa jeunesse à des rues et à des lieux<br />
comme la maison du bien Jonathan Livingston, la John Clayton Street, la<br />
Merricat Blackwood Street ou la Carrie White Street.<br />
L’heureuse et malheureuse réalité<br />
Lumineuse ode à l’imaginaire dans lequel peuvent se dissoudre l’angoisse de<br />
la mort et le poids de la solitude, Boo se double aussi d’une célébration de<br />
l’amitié qui, plus que n’importe quel livre, permet de triompher des écueils<br />
et de dénicher chez l’autre du courage, quand nos ressources en la matière<br />
s’assèchent.<br />
Alors qu’il croyait être mort à cause de ses problèmes cardiaques, Boo<br />
apprendra par la bouche d’un de ses camarades de classe venu le rejoindre au<br />
Village, Johnny Henzel, qu’ils ont plutôt été abattus par un tireur fou, qui se<br />
trouve sans doute désormais parmi eux. Oliver, bollé légèrement misanthrope<br />
qui croyait jusque-là pouvoir mener son chemin avec pour seul copain son<br />
tableau périodique, part avec Johnny aux trousses de l’assassin.<br />
« Moi aussi, je pensais ça, quand j’avais l’âge de Boo. Je pensais que je pouvais<br />
vivre une vie heureuse sans amis, souligne Smith. Bien sûr, je me mentais.<br />
Mon désir le plus profond, c’était de me faire des amis, mais je ne faisais pas<br />
forcément d’efforts. J’étais toujours en marge, je ne parlais jamais avec le bon<br />
accent, j’étais toujours le nouveau. »<br />
Mais l’amitié ne suffit pas toujours à sauver d’eux-mêmes ceux que les forces<br />
de l’ombre assaillent de l’intérieur, apprendra à ses dépens Boo. Au contact<br />
des « tristesdus », joli mot-valise employé pour désigner les enfants tristes et<br />
perdus de l’hôpital psychiatrique Deborah Blau, le garçon découvre que<br />
son appétit pour la connaissance, et pour la vie, est une grâce que d’autres<br />
ne connaîtront jamais. « Quand j’étais petit, je voulais moi aussi trouver une<br />
solution à la dépression de ma sœur, mais c’était impossible, regrette l’auteur.<br />
Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas entrer dans le monde, qu’il ne faut pas<br />
faire face aux autres, qu’il ne faut pas apprendre à vivre avec eux. C’est la<br />
leçon que Boo finit par apprendre. »<br />
On ne peut qu’un temps échapper à la réalité, quoi. « Heureusement et<br />
malheureusement », conclut Neil Smith.<br />
BOO<br />
Alto<br />
400 p. | 29,95$<br />
SÉRIE<br />
EN FORMAT DE POCHE<br />
ROMAN<br />
LE TERRITOIRE EST POLAR<br />
LES LIBRAIRES • NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015 • 19