27.10.2015 Views

GRATUIT

0024__lib91

0024__lib91

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

J<br />

l i t t é r a t u r e J E U N E S S E<br />

ENTREVUE<br />

LAURENT<br />

THEILLET<br />

La poésie,<br />

ou comment<br />

mettre de<br />

l’ordre dans<br />

le chaos<br />

Français d’origine, Laurent Theillet roule<br />

sa bosse au Québec depuis dix ans. Auteur<br />

d’albums et de romans pour la jeunesse, il<br />

vient tout juste de faire paraître un récit<br />

poétique, son premier, publié dans une<br />

collection pour les adolescents chez Boréal.<br />

Les poèmes ne me font pas peur est un texte<br />

nourri d’images fortes dans lequel une jeune<br />

fille interroge le monde qui l’entoure et tente<br />

de trouver sa place dans le chaos. Voici une<br />

plongée au cœur de cette écriture lumineuse.<br />

Par Marie Fradette<br />

© D.R.<br />

© C. Hélie<br />

66 • LES LIBRAIRES • NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015<br />

« Si on me demandait de résumer le livre en une phrase, je dirais que c’est<br />

en fait une tentative d’hymne à la vie. » Pour Theillet, la vie reste quelque<br />

chose d’extraordinaire que l’on a tendance à oublier à l’âge adulte. Et c’est<br />

ce qu’il s’emploie à mettre en scène à travers cette adolescente déboussolée :<br />

« Je pense avoir écrit simplement l’histoire d’une jeune fille aux prises avec<br />

des questions essentielles, les questions que nous nous posons tous : qu’estce<br />

que naître? Vivre? Aimer? Et par là même, qu’est-ce que mourir? Mais<br />

également : le bonheur, finalement, qu’est-ce que c’est? En bref : quelle<br />

est donc cette chose inouïe – être un humain sur la terre? Évidemment, les<br />

réponses sont la plupart du temps incomplètes, voire hors de portée, mais le<br />

simple fait de se poser ces questions nous permet d’avancer, de cheminer, de<br />

“venir effleurer le bord du mystère”, comme pourrait le dire mon héroïne! »<br />

Ce n’est pas anodin, d’ailleurs, si Theillet utilise une avenue poétique pour<br />

présenter cet hymne. Bien sûr, c’est un genre qui l’intéresse, mais il s’en sert<br />

pour « défendre les mots ». « Pour les jeunes, explique-t-il, la poésie rebute<br />

souvent, elle est ennuyeuse, difficile d’accès… les poèmes font peur! Mais<br />

il faut savoir une chose : mon livre n’est pas du tout un recueil de poèmes,<br />

mon texte est un récit poétique, le journal d’une jeune fille qui aime la<br />

poésie. Ce que j’ai tenté de faire, c’est d’allier poésie contemporaine et<br />

narration. Le style poétique : oui, MAIS par-dessus tout, préserver le côté<br />

captivant d’un roman. Signifier non seulement aux jeunes, mais également<br />

aux adultes (à qui mon livre s’adresse aussi) que la poésie n’est pas quelque<br />

chose d’ennuyeux, d’hermétique : la poésie est simplement une manière de<br />

vivre sa création et son rapport à la lecture. C’est-à-dire : tenter de laisser la<br />

plus grande place à l’émotion, à la puissance pure des mots. »<br />

La forme au service du personnage<br />

Grâce à cette forme hybride, on entre facilement dans l’univers de cette jeune<br />

fille « dont le crâne est un placard en vrac ». L’écriture très imagée, la narration<br />

et même la ponctuation contribuent à donner du sens. Par exemple, l’héroïne,<br />

qui exprime son amour des mots, « déteste leurs virgules/[qui] ressemblent<br />

trop à des erreurs/des dérapages/des ailes d’oiseaux amputés ». On ne verra<br />

donc aucune trace de virgule tout au long du récit, sauf à deux endroits. Au<br />

début, d’abord, dans un poème écrit alors qu’elle était enfant, puis à la toute<br />

fin. On sait que les virgules sont une pause dans la lecture, elles permettent<br />

de mettre de l’ordre dans un texte, d’encadrer une idée, par exemple. Le<br />

fait qu’il n’y en ait pas du tout, contrairement aux points d’interrogation qui<br />

pullulent, renvoie à ce manque d’ordre : « C’est une manière pour l’héroïne<br />

de ne pas s’arrêter. Il y a là un lien direct avec les ailes coupées. » Pour<br />

Theillet, le fait qu’elle établit une analogie entre cette ponctuation et les ailes<br />

amputées symbolise cette absence de liberté. C’est pourquoi, discrète, la<br />

deuxième virgule apparaît à la toute dernière page du récit, dans un ultime<br />

poème délesté de point d’interrogation : « Naître/Sentir/Grandir/Aimer/Vivre/

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!