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SAkINATOU<br />
une histoire qui commence comme tant d’autres.<br />
sakinatou est originaire de gao, au nord-est <strong>du</strong> mali, le<br />
lieu de rassemblement des émigrants clandestins vers<br />
les pays d’afrique <strong>du</strong> nord. Elle appartient à l’ethnie des<br />
songhaïs.<br />
Comme tant d’autres, Sakinatou n’est pas allée à l’école :<br />
dans cette région où, avec l’avancée <strong>du</strong> désert, les<br />
problèmes de sécheresse s’accroissent, il faut des bras<br />
pour travailler la terre. dès leur plus jeune âge, les enfants<br />
participent aux activités agricoles.<br />
privée de l’insouciance de l’enfance, puis de l’adolescence,<br />
Sakinatou a été mariée à 15 ans, et à 16, elle était<br />
enceinte. le poids des traditions, le prix à payer pour la<br />
visite d’une matrone, deux raisons pour lesquelles elle n’a<br />
pas été suivie pendant sa grossesse.<br />
L’accouchement, difficile, s’est déroulé dans un centre de<br />
santé dans lequel sakinatou a été transportée, mais trop<br />
tard pour éviter la tragédie de la fistule. Elle a été opérée<br />
de ce problème trois mois après son accouchement à<br />
l’hôpital de mopti puisqu’il n’y a pas de chirurgien spécialiste<br />
dans sa région. l’échec de l’intervention con<strong>du</strong>ira<br />
à la ré-opérer à 4 reprises. Elle est maintenant guérie.<br />
sakinatou a 20 ans aujourd’hui. Elle veut des enfants et<br />
sait qu’elle devra subir une césarienne pour chaque naissance.<br />
Elle l’accepte car son rêve est de posséder une<br />
grande famille. Elle peut rêver, Sakinatou : son mari, lui, ne<br />
l’a pas abandonnée. a ses côtés à l’hôpital pour chaque<br />
intervention, il est resté auprès d’elle pendant toute sa<br />
période de convalescence. Elle rentrera à gao avec lui.<br />
l’attitude <strong>du</strong> mari de sakinatou est rare ; mais dans un<br />
pays où le regard sur les femmes est en train d’évoluer,<br />
est-ce le début d’un espoir ?<br />
© mdm<br />
que dire, face à de telles situations ?<br />
Nos réponses sont médicales, uniques et<br />
objectives… l’origine des drames est sociale.<br />
ces femmes sont malades et victimes :<br />
<strong>du</strong> poids des traditions, de l’ignorance, de<br />
la pauvreté, de la dictature et de la toutepuissance<br />
des hommes. Blessées, humiliées,<br />
rejetées « leur liberté a été usurpée par<br />
ceux qui, en prétendant faire régner l’ordre,<br />
installent les règles qui vont asservir (Jean-<br />
Christophe RUFIN) ».<br />
La situation évolue, c’est vrai, les regards<br />
se modifient, sans aucun doute, mais trop<br />
lentement, la mission au Mali n’est pas<br />
terminée, il y a encore tant à faire. il faut<br />
continuer : continuer de se battre pour qu’à<br />
chaque problème soient apportées des<br />
solutions humaines<br />
Mopti, juillet 2006 : pour toutes les femmes<br />
que nous avons rencontrées, nos sourires,<br />
nos émotions, nos tendresses.<br />
En souvenir de nos mains qui se sont<br />
ten<strong>du</strong>es, se sont rejointes, pour traverser<br />
ensemble un petit bout de nos vies.<br />
Marie-Elisabeth Hochet, Responsable<br />
de mission pour <strong>Médecins</strong> <strong>du</strong> <strong>Monde</strong><br />
Rapport Mille femmes de Mopti - <strong>Médecins</strong> <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> 55