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filtrant au travers des volets, se refléta <strong>à</strong> l’intérieur. L’enfant sursauta. Il se redressa dans son lit. Qui donc<br />
était venu ? Il ramassa le lapin fébrilement. Les larmes lui vinrent aux yeux. Il pensait que jamais il ne<br />
reverrait son ami Pinpin, le seul qui parvenait <strong>à</strong> le rassurer, <strong>à</strong> lui donner la force de dormir. Son père<br />
l’avait jeté sans ménagement dans le sous-sol, parce qu’il s’y accrochait de toutes ses forces, lorsque venait<br />
la nuit...<br />
Jeremy retourna dans son lit et serra très fort son ami de velours. Il ferma les yeux. Aucune image<br />
malsaine ne vint le harceler. Il se sentait calme, détendu, et le sommeil commençait déj<strong>à</strong> <strong>à</strong> engourdir sa<br />
conscience.<br />
Habituellement, de vilaines pensées torturaient son esprit. Quand la lumière s’éteignait, et que<br />
maman repartait après avoir essuyé ses larmes, il attendait. Une peur atroce tombait sur lui, si saisissante,<br />
si oppressante, qu’un cataclysme de violence embrasait son âme. En rêve, il se voyait plus grand, plus<br />
fort, plus combatif. Il affrontait son tortionnaire avec fermeté, s’opposait <strong>à</strong> sa volonté d’un seul regard<br />
ténébreux, le toisait sévèrement. Et quand, par malheur, les pas lourds résonnaient derrière la porte, que<br />
la poignée tournait, que la lumière du couloir baignait son lit et que le souffle puant de son père approchait,<br />
la violence de ses pensées décuplait. Sa poitrine se contractait, ses muscles se tendaient <strong>à</strong> l’extrême.<br />
Il prenait soudain conscience de la cruelle vérité. Il n’était pas un être supérieur. La terreur paralysait ses<br />
membres, même les cris restaient nichés au fond de sa gorge. Quand son père le rejoignait, il n’opposait<br />
aucune résistance. La rage comprimait ses veines et tordait ses os, ses yeux pleuraient, sa voix geignait,<br />
son cœur grognait, frappait, mordait, hachait, broyait, mais son corps ne pouvait lutter. Il n’était pas un<br />
super-héros, il n’était qu’un enfant…<br />
Mais ce soir il s’était passé quelque chose dans la maison. Il avait tout entendu et il savait ce que<br />
cela signifiait. Il n’y avait plus rien dans l’ombre.<br />
Ce soir, maman n’aura pas <strong>à</strong> sécher ses larmes. Ce soir, le monstre ne viendra pas…<br />
19<br />
L’Obscurité