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L'auteur - Vers à Lyre

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Et depuis, je marchais... Le sac qui pendait sur ma hanche commençait <strong>à</strong> peser... Une fois de plus,<br />

je le changeai d’épaule, lâchant a regret la rassurante paroi.<br />

Quelques pas, puis mon pied a buté dans quelque chose. Un petit rocher sans doute qui a roulé au<br />

loin. J’eus beau chercher, <strong>à</strong> quatre pattes par terre, je ne l’ai pas retrouvé.<br />

Et puis... À quoi m’aurait-il servi ? Je ne sais pas. L’instinct de survie me dictait de tout récupérer...<br />

le moindre objet pouvait être utile. Et cette corde... Les gardes plaisantaient au-dessus de moi, disant<br />

qu’ils l’avaient ajoutée pour que je puisse me pendre avec. Puis leurs voix s’étaient éloignées et tout était<br />

redevenu silencieux... Silencieux, sombre, sans un bruit : mort.<br />

Je continue <strong>à</strong> marcher, le seul son qui résonne contre les murs de pierre est celui de mes pieds nus<br />

sur le sol. Sol de terre ou de pierre, je ne saurai le dire, je ne sens pas vraiment mes pieds. Parfois, le bruit<br />

d’une flaque perturbée par mes pas. L’odeur rance d’excrément pourrait presque être ignorée si j’avais<br />

autre chose <strong>à</strong> quoi penser.<br />

Tandis que je marche, j’entends <strong>à</strong> nouveau d’autres pas, et <strong>à</strong> nouveau, je m’arrête faisant le plus de<br />

silence possible... L’Autre. Il ne s’interrompt que quelques secondes puis <strong>à</strong> nouveau, ses pas s’éloignent.<br />

Cette fois, je suis sûr de ne pas être seul dans ce labyrinthe. Mais je ne veux pas savoir qui est, ou qui sont,<br />

mes compatriotes.<br />

Toujours... Toujours le même schéma... Comme un modèle régulier : une ligne droite, une courbe<br />

puis une ligne droite, une courbe... Et moi, inlassablement, je tourne <strong>à</strong> droite, comme traçant une figure<br />

de géométrie parfaite... Le tout ponctué de carrefours.<br />

Et me voil<strong>à</strong> <strong>à</strong> nouveau dans un couloir en ligne droite. Puis, maigre diversion dans la monotonie de<br />

la marche, <strong>à</strong> nouveau, mon pied heurte quelque chose. Cette fois-ci, j’ai le réflexe d’écouter attentivement<br />

les sons qui suivent et je détermine où l’objet a roulé... J’avance <strong>à</strong> quatre pattes dans cette direction et mes<br />

mains retrouvent enfin l’objet. Il est assez gros, la taille d’une main, peut-être un peu plus.<br />

Palpant de mes doigts sales, je sens une surface lisse creusée par endroits. Je suis pris de nausée.<br />

Dans le noir, mon visage se crispe dans une grimace en reconnaissant... Un crâne humain... Ses reliefs<br />

sont creusés de petites griffures. Des rats.<br />

Ainsi, après sa mort, l’homme avait été la proie de rats et peut-être d’autres animaux. Avant ou<br />

après qu’il meure ? Avait-il succombé <strong>à</strong> la marche ? À quoi d’autre sinon ?<br />

Le reste du corps ne doit pas être loin. Mais je suis trop dégoûté pour le chercher. Puis, une affreuse<br />

idée s’impose <strong>à</strong> mon esprit. Fébrilement, je dépose le crâne contre le mur que je viens de quitter et moitié-courant,<br />

moitié-marchant, je longe ce même mur, toujours dans la même direction. Un croisement,<br />

un arc de cercle... A nouveau un croisement... Et me voil<strong>à</strong> dans un couloir en ligne droite. Je m’arrête,<br />

m’adosse au mur de droite pour le longer.<br />

Je me force pour ralentir mon pas. Ma poitrine s’efforce de contenir un cœur affolé. J’avance maintenant<br />

de côté, d’un rythme plutôt lent, les talons et le dos collés au mur.<br />

Ce que je redoutais arriva : au bout d’une dizaine de mètres environ, mon pied nu toucha quelque<br />

chose. Je me penchai, tremblant, et reconnus un crâne. Nul besoin de la précision de mes yeux pour estimer<br />

que c’était le même que quelques minutes auparavant.<br />

Ainsi c’était cela... Je tournais toujours autour d’un même bloc de pierre depuis ma descente ici. Je<br />

n’avais pas avancé d’un pouce. La douloureuse évidence m’immobilisa quelques secondes. Si le malheureux<br />

homme n’avait pas succombé avant moi, j’aurais poursuivi mon avancée, sans pourtant progresser.<br />

La pensée que j’aurais pu finir mes jours <strong>à</strong> tourner en rond m’arracha un frisson.<br />

Voil<strong>à</strong> que j’avais déjoué la première épreuve de ce labyrinthe.<br />

Découvrir la feinte. Je glisse la relique de mon camarade de fortune dans la besace suspendue <strong>à</strong> mon<br />

côté et en profite pour arracher un morceau de pain que je savoure religieusement avant de me remettre<br />

33<br />

L’Obscurité

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