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Université de Poitiers - UFR de Sciences Humaines et Arts
Laboratoire Gerhico-Cerhilim (EA 4270)
Doctorat en histoire contemporaine
DANS LES COULISSES
DE L’AUTOPSIE JUDICIAIRE
CADRES, CONTRAINTES ET CONDITIONS DE L’EXPERTISE
CADAVERIQUE DANS LA FRANCE DU XIX e SIECLE
Thèse présentée et soutenue publiquement par Sandra MENENTEAU
Sous la direction de Frédéric CHAUVAUD
Volumes 1 et 2
Jury : M. Jean-Marie Augustin, Université de Poitiers
M. Frédéric Chauvaud, Université de Poitiers
M. Yannick Marec, Université de Rouen
M. Didier Nourrisson, Université de Lyon 1
M. Michel Sapanet, Université de Poitiers
M. Jean-Claude Vimont, Université de Rouen
Mars 2009

3
A Loulou
« Felix qui potuit rerum cognoscere causas »
(« Heureux qui a pu connaître les principes des choses »)
Virgile (Géorgiques, II, 489)

REMERCIEMENTS
La fin de la thèse est comme un départ à la retraite, une retraite de la vie étudiante
en quelque sorte. C’est l’occasion de faire le bilan de ces années de recherche passées, de
remonter au point d’origine de l’aventure doctorale. On peut faire sortir le doctorant de la
recherche historique, on ne pourra jamais complètement faire sortir la recherche historique
du doctorant !
En ce qui me concerne, tout à commencer au cours de la licence, durant un TD
d’histoire contemporaine avec Frédéric Chauvaud. Lors d’une présentation de ses
recherches sur l’expertise judiciaire, ce dernier a fait remarquer que l’histoire de l’autopsie
médico-légale au XIX e siècle était presque vierge. Cette observation a aussitôt réveillé la
scientifique contrariée et frustrée que j’étais (un problème de maths, ou plus exactement,
avec les maths !). Je pouvais mêler deux de mes centres d’intérêts, l’histoire et la médecine
légale. Je tiens à adresser mes remerciements à Frédéric Chauvaud qui a donc assumé les
conséquences de ses propos en acceptant de me suivre et de me guider durant ce travail.
Je tiens aussi à remercier le Laboratoire GERHICO qui outre “l’hébergement” de ma
recherche, m’a apporté une partie des ressources financières pour la mener à bien. En plus
de l’aspect purement pécuniaire, les vacations réalisées dans le cadre de la convention avec
la Protection Judiciaire de la Jeunesse, pour l’élaboration d’un catalogue sur les revues
professionnelles de l’éducation spécialisée (ESCARP), ont été une formidable expérience
professionnelle. J’adresse toute ma gratitude à Jean-Jacques Yvorel, responsable du projet
pour la PJJ, qui a prêté une oreille attentive à mes recherches et n’a pas été avare de
conseils et d’encouragements durant ces années de collaboration.
Ma reconnaissance aux responsables, passé et présent, de l’Ecole Doctorale SHES
pour leur volonté de fournir aux doctorants une approche professionnelle de la thèse. Un
merci tout particulier à François Baty-Sorel, dont l’enthousiasme indéfectible et la
gentillesse sont une source de réconfort et de motivation pour nombre de doctorants.
Mes remerciements au personnel des Archives Départementales des Deux-Sèvres et
de la Vienne, ainsi qu’à celui des Bibliothèques Universitaires de Poitiers, de la
Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine de Paris et de la Médiathèque François
Mitterrand de Poitiers, pour avoir essayé de répondre au mieux à mes requêtes
documentaires, notamment Jean-Pierre Bonnet du Fonds Ancien de la BU de Poitiers, dont
la connaissance absolue de son fonds m’a permis de consulter des documents non
répertoriés. Enfin, la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société offre aux
doctorants un cadre de travail et d’échange chaleureux, et surtout met à disposition un
matériel informatique de qualité et un Service Informatique toujours prêt à fournir conseils
et à régler les petits soucis techniques.
Outre comme directeur de ma thèse, je suis reconnaissante à Frédéric Chauvaud
d’avoir su créer, grâce à de régulières journées d’études, un véritable groupe de doctorants
d’histoire contemporaine. Cela m’a fait prendre conscience que si la recherche est un
travail de solitaire, la confrontation de ses méthodes et de ses réflexions avec d’autres
chercheurs ne peut être qu’enrichissante. De plus, ces moments de partage avec d’autres
doctorants, en proie aux mêmes doutes et difficultés que soi, sont réconfortants. J’ai pu
poursuivre ce genre d’échanges au sein de l’Association des Doctorants en Sciences
5

Humaines et Arts de l’Université de Poitiers (SHADOC). Je pense avoir énormément appris,
personnellement comme professionnellement, au contact de ses membres, car
contrairement à ce que son nom laisse penser, ces doctorants-là ne font pas que pomper !
Monter divers projets ensemble c’est avéré extrêmement formateur. Que tous soient
assurés de ma gratitude et de mon amitié. J’aimerais adresser d’ailleurs un merci appuyé
aux Shadocs qui ont accepté de consacrer un peu de leur temps à relire et corriger mon
travail : Antoine, Cécile, Céline, Elise, Isabelle et Vincent. Mon éternelle reconnaissance
pour les conseils avisés et les commentaires pertinents que chacun a pu me faire.
Mais toute cette entreprise n’aurait pas été possible sans le soutien, dans tous les
sens du terme, de ma famille. Je souhaite vivement remercier mes parents qui m’ont laissé
libre de poursuivre mes études jusqu’où je le souhaitais, de choisir le chemin que je voulais
emprunter, et ont consenti à faire les nombreux sacrifices que cela impliquait. Je leur sais
gré de m’avoir ainsi inculqué une chose fondamentale : on doit avant tout travailler et
réussir pour soi. Quant à mon frère, par sa gentillesse, sa générosité, son humour et son
sens de la dérision, il m’a démontré qu’aucun diplôme ne remplace de véritables qualités
humaines.
Enfin, j’aimerais avoir une pensée pour ces Poitevins du XIX e siècle, sujets
involontaires de mon étude, qu’ils aient été soumis au scalpel ou qu’ils l’aient manié.
6

ABREVIATIONS
A.D.D.-S. : Archives Départementales des Deux-Sèvres
A.D.V. : Archives Départementales de la Vienne
7

SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE................................................................................ p. 13
Première partie
« MEDECIN AU RAPPORT » POUR LA JUSTICE :
PRECARITE DU STATUT DE L’EXPERT ET
NORMALISATION DU RAPPORT D’AUTOPSIE
Chapitre 1 er . LA REQUISITION DES MEDECINS EXPERTS :
MAITRISER LES HOMMES POUR MAITRISER L’ACTE .............. p. 63
I) La réquisition : un pouvoir partagé.............................................. p. 64
A) Dans les textes officiels ........................................................... p. 64
B) Dans la pratique judiciaire ....................................................... p. 68
C) Suicides et morts accidentelles : originalité des réquisitions
expertales ? ......................................................................... p. 78
II) Les hommes de l’art requis.......................................................... p. 85
A) Un titre, des diplômes .............................................................. p. 85
B) L’âge et le domicile des experts............................................... p. 96
C) Combien de médecins faut-il pour réaliser une expertise ? ..... p. 103
III) Commettre ou soumettre le médecin expert ? .......................... p. 111
A) Formalités de la réquisition...................................................... p. 111
B) Etapes de la soumission de l’expert ......................................... p. 120
C) Expert, un statut fragile ............................................................ p. 129
Chapitre 2. LES US ET COUTUMES DU RAPPORT D’AUTOPSIE...... p. 137
I) Conditions et contraintes rédactionnelles .................................... p. 138
A) Le rapport dans le dossier d’instruction................................... p. 138
B) La rédaction : délai et préparation............................................ p. 144
C) Rédacteurs et lieux de rédaction .............................................. p. 150
II) Typologie des rapports d’autopsie .............................................. p. 157
A) La forme… ............................................................................. p. 157
B) … et le fond.............................................................................. p. 164
C) Juges et rapports judiciaires ..................................................... p. 170
9

III) Le rapport judiciaire, source ésotérique................................... p. 180
A) La photographie : un « témoin irrécusable » peu entendu....... p. 180
B) L’art des rapports d’expertise n’est pas artistique.................... p. 189
C) De l’art du rapport à la science du rapport............................... p. 204
Chapitre 3. DES MEDECINS ET DES EXPERTS ................................... p. 215
I) Les prémices de la spécialisation en médecine légale.................. p. 216
A) Du médecin expert au médecin légiste .................................... p. 217
B) Les “ténors” de l’expertise médico-légale ............................... p. 241
C) Autorités médico-légales locales.............................................. p. 263
II) La formation des hommes de l’art .............................................. p. 281
A) L’enseignement de la médecine légale .................................... p. 282
B) La “formation continue” du médecin expert............................ p. 305
C) Ecoles de pensée médico-légale............................................... p. 338
Deuxième partie
CONTRAINTES ET LIBERTES PROTOCOLAIRES DE
L’AUTOPSIE MEDICO-LEGALE
Chapitre 4. PRATIQUER UNE AUTOPSIE : UNE PRISE DE RISQUES
PROFESSIONNELLE ET INDIVIDUELLE........................................ p. 365
I) Toute peine mérite salaire : les honoraires des experts .............. p. 366
A) Aux sources du conflit financier .............................................. p. 367
B) Revendication et aménagements : un bras de fer médico-judiciaire
autour du décret de 1811 .................................................... p. 387
C) Instauration de nouveaux honoraires d’expertises en 1893 ..... p. 401
II) L’expert au secours de la communauté ...................................... p. 412
A) Les devoirs du médecin expert ................................................ p. 413
B) La toute puissance du médecin expert ..................................... p. 429
III) Bonne et mauvaise publicité....................................................... p. 442
A) Risquer sa carrière pour quinze minutes de gloire................... p. 442
B) Responsabilités et dérives de l’expertise judiciaire ................. p. 452
10

Chapitre 5. PRESCRIPTION, PERCEPTION, PROMOTION................ p. 463
I) Interdits et libertés de la pratique cadavérique........................... p. 464
A) Un cadavre, des examens cadavériques ................................... p. 464
B) Un calendrier délimité.............................................................. p. 471
C) Des hommes de l’art sous surveillance .................................... p. 488
II) Perception profane et perception médicale ................................ p. 513
A) Idées fausses et fantasmagorie macabre................................... p. 514
B) Les désagréments de l’autopsie................................................ p. 543
C) Des médecins et des morts ....................................................... p. 559
III) Emergence d’un protocole moral de l’autopsie........................ p. 583
A) Ménager la sensibilité de la famille ......................................... p. 583
B) Recherches dans l’intérêt des familles ..................................... p. 602
Troisième partie
LES CONDITIONS D’EXERCICE DE L’AUTOPSIE :
SAVOIR S’ADAPTER A SON ENVIRONNEMENT
Chapitre 6. THEATRES DE L’AUTOPSIE JUDICIAIRE....................... p. 623
I) Le local idéal ................................................................................... p. 624
A) Faire la lumière sur l’autopsie.................................................. p. 624
B) Besoin d’air .............................................................................. p. 628
C) La table d’autopsie : supporter le corps et évacuer les déchets p. 631
D) La solution : le dépôt mortuaire ............................................... p. 642
II) Les lieux utilisés ............................................................................ p. 647
A) Typologie des espaces.............................................................. p. 647
B) La répartition des lieux de l’autopsie ....................................... p. 654
C) Trouver un local convenable.................................................... p. 664
III) Les structures médicalisées ........................................................ p. 679
A) Place et rôle des lieux médicalisés........................................... p. 679
B) Des structures adaptées ? ......................................................... p. 691
Chapitre 7. LA “BOITE A OUTILS” DU MEDECIN EXPERT.............. p. 701
I) La panoplie du parfait médecin expert ........................................ p. 702
A) Instruments pour inciser et sectionner ..................................... p. 703
B) “Tomber sur un os” .................................................................. p. 713
11

C) Instruments d’exploration ........................................................ p. 724
D) Le matériel complémentaire .................................................... p. 734
II) L’évolution technique du matériel d’autopsie............................ p. 743
A) Modifications apportées aux principaux instruments .............. p. 745
B) Apparition d’un matériel spécialisé ......................................... p. 772
C) Disparition d’instruments obsolètes ou sans intérêt réel.......... p. 783
III) Autopsier avec seulement un bistouri........................................ p. 789
A) Des listes d’instruments personnalisées .................................. p. 789
B) Une panoplie onéreuse ............................................................. p. 796
C) Une trousse de médecin en guise de boîte d’autopsie.............. p. 804
Chapitre 8. « UNE CHAROGNE INFAME » : LA DECOMPOSITION
PUTRIDE DU CORPS.......................................................................... p. 817
I) La putréfaction : une alliée précieuse du médecin expert… ...... p. 818
A) Etudes sur les phénomènes putrides ........................................ p. 820
B) L’âge du cadavre ...................................................................... p. 829
C) Les « escouades » de la mort ................................................... p. 840
II) …Mais un obstacle et un risque à surmonter............................. p. 850
A) Complications et précautions médico-légales dans l’examen d’un
corps en décomposition ................................................... p. 851
B) Lutter contre l’inéluctable ........................................................ p. 868
C) Supporter et affronter la chair décomposée.............................. p. 885
III) Traitements et préventions de la menace putride .................... p. 899
A) Désinfection et préservation des objets.................................... p. 900
B) La purification des hommes ..................................................... p. 910
CONCLUSION GENERALE .................................................................................... p. 941
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE............................................................................ p. 957
ANNEXES................................................................................................................. p. 1055
TABLE DES GRAPHIQUES ET DES TABLEAUX STATISTIQUES ..................... p. 1193
TABLE DES ILLUSTRATIONS ET AUTRES DOCUMENTS................................. p. 1207
TABLE DES MATIERES.......................................................................................... p. 1217
12

INTRODUCTION GENERALE

Le 7 février 1841, à dix heures du soir, la femme de Louis G. trépasse. Le maire de
Saint-Martin-de-Sanzay, village proche de la frontière administrative des Deux-Sèvres et
du Maine-et-Loire, se transporte au domicile de la défunte, avec l’intention de découvrir
dans quelles circonstances le décès a eu lieu. Pour cela, il a requis Félix Guillot, un jeune
docteur en médecine de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire). Le maire et le médecin expert
n’arrivant sur place que le 9 février, le corps a déjà été préparé pour l’inhumation. L’expert
est obligé de retirer à la femme G. son ultime toilette, un drap faisant office de linceul.
Puis, il procède à l’examen externe et interne du corps : les trois cavités splanchniques
(crâne, thorax et abdomen) sont explorées. Il conclut son rapport d’expertise en expliquant
que le décès est dû à une « maladie organique du foie et de l’estomac dont l’issue fatale a
été accélérée par la fracture de la côte et ses suites » 1 .
Par précaution, les parties lésées, c’est-à-dire l’estomac, la côte fracturée et le
poumon gauche, sont prélevées et placées dans une soupière en terre, recouverte d’un
mouchoir tenu par une ficelle sur laquelle le maire appose le sceau de la mairie 2 . Le juge
du tribunal de Bressuire, chargé de l’instruction, se rend sur les lieux le 12 février. Il
requiert de nouveau Félix Guillot, auquel il adjoint Paul François Reverdit, médecin à
Thouars, pour effectuer un nouvel examen de ces pièces anatomiques, et si nécessaire une
seconde ouverture du corps 3 . Les deux experts se transportent alors au domicile du
secrétaire de mairie, lieu où ont été déposées les pièces cadavériques prélevées. Le vase est
ouvert et les fragments retirés du liquide alcoolique servant à les conserver. Une « odeur
infecte » 4 se répand alors dans l’appartement, dans la cour de la maison et même tout le
long de la rue. Les médecins sont contraints de faire des aspersions de solution de chlorure
de chaux pour minimiser les exhalaisons putrides qui se dégagent.
Leur examen pratiqué, les médecins ne voient aucun intérêt, pour la poursuite de
l’enquête, à conserver ces débris cadavériques. Par conséquent, le juge d’instruction
demande que ceux-ci rejoignent leur propriétaire, qui a été inhumée aussitôt après la
première expertise. Ici s’arrête la collaboration muette des médecins experts et de la
1
A.D.V., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Procès-verbal d’autopsie de Félix Guillot, le 11 février 1841.
2
Ibid., Procès-verbal de transport sur les lieux, le 12 février 1841.
3
Ibid.
4
Ibid., Rapport de M. Reverdit, le 12 février 1841.
15

- Introduction générale -
défunte. La femme G. peut enfin reposer en paix, plus personne ne viendra la déranger
dans sa dernière demeure. Avant de permettre à la défunte de goûter au repos éternel
auquel toute personne passée de vie à trépas a droit, les autorités municipale et judiciaire,
au nom de la communauté, ont imposé au corps de cette femme, et à ses proches, une
ultime épreuve : une autopsie médico-légale, appelée aussi autopsie judiciaire.
Cette intervention, point central de la présente étude, juxtapose deux termes
courants de la langue française, mais qui nécessitent chacun d’être définis avec précision,
surtout lorsqu’il s’agit d’une analyse sur une période assez longue, en l’occurrence plus
d’un siècle. Il est nécessaire de se pencher quelques instants sur la question étymologique.
Les termes qui composent l’objet d’une recherche ont souvent eux-mêmes une histoire, ils
ont connu une évolution quant à leur emploi et à leur acception. Ne pas tenir compte de
cette évolution présente un risque d’anachronisme et de contresens pour l’historien. Le
terme “autopsie”, employé par un auteur au début du XIX e siècle, ne comprend pas
implicitement les mêmes notions que celui utilisé au XXI e siècle, ni d’ailleurs dès la fin du
XIX e .
Le mot “autopsie”, du grec autos (soi-même) et opsis (vue) 5 , signifie « voir par soi-
même, de ses propres yeux ». Ce terme peut alors s’employer pour désigner toute action,
tout examen fait personnellement par quelqu’un. Il ne s’applique pas au départ à la
médecine, mais à la spiritualité ou au mysticisme. L’Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert donne la définition suivante :
« l’autopsie des anciens était un état de l’âme où l’on avait un commerce intime avec les
dieux. C’est ainsi que dans les mystères d’Eleusis et Samothrace, les prêtres nommaient la
dernière explication qu’ils donnaient à leurs prosélytes, et pour ainsi parler, le mot de
l’énigme […] » 6 .
Aucune allusion ne concerne la médecine, ni même la science au sens large. Les
dictionnaires, au début du siècle suivant, conservent cette référence à l’initiation et à la
révélation des mystères destinés à de jeunes adeptes. Le Vocabulaire de la langue
française, publié en 1837, explique qu’il s’agit d’une « cérémonie des anciens mystères, où
les initiés se flattaient d’être admis à contempler la Divinité » 7 . Le dictionnaire de
5 Pierre Larousse, « Autopsie », Grand Dictionnaire universel du XIX e siècle, réimpression de l’édition de
1866-1876, Nîmes, Lacour, Collection Rediviva, 1990, t. 2, p. 1003.
6 « Autopsie », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, textes mis en
ordre et publiés par Denis Diderot et d’Alembert, Paris, 1751, t. 1, p. 897.
7 « Autopsie », Vocabulaire de la langue française d’après celui de Wailly et rédigé suivant la dictionnaire
de l’Académie française et des meilleurs lexicographes français, nouvelle édition, Paris, Lebigre frères,
1837, p. 57.
16

- Introduction générale -
Bescherelle, dont la quatrième édition paraît en 1856, mentionne aussi une telle « initiation
aux anciens mystères » 8 .
A côté de la définition mystique apparaît de plus en plus, dans les dictionnaires du
XIX e siècle, la référence au domaine scientifique. Le Nouveau dictionnaire de langue
française de Laveaux, après avoir repris mot pour mot la définition de Diderot et
d’Alembert, indique dans une seconde entrée « Autopsie » : « […] On appelle autopsie
cadavérique, l’inspection de toutes les parties d’un cadavre ; et par extension, la
description de l’état de ces différentes parties » 9 . Le Vocabulaire de la langue française,
en 1837, complète sa définition de façon lapidaire, en mentionnant simplement qu’il s’agit
aussi de « [l’] inspection de toutes les parties d’un cadavre » 10 . Les explications de
Bescherelle sont un peu plus substantielles :
« Médecine. Observation des phénomènes par les yeux et les autres sens. L’autopsie est le
moyen le plus sûr d’acquérir des connaissances solides. On saisit bien mieux par
l’autopsie le caractère, les nuances des symptômes ou phénomènes morbides que par la
description la plus minutieuse. C’est par abus que l’on détourne ce mot de son véritable
sens et de son acception ancienne, pour désigner l’ouverture d’un cadavre » 11 .
Une dizaine d’années plus tard, dans le Grand Dictionnaire universel de Larousse trouve-t-
on : « Méd. Ouverture d’un cadavre dans le but d’en étudier les parties intérieures, ou
pour se rendre compte de l’état des organes et des causes de la mort » 12 .
Ainsi, entre l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et le dictionnaire de Pierre
Larousse, soit près d’un siècle, la définition du terme “autopsie” s’est progressivement
modifiée, occultant de plus en plus l’aspect religieux au profit de sa dimension
scientifique. Au point que, de nos jours, l’acception spirituelle n’est plus du tout présente
sous la plume des lexicographes. En effet, seul le lien avec la médecine est retenu. Les
remarques faites jusqu’à présent ne concernent que des dictionnaires généraux de la langue
française ; comment ce terme est-il traité dans les lexiques spécialisés et consacrés aux
sciences médicales ?
Au début de la période étudiée, les dictionnaires et encyclopédies dédiés aux
sciences médicales sont soit muets, soit critiques, en ce qui concerne la définition et
l’emploi d’“autopsie”. D’aucuns contournent le problème en omettant l’entrée
8
Louis Nicolas Bescherelle, « Autopsie », Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue
française, 1 ère éd. 1843, 4 ème éd., Paris, Garnier frères, 1856, t. 1, p. 298.
9 ère ème
Jean-Charles Laveaux, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de langue française, 1 éd. 1823, 2 éd. corr.
et augm., Paris, Deterville, 1828, t. 1, p. 158.
10
« Autopsie », Vocabulaire de la langue…, op. cit., p. 57.
11
Louis Nicolas Bescherelle, « Autopsie », art. cit., p. 298.
12
Pierre Larousse, « Autopsie », art. cit., p. 1003.
17

- Introduction générale -
« Autopsie » : l’Encyclopédie méthodique, rédigée par une société de médecins entre 1787
et 1830, passe d’« Automne » à « Autour » 13 et, par conséquent, oblige le lecteur à
rechercher dans l’article « Cadavres », les informations ayant trait à l’examen post
mortem 14 . De même pour la seconde édition du Dictionnaire de médecine, l’article en
question 15 renvoie clairement à « Cadavre », sans plus d’explication 16 . Curieusement, dans
la première édition de ce dictionnaire, l’entrée « Autopsie », rédigée par Raige-Delorme,
est présente 17 . Peut-être est-ce par souci d’économie que les responsables de la publication
ont choisi de supprimer cet article qui, de toute façon, renvoie aussi à l’entrée « Cadavre »
pour ce qui est des explications de l’examen cadavérique.
La première édition du Dictionnaire de médecine est l’exemple type de la manière
de traiter ce vocable au sein des lexiques médicaux des premières décennies du siècle 18 . Le
passage du contexte spirituel au contexte médical est en train de s’opérer dans le langage
courant. Les auteurs sont partagés entre le rejet d’un terme qu’ils trouvent inapproprié et la
tentative de redonner à celui-ci un sens se rapprochant de son étymologie. L’objection que
les lexicographes notoires ou anonymes soulèvent concerne le glissement progressif de
l’emploi, par leurs confrères du corps médical, du mot “autopsie” comme synonyme
d’“ouverture de cadavre”. François Chaussier, célèbre médecin du premier tiers du XIX e
siècle 19 , qualifie même cet emploi de « ridicule » 20 .
Leurs successeurs, à l’occasion de la rédaction de notices de dictionnaires, ont eu le
temps d’assimiler cet usage linguistique, et si le rejet n’est plus à l’ordre du jour, ils
soulignent cependant que cet emploi n’est toujours pas pertinent. En effet, les contributeurs
des dictionnaires médicaux s’efforcent de rappeler que l’ouverture d’un corps n’est pas la
seule manœuvre effectuée lors d’une autopsie. Gabriel Tourdes explique :
13
Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de médecins, Paris, Panckoucke, 1790, t. 3, p. 439.
14
« Cadavres », ibid., 1792, t. 4, pp. 230-241.
15
« Autopsie cadavérique », Dictionnaire de médecine ou rapport général des sciences médicales
considérées sous le rapport théorique et pratique, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Bérard et al., 1 ère éd. 1821-
1828, 2 ème éd. refondue et augm., Paris, Béchet Jeune, 1833, t. 4, p. 428.
16
A. Béclard, Ollivier, « Cadavre (Ouverture des) », ibid., 1834, t. 6, pp. 149-152.
17
Raige-Delorme, « Autopsie », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris,
Béchet Jeune, 1821, t. 3, p. 170.
18
François Chaussier, « Autopsie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Alard, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 2, pp. 463-464.
« Autopsie », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s. l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 2, p. 367.
Alphonse Devergie, « Autopsie », Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. d’Andral,
Bégin, Blandin et al., Paris, Gabon, Méquignon-Marvis et Baillière, 1829, t. 3, p. 665.
19
H. Montanier, « Chaussier (François) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 15, pp. 573-575.
20
François Chaussier, « Autopsie », art. cit., p. 464.
18

- Introduction générale -
« en médecine légale, le mot d’autopsie se rapproche du sens étymologique et prend une
acception très étendue ; il ne signifie pas seulement l’ouverture du corps, mais la vue,
l’inspection du cadavre par le médecin, la nécropsie complète, l’examen extérieur et
interne, avec toutes les explorations accessoires qui s’y rapportent » 21 .
Il est suivi dans cette voie par son confrère Marc Sée, rédacteur de l’article « Autopsie
(Anatomie) » dans le même dictionnaire :
« […] [ce terme] désigne l’opération par laquelle les diverses parties du corps sont
soumises à notre examen direct. Il s’emploie donc dans le même sens que les mots
nécropsie […] et même ouverture de cadavre, bien que cette dernière opération ne
constitue à vrai dire que la portion préliminaire d’une autopsie » 22 .
L’étape ultime de l’évolution de l’usage du terme “autopsie” concerne les
dictionnaires publiés durant les deux dernières décennies du siècle. La préoccupation quant
au sens étymologique du terme “autopsie” et, par conséquent, sa substitution à une autre
expression dont il ne serait pas absolument le synonyme, a disparu des notices
lexicographiques. Il semblerait qu’en assimilant totalement la dimension contemplative de
l’autopsie, dimension que leurs prédécesseurs se sont vivement attachés à rappeler, les
auteurs se soient libérés de ces problèmes lexicaux. L’entrée « Autopsie » du Dictionnaire
usuel des sciences médicales, publié en 1892, commence, sans autres commentaires, par :
« l’autopsie des cadavres peut être faite dans le but tout médical de constater des
altérations cadavériques, ou dans le but d’éclairer la justice sur les causes de la mort » 23 .
Quelques années auparavant, Charles Vibert, chargé de compléter l’article « Autopsie »
pour le supplément au Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques,
souligne que cet article, selon lui, était lacunaire 24 , en particulier pour « tout ce qui est
relatif à la technique de l’opération » 25 . Il ne s’appesantit pas sur les digressions lexicales
et en arrive rapidement au fait, en l’occurrence la réalisation d’un examen post mortem.
Au final, durant les décennies écoulées, une évolution très sensible peut être
observée dans la définition et l’emploi du mot “autopsie”. Néanmoins, cette évolution
linguistique, commune à tout vocable, n’est pas un processus irréversible. Alors que le
terme “autopsie” s’éloigne immanquablement de son sens étymologique, en ne servant
qu’à désigner une ouverture de cadavre, quelques lexicographes, relayés par des membres
21 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 417.
22 Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », ibid., p. 411.
23 Amédée Dechambre, Mathias Duval, Léon Lereboullet, « Autopsie », Dictionnaire usuel des sciences
médicales, 1 ère éd. 1885, 2 ème éd., Paris, Masson, 1892, p. 149.
24 Charles Vibert, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques. Supplément, sous
la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1886, t. 40, pp. 69-89.
25 Ibid., p. 69.
19

- Introduction générale -
du corps médical, s’appuient sur cette même étymologie pour rappeler, à ceux qui
l’auraient oublié, qu’une autopsie ne consiste pas exclusivement en l’exploration interne de
la dépouille ; c’est un examen dont l’ouverture n’est qu’une étape parmi d’autres. Ces
auteurs insistent sur le fait que l’autopsie est surtout basée sur un travail d’observation,
avant et après l’ouverture elle-même, et c’est en cela que le terme à retrouver son sens
premier de contemplation et de révélation mystique.
Malgré les efforts des lexicographes pour redonner à “autopsie” une définition
tenant compte de son étymologie comme des modifications inhérentes à l’évolution du
langage courant, en vue de souligner que le terme ne doit pas s’employer à la légère, dans
la pratique ces efforts sont restés vains. Dans l’usage que font de ce mot les médecins
réalisant des examens post mortem, les réflexions lexicographiques ne sont pas visibles. Il
n’a pas été possible de dégager une tendance, une chronologie du vocabulaire employé
durant le siècle ; les éléments que les médecins entendent désigner par “autopsie” sont
fluctuants tout au long de la période. Il est possible de trouver, dès le milieu des années
1810, des hommes de l’art qui comprennent sous la dénomination d’“autopsie” aussi bien
l’examen externe qu’interne du corps, ainsi que toutes les observations annexes qu’ils
auraient pu effectuer. A l’inverse, certains de leurs confrères exerçant leur talent dans les
dernières décennies du siècle, s’obstinent à utiliser le mot “autopsie” comme synonyme
d’“ouverture de cadavre”. L’opacité de la situation est accentuée par le fait que trois fois
sur quatre le médecin ne cherche même pas à qualifier l’examen qu’il effectue par un
terme particulier ; il le réalise et là est l’essentiel.
Pour en finir avec la question du terme “autopsie” et de son usage, il semble
intéressant de signaler qu’il existe un vocable ad hoc qui pourtant n’est jamais parvenu à
s’imposer au sein de la terminologie médicale : nécropsie ou nécroscopie. L’étymologie est
claire, elle signifie “l’observation de la mort”. On ne peut imaginer terme plus approprié
pour désigner le processus mis en place afin d’expliquer le décès d’un individu.
Néanmoins, ce mot est absent de la plupart des dictionnaires et encyclopédies consultés. Et
même lorsqu’une entrée lui est consacrée, soit la définition est lapidaire, soit elle ne fait
que renvoyer le lecteur à l’entrée « Autopsie ». Pourtant, les lexicographes reconnaissent
eux-mêmes sa pertinence : « on a proposé avec raison de substituer cette expression à
celle d’autopsie, qui ne présente pas un sens déterminé » 26 . Malgré tout, le mot demeure
26 Louis Nicolas Bescherelle, « Nécroscopie », Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue
française, 1 ère éd. 1843, 4 ème éd., Paris, Garnier frères, 1856, t. 2, p. 625.
20

- Introduction générale -
inusité, les médecins étant trop coutumiers de la terminologie ancienne et réfractaires aux
néologismes, même les plus satisfaisants.
S’il a fallu s’attarder longuement sur la définition d’“autopsie”, celle du second
terme constituant la présente étude est beaucoup plus évidente. En effet, les qualificatifs
“médico-légale” ou “judiciaire”, qui permettent de distinguer l’examen demandé par les
autorités policière et judiciaire de celui effectué dans un cadre purement scientifique,
présentent peu de difficulté. Si le terme “judiciaire” annonce clairement que l’opération est
effectuée sur demande de justice, l’expression “médico-légale” demeure plus ésotérique.
Elle est une déclinaison de “médecine légale”, discipline se trouvant au carrefour de
diverses sciences, principalement médicales. A l’instar d’“autopsie”, la définition de
“médecine légale” a connu une évolution, même si celle-ci est de moindre envergure.
L’une des premières définitions, en français, de la médecine légale est proposée par
Jean Lafosse, professeur d’anatomie et de physiologie à la Faculté de médecine de
Montpellier 27 , et contributeur au supplément de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :
« C’est l’art d’appliquer les connaissances & les préceptes de la médecine, aux différentes
questions de droit civil, criminel & canonique pour les éclaircir ou les interpréter
convenablement » 28 . L’auteur désigne plus précisément les champs d’action et
d’investigation de la médecine légale : « la vie des hommes, la conservation, la santé, la
maladie, la mort, les différentes lésions & les facultés de l’âme & du corps considérées
physiquement » 29 . C’est une définition assez similaire que fournit la partie consacrée à la
médecine de l’Encyclopédie méthodique, publiée entre 1787 et 1830. L’œuvre
lexicographique ne possède pas d’entrée « Médecine légale », mais elle donne une
définition de « Médico-légal ». Moreau de la Sarthe, qui en a rédigé la notice, observe que
l’« on désigne sous ce titre l’examen des différents sujets ou des différentes questions qui,
dans les discussions ou les enquêtes, soit juridiques, soit administratives, exigent, pour être
suffisamment éclaircis, une application directe de l’expertise médicale » 30 .
27 Pour quelques éléments biographiques sur Jean Lafosse, cf. Jean Lecuir, « La médicalisation de la société
française dans la deuxième moitié du XVIII e siècle en France : aux origines des premiers traités de médecine
légale », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest : La médicalisation en France du XVII e au début du XX e
siècle, 1979, t. 86, n°2, pp. 233-234.
28 Jean Lafosse, « Médecine légale », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des
métiers. Supplément Panckoucke, textes mis en ordre et publiés par Denis Diderot et d’Alembert, 1751-1772,
CDRom, Redon, 1999.
29 Ibid.
30 L. J. Moreau de la Sarthe, « Médico-légal », Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de
médecins, Paris, veuve Agasse, 1816, t. 9, p. 578.
21

- Introduction générale -
François-Emmanuel Fodéré propose, en 1818, une définition plus complexe de la
médecine légale, prenant l’expression dans son acception la plus large : il s’agit de
« l’application de toutes les connaissances physiques, naturelles et médicales à la
législation des peuples, à l’administration de la justice, aux règlements municipaux, à la
conservation de la santé publique, à la préservation des maladies » 31 . Cette définition
regroupe tous les domaines dans lesquels la médecine peut aider le droit. Les médecins
sont d’abord consultés sur des problèmes d’hygiène publique 32 comme la salubrité des
villes, le risque de pollution par les industries 33 , les mesures prophylactiques empêchant la
propagation d’une épidémie 34 , les contrôles sanitaires dans les industries de produits
alimentaires 35 , le déplacement des cimetières. Ensuite, ils donnent leur avis pour certains
textes de loi ayant trait à l’exercice de la médecine, à la responsabilité des médecins, à la
vérification des décès, aux inhumations, à la construction des cimetières. Enfin, ils
apportent leur aide à la justice, sur demande de celle-ci, dans les cas de morts subites
inexplicables, de morts violentes, accidentelles comme criminelles, de viols, de nouveau-
nés supposés morts à la naissance et pouvant être victimes d’un infanticide, ou encore pour
faire l’expertise mentale d’un prévenu. La définition tente d’être exhaustive et comprend
donc un grand nombre de domaines différents.
Cependant, au cours du XIX e siècle, l’expression de “médecine légale” est
habituellement employée dans un sens plus restreint : la plupart des lexicographes sépare
l’hygiène publique, appelée aussi police médicale, de la médecine légale proprement dite.
Ces deux branches distinctes sont rassemblées sous l’appellation de “médecine politique”.
31
François-Emmanuel Fodéré, « Légale (Médecine) », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 27, p. 378.
32 e
Voir, par exemple, le travail de Jacques Léonard, Archives du corps. La santé au XIX siècle, Rennes,
Ouest-France, De mémoire d’homme : l’histoire, 1986, 329 p., ainsi que l’ouvrage collectif dirigé par Patrice
Bourdelais, Les hygiénistes : enjeux, modèles et pratiques (XVIII e -XX e siècles), actes du colloque
« Hygiénistes et hygiénisme : histoire et actualité (XVIII e -XX e siècles) » (18-19 novembre 1999) organisé
par la Fondation Mérieux et le Programme de Recherches Interdisciplinaires « Médecine, santé et sciences
sociales » de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Belin, Histoire et société, 2001, 540 p.
Pour une étude centrée plus particulièrement sur les actions et l’implication des médecins, cf. Pierre
Guillaume, Le rôle social du médecin depuis deux siècles 1800-1945, Paris, 1996, Comité d’histoire de la
Sécurité sociale, 319 p.
33
Jacques Léonard, Archives du corps…, op. cit., pp. 71-75.
34
Françoise Hildesheimer, Fléaux et société : de la grande peste au choléra, Paris, Hachette, Carré histoire,
1993, 175 p.
35 e
Pendant une grande partie du XIX siècle, les hygiénistes luttent contre les intoxications par les métaux,
comme le plomb, ou les substances vénéneuses, comme l’arsenic, qui entrent en contact avec des boissons ou
des aliments. Cf. Jacques Léonard, Archives du corps…, op. cit., pp. 197-200.
Les travaux du français Pasteur et du britannique Lister, connus à la fin du XIX e siècle, ajoutent aux
différents types d’intoxications celle due aux micro-organismes telles les bactéries. Sur les travaux de
Pasteur, en matière de salubrité alimentaire, cf. la biographie réalisée par Pierre Darmon, Pasteur, Paris,
Fayard, 1995, 430 p.
22

- Introduction générale -
Charles Marc, par exemple, définit la médecine légale comme étant « l’application des
connaissances médicales aux cas de procédure civile et criminelle pouvant être éclaircis
par elles » 36 . Un dictionnaire non médical donne une définition assez semblable :
« [la médecine légale] se compose du résumé de toutes les connaissances médicales,
chirurgicales, pharmaceutiques et thérapeutiques, propres à mettre le médecin à même de
fournir aux tribunaux tous les éclaircissements qui leur sont nécessaires pour asseoir leur
jugement dans toutes les causes litigieuses, civiles et criminelles, ayant quelque contact
avec la science du corps humain » 37 .
En fait, à chaque auteur sa définition : chacun essaye d’expliquer ce qu’il considère
être la médecine légale. Après avoir fait un petit inventaire des diverses définitions
rencontrées dans une littérature plus ou moins spécialisée, Gabriel Tourdes donne aussi sa
propre définition :
« nous la rattacherons à la médecine publique divisée en deux branches, l’hygiène
publique et la médecine légale. La médecine publique est l’application des connaissances
médicales à toutes les questions d’intérêt général, de législation et d’administration
auxquelles se rapportent des faits médicaux ; l’hygiène publique est l’application des
connaissances médicales aux questions qui concernent la santé publique et le bien-être
physique et moral des populations ; elle a des rapports habituels avec le droit
administratif ; la médecine légale est l’application des connaissances médicales aux
questions qui concernent les droits et les devoirs des hommes réunis en société ; elle se
rattache plus spécialement au droit civil et au droit criminel » 38 .
Le recensement des sujets tombant sous la coupe de la médecine légale n’est pas
négligeable, puisqu’il influence la rédaction des ouvrages consacrés à cette discipline.
Reprenons l’exemple de Fodéré : avec une définition aussi large, intéressant aussi bien la
justice que l’administration ou l’hygiène publique, la rédaction de son Traité de médecine
légale et d’hygiène publique 39 a nécessité six volumes. L’auteur divise la médecine légale
en trois catégories : civile, criminelle et sanitaire. Sous le titre de « Médecine légale mixte,
ou application au civil, au criminel et à la police de santé » 40 , il s’attache aux problèmes
de l’âge, à ceux de l’identité, à la vie et à son corollaire, la mort, à la folie, au mariage, à la
grossesse, à l’accouchement, aux problèmes liés à la filiation, et aux maladies simulées. La
partie suivante, uniquement consacrée à la « Médecine légale criminelle » 41 , aborde
l’examen du cadavre, les blessures, l’empoisonnement, les attentats aux mœurs, ainsi que
36
Charles Marc, « Politique (Médecine) », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard
et al., Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 17, p. 313.
37
Louis Nicholas Bescherelle, « Médecin », Dictionnaire national…, op. cit., t. 2, p. 471.
38
Gabriel Tourdes, « Médecine légale », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Paris, Asselin
et Masson, 1874, 2 ème série, t. 5, p. 683.
39
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, Paris, Mame, 1813, 6 t.,
LXXXIV-502 + 492 + 483 + 526 + 502 + 606 p.
40
Ibid., t. 1, p. LXXIII.
41 Ibid., p. LXXIX.
23

- Introduction générale -
l’avortement. Enfin, la dernière partie, intitulée « Médecine légale sanitaire » 42 , est
consacrée à la préservation de l’homme, à la contagion, aux épidémies, aux moyens
prophylactiques, aux politiques d’hygiène au sein de l’armée, de la marine, des hôpitaux et
des prisons.
A contrario, la définition plus restreinte de Tourdes permet à ce dernier de rédiger,
avec la collaboration de Metzquer, un traité de médecine légale plus concis, bien
qu’atteignant le millier de pages 43 . La première partie est consacrée à la législation
s’appliquant ou pouvant concerner l’art de guérir : y sont abordés la déontologie, la
responsabilité des médecins, l’exercice illégal de la médecine, la réquisition et les
expertises. La deuxième partie s’intéresse à tout ce qui touche à la génération : mariage,
filiation, impuissance, hermaphrodisme, attentats aux mœurs, grossesse, avortement,
accouchement, viabilité et infanticide. La troisième partie, qui entend aborder la question
« De la mort et des attentats contre la vie des personnes » 44 , traite de la mort apparente,
des signes de la mort, des genres et causes du décès, des blessures, de l’asphyxie et de la
toxicologie. L’ultime partie, intitulée « Des droits et des devoirs » 45 , tel un écho à la
définition reprise dans le premier chapitre du traité, est dédiée aux problèmes d’identité,
d’âge, de maladies simulées et de folie.
Il est à remarquer pour finir que la composition des traités de médecine légale
dépend aussi de la conjoncture. De nouvelles préoccupations peuvent apparaître et
focaliser l’attention des auteurs au point d’en occulter d’anciennes. La question de la
responsabilité des médecins vis-à-vis de leurs patients et leur mise en cause lors de l’échec
du traitement est l’une d’elles. En effet, à la fin du siècle, les affaires judiciaires dans
lesquelles le médecin est accusé de ne pas avoir agi dans l’intérêt du malade, voire d’être
responsable de son infirmité ou de son trépas, se multiplient. D’autre part, les auteurs de
traités et autres manuels de médecine légale donnent une place grandissante à tout ce qui a
trait à l’expert et l’expertise : la réquisition, les honoraires, la législation qui leur est
attachée, les divers rapports demandés. Ce développement est symptomatique des
revendications, du désir de reconnaissance et de protection, qui s’expriment et
s’intensifient au sein du corps des experts médicaux durant le dernier tiers du XIX e siècle.
42 Ibid., p. LXXXII.
43 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, 956 p.
44 Ibid., p. 367.
45 Ibid., p. 826.
24

- Introduction générale -
Si donner une définition précise du domaine “médico-légal” n’est pas indispensable
pour la présente étude, néanmoins l’expression permet de délimiter dans quel cadre précis
l’autopsie est envisagée. L’analyse s’attache à une forme particulière d’examen post
mortem.
Les réflexions ne pouvant être basées sur des définitions fluctuantes et imprécises,
il faut déterminer exactement ce que l’expression “autopsie médico-légale”, objet de cette
étude, comprend. Elle concerne toutes les observations et opérations faites par l’expert dès
le moment où il est mis en présence du cadavre, sur les lieux mêmes du crime ou à
l’endroit où le corps a été transporté, jusqu’au moment où il rédige ses conclusions dans le
rapport destiné au magistrat par lequel il a été requis.
L’autopsie judiciaire se compose de plusieurs étapes. Premièrement, la visite sur les
lieux au cours de laquelle s’effectue la constatation de la réalité du décès, le relevé des
diverses blessures, la description des lieux et de la position du corps. Ensuite, le médecin
expert procède à l’examen extérieur du cadavre, notamment ses vêtements, décrit plus
minutieusement les traces de violences, récolte des indices, tout cela permettant de
reconstituer les circonstances de la mort. Puis, l’ouverture des trois principales cavités –
crâne, thorax et abdomen – est pratiquée : il s’agit de continuer l’examen des blessures,
surtout celles pénétrant profondément dans les tissus, et de rechercher les causes du décès,
confirmant ou infirmant l’idée élaborée à partir des violences extérieures. Enfin, l’ultime
étape consiste en la rédaction d’un rapport exposant les observations effectuées, ainsi que
les conclusions quant au déroulement du trépas, ce qui intéresse au premier chef les
autorités judiciaires.
Donc, la définition élaborée est un peu plus large que celle donnée par les
principaux représentants du monde médico-légal ; mais, il semble nécessaire d’englober ce
qui précède, l’examen véritable du cadavre, sorte de constat des lieux et de la mort, car les
manipulations et constatations peuvent être déterminantes pour la suite de l’expertise. De
plus, il paraît évident d’intégrer la rédaction du rapport, d’une part parce qu’elle est
incluse, explicitement ou implicitement, dans la réquisition faite par le magistrat, et d’autre
part car elle représente l’aboutissement de toutes les recherches du médecin.
D’autres recherches pouvant être menées et n’appartenant pas à l’autopsie, mais
plutôt aux expertises médico-légales nécessaires à une seule et même affaire, sont exclues
de la présente étude. Elles sont un complément à l’autopsie : analyses chimiques du
contenu de l’estomac dans un cas d’empoisonnement, recherches de taches de sang sur des
25

- Introduction générale -
objets ou des vêtements, études de projectiles tels que des balles de revolver, examens
histologiques c’est-à-dire de tissus prélevés sur le cadavre. Ces recherches accessoires sont
parfois effectuées par le même médecin expert ou par un autre professionnel, comme un
pharmacien, un chimiste, un armurier requis spécialement comme expert.
En vue d’analyser l’évolution de l’exercice de l’autopsie judiciaire, faite de
changements, de ruptures, ou au contraire de continuité, le choix d’une étude sur la longue
durée a semblé le plus pertinent. Elle débute en 1794 et s’achève en 1915, débordant par
conséquent les limites du XIX e siècle classique. Elle s’étire sur ce que l’on nomme le
grand XIX e siècle, délimité par deux événements fondamentaux pour l’Europe occidentale,
la Révolution française et la Première Guerre mondiale.
Pour le sujet qui nous occupe, ces deux épisodes sont également décisifs. En effet,
le 14 frimaire an III, date du calendrier républicain correspondant au 4 décembre 1794, un
décret instaure trois Ecoles de santé, à Paris, Montpellier et Strasbourg, et crée ainsi, sur le
papier, les premières chaires de médecine légale. A l’autre extrémité de la chronologie, la
déclaration du premier conflit mondial entraîne la suspension de la publication des
Archives d’anthropologie criminelle, périodique servant de vitrine à l’école lyonnaise de
médecine légale, dont le chef de file est Alexandre Lacassagne. Cette revue joue un rôle
primordial, durant les trois décennies où elle paraît, dans la diffusion des recherches et des
progrès des sciences médico-légales. Contrairement à ce qu’espéraient les responsables du
périodique, les Archives d’anthropologie criminelle ne reprennent pas leur publication une
fois le conflit terminé. L’ultime numéro de l’année 1914, qui est également le dernier de la
revue, sort en juin 1915, après un délai d’attente provoqué par la déclaration des
hostilités 46 . En outre, la première moitié de la décennie 1910 correspond à l’amorce d’une
véritable professionnalisation des praticiens de la médecine légale. Des organisations à
caractère corporatiste sont créées à cette époque, notamment l’Association professionnelle
des médecins légistes de l’Université de Paris 47 , ainsi qu’une amicale nationale des
médecins experts 48 .
Plusieurs dates clés relatives à la pratique de la discipline médico-légale, ou plus
communément à la médecine, ponctuent cette longue période. La première, le 18 août
46 « Avis à nos abonnés », Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie
normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 944.
47 « Association professionnelle des médecins légistes », ibid., p. 315.
48 Frédéric Chauvaud, Les experts du crime. La médecine légale en France au XIX e siècle, Paris, Aubier,
Collection historique, 2000, pp. 51-52.
26

- Introduction générale -
1792, se situe hors de la chronologie, mais explique la mise en place des Ecoles de santé en
1794. En effet, à cette date un décret supprime les Universités, les Facultés et toutes les
corporations savantes 49 . Face à la désorganisation dont est frappé l’enseignement et, par
conséquent, l’exercice de la médecine, le gouvernement charge Antoine Fourcroy et
François Chaussier de réorganiser les études médicales 50 .
Quelques années plus tard, une autre loi relative à l’enseignement et à l’exercice de
l’art de guérir est promulguée : c’est la loi du 19 ventôse an XI ou 10 mars 1803. Ce texte
explicite clairement les différences entre le diplôme de docteur en médecine et celui
d’officier de santé. L’article 6 expose les divers examens, cinq en tout, que l’étudiant doit
subir pour obtenir le doctorat :
« le premier, sur l’anatomie et la physiologie ; le second, sur la pathologie et la
nosologie ; le troisième, sur la matière médicale, la chimie et la pharmacie ; le quatrième,
sur l’hygiène et la médecine légale ; le cinquième, sur la clinique interne ou externe,
suivant que l’aspirant concourait pour le titre de médecin ou de chirurgien » 51 .
L’article 15 est, pour sa part, consacré à l’officiat de santé et stipule :
« Ceux qui se destineront à devenir officiers de santé ne seront pas obligés d’étudier dans
les Ecoles de médecine ; ils pourront être reçus officiers de santé, après avoir été attachés
pendant six années comme élèves à des docteurs, ou après avoir suivi pendant cinq années
consécutives la pratique des hôpitaux civils ou militaires. Une étude des trois années
consécutives dans les Ecoles de médecine tiendra lieu de la résidence de six années chez
les docteurs, ou de cinq années dans les hospices » 52 .
L’élément notable est la présence de la médecine légale au quatrième examen, pour les
docteurs.
La période napoléonienne est prolixe en textes législatifs. Sont mis en place, entre
1804 et 1814, les divers codes juridiques : pénal, civil, d’instruction criminelle. Ces codes
réglementent les autopsies, la réquisition des experts, les inhumations et exhumations.
Ensuite, un décret est promulgué le 18 juin 1811, fixant le règlement et le tarif des
honoraires des experts requis par la justice. Ce décret consacre nombre de ses articles aux
professionnels de la santé, c’est-à-dire les médecins, chirurgiens et sages-femmes : le
chapitre II concerne les « Visites ou opérations faites par les gens de l’art dans le lieu de
49 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest au XIX e siècle, thèse de doctorat, Université Lille III, 1978,
pp. 217-221. Cf. également l’ouvrage de Jean-Charles Sournia consacré à cette période d’instabilité
institutionnelle de l’enseignement médical : Jean-Charles Sournia, La médecine révolutionnaire (1789-1799),
Paris, Payot, Médecine et sociétés, 1989, 306 p.
50 François Chaussier, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale,
Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, pp. XVI-XVII.
51 H. Montanier, « Médecine (Enseignement et exercice) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 2 ème série, t. 5, p. 647.
52 Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821, 5 ème éd., contenant un
Traité élémentaire de chimie légale par H. Gaultier de Claudry, Paris, Neuhaus, 1852, pp. 891-894.
27

- Introduction générale -
leur résidence », et le chapitre VII, les « Frais de voyage et de séjour hors du lieu de leur
résidence » 53 .
La réglementation ayant trait aux manipulations autorisées sur la dépouille mortelle
des citoyens français, émane des autorités locales. Le préfet de police de Paris Delessert
enjoint, dans son ordonnance du 6 septembre 1839, qu’
« à Paris, et dans les autres communes du ressort de la Préfecture de Police, il est défendu
de procéder au moulage, à l’autopsie, à l’embaumement ou à la momification des cadavres
avant qu’il ne se soit écoulé un délai de 24 heures depuis la déclaration du décès à la
mairie et sans qu’il ait été adressé une déclaration préalable au commissaire de police ou
au maire » 54 .
La restriction est appliquée à la totalité du territoire national avec la promulgation d’une
circulaire du ministère de l’Intérieur, en décembre 1866.
Le XIX e siècle est le siècle durant lequel la médecine légale s’organise en tant que
discipline à part entière, se désolidarisant des autres sciences médicales et affirmant sa
spécificité. Dans cet élan identitaire, des représentants de la communauté médico-légale et
du monde judiciaire décident de créer la Société de médecine légale 55 , dont le siège se
trouve à Paris. Parmi les fondateurs qui en deviennent alors les premiers administrateurs,
se trouvent des figures illustres de la médecine légale de l’époque – Alphonse Devergie,
Henri Legrand du Saulle – ainsi que des hommes de loi qui mènent une réflexion assidue
sur les expertises médico-légales, comme Ernest Chaudé, Paul Andral ou encore Emile
Horteloup 56 . Cette société est officiellement fondée le 10 février 1868 57 .
A l’échelle scientifique, les événements politiques et diplomatiques ont parfois des
répercussions importantes. Le traité franco-allemand signé en mai 1871 entraîne la perte de
l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, donc la perte de la Faculté de médecine située à
Strasbourg 58 . La Faculté ne disparaît pas réellement puisqu’elle est transférée, en 1872, à
Nancy 59 . Ce déménagement n’est pas la seule conséquence de la fin des hostilités entre la
France et l’Allemagne : la pratique médico-légale du voisin germanique était jusqu’alors
53
Ibid., pp. 59-61.
54
Ibid., p. 405.
55
A. Hadengue, « La création de la Société de Médecine Légale », Cahiers de médecine légale. Droit
médical : Histoire de la médecine légale en France, Société de Médecine Légale et de Criminologie de
France (Paris, 15 juin 1987), Lyon, Editions Alexandre Lacassagne, 1988, n°10, pp. 15-17.
56
« Société de médecine légale. Extraits des procès-verbaux. Séance de fondation du 10 février 1868 »,
Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1868, 2 ème série, t. 30, pp. 188-189 ; A.
Hadengue, « La création de la Société… », art. cit., p. 15.
57
« Société de médecine légale. Extraits des procès-verbaux. Séance de fondation du 10 février 1868 », art.
cit., pp. 188-189.
58
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 649.
59
A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale à Strasbourg de 1794 à
1870 ; Fodéré et Tourdes », Cahiers de médecine légale…, op. cit., p. 30.
28

- Introduction générale -
une source d’inspiration capitale pour la médecine légale française. Nombre d’auteurs
citent en exemple les règles, les manœuvres mises au point de l’autre côté du Rhin,
notamment en matière d’expertises judiciaires. Le Manuel d’autopsie cadavérique médico-
légale que Charles Marc publie en 1808 est, en fait, la traduction de l’ouvrage de Theodor
Rose, édité en 1800 60 . Le conflit qui a opposé les deux nations, et la perte du point de
jonction et de réception que pouvait représenter la Faculté de Strasbourg, mettent un frein
aux échanges entre les savants français et allemands. Néanmoins, les ponts ne sont pas
coupés de manière absolue. Des auteurs, tel Charles Vibert, font encore référence aux
travaux conduits outre-Rhin, ainsi qu’à la législation qui y est mise en place 61 . D’autres, à
l’instar de Paul Brouardel en 1878 62 , font même le voyage jusqu’en Allemagne pour
s’imprégner des techniques et de l’organisation de la science médico-légale, pour, ensuite,
l’adapter à la pratique française et peut-être même surpasser les anciens adversaires.
Le dernier temps fort de la période retenue comme cadre de l’étude s’étend sur un
peu plus d’une décennie. En effet, entre 1893 et 1906, un certain nombre de lois et décrets
concernant les expertises médico-légales est promulgué. La première décision prise met
enfin un terme au flou juridique qui régnait jusque-là en matière de réquisition d’experts
médicaux. Le chapitre I du décret du 21 novembre 1893 instaure de façon précise les
« Conditions dans lesquelles est conféré le titre d’expert médecin devant les tribunaux » 63 .
La nouveauté qu’institue ce texte est la création, dans chaque tribunal, de liste de docteurs
en médecine à qui est accordé le titre d’expert auprès des tribunaux. C’est au sein de cette
liste officielle que les magistrats doivent choisir l’homme de l’art qu’ils souhaitent requérir
comme expert. Ces médecins sont donc reconnus par l’autorité judiciaire comme étant des
spécialistes en médecine légale, alors qu’aucun diplôme spécifique dans cette matière n’est
encore délivré par les Universités françaises. Il faut attendre encore dix années avant qu’un
décret présidentiel ne crée officiellement un diplôme de médecine légale et de psychiatrie,
le 22 juin 1903 64 . Le diplôme n’est délivré qu’à l’Université de Paris. A partir de cette
60
Charles Marc, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, traduction de Taschenbuch für gerichtliche
Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen Leichenöffnungen de Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et
Crochard, 1808, XXII-183 p.
61 ère ème
Charles Vibert, Précis de médecine légale, 1 éd. 1885, 4 éd. rev. et corr., introduction par Paul
Brouardel, Paris, Baillière, 1896, XXIV-910 p.
62 e
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal
ou les métamorphoses de la machine, thèse pour le doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université
de Panthéon-Sorbonne (Paris I), 2002, f°392.
63
Frédéric Chauvaud, Les experts du crime…, op. cit., p. 249, note 26.
64
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 624.
29

- Introduction générale -
date, de véritables médecins légistes 65 sont formés, dans la mesure où ils ont suivi une
spécialisation dans cette discipline, sanctionnée par un diplôme particulier.
En résumé, la période dans laquelle s’insère la présente recherche, débute avec la
création des premières chaires de médecine légale, lors de la réorganisation de
l’enseignement de l’art de guérir, et s’achève quelques années après l’attribution des
premiers diplômes de médecine légale et psychiatrie.
Les bornes chronologiques étant posées, dans quel cadre géographique la présente
étude est-elle menée ? Le champ d’investigation est le territoire français dans son
ensemble, pour ce qui est des théories proposées et adoptées, des réflexions générales sur
la pratique expertale, des revendications concernant le statut d’expert. Cependant, lorsqu’il
s’agit de s’intéresser au travail concret des médecins experts, aux situations particulières
auxquelles ils sont confrontés, ainsi qu’à la mise en pratique de ces diverses connaissances,
il est indispensable de changer la « focale de l’objectif », selon l’expression usitée par les
partisans de la micro-histoire 66 . Une thèse sur un tel sujet n’est réalisable qu’à l’échelle
départementale. Il n’est néanmoins pas question de faire une sorte de monographie de
l’autopsie médico-légale en Poitou.
Le choix de la Vienne et des Deux-Sèvres, deux départements ruraux et voisins,
présente divers intérêts. Le Poitou jouit au XIX e siècle, au travers de sa “capitale” Poitiers,
d’une réputation peu flatteuse qui la rend peu attractive. Tantôt décrite comme absolument
amorphe, engluée dans un conservatisme intellectuel, politique et religieux, tantôt dépeinte
comme gangrenée par les conflits et les haines personnels décuplés par la culture du ragot
65 Pour éviter toute confusion, le terme de “médecin légiste” ne sera pas employé, même s’il est utilisé par
nombre d’auteurs, maîtres de la discipline comme médecins experts ordinaires, pour désigner le praticien qui
s’adonne, exclusivement comme occasionnellement, à cette science. En effet, il semble préférable de réserver
ce terme aux médecins qui auraient suivi une spécialisation en médecine légale, formation entérinée par
l’obtention d’un diplôme de médecine légale. Jusqu’en 1903, ce diplôme n’étant délivré par aucune
Université française, les praticiens qui se consacrent de manière exclusive à cette science sont, en fait, des
spécialistes de terrain, d’expérience, qui ont reçu une formation médico-légale semblable à celle offerte à
leurs condisciples. Ces hommes de l’art ne pratiquent la médecine légale qu’à partir du moment où ils sont
requis comme experts, par un magistrat ou par toute personne assermentée. C’est pourquoi il sera fait
référence à ces praticiens via l’expression de “médecin expert” et non de “médecin légiste”, terme que
critiquent d’ailleurs certaines figures de la discipline. François Chaussier, dans une étude qu’il confie à l’un
de ses élèves pour lui tenir lieu de thèse, remarque que le qualificatif “légiste” désigne celui qui étudie les
lois, et non un médecin qui apporte, certes, son concours à la justice, mais avec un objectif judiciaire et non
juridique.
Cf. M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres, et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in Gabriel Laisné, A. Lecieux, M. Renard, J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, p. 118, note infrapaginale.
66 Cf. Jacques Revel (sous la dir. de), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Le
Seuil/Gallimard, Hautes études, 1996, 243 p.
30

- Introduction générale -
qui y a cours 67 , Poitiers apparaît comme le parangon punitif pour celui qui y est muté.
Hyppolite Taine, enseignant alors la philosophie à Nevers, est sommé, au printemps 1852,
de se mettre à la disposition du recteur de l’académie de la Vienne, car ses leçons sont
jugées par le Ministère de l’Instruction publique « trop peu “académiques”, et surtout trop
engagées » 68 . Les qualificatifs et les images qu’il donne alors de la ville et de sa population
sont tout sauf louangeuses :
« J’ai trouvé la ville si laide, si déplaisante à habiter il y a douze ans […] » ; « Rien de
plus inhospitalier, de plus fermé au monde […] » ; « Le tempérament du pays est mollasse
et inerte ; personne ne se remue, ne s’expose ou ne s’impatiente… Cette espèce d’inertie
morale se peint sur les visages. » ; 69 « Cette ville est ultra-vertueuse, et les pieux parents
qui lisent Paul de Koch vous vilipenderaient si vous corrompiez ainsi leurs enfants
[…] » 70 .
Ce tableau peu réjouissant de la société poitevine, enfermée dans ses convictions
religieuses, réfractaire aux idées nouvelles, scientifiques comme philosophiques, apparaît
comme un terrain d’étude prometteur pour un travail s’attachant à l’autopsie judiciaire. En
effet, il s’agit en premier lieu d’une activité scientifique, qui est amenée à évoluer en
fonction des découvertes et des progrès qui lui sont particulièrement consacrés ; ensuite, sa
polarisation sur le cadavre peut susciter des comportements hostiles, mus par des
croyances et des mœurs liées tant au corps qu’à la mort.
En outre, l’un des intérêts de retenir les départements de la Vienne et des Deux-
Sèvres, comme champs d’étude, est qu’ils constituent une zone géographique éloignée des
principales villes où s’élaborent les recherches et doctrines scientifiques, c’est-à-dire Paris,
Lyon, Strasbourg, Nancy ou encore Montpellier. La ville la plus proche dotée d’une
Faculté de médecine est Bordeaux, cité tout de même assez éloignée du Poitou. Or, cette
distance est-elle un facteur aggravant de l’ignorance ou est-elle palliée par certains
comportements ? Ce choix est également rendu pertinent par le fait que la Vienne possède,
depuis 1806, une Ecole de médecine localisée à Poitiers 71 , alors que les Deux-Sèvres en
67 Cf. les remarques de Frédéric Chauvaud en introduction de sa contribution « La culture des conflitstensions,
crimes et faits divers » in Alain Quella-Villéger (sous la dir. de), Poitiers, une histoire culturelle
1800-1950, Poitiers, Atlantique, Editions de l’Actualité Poitou-Charentes, 2004, pp. 59-60.
68 Eric Puisais, Marc Puybarreau, « Taine aux écuries d’Augias », in ibid., p. 265.
69 Cités dans Louis Charlanne, Taine à Poitiers, Poitiers, Masson, 1912, pp. 24-26.
70 Cité dans Eric Puisais, Marc Puybarreau, « Taine… », art. cit., p. 266.
71 Sur l’Ecole de médecine de Poitiers, cf. les présentations d’Henri Delaunay, Pierre Rambaud et Maurice
Veluet : Historique de l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Poitiers (1806-1900), Poitiers,
Fayoux, 1900, 23 p. ; Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine de Poitiers à ses débuts (1806-1854), extrait des
Archives médico-chirurgicales du Poitou, Poitiers, Société française d’Imprimerie et de Librairie, 1908,
59 p. ; Maurice Veluet, L’Ecole de médecine et de pharmacie de Poitiers, extrait de la Revue Médicale du
Centre-Ouest (octobre 1933), préface de Jean Plattard, Poitiers, Société française d’Imprimerie et de
Librairie, 1933, 38 p.
31

- Introduction générale -
sont dépourvus. L’un des départements abrite donc un lieu de formation médicale pour les
futurs officiers de santé, alors que l’autre semble complètement à l’écart du monde
scientifique.
Les Deux-Sèvres et la Vienne servent d’illustrations, d’exemples tangibles pour
analyser les autopsies judiciaires. Cependant, cette pratique locale n’est envisagée que dans
le but de la mettre en perspective avec les situations et les savoirs nationaux, véhiculés par
les écrits des “sommités” de la médecine légale qui exercent leurs talents principalement
dans les trois villes phares en matière de sciences médico-légales : Paris, Lyon et
Strasbourg, remplacée après 1872 par Nancy.
L’historiographie consacrée à l’autopsie médico-légale est à la fois simple et
complexe, car pratiquement inexistante. Les recherches centrées exclusivement sur
l’autopsie judiciaire sont principalement des travaux universitaires, juridiques ou
médicaux 72 . De tels écrits, émanant de futurs professionnels de cette discipline, présentent
un écueil qui est assez fréquent dans l’historiographie des sciences, lorsqu’elle émane de
praticiens de cette même discipline : ils se focalisent sur ce qui l’a fait évoluer, ce qui l’a
fait progresser, et lui a permis d’atteindre le stade de connaissances auquel elle se trouve
alors. Cette une vision positiviste de l’histoire des sciences, « qui vole de victoire en
victoire et de résultat en résultat, dans une avancée continue qui poursuit à travers les
siècles et les noms un vaste engrangement » 73 . Ces auteurs ne s’intéressent ni aux erreurs,
ni aux idées fausses, élaborées au cours des diverses recherches et expérimentations qui ont
contribué à leur discipline, car « ce qui est faux n’a pas besoin d’être connu ni
enseigné » 74 . L’épistémologie positiviste est une reconstruction des faits scientifiques qui,
selon les termes de Bruno Latour, « reconnaît du bout des lèvres l’utilité des simples
L’ouvrage collectif consacré à l’Université de Poitiers comprend plusieurs chapitres sur l’Ecole de médecine,
donnant notamment des éléments biographiques sur les professeurs qui s’y sont succédés : P. Boissonnade
(sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers (1432-1932). Passé et présent, Poitiers, Imprimerie
moderne, Nicolas, Renault et Compagnie, 1932, 573 p.
72
Roger Brocas, Le droit à l’autopsie. Etude historique et juridique, thèse pour le doctorat, sous la
présidence de H. Donnedieu de Vabres, Université de Paris, Faculté de droit, 1938, 141 p.
Pierre Collin, Le droit à l’autopsie. Etudes historique, médico-légale et administrative, thèse pour le doctorat
de médecine, sous la présidence de Victor Balthazard, Faculté de médecine de Paris, 1927, 206 p.
Oscar Loeb, Etude historique des objections et préventions qui ont été opposées à la pratique des autopsies
et des dissections, thèse pour le doctorat, sous la présidence de Chavigny, Université de Strasbourg, 1924,
50 p.
73
Isabelle Stengers, Judith Schlanger, Les concepts scientifiques. Invention et pouvoir, Paris, Gallimard,
Collection Folio/Essais, 1991, p. 103.
74
M. D. Grmek, « Objectivité et progrès en histoire des sciences », Annales. Economies, Sociétés,
Civilisations, mai-juin 1970, n°3, p. 618.
32

- Introduction générale -
sociologues et des simples historiens afin qu’ils expliquent les pensées archaïques, les
disciplines ratées, les idéologies dépassées, les faits défaits par l’histoire » 75 .
Les hommes de science ne veulent prendre en compte que les découvertes
positives, les résultats qui font avancer et progresser la recherche. Les échecs et les erreurs
n’ont pour eux aucun intérêt, car ils ne débouchent en apparence sur rien. Mais l’histoire
des sciences, pour être complète, doit s’attacher à toute l’activité d’une discipline, à ses
tâtonnements autant qu’à ses découvertes. Dans le cas contraire, cela signifie que tout un
pan de la recherche scientifique, ainsi qu’une partie des hommes qui s’y consacrent, sont
occultés, rejetés d’office de l’histoire d’une science comme s’ils n’avaient pas existé, sous
prétexte qu’ils n’ont rien apporté de nouveau à la discipline. De plus, à l’instar de
l’historien des religions qui n’a pas à affirmer l’existence de Dieu, mais doit se contenter
de dire que certains hommes y croient alors que d’autres non, et de tenter d’expliquer leurs
différences de points de vue sans véritablement prendre parti, l’historien des sciences n’a
pas à juger si une découverte ou une pratique est juste : il n’a pas les connaissances
nécessaires pour le faire, et de toute manière ce n’est pas son propos.
De plus, l’histoire des sciences et des connaissances scientifiques se construit
autour d’une histoire de la diffusion de ces savoirs 76 , au sein de la communauté
scientifique tout d’abord, puis dans l’opinion publique. L’historien doit s’attacher à
comprendre par quels moyens une découverte, une innovation technique ou un nouveau
concept se propagent. Il faut également tenter d’évaluer le temps nécessaire à la diffusion
d’une idée nouvelle, la durée qu’a pris son acceptation. En effet, ce n’est pas parce qu’un
scientifique a fait une découverte, a réalisé telle expérience, ou a mis au point une
technique novatrice, que celle-ci va obligatoirement être adoptée par ses confrères.
Lorsque l’on parle d’histoire des sciences il s’agit surtout des sciences exactes,
telles les mathématiques ou la physique. L’histoire de la médecine ou des sciences
médicales 77 est un peu à part, peut-être en raison du statut de la médecine au sein des
75 Bruno Latour, La science en action. Introduction à la sociologie des sciences, traduit de l’anglais par
Michel Biezunski, édition originale publiée en 1987 par Harvard University Press, Paris, Gallimard, Folio
Essais, 1995, p. 13.
76 Roselyne Rey, « Les relations entre savoirs et pratiques » in Pour l’histoire de la médecine. Autour de
l’œuvre de Jacques Léonard, textes réunis par Michel Lagrée et François Lebrun, actes de la journée d’études
(9 janvier 1993) organisée par le Groupe de recherche en épistémologie et histoire de la médecine (GREHM,
Université de Paris 13), sous la dir. de Dr. Jacques Poirier, Claude Bénichou et Claude Langlois, Rennes,
PUR, Histoire, 1994, pp. 97-104.
77 A l’occasion d’un numéro des Cahiers d’histoire consacré à « Maladies et médecines », en 1992, Olivier
Faure et Didier Nourrisson dressent un petit bilan des dix dernières années d’histoire de la santé : Olivier
Faure, Didier Nourrisson, « Avant-propos : Dix ans d’histoire de la santé », Cahiers d’histoire : Maladies et
médecines, 1992, t. 38, n°3/4, pp. 209-213.
33

- Introduction générale -
disciplines scientifiques : il s’agit plus d’un art que d’une science exacte. L’historiographie
consacrée à la médecine se divise en deux grandes tendances : d’un côté l’histoire de la
discipline, de sa pratique, de l’autre, celle des hommes qui l’exercent, du corps médical.
Les travaux peuvent s’attacher aux doctrines, aux savoirs et aux concepts qui composent
cette science. Ce sont des ouvrages comme l’étude collective dirigée par Mirko Grmek sur
la Pensée médicale en Occident 78 , l’Histoire de la médecine du professeur Sournia 79 , ou la
Naissance de la clinique de Michel Foucault 80 . D’autres recherches ont abordé la médecine
dans ses rapports et surtout son assimilation par la population. Olivier Faure a par exemple
publié Les Français et leur médecine au XIX e siècle 81 , ouvrage dans lequel il s’emploie à
montrer comment les Français ont abandonné l’automédication et ont eu de plus en plus
recours au professionnel de l’art de guérir.
La référence en matière d’histoire des médecins reste la thèse de Jacques Léonard
sur Les médecins de l’ouest au XIX e siècle 82 , à laquelle il faut ajouter sa Vie quotidienne du
médecin de province au XIX e siècle 83 . Il participe également au numéro des Annales sur
« Médecins, médecine et société en France aux XVIII e et XIX e siècles » 84 publié en 1977.
Les écrits de Jacques Léonard, notamment ses articles, regroupés dans un ouvrage
posthume 85 , constituent la base de toute recherche en histoire de la médecine. Ses travaux
continuent même à inspirer et à guider d’autres historiens de la médecine : en 1993, une
journée d’études a été organisée autour de son œuvre 86 . Il a été aussi l’initiateur de
recherches faisant sortir le corps médical de son champ d’activité premier, et le plaçant
dans un contexte social plus large, avec des ouvrages tel La médecine entre les savoirs et
les pouvoirs 87 . Ce livre aborde les médecins en tant que groupe intellectuel et se penche
notamment sur leur place et leur influence grandissantes au sein de la vie politique
française. Pierre Guillaume a, lui, analysé le corps médical en tant que “sauveur” de la
78
Mirko Grmek (sous la dir. de), Histoire de la pensée médicale en Occident, traduit de l’italien par Maria
Laura Broso Bardinet et Louis L. Lambrichs, Paris, Editions du Seuil, 1999, 3 t., 382 + 376 + 422 p.
79
Jean-Claude Sournia, Histoire de la médecine, Paris, La Découverte, Histoire des sciences, 1992, 358 p.
80 ère ème
Michel Foucault, Naissance de la clinique, 1 éd. 1963, 4 éd., Paris, PUF, Quadrige, 1994, 214 p.
81 e
Olivier Faure, Les Français et leur médecine au XIX siècle, Paris, Belin, Histoire et société, 1993, 317 p.
82
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., 3 t., 1570-CCXLVIII p.
83 e
Jacques Léonard, La vie quotidienne du médecin de province au XIX siècle, Paris, Hachette littérature,
1977, 285 p.
84 e e
Annales. Economies, Sociétés, Civilisations : Médecins, médecine et société en France aux XVIII et XIX
siècles, septembre-octobre 1977, n°5.
85 Jacques Léonard, Médecins, malades et société dans la France du XIX e siècle, textes réunis et présentés par
Claude Bénichou, avant-propos de François Lebrun, préface de Jean-Pierre Peter, Paris, Sciences en
situation, 1992, 287 p.
86 Pour l’histoire de la médecine…, op. cit., 117 p.
87 Jacques Léonard, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs. Histoire intellectuelle et politique de la
médecine française au XIX e siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, 394 p.
34

- Introduction générale -
communauté dans son étude du Rôle social du médecin 88 . Enfin, d’autres historiens,
approfondissant cette voie, se sont intéressés aux individus qui se cachent derrière les
médecins. Anne Carol 89 a, par exemple, étudié le rapport à la mort de ces hommes dont la
mission est justement de repousser le plus possible l’inéluctable.
La présentation de l’historiographie de la médecine ne serait être complète sans
quelques références aux travaux qui s’intéressent aux établissements dans lesquels les
hommes de l’art prodiguent leurs soins, mais dont l’activité dépasse largement le simple
cadre thérapeutique et sanitaire pour embrasser celui de l’assistance : les hospices et
hôpitaux. Citons quelques-unes des principales publications : Olivier Faure s’est intéressé
aux hospices civils de Lyon 90 ; Yannick Marec a dirigé plusieurs œuvres collectives,
notamment sur les établissements de la région de Rouen 91 ; Micheline Louis-Courvoisier a
étudié le quotidien d’un hôpital genevois entre le milieu du XVIII e siècle et le premier tiers
du XIX e siècle 92 ; enfin, il faut noter que les hôpitaux de Poitiers ont donné lieu à une thèse
de doctorat d’histoire du droit 93 . Il convient aussi de signaler la synthèse dirigée par Jean
Imbert sur L’histoire des hôpitaux en France 94 .
L’étude de la médecine légale est, quant à elle, à cheval sur l’histoire des sciences
et l’histoire de la justice. Du côté de l’histoire des sciences, et plus particulièrement des
sciences médicales, la médecine légale fait office de parent pauvre. L’explication se trouve
peut-être dans la singularité de cette discipline, trop différente de la médecine ou de la
chirurgie. Cette branche de la médecine n’a finalement plus rien à voir avec l’art de guérir,
avec la vocation première de la médecine qui est de soigner et de soulager l’être humain.
Son statut de discipline particulière, intimement liée à la justice, exclu, parfois de manière
quasi inconsciente, la médecine légale des études traitant des progrès et découvertes de la
88
Pierre Guillaume, Le rôle social…, op. cit.
89 e e
Anne Carol, Les médecins et la mort : XIX -XX siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2004, 335 p.
90
Olivier Faure, Genèse de l’hôpital moderne. Les hospices civils de Lyon de 1802 à 1845, Lyon, Presses
Universitaires de Lyon, 1982, 272 p.
91
Yannick Marec (sous la dir. de), Accueillir ou soigner ? L’hôpital et ses alternatives du Moyen Age à nos
jours, actes du colloque « Hôpitaux, médecine et société du Moyen Age à nos jours. Expériences régionales
et perspectives nationales » (20 et 21 janvier 2006) organisé par le Groupe de recherche d’histoire (GRHIS)
de l’Université de Rouen, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007,
Collection « Histoire & Patrimoines », 453 p.
Yannick Marec (sous la dir. de), Les hôpitaux de Rouen du Moyen Age à nos jours. Dix siècles de protection
sociale, préface de Michel Lagrave, s.l., Editions PTC, 2006, 178 p.
92
Micheline Louis-Courvoisier, Soigner et consoler. La vie quotidienne dans un hôpital à la fin de l’Ancien
Régime (Genève, 1750-1820), Genève, Georg Editeur, Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé,
2000, XVI-318 p.
93 e
Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers au XIX siècle, thèse pour le doctorat de Troisième cycle d’Histoire
du droit des institutions et des faits économiques et sociaux, sous la dir. du professeur R. Szramkiewicz,
Université de Poitiers, 1981, 412 f°.
94
Jean Imbert (sous la dir. de), Histoire des hôpitaux en France, Toulouse, Privat, 1982, 559 p.
35

- Introduction générale -
médecine. Et même lorsqu’elle est abordée dans des travaux historiques consacrés à la
médecine, la part qui lui est attribuée est négligeable. Sur les 1570 pages que comprend sa
thèse, Jacques Léonard en consacre 15 à la médecine légale et mentale, dont seulement 5
pages à la médecine légale 95 .
Les quelques études historiques qui sont consacrées exclusivement à la discipline
médico-légale se divisent en deux groupes. Tout d’abord, celles effectuées par des
médecins, comme la thèse de Anne-Marie Guillien-Bruneteau 96 ou le numéro des Cahiers
de médecine légale sur l’histoire de la médecine légale en France 97 , qui, comme il a été dit
pour l’histoire des sciences exactes, s’intéressent avant tout aux grands hommes de la
discipline, ceux qui l’ont fait progresser, qui en sont les représentants médiatiques : c’est
une histoire par le haut. L’histoire de la médecine légale est ensuite abordée en tant
qu’auxiliaire de l’histoire de la justice : ces travaux s’attachent à montrer les rapports entre
l’autorité judiciaire et les médecins experts, ce qu’elle attend d’eux, comment ses décisions
peuvent être influencées par les conclusions de l’expert, comment la discipline médico-
légale a pris de plus en plus d’importance durant l’instruction et dans le prétoire. Les
travaux pionniers de Michel Porret 98 , d’Alessandro Pastore 99 , de Frédéric Chauvaud 100 et
de Pierre Darmon 101 ont apporté des éléments sur les relations entre magistrats et experts,
sur la montée en puissance des médecins et de la preuve expertale dans les décisions
judiciaires. L’expertise médicale et les médecins experts sont alors devenu le sujet de
nombreuses études historiques. Marina Daniel a réalisé une thèse sur l’expertise corporelle
95 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., pp. 1354-1359.
96 Anne-Marie Guillien-Bruneteau, Histoire de la médecine légale, thèse pour le doctorat de médecine, sous
la dir. de Ceccaldi, Université Paris V-René Descartes, Faculté de médecine Paris-Ouest, 1975, n°38, 66 p.
97 Cahiers de médecine légale…, op. cit., 92 p.
98 Michel Porret, « Pratique pénale et médecine légale au XIX e siècle : la qualification des “mauvais
traitements” et des homicides, l’exemple genevois (1815-1890) » in Frédéric Chauvaud, Jacques-Guy Petit
(sous la dir. de), L’histoire contemporaine et les usages des archives judiciaires (1800-1939), Paris, Honoré
Champion, Histoire et archives, 1998, pp. 343-355.
Michel Porret, Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertises judiciaires à Genève (XVIII e -
XIX e siècle), Montréal, Presses Universitaires de Montréal, Collection « Socius », 2008, 288 p.
99 Alessandro Pastore, « Médecine légale et pratique de la torture en Italie au XVIII e siècle » in Beccaria et la
culture juridique des Lumières, études historiques éditées et présentées par Michel Porret, actes du colloque
européen organisé à Genève (25-26 novembre 1995), Genève, Droz, Travaux d’histoire éthico-politique,
1997, pp. 287-306.
Alessandro Pastore, « Violences du corps : entre médecine et droit. Théories et pratiques de l’expertise
médico-légale au XVII e siècle » in Le corps violenté. Du geste à la parole, études réunies et présentées par
Michel Porret, Genève, Droz, 1998, pp. 197-221.
100 Frédéric Chauvaud, Les experts…, op. cit, 301 p.
Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire : France, XIX e et XX e siècle, avec la collaboration de
Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche pour le GIP Mission de Recherche Droit et
Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, 283 p.
101 Pierre Darmon, Médecins et assassins à la Belle époque. La médicalisation du crime, Paris, Editions du
Seuil, 1989, 330 p.
36

- Introduction générale -
dans le département de la Seine Inférieure, proposant notamment une analyse de la
perception de la souffrance, tant par les victimes elles-mêmes que par des intervenants
extérieurs 102 . Laurence Guignard s’est, quant à elle, intéressée à l’expertise psychiatrique et
à la question de la responsabilité des criminels 103 . Enfin, il convient de signaler que
l’histoire des experts et des expertises doit être replacée dans celle plus large des
auxiliaires de la justice, auxquels un colloque a été consacré en 2004 à Québec 104 .
L’historiographie constituée par les recherches s’intéressant aux représentations et
aux mentalités est indubitablement la pierre angulaire d’un travail sur l’autopsie médico-
légale. Activité exclusivement post mortem, il convient de la replacer dans un ensemble
plus large d’études qui ont trait au corps sans vie et aux attitudes individuelles face au mort
et à la mort.
Un premier groupe de travaux, historiques et sociologiques, porte son attention sur
la perception et les comportements des hommes de l’art vis-à-vis du cadavre. Le livre de
Rafael Mandressi apporte un point de vue nouveau sur les conceptions médiévales du
corps sans vie, à travers le « regard de l’anatomiste » 105 . Cet ouvrage traite de la montée
de la dissection anatomique, dans l’Europe occidentale de la fin du Moyen Age, comme
pilier des connaissances des hommes sur leur propre corps. La thèse de Rafael Mandressi
est que la dissection anatomique n’était pas considérée, à l’époque médiévale, comme un
moyen d’acquérir des savoirs sur les mystères du corps humain. Selon lui, avancer que les
interdictions religieuses et les superstitions vis-à-vis du cadavre sont à l’origine de
l’absence de dissections, durant la majeure partie du Moyen Age, présuppose que la
dissection anatomique est « un procédé allant de soi, dont on ne saurait se passer pour
parvenir à la connaissance du corps humain » 106 . Or, Rafael Mandressi considère que c’est
la conception même du corps, de son interaction avec le cosmos, de l’absence d’identité
individuelle, qui permet d’expliquer le désintérêt des savants pour l’anatomie. La prise de
102 Marina Daniel, Regards sur le corps meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au
XIX e siècle, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen,
2007, 3 vol., 901 f°.
103 Laurence Guignard, Juger la folie : la justice pénale et la folie des criminels à l’âge de l’aliénisme (1791-
1865), thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Corbin, Université Panthéon-
Sorbonne, 2006, 2 vol., 712 f°.
104 Claire Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du Moyen Age au
XX e siècle, actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la justice et les populations,
du Moyen Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec, s. l., Les Presses
de l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, 828 p.
105 Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident, Paris,
Editions du Seuil, L’Univers historique, 2003, 339 p.
106 Ibid., p. 55.
37

- Introduction générale -
conscience par l’homme de son individualité, a révélé au monde scientifique la nécessité
de se pencher sur le corps de plus près.
Parmi les autres études qui s’intéressent aux médecins confrontés à la dépouille
mortelle et à la mortalité, citons l’article de Marie-Christine Pouchelle 107 sur la prise en
charge de la mort par les praticiens de l’art de guérir, à la fin du Moyen Age. Pour la
période contemporaine, et même absolument contemporaine, deux ouvrages sont essentiels
pour cette question. Tout d’abord, celui d’Anne Carol consacré aux médecins des XIX e et
XX e siècles 108 . Il ressort de cet ouvrage que les rapports entretenus par les hommes de l’art
avec la mort et le corps mort, sont bien souvent paradoxaux : vouant leur vie à lutter contre
la victoire de la mort sur le vivant, ils revendiquent aussi le droit de pouvoir l’administrer
quand tout espoir a disparu et, ainsi, abréger une vie ne valant plus la peine d’être vécue
car n’apportant qu’extrême souffrance ou absence de dignité ; les mesures d’hygiène
mettent de plus en plus les dépouilles mortelles à l’écart des vivants, néanmoins le cadavre
demeure une source de connaissances irremplaçable. Enfin, l’étude sociologique menée par
Emmanuelle Godeau sur les internes en médecine s’intéresse aux rites initiatiques qui
jalonnent leur formation 109 . En sus de la création d’un « esprit de corps », ces rites qui ont
trait soit à la mort, soit à la sexualité, ont surtout pour objectif, selon elle, de désamorcer un
certain nombre de tabous et de réticences vis-à-vis du corps des patients. De tels travaux
sur les comportements des médecins face au cadavre et au décès peuvent être mis en
perspective avec des recherches, essentiellement sociologiques, qui se sont intéressées à
d’autres professionnels de la mort, tels les employés de pompes funèbres 110 .
Un second ensemble de recherches élargit les types de regard portés sur le corps
mort. Ce sont les études menées sur ce qui peut être qualifié de spectacles cadavériques :
exécution capitale 111 , portrait 112 ou moulage mortuaire 113 , musées de cires anatomiques 114 ,
107 Marie-Christine Pouchelle, « La prise en charge de la mort : médecine, médecins et chirurgiens devant les
problèmes liés à la mort à la fin du Moyen Age (XIII e -XV e siècles) », Archives européennes de sociologie,
1976, XVII, pp. 249-278.
108 Anne Carol, Les médecins…, op. cit.
109 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”. Sexe et mort dans la formation des internes en médecine, Paris,
Editions de la Maison des sciences de l’homme, Collection « Ethnologie de la France », 2007, n°29, 301 p.
110 Julien Bernard, Emotions et rituel dans le travail des pompes funèbres. Contribution à la sociologie des
émotions, thèse de doctorat de sociologie, sous la dir. d’Annie Guédez, Université de Poitiers, 2007, 453 f°.
Sandrine Caroly, Pascale Trompette, « En aparté avec les morts… Peur, larmes et rire au travail : les métiers
du funéraire », Terrain : Peurs et menaces, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme,
septembre 2004, n°43, pp. 63-84.
111 Régis Bertrand, Anne Carol (sous la dir. de), L’exécution capitale. Une mort donnée en spectacle XVI e -
XX e siècle, Aix-en-Provence, PUP, Collection « Le temps de l’histoire », 2003, 282 p.
112 Le dernier portrait, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Le dernier portrait » présentée au
musée d’Orsay du 5 mars au 26 mai 2002, Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 2002, 239 p.
38

- Introduction générale -
leçons publiques d’anatomie 115 . Ces travaux mettent en exergue l’intérêt, presque la
fascination, que peut susciter la représentation cadavérique pour le public. Néanmoins, les
facteurs qui motivent l’attraction pour de tels spectacles sont variables : excitation,
exutoire, chagrin, curiosité. Parmi les spectacles qui mettent en scène des corps privés de
vie, la visite de la salle d’exposition de la Morgue est l’un des plus prisés par la population.
La thèse de Bruno Bertherat porte sur le lieu de stockage et d’exposition des cadavres
parisiens 116 . Cette étude traite de catégories particulières de cadavres : le cadavre anonyme,
le cadavre judiciaire, le cadavre misérable, le cadavre rejeté par les vivants. Elle place
aussi la dépouille au sein d’une structure, de cette « machine » qu’est la Morgue de Paris.
Ce sujet a été initié par Richard Cobb dans une étude sur l’ancêtre de la Morgue, la Basse-
Geôle de Paris 117 .
Dans la continuité de ses recherches sur les réactions humaines face à la mort,
Louis-Vincent Thomas s’est également intéressé aux réactions et comportements face sa
matérialisation, le cadavre. Dans l’ouvrage qu’il lui consacre, Louis-Vincent Thomas
s’attache, d’une part, aux fantasmes et aux attitudes que suscite ce corps oscillant entre
personne et objet, et, d’autre part, sur les traitements qu’il peut subir, tel l’embaumement
ou le cannibalisme 118 . D’autres sociologues ont apporté des réflexions sur le cadavre, sur
ses manipulations, sur les fantasmes et réactions qui l’accompagnent. David Le Breton a
réalisé un travail, à la fois historique et sociologique, sur les « usages médicaux et
mondains du corps humain », dans lequel il expose toutes les formes d’utilisations que la
médecine peut faire de la dépouille mortelle, de la dissection à la greffe d’organes, en
passant par l’autopsie anatomopathologique 119 .
113 e
A fleur de peau. Le moulage sur nature au XIX siècle, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « A
fleur de peau. Le moulage sur nature au XIX e siècle » présentée au musée d’Orsay du 29 octobre 2001 au 27
janvier 2002, Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 2001, 189 p.
114
Nélia Dias, « Le corps en vitrine. Eléments pour une recherche sur les collections médicales », Terrain :
Le corps en morceaux, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme, mars 1992, n°18,
pp. 72-79.
Christiane Py, Cécile Vidart, « Les musées d’anatomie sur les champs de foire », Actes de la recherche en
sciences sociales, novembre 1985, n°60, pp. 3-10.
Encyclopaedia anatomica. Museo La Specola Florence, textes de Monika v. Düring et Marta Poggesi,
photographies de Saulo Bambi, Cologne, Taschen, 2006, 574 p.
115
Dominique Clevenot, « Les leçons de l’anatomie », Sociétés&Représentations : Le corps à l’épreuve, sous
la dir. de Rémi Lenoir et Myriam Tsikounas, Paris, CREDHESS, avril 1996, n°2, pp. 137-158.
116
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., 3 vol., 911 f°.
117
Richard Cobb, La mort est dans Paris. Enquête sur le suicide, le meurtre et autres morts subites à Paris
au lendemain de la Terreur, préface de Michel Vovelle, traduit par Daniel Alibert-Kouraigne, Paris, Le
chemin vert, 1985, VIII-183 p.
118
Louis-Vincent Thomas, Le cadavre. De la biologie à l’anthropologie, Bruxelles, Editions Complexe, De
la science, 1980, 220 p.
119
David Le Breton, La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps humain, Paris, Métailié, 1993,
335 p.
39

- Introduction générale -
Or, de tels travaux soulignent que l’histoire du cadavre doit être replacée dans un
contexte plus large qui a trait aux conceptions et aux croyances face à la mort, et à celles
qu’éveillent le corps dans l’absolu, vif ou trépassé.
En premier lieu viennent les travaux sur l’histoire de la mort, de sa perception, des
attitudes individuelles ou collectives face à cet événement inéluctable et commun à chaque
être humain. L’un des auteurs principaux en matière d’étude de la mort est Philippe Ariès.
Ses divers ouvrages constituent une base primordiale à toute recherche abordant ce thème,
en dépit de l’approche choisie. Son travail de synthèse, L’homme devant la mort 120 , analyse
les attitudes face à la mort, de soi et de l’autre, et face au mort, du Moyen Age à l’époque
la plus contemporaine. On regrettera tout de même le peu de développement accordé au
XIX e siècle, l’exposé se focalisant sur les périodes médiévale et moderne. D’autres
historiens ont abordé le thème de la mort par un biais différent. Michel Vovelle s’est aussi
attaché à réaliser une synthèse sur La mort et l’Occident de 1300 à nos jours 121 . Bien
qu’abordant également les attitudes des hommes et des femmes de l’Occident face à la
mort durant ces sept siècles, Michel Vovelle s’intéresse aussi longuement à la mortalité au
cours de ces périodes, aux croyances, aux pratiques funéraires. Enfin, en marge des écrits
historiques, se trouvent tous les travaux anthropologiques sur ce thème, fournissant des
réflexions tout aussi fondamentales sur la perception de cet événement, marquant
l’aboutissement de toute vie, par des individus plus contemporains ou d’ethnies différentes.
Parmi ces travaux retenons ceux de Louis-Vincent Thomas 122 qui s’est aussi bien intéressé
au mécanisme de la mort qu’aux croyances et attitudes des individus qui y étaient
confrontés.
Le corps et la corporéité constituent un thème essentiel de l’historiographie des
mentalités. Au point que le corps a eu droit à son Histoire, synthèse sur le modèle des
Histoire de la vie privée 123 , Histoire de la France urbaine 124 , Histoire de la France
120
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, Paris, Edition du Seuil, L’Univers historique, 1977, 642 p.
L’ouvrage a été réédité dans la collection Points Histoire : L’homme devant la mort, t. 1 : Le temps des
gisants et t. 2 : La mort ensauvagée, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1977, 304 + 343 p.
121
Michel Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, Bibliothèque illustrée des
histoires, 2000, XXI-793 p.
122
Louis-Vincent Thomas, Anthropologie de la mort, Paris, Payot, Bibliothèque scientifique, 1976, 540 p.
Louis-Vincent Thomas, « L’homme et la mort » in Jean Poirier (sous la dir. de), Histoire des mœurs, t. 2 :
Modes et modèles, Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1991, pp. 803-868.
Louis-Vincent Thomas, Mort et pouvoir, préface de Jean-Didier Urbain, Paris, Editions Payot, Petite
Bibliothèque Payot, 1999, 213 p.
Louis-Vincent Thomas, Rites de mort. Pour la paix des vivants, Paris, Fayard, 1985, 294 p.
123
Philippe Ariès, George Duby (sous la dir. de), Histoire de la vie privée, éd. rev. et complétée, Paris,
Editions du Seuil, Points Histoire, 1999, 5 t., 668 + 653 + 635 + 621 + 635 p.
40

- Introduction générale -
rurale 125 et autres Histoire des femmes 126 . L’entreprise a été dirigée par Alain Corbin,
Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello 127 . Chaque tome s’emploie à étudier les
perceptions du corps selon les époques, les diverses attitudes à son égard, les nouvelles
conduites corporelles. Le deuxième tome, dirigé par Alain Corbin, est consacré à la période
comprise entre la Révolution française et la guerre de 1914-1918 128 . L’ouvrage, qui donne
une grande place à l’iconographie, aborde tout d’abord le corps à travers divers regards :
celui de la médecine, de la religion, de l’art, de la société. Il étudie ensuite le corps
sensoriel, le corps source de plaisir et de souffrance. Enfin, il consacre plusieurs chapitres
aux actions exercées sur ou par le corps : l’infirmité, l’hygiène et le sport.
Des études plus ciblées sont également parues. Michel Porret a dirigé un ouvrage
collectif s’occupant plus particulièrement des diverses formes de violences, réelles ou
imaginaires, que l’on peut infliger au corps 129 . Ce collectif contient d’ailleurs une étude sur
l’autopsie, réalisée par deux membres de l’Institut médico-légal de Genève 130 . La
contribution explique comment les médecins essayent de faire accepter cette opération par
les familles des défunts, insistant sur le fait que cette intervention est un moyen de
redonner une « ultime dignité » 131 à leur cher disparu. Frédéric Chauvaud a, quant à lui,
rassemblé des contributions autour du thème des corps submergés 132 , puis des corps
saccagés 133 . Il convient enfin de souligner les multiples travaux menés par David Le
Breton sur le corps, dans une approche anthropologique il est vrai, mais qui s’avèrent très
utiles à l’historien. Il a notamment publié une Anthropologie du corps et modernité 134 , qui
124 Georges Duby (sous la dir. de), Histoire de la France urbaine, Paris, Editions du Seuil, L’Univers
historique, 1980, 5 t., 600 + 653 + 651 + 665 + 668 p.
125 Georges Duby, Armand Wallon (sous la dir. de), Histoire de la France rurale, Paris, Editions du Seuil,
L’Univers historique, 1975-1976, 4 t., 620 + 620 + 568 + 666 p.
126 Georges Duby, Michelle Perrot (sous la dir. de), Histoire des femmes en Occident, Paris, Plon, 1991-1992,
5 t., 579 + 567 + 557 + 627 + 646 p.
127 Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello (sous la dir. de), Histoire du corps, Paris,
Editions du Seuil, L’Univers historique, 2005-2006, 3 t., 573 + 442 + 522 p.
128 Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello (sous la dir. de), Histoire du corps, t. 2 : De la
Révolution à la Grande guerre, sous la dir. d’Alain Corbin, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique,
2005, 442 p.
129 Michel Porret, Le corps violenté…, op. cit., 370 p.
130 Timothy Harding, Romano La Harpe, « L’autopsie : violence ou réparation ? », in ibid., pp. 287-292.
131 Ibid., p. 292.
132 Frédéric Chauvaud (sous la dir. de), Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la
noyade de l’Antiquité à nos jours, Paris, Editions Créaphis, 2007, 203 p.
133 Frédéric Chauvaud (sous la dir. de), Corps saccagés, corps meurtris. Une histoire du corps brutalisé du
siècle des Lumières à nos jours, Rennes, PUR, Histoire, à paraître (2009).
134 David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, 1 ère éd. 1990, 3 ème éd., Paris, PUF, Quadrige,
2003, 263 p.
41

- Introduction générale -
s’attache aux conceptions que l’homme moderne a de son corps et du corps de l’autre, ainsi
qu’une étude sur le visage 135 .
En résumé, en dehors de travaux très succincts, l’autopsie n’est abordée pour
l’essentiel que dans des études historiques plus globales pouvant s’attacher à la médecine
légale, au corps, à la mort et à d’autres activités ou spectacles cadavériques.
La présente étude s’insère évidemment dans un certain nombre des courants
historiographiques exposés, et peut permettre d’apporter quelques éléments
complémentaires à des travaux déjà entrepris, en abordant l’autopsie médico-légale par des
angles peu abordés jusqu’à présent. Aussi elle a pour objectif principal de mettre en
lumière et en perspective les aspects matériels et humains de la pratique expertale
ordinaire, à travers l’autopsie judiciaire. Il s’agit donc de pénétrer dans les coulisses de
cette dernière, afin d’en appréhender les faces cachées ou du moins laissées quelque peu
dans l’ombre par la médecine légale des prétoires : les contraintes professionnelles,
judiciaires et populaires qui pèsent sur les médecins requis comme experts ; les protocoles
administratifs et scientifiques qui rythment et délimitent la pratique “autoptique” ; les
situations imprévues et les difficultés auxquelles les hommes de l’art se trouvent
confrontés et qui requièrent, de leur part, une certaine capacité d’adaptation.
Acte scientifique mis au service des autorités administrative, policière et judiciaire,
l’expertise cadavérique a surtout été abordée par le prisme de l’influence que celle-ci peut
avoir sur les décisions et les procédures de l’institution judiciaire 136 . Mais, en changeant
l’angle du point de vue, il apparaît que le rôle et la place de l’autorité judiciaire, dans la
réalisation d’une autopsie médico-légale, sont aussi des facteurs à prendre en
considération. En premier lieu, parce que le déroulement de l’expertise est ritualisé par la
justice : réquisition de l’expert, prestation du serment, rédaction du rapport d’autopsie. En
outre, il s’agit de s’interroger sur les modifications techniques, humaines et conjoncturelles
induites par l’intervention de la justice dans une opération scientifique. En d’autres termes,
comment la donnée “justice” rend-elle l’autopsie médico-légale particulière, différente des
autres manipulations cadavériques ? L’urgence et l’improvisation inhérentes à toute
enquête ou instruction, dans un cadre néanmoins maîtrisé par les représentants de
135
David Le Breton, Des visages. Essai d’anthropologie, Paris, Métailié, Suites Sciences humaines, 2003,
328 p.
136
Cf. par exemple les travaux de Michel Porret, dont Le crime et ses circonstances. De l’esprit de
l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitions des procureurs généraux de Genève, préface de
Bronislaw Baczko, Genève, Droz, 1995, 562 p. et « Pratique pénale… », art. cit.
Voir également Pierre Darmon, Médecins et assassins…, op. cit.
42

- Introduction générale -
l’institution judiciaire, n’ont-elles pas des conséquences sur les agissements du médecin
expert et les conditions dans lesquelles il est amené à exécuter sa mission ?
A cette question, s’en joint une seconde, tout aussi fondamentale : une autopsie se
pratique-t-elle de la même manière à Paris et dans le Poitou ? La distinction entre capitale
et province, entre villes et campagnes, se vérifie-t-elle au sujet de la réalisation d’une
autopsie judiciaire ? La problématique du fossé entre grandes villes et campagnes
françaises s’applique d’abord aux conditions matérielles dans lesquelles l’autopsie est
pratiquée : celle réalisée à Paris, ou dans d’autres villes, dans des structures convenables et
avec le matériel adéquat, n’a rien de commun avec l’autopsie faite dans les campagnes,
nécessitant de l’improvisation et de l’adaptation de la part de l’expert. Elle présente
également un certain nombre de risques, tous liés d’une façon plus ou moins directe à la
putréfaction du cadavre : les piqûres anatomiques, la difficulté de procéder à l’examen
d’un cadavre dont la décomposition est avancée et la prudence accrue qui en découle.
En sus du décalage au plan matériel, existe-t-il un fossé humain ? Le semblant de
corps professionnel 137 constitué par les médecins experts soulève un certain nombre de
questions qui n’ont pas, ou peu, été abordées par les historiens de la médecine, comme par
ceux de la justice 138 . Pourtant, on ne peut étudier une opération sans s’intéresser aux
hommes qui la réalisent. Sachant que jusque dans les années 1890, il n’existe pas de liste
officielle d’experts, et qu’il faut attendre le début du XX e siècle pour qu’une Faculté de
médecine française délivre un diplôme de médecine légale, tout homme de l’art est un
expert potentiel durant la majorité du XIX e siècle. Il est alors nécessaire de s’interroger sur
la formation que ces hommes ont reçu au cours de leurs études médicales : ont-ils suivis un
enseignement de médecine légale, ont-ils assisté voire pratiqué des autopsies judiciaires
durant leur cursus ? Et une fois quittés les bancs de la Faculté ou de l’Ecole, ainsi que
l’amphithéâtre de dissection, par quels moyens peuvent-ils maintenir leurs connaissances
médico-légales en conformité avec les avancées de la science ? De plus, dans une localité
délimitée, fait-on toujours appel au même médecin pour faire l’expertise, existe-t-il une
liste officieuse d’experts qu’utiliserait le juge d’instruction ? Pour une région du
département donnée, ce dernier sait qu’il peut faire appel à tel médecin parce que ce
dernier a déjà aidé la justice et qu’il est fiable. La présence d’une Ecole de médecine à
137 Pierre Guillaume (sous la dir. de), La professionnalisation des classes moyennes, Talence, Editions de la
Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996, 389 p.
138 Citons cependant les travaux fondamentaux réalisés sur les experts judiciaires par Frédéric Chauvaud et
Laurence Dumoulin : Frédéric Chauvaud, Les experts…, op. cit, 301 p. ; Frédéric Chauvaud, Experts et
expertise judiciaire…, op. cit. ; Laurence Dumoulin, « La médecine légale aux fondements de l’expertise
judiciaire, de l’activité de médecin légiste à la profession d’expert », Equinoxe, 1999, n°22, pp. 65-77.
43

- Introduction générale -
Poitiers entraîne-t-elle un recours systématique aux membres du corps enseignant pour
tous les cas du département ?
Il est également nécessaire de s’interroger sur la manière dont réagissent ces
médecins non spécialistes face à la mission qui leur est confiée : comment perçoivent-ils
cette opération, la considèrent-ils comme une charge, un travail qui leur est imposé et dont
ils ne peuvent se libérer, ou au contraire, estiment-ils que l’autopsie est un autre moyen
d’apporter leur aide à la société, qu’elle fait partie intégrante de leur rôle de médecin qui
est de soulager les souffrances de leurs semblables ? L’autopsie est-elle envisagée, perçue
différemment par les sommités de la médecine légale et par les praticiens de campagne ?
La perception de cet examen, qui, d’une certaine façon, porte atteinte à l’intégrité de la
dépouille mortelle d’un individu, peut également être envisagée du point de vue des
profanes, de la communauté non scientifique. Un travail sur l’autopsie médico-légale
oblige à s’interroger sur l’attitude populaire vis-à-vis d’un acte qui pourrait paraître
sacrilège, mais amène également le chercheur à étudier dans quelle mesure cet examen,
singulier puisque étroitement lié à la justice, bouleverse tous les présupposés en matière de
réactions individuelles et collectives face à la mort et à sa manifestation la plus tangible, le
cadavre.
Les sources mobilisées pour la présente étude sont de plusieurs ordres permettant la
mise en perspective. L’essentiel du corpus des sources manuscrites est constitué par la
sous-série 2U des archives départementales, regroupant les dossiers des cours d’assises.
Toutes les affaires jugées en cour d’assises ne recèlent pas un examen médical post
mortem : il a donc été nécessaire d’effectuer une sélection des dossiers à consulter,
sélection basée essentiellement sur la qualification du crime ou délit jugé 139 . Par
conséquent, les affaires criminelles de la Vienne et des Deux-Sèvres, dans lesquelles un
individu a pu passer de vie à trépas, mais dont le décès ne transparaît pas dans l’appellation
du crime, échappent à l’analyse. En effet, on peut imaginer qu’un individu décède lors
d’un incendie, mais que cette mort ne soit pas retenue pour l’accusation et donc
n’apparaisse pas dans la qualification. D’autres affaires ont également été écartées du
corpus : toutes celles où la victime est parvenue à échapper, pour des raisons diverses et
variées, au trépas. Ainsi, tous les empoisonnements ou coups et blessures n’ont pas été
139 Le postulat est le suivant : toutes les affaires dans lesquelles il y a eu atteinte à la vie d’un individu
peuvent avoir donné lieu à la réalisation d’un examen cadavérique, soit les meurtres, assassinats, coups et
blessures ayant entraîné la mort, infanticides, homicides par imprudence, empoisonnements.
44

- Introduction générale -
retenus, puisque les victimes ont survécu à l’agression. Pour la même raison toutes les
tentatives de meurtre, d’assassinat, d’empoisonnement, ont aussi été laissées de côté. Ces
affaires, au cours desquelles aucune personne n’a perdu la vie, ont pu nécessiter une
expertise médicale et la présence d’un homme de l’art, mais celui-ci n’a jamais eu à
pratiquer une autopsie, tout au plus un examen des blessures.
La sous-série 2U des archives départementales de la Vienne rassemble les dossiers
de la cour d’assises de Poitiers de 1811, date de la création des cours d’assises à la place
des tribunaux criminels 140 , à 1900 141 . La période 1901-1915 est manquante. La “collection”
des dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort, conservée aux archives
départementales des Deux-Sèvres, est un peu plus complète, puisque commençant en l’an
X, soit en 1802 142 .
La série L, celle des archives de la période révolutionnaire comble une lacune
chronologique, celle comprise entre 1794-1795, début de l’étude qui nous occupe, et les
toutes premières années du XIX e siècle. Elle comporte notamment les dossiers des
tribunaux criminels. Cependant, ces archives posent deux problèmes au chercheur. Tout
d’abord, leur état de conservation est si mauvais qu’il est parfois impossible de les utiliser,
voire de les consulter. Ensuite, les dossiers, finalement communiqués et déchiffrés,
semblent très souvent incomplets : ne nous sont parvenus que les pièces du procès, celles
de la procédure d’enquête et d’instruction sont absentes. Cela signifie, dans le cas de cette
étude, qu’aucune indication d’autopsie ou d’examen cadavérique n’apparaît. En découle un
déséquilibre entre ce qui est pris en compte pour cette recherche, et les expertises qui ont
réellement été pratiquées : il ne peut être affirmé qu’un examen de la victime a été effectué
et que l’homme de l’art s’est contenté d’un rapport oral à l’autorité, ou au contraire qu’il
n’a même pas été pratiqué, puisque aucun document n’infirme ou ne confirme la présence
d’un médecin.
Dans la série L des archives départementales de la Vienne, se trouvent des dossiers
de procédures criminelles et de procédures correctionnelles, pour les tribunaux de Poitiers
et Châtellerault, de 1790 à l’an X 143 . Quant aux Deux-Sèvres, la sous-série L 2 ème
140 Robert Allen, Les tribunaux criminels sous la Révolution et l’Empire (1792-1811), traduit de l’anglais par
James Steven Bryant, Rennes, PUR, Histoire, 2005, 318 p.
141 A.D.V., 2U 531-1757, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers », 1811-1900.
142 A.D.D.-S., 2U 6-392, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort », an X-1914.
143 A.D.V., L 216-217, « Tribunaux civils et criminels », 1790-an X ; L Supplément 237-239, « Dossiers des
affaires de procédures correctionnelles de Châtellerault », an VI-an VIII ; L Supplément 240, « Dossiers des
affaires de procédures criminelles de Châtellerault », an VII-an VIII ; L Supplément 401-420, « Dossiers de
procédures criminelles », an III-an VIII ; L Supplément 423-437, « Tribunal correctionnel de Poitiers.
45

- Introduction générale -
supplément U recèle des dossiers de procédures criminelles jugées entre l’an IV et l’an
VII 144 , ainsi que des dossiers de procédures correctionnelles du tribunal de Bressuire, de
l’an V à l’an VIII 145 .
La consultation de la sous-série 3U, consacrée aux tribunaux correctionnels,
présente plusieurs intérêts. Tout d’abord, elle permet de combler certaines lacunes
chronologiques. Ensuite, elle apporte des exemples différents de ceux rencontrés dans les
dossiers d’assises : les affaires d’homicides involontaires ou par imprudence, qui pour la
majorité peuvent être considérées comme des morts accidentelles, ainsi que les affaires de
non-lieu, sont conservées dans les dossiers de procédures correctionnelles. Dans le cas de
la Vienne, le dépouillement des dossiers correctionnels permet en outre d’obtenir quelques
exemples d’autopsies postérieurs à 1900. Cependant, sur les quatre tribunaux
correctionnels existant dans ce département durant le XIX e siècle, seules les archives de
celui de Montmorillon sont conservées 146 . De plus, celles-ci ne commencent qu’en 1841,
c’est-à-dire qu’elles ne couvrent que la deuxième moitié de la période étudiée.
A l’inverse, les quatre tribunaux correctionnels des Deux-Sèvres sont conservés aux
archives départementales. Se présente alors un autre problème : l’absence de répertoire
détaillant les affaires contenues dans chaque liasse. Un dépouillement systématique de
toutes les liasses a donc été nécessaire pour retrouver celles qui concernaient la présente
étude. Un choix s’imposait : la consultation des dossiers du Tribunal de Première Instance
de Parthenay, pour avoir une base comparative avec Montmorillon, les deux villes étant
assez semblables au point de vue démographique et économique à cette époque, a semblé
pertinent ; de plus, les dossiers conservés pour le tribunal de Parthenay correspondent aussi
à la deuxième moitié du XIX e siècle, plus exactement de 1871 à 1896 et de 1910 à 1914 147 .
Ensuite, afin de compléter la période, il a semblé nécessaire de consulter les dossiers du
Tribunal de Première Instance de Bressuire, car ils couvrent les périodes 1801-1828 et
1876-1895 148 . La totalité du XIX e siècle n’est pas représentée : il manque les dossiers des
années 1829 à 1870 et des années 1897 à 1909, ce qui, cumulé, correspond à cinq
Dossiers de procédures », an IV-an VIII ; L Supplément 438-444, « Tribunal correctionnel de Poitiers.
Affaires à non-lieu ».
144 A.D.D.-S., L 2 ème Supplément U 28-40, « Dossiers de procédures criminelles », an IV-an VII.
145 A.D.D.-S., L 2 ème Supplément U 216-228, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de
procédures correctionnelles », an V-an VIII.
146 A.D.V., 3U 4 / 587-649, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures », 1841-1914.
147 A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles »,
1871-1896 et 1910-1914.
148 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles »,
an IX-1828 et 1876-1895.
46

- Introduction générale -
décennies. Néanmoins, ces quelques dossiers fournissent des exemples d’affaires au début
et à la fin de la période étudiée, ce qui permet certains constats.
Au final, le corpus d’affaires judiciaires, dans lesquelles un individu a perdu la vie,
s’élève à 690 cas différents. Dans ce recensement, chaque cas individuel est distingué : une
affaire criminelle peut comporter plusieurs victimes, et donc plusieurs examens
cadavériques. L’ensemble de la période est à peu près couverte. En effet, la multiplication
des sources a permis de combler la quasi-totalité des lacunes, seule la décennie 1800-1810
demeurant vierge de toute affaire dans le département de la Vienne. Ce corpus est assez
équilibré entre les deux départements : la Vienne fournit 337 affaires, contre 353 pour les
Deux-Sèvres. Près de la moitié de ces affaires concernent des nouveau-nés. Relativement à
l’objet qui nous occupe plus particulièrement, 80 % des affaires se déroulant dans la
Vienne mentionnent la pratique d’au moins un examen cadavérique quel qu’il soit, ce qui
en valeur absolue représente 319 affaires au cours desquelles il a été effectué un ou
plusieurs examens médicaux post mortem. La proportion s’élève aussi à 80 % dans les
Deux-Sèvres, mais avec un nombre réel légèrement plus élevé, de 324 affaires.
Le corpus constitué concerne uniquement les examens post mortem demandés dans
le cadre d’une enquête judiciaire. Or, il existe des cas où l’implication judiciaire est encore
à l’état larvaire, où l’autorité a besoin d’informations complémentaires avant de “lancer la
machine” : ce sont les suicides et les morts accidentelles 149 . Ces morts violentes et
suspectes nécessitent, en théorie, l’intervention d’un homme de l’art dont la mission est
principalement de déterminer la nature du décès et, par-là même, de s’assurer qu’il ne
s’agit pas d’un crime. Les examens demandés dans les cas de suicides et d’accidents ne
149 Sur le suicide et les accidents mortels en Poitou cf. trois mémoires de maîtrise ou master effectués sous la
direction de Frédéric Chauvaud : Céline Martel, Les morts violentes non criminelles dans la Vienne de 1830
à 1880 : Les suicides et les morts accidentelles, maîtrise d’histoire contemporaine, sous la dir. de Frédéric
Chauvaud, Université de Poitiers, 1996, 106-XII f° ; Julien Panou, Le suicide et la presse régionale dans le
département de la Vienne 1919-1938, master 1 d’histoire contemporaine, sous la dir. de Frédéric Chauvaud,
Université de Poitiers, 2005, 155 f° ; Mounia Zediallal, Le suicide dans le Poitou du XIX e siècle, phénomène
caché ou réalité dénoncée ?, maîtrise d’histoire contemporaine, sous la dir. de Frédéric Chauvaud, Université
de Poitiers, 2003, 133 f°.
François Terre (sous la dir. de), Le suicide, actes du colloque (13-14 janvier 1989) organisé par le Laboratoire
de Sociologie juridique de l’Université Panthéon-Assas (Paris 2) et l’Association française de Philosophie du
Droit, Paris, PUF, Droit, éthique, société, 1994, 230 p.
Les travaux sur le suicide se sont surtout intéressés à la condamnation judiciaire et à la sanction posthume
qu’il entraînait pour le suicidé. Voir, par exemple, Sophie Poirey, Droit, suicide, suicidés : Histoire d’une
condamnation, thèse pour le doctorat de droit mention histoire du droit, sous la dir. de Jean Bart, Université
de Bourgogne, 1995, 449 f° ; Lieven Vandekerckhove, La punition mise à nu. Pénalisation et criminalisation
du suicide dans l’Europe médiévale et d’Ancien Régime, traduit du néerlandais par Josiane Poulin, éd.
originale 1985, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2004, 180 p.
47

- Introduction générale -
sont pas effectués dans un cadre judiciaire, mais administratif ou policier, la réquisition
émanant le plus souvent du maire ou des gendarmes.
Dans ce cas, pourquoi s’intéresser à des constats de morts non criminelles dans une
étude portant uniquement sur l’autopsie judiciaire ? D’une part, comme il a été expliqué
précédemment, parce que les suicides et accidents sont à la charnière des simples constats
de décès, effectués lors d’une mort naturelle, et des expertises réalisées lors d’une
instruction judiciaire. D’autre part, cela permet d’apprécier les spécificités d’une autopsie
médico-légale demandée par une autorité judiciaire. Mais les cas de suicides et d’accidents
présentent un inconvénient, majeur pour la présente étude : un homme de l’art n’est pas
toujours appelé à venir examiner la personne décédée. Se pose alors le problème des
connaissances médicales du juge de paix, du maire ou des gendarmes, qui décident seuls
que l’individu a volontairement mis fin à ses jours ou que ce décès est consécutif à un
accident.
La difficulté de l’étude des suicides et des morts accidentelles vient de leur
éparpillement au sein des archives. Il est donc impossible de retrouver l’ensemble de ces
décès ; ce corpus est par conséquent partiel. Dans les archives départementales de la
Vienne, les suicides et les accidents sont principalement présents dans la sous-série 4M.
Une liasse entière est même consacrée aux rapports de gendarmerie et procès-verbaux
constatant des suicides entre 1830 et 1897 150 : ces procès-verbaux sont envoyés
régulièrement au préfet, afin de le tenir informé des morts volontaires ayant lieu dans son
département. A cela s’ajoute plusieurs liasses comportant les rapports bi-décadaires pour
1840, 1852, 1867 et 1899 151 : ces rapports, tableaux récapitulatifs des divers événements et
incidents s’étant déroulés dans le département, sont envoyés au préfet tous les cinq jours.
Avec ce type de sources, le chercheur est confronté à la subjectivité du rapporteur : certains
gendarmes ne mentionnent pas de façon systématique les morts non naturelles.
Aux archives départementales des Deux-Sèvres, les tableaux et les procès-verbaux
de gendarmerie se trouvent rassemblés dans une liasse de la sous-série 6M, couvrant la
période 1805-1845 152 . S’y trouvent des tableaux des suicides et morts accidentelles,
destinés soit au préfet, soit au Ministère de l’Intérieur.
La série U fournit également des affaires de suicides ou de morts accidentelles, de
manière encore plus ponctuelle et aléatoire. Il a été trouvé nombre de ces morts violentes
150 A.D.V., 4M 298, « Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des suicides », 1830-1897.
151 A.D.V., 4M 293-296, « Rapports bi-décadaires de la gendarmerie », 1840, 1852, 1867, 1899.
152 A.D.D.-S., 6M 8, « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de gendarmerie,
correspondance », 1805-1845.
48

- Introduction générale -
classées dans les archives des tribunaux correctionnels, de Montmorillon pour le
département de la Vienne, de Bressuire pour les Deux-Sèvres. Il est à remarquer, pour le
Tribunal de Première Instance de Bressuire, que les procès-verbaux de levée de corps, de
mort subite ou de suicide, sont très nombreux dans les premières décennies du XIX e siècle.
Or, ils disparaissent complètement des liasses de la seconde partie du siècle, du moins dès
les années 1870 pour ce qui a été consulté. On a l’impression que ces types de décès ne
sont plus, au fil des années, considérés comme relevant de la justice, mais de
l’administration ou de la police, et donc n’ont plus rien à faire au milieu des procédures
correctionnelles.
De plus, il a pu être relevé de façon extraordinaire quelques cas de suicide dans les
dossiers des cours d’assises : un ou une prévenu(e) met fin à sa vie pour échapper à la
justice ou au déshonneur. Ce type de suicide diffère légèrement de celui que l’on pourrait
qualifier de banal, à cause du contexte judiciaire dans lequel il a lieu : la justice étant déjà
en charge de l’affaire, c’est elle qui s’occupe des constatations concernant le suicide, et
non un de ses simples auxiliaires tel le maire, le juge de paix ou le gendarme. La procédure
habituelle est donc bouleversée.
Le recueil des suicides et des morts accidentelles, constitué aux archives
départementales de la Vienne et des Deux-Sèvres, bien que dépassant le millier de cas
recensés, ne représente qu’un échantillon, à la fois chronologique et géographique, du
corpus suicidaire et accidentel. Chronologique tout d’abord, puisque la totalité de la
période n’est pas couverte : les exemples concernent, pour les Deux-Sèvres, les années
1800 à 1829, puis les années 1840, et enfin quelques cas entre les années 1870 et 1890 ;
dans la Vienne, seul l’intervalle 1830-1911 est couvert. Géographique ensuite, car il y a
une sur-représentation des arrondissements dont les tribunaux correctionnels ont été
dépouillées, c’est-à-dire Bressuire, Montmorillon et Parthenay. En compilant les dossiers
d’affaires criminelles et correctionnelles aux suicides et accidents, le nombre d’examens
post mortem réalisés par les hommes de l’art des Deux-Sèvres s’élève à 491, et à 475 pour
leurs confrères de la Vienne, soit un total de 966. Sont compris dans ce chiffre tous les
types d’examens cadavériques, du simple constat de décès à l’autopsie la plus minutieuse,
en passant par la levée de corps.
L’un des objectifs étant aussi d’étudier les hommes qui pratiquent ces autopsies
judiciaires, en tant que groupe professionnel, il fallait récolter un certain nombre
d’informations concernant les hommes de l’art en activité dans le Poitou du grand XIX e
49

- Introduction générale -
siècle. Les praticiens de l’art de guérir, qu’ils soient médecins, chirurgiens ou officiers de
santé, sont tenus de se faire recenser auprès de la sous-préfecture, dans le but, notamment,
de lutter contre l’exercice illégal de la médecine 153 .
Les archives des préfectures sont conservées dans la série M. La sous-série 5M des
archives de la Vienne contient des registres et des listes d’homme de l’art exerçant dans le
département, entre l’an XI et 1924 154 . Ces listes sont classées en sous-série 6M dans les
Deux-Sèvres, et couvrent la période 1800-1945 155 . On retrouve également des affiches
présentant le tableau annuel des hommes de l’art en activité, dans le département, à un
moment donné. La série Z, les archives des sous-préfectures, offre également quelques
renseignements sur les médecins 156 . Ce recensement a été complété par la série X, celle des
hôpitaux et des bureaux de bienfaisance 157 , pour connaître les diverses fonctions et
responsabilités exercées par quelques-uns de ces praticiens. Les archives des Tribunaux de
Première Instance, la sous-série 3U, contiennent aussi des registres de médecins ou autres
professionnels de santé 158 . Pour finir, nombre d’éléments ont été “glanés” au fil de la
lecture des dossiers de cour d’assises de la sous-série 2U.
153
Loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1803), Titre IV : Enregistrement et listes des docteurs et des officiers de
santé.
Article 24 : « Les docteurs ou officiers de santé seront tenus de présenter dans le délai d’un mois,
après la fixation de leur domicile, les diplômes qu’ils auront obtenus, au greffe du Tribunal de Première
Instance et au bureau de la sous-préfecture de l’arrondissement dans lequel ils voudront s’établir ».
Article 25 : « Les commissaires du gouvernement (procureurs de la République) près les Tribunaux
de Première Instance adresseront en fructidor (août ou septembre) de chaque année, une liste certifiée des
médecins et chirurgiens anciennement reçus, et des docteurs et officiers de santé nouvellement reçus et
enregistrés aux greffes des tribunaux ».
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, pp. 894-895.
154
A.D.V., 5M 4-6, « Jury médical, Docteurs en médecine, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes,
visites pharmaceutiques », an XI-1859 ; 5M 44, « Liste des docteurs en médecine, chirurgiens, officiers de
santé », an XI-1901 ; 5M 267, « Personnel médical de la Vienne », 1900-1924.
155
6M 5/1, « Médecins, chirurgiens : statistiques, affiches, états nominatifs », 1800-1866 ; 6M 5/2,
« Médecins assermentés : affiches, correspondance », 1873-1945 ; 6M 7, « Médecins assermentés :
correspondance », 1836-1973.
156
A.D.D.-S., 1Z 5, « Procès-verbaux de prestations de serments de médecins », 1874-1949.
A.D.V., 3Z 17, « Sous-préfecture de Loudun. Etat des personnels de santé », 1819-1847 ; 3Z 184, « Hospice
de Loudun. Personnel-nominations (1818-1834) ; Renouvellement annuel de la commission administrative
de l’hospice et du bureau de bienfaisance de Loudun (1817-1903) » ; 4Z 48, « Sous-préfecture de
Montmorillon. Personnel médical », 1806-1828.
157
A.D.D.-S., 1X 12-13, « Hôpitaux-hospices. Commissions administratives et affaires générales », 1801-
1897 ; 2X 1-3, « Bureaux de bienfaisance. Affaires générales », an X-1915 ; 2X 173, « Bureau de
bienfaisance de Thouars. Affaires diverses », 1815-1947 ; 3X 46, « Médecine gratuite. Personnel », 1865-
1872 ; 3X 48, « Aliénés. Personnel (médecins, infirmiers, internes, préposés etc.), 1830-1932.
A.D.V., 1X, « Hospices et hôpitaux » ; 2X, « Bureaux de bienfaisance ». Pour la liste complète des
établissements concernés, cf. la présentation des sources à la fin de la présente étude.
158
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Registre d’enregistrement de diplômes de
médecins, chirurgiens, officiers de santé et sages-femmes », an IX-1868 ; 3U 1, « Tribunal de Première
Instance de Bressuire. Liste des chirurgiens, docteurs en médecine », an XII-1912 ; 3U 2, « Tribunal de
Première Instance de Melle. Registre des fonctionnaires (docteurs et officiers de santé) », an XI-1881 ; 3U 2
« Tribunal de Première Instance de Melle. Registres divers. Cahier d’inscription des nominations et
50

- Introduction générale -
En effectuant ce recensement, qui ne peut en aucune façon être exhaustif, plusieurs
difficultés ont été rencontrées. La première étant l’identification précise des médecins : les
homonymes sont assez fréquents, notamment au sein d’une famille, lorsque le père et le
fils portent le même prénom. Il peut, par conséquent, s’avérer ardu de déterminer quel est
l’homme de l’art qui a été requis comme expert. Le lien de parenté est également mal aisé
à établir : comment s’assurer que deux praticiens, ayant le même patronyme et demeurant
dans la même commune, sont ou ne sont pas parents, si aucune information supplémentaire
n’est apportée ? La deuxième difficulté réside dans le fait qu’il est rarement indiqué qu’un
homme de l’art est parti s’installer ailleurs, sauf pour quelques exceptions. Contrairement à
l’inscription sur les registres, la dés-inscription ne semble pas obligatoire. De plus, même
avec le recensement effectué annuellement, un flou demeure : un nom a-t-il disparu de la
liste parce que le praticien en question a pris sa retraite, a déménagé ou est décédé ? Le
seul cas où le déménagement est repérable est lorsqu’il s’effectue au sein du département,
ou entre les deux départements étudiés. Enfin, l’ultime difficulté rencontrée concerne le
diplôme véritablement possédé par l’homme de l’art. Au début de la période analysée, il
n’est pas rare de rencontrer un officier de santé se qualifiant, ou étant qualifié, de médecin
ou de chirurgien. Le titre et le diplôme sont donc deux choses distinctes et qui brouillent
encore un peu plus les pistes.
Le nombre de médecins recensés est donc modifié par ces difficultés : il a fallu
parfois indiquer deux fois le même nom, ne sachant si ces deux hommes de l’art ne
faisaient qu’un ou non. Tout en gardant à l’esprit ces imperfections de dénombrement, on
peut estimer que, sur la totalité du XIX e siècle, le département des Deux-Sèvres compte
près de 800 praticiens, alors que la Vienne en abrite près de 890. Il reste à déplorer
l’absence, dans ce corpus de sources manuscrites, d’archives privées émanant de médecins,
qu’ils soient experts ou non. Celles-ci auraient pu apporter nombre d’éléments sur la
manière dont les hommes de l’art perçoivent l’expertise judiciaire, cet exercice annexe à
leur activité principale, sur la pratique de l’examen lui-même, sur les relations qu’ils
entretiennent avec les magistrats ou les autres médecins experts. Les documents privés
prestations de serment des huissiers, gardes, notaires, docteurs, sages-femmes, etc. », 1884-1904 ; 3U 4,
« Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dépôt de diplômes (médecins, officiers de santé, pharmaciens,
sages-femmes », 1827-1958.
A.D.V., 3U4 / 450, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Registre des officiers de santé, chirurgiens,
médecins et sages-femmes », 1823-1958.
51

- Introduction générale -
consultés aux archives départementales de la Vienne et des Deux-Sèvres n’apportent aucun
élément à ce sujet 159 .
La seconde catégorie de sources se compose de sources imprimées. Si les archives
doivent informer sur la pratique et les circonstances de l’autopsie médico-légale, les
sources imprimées apportent des indications sur les doctrines et les préceptes relatifs, tant à
l’acte, qu’aux hommes qui s’y adonnent. Ces sources peuvent être divisées en trois
groupes, apportant chacun une approche différente et nécessitant, par conséquent, une
méthodologie distincte.
Le premier groupe comprend des ouvrages, dictionnaires, manuels, traités et autres
précis, rédigés par les maîtres de la discipline. Ces écrits présentent les théories, idées et
techniques défendues par les diverses Facultés de médecine du pays. Un tel corpus permet
d’appréhender l’évolution de la science et les améliorations techniques. En outre, la
littérature savante sert à transmettre des conseils ou, a contrario, à faire des reproches aux
autres théoriciens et praticiens de la médecine légale : c’est le lieu de confrontation des
théories. Enfin, ces ouvrages regorgent d’expériences et d’observations effectuées par les
auteurs eux-mêmes, qui sont autant d’indications sur les pratiques des grandes villes
françaises, sur les centres d’élaboration des connaissances médico-légales.
Une grande part des documents consultés est constituée par le fonds de l’Ecole de
médecine de Poitiers, déposé au Fonds Ancien de la Bibliothèque Universitaire. La
consultation d’un tel fonds permet de savoir quels ouvrages possédaient cette Ecole et par-
là même à quelles œuvres les étudiants, les professeurs, voire les praticiens de Poitiers et
de ses alentours, avaient accès 160 . En revanche, les ouvrages conservés à la Médiathèque de
Poitiers doivent être considérés avec plus de prudence, leur provenance n’étant pas
toujours indiquée, ce qui laisse alors planer un doute quant à leur accessibilité publique 161 .
159 A.D.V., J 108, « Quelques notes médicales et scientifiques du Dr Ayrault (XVIII e -XIX e siècles) » ; J 582,
« Papiers de Maximin Bertault (officier de santé) ».
A.D.D.-S., 16 J, « Fonds de la famille du Dr Guyonnet » ; 21 J, « Fonds du Dr Louis Merle ».
160 Sur les enjeux et les rapports à la production écrite et aux bibliothèques dans la France du XIX e siècle, cf.
les remarques de Jean Quéniart, Les Français et l’écrit, Paris, Hachette, Carré Histoire, 1998, pp. 212-226.
Sur la constitution des bibliothèques cf. Dominique Varry (sous la dir. de), Histoire des bibliothèques
françaises, t. 3 : Les bibliothèques de la Révolution et du XIX e siècle (1879-1914), Paris, Editions du Cercle
de la Librairie-Promodis, 1991, 671 p.
161 La consultation de la collection de la Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine (BIUM) permet de
mettre celle de l’Ecole de Poitiers en perspective et de la compléter. La BIUM est la plus grande bibliothèque
de médecine française. Elle a entrepris, depuis quelques années, une numérisation de ses collections
anciennes, notamment des dictionnaires et des revues. Leur consultation en ligne est possible sur le site de la
bibliothèque, sur la base Medic@ (http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica.htm)
52

- Introduction générale -
Le premier sous-ensemble est composé d’ouvrages généraux de médecine légale.
Le fonds de l’Ecole de médecine est chronologiquement déséquilibré. Si le premier tiers du
XIX e siècle offre les principaux auteurs importants de la période, Jean-Jacques Belloc 162 ,
Joseph Briand 163 , François Chaussier 164 , François-Emmanuel Fodéré 165 , Paul Mahon 166 et
Mathieu Orfila 167 , les deux autres tiers sont bien moins fournis. Sont disponibles les
ouvrages d’Henri Bayard 168 , une nouvelle édition du manuel de Joseph Briand, rédigé en
collaboration avec Ernest Chaudé 169 , ainsi que le précis de Charles Vibert 170 . Parmi les
autres ouvrages fondamentaux consultés, citons les deux éditions du traité d’Alphonse
Devergie 171 , les différentes publications d’Alexandre Lacassagne 172 et la synthèse presque
testamentaire de Gabriel Tourdes 173 .
Le deuxième sous-ensemble est encore plus restreint. Il comprend les publications
didactiques sur la réalisation des autopsies judiciaires. Deux seulement se trouvent dans le
fonds de l’Ecole de médecine de Poitiers, et datent du début du siècle : le traité de Marc 174
et la participation de Renard 175 à un ouvrage collectif sur la médecine légale, regroupant
des travaux fournis par François Chaussier à ses étudiants, qu’il reprendra quelques années
plus tard dans son Recueil 176 . La majorité des sources qui ont été consultées sont
162 Jean-Jacques Belloc, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1801, 2 ème éd. corr. et
augm., Paris, Méquignon, 1811, XXXII-368 p.
163 Joseph Briand, J.-X. Brosson, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821, nouvelle édition, Paris,
Chaudé, 1828, VIII-648 p.
164 François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit., XXIV-519 p.
165 François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit.
166 Paul Mahon, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1807, 3 t., XXX-366 + 506 + 248 p.
167 Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1821 et 1823, 2 t., XIV-737 et XVIII-
503 p.
Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 2 ème éd. rev., corr. et augm., Paris, Béchet
Jeune, 1828, 2 t., 541 + 592 p.
168 Henri Bayard, Manuel pratique de médecine légale, Paris, Germer Baillière, 1844, VIII-529 p.
169 Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, VIII-1016 p.
170 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896.
171 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, 2 t., 483 + 400 p.
Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1837, 3 ème éd. entièrement refondue, avec
le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin
Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer Baillière, 1852, 3 t., XVI-743 + 840 + 848 p.
172 Alexandre Lacassagne, Précis de médecine judiciaire, Paris, Masson, 1878, 576 p.
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert, du
juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, Lyon, Storck, 1892, VIII-271 p.
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert, du
juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, 1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm., Lyon,
Storck, 1900, XIV-307 p.
173 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit.
174 Charles Marc, Manuel d’autopsie…, op. cit.
175 M. Renard, « Considérations médico-légales… », art. cit., pp. 83-134.
176 François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit.
53

- Introduction générale -
conservées dans d’autres lieux. Les manuels consacrés à la pratique des examens
cadavériques traitent en priorité de ceux effectués dans un but scientifique, mais
n’omettent pas en général de fournir quelques éléments sur la version judiciaire : ce sont
les ouvrages d’André Bergé 177 , de Désiré Magloire Bourneville et Paul Bricon 178 , d’Emile
Goubert 179 , de Thomas Harris 180 , de Maurice Letulle 181 , de Gustave Roussy et Pierre
Ameuille 182 , et pour ce qui est de la seule autopsie médico-légale, de Léon Thoinot 183 .
A l’inverse, le fonds de l’Ecole de médecine est riche en dictionnaires de sciences
médicales, ce qui permet de pallier les éventuels manques en matière d’ouvrages
spécialisés. Le premier tiers du siècle voit émerger trois publications différentes : le
Dictionnaire des sciences médicales 184 appelé aussi Dictionnaire Panckoucke, le
Dictionnaire abrégé des sciences médicales 185 , qui, comme son titre l’indique, est un
abrégé du précédent, et le Dictionnaire de médecine 186 . Durant la seconde moitié du XIX e
siècle, est publiée la référence en matière de dictionnaire médical, le Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales 187 , appelé “Dechambre” du nom de son principal
directeur. Le fonds de l’Ecole de médecine de Poitiers comporte également la nouvelle
édition 188 d’un dictionnaire publié dans les années 1830, le Dictionnaire de médecine et de
chirurgie pratiques 189 , et dont le coordinateur est Sigismond Jaccoud. Enfin, est conservé
dans ce fonds un dictionnaire datant de la première décennie du nouveau siècle, la Pratique
177 André Bergé, Guide de l’étudiant à l’hôpital. Examen clinique. Autopsies, Paris, Gauthier-Villards et
Masson, Encyclopédie scientifique des aide-mémoire, s.d., 210 p.
178 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique des autopsies, Paris, Delahaye et
Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, XII-240 p.
179 Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses applications à l’anatomie
pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première partie, Paris, Germer Baillière, 1867, XLIX-
519 p.
180 Thomas Harris, Manuel d’autopsies ou méthode de pratiquer les examens cadavériques au point de vue
clinique et médico-légal, traduit de l’anglais par H. Surmont, Bruxelles, Manceaux, 1888, X-90 p.
181 Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903, IV-
546 p.
182 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies et de recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris, Octave Doin, 1910, VIII-432 p.
183 Léon Thoinot, L’autopsie médico-légale, Paris, Baillière, 1910, 102 p.
184 Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al. Paris, Panckoucke, 1812-
1822, 60 t.
185 Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s. l. [Paris],
Panckoucke, 1821-1826, 16 t.
186 Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1821-1828,
21 t.
187 Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre (1864-1885, en
codirection avec Raige-Delorme pour quelques volumes jusqu’en 1880), puis de Léon Lereboullet (1886-
1889), Paris, Asselin et Masson puis Asselin&Houzeau et Masson, 1864-1889, 100 t.
188 Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris,
Baillière, 1865-1888, 40 t.
189 Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. d’Andral, Bégin, Blandin et al., Paris,
Gabon, Méquignon-Marvis et Baillière, 1829-1836, 15 t.
54

- Introduction générale -
médico-chirurgicale dirigée par Brissaud, Pinard et Reclus 190 . Tous ces lexiques médicaux
renferment de nombreux articles ayant trait à la médecine légale et à l’autopsie.
Le second groupe de sources imprimées rassemble des revues et des périodiques
médicaux. Dans la continuité de ce processus intellectuel, considérant le fonds de l’Ecole
de médecine comme révélateur des connaissances théoriques disponibles à Poitiers et dans
ses environs, il semblait pertinent de s’intéresser aux autres procédés de diffusion. En effet,
ces publications présentent nombre d’avantages sur les ouvrages : fréquence et réactivité
accrue face aux découvertes, modicité de leur coût, variété des disciplines scientifiques
concernées, synthèse des recherches. En outre, les périodiques médicaux sont, non
seulement des lieux de concentration des informations, mais également de centralisation.
Nombre de médecins provinciaux sont des correspondants de ces journaux et transmettent
les observations ou découvertes qui ont pu être réalisées dans leur région. Ainsi, grâce aux
revues et autres périodiques médicaux, l’homme de l’art dispose de la quasi-totalité des
dernières avancées scientifiques, en un laps de temps plutôt restreint, et réunie dans une
seule publication.
Dans la présente étude, trois revues ont été soumises à un dépouillement complet.
La première est considérée comme la revue de médecine légale du XIX e siècle : ce sont les
Annales d’hygiène publique et de médecine légale 191 , fondées en 1829 par plusieurs
autorités médico-légales, parmi lesquelles Alphonse Devergie, Mathieu Orfila et Charles
Marc. Malgré plusieurs changements de titre et scissions, la revue perdure de nos jours. Le
deuxième périodique, plus récent et d’une durée de vie plus courte, a déjà été mentionné :
il s’agit des Archives d’anthropologie criminelle 192 , qui, au fil des années, connaissent
quelques petites modifications dans leurs sous-titres. Cette revue est fondée en 1886 par
Alexandre Lacassagne, Henry Coutagne et R. Garraud, et s’achève en 1915, victime de la
guerre de 1914-1918. Chacune de ces revues représentent une école de pensée médico-
légale française : les Annales étant une émanation de la Faculté de médecine de Paris, les
Archives étant la vitrine de la science médico-légale lyonnaise. Le dernier périodique
dépouillé ne s’attache pas exclusivement à la médecine légale, mais à toutes les branches
190 Pratique médico-chirurgicale, sous la dir. d’E. Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris, Masson, 1907, 6 t.
191 Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Gabon, Cochard et Baillière, 1829-1922, 1 ère
série, 50 volumes, 2 ème série, 50 volumes, 3 ème série, 50 volumes, 4 ème série, 38 volumes.
192 Archives d’anthropologie criminelle, Lyon, Storck et Rey, 1886-1915, 29 volumes.
Martine Kaluszynki y a consacré sa thèse : La criminologie en mouvement. Naissance et développement
d’une science sociale en France à la fin du XIX e siècle. Autour des Archives d’anthropologie criminelle
d’Alexandre Lacassagne, doctorat en histoire contemporaine, sous la dir. de Michelle Perrot, Université Paris
VII, 1988, 3 t., 989 p.
55

- Introduction générale -
médicales : il s’agit du Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des
médecins praticiens 193 , fondé par Just Lucas-Championnière.
A l’image du fonds de l’Ecole de médecine de Poitiers, les revues, ainsi que les
travaux des sociétés savantes, permettent de prendre la mesure de l’intérêt pour tel ou tel
sujet. Il faut distinguer deux catégories de publications, apportant chacune leur
problématique : d’une part les revues locales, c’est-à-dire publiées dans la région étudiée,
et d’autre part, celles réalisées par d’autres zones géographiques, mais disponibles dans
cette même région. Les premières sont, en quelque sorte, le reflet et la vitrine de la
production scientifique d’une région déterminée. Les secondes doivent être regardées
comme des outils de diffusion d’un savoir. Là encore, le Fonds Ancien de la Bibliothèque
Universitaire et la Médiathèque de Poitiers ont fourni l’essentiel des périodiques consultés.
Le Poitou diffuse plusieurs publications médicales, à la fin du siècle : le Poitou
médical, les Archives médico-chirurgicales du Poitou, et un Journal scientifique et médical
de Poitiers 194 . De plus, les sociétés médicales situées à Niort et à Poitiers disposent
chacune de leur bulletin 195 . Quelques publications de sociétés savantes des départements
voisins arrivent jusqu’à Poitiers, notamment de Tours et de Nantes 196 . Outre, le Journal de
médecine et de chirurgie pratiques déjà mentionné, les périodiques nationaux disponibles à
Poitiers sont le Journal des connaissances médico-chirurgicales, le Bulletin des sciences
médicales, et La Chronique médicale 197 . Quant aux sociétés médicales parisiennes, qui
tiennent lieu de référence nationale, quelques numéros des travaux de l’Académie royale
de médecine, de la Société de chirurgie et de la Société d’émulation médicale sont présents
dans la capitale poitevine 198 .
193
Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Plassan, Decourchant,
Schneider&Langrand, Crapelet, Lahure et Daix, 1830-1915, 86 volumes. La publication se poursuit jusque
dans les années 1980.
194
Archives médico-chirurgicales du Poitou, 1906-1914, 1922, 1924. La revue prend le titre d’Archives
médico-chirurgicales de Province en 1909.
Journal scientifique et médical de Poitiers, 1909-1914.
Poitou médical, 1886-1914.
195
Bulletin de la Société de médecine de Poitiers, 1858-1866, puis, Bulletin de la Société des sciences
médicales de Poitiers, Poitiers, Fayoux, 1897-1908. A partir de 1909, le Bulletin est intégré au Journal
scientifique et médical de Poitiers.
Recueil des travaux de la Société de médecine de Niort, 1841-1843.
196
Journal de la section de médecine de la Société académique du Département de la Loire-Inférieure, 1835-
1836, 1841-1843. Il devient ensuite le Journal de médecine de Nantes.
Précis de la constitution médicale observée dans le département d’Indre et Loire, 1820-1854. En 1833, le
bulletin prend le titre de Recueil des travaux de la Société médicale de Tours.
197
Bulletin des sciences médicales, sous la dir. de Férussac, Paris, 1824-1831.
La Chronique médicale, revue bimensuelle, sous la dir. de Cabanès, 1898-1917.
Journal des connaissances médico-chirurgicales, mensuel publié par Armand Trousseau, Jacques Lebaudy et
Henri Gourand, 1833-1844.
198
Mémoires de l’Académie royale de médecine, 1828-1870.
56

- Introduction générale -
Pour compléter ces deux types de sources imprimées, il avait été envisagé de
consulter les thèses de médecine dont le sujet avait trait à la pratique médico-légale. En
effet, cette production scientifique particulière peut être considérée comme un reflet des
connaissances locales, permettant de cerner les champs de recherches spécifiques aux
diverses Facultés de médecine, et même de dégager des écoles de pensée distinctes selon
les Universités. De plus, dans la mesure où la Bibliothèque de Sciences de l’Université de
Poitiers dispose d’une collection relativement importante de thèses réalisées dans les plus
grandes Facultés de médecine, il s’agissait d’aborder cette documentation comme une autre
source de diffusion des théories élaborées et des travaux effectués dans ces lieux
d’émulation scientifique. Or, lors de la consultation de quelques-unes de ces thèses, il s’est
avéré que l’hypothèse n’était pas pertinente. L’utilisation de cette production scientifique
estudiantine est vivement remise en cause par la présence de livrets encore non-découpés
dans la plupart d’entre elles.
Le corpus documentaire se compose donc de sources diverses et variées. Les
archives départementales constituent le premier niveau de lecture : la pratique de l’autopsie
judiciaire dans ce qu’elle a de plus concret, les chairs meurtries et fouillées par les mains
du médecin. Les sources imprimées apportent, elles, une approche théorique, une vision
par le haut de l’examen cadavérique, presque aseptisée. Enfin, les périodiques médicaux
servent de relais entre ces deux angles d’approche : ni tout à fait locaux, ni tout à fait
nationaux, ils s’étirent pour rassembler les deux réalités de l’autopsie médico-légale.
La présente étude se divise en trois parties. La première partie pose les cadres
institutionnels et humains de l’autopsie médico-légale. Il s’agit de s’intéresser aux relations
qu’entretiennent hommes de loi et hommes de l’art à travers trois indices : la procédure de
réquisition du médecin comme expert, la rédaction du rapport d’autopsie, et enfin la
difficile professionnalisation des praticiens et la formation médico-légale qui leur est
dispensée ou qu’ils peuvent acquérir.
La deuxième partie est consacrée aux contraintes professionnelles comme
individuelles, ou a contrario aux libertés, qui peuvent constituer l’expertise cadavérique.
La présence du “facteur” judiciaire est alors bien souvent déterminante à ce sujet,
Mémoires de la Société de chirurgie de Paris, 1847-1857.
Mémoires de la Société médicale d’émulation de Paris, 1798-1801.
57

- Introduction générale -
puisqu’elle fait varier la manière dont l’acte est appréhendé, tant par les médecins que par
l’opinion publique.
Enfin, la troisième partie s’attache aux conditions d’exercice et aux dangers que
véhiculent l’activité cadavérique dans un but judiciaire. L’urgence et la diversité des
situations requièrent une capacité d’adaptation et d’improvisation des hommes de l’art, eu
égards au lieu de l’examen et au matériel à disposition. En outre, le contact fréquent avec
des corps en voie de décomposition est une source de risques et de désagréments
indéniables, pour les praticiens comme pour la population environnante.
58

Première partie
« MEDECIN AU RAPPORT » POUR LA
JUSTICE :
PRECARITE DU STATUT DE L’EXPERT
ET NORMALISATION DU RAPPORT
D’AUTOPSIE
59

Introduction
- Première partie. « Médecin au rapport » pour la justice -
Les liens qui unissent justice et médecine trouvent leur origine dans l’Antiquité, à
travers les légendes mythologiques. La justice est personnifiée par Thémis, déesse de la
Loi, de la famille des Titans. Seconde épouse de Zeus, elle est à l’origine des oracles, des
rites et des lois. Elle transmet aussi à Apollon les procédés de la divination 1 . Or, Apollon
est le père d’Asclépios, héros et dieu de la Médecine. Initié à l’art de guérir par le centaure
Chiron, Asclépios pratique une médecine empreinte de magie. Alors que son père informe
les hommes des calamités ou des événements futurs, par l’intermédiaire des oracles,
Asclépios tente lui d’enrayer la marche du destin en trouvant un moyen pour ressusciter les
morts. Son intervention devenant une menace pour l’ordre du monde, Zeus le foudroie 2 . A
travers de telles légendes, sourdent les prémices des relations tumultueuses entretenues par
les pouvoirs publics, la justice et la médecine.
Parmi les acteurs du “théâtre judiciaire”, plusieurs ont déjà fait l’objet d’études
historiques : les victimes 3 , les témoins 4 , les magistrats 5 , les avocats 6 ou encore les experts 7 .
Les médecins experts représentent un corps singulier, tant au sein des experts judiciaires
qu’au sein des praticiens de l’art de guérir. Les médecins experts entretiennent, de facto,
des relations avec les autorités qui les requièrent, relations qui mêlent collaboration
professionnelle, connivence sociale et rapports de force.
L’influence du travail expertal sur le déroulement de l’instruction d’une affaire et
sur les décisions des magistrats a donné lieu à de nombreux travaux, amorcés par ceux de
1 ère
Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, préface de Charles Picard, 1 éd. 1951,
4 ème éd. revue, Paris, PUF, 1969, p. 110.
2
Ibid., pp. 53-54.
3
Benoît Garnot (sous la dir. de), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, actes du colloque de Dijon (7-8
octobre 1999) organisé par le Centre d’études historiques sur la criminalité et les déviances de l’Université de
Bourgogne, Rennes, PUR, Histoire, 2000, 535 p.
4
Benoît Garnot (sous la dir. de), Les témoins devant la justice. Une histoire des statuts et des comportements,
actes du colloque de Dijon (4-5 octobre 2001) organisé par l’UMR Georges-Chevrier de l’Université de
Bourgogne, Rennes, PUR, Histoire, 2003, 444 p.
5 e
Vincent Bernaudeau, La justice en question : histoire de la magistrature angevine au XIX siècle, préface de
Jacques-Guy Petit, Rennes, PUR, Histoire, 2007, 349 p.
Frédéric Chauvaud, Le juge, le tribun et le comptable, avec la collaboration de Jean-Jacques Yvorel, Paris,
Anthropos, Historiques, 1995, 413 p.
6 e
Serge Defois, Les avocats nantais au XX siècle. Socio-histoire d’une profession, préface de Jean-Claude
Farcy, postface de Jean Danet, Rennes, PUR, Histoire, 2007, 397 p.
7 e e
Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire : France, XIX et XX siècles, avec la collaboration de
Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche pour le GIP Mission de Recherche Droit et
Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, 283 p.
61

- Première partie. « Médecin au rapport » pour la justice -
Michel Porret 8 . En revanche, peu d’études se sont penchées sur l’incidence de
l’introduction du facteur “judiciaire” dans la pratique d’une médecine qui précisément
répond à la sollicitation de l’instance en question. L’expertise médicale est commandée,
dirigée et destinée à la justice. Le magistrat, personnification de l’institution, devient-il le
maître de l’expertise judiciaire ? Pour maintenir son ascendant, la justice se focalise-t-elle
uniquement sur l’acte d’expertise ou, au contraire, s’immisce-t-elle au cœur de la science
médico-légale et essaye-t-elle de maintenir sous son emprise le corps des experts ?
Pour appréhender les relations qu’entretiennent médecins experts et autorités
judiciaires, trois thèmes ont été retenus. Tout d’abord la procédure de réquisition, premier
contact entre le requérant et le requis. Ensuite, le rapport d’expertise, ou d’autopsie dans le
cas présent, à la fois concrétisation de la mission confiée et matériau sur lequel le magistrat
peut s’appuyer. Le document produit par le médecin s’avère conditionné en grande partie,
tant dans sa forme que dans son contenu, par le public à qui il est destiné. Enfin, la
formation médico-légale dispensée aux praticiens de l’art de guérir, ainsi que les moyens
employés par les instances dirigeantes pour freiner ou limiter la spécialisation et la
professionnalisation de quelques hommes de l’art, dans l’exercice de la médecine
judiciaire.
8 Voir pour le siècle des Lumières, l’étude que Michel Porret a publié sur l’expertise judiciaire de la scène de
crime : Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertises judiciaires à Genève (XVIII e -XIX e
siècle), Montréal, Presses Universitaires de Montréal, Collection « Socius », 2008, 288 p.
62

Premier chapitre
LA REQUISITION DES MEDECINS EXPERTS :
MAITRISER LES HOMMES POUR MAITRISER L’ACTE
L’instruction judiciaire d’une affaire criminelle met en interaction des individus qui
s’affrontent ou s’entraident, mais qui d’une manière ou d’une autre doivent échanger des
points de vue, des informations. Les individualités associées, durant un même événement
judiciaire, sont les témoins, les gendarmes ou les policiers, les victimes, les suspects, les
magistrats et les éventuels experts. S’instaure alors un dialogue entre les différents acteurs
de l’enquête, dialogue qui peut être court-circuité par des difficultés de communication. Le
dossier d’instruction est construit sur des échanges relevant plus du rapport de force que de
la collaboration, et par conséquent, sur des relations dont l’équilibre est fragile.
L’autorité requérante et l’homme requis sont liés car ils ne peuvent exister l’un sans
l’autre 1 . D’un côté, l’expert ne connaît d’existence concrète 2 que s’il est appelé par la
justice ; le reste du temps, il est un simple homme de l’art. Il dépend de la justice car elle
seule peut lui conférer son titre d’expert. Ce constat est, par ailleurs, confirmé par
l’obligation du médecin à prêter serment à chaque fois qu’il est appelé comme expert. Le
renouvellement de serment signifie que le titre d’expert ne lui est donné que pour cette
mission précise, et seulement pour celle-ci. D’un autre côté, les autorités ont besoin des
médecins experts pour leur fournir un certain nombre d’informations, les guider dans
l’instruction de l’affaire, voire déclencher des enquêtes : le doute d’un médecin quant à la
nature du décès justifie que la justice s’y intéresse plus sérieusement.
La dépendance de deux univers, judiciaire et médico-légal, crée des rapports
ambigus dont les manifestations apparaissent dès le premier contact entre les médecins et
les autorités judiciaires : la réquisition. L’autopsie médico-légale permet d’appréhender le
phénomène réquisitoire des experts médicaux. Il convient en premier lieu d’en étudier les
1 La nature du lien entre le juge et l’expert a été abordée par Frédéric Chauvaud dans l’ouvrage qu’il a
consacré aux experts judiciaires, Experts et expertise judiciaire : France, XIX e et XX e siècles, avec la
collaboration de Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche pour le GIP Mission de
Recherche Droit et Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, pp. 240-244.
2 Bien que le décret en date du 21 novembre 1893, instaure les listes d’experts auprès des tribunaux, le statut
d’expert reste subordonné aux missions confiées par les magistrats au gré des instructions criminelles. Cf. le
chapitre 3.
63

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
facteurs humains, soit qui procède à la réquisition et qui la reçoit, puis son processus,
révélateur d’un souci de contrôle par la magistrature.
I) LA REQUISITION : UN POUVOIR PARTAGE
La justice est une organisation hiérarchisée avec de multiples ramifications
auxquelles certaines décisions peuvent être déléguées : le tribunal de première instance
intervient dans le ressort de l’arrondissement, la justice de paix dans celui du canton, le
maire, la police et la gendarmerie sur le territoire municipal. A chaque échelon sont
dévolus un champ d’action, des prérogatives. Qu’en est-il du recours aux médecins experts
en matière de décès suspect ou soudain ?
A) Dans les textes officiels
La réquisition d’un homme de l’art n’est pas un acte anodin, accordé à n’importe
quel quidam. Faire appel à un médecin, en dehors du cadre habituel de son activité, c’est-à-
dire le soin des malades et le traitement des pathologies, est un privilège. Par conséquent,
un certain nombre de textes délimite ce privilège, bien qu’une relative part d’ombre
demeure.
Le Code d’instruction criminelle, qui, comme son nom l’indique, fixe le cadre
réglementaire des procédures à suivre en matière criminelle ou délictueuse depuis 1808,
année de son instauration, contient plusieurs articles relatifs aux expertises judiciaires. Le
premier d’entre eux, l’article 43, concerne l’expertise au sens large et stipule que « le
procureur de la République se fera accompagner d’une ou deux personnes présumées, par
leur art ou leur profession, capables d’apprécier, la nature et les circonstances du crime
ou du délit » 3 . D’autres articles, répartis dans plusieurs chapitres de ce code, complètent les
droits de réquisition par des magistrats. Tout d’abord, l’article 59 définit les prérogatives
du juge d’instruction : « le juge d’instruction, dans tous les cas réputés flagrants délits,
3 Charles Vibert, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd. 1885, 4 ème éd. rev. et
corr., Paris, Baillière, 1896, p. 68.
64

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
peut faire directement et par lui-même tous les actes attribués au procureur de la
République » 4 . Ensuite, l’article 269 s’intéresse au président de tribunal :
« le président des assises pourra, dans le cour des débats, appeler, même par mandat
d’amener, et entendre toutes personnes, ou se faire apporter toutes nouvelles pièces qui lui
paraîtraient, d’après les nouveaux développements donnés à l’audience, soit par les
accusés, soit par les témoins, pouvoir répandre un jour utile sur le fait contesté » 5 .
D’autres articles concernent les administrations municipale et policière, ainsi que la
justice de paix. L’article 49 déclare :
« dans les cas de flagrant délit, ou dans le cas de réquisition de la part d’un chef de
maison, ils [les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les commissaires généraux de la
police] dresseront les procès-verbaux, recevront les déclarations des témoins, feront les
visites et autres actes qui sont, auxdits cas, de la compétence des procureurs de la
République, le tout dans les formes et suivant les règles établies au chapitre des procureurs
de la République » 6 .
L’article suivant, confère les mêmes droits aux maires et aux commissaires de police : « les
maires, adjoints de maires et les commissaires de police recevront également des
dénonciations et feront les actes énoncés en l’article précédent, en se conformant aux
mêmes règles » 7 .
Dernière administration à laquelle le Code d’instruction criminelle accorde un droit
de réquisition : la préfecture. L’article 10, attribue au préfet des compétences en matière
policière et, par conséquent, en termes de réquisition d’expertises :
« les préfets des départements, et le préfet de police à Paris, pourront faire
personnellement, ou requérir les officiers de police judiciaire chacun en ce qui le
concerne, de faire tous actes nécessaires à l’effet de constater les crimes, délits et
contraventions, et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir ».
D’autre part, le Code civil, antérieur de quatre années au Code d’instruction
criminelle, contient déjà un article traitant de l’expertise médicale. En effet, il est
mentionné à l’article 81 :
« lorsqu’il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d’autres circonstances qui
donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l’inhumation qu’après qu’un officier
de police, assisté d’un docteur en médecine ou en chirurgie aura dressé procès-verbal de
l’état du cadavre, et des circonstances y relatives ainsi que des renseignements qu’il aura
pu recueillir sur les noms, prénoms, âge et profession, lieu de naissance et domicile de la
personne décédée » 8 .
4 Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique de jurisprudence médicale, préface de Henri Roger,
introduction de Paul Brouardel, Paris, Masson, 1890, p. 197.
5 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, pp. 114-115.
6 Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., pp. 196-197.
7 Ibid., p. 197.
8 François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, Paris, Mame, 1813, t. 2,
p. 334.
65

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Enfin, une décision du garde des Sceaux, rapportée par Joseph Briand et Ernest Chaudé
dans leur manuel de médecine légale, rappelle que le procureur de la République est le seul
à pouvoir juger si une autopsie est nécessaire et, par conséquent, à pouvoir donner les
réquisitions convenables 9 .
De nombreuses discussions ont abordé l’éventualité d’accorder à la défense, au
prévenu directement ou via son avocat, la possibilité de requérir son propre expert. Comme
toutes les autres améliorations apportées au droit du prévenu, la réquisition d’un expert par
la défense doit servir de garantie quant à la neutralité et à l’exactitude de l’examen
effectué. Cependant, un certain nombre de facteurs contrecarre la mise en place de ce qui
sera rapidement désigné par l’expression d’“expertise contradictoire” 10 . Louis Pénard
souligne les risques professionnels encourus par l’homme de l’art « qui accepte la
délégation qu’un défenseur lui propose » 11 : « s’il accepte une délégation privée, s’il
apparaît devant la justice, à un moment inattendu, comme sortant à l’improviste d’une
trappe quelconque, il perdra en grande partie l’autorité d’un véritable expert » 12 . En
outre, la désignation de l’expert médical étant indépendante du cadre législatif sur lequel
repose le paiement des honoraires des experts judiciaires, le montant demandé par
l’homme de l’art pour service rendu à la défense est libre 13 . De là à soupçonner certains
praticiens d’être vénaux, il n’y a qu’un pas 14 . Or, la communauté médicale souhaite
empêcher l’opinion publique et les autorités de le franchir. D’aucuns préfèrent envisager
un procédé qui restaure l’équilibre expertal. Un projet d’expertise contradictoire est discuté
au sein de la communauté médico-judiciaire, puis récupéré par les pouvoirs publics. Il
s’agit de permettre à l’inculpé, non présent au cours de l’expertise, de désigner un
professionnel qui le représente, qui assiste à l’ensemble des opérations et qui peut
9
Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, contenant un Traité élémentaire de
chimie légale par H. Gaultier de Claudry, 1 ère éd. 1821, 5 ème éd., Paris, Neuhaus, 1852, p. 27.
10
Le chapitre 4 revient pour en détail sur les débats relatifs à l’expertise contradictoire et sur la question de
l’indépendance des experts judiciaires.
11
Louis Pénard, « Redites au sujet des experts en matière de médecine légale », Société de médecine légale
de France (séance du 7 mai 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883,
3 ème série, t. 10, p. 58.
12
Ibid.
13
« Séances de la Société de médecine légale de France », Société de médecine légale de France (séance du 9
avril 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883, 3 ème série, t. 9, p. 512.
14
Sur les rapports qu’entretiennent les médecins experts avec l’argent, cf. le chapitre 4.
66

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
demander la réalisation de constatations particulières. Néanmoins, il ne peut les pratiquer
et demeure un observateur 15 .
Malgré tout, certains auteurs craignent la connivence, ou soupçonnent une
connivence, entre l’inculpé et son expert. La solution proposée contre un tel risque est que
le prévenu fasse son choix au sein de la liste officielle d’experts, établie par les tribunaux 16 .
Le projet de loi Cruppi, qui réglemente l’expertise contradictoire, indique dans son article
3 que « la désignation dudit ou desdits experts est immédiatement notifiée à l’inculpé, qui
a le droit de choisir sur la liste annuelle qui lui est communiquée un nombre égal
d’experts » 17 . En outre, nombreux sont ceux qui alertent leurs confrères contre l’éventualité
de dissension entre les deux médecins experts, choisis l’un par la justice et l’autre par
l’inculpé. Si la présence de deux savants leur apparaît comme primordiale, il leur semble
impératif que ceux-ci soient requis par la seule autorité judiciaire 18 . Ainsi, en cas de
conclusions divergentes, le seul facteur pris en considération est leur compétence
scientifique et leur pouvoir de persuasion. Mais, un autre problème apparaît alors :
comment départager les deux experts ? Une telle situation impose le recours à un tiers
arbitre, lui-même choisi sur la liste officielle, ce qui soulève la question de sa légitimité en
tant qu’arbitre expertal. En définitive, le principe de l’expertise contradictoire semble poser
plus de difficultés qu’il ne résout de problèmes. Elle ne sera d’ailleurs jamais instituée, le
projet Cruppi croupissant encore dans les tiroirs du Sénat plus de dix ans après sa
présentation à l’assemblée de députés en 1899 19 .
En résumé, à travers ces divers textes législatifs, il apparaît que le recours à un
médecin, pour constater les causes d’un décès et réaliser une expertise judiciaire, incombe,
dans les cas de flagrant délit, tout d’abord à des magistrats, au premier rang desquels se
trouvent le procureur ou l’un de ses substituts, puis le juge d’instruction et le président du
tribunal ou de la cour. Ensuite, en cas d’empêchement, le procureur peut déléguer ses
15 Paul Brouardel, « De l’organisation et de la pratique de la médecine légale en France », Société de
médecine légale de France (séance du 14 janvier 1884), Annales d’hygiène publique et de médecine légale,
Paris, Baillière, 1884, 3 ème série, t. 11, p. 183.
16 La mise en place des listes officielles d’experts est abordée plus longuement dans le chapitre 3.
17 Georges Morache, « L’expertise et le choix des experts », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1900, 3 ème série, t. 43, p. 349.
18 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises médico-légales », Société de médecine légale de France
(séance du 18 février 1884), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1884, 3 ème
série, t. 11, p. 347.
19 Firmin Dervieux, « L’inscription des experts médicaux sur les listes des tribunaux », Compte-rendu du III e
Congrès de médecine légale de langue française (Paris, 26-28 mai 1913), Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1913, 4 ème série, t. 20, p. 562.
67

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
pouvoirs à un officier de police judiciaire. Cette expression comprend les commissaires de
police, les officiers de gendarmerie, les juges de paix, les maires et leurs adjoints. Enfin,
dans des circonstances particulières, les préfets des départements et le préfet de police,
pour Paris, peuvent également procéder à une réquisition d’expert.
En revanche, les réquisitions nécessaires au cours d’une instruction classique, ne
relevant pas du flagrant délit, ne peuvent être faites que par le juge d’instruction 20 . Toute la
difficulté réside donc, pour les officiers de police judiciaire, à décider si l’affaire en
question relève ou non du flagrant délit, d’où une certaine confusion, dans la pratique de la
réquisition en matière d’expertise médicale.
B) Dans la pratique judiciaire
Avant la réorganisation du système juridique français et l’instauration des divers
codes qui le réglementent, instauration initiée en 1791 et achevée durant le Premier
Empire, les affaires criminelles sont jugées par le Parlement 21 . Les magistrats des
présidiaux s’occupent d’instruire et de juger les affaires judiciaires de moyenne gravité, et
ne sont, par conséquent, jamais confrontés à des enquêtes relatives à un décès violent ou
suspect. La mise en place des Codes, civil, pénal, d’instruction criminelle, décentralise les
compétences en matière d’affaires criminelles et permet aux magistrats locaux d’en
prendre en charge l’instruction.
1) Une ou plusieurs instances requérantes
Le corpus de plus de 600 affaires, constitué principalement à partir des dossiers de
cours d’assises des Deux-Sèvres et de la Vienne jugés entre 1795 et 1915, permet
d’aborder concrètement les procédures de réquisition des médecins chargés de réaliser des
autopsies médico-légales. Il a, tout d’abord, été possible d’effectuer un recensement des
instances procédant à la réquisition d’un expert médical. Comme il est indiqué dans les
tableaux 1 et 2 (cf. annexe 1), ces instances, qualifiées de requérantes, ont été classées en
deux catégories distinctes : celles agissant seules et celles travaillant en collaboration avec
une autre instance juridique. Il est indiqué sous le vocable « Une seule instance » les cas
20 Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., p. 203.
21 Fabrice Bernard, Le rôle et la place des médecins et des chirurgiens dans la procédure d’établissement du
corps du délit en matière d’atteinte contre les personnes entre 1750 et 1759 ou l’art de « rédiger des procèsverbaux
» de visitation au présidial de Poitiers, maîtrise d’histoire moderne, Université de Poitiers, 1998,
f° 27.
68

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
pour lesquels la réquisition, ou les éventuelles réquisitions successives d’un homme de
l’art, émane d’une seule et même autorité. Il s’agit, en règle générale, du juge d’instruction,
du procureur, du juge de paix ou du maire. D’autres administrations ont été rencontrées,
mais relevant souvent du cas unique, elles sont regroupées dans une sous-catégorie
« Autres » : ce sont, par exemple, des réquisitions faites par les gendarmes 22 ou le
commissaire de police 23 .
Les réquisitions effectuées en « Collaboration » rassemblent deux procédés
différents : soit la première instance se chargeant de l’affaire effectue une réquisition, puis
une autre instance, prenant la suite de l’instruction, demande une seconde expertise et, par
conséquent, procède à une autre réquisition ; soit deux instances collaborent dès le début et
demandent de concert une réquisition, ce qui signifie que l’expert est appelé par les deux
administrations. Les “binômes” rencontrés sont de plusieurs natures : soit le juge
d’instruction est associé au juge de paix, au maire ou au procureur, soit ce dernier
collabore avec le juge de paix. Là encore une sous-catégorie « Autres » complète le spectre
des alliances possibles.
Une troisième catégorie nommée « Ignore » parachève ce recensement. Cette
catégorie inventorie les affaires criminelles au cours desquelles aucune expertise médicale
n’a été effectuée et donc il n’y a pas eu réquisition d’un médecin. Il peut arriver également
que l’instance ayant demandé l’expertise demeure inconnue, ou que l’expertise se soit
déroulée sans qu’une réquisition émanant d’une quelconque administration ait été faite,
l’homme de l’art ayant pris la décision de procéder à un examen de son propre chef.
18%
Graphique 1 : Répartition des instances
requérantes dans les affaires criminelles des Deux-
10% Sèvres (1795-1915).
72%
Une seule instance
En collaboration
Ignore
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
69
A travers les tableaux 1 et
2, il apparaît qu’une très grande
majorité des réquisitions
auxquelles il est procédé au cours
des affaires criminelles poitevines,
en matière d’expertise médico-
légale, relève d’une instance
juridique unique. La part de cette
catégorie représente près des trois quarts des affaires consultées, plus précisément 72%
22
A.D.D.-S., 2U 6, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide avec préméditation »,
nivôse an X.
23
A.D.D.-S., 2U 141, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », septembre 1833.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
pour les Deux-Sèvres (graphique 1) et 74% pour la Vienne (graphique 2). Quant aux
experts requis par plusieurs instances, leur part s’élève à environ un cinquième des affaires
criminelles, soit 18% dans les Deux-Sèvres, et 20% dans la Vienne.
20%
Graphique 2 : Répartition des instances
requérantes dans les affaires criminelles de la
6%
Vienne (1795-1915).
70
Cependant, cette répartition
n’est pas uniforme sur la totalité du
XIX e siècle. Pour visualiser ces
fluctuations, un découpage
chronologique de la période
étudiée a été effectué, selon une
méthode tout à fait indépendante
des moments charnières relatifs à
la réquisition d’expert. En effet,
datant toutes des trois premières décennies du XIX e siècle, ces étapes n’ont pas semblé
présenter de pertinence. La chronologie retenue contient cinq périodes, regroupant chacune
entre 20 et 25 années.
74%
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Une seule instance
En collaboration
Ignore
Les graphiques ci-dessous, établis grâce aux tableaux 3 et 4 (cf. annexe 2)
permettent de visualiser l’évolution de la répartition entre instance requérante unique et
collaboration de plusieurs d’entre elles. Si la part des réquisitions effectuées par une seule
instance demeure, pour les deux départements, entre 60 et 80% durant la période, elle
connaît néanmoins, une baisse continue entre 1820 et 1890, en ce qui concerne le
département de la Vienne, et une évolution irrégulière, alternant augmentations et reculs,
pour les Deux-Sèvres. Dans la Vienne (graphique 4), le pourcentage d’affaires pour
lesquelles une seule autorité a requis des expertises médico-légales, chute de 82% pour la
période 1795-1819 à seulement 66% pour les années 1870-1889, au profit des
collaborations entre diverses instances qui, elles, croissent spectaculairement, passant de
3% à 28%. Dans les Deux-Sèvres (graphique 3), la part des réquisitions faites en
collaboration fait un bond assez important entre la première et la troisième période, passant
de 11% à 21%, puis à 29%, mais cette croissance est surtout due au recul des affaires ne
fournissant pas de renseignement sur les autorités qui effectuent la réquisition. Cette part
diminue pour la période 1870-1889, tombant à 9%, au profit des instances uniques qui,
elles, atteignent 78% des affaires, puis elle augmente de nouveau pour retrouver des
proportions plus habituelles, 24%. Comment peut-on expliquer ce phénomène de
croissance des collaborations entre diverses autorités après 1820 ? Pour cela, il faut

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
s’intéresser de plus près aux instances qui effectuent les réquisitions pour les expertises
médicales.
Graphique 3 : Répartition chronologique des instances
requérantes dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
Affaires
(1975-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-
1819
1820-
1849
1850-
1869
1870-
1889
Sources : ADDS, L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
71
1890-
1915
Années
Ignore
Collaboration
Une seule instance
Graphique 4 : Répartition chronologique des instances
requérantes dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795- 1820- 1850- 1870- 1890- Années
1819 1849 1869 1889 1915 Ignore
Collaboration
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Une seule instance

Sur les graphiques ci-
contre, il apparaît clairement que
la majorité des réquisitions est
effectuée par le juge d’instruction,
seul ou en association avec un
autre officier de police judiciaire.
Le magistrat instructeur est à
l’origine du recours à un médecin
dans 56% des cas, dans le
département de la Vienne
(graphique 5), et dans 48% des
affaires deux-sévriennes
(graphique 6). En additionnant
les alliances possibles que le juge
d’instruction peut contracter lors
d’une enquête, la part des
réquisitions où il est impliqué
atteint 75% pour la Vienne
(graphique 7), et 61% pour les
Deux-Sèvres (graphique 8).
6%
7%
19%
21%
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
2) Le juge d’instruction, roi de la réquisition
Graphique 7 : Répartition des collaborations d’instances
requérantes dans les affaires criminelles de la Vienne
(1795-1915).
47%
32%
Graphique 5 : Répartition des catégories
d’instances requérantes agissant seules dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
1%
4%
Juge d'instruction
22%
Procureur
3%
3%
17%
Juge d'instruction & Juge de paix
Juge d'instruction & Maire
Juge d'instruction & Procureur
Procureur & Juge de paix
Autres
Graphique 6 : Répartition des catégories
d’instances requérantes agissant seules dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
72
14%
56%
48%
Juge de paix
Maire
Autres
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
Juge d'instruction
Procureur
Juge de paix
Maire
Autres
Sources : ADDS, L 2 ème
Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
19%
20%
Graphique 8 : Répartition des collaborations d’instances
requérantes dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
(1795-1915).
11%
9%
73
41%
Juge d'instruction & Juge de paix
Juge d'instruction & Maire
Juge d'instruction & Procureur
Procureur & Juge de paix
Autres
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Cependant, l’hégémonie du juge d’instruction s’effectue progressivement, comme
l’illustrent les graphiques suivants. Ce n’est qu’à partir du mitan du XIX e siècle que la part
des réquisitions demandées par un juge d’instruction dépasse les 50%. Durant les périodes
antérieures, le juge de paix joue un rôle important au cours des premières heures de
l’enquête, prenant régulièrement l’initiative de requérir lui-même un médecin et de lui
confier l’examen post mortem de la victime. Jacques-Guy Petit indique, dans l’introduction
à un ouvrage collectif sur la justice de paix, que cette justice connaît son « apogée au
temps des notables », et principalement de la monarchie de Juillet au début de la Troisième
République 24 . Eu égard aux affaires consultées, ce déclin semble plus précoce, puisqu’il
tend à s’amorcer au
cours de la
monarchie de
Juillet. La part des
réquisitions faites
par un juge de paix,
exerçant dans la
Vienne, n’est que de
23% durant la
période 1820-1849,
alors qu’elle atteint
les 82% au cours de la période précédente (graphique 9).
24 Jacques-Guy Petit (sous la dir. de), Une justice de proximité : la justice de paix (1790-1958), Paris, PUF,
Collection « Droit et justice », 2003, p. 11.
Graphique 9 : Evolution chronologique des réquisitions faites par
une seule instance,
Affaires dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-
1819
1820-
1849
1850-
1869
1870-
1889
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
1890-
1915 Années
Autres
Maire
Juge de paix
Procureur
Juge
instruction

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Graphique 10 : Evolution chronologique des réquisitions faites
par une seule instance,
Affaires dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-
1819
1820-
1849
1850-
1869
1870-
1889
1890-
1915
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
74
Années
Autres
Cette disparition de
la justice de paix
dans les instances
requérantes est
plus progressive en
Deux-Sèvres : de
76% en 1795-1819,
la part des
réquisitions
effectuées par le
juge de paix seul,
chute à 38% en 1820-1849, puis à 12% en 1850-1869 (graphique 10). La résistance
apparente des juges de paix deux-sévriens trouve peut-être son explication dans l’analyse
du corpus de sources qui a été constitué. En effet, plus de dossiers correctionnels ont été
dépouillés dans les archives des Deux-Sèvres, eu égard au fait que seul le tribunal
correctionnel de Montmorillon est disponible aux archives départementales de la Vienne.
Or, les dossiers du tribunal correctionnel de Bressuire couvrent notamment la période
1801-1828, période au cours de laquelle la justice de paix est très active et souvent seule
responsable des dossiers jugés en correctionnel, puisque ces affaires sont relatives à ce que
la justice actuelle qualifie d’homicide involontaire. Preuve en est que sur les 27 dossiers de
justice correctionnelle correspondant à la première étape du découpage chronologique
retenu, outre les 14 cas pour lesquels aucune information n’est disponible en matière
d’autorité requérante, 8 réquisitions ont été faites par le juge de paix 25 .
Le recul des magistrats de la justice de paix, à partir des années 1820, semble
indiquer une tendance à la patience dans la procédure d’enquête : le juge de paix attend
l’arrivée du magistrat instructeur avant de prendre une décision importante, comme la
réalisation d’une autopsie judiciaire. L’officier de police judiciaire, qu’il soit maire, juge
de paix ou encore gendarme, procède à la réquisition d’un homme de l’art, mais au fil du
siècle l’examen effectué se borne à constater le décès, établir si celui-ci paraît suspect, et
par conséquent justifier le déclenchement d’une instruction criminelle.
25 A.D.D.-S., L 2 ème Supplément U 216 à 228, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de
procédures correctionnelles », an V-an VIII, et 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers
de procédures correctionnelles », an IX-1828.
Maire
Juge de paix
Procureur
Juge
d'instruction

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Le 22 février 1877, le commissaire de police central de Poitiers est informé par la
rumeur publique qu’un homme est décédé le matin, vers 5 h., suite à une chute qui s’est
produite la veille au soir, sur l’angle de la margelle d’un puits. Pour s’assurer des
circonstances de ce décès, le commissaire s’adjoint les services du Dr Georges Aucher,
médecin à Poitiers 26 . Ce dernier examine le corps et constate la présence d’une bosse
sanguine au crâne, causée probablement par un instrument contondant 27 . Le commissaire
est alors persuadé qu’il s’agit d’un crime, et fait, par conséquent, prévenir « les autorités
judiciaires », vers 5-6 h. du soir 28 . Dès le lendemain, le juge d’instruction se rend au
domicile de la victime, accompagné des médecins requis pour procéder à l’autopsie, les
Drs Guy Vételay et Georges Aucher, ainsi que du procureur de la République et d’un
greffier 29 . Un tel exemple d’attente pourrait s’expliquer par la localité où il se déroule,
Poitiers, d’une part chef-lieu d’arrondissement abritant un tribunal d’instance, mais
également préfecture du département de la Vienne, ville où se réunit la cour d’assises.
C’est donc le lieu d’exercice par excellence des juges d’instruction et des procureurs, et
attendre leur venue sur les lieux du crime ne semble pas si étonnant. Mais cet apprentissage
de la patience, et de la prudence, touche aussi les officiers de police judiciaire exerçant
dans des localités plus éloignées du tribunal d’instance dont ils dépendent.
En août 1895, le juge de paix de Ménigoute, canton des Deux-Sèvres, est informé
par les gendarmes qu’un corps de nouveau-né a été retiré, par leurs soins, de la fosse
sauvage dans laquelle il avait été enterré, dans les bois de la commune de Chantecorps. Ce
village est situé à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de l’arrondissement, Parthenay.
Pourtant, après avoir demandé à Paul Prévost, médecin à Ménigoute, de procéder à la visite
du corps, et avoir obtenu confirmation de sa part que l’enfant est né à terme et vivant 30 , le
juge de paix attend l’arrivée du procureur de la République avant de poursuivre ses
investigations. Il fait alors replacer le petit cadavre dans l’armoire, utilisée une première
fois par les gendarmes pour mettre à l’abri la dépouille en attendant l’arrivée du
représentant de la justice de paix 31 . Finalement, ce n’est que le lendemain que l’autopsie
26
A.D.V., 2U 1701, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », Procès-verbal de
police et certificat de décès, le 22 février 1877.
27
Ibid., Certificat du Dr Aucher, le 22 février 1877.
28
Ibid., Procès-verbal de police et certificat de décès, le 22 février 1877.
29
Ibid., Procès-verbal de constat des lieux, le 23 février 1877.
30
A.D.D.-S., 2U 357, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité »,
Rapport du médecin de Ménigoute, le 15 août 1895.
31
Ibid., Procès-verbal de constat, le 15 août 1895.
75

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
sera pratiquée, par le médecin accompagnant le juge d’instruction du tribunal de
Parthenay 32 .
Ce phénomène se confirme en étudiant les alliances mises en place par les diverses
autorités impliquées dans une affaire criminelle. Le graphique 11 présente les fluctuations
chronologiques de ces associations pour le département de la Vienne : les collaborations
entre un magistrat, que ce soit le procureur ou le juge d’instruction, et l’un de leur
représentant au niveau local, c’est-à-dire le maire ou le juge de paix, sont les plus
nombreuses : leur part varient entre 70% et 75%. Pour les affaires des Deux-Sèvres, la part
de ces alliances varient entre 61% et 94%, selon les périodes (graphique 12).
Graphique 11 : Evolution chronologique des réquisitions faites par
une association d’instances requérantes, dans les affaires criminelles
Affaires
de la Vienne (1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-
1819
1820-
1849
1850-
1869
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
32 Ibid., Rapport du médecin légiste, le 20 août 1895.
1870-
1889
76
1890-
1915
Années
Autres
Procureur & Juge de
paix
Juge d'instruction &
Procureur
Juge d'instruction &
Maire
Juge d'instruction &
Juge de paix

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Graphique 12 : Evolution chronologique des réquisitions faites par
une association d’instances requérantes, dans les affaires criminelles
Affaires
des Deux-Sèvres (1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-
1819
1820-
1849
1850-
1869
1870-
1889
Sources : ADDS, L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
77
1890-
1915
Années
Autres
Procureur & Juge de
paix
Juge d'instruction &
Procureur
Juge d'instruction &
Maire
Juge d'instruction &
Juge de paix
Si l’on rapproche ces deux graphiques de ceux présentés plus haut (graphiques 3 et
4), il est alors possible d’expliquer la croissance des collaborations, entre 1820 et 1889, par
une sorte de lutte de territoire entre représentants de la justice. Les maires et juges de paix
sont les premiers arrivés sur les lieux d’un crime. Forts de leur titre d’officier de police
judiciaire, et donc de délégué du procureur, ils estiment de leur droit de requérir un homme
de l’art pour obtenir le maximum d’informations possibles. Néanmoins, ils ressentent
également de plus en plus le besoin de se décharger de certaines responsabilités, et
informent, par conséquent, le procureur qu’un crime a potentiellement été commis. Ainsi,
les affaires criminelles où le juge d’instruction procède de concert avec une autre autorité
judiciaire se multiplient.
Alors que l’année 1872 est sur le point de s’achever, un cadavre est découvert
flottant sur la Vienne, dans le village de Millac. Le juge de paix du canton de L’Isle-
Jourdain, prévenu par le maire de la commune, se transporte sur les lieux, accompagné de
son greffier et de deux médecins. Après avoir fait porter le corps dans une grange, à l’abri
du froid et d’éventuels curieux, il requiert les deux hommes de l’art de procéder à la visite
du cadavre, en d’autres termes de constater si des traces de violence sont présentes, et si,
par conséquent, il est possible que ce décès soit le résultat d’un acte criminel. Léon Angry
Landonnière, médecin à L’Isle-Jourdain, et son confrère d’Availles, Jean Tafforin,
examinent la dépouille, relèvent plusieurs contusions et rapportent verbalement au juge de

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
paix que ce corps « porte des traces évidentes de violence » 33 . Devant la confirmation qu’il
est en présence d’un crime, et non d’un simple accident, le juge de paix fait placer le corps
dans une bière, y appose les scellés, fait déposer le cercueil dans une chambre attenante à
l’école, et prévient le procureur de la République de l’arrondissement de Montmorillon. Le
lendemain, le juge d’instruction arrive à Millac avec son greffier et le Dr Ducellier,
médecin qu’il adjoint aux deux hommes de l’art déjà présents pour pratiquer un examen
post mortem plus approfondi 34 .
En résumé, il est à retenir que la plupart des réquisitions en matière d’expertises
médico-légales émane d’une seule instance judiciaire. En outre, au fil du XIX e siècle, le
juge d’instruction est le plus souvent cette instance. L’autopsie cadavérique, consécutive à
des morts violentes et criminelles, devient donc l’apanage du magistrat instructeur. La
précision du qualificatif “criminelles” est importante, puisque toute mort suspecte n’est pas
obligatoirement d’origine criminelle. Or, les décès volontaires ou accidentels nécessitent
aussi qu’un homme de l’art soit requis pour constater la nature du trépas.
C) Suicides et morts accidentelles : originalité des réquisitions
expertales ?
Une mort non naturelle est, par définition, suspecte, et les décès par suicide ou
accident font en toute logique partie de cette catégorie. La mort survient, dans un cas
comme dans l’autre, de manière soudaine, avec une relative violence : un cou brisé par une
corde, une asphyxie consécutive à l’inhalation d’un liquide, un corps écrasé par une roue
de charrette, les exemples sont légion. Tel cet homme examiné en juin 1821, par Louis
Baillon de la Paretière, chirurgien à Tourtenay. Le suicide par pendaison a laissé des traces
sur son corps. Elles sont relevées par l’homme de l’art : les jugulaires sont engorgées, les
lèvres béantes, la langue sort d’un demi pouce de la bouche et le larynx est comprimé 35 . Un
autre exemple l’atteste : en mars 1893, un garçonnet de 27 mois, ainsi que sa mère qui
tentait de l’écarter de la route, sont renversés par une voiture. D’après l’examen effectué
par le médecin, le corps de l’enfant présente un écoulement de sang par l’oreille et une
plaie contuse à la face, preuves de la violence du choc 36 .
33 A.D.V., 3U 4 / 600, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Assassinat »,
Procès-verbal du juge de paix, le 10 décembre 1872.
34 Ibid., Procès-verbal de transport, le 11 décembre 1872.
35 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Suicide (arme à feu) », Certificat du médecin, le 26 juin 1821.
36 A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence et blessure par imprudence », Rapport médical, le 5 mars 1893.
78

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
A ces trépas dans lesquels la violence est visible, il convient d’ajouter ceux sans
explication flagrante, et qualifiés de “mort subite”. Un homme de 62 ans s’installe à une
table dans une auberge en mai 1899. A peine a-t-il commandé de quoi se sustenter qu’il
s’effondre sur la table. Le Dr Guillon, qui est appelé pour constater la mort, et rédiger le
certificat de décès, conclu à une « apoplexie foudroyante », la dépouille ne comportant
aucune trace de violence 37 . Il n’en demeure pas moins que ce décès, très étrange au
premier abord, est susceptible de receler un acte criminel. Or, selon les articles 81 du Code
civil 38 et 44 du Code d’instruction criminelle 39 , toute mort violente, suspecte, subite ou
inexpliquée, doit donner lieu à un examen médical du défunt. Par conséquent, le recours à
un homme capable de décrypter ce trépas est nécessaire. En l’occurrence, la question est de
savoir qui fait appel à des médecins, dans les cas susnommés.
1) La constitution du corpus suicidaire et accidentel
La réalisation de statistiques sur les suicides et morts accidentelles n’est pas chose
aisée. Tout d’abord, les documents relatifs à ces décès particuliers sont éparpillés. Le
chercheur a parfois la chance de trouver des liasses dans lesquelles ils sont regroupés,
comme c’est le cas aux archives départementales de la Vienne 40 . Mais, même dans une
telle situation, la totalité des cas de suicides n’y est pas classée. Il est nécessaire alors de
les collecter au fil du dépouillement, dans des liasses rassemblant des rapports de
gendarmerie concernant des enquêtes de diverses natures 41 . D’autres exemples de suicides
et de morts accidentelles ont été trouvés au sein des dossiers de procédures correctionnelles
ou de cour d’assises 42 . Au final, se constitue un petit corpus d’enquêtes relatives à des
37 A.D.V., 4M 296, « Rapports bi-décadaires et procès-verbaux de gendarmerie. Mort subite (apoplexie
foudroyante) », Certificat du médecin, le 29 mai 1899.
38 Article 81 du Code civil : « lorsqu’il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d’autres
circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l’inhumation qu’après qu’un officier
de police, assisté d’un docteur en médecine ou en chirurgie aura dressé procès-verbal de l’état du cadavre,
et des circonstances y relatives ainsi que des renseignements qu’il aura pu recueillir sur les noms, prénoms,
âge et profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée ».
Cité dans François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 334.
39 Article 44 du Code d’instruction criminelle : « s’il s’agit d’une mort violente, ou d’une mort dont la cause
soit inconnue et suspecte, le procureur de la République se fera assister d’un ou de deux officiers de santé
qui feront leur rapport sur les causes de la mort et sur l’état du cadavre ».
Cité dans Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 68.
40 A.D.V., 4M 298, « Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des suicides », 1830-1897.
41 A.D.V., 4M 293 à 296, « Rapports bi-décadaires de la gendarmerie », 1840, 1852, 1867 et 1899.
A.D.D.-S., 6M 8 « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de gendarmerie,
correspondance », 1805-1845.
42 A.D.D.-S., 2U 6 à 392, « Dossiers de procédures de la cour d’assises de Niort », an X-1914.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles », an
IX-1895.
79

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
morts volontaires ou accidentelles, mais ce corpus est très incomplet. De plus, les
informations contenues dans nombre de ces archives sont parcellaires. Les tableaux
réalisés par les gendarmes des Deux-Sèvres consistent en un simple recensement des
suicides et accidents, sans plus d’indications sur les circonstances, les éventuelles
personnes présentes, le recours à un médecin pour constater les faits. Dernière précision
quant à la construction des statistiques concernant les suicides et morts accidentelles : les
homicides par imprudence classés avec les affaires criminelles, car jugés aux assises, n’ont
pas été ajoutés aux accidents. Bien que les circonstances de ces décès soient finalement
reconnues comme accidentels ou involontaires, ils dépendent de la cour d’assises dans la
mesure où un individu est susceptible d’être tenu pour responsable de l’événement.
Malgré ces lacunes, quelques chiffres ayant trait aux réquisitions d’homme de l’art
ont pu être établis. Ceux-ci se basent uniquement sur les cas de suicides et morts
accidentelles pour lesquels le recours à un médecin est précisé. Par conséquent, bon
nombre de ces affaires ont dû être exclues car elles auraient faussé les résultats, provoquant
une sur-représentation de la
catégorie « Ignore » des
instances requérantes. Les
tableaux 5 et 6 (cf. annexe 3)
regroupent les diverses
personnalités qui ont eu recours
à un médecin, pour constater les
morts volontaires ou
accidentelles qui se sont
produites dans le Poitou.
5%
6%
Graphique 13 : Répartition des instances
requérantes dans les suicides et morts accidentelles
des Deux-Sèvres (an VII-1893).
2% 11%
39%
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles »,
1871-1914.
A.D.V., L Supplément 423 à 437, « Tribunal correctionnel de Poitiers. Dossiers de procédures », an IV-an
VIII.
A.D.V., 3U 4 / 587 à 649, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures », 1841-1914.
Pour une analyse plus complète de ces sources, cf. l’introduction générale.
80
37%
Juge de paix
Maire
Juge d'instruction / Procureur
Gendarmes / Police
Famille
Ignore
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 4.

32%
2%
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Graphique 14 : Répartition des instances
requérantes dans les suicides et morts accidentelles
de la Vienne (an IV-1914).
17%
Juge de paix
Maire
14%
18%
17%
Gendarmes / Police
Famille
Autres
Ignore
Sources : ADV, L Supplément,
3U 4, 4M.
81
Fort est de constater
qu’a contrario des réquisitions
effectuées dans le cadre d’une
affaire criminelle, celles
réalisées en matière de suicides
et d’accidents sont l’apanage
des autorités judiciaires locales
(le maire et le juge de paix),
des forces de sécurité
(gendarmerie et police), voire des proches du défunt. En effet, comme il apparaît sur les
graphiques 13 et 14, ces instances représentent 66% des réquisitions faites dans le
département de la Vienne, et atteignent 83% en Deux-Sèvres.
Ce phénomène peut s’expliquer, tout d’abord, par les périodes couvertes par les
sources. Dans les Deux-Sèvres, la première moitié du XIX e siècle, domine. Or, il a déjà été
expliqué précédemment, au sujet des affaires criminelles, que les premières décennies de la
chronologie retenue font la part belle au juge de paix et à l’administration municipale.
Néanmoins, dans le département de la Vienne, cet argument n’est pas aussi pertinent,
puisque la période concernée s’étend des années 1830 aux premières années du siècle
naissant. Une autre explication peut alors être avancée : les circonstances de ces décès
laissent fortement penser qu’ils relèvent d’un suicide ou d’un accident. Par conséquent, les
autorités prévenues se rendent sur place avec une idée préconçue de la nature du trépas, et
se considèrent compétentes pour ce constat. Il leur arrive, par acquis de conscience, de
recourir à un homme de l’art qui confirme ou infirme ce postulat de départ, et dans ce
dernier cas, elles préviennent les instances judiciaires.
Le 1 er juillet 1899, la gendarmerie de Saint-Julien, département de la Vienne, est
informée par lettre express qu’un homme de 79 ans s’est tué en chutant dans une carrière.
Le brigadier de gendarmerie, accompagné d’un de ses hommes, se rend sur place, et prend
la déclaration du gendre du défunt. Son beau-père n’étant toujours pas rentré après le dîner,
il s’est mis à sa recherche et l’a découvert agonisant au fond de la carrière, portant une
blessure à la tête. Le maire s’étant transporté sur les lieux, ordonne de porter le blessé à son
domicile. Malgré les soins qui lui ont été prodigués, l’homme succombe. A partir de cette
déclaration, complétée par un examen des lieux du drame, les gendarmes n’hésitent pas à

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
affirmer que la mort « paraît purement accidentelle » 43 . Cette assertion est confirmée par
Yvonnet, médecin à Saint-Julien, qui, après examen du défunt, déclare que la mort est due
à une fracture du crâne. Sans autre tergiversation, le maire délivre le permis d’inhumer 44 .
Dans certaines circonstances, l’examen médical ne paraît même pas nécessaire à
l’officier de police judiciaire effectuant les premières constatations. C’est cette liberté que
s’autorise le suppléant du juge de paix d’Argenton-Château. Informé le 25 juin 1821, par le
maire d’une commune du Maine-et-Loire, qu’un homme a ingéré volontairement de
l’arsenic à deux reprises la veille, ingestion qui lui a été fatale, ce magistrat se transporte
sur les lieux. Ayant l’intention de faire constater la nature du trépas, il s’adjoint un officier
de santé d’Argenton l’Eglise, Louis Alléaume. Pourtant, après avoir interrogé la famille du
défunt qui lui présente un document, rédigé de la main même de celui-ci, et dans lequel il
annonce sa volonté de mettre fin à ses jours, le juge de paix est persuadé que cet homme
s’est volontairement donné la mort. En conséquence, le représentant de la justice de paix
du canton d’Argenton-Château annonce à l’homme de l’art, qu’il avait requis de venir
examiner le corps, que « l’autopsie cadavérique est inutile » 45 .
2) Particularismes départementaux
Bien que les réquisitions de médecins en matière de constat de suicides et de morts
accidentelles soient généralement demandées, dans les deux départements étudiés, par les
instances judiciaires locales, quelques différences apparaissent. En Deux-Sèvres, ces
réquisitions sont en grande majorité faites par le juge de paix et le maire, dans des
proportions respectives de 37% et 39% (graphique 13). Dans le département de la Vienne,
en revanche, elles sont réparties équitablement entre quatre instances, dont chacune
représente environ un sixième des réquisitions : le juge de paix, le maire, la gendarmerie
ou la police, et la famille (graphique 14). D’autres nuances se font jour également en
séparant suicides et accidents, comme le prouvent les graphiques ci-dessous.
43 A.D.V., 4M 296, « Rapports bi-décadaires et procès-verbal de gendarmerie. Mort accidentelle (chute dans
une carrière) », Procès-verbal de gendarmerie, le 1 er juillet 1899.
44 Ibid.
45 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Procédures correctionnelles. Suicide
(empoisonnement) », Procès-verbal du juge de paix, le 25 juin 1821.
82

Les examens médicaux
relatifs à des morts accidentelles
ayant eu lieu dans le département de
la Vienne, sont demandés, pour
26%, par le juge de paix, pour 17%
par la famille du défunt, et pour
14% par la gendarmerie (graphique
15). La part de la municipalité est,
elle, relativement faible : 9%. Dans
les cas de suicides, ces proportions
s’inversent : les réquisitions faites
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
par le maire sont les plus nombreuses, 22%, alors que celles demandées par le juge de paix
ne représentent que 10% (graphique 16).
34%
2%
Graphique 16 : Répartition des instances
requérantes dans les suicides de la Vienne
(an V-1914).
10%
Juge de paix
12%
20%
Famille
Gendarmes / Police
Maire
Gendarmes & Juge de
paix
Ignore
22%
Sources : ADV, L Supplément, 3U 4, 4M.
Graphique 15 : Répartition des instances
requérantes dans les morts accidentelles de la
Vienne (an IV-1911).
83
En ce qui concerne le
département voisin, la frontière
semble faire office de miroir
inversant, les répartitions étant
complètement contraires. Dans les
réquisitions en matière d’accidents,
la figure de proue est le maire, car il
intervient dans 42% des recours à un
homme de l’art, suivi de près par le
juge de paix qui réclame l’examen
dans 31% des cas (graphique 17).
Les demandes émanant de la famille sont, quant à elles, minoritaires : seulement 3%. En ce
qui concerne les constats de suicides dans les Deux-Sèvres, les gendarmes disparaissent
totalement des instances requérantes. Les recours au médecin se répartissent, par
conséquent, entre le juge de paix, 49%, et le maire, 35% (graphique 18).
26%
31% Juge de paix
Famille
Gendarmes
Maire
Direction de la gare
Ignore
3%
9%
14%
17%
Sources : ADV, L
Supplément, 3U 4, 4M.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Graphique 17 : Répartition des instances
requérantes dans les morts accidentelles des
Deux-Sèvres (an VII-1893).
10%
Maire
3%
Juge de paix
6%
42% Gendarmes / Police
8%
31%
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 4.
Graphique 18 : Répartition des instances
requérantes dans les suicides des Deux-Sèvres
(an IX-1870).
5%
35%
11%
49%
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 4.
84
Il est à retenir que les
interlocuteurs des hommes de l’art
ont plus d’un visage, et d’une
fonction, dès lors qu’ils sont appelés
pour examiner un individu semblant
avoir succombé de son propre chef
ou fortuitement. Une telle diversité
d’instances, autorisées à requérir des
examens médicaux post mortem,
n’est bien sûr pas sans conséquence
quant aux hommes de l’art choisis
pour effectuer ces missions
judiciaires. Lors du Troisième
Congrès de médecine légale de
langue française, qui s’est déroulé à
Paris du 26 au 28 mai 1913,
plusieurs vœux concernant les
experts médicaux sont votés. L’un
d’eux s’attache au choix des
experts : malgré la mise en place,
depuis novembre 1893, des listes
d’experts près des cours d’appel, les
juges de paix ont la « “prétention” […] de choisir leurs experts médicaux en dehors de
cette liste » 46 . Cette pratique, critiquée de manière si virulente, trouve un début
d’explication dans la répartition géographique des protagonistes : les médecins inscrits sur
les listes d’experts habitent généralement le chef-lieu d’arrondissement, alors que les juges
de paix préfèrent requérir des médecins domiciliés dans les limites de leur rayon d’action,
c’est-à-dire le canton. Les lieux de résidences sont une des données qui expliquent le choix
d’un homme de l’art aux dépens d’un autre, mais divers éléments peuvent être pris en
compte par les instances requérantes 47 .
Procureur / Juge
d'instruction
Famille
Ignore
Juge de paix
Maire
Procureur
Ignore
46 « L’inscription des experts médicaux sur les listes des tribunaux », III e Congrès de médecine légale de
langue française (Paris, 26-28 mai 1913), sous la présidence de Charles Vibert, Archives d’anthropologie
criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1913, t. 28, p. 514.
47 Cf. le chapitre 3 pour une analyse plus détaillée du choix des experts.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
II) LES HOMMES DE L’ART REQUIS
La Révolution française fait éclater la communauté médicale. Elle supprime les
corporations enseignantes et hospitalières, et prive le corps médical de tout cadre juridique
réglementant l’exercice de l’art de guérir. La réorganisation de l’enseignement et de la
pratique médicale, réalisée presque en urgence en 1794-1795 pour répondre aux besoins de
l’armée en personnel de santé, crée un corps médical hétérogène. Il existe différents statuts
au sein même des praticiens de l’art de guérir, dont les trois figures principales sont
l’officier de santé, le chirurgien et le médecin.
Devant une vaste palette de savants, vers quel professionnel de l’art de guérir le
choix de l’autorité judiciaire se porte-t-il ? Outre le diplôme dont il est titulaire, d’autres
critères tels que l’âge et le domicile peuvent influer sur le choix de l’individu requis. Enfin,
pour achever l’analyse des experts médicaux, il convient aussi d’étudier le facteur
numérique.
A) Un titre, des diplômes
1) Un flou juridique
La confusion législative quant aux instances pouvant demander l’aide d’un
médecin, en matière de morts criminelles et suspectes, s’applique également aux types
d’hommes de l’art qui peuvent être requis. Cette incertitude découle, comme à
l’accoutumée, des contradictions présentes dans les divers textes de lois ou articles de
codes juridiques portant sur ces questions. L’article 27 de la loi du 19 ventôse an XI (ou 10
mars 1803), relative à l’exercice de la médecine, stipule :
« A compter de la publication de la présente loi, les fonctions de médecins et chirurgiens
jurés appelés par les tribunaux, celles de médecins et chirurgiens en chef dans les hospices
civils, ou chargés par des autorités administratives de divers objets de salubrité publique,
ne pourront être remplies que par des médecins ou des chirurgiens reçus selon les formes
anciennes, ou par des docteurs reçus suivant celles de la présente loi » 48 .
La fonction de médecin ou chirurgien juré, ancienne dénomination du médecin ou
chirurgien expert, est donc réservée aux hommes de l’art qui ont obtenu leur diplôme, soit
selon les anciennes modalités, avant la suppression des universités par le décret du 18 août
1792, soit par les titulaires d’un doctorat dont les modalités sont instaurées la loi de
ventôse an XI. Cette restriction se retrouve dans l’article 81 du Code civil, citée
48 Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 895.
85

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
précédemment : il réserve l’établissement des procès-verbaux, relatifs aux morts violentes,
à un « docteur en médecine ou en chirurgie » 49 .
Ces deux textes, privilégiant les détenteurs d’un doctorat pour les expertises
médico-légales, et n’abordant finalement ce sujet que parmi d’autres, sont contredits par la
référence juridique en matière de procédures relatives aux délits et aux crimes, le Code
d’instruction criminelle. En effet, l’article 44 mentionne que le procureur de la République
peut avoir recours à un ou deux « officiers de santé » 50 , c’est-à-dire à des hommes titulaires
d’un diplôme inférieur au doctorat de médecine. Malgré la promulgation de deux textes
imposant de requérir un docteur en médecine 51 , il n’en demeure pas moins que les titulaires
du diplôme d’officier de santé peuvent toujours être appelés à apporter leur concours à la
justice. En effet, l’article 11 du décret de novembre 1893 stipule :
« les officiers de santé reçus antérieurement au 1 er décembre 1893 et ceux reçus dans les
conditions déterminées par l’article 31 de la loi du 30 novembre 1892 peuvent être portés
sur la liste d’experts près les tribunaux s’ils réunissent les conditions de nationalité, de
durée d’exercice de leur profession et de résidence prévues à l’article 2 du présent
décret » 52 .
Le XIX e siècle est donc jalonné de règles et de lois ayant trait aux hommes pouvant être
requis par la justice ; pourtant, aucun de ces textes ne fixe de manière exclusive le diplôme
dont ce professionnel doit être détenteur pour avoir les honneurs d’être appelé à prêter son
concours aux autorités.
Face à la confusion législative, certains représentants de la magistrature délivrent
des conseils, presque érigés en règle d’or. Parmi eux, François Duverger, auteur de deux
manuels juridiques, l’un à l’intention des juges d’instruction 53 , l’autre pour les juges de
paix 54 , et qui a, par ailleurs, exercé dans les deux départements servant d’exemples à la
49
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 334.
50
Voir note infrapaginale n°39 du présent chapitre.
51
Loi du 30 novembre 1892, article 14 : « les fonctions de médecin expert près les tribunaux ne peuvent être
remplies que par des docteurs en médecine français ».
Cité dans Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 118.
Décret du 21 novembre 1893, article 1 : « au commencement de chaque année judiciaire et dans le mois qui
suit la rentrée, les cours d’appel, en chambre du conseil, le procureur général entendu, désignent, sur des
listes de proposition des tribunaux de première instance du ressort, les docteurs en médecine à qui elles
confèrent le titre d’expert devant les tribunaux ».
Cité dans Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux et les honoraires des médecins
d’après le décret du 21 novembre 1893 », Revue critique, Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, p. 91.
52
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, pp. 26-27.
53 ère ème
François Duverger, Manuel des juges d’instruction, 1 éd. 1839-1840, 2 éd. rev. et augm., Niort, Robin,
1844, 3 t., 450 + 541 + 515 p.
54
François Duverger, Manuel criminel des juges de paix considérés comme officiers de police judiciaire
auxiliaires du procureur de la République et comme délégués du juge d’instruction, 1 ère éd. 1835, 5 ème éd.
rev. et mise au courant de la législation et de la jurisprudence, Paris, Marchal et Billard, 1876, 464 p.
86

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
présente étude 55 . Cet ancien juge d’instruction, devenu président de chambre honoraire à la
cour d’appel de Poitiers, pose la question suivante : « peut-on appeler indifféremment des
docteurs-médecins ou chirurgiens, ou des officiers de santé ? » 56 . La réponse dépend du
cas de figure auquel l’officier de police judiciaire est confronté :
« quand il s’agit de discuter devant le tribunal un point de médecine légale, on doit
préférer les docteurs-médecins. Mais, pour les opérations de constat et d’instruction, s’il
est bien d’appeler de préférence les hommes que leur grade doit faire présumer les plus
capables, cependant, à leur défaut, et en cas d’éloignement ou d’urgence, l’officier de
police judiciaire peut, sans nul doute, employer les simples officiers de santé » 57 .
Ainsi, les officiers de santé peuvent encore faire l’objet de réquisitions en matière
d’expertises médico-légales, mais seulement en dernier recours.
2) Des experts médicaux hétérogènes ?
Les craintes et griefs à peine masqués de certains auteurs, qu’ils soient juristes ou
médecins, sont-ils justifiés ? Grâce au panel de médecins experts, constitué à partir des
réalisations d’autopsies médico-légales effectuées en Poitou, durant près de cent vingt ans,
il a été possible de faire plusieurs constats, quant au titre que possèdent ces hommes de
l’art au moment de leur réquisition 58 .
Quelques précisions, tout d’abord, relatives à l’établissement des tableaux 11 et 12
(cf. annexe 5). La suppression des Universités et des Facultés, puis leur rétablissement sous
une nouvelle forme, ont provoqué une certaine confusion dans les titres obtenus par les
hommes de l’art diplômés durant cette période. Cette situation est très marquée au cours
des premières décennies du XIX e siècle, et s’estompe ensuite. L’indécision peut être si
55
François Duverger a notamment été juge d’instruction au Tribunal de Première Instance de Niort dans les
années 1840.
Parmi les affaires qu’il a instruites cf. les dossiers d’assises suivants :
A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », juin 1841.
A.D.D.-S., 2U 185, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », juillet 1843.
A.D.D.-S., 2U 195, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et tentative
d’assassinat », juillet 1846.
A.D.D.-S., 2U 201, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort sans intention de la donner et vols qualifiés, complicité de ces crimes », décembre
1848.
56
François Duverger, Manuel des juges..., op. cit., p. 142.
57
Ibid., pp. 142-143.
58
Les médecins ou chirurgiens militaires ont été comptabilisés avec les praticiens civils, bien qu’ils soient
soumis à une législation quelque peu différente. Si la réquisition d’un médecin militaire par la justice civile
est somme toute permise, certaines circonstances peuvent compliquer la collaboration, notamment si la
réquisition et les impératifs qui en découlent interfèrent avec les obligations militaires du praticien.
Sur les particularités de la réquisition des médecins militaires pour pratiquer des expertises judiciaires, cf.
Alexandre Lacassagne, « Des réquisitions de médecins et pharmaciens militaires par l’autorité militaire.
Droits et devoirs des experts », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1881, 3 ème
série, t. 5, pp. 97-131.
87

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
forte que le représentant de la justice utilise parfois deux vocables différents pour nommer
les experts médicaux qu’il s’est adjoints, et cela dans le même procès-verbal. Le maire de
Montamisé, dans la Vienne, effectue une exhumation, en février 1811, lors d’une enquête
portant sur un infanticide. Il requiert deux hommes de l’art : Gaillard, qu’il désigne comme
étant médecin, et Guignard, qu’il présente comme étant chirurgien. Or, quelques lignes
plus loin dans son procès-verbal, alors qu’il rapporte les constatations de ses deux experts,
le maire les qualifient, sans distinction, d’« officiers de santé » 59 . La confusion est, par
ailleurs, accrue par le manque de rigueur dont font preuve certains praticiens de la
médecine, par rapport au titre qu’ils se donnent, d’aucuns se qualifiant un jour d’officier de
santé, le lendemain de chirurgien, d’autres tour à tour de médecin puis de chirurgien. Un
praticien de Lavausseau, village de la Vienne, est requis par le maire d’une commune
voisine pour examiner le corps d’un nouveau-né, en février 1866. Dans le rapport qu’il
rédige, suite à cette visite, Gustave Poisson se qualifie de « médecin » 60 . Mais, quelques
jours plus tard, lorsqu’il est appelé à venir déposer devant le juge d’instruction de Poitiers,
la solennité de la situation, accentuée par la déclaration sous serment, oblige le même
praticien à décliner son véritable grade : « officier de santé » 61 .
Enfin, quelques experts médicaux se targuent d’avoir deux titres différents : Angèle
Ramire Orry, domicilié à Saint-Maixent, département des Deux-Sèvres, est titulaire d’un
doctorat de médecine et exerce les fonctions de chirurgien à l’hospice civil de cette même
ville, à l’instar de son confrère Valentin Hilarion Tuffet 62 . Ce sont autant de difficultés
pour le chercheur qui tente de classer ces divers médecins experts en catégories, définies
selon la hiérarchie établie au sein du corps médical. Par conséquent, il a été nécessaire,
pour certains d’entre eux, de faire un choix et de les classer dans une seule de ces
rubriques.
Les chiffres obtenus représentent les titres des médecins experts requis pour chaque
affaire criminelle, constituant le corpus d’archives de cette étude. Il ne s’est pas agi de
relever et de classer l’ensemble des experts réquisitionnés, mais d’indiquer pour chaque
affaire, au cours de laquelle une ou plusieurs expertises médico-légales ont été effectuées,
à quel type d’hommes de l’art ces missions avaient été confiées. Par conséquent, lorsque
plusieurs praticiens de l’art de guérir sont requis au cours d’une même instruction, et que
59
A.D.V., 2U 531, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal
d’exhumation, le 18 février 1811.
60
A.D.V., 2U 1667, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin Poisson, le 4 février 1866.
61
Ibid., Information, le 13 février 1866.
62
A.D.D.-S., 2U 140, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », septembre 1833.
88

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
ceux-ci sont titulaires du même diplôme, il a été considéré que la justice avait eu recours à
un seul type d’homme de l’art, que ces individus aient travaillé de concert ou séparément.
Les choses sont légèrement différentes si les praticiens en question ont des titres
professionnels distincts. Pour intégrer ces cas particuliers, une catégorie « Collaboration »
a dû être créée. L’alliance peut être virtuelle ou réelle : les deux praticiens peuvent être
associés pour réaliser une expertise commune, ou être chargés d’expertises distinctes et
successives.
10%
10%
Graphique 19 : Répartition des titres ou diplômes
possédés par les hommes de l’art requis comme
experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
10%
(1795-1915).
5%
2%
75%
Graphique 20 : Répartition des titres ou diplômes
possédés par les hommes de l’art requis comme
experts dans les affaires criminelles de la Vienne
(1795-1915).
11%
77%
Médecin / Docteur en médecine
Officier de santé
Chirurgien / Docteur en chirurgie
Collaboration
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Médecin / Docteur en médecine
Officier de santé
Chirurgien / Docteur en chirurgie
Collaboration
Sources: ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
89
Les choix faits pour
l’élaboration de ces données
numériques étant explicités, il
faut à présent les étudier. La
principale information à noter
est qu’une très grande majorité
des hommes, requis comme
experts médicaux, sont
médecins ou docteurs en
médecine. Ils représentent 75%
des praticiens requis par la
justice deux-sévrienne
(graphique 19), et 77% de ceux
requis dans le département de
la Vienne (graphique 20) 63 .
Puis, viennent les officiers de
santé, représentant 10% des
experts, dans les deux
départements étudiés. Or, les proportions de docteurs en médecine et d’officiers de santé
exerçant au cours du grand XIX e siècle, sont un peu différentes. Sur un total de 893
praticiens de l’art de guérir, recensés dans la Vienne (tableau 13, cf. annexe 6), et de 797
dans les Deux-Sèvres (tableau 14, cf. annexe 6), la part des hommes qualifiés de
63 Des travaux menés sur les médecins experts dans d’autres régions mettent également en évidence la
domination des docteurs en médecine parmi les hommes de l’art requis par la justice. Dans la thèse qu’elle a
réalisée sur la Seine Inférieure, Marina Daniel souligne que plus de la moitié des expertises médicales
corporelles sont confiées à des titulaires du doctorat de médecine. Cf. Marina Daniel, Regards sur le corps
meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au XIX e siècle, thèse de doctorat d’histoire
contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen, 2007, vol. 2, f° 328.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
« Médecin » ou de « Docteur en médecine » atteint 65% pour le second département
(graphique 21), et seulement 58% dans le premier (graphique 22). Les officiers de santé
représentent en revanche une part plus importante du corps médical poitevin, puisqu’ils
constituent 21% des praticiens de l’art de guérir en Deux-Sèvres, et près du quart de ceux
exerçant dans le département voisin. Les instances requérantes privilégient les détenteurs
d’un doctorat en médecine ou, pour les premières années du siècle, les hommes reçus selon
les formes anciennes du diplôme de médecin, dès lors qu’il s’agit d’effectuer un examen
médical post mortem, aux dépens des autres professionnels de santé. Cela tendrait à
prouver que les autorités, prenant en charge les enquêtes concernant des décès violents ou
suspects, s’emploient à confier les expertises nécessaires à l’avancée des recherches, en
priorité à des hommes potentiellement compétents 64 , eu égard à leur grade médical.
21%
Graphique 21 : Répartition des titres ou diplômes possédés par
1% 0%
0% 2%
11%
les hommes de l’art des
Deux-Sèvres (an IX-1915).
65%
Médecin / Docteur en médecine
Officier de santé
Chirurgien / Docteur en chirurgie
Médecin & Chirurgien
Officier de santé & Chirurgien
Officier de santé & Médecin
Diplôme indéterminé
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 2, 3U 4, 1X, 2X, 3X, 1Z
64 La question des compétences médico-légales des titulaires du doctorat en médecine est abordée dans le
chapitre 3.
90

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
24%
Graphique 22 : Répartition des titres ou diplômes possédés par
les hommes de l’art de la Vienne (an VIII-1915).
1%
2%
3%
12%
Médecin / Docteur en médecine
91
58%
Sources : ADV, 5M, 2U, 3U 4, 1X, 2X, 3Z, 4Z
3) Le déclin des officiers de santé
Officier de santé
Chirurgien / Docteur en chirurgie
Officier de santé & Chirurgien
Officier de santé & Médecin
Diplôme indéterminé
Il faut cependant nuancer quelque peu cette domination des médecins sur la
réalisation des autopsies médico-légales. En effet, celle-ci n’est pas immédiate : les
officiers de santé se présentent comme les experts médicaux privilégiés des trois décennies
post-révolutionnaires, comme le montrent les graphiques 23 et 24. Dans les Deux-Sèvres,
la justice leur confie 45% des expertises cadavériques, et cette part atteint les 67% en
Deux-Sèvres. La forte demande en personnel médical de l’armée républicaine, en conflit
avec nombre de monarchies européennes, explique l’essor fulgurant des officiers de santé
au tournant du XVIII e et XIX e siècles 65 . Outre ceux qui obtiennent le diplôme après une
formation classique dans une école de santé, nombre de praticiens sont systématiquement
pourvus du titre d’officier de santé grâce à leur action au sein du service de santé de
l’armée de la République.
65 Jacques Léonard, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs. Histoire intellectuelle et politique de la
médecine française au XIX e siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, p. 15.
Cf. le chapitre 3 pour une étude de l’organisation de l’enseignement médical.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Graphique 23 : Evolution chronologique des titres ou diplômes possédés par
les hommes de l’art requis comme experts dans les affaires criminelles des
Affaires
Deux-Sèvres (1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
92
Années
Pas d'expert
Collaboration
Chirurgien / Docteur en
chirurgie
Officier de santé
Médecin / Docteur en
médecine
Graphique 24 : Evolution chronologique des titres ou diplômes possédés par
les hommes de l’art requis comme experts dans les affaires criminelles de la
Vienne (1795-1915).
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Années
Pas d'expert
Collaboration
Chirurgien / Docteur
en chirurgie
Officier de santé
Médecin / Docteur en
médecine

Un second élément explicatif
peut être avancé concernant les
instances qui requièrent l’examen, et
par conséquent, l’homme de l’art qui
le pratique. Il a été démontré
précédemment dans cette étude, que
la majorité des expertises médico-
légales, de la première période
chronologique, étaient demandées
par le juge de paix et le maire. Or,
les docteurs en médecine, déjà
minoritaires au sein du corps médical
de l’époque, exercent leur art dans
les villes les plus importantes du
département, c’est-à-dire les chefs-
lieux d’arrondissement. Les juges de
paix sont donc contraints de reporter
leur choix sur des praticiens locaux,
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
qui sont en majorité officiers de santé. En effet, sur les 235 hommes de l’art des Deux-
Sèvres qui ont obtenu leur diplôme avant les années 1820, 66 sont titulaires du doctorat de
médecine, ou de son équivalence antérieure, contre 96 officiers de santé. Les proportions
sont, donc, de 28% de docteurs en médecine, et de 41% d’officiers de santé (graphique 25).
Dans le département de la Vienne, sur un panel de 299 hommes de l’art diplômés avant
1820, 75 ont obtenu le doctorat et 114 l’officiat. Les proportions sont alors de 25% de
docteurs pour 38% d’officiers (graphique 26). Puis, le déclin de l’influence de la justice de
paix en matière d’affaires criminelles, accompagné de la croissance du nombre de titulaires
du doctorat de médecine, permettent à ces derniers de s’imposer, de fait, comme les
hommes de l’art les plus capables d’apporter leur concours à la justice, dès lors qu’un
cadavre doit être examiné.
31%
37%
Cette catégorie de praticiens n’a néanmoins pas complètement disparu du paysage
médical. De jeunes hommes se présentent encore à la préfecture, au début du XX e siècle,
pour se faire enregistrer en tant qu’officier de santé. Baptiste Souraud, exerçant à Chizé
dans les Deux-Sèvres, a obtenu le certificat d’officier de santé, délivré par le jury médical
93
Graphique 25 : Répartition des hommes de l’art
ayant obtenu leur diplôme avant 1820
(Deux-Sèvres).
41%
Graphique 26 : Répartition des hommes de l’art
ayant obtenu leur diplôme avant 1820 (Vienne).
38%
28%
25%
Docteur en médecine
Officier de santé
Autres
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1,
3U 2, 3U 4, 1X, 2X, 3X, 1Z.
Docteur en médecine
Officier de santé
Autres
Sources : ADV, 5M, 2U,
3U 4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
de Bordeaux, en janvier 1902 66 . Trois mois plus tard, Egézype Epron, résidant à Saint-
Amand-sur-Sèvre dans l’arrondissement de Bressuire, obtient également ce diplôme,
auprès de l’Université d’Angers 67 . Pourtant, le recours à des hommes pourvus de ce titre
s’estompe, pour ne pas dire disparaît, durant les années 1870 pour le département de la
Vienne, et même dès les années 1850 en ce qui concerne les Deux-Sèvres. L’ultime
réquisition d’un praticien pourvu de ce titre, en vue d’effectuer un examen médical post
mortem, date de 1877 pour la Vienne : Jean Emile Ernest Doazan, officier de santé
exerçant à Saint-Sauvant, est requis par le maire de sa commune pour constater un crime
sur un nouveau-né, puis requis une seconde fois par le juge d’instruction de Poitiers, pour
assister les deux docteurs en médecine à qui il a demandé d’effectuer l’autopsie 68 . Dans le
département co-frontalier, la dernière affaire criminelle impliquant un officier de santé en
tant qu’expert est aussi un infanticide : en mars 1854, François Baptiste Prével, officier de
santé domicilié au Busseau, arrondissement de Niort, est requis par le commissaire de
police, puis par le juge de paix du canton de Coulonges, afin d’examiner le petit corps
privé de vie 69 . Le phénomène est en toute logique lié à l’offre médicale proposée à la
justice pour choisir ses experts. Jacques Léonard rapporte des statistiques effectuées au
début des années 1870 qui signalent que dans plusieurs régions, l’officiat de santé est en
perte de vitesse 70 . Parmi les départements où les officiers de santé tendent à disparaître, se
trouvent les Deux-Sèvres.
Ainsi, la place des praticiens ayant le grade d’officier de santé, dans les réalisations
d’autopsies médico-légales, chute de façon vertigineuse : ils ne représentent plus que 7%
dans le département de la Vienne (graphique 24), et seulement 4% en Deux-Sèvres
(graphique 23). Leur seule occasion de participer à de telles opérations est en association
avec un autre praticien de l’art de guérir, mais leur présence demeure malgré tout
minoritaire. Ces alliances, dans le département de la Vienne, associent en majorité des
officiers de santé et des docteurs en médecine, à hauteur de 60% (graphique 27). Dans les
Deux-Sèvres, les expertises médico-légales confiées à plusieurs catégories d’hommes de
l’art sont réparties de façon presque égale entre deux types d’alliances : celle rassemblant
66
A.D.D.-S., 3U 2, « Tribunal de Première Instance de Melle. Registres divers », Cahier d’inscription des
nominations et prestations de serment des huissiers, gardes, notaires, docteurs, sages-femmes, etc., 1884-
1904.
67
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Liste des chirurgiens, docteurs en
médecine », an XII-1912.
68
A.D.V., 2U 1700, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », mars 1877.
69
A.D.D.-S., 2U 219, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », mars 1854.
70 e
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest au XIX siècle, thèse de doctorat, Université Lille III, 1978, t. 2,
p. 1098.
94

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
un docteur en médecine et un chirurgien représentent 40% des cas, alors que celle
regroupant officier de santé et docteur en médecine s’élève à 38% (graphique 28).
20%
Graphique 27 : Répartition des collaborations entre les
hommes de l’art requis comme experts et ayant des titres ou
diplômes différents (affaires criminelles de la Vienne,
3%
1795-1915).
17%
40%
60%
Officier de santé & Docteur en médecine
Docteur en médecine & Chirurgien
Docteur en médecine & Chimiste
Autres
Sources: ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Graphique 28 : Répartition des collaborations entre les
hommes de l’art requis comme experts et ayant des titres ou
diplômes différents (affaires criminelles des Deux-Sèvres,
1795-1915).
16%
95
6%
38%
Officier de santé & Docteur en médecine
Officier de santé & Chirurgien
Docteur en médecine & Chirurgien
Docteur en médecine & Chimiste
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Ces collaborations, réelles ou virtuelles, sont généralement dues à l’urgence, à la
nécessité, justifiée ou non, d’agir rapidement. En effet, il est fréquent que le premier
officier de police judiciaire arrivé sur les lieux requiert un expert, souvent un officier de
santé ; puis, le juge d’instruction se transporte sur place en compagnie d’un autre praticien,
la plupart du temps un docteur en médecine. Lorsque le suppléant de la justice de paix de
Chauvigny est informé par le maire de Saint-Martin-la-Rivière, petite localité de la Vienne,
que le corps d’un nouveau-né a été repêché la veille dans la rivière, il s’empresse de se
transporter sur les lieux, et prend la précaution de s’adjoindre un officier de santé, Urbain

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Pallu, qu’il charge d’effectuer les premières constatations 71 . Quelques jours plus tard, le
ministère public, représenté par le juge d’instruction et le procureur du roi, se rend à son
tour sur place accompagné du Dr Savin, médecin adjoint de l’hospice de Montmorillon 72 .
Un autre exemple l’illustre : le 4 février 1866, Gustave Poisson, officier de santé
demeurant Lavausseau, département de la Vienne, est requis par le maire d’une commune
voisine, Montreuil-Bonnin, pour déterminer si l’enfant est venu au monde mort-né ou si le
décès s’est produit après qu’il a respiré 73 . Bien qu’il n’ait pas pratiqué l’ouverture du corps,
le médecin expert est « enclin à penser que l’enfant a vécu » 74 . Par conséquent, une
procédure d’instruction est commencée. Le magistrat instructeur requiert alors deux
docteurs en médecine de Poitiers : Antoine Chédevergne et Delphin Bonnet 75 .
Le grade du praticien à qui la justice décide de confier l’exécution des examens
post mortem est un critère de ce choix. D’autres éléments peuvent être pris en compte :
l’âge de l’homme de l’art, ainsi que son lieu de résidence.
B) L’âge et le domicile des experts
1) Jeunesse, maturité ou ancienneté ?
Déterminer l’âge du médecin expert requis pour effectuer l’examen judiciaire ne
s’est pas avéré chose aisée. Nombre de médecins experts n’indiquent pas leur âge dans leur
rapport, par coquetterie peut-être, mais plus certainement parce qu’ils n’y voient aucun
intérêt particulier pour la tâche qui leur a été confiée. Néanmoins, en plus de ceux qui le
mentionnent clairement dans leur rapport, beaucoup de ces praticiens sont auditionnés par
le juge de paix ou d’instruction, à la suite de la réalisation de l’autopsie. Or, selon les
procédures de déposition des témoins, la personne interrogée doit évidemment décliner ses
nom et prénom, profession, mais également son âge. Les indications trouvées dans les
dossiers criminels ont été complétées par les informations contenues dans les registres de
recensement des hommes de l’art, tenus par les sous-préfectures. L’inconvénient principal
de ces registres est qu’ils donnent la date de naissance du praticien ; par conséquent, un
calcul de l’âge de l’expert en question a parfois été nécessaire, ce qui entraîne une petite
marge d’erreur.
71
A.D.V., 2U 1500, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
juge de paix, le 17 février 1828.
72
Ibid., Rapport du médecin, le 20 février 1828.
73
A.D.V., 2U 1667, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin Poisson, le 4 février 1866.
74
Ibid.
75
Ibid., Commission d’experts et procès-verbal de prestation de serment, le 5 février 1866.
96

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Ainsi, il a pu être attribué un âge à un certain nombre d’experts, soit par indication
effective, soit par calcul. Quelques-uns demeurent néanmoins sans âge déterminé. Pour
établir des statistiques sur les âges des médecins experts, chaque homme de l’art requis
pour une expertise a été pris en compte, ce qui signifie qu’un même individu a pu être
compté plusieurs fois pour une seule affaire, à partir du moment où il a réalisé plusieurs
examens. En d’autres termes, un homme de l’art qui est requis deux fois au cours de
l’instruction d’une affaire criminelle est comptabilisé comme deux experts distincts. Etant
donné que l’autorité qui a requis le même homme une seconde fois, pouvait tout autant
choisir un autre praticien, plus jeune ou plus âgé que le premier, comptabiliser tous les cas
a semblé pertinent.
Les médecins experts ont été répartis en plusieurs tranches d’âge, indiquées dans
les tableaux 15 et 16 (cf. annexe 7). Tout d’abord, les moins de 25 ans, c’est-à-dire ceux
ayant tout juste obtenu leur diplôme. Ensuite, les praticiens âgés de 26 à 30 ans : cette
étape correspond à la période durant laquelle ils s’installent professionnellement, où ils
essayent de se constituer une clientèle régulière. Puis, entre 31 et 45 ans, les praticiens sont
au sommet de leur art, ainsi que de leur vie privée ; c’est l’époque où ils sont les plus
actifs. La tranche d’âge suivante regroupe les hommes de l’art ayant de 46 à 60 ans : il
s’agit de la période où ces hommes, forts de leur expérience professionnelle, peuvent être
considérés comme des autorités dans leur discipline, voire devenir des enseignants pour la
nouvelle génération. Enfin, à partir de 60 ans, les praticiens approchent de la fin de leur
carrière, et peut-être de la fin de leur vie.
33%
Graphique 29 : Répartition par tranches
d’âge des hommes de l’art requis comme
experts dans les affaires criminelles de la
Vienne (1795-1915).
11% 2%
9%
45%
25 ans
26-30 ans
31-45 ans
46-60 ans
61 ans
Sources : ADV, 5M, 2U,
3U 4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.
97
Le constat évident qui découle de
ces chiffres est l’hégémonie des hommes
de l’art âgés de 31 à 60 ans, dans les deux
départements étudiés, avec une légère
prépondérance de la tranche d’âge 31-45
ans. En effet, 45% des expertises
cadavériques de la Vienne (graphique 29)
pour lesquelles l’âge des experts est
connu, ont été confiées à un praticien
ayant entre 31 et 45 ans. Cette part est de
42% dans les Deux-Sèvres (graphique 30). Les proportions de la tranche d’âge suivante
sont légèrement inférieures, mais presque identiques pour les deux départements : 33 et
34% des experts ont entre 46 et 60 ans. A contrario, les parts les plus faibles touchent soit

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
les hommes de l’art tout juste diplômés, soit ceux en fin de carrière. Les premiers
représentent 11% des experts viennois (graphique 29) et 14% des Deux-Sévriens. Les
seconds constituent 11% des experts médicaux dans la Vienne, et 10% en Deux-Sèvres.
34%
Graphique 30 : Répartition par tranches d’âge
des hommes de l’art requis comme experts dans
les affaires criminelles des Deux-Sèvres
2% (1795-1915).
10%
12%
42%
25 ans
26-30 ans
31-45 ans
46-60 ans
61 ans
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 2, 3U 4, 1X, 2X, 3X, 1Z.
98
La justice privilégie donc le
recours à des praticiens dans la
plénitude de leur art, dont l’activité
professionnelle est à son apogée.
Cela suppose, par conséquent, un
roulement assez régulier de ces
médecins, un renouvellement au sein
de la communauté constituée par les
praticiens à qui la justice demande
de l’aide. Ce renouvellement peut
néanmoins ne s’effectuer que tous les trente ou quarante ans, certains hommes de l’art
étant requis régulièrement, durant toute leur carrière professionnelle, c’est-à-dire
sensiblement de 30 à 70 ans. Plusieurs exemples de ce type ont été recensés, au cours de la
consultation des dossiers d’assises. Hilaire Lerpinière, docteur en médecine domicilié à
Châtellerault, est requis pour la première fois à l’âge de 29 ans, en décembre 1816, pour
pratiquer un examen post mortem sur un nouveau-né 76 . Il effectue sa dernière expertise
médico-légale sur un corps privé de vie en 1862 ; il est alors âgé de 75 ans 77 . Sur les
quarante-six années durant lesquelles il aura prêté son concours à la justice, Lerpinière a
été requis une vingtaine de fois pour réaliser des autopsies cadavériques. Son confrère
Philibert Dusouil, habitant la commune de Melle, entame sa carrière de médecin expert à
l’âge de 30 ans, lors d’une réquisition pour une affaire d’assassinat, en avril 1835 78 . Cette
activité parallèle à sa carrière principale, l’art de guérir, s’achève en 1880, alors qu’il vient
d’entrer dans sa soixante-quinzième année 79 . Philibert Dusouil a participé, durant ces
quarante-cinq ans, à plus d’une vingtaine d’enquêtes relatives à une mort violente. Quant à
Louis André Ganne, médecin résidant à Parthenay, commune dont il sera le maire pendant
plusieurs années, il s’avère encore plus précoce que ses confrères. En effet, il est tout juste
76 A.D.V., 2U 538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », décembre 1816.
77 A.D.V., 2U 1653, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups volontaires ayant
occasionné la mort sans intention de la donner », juillet 1862.
78 A.D.D.-S., 2U 146, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vol », avril 1835.
79 A.D.D.-S., 2U 292, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort sans intention de la donner », janvier 1880.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
âgé de 23 ans lorsque la justice fait appel à lui pour la première fois, à l’occasion d’un
assassinat, en novembre 1839 80 . Après avoir répondu lui aussi à une vingtaine de
réquisitions au cours de près de quarante années, son ultime participation à une autopsie
médico-légale date de septembre 1877, alors qu’il a 62 ans 81 .
Le choix, par l’instance requérante, d’un homme de l’art plus ou moins âgé, et par
conséquent ayant une expérience plus ou moins longue dans l’exercice de sa profession,
n’est bien sûr pas anodin. Il est évident qu’un magistrat préfère s’allouer les services d’un
homme de l’art ayant acquis un minimum de pratique, plutôt qu’un jeune médecin à peine
sorti de l’école. D’autre part, un magistrat peut être réticent à requérir un jeune praticien,
parce qu’il veut éviter de se retrouver confronter à des techniques d’expertises nouvelles,
qu’il pourrait ne pas comprendre. L’incapacité du magistrat à pouvoir juger de la fiabilité
de l’expertise, et par conséquent, à pouvoir aveuglément baser l’acte d’accusation sur les
preuves qu’elle a pu mettre à jour, explique aussi cette prudence, voire cette méfiance, à
l’égard des nouveaux diplômés. A l’inverse, la justice est beaucoup plus à l’aise et
confiante avec un homme de l’art plus âgé, dont elle a requis à plusieurs occasions le
concours, et qui lui a apporté satisfaction en terme d’expertises médicales. Les procédés
employés par les médecins plus âgés ont, pour la plupart, fait leurs preuves depuis
quelques décennies, et sont, aux yeux des autorités, fiables 82 .
La législation entérine d’ailleurs la pratique avec le décret du 21 novembre 1893.
L’article 2 instaure en quelque sorte un âge minimum requis pour devenir expert
judiciaire :
« les propositions du tribunal et les désignations de la cour ne peuvent porter que sur les
docteurs en médecine français, ayant au moins cinq ans d’exercice de la profession
médicale et demeurant soit dans l’arrondissement du tribunal, soit dans le ressort de la
Cour d’appel » 83 .
En imposant un délai de cinq années avant de pouvoir être appelé par la justice, les
pouvoirs publics écartent les praticiens tout juste diplômés et privilégient ceux qui ont eu le
temps d’acquérir un minimum d’expérience professionnelle. L’exclusion des plus jeunes
80 A.D.D.-S., 2U 172, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », novembre 1839.
81 A.D.D.-S., 2U 284, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », septembre 1877.
82 Cf. sur la méfiance tant des magistrats que de l’opinion publique, l’article de Michael Lynch et Ruth
McNally, « “Science”, “sens commun” et preuve ADN : une controverse judiciaire à propos de la
compréhension publique de la science », Droit et société, dossier « Droit et expertise dans une perspective
praxéologique », Paris, LGDJ, 2RJ, 2005, n°61, pp. 655-681.
L’article aborde, à travers le profil ADN, les réticences des tribunaux et des jurés à baser leurs décisions sur
des preuves scientifiques nouvelles et qui sont, par ailleurs, contredites par d’autres indices et le sens
commun.
83 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 91.
99

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
médecins se constate dans les affaires criminelles poitevines. Si la proportion des
praticiens de moins de 30 ans parvient à dépasser les 10% sur l’ensemble de la période
étudiée, à partir de la fin de l’année 1893, leur part s’effondre pour ne pas dire disparaît.
Sur la soixantaine d’affaires postérieures à novembre 1893, seuls trois médecins
experts ont à peine atteint ou dépassé la trentaine. En outre, les trois praticiens ne
pratiquent pas l’art de guérir depuis le délai de cinq ans requis. Lorsque Marie Henri Pierre
Périvier, médecin de Pleumartin dans la Vienne, se voit confier une expertise médico-
légale, en décembre 1894 84 , il n’est âgé que de 29 ans et surtout n’est diplômé que depuis
trois ans 85 . L’encre du décret est à peine sèche quand Louis Enon, exerçant à Argenton-
l’Eglise, dans le nord des Deux-Sèvres, répond à une réquisition judiciaire 86 . Il a alors 31
ans, mais seulement trois ans d’exercice 87 . Enfin, Joseph Breffeil, médecin à Parthenay,
effectue une expertise médico-légale en décembre 1898 88 . Il vient juste d’avoir 28 ans et
n’a obtenu son doctorat de médecine que trois années auparavant 89 .
Cependant, l’urgence, inhérente à toute procédure judiciaire, peut obliger l’instance
requérante à surmonter ses hésitations et ses suspicions à l’égard des plus jeunes praticiens.
En mai 1816, dans les environs de Vaux, département de la Vienne, le juge de paix du
canton de Couhé requiert François Grillet pour pratiquer l’examen d’un corps. Le jeune
homme, tenu de présenter ses patentes de chirurgien, rétorque qu’il est dans l’incapacité de
répondre à cette demande puisqu’il n’est encore qu’étudiant en chirurgie. Nonobstant cette
absence de diplôme, le jeune étudiant réalise l’expertise, aucun autre officier de santé
patenté n’étant présent dans la localité à ce moment-là 90 .
Mais, bien plus que l’âge, le lieu de résidence de l’homme de l’art et de celui qui
doit le requérir, est un élément déterminant dans le choix de l’expert.
84 A.D.V., 2U 1747, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre et tentative de
meurtre », décembre 1894.
85 A.D.V., 5M 44, « Listes des docteurs en médecine, chirurgiens, officiers de santé », an XI-1901.
86 A.D.D.-S., 2U 239, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », décembre 1893.
87 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Liste des chirurgiens, docteurs en
médecine », an XII-1912.
88 A.D.D.-S., 2U 362, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide volontaire et tentative
d’homicide volontaire », décembre 1898.
89 A.D.D.-S., 6M 5/2, « Médecins assermentés : affiches, correspondance », 1873-1945.
90 A.D.V., 2U 538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol », mai 1816.
100

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
2) Entraide entre voisins
A chaque crime découvert, la même question se pose : faut-il requérir un homme de
l’art se trouvant dans les environs les plus proches, et donc pouvant rapidement se porter
sur les lieux, ou faut-il recourir à un praticien, peut être plus compétent, mais résidant à
quelques kilomètres du théâtre du drame ? La réponse à ce dilemme dépend beaucoup des
circonstances, de l’urgence, de l’enchaînement des événements : comment le corps a-t-il
été découvert, par qui, à quel endroit ? Le moindre élément perturbateur dans le processus
judiciaire, telle l’absence d’un participant habituel, et toute la chronologie traditionnelle de
l’enquête policière et de l’instruction judiciaire est modifiée, le noyau dur des
protagonistes éclate pour former une nouvelle combinaison d’interlocuteurs.
La majorité des réquisitions d’expert relevant de la décision du juge d’instruction
ou du procureur, il a paru plus pertinent de focaliser l’analyse sur les hommes de l’art
requis par ces deux magistrats uniquement. D’autre part, ceux-ci exerçant leur fonction
dans les chefs-lieux d’arrondissement, villes où siègent les tribunaux d’instance, ce sont
leur choix en matière de praticiens qui peuvent être les plus intéressants à étudier :
prennent-ils comme expert un homme de l’art qu’ils côtoient fréquemment, qui est presque
leur voisin, ou, au contraire, un médecin “autochtone” ? Leur rayon d’action étant plus
grand, un arrondissement, ils ont à leur disposition un panel de médecins beaucoup plus
large qu’un juge de paix agissant à l’échelle du canton, ou que le maire intervenant dans
les limites de sa commune. Les tableaux 17 et 18 (cf. annexe 8) indiquent les lieux de
résidence des divers hommes de l’art requis, soit par le juge d’instruction, soit par le
procureur. Trois domiciliations ont été distinguées : tout d’abord, les médecins experts qui
habitent le chef-lieu d’arrondissement ; ensuite, les réquisitions qui associent un praticien
domicilié dans le chef-lieu d’arrondissement à un confrère résidant dans une autre localité ;
enfin, les médecins dont la localité d’exercice et de résidence n’est pas le chef-lieu
d’arrondissement.
Comme le montrent les graphiques établis à partir de ces chiffres, les magistrats
chargés de l’instruction des affaires criminelles requièrent, dans une large majorité, des
praticiens de l’art de guérir résidant dans le chef-lieu d’arrondissement : la part est de 73%
dans la Vienne (graphique 31), et de 60% dans les Deux-Sèvres (graphique 32). A
l’inverse, les parts les plus faibles concernent les réquisitions d’hommes habitant une
localité autre que le chef-lieu d’arrondissement : ils ne représentent que 13% en Deux-
101

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Sèvres, et seulement 7% dans la Vienne. Quant à la part des alliances entre un médecin du
chef-lieu d’arrondissement et un praticien d’une autre localité, elle oscille entre 20 et 30%.
19%
27%
Graphique 31 : Répartition par lieux de domicile des
hommes de l’art requis comme experts dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915).
7% 1%
Graphique 32 : Répartition par lieux de domicile des
hommes de l’art requis comme experts dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
13%
0%
73%
60%
Chef lieu d'arrondissement
Chef lieu d'arrondissement et
autre ville
Ville autre que le chef lieu
d'arrondissement
Ignore
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Chef lieu d'arrondissement
Chef lieu d'arrondissement
et autre ville
Ville autre que le chef lieu
d'arrondissement
Ignore
Sources : ADDS, L 2 ème Supplément
U, 2U, 3U1, 3U4.
102
De telles collaborations
sont souvent dues à la
succession d’autorités
judiciaires prenant en charge
les investigations. Comme il a
été expliqué précédemment,
un officier de police judiciaire
local, le maire ou le juge de
paix, requiert un premier
expert, qu’il choisit parmi les
professionnels de santé
résidant dans les environs
immédiats ; puis, le magistrat
instructeur arrive sur les lieux
accompagné d’un médecin du
chef-lieu d’arrondissement.
Le magistrat décide alors de
grouper les forces et
connaissances en présence, et
requiert les deux praticiens
pour effectuer l’expertise
médico-légale 91 . Au moment où le président du tribunal de Montmorillon, remplaçant le
juge d’instruction empêché, arrive sur les lieux où s’est déroulé un drame d’infanticide, il
est accompagné du Dr Félix Ducellier, médecin à Montmorillon. Il fait alors appelé le juge
de paix du canton de Saint-Savin qui se rend sur place avec le Dr Evariste Pacaud, médecin
à qui il avait confié la visite du corps 92 . Le magistrat instructeur décide de réunir les deux
médecins et leur demande de réaliser conjointement l’autopsie cadavérique 93 . Cette
91 Lorsque le magistrat instructeur arrive avec son propre expert, c’est-à-dire un médecin domicilié dans le
chef-lieu d’arrondissement, dans plus de la moitié des cas il requiert de nouveau le médecin local qui a
éventuellement pratiqué le premier examen.
Cf. dans le chapitre 3, l’analyse des autorités médico-légales locales.
92 A.D.V., 2U 1705, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal
dressé par M. le juge de paix, le 23 octobre 1878.
93 Ibid., Procès-verbal de constat des lieux dressé par le juge d’instruction, le 24 octobre 1878.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
pratique n’est pas particulière au département de la Vienne. Le juge d’instruction de
l’arrondissement de Melle, requis par le procureur du roi de se transporter au hameau du
Pigeon Blanc, dans la commune de Montalembert, théâtre d’un assassinat, demande à un
chirurgien de l’accompagner sur place, et se réserve la possibilité, « selon les
circonstances », de requérir un second chirurgien sur les lieux 94 . Son désir a été devancé
par le juge de paix de Sauzé-Vaussais qui, dès lors que le maire l’a informé de la nouvelle,
a fait demander un officier de santé de Limalonges, Pierre Pautrot 95 . Dans ces conditions,
le juge d’instruction n’a plus qu’à requérir les deux praticiens, « pour plus de
régularité » 96 , qui rédigent de concert le rapport d’expertise.
En décidant de se faire accompagner d’un homme de l’art résidant dans le chef-lieu
d’arrondissement, tout en sachant qu’un autre médecin expert se trouve déjà sur place, car
requis par les premières autorités judiciaires ayant pris en charge l’enquête, le magistrat
instructeur choisit intentionnellement de multiplier le nombre d’experts requis pour une
seule affaire criminelle.
C) Combien de médecins faut-il pour réaliser une expertise ?
1) Recommandations numériques
Parmi les nombreux reproches et critiques faits par Paul Brouardel, un des
principaux artisans des réformes de la médecine légale de la fin du XIX e siècle, au sujet de
la pratique des expertises judiciaires en France, se trouve le nombre des experts requis : « il
est regrettable qu’en France les expertises médico-légales soient faites par un seul
expert » 97 .
Reportons-nous de nouveau aux règlements : le Code d’instruction criminelle
recommande que le procureur se fasse aider « d’un ou de deux officiers de santé » 98 .
Encore une fois, les magistrats sont libres de choisir à combien d’hommes de l’art ils vont
avoir recours. La rupture survient, selon quelques auteurs, avec la promulgation d’une
circulaire du garde des Sceaux, le 6 février 1867 :
« Nous devons faire remarquer qu’autrefois, le parquet ou la juge d’instruction désignant
presque toujours deux experts, quelquefois trois, pour faire une opération médico-légale. Il
94
A.D.D.-S., 2U 73, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Ordonnance de M.
le juge d’instruction, le 19 février 1815.
95
Ibid., Procès-verbal du juge de paix et d’instruction, le 19 février 1815.
96
Ibid.
97
Paul Brouardel, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de naissance, inhumations,
expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris, Baillière et
fils, 1898, p. 270.
98
Article 44 du Code d’instruction criminelle, cf. note infrapaginale n°39 du présent chapitre.
103

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
suffit de parcourir les rapports contenus dans les ouvrages d’Orfila et de Devergie pour
s’en assurer. Cet usage persista jusqu’en 1867 » 99 .
La circulaire conseille aux magistrats d’employer un seul expert dans les cas simples.
Brouardel regarde donc la circulaire comme « fâcheuse, car la présence d’un deuxième
expert oblige à une grande précision dans l’opération » 100 . Néanmoins, il semble que
l’illustre professeur ait omis de lire la suite de la circulaire. En effet, dès lors qu’il s’agit de
pratiquer une autopsie cadavérique, la circulaire conseille de recourir à deux médecins 101 .
Cependant, vingt ans plus tard, presque jour pour jour, la Chancellerie se montre un
peu plus ferme envers la multiplication des experts. Le ministère de la Justice émet une
nouvelle circulaire qui demande aux diverses juridictions de ne pas recourir à plusieurs
experts, si cela n’est pas nécessaire : « en principe, un seul expert doit être commis. Les
affaires qui, présentant des difficultés particulières d’examen, nécessitent la désignation de
plusieurs médecins ou experts, sont relativement rares » 102 . Les débats qui préparent
l’instauration de l’expertise contradictoire contiennent en substance la question du nombre
d’experts requis pour pratiquer la mission judiciaire. En effet, le principe sur lequel repose
l’expertise contradictoire est la collaboration d’un premier homme de l’art, désigné par le
magistrat, avec un second praticien, choisi par l’inculpé. Si d’aucuns réfutent le concept
d’expert de l’accusation et d’expert de la défense, les réflexions menées à ce sujet sont
pour eux l’occasion de rappeler que deux médecins experts valent mieux qu’un :
« Comme les rédacteurs du projet de réforme [le projet Cruppi], nous admettons donc qu’il
y aurait avantage à ce que les opérations médico-légales fussent pratiquées par deux
médecins. Ces deux experts doivent-ils recevoir leur mission de la même autorité ou des
deux parties adverses, le ministère public et la défense ou l’accusé ? Nous pensons qu’il
serait préférable que les deux experts fissent leurs opérations investis par la même autorité
[…] » 103 .
La présence d’au moins deux hommes de l’art est la garantie d’une expertise de qualité,
tant pour le parquet que pour le prévenu : « Selon nous, les intérêts de la vérité seraient
ainsi sauvegardés et surtout quelques-unes des difficultés qui naîtront de la collaboration
de deux experts représentants des intérêts opposés, seraient écartées » 104 . Mais, ainsi qu’il
a déjà été mentionné, le projet ne sera pas entériné. Le nombre d’experts requis pour un
examen reste donc soumis à la circulaire de 1887.
99
Paul Brouardel, « De la réforme… », art. cit., p. 346.
100
Ibid.
101
Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., p. 317.
102
Circulaire du 23 février 1887, cité dans Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire…, op. cit.,
p. 53.
103
Paul Brouardel, « De la réforme… », art. cit., p. 347.
104 Ibid.
104

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
En sus des textes qui traitent directement de la question numérique des experts
requis, d’autres réglementations ont pu influencer les magistrats dans leur décision de faire
appel à un ou plusieurs individus. Le facteur pécuniaire pour avoir jouer un rôle
déterminant. Par conséquent, il convient d’ajouter les deux décrets qui établissent les tarifs
alloués à ces praticiens, en dédommagement du concours fourni durant une enquête
criminelle. Les deux décrets en question datent du 18 juin 1811, et du 21 novembre 1893.
Il est important de les prendre en considération dans la perspective de l’étude du nombre
d’experts requis pour une seule affaire, une augmentation du tarif d’une expertise pouvant
être un frein à la pratique de celle-ci.
2) Nombre d’experts requis
A partir de ces dates charnières, un découpage chronologique du nombre d’experts
a été effectué. Les affaires criminelles poitevines ont été réparties en trois catégories (cf.
tableaux 19 et 20, cf. annexe 9) : tout d’abord, celles n’ayant pas procéder à la réquisition
d’un homme de l’art ; puis, celles qui ont eu recours à un expert ; enfin, les affaires ayant
nécessité le concours de plusieurs praticiens. Cette dernière catégorie rassemble deux
situations différentes : soit l’enquête a nécessité la réalisation de plusieurs expertises,
confiées à des individus distincts, soit ces divers examens ont été réalisés par le même
homme de l’art, mais qui a été requis à chaque fois, comme s’il s’agissait d’un nouvel
expert. Requérir deux fois de suite le même médecin, ou requérir deux hommes de l’art
différents, revient finalement à la même chose, pour ce qui est de l’étude de la réquisition
des expertises. Pour ce qui est de l’étude des médecins experts en particulier, ce
phénomène doit s’analyser d’une tout autre manière 105 .
Sur la totalité de la période étudiée, une légère différence existe entre les deux
départements constituant le Poitou. Comme le montre le graphique 33 consacré au
département de la Vienne, la majorité des affaires criminelles a nécessité le recours à plus
d’un médecin expert, soit 57% des cas. En revanche, cette part n’est que de 47% dans les
Deux-Sèvres, et est quasi égale à la part des affaires pour lesquelles un seul expert a été
appelé (graphique 34). La seconde différence entre les deux départements concerne la part
des affaires au cours desquelles aucun homme de l’art n’a été requis : si elle n’est que de
4% dans la Vienne, elle double presque dans les Deux-Sèvres puisqu’elle atteint 7%. Ce
particularisme deux-sévrien trouve peut-être son explication dans le nombre plus grand de
105 Cf. le chapitre 3.
105

dossiers correctionnels dépouillés. En
effet, la simplicité relative de ces affaires
conduit parfois les magistrats ou les
policiers à omettre volontairement de faire
pratiquer un examen médical post mortem.
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Le 18 juin 1811 est promulgué le
décret qui instaure les divers tarifs
accordés aux experts pour la réalisation de
visites médicales ou d’ouvertures
cadavériques. Ce décret remplace les
anciens honoraires alloués aux médecins
par l’arrêté du 23 brumaire an IV (14
novembre 1795). La mise en place de ces
tarifs n’a pas eu d’impact réel sur le
nombre d’experts requis. Avant 1811, 17%
des affaires du département de la Vienne
(graphique 35) et 23% de celles des Deux-
Sèvres (graphique 36) requièrent plus d’un
médecin expert. Les nouveaux tarifs ne
restreignent pas les réquisitions d’experts
puisque les enquêtes ayant nécessité plus d’un expert représentent alors 66% pour la
Vienne, et 58% pour le département voisin, entre 1811 et février 1867, date de
l’instauration de la circulaire du garde des Sceaux recommandant la réquisition de deux
praticiens pour effectuer une autopsie. Mais là encore, cette recommandation n’est pas
suivie dans les faits, la part des réquisitions d’un seul expert ayant au contraire tendance à
s’accroître : elle est de 36% dans la Vienne (graphique 35), contre 32% la période
précédente, et de 55% dans les Deux-Sèvres (graphique 36), au lieu de 39%.
La circulaire de 1887, qui préconise de n’employer qu’un seul expert, sauf cas
exceptionnel, a peut-être légèrement influencé les magistrats deux-sévriens : la part des
enquêtes criminelles instruites avec un expert unique, passe à 61% (graphique 36). En
revanche, les magistrats de la Vienne ne semblent pas avoir suivi les consignes du
ministère : la part demeure stable, 37% (graphique 35). A l’inverse, avec la réévaluation
des tarifs payés aux experts et instaurés par le décret de novembre 1893, les instances
judiciaires de la Vienne ont semble-t-il pris conscience qu’ils devaient restreindre les frais
106
57%
47%
Graphique 33 : Répartition du nombre
d’hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles de la Vienne
4% (1795-1915).
39%
Graphique 34 : Répartition du nombre
d’hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles des Deux-
Sèvres (1795-1915).
7%
46%
Sources : ADDS, L 2 ème Supplément U,
2U, 3U1, 3U4.
Pas d'expert
1 expert
Plus d'1 expert
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
Pas d'expert
1 expert
Plus d'1 expert

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
engendrés par les expertises judiciaires : les affaires au cours desquelles un seul homme de
l’art est requis représentent plus de 50%. Néanmoins, cette diminution n’est pas si
spectaculaire, les deux cinquièmes des enquêtes requérant encore plusieurs experts. Leurs
confrères du département voisin ne changent pas leurs procédés, les affaires avec un seul
expert étant déjà majoritaires, 61%.
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Graphique 35 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne,
selon les textes législatifs (1795-1915).
avant juin
1811
juillet 1811février
1867
mars 1867février
1887
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
107
mars 1887novembre
1893
après
décembre
1893
Années
Plus d'1 expert
1 expert
Pas d'expert

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Graphique 36 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art
requis comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres, selon les
Affaires
textes législatifs (1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
avant juin
1811
juillet 1811février
1867
mars 1867février
1887
Sources : ADDS, L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
108
mars 1887novembre
1893
après
décembre
1893
Années
Plus d'1 expert
1 expert
Pas d'expert
En résumé, les divers règlements ayant trait, directement ou indirectement, au
nombre d’hommes de l’art pouvant être requis lors de l’instruction d’une affaire criminelle,
n’ont, pour ainsi dire aucune influence sur celui-ci. Le résultat obtenu peut même, certaines
fois, être inverse à l’effet escompté : au lieu de faire accroître le nombre d’experts requis,
la circulaire de février 1867 provoque une augmentation des expertises uniques.
L’explication des fluctuations du nombre d’experts réquisitionnés lors d’une affaire
judiciaire relative à une mort violente, ne pouvant être apportée par les décrets et autres
mesures législatives touchant soit le nombre d’experts conseillé, soit le tarif des honoraires
qui leur sont alloués, il convient de s’intéresser à d’autres facteurs qui peuvent entrer en
jeu. Il a été expliqué précédemment que plusieurs instances judiciaires différentes
pouvaient prendre part à une enquête : à partir de ce constat, le nombre d’experts requis
est-il en corrélation avec les différentes administrations en présence ? Pour permettre une
comparaison avec les graphiques 3 et 4, indiquant les collaborations entre instances
requérantes selon une autre chronologie, d’autres tableaux (cf. annexe 10) et graphiques
relatifs aux nombres d’experts ont dû être établis.
Les périodes où les collaborations entre plusieurs instances judiciaires sont les plus
importantes, correspondent effectivement aux périodes où les affaires ayant produit plus
d’une réquisition d’expert sont les plus nombreuses : de 1850 à 1869 pour les Deux-Sèvres
(graphique 38) et de 1850 à 1889 pour la Vienne (graphique 37). Cependant, la part des
collaborations est assez importante durant la dernière période, en Deux-Sèvres, alors que

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
celle du nombre d’experts ne subit aucun changement. De plus, les réquisitions émanant de
plusieurs instances étant relativement inférieures à celles dues à une instance unique,
l’influence de ces alliances sur le nombre d’experts requis est au final très faible.
Graphique 37 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de
l’art requis comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne
(1795-1915).
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
109
Années
Plus d'1 expert
1 expert
Pas d'expert
Graphique 38 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art
requis comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
(1795-1915).
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915
Sources : ADDS, L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Années
Plus d'1 expert
1 expert
Pas d'expert
L’ultime élément pouvant influencer le nombre d’hommes de l’art requis, au cours
d’une enquête, est la qualité de l’autorité requérante. Les juges de paix sont-ils plus enclins
à ne requérir qu’un seul praticien, et les juges d’instruction plusieurs ? Des comparaisons
sont possibles, en rapprochant les graphiques ci-dessus, avec ceux indiquant les évolutions

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
chronologiques des répartitions entre ces diverses instances requérantes (graphiques 9 et
10). Concernant la première période, il est à constater, en premier lieu, tant pour le
département de la Vienne que pour celui des Deux-Sèvres, que la majorité des réquisitions
sont faites par le juge de paix, et ensuite que celles-ci concernent en majorité un seul
homme de l’art. La période suivante, comprise entre 1820 et 1849, marque le début de la
prise en charge de la plupart des réquisitions par les juges d’instruction et les procureurs,
influence qui s’accroît au cours des autres périodes. Or, si les périodes 1820-1849 et 1850-
1869 correspondent à un recul de l’expert unique, face à une alliance de plusieurs hommes
de l’art, les deux dernières périodes mettent en évidence un retour en force du praticien
agissant seul. Ainsi, il n’est pas possible d’établir un lien, entre l’instance qui se charge de
faire pratiquer une expertise médico-légale, et le nombre d’experts qui sont désignés pour
la réaliser.
En résumé, le facteur déterminant en matière de réquisition d’homme de l’art est les
circonstances, sui generis pour chaque affaire criminelle, et auxquelles les magistrats et les
autres protagonistes doivent s’adapter sans cesse. A ces impondérables d’ordre pratique, tel
le lieu d’exercice de l’homme de l’art, viennent s’ajouter d’autres contraintes, relatives au
choix du praticien à qui l’expertise est confiée : contrainte institutionnelle, d’une part,
matérialisée par la liste dans laquelle les magistrats doivent choisir leur expert, à partir de
1893 ; contrainte scientifique d’autre part, les expertises très spécifiques, relevant d’une
discipline particulière, ne pouvant être effectuées par n’importe qui. La justice se trouve
même dans une situation paradoxale vis-à-vis des médecins dont elle requiert le concours :
elle donne, via la réquisition, presque tout pouvoir à ces hommes de l’art, seuls capables de
répondre aux diverses interrogations, mais elle doit aussi maintenir une certaine emprise
sur eux et leur travail.
110

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
III) COMMETTRE OU SOUMETTRE LE MEDECIN EXPERT ?
La réquisition est le point d’origine de la collaboration entre la justice et la
médecine. Elle est la base sur laquelle magistrats et hommes de l’art construisent leur
coopération. Néanmoins, les deux professionnels en présence ne sont pas sur un pied
d’égalité dans cette collaboration. Pour la justice, il s’agit d’asseoir son autorité à travers la
réquisition, grâce au protocole et aux formalités qu’elle nécessite. Le processus de la
réquisition permet de faire comprendre au corps médical que, dès lors qu’il accepte une
mission judiciaire, il entre au service du magistrat. Cependant, les pouvoirs publics doivent
quelque peu freiner leur inclination à l’autoritarisme au risque de froisser leurs auxiliaires
et de provoquer des “soulèvements”.
A) Formalités de la réquisition
1) Formes de la réquisition
La réquisition d’un médecin, à qui la justice décide de confier une expertise
judiciaire, peut avoir lieu à plusieurs étapes de l’instruction d’une affaire criminelle : aux
toutes premières heures de l’enquête, il participe alors aux investigations ; lorsque
l’instruction est déjà bien engagée, il apporte confirmation ou infirmation de divers
éléments recueillis par le magistrat ; enfin, au cours du procès, il fournit compléments et
précisions sur certains points litigieux ou demeurant inexpliqués 106 . Or, la forme donnée à
la réquisition est fonction du moment de son émission. L’urgence du flagrant délit autorise
les instances judiciaires à requérir oralement un expert, sans autres formalités 107 . En 1814,
le juge de paix du canton de Frontenay, dans le département des Deux-Sèvres, se transporte
au domicile d’une femme qui est soupçonnée d’infanticide. Il est accompagné de son
greffier et du maire de la localité. Mais avant de procéder à la moindre opération, le juge
de paix mentionne dans son procès-verbal, « qu’en conformité de l’article 44 du Code
d’Instruction Criminelle [il a] fait appeler Jacques Brivin et Laurent Mounier, chirurgiens,
pour faire la visite du cadavre » 108 . Il apparaît également que la réquisition orale est
l’apanage des administrations qui ne sont que des auxiliaires de la justice, c’est-à-dire la
municipalité et la justice de paix, principalement.
106 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 116.
107 Alexandre Lacassagne, Précis de médecine judiciaire, Paris, Masson, 1878, p. 46.
108 A.D.D.-S., 2U 70, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
délit, le 6 mars 1814.
111

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Dans tous les autres cas, dès lors que la justice est libérée des impératifs temporels,
une réquisition écrite est préférable 109 . Elle peut alors prendre plusieurs aspects et avoir
plusieurs dénominations : une simple lettre, un réquisitoire, une commission d’expert, une
ordonnance. Les administrations dont l’instruction des affaires criminelles n’est pas la
prérogative, c’est-à-dire la justice de paix et la municipalité, n’ont pas d’intérêt véritable à
se pourvoir d’un document exclusivement destiné à la réquisition d’un homme de l’art. En
revanche, ces types de documents apparaissent dans les cabinets des juges d’instruction,
dès le milieu des années 1830 pour le département de la Vienne, et au début de la décennie
suivante pour les Deux-Sèvres. Leur place est assez peu importante au début, mais avec
l’apparition des documents imprimés, dont il suffit de remplir les blancs (illustration 1),
leur présence devient quasi systématique dans les dossiers de cours d’assises relatifs à des
crimes de sang.
En effet, il est plus commode, et plus rapide, pour un greffier, de compléter un
document imprimé sur lequel un certain nombre d’informations sont déjà indiquées, que de
recopier à chaque fois tous ces renseignements. De plus, la multiplication des documents
pré-remplis permet au magistrat de les employer également dans les cas de flagrant délit.
Chaque tribunal d’instance fait donc imprimer les documents qui lui sont nécessaires, ce
qui signifie qu’ils peuvent avoir des présentations légèrement différentes, ainsi qu’un
contenu variable. Les exemples ci-dessous illustrent les variations de formes et de
vocabulaire qui peuvent être rencontrés (illustrations 2, 3 et 4). Trois vocables se dégagent
de cet échantillon : « requérir » (illustration 4), « commettre » (illustration 3) et
« ordonner » (illustration 2).
109 Alexandre Lacassagne, Précis de médecine…, op. cit., p. 46.
112

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Source : A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », juillet 1890.
Illustration 1 : Ordonnance du juge d’instruction de Bressuire pour requérir un expert.
113

N°…………
ORDONNANCE
COUR D’APPEL
ORDONNANCE DE
COMMISSION D’EXPERT
TRIBUNAL D
DE POITIIERS
——
—————
TRIBUNAL
E
de première instance
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Nous, ……………Juge d’Instruction de
LOUDU l’arrondissement de Loudun,
Vu la procédure suivie contre………………..
N
………………………………………………..………....
—— …………………………………………………………..
CABINET
inculpé d………………………………………………
DU ………………………………………………….……….
Juge
Commettons M ……………………………….
d’Instruction ………………………………………………..…............
..........................................................................................
——— .............................................................………………….
à l’effet de, serment préalablement entre nos mains,
DE LOUDUN
——
Nous,........................Juge d’Instruction près le
Chambre d’Instruction
tribunal de première instance de Loudun.
Vu la procédure commencée contre…………
…………………….……......inculpée d...........................
Ordonnons qu’il sera procédé par.........................
114
et serment par.........préalablement prêté en nos mains.....
De tout quoi il sera dressé un rapport motivé
qu’il nous remettr
En l’affirmant sincère et véritable.
De tout quoi il sera dressé rapport qui nous sera
Fait en notre Cabinet, au Palais de Justice,
à Loudun, le……………………….…………..
ensuite remis par........................après en avoir affirmé
en nos mains le contenu sincère et véritable.
Le Juge d’Instruction,
Source : A.D.V., 2U.
Illustration 3 : Ordonnance du juge d’instruction de Loudun pour
requérir un homme de l’art comme expert (années 1900).
Au Palais de Justice de Loudun, ce
Source : A.D.V., 2U.
Illustration 2 : Ordonnance du juge d’instruction de Loudun pour requérir
un homme de l’art comme expert.

CABINET
DU
JUGE
D’INSTRUCTION
DE
MONTMORILLON
~~~~~~
NOTA. Rapporter la présente
réquisition en venant prêter serment.
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Nous, Juge d’Instruction de l’arrondissement de Montmorillon,
Vu les art. 43 et 44 du Code d’instruction criminelle,
Requérons...................................................................….
...............................................................................................…..
de se rendre auprès de nous, à................................................….
................................................................................................….
..............................................à heure du............
pour y faire les constatations qu’il nous paraîtra utile de
recueillir et y procéder à toutes les opérations que nous
jugerons nécessaires dans l’information suivie
contre......................................................................................….
........................................................................................……….
inculpé d................................................................................….
Fait et donné à Montmorillon, le 189 .
115
~
Le Juge d’Instruction,
Aujourd’hui.............................189
Devant nous Juge d’Instruction de l’arrondissement
de Montmorillon, étant à........................................................….
assisté de..................................., notre greffier,.....................….
.....................................................................................................
..................comparu en vertu de la réquisition ci-dessus....……
..............................…..prêté entre nos mains serment de remplir
avec honneur et conscience la mission que nous avions confiée
Fait à Montmorillon, le......................................189
Le Greffier, Le Juge d’Instruction,
Source : A.D.V., 2U.
Illustration 4 : Réquisition du juge d’instruction de Montmorillon (années 1890).

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Ces termes évoquent une soumission des hommes de l’art à qui le document
s’adresse ; les individus concernés peuvent avoir l’impression que la justice les oblige à
apporter leur concours, et qu’en outre, ils sont à son service. Une telle formulation risque
de froisser la susceptibilité et le souci d’indépendance de quelques représentants du corps
médical. Une circulaire du ministère de la Justice, en date du 30 septembre 1826, préconise
un processus moins agressif et directif. Il est recommandé aux magistrats d’adresser une
réquisition au médecin, par simple lettre remise par un gendarme ou un agent de police.
Une transmission orale de la sollicitation du concours peut également être envisagée 110 .
Henri Legrand du Saulle, à son tour, suggère aux magistrats de privilégier la « forme d’une
lettre, car le réquisitoire revêt trop les allures d’un ordre qui pourrait blesser leur [les
médecins] susceptibilité » 111 . Il est possible que certains magistrats, ne souhaitant pas être
confrontés à un refus de la part du praticien à qui ils ont décidé de confier l’expertise, aient
préféré avoir recours à une lettre, voire à la demande orale, dans un premier temps ; puis,
dès lors que le médecin accepte d’effectuer l’examen, une régularisation de la procédure
par écrit devient envisageable.
2) Le refus de réquisition
Les refus de répondre à une réquisition pour pratiquer une expertise médico-légale
sont exceptionnels, pour ne pas dire inexistants, dans les affaires criminelles poitevines.
Dans les rares affaires où un refus a été énoncé par l’homme de l’art, il s’agit plus de la
formulation d’une condition que d’un rejet catégorique. Le juge de paix du canton de
Saint-Varent, département des Deux-Sèvres, informe le procureur de la République de
Bressuire, par un télégramme daté du 6 mai 1878, qu’un homme a succombé subitement,
suite au traitement prescrit par un individu dépourvu de tout titre relatif à l’art de guérir. Le
juge de paix a déjà requis un praticien de sa commune, pour examiner le défunt, mais ce
médecin refuse de réaliser seul l’examen en question. Par conséquent, le juge de paix
demande au procureur de requérir de son côté un autre expert, qui se transportera sur les
lieux 112 . Pourtant, cette possibilité préoccupe beaucoup la justice. Elle tente alors de
persuader le corps médical, ainsi que tout autre professionnel pouvant se voir confier une
110
Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., p. 316.
111
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris, Delahaye, 1874,
p. 152.
112
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence et exercice illégal de la médecine », Télégramme au procureur de la République, le
6 mai 1878.
116

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
expertise, que refuser son aide, matérielle ou intellectuelle, aux instances judiciaires, peut
avoir de graves conséquences 113 .
Les éventuels contrevenants sont menacés par une justice qui envisage de leur
appliquer certains règlements juridiques dont la cible première n’était pourtant pas les
experts judiciaires. L’article 80 du Code d’instruction criminelle s’attache aux individus
qui refusent de témoigner :
« toute personne citée pour être entendue en témoignage, sera tenue de comparaître et de
satisfaire à la citation ; sinon, elle pourra y être contrainte par le juge d’instruction qui, à
cet effet, sur les conclusions du procureur du roi, sans autre formalité ni délai, et sans
appel, prononcera une amende qui n’excédera pas cent francs, et pourra ordonner que la
personne citée sera contrainte, par corps, à venir donner son témoignage » 114 .
Or, d’aucuns sont tentés d’appliquer cette contravention aux hommes de l’art appelés
comme experts et qui se soustrairaient à la réquisition. Se pose alors le problème, abordé
plus loin dans la présente étude, du statut du praticien requis comme expert : un médecin
expert peut-il être traité comme un témoin ?
Une affaire de refus de réquisition, dite “affaire des médecins de Rodez”, devient le
symbole de la résistance et des revendications des médecins à l’égard de la justice. Elle
illustre les difficultés et les dilemmes rencontrés par une justice qui doit appliquer une
législation à des irrégularités qu’elle ne prend d’ailleurs pas en considération. En août
1889, la disparition d’une servante est signalée au parquet de Rodez. Quelques heures plus
tard, le corps est découvert. Les premières constatations effectuées par le juge de paix
laissent fortement soupçonner un crime. Le juge d’instruction se transporte le lendemain
sur les lieux, accompagné du procureur de la République. Sur les cinq praticiens de Rodez
sollicités, deux sont absents de leur domicile et les trois autres déclinent la réquisition, soit
sous prétexte d’être occupés, soit en arguant de l’insuffisance des honoraires alloués pour
l’expertise. La réalisation de l’examen cadavérique ne pouvant souffrir un délai d’attente
supplémentaire, le magistrat réitère la réquisition auprès des mêmes médecins. Il se voit
signifier de nouveau un refus d’obtempérer des cinq hommes de l’art et dresse alors
procès-verbal. Présentés devant le tribunal de simple police, les cinq médecins sont
condamnés selon l’article 475 du Code pénal. Ils font appel et sont relaxés par le tribunal
d’instance de Rodez. Le ministère public soumet alors l’affaire à la Cour de Cassation qui
113 Pour une analyse du refus de la réquisition du point de vue des médecins cf. le chapitre 4.
114 Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 139.
117

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
casse le jugement du tribunal d’instance et renvoie les contrevenants devant le tribunal
correctionnel de Milhau 115 .
L’article 475 condamne en effet à une amende
« depuis 6 francs jusqu’à 10 francs inclusivement, ceux qui, le pouvant, auront refusé ou
négligé de faire les travaux, le service, ou de prêter le secours dont ils auront été requis,
dans les circonstances d’accident, tumulte, naufrage, inondation, incendie ou autres
calamités, ainsi que dans les cas de brigandages, pillages, flagrant délit, clameur publique,
ou d’exécution judiciaire » 116 .
Selon Joseph Carnot, auteur d’un commentaire du Code pénal en 1836, une contravention
ne peut être infligée que si trois conditions sont réunies : une réquisition en bonne et due
forme, l’urgence, et que l’individu requis soit en mesure de rendre ce service 117 .
Cependant, pour nombre d’auteurs, cette législation ne devrait pas être appliquée aux
hommes de l’art : le refus de fournir une aide intellectuelle ne peut être comparé au refus
d’apporter un concours manuel 118 . Par voie de conséquence, il ne peut leur être infligé la
même peine. Faustin Hélie, « le savant criminaliste » 119 , indique que l’article 475 du Code
pénal ne se réfère « qu’à un concours purement matériel » 120 .
L’affaire des médecins de Rodez met donc en lumière l’embarras de la justice quant
à l’application ou non de l’article 475 aux médecins requis comme experts. La
jurisprudence tend à indiquer que la situation de flagrant délit impose au médecin de
répondre à la requête du magistrat, sous peine d’être condamné en vertu de l’article 475 121 .
A l’inverse, les affaires ne relevant pas du flagrant délit laissent les autorités judiciaires
démunies en cas de réponse négative de l’homme de l’art. Gallard, lors d’une séance de la
Société de médecine légale, rapporte que l’ensemble du corps médical d’une localité, par
solidarité avec deux médecins experts malmenés au cours d’un procès, a décliné les
réquisitions ne relevant pas du flagrant délit, sans être inquiété 122 . Devant cet imbroglio
juridique, les législateurs décident de clarifier la situation : la loi du 30 novembre 1892
115
« L’affaire des médecins de Rodez devant la Cour de cassation. Instruction criminelle. Réquisition de
justice. Découverte d’un cadavre. Flagrant délit. Médecin. Refus. Contravention », Chronique, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème série, t. 23, pp. 372-381.
116
Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., p. 197.
117
Cité dans François Duverger, Manuel criminel des juges…, op. cit., p. 144.
118
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 237.
119
« L’affaire des médecins de Rodez… », art. cit., p. 374.
120
Ibid.
121
Horteloup, « Du droit de réquisition des médecins-experts par la justice », Société de médecine légale
(séance du 10 février 1890), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème
série, t. 23, p. 237.
122
« Séances de la Société de médecine légale de France », Société de médecine légale de France (séance du
12 février 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883, 3 ème série, t. 9,
pp. 505-506.
118

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
instaure, grâce à l’article 23, que les médecins régulièrement commis sont tenus de déférer
aux réquisitions de la justice, sous peine d’être frappés d’une amende de 25 à 100 francs 123 .
Néanmoins, les magistrats eux-mêmes sont peu enclins à contraindre, voire
sanctionner, des praticiens dont le travail peut être déterminant pour la suite de
l’instruction. D’aucuns, à l’instar de François Duverger, en soulignent même le paradoxe :
« il serait bizarre que l’on pût user de contrainte, pour obtenir une décision, envers ceux
qui ont besoin d’une entière liberté d’esprit pour délibérer leur opinion ; ce serait détruire
à l’avance toute la confiance que doit obtenir le rapport des experts » 124 .
Du côté du corps médical, on souligne d’ailleurs, que bien que des amendes sont prévues
pour les refus d’obtempérer aux réquisitions de la justice, les peines sont « peu grave[s] et
en disproportion avec le service demandé », et très minimes par rapport à celles infligées
par les législations étrangères 125 . Le Dr L. Reuss a rédigé une étude comparative de la
situation des médecins experts à l’étranger, publiée dans les Annales d’hygiène publique et
de médecine légale. Il y aborde notamment le refus de réquisition. En Prusse, il n’est pas
permis à un médecin de refuser son concours à la justice. L’homme de l’art qui commet
une telle infraction est mis à l’amende. S’il peut alors faire preuve d’une justification pour
son refus, maladie ou empêchement, la contravention est levée 126 . En Bavière, le refus est
puni d’une amende d’un montant de 300 marcs, soit 375 francs 127 . La Finlande, quant à
elle, franchit un palier en menaçant les médecins non coopératifs de prison, s’ils persistent
dans leur refus de répondre à l’appel de la justice 128 .
En définitive, que ce soit dans les textes ou dans la pratique, les réquisitions de
médecins experts sont avant tout une question de négociation, le magistrat n’ayant aucun
intérêt à imposer à un homme de l’art une tâche d’une si haute importance pour son
dossier, et le praticien ne pouvant, en toute conscience, refuser son aide à la communauté.
Une fois reçu l’accord tacite du praticien, la procédure de réquisition passe à une seconde
étape : la prestation du serment et la description, plus ou moins précise, des attentes de
l’instance requérante au sujet de l’expertise.
123 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 240.
124 François Duverger, Manuel criminel des juges…, op. cit., p. 146.
125 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 120.
126 L. Reuss, « Les médecins experts à l’étranger », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1890, 3 ème série, t. 23, p. 296.
127 Ibid., p. 299.
128 Ibid. p. 306.
119

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
B) Etapes de la soumission de l’expert
1) Le serment 129
L’homme de l’art n’est pas un homme de loi, à l’inverse du maire et du gendarme
qui, comme il a été mentionné précédemment, font office de remplaçant du procureur dans
certaines circonstances et peuvent être, par conséquent, désignés par l’appellation
d’“officier de police judiciaire”. Le praticien de l’art de guérir n’est qu’un auxiliaire de la
justice, et momentané de surcroît. En effet, le titre ne lui est conféré que dans les limites
chronologiques de la mission pour laquelle il a été appelé. Il est donc indispensable que
l’individu renouvelle la prestation de serment à chaque réquisition. C’est ce que sous-
entend l’article 44 du Code d’instruction criminelle en précisant que « les personnes
appelées dans les cas du précédent article, prêteront devant le procureur de la République
le serment de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience » 130 .
La prestation de serment n’est pas une formalité négligeable. Tout d’abord, elle
confère à celui qui s’y livre, un rôle dans l’institution judiciaire. « C’est par cette promesse
de probité et d’impartialité que l’expert prend place symboliquement et effectivement dans
le champ judiciaire » 131 . Le praticien fait dès lors partie intégrante des protagonistes
judiciaires de l’enquête, au même titre que le magistrat instructeur ou le commissaire de
police, et acquiert un certain degré de légitimité. De plus, si cette étape n’a pas été
respectée au cours de l’expertise, toutes les informations fournies par l’homme de l’art,
ainsi que le rapport qu’il a rédigé à l’issue de son examen, sont dévalués : « si le serment
n’était pas prêté, la procédure ne serait pas nulle, mais le rapport n’aurait que la valeur
d’un simple renseignement » 132 .
La formule du serment, indiquée dans l’article 44 du Code d’instruction criminelle,
se rencontre surtout dans la seconde moitié du XIX e siècle, c’est-à-dire au moment où
apparaissent les prestations de serment rédigées à part, non fondues dans un document à
portée plus générale, tel le procès-verbal de constat. Avant cela, la formule de serment la
plus courante est « en son âme et conscience », comme le montre l’illustration 6. Nombre
d’exemples peuvent être donnés : le juge d’instruction de Châtellerault, chargé d’instruire
129 Le serment a fait l’objet de nombreuses études historiques, ethnologiques et anthropologiques. Cf. par
exemple les actes du colloque édités par Raymond Verdier : Le serment, actes du colloque international (25-
27 mai 1989) organisé par le CNRS et l’Université de Paris X-Nanterre, Paris, Editions du CNRS, 1991, 2 t.,
XXV-457 + VIII-484 p.
Robert Jacob y réalise une synthèse sur le serment judiciaire : Robert Jacob, « Anthropologie et histoire du
serment judiciaire » in Raymond Verdier, Le serment, t. 1 : Signes et fonctions, op. cit., pp. 237-263.
130 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 68.
131 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire…, op. cit., p. 51.
132 François Duverger, Manuel criminel des juges…, op. cit., p. 147.
120

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
une affaire d’empoisonnement en juillet 1825, requiert deux experts, un médecin et un
chimiste, pour effectuer un examen sur les restes d’un corps exhumé. Il leur fait alors
prêter serment de remplir cette tâche « en leur âme et conscience » 133 . Quelques années
plus tard, en 1829, son confrère du tribunal civil de Civray demande à deux hommes de
l’art de l’accompagner dans les environs de Genouillé, village de la Vienne, pour y
pratiquer l’autopsie d’un nouveau-né. Les deux médecins, soumis à la prestation du
serment, jurent de « remplir en leur âme et conscience la mission » 134 . D’aucuns, par
commodité ou par prudence, citent simplement le numéro de l’article juridique qui
réglemente le serment d’expert. Le juge de paix du canton de Gençay demande au docteur
en médecine Pierre Barot, et à l’officier de santé Antoine Thiaudière, de l’accompagner
pour examiner une victime d’homicide. Les deux hommes de l’art prêtent alors le serment
« d’après les dispositions de l’article 44 du Code d’Instruction Criminelle » 135 . Il
renouvellera ce procédé lors de la réquisition des mêmes hommes de l’art, en mai 1830,
pour une affaire d’assassinat 136 .
La mention de la prestation du serment apparaît le plus souvent dans le procès-
verbal de l’homme de loi menant l’instruction, comme l’illustrent les deux procès-verbaux
ci-dessous (illustrations 5 et 6). Néanmoins, durant les dernières décennies du XIX e siècle,
les documents imprimés se multiplient. Ils ont les mêmes finalités et avantages que les
documents relatifs à la réquisition du médecin expert : rapidité, fonctionnalité, régularité.
Ce document peut être indépendant (illustrations 7 et 8) ou intégré à une ordonnance de
réquisition, la prestation étant la continuité logique et légale de la réquisition. Sur ces
documents, la formule indiquée est celle de l’article 44, « en son honneur et conscience ».
133 A.D.V., 2U 548, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre par empoisonnement »,
Procès-verbal constatant l’exhumation de G., le 6 juillet 1825.
134 A.D.V., 2U 1502, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et complicité »,
Procès-verbal de constat, le 5 décembre 1829.
135 A.D.V., 2U 551, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Homicide volontaire », Procès-
verbal de l’autopsie, le 12 avril 1827.
136 A.D.V., 2U 1504, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Autopsie du
cadavre, le 2 mai 1830.
121

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Source : A.D.D.-S., 2U 100, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Procès-verbal du procureur du roi, le 26 mai 1822.
Illustration 5 : Prestation de serment intégrée au procès-verbal.
122

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Source : A.D.D.-S., 2U 292, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et
vol », Procès-verbal du juge de paix, le 15 janvier 1880.
Illustration 6 : Prestation de serment intégrée au procès-verbal.
123

Prestation de serment d’expert
——————————————
——————————————
TRIBUNAL
de 1 ère Instance
PRESTATION DE SERMENT D’EXPERT
———————————
COUR D’APPEL
DE
POITIERS
——
d...........................
———
- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
L’an mil huit cent quatre vingt _______ le________
Devant nous, _______________________________
Juge d’Instruction de l’arrondissement de Poitiers,
département de la Vienne, assisté de__________________
Greffier _________________________________________
étant ___________________________________________
________________________________________________
____comparu ____________________________________
________________________________________________
________________________________________________
Le quel__ après avoir pris connaissance de notre
réquisitoire en date de____ qui l___ commet à l’effet de
procéder ________________________________________
________________________________________________
________________________________________________
________________________________________________
________________________________________________
___ déclaré accepter la mission qui l__ est confiée et___en
conséquence prêté entre nos mains, le serment d’en remplir
l’objet en l____ honneur et conscience.
L’an mil huit cent quatre-vingt.........................…………
Pardevant nous...........................................................….…
DÉPARTEMENT
CABINET
Juge d’Instruction au Tribunal de 1 ère instance séant à.….
DU
Juge d’Instruction
———
...............................assisté de...................................……….
Greffier, étant en notre chambre, au Palais de Justice de
d..........................
———
TRIBUNAL
ladite ville.
.............comparu...........................................................…....
DE 1 ère INSTANCE
d........................
.......................................................................................……
....................................................................................……..
124
L..…quel......, après avoir pris connaissance de notre
ordonnance du..……qui le....commet.... à l’effet de procéder
...............................................................................................
.............................................................................…………..
.....................................................................................……..
En foi de quoi, lecture faite,___signé avec nous et le
greffier.
.....................................................................................……..
..….....déclaré accepter la mission qui.......est confiée, et….
en conséquence prêté entre nos mains le serment d’en
Poitiers, le _____________ 189 ___
remplir l’objet en ................honneur et conscience.
En foi de quoi,.................signé avec nous et le...................
Greffier, après lecture.
Source : A.D.V., 2U.
Illustration 8 : Prestation de serment du tribunal de Poitiers (années 1890).
Source : A.D.V., 2U.
Illustration 7 : Prestation de serment d’expert.

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
Le moment et le lieu de la prestation sont variables, et comme très souvent dans les
enquêtes judiciaires, intrinsèquement liés aux circonstances. Dès lors que l’homme de l’art
est appelé, soit il se transporte directement sur les lieux où le drame s’est déroulé, seul ou
de concert avec l’instance qui l’a requis, soit il se rend dans le cabinet du magistrat pour
recevoir des précisions quant à la tâche qui l’attend. En décembre 1816, le juge
d’instruction du tribunal de Châtellerault se rend au domicile d’un homme, dont l’une des
employées est soupçonnée d’avoir fait disparaître son enfant nouveau-né. Il se fait
accompagner de deux docteurs en médecine à qui il fait prêter serment, sur les lieux
mêmes du drame, après que le petit cadavre a été retiré des latrines 137 . Cette chronologie de
la procédure se rencontre également quand l’expertise doit être pratiquée en dehors de la
ville d’exercice du magistrat et des experts : les Drs Iszenard et Brossard, résidant tous
deux à Poitiers, sont requis le 23 octobre 1847 par le juge d’instruction de cette même
localité. Ils sont priés de se transporter au fief de Bas-Long, dans la commune de Charrais,
situé au nord de l’arrondissement. Ce n’est qu’une fois arrivé sur place que le magistrat
leur demande de prêter serment 138 .
La plupart des réquisitions en matière d’examen post mortem se déroulent selon ce
modèle, mais il existe aussi quelques expertises judiciaires construites suivant une autre
chronologie. En janvier 1884, le procureur de Bressuire est informé par un homme que sa
fille est certainement l’auteur d’un horrible crime, le décès de son enfant. Le magistrat se
rend sur place et constate le fait en question. Aucun médecin n’étant à sa disposition pour
réaliser un examen, il fait placer le petit corps dans une caisse qu’il transporte lui-même au
parquet, pour la confier au magistrat en charge de l’instruction 139 . Ce dernier requiert dès le
lendemain un médecin de Bressuire, le Dr Alfred Brillaud, qui se transporte au palais de
justice pour y prêter serment et prendre connaissance de l’expertise qui lui est
demandée 140 . En fait, les prestations de serment qui ont lieu dans l’enceinte où est rendue
la justice, sont généralement consécutives au transport du corps du délit, en l’occurrence de
la dépouille mortelle, entre ses murs.
L’instauration des listes d’experts auprès des tribunaux, par le décret du 21
novembre 1893, n’a pas supprimé les modalités de prestation de serment pour le médecin
137
A.D.V., 2U 538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
juge d’instruction, décembre 1816.
138
A.D.V., 2U 1586, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
docteurs médecins, le 24 octobre 1847.
139
A.D.D.-S., 2U 305, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal du
procureur de la République, le 4 janvier 1884.
140
Ibid., Rapport du Dr Brillaud, 13 janvier 1884.
125

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
requis par la justice. L’inscription des professionnels non juristes auxquels le tribunal
accorde sa confiance, confère uniquement le titre d’expert à ceux qui figurent sur cette
liste. Or, ce titre est totalement indépendant de la mission que peut leur confier la justice
lorsqu’elle les appelle à son service. Ainsi, alors que le décret en question n’est en vigueur
que depuis quatre mois, le juge d’instruction de Poitiers requiert Jules Brossard, fort de son
titre de médecin-expert près le tribunal de Poitiers, pour lui confier l’autopsie d’un
nouveau-né. Or, dans son rapport, l’homme de l’art indique s’être rendu sur les lieux, en
ayant au préalable prêté serment devant ce magistrat 141 . Mais il ne faut pas croire que cette
prestation de serment serait due à une quelconque habitude, tant du magistrat que du
praticien, dont il peut être difficile de se débarrasser. En effet, huit années après la
promulgation de ce décret, le juge d’instruction du tribunal de Montmorillon fait appel au
Dr Louis Lhuillier, médecin expert près ce même tribunal. Le réquisitoire, rédigé par le
greffier du juge d’instruction, concernant la mission qui est dévolue à l’homme de l’art,
contient aussi sa prestation de serment relative à l’expertise en question 142 .
Le serment n’est pas le seul élément intégré à la réquisition qui démontre que le
médecin qui accepte la réalisation d’une expertise est au service de la justice. Le magistrat
s’immisce dans l’acte scientifique lui-même et guide les mains de l’expert par les questions
qu’il demande à l’homme de l’art de résoudre.
2) Directives du magistrat
Une fois que le médecin a accepté l’expertise que la justice lui demande de
pratiquer, et après avoir juré de remplir cette mission « en son honneur et conscience », le
magistrat fournit quelques précisions quant à ses attentes vis-à-vis de l’expertise. Elles
peuvent être très floues ou, au contraire, bien définies, et donc donner à l’expert une ligne
de conduite à suivre. Alphonse Devergie, un des représentants de la médecine légale du
premier tiers du XIX e siècle, mentionne dans son ouvrage Médecine légale, théorique et
pratique, que « les termes de cette ordonnance [du magistrat] doivent, avant tout, être
pesés par le médecin ; et la direction qu’il imprimera à son opération, aura pour but
141
A.D.V., 2U 1744, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin, le 16 mars 1894.
142
A.D.V., 3U 4 / 642, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Homicide par imprudence », Réquisitoire
et prestation de serment, le 3 juillet 1911.
126

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
principal la solution des questions qui lui auront été soumises » 143 . Lorsque le magistrat
s’adjoint le concours d’un homme de l’art, il lui procure un minimum d’informations quant
aux circonstances du décès, aux observations et manipulations qui ont pu être effectuées
sur le cadavre avant son arrivée près de la dépouille du défunt. Ces renseignements sont
plus ou moins détaillés, et proportionnels aux connaissances criminalistiques et médico-
légales des officiers de police judiciaire arrivés les premiers sur les lieux. Or, certains
juristes déplorent qu’en France, « la formation technique des magistrats et agents de tout
ordre, appelés, par leurs fonctions, à rechercher et à poursuivre les crimes et les délits,
[soit] entièrement abandonnée au hasard » 144 .
Malgré cette absence d’enseignement relatif aux diverses sciences et techniques
auxquelles les représentants de la justice peuvent recourir, nombre d’entre eux s’avèrent
tout à fait capables de guider le médecin dans ses recherches, en lui posant, oralement ou
par écrit, une quantité de questions auxquelles l’examen post mortem devra tenter de
répondre. Une des affaires d’infanticide, citées précédemment comme exemple pour la
réquisition des experts, en est une illustration parfaite. Le juge de paix du canton de
Frontenay, dans les Deux-Sèvres, s’adjoint les services de deux chirurgiens, Jacques Brivin
et Laurent Mounier. Après avoir interrogé un certain nombre de témoins et avoir effectué
quelques constatations, le représentant de la justice de paix requiert les deux hommes de
l’art, leur demande de procéder à la visite du petit cadavre, à savoir :
« 1°) s’ils pensent qu’il est né à terme
2°) s’il est né vivant
3°) la cause de la mort
4°) constater autant que possible toutes les causes qu’ils pourront découvrir pour
parvenir à la manifestation de la vérité sur la mort de l’enfant » 145 .
Ce phénomène s’accroît notamment avec l’apparition des ordonnances et des
commissions d’expert, indépendantes du procès-verbal. Grâce à ces documents,
entièrement rédigés par le greffier au départ, en partie imprimés ensuite, le magistrat
instructeur énonce clairement ce qu’il attend de l’homme de l’art, ou en l’occurrence de
l’expertise qui lui est demandée de réaliser. En 1890, le juge de paix d’Argenton-Château,
143 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, p. 104.
144 E. Gardeil, « Préface », in Hanns Gross, Manuel pratique d’instruction judiciaire à l’usage des
procureurs, des juges d’instruction, des officiers et des agents de police judiciaire, fonctionnaires de police,
gendarmes, agents de service de la sûreté, traduit de l’allemand par Boucart et Wintzweiller, Paris, Marchal
et Billard, 1899, t. 1, p. VII.
145 A.D.D.-S., 2U 70, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
délit, le 6 mars 1814.
127

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
département de la Vienne, commet le Dr Michel, via une ordonnance de réquisition, à
l’effet de réaliser l’autopsie d’un enfant nouveau-né, dont le cadavre a été découvert enfoui
dans la terre. L’expert doit, grâce à son examen post mortem, répondre à quatre questions :
si l’enfant est né à terme, s’il était viable, s’il a vécu, et enfin à quelle cause attribuer la
mort 146 ? L’illustration 1 est un autre exemple d’ordonnances de réquisition dans lesquelles
le magistrat expose toutes les interrogations auxquelles les hommes de l’art vont devoir
apporter une réponse. Dans ce cas particulier, le magistrat instructeur prie les médecins
experts de :
« rechercher les causes de la mort et répondre spécialement aux questions suivantes :
1°) A quelle époque remonte le décès ?
2°) Quelle a été la cause de la mort ?
3°) Quels organes essentiels ont été lésés ?
4°) Paraît-elle avoir été précédée d’une lutte ?
5°) Chacun des coups de couteau portés était-il de nature à déterminer la
mort ? » 147 .
L’influence du magistrat, et ses demandes vis-à-vis de l’examen, sont parfois telles
qu’elles se répercutent sur la rédaction du rapport d’expertise. Par souci de répondre
rigoureusement aux attentes du juge d’instruction qui l’a requis, le médecin expert reprend
une à une les questions posées pour élaborer ses conclusions. Les deux médecins commis
comme experts, par le juge d’instruction de Bressuire, dans une affaire d’infanticide, en
octobre 1866, débutent leur rapport d’expertise par énoncer toutes les questions que le
magistrat leur a posé : « 1°) L’enfant est-il né à terme ? ; 2°) Est-il né vivant ?, était-il
viable ?, a-t-il respiré ? ; 3°) Est-il permis d’affirmer qu’il aurait vécu s’il n’avait pas reçu
de coup ? […] » 148 . A chacune de ces interrogations répond une conclusion des experts :
« 1°) L’enfant est né à terme ; 2°) Il est né vivant, a respiré, est fort, bien constitué, et offre
tous les signes externes et internes de la viabilité ; 3°) Il était dans les meilleures
conditions pour prolonger son existence qui a été brisée par un coup porté sur le crâne
[…] » 149 .
Certains experts médicaux peuvent même se contenter de répondre aux questions posées
par la justice, réponses qui tiennent alors lieu de conclusion à leur examen. Le trio de
médecins poitevins à qui le juge d’instruction a demandé d’examiner la dépouille d’une
femme victime d’assassinat, indiquent à la fin de leur rapport que leur
146 A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Ordonnance, le 1 er
juin 1890.
147
A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Ordonnance, le 29
juillet 1890.
148
A.D.D.-S., 2U 252, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins, le 24 octobre 1866.
149 Ibid.
128

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
« recherches permettent de répondre aux questions posées par le juge d’instruction :
1 ère question : Combien le corps de la fille M. porte-t-il de blessures ? 52.
2 ème question : Quelle est la nature de l’instrument ? Probablement un instrument
piquant à double tranchant, solidement fixé sur un manche. […] » 150 .
Les étapes du processus de réquisition d’un expert par la justice peuvent apparaître
comme bien définies, distinctes les unes des autres. Or, dans son exécution, ces diverses
étapes ont tendance à se chevaucher, voire à se fondre en une seule démarche : l’homme de
loi requiert le praticien de l’art de guérir, lui explique ce qu’il attend de son concours, et
dans la foulée lui fait prêter serment de remplir sa mission, mission qu’il s’empresse de lui
décrire plus en détail à l’aide de questions auxquelles le médecin expert est prié de
répondre. Ces formalités légales remplies, l’homme de l’art jouit du statut d’expert
judiciaire. Néanmoins, ce statut demeure précaire et imprécis.
C) Expert, un statut fragile
Parmi les points de friction entre la justice et ces experts médicaux, le statut même
de l’homme requis est l’un des plus virulents. L’élément qui provoque le mécontentement,
voire la colère, des sommités de la médecine légale est le flou artistique que la justice
s’acharne à maintenir entre les experts, qu’elle emploie, et les témoins, qu’elle auditionne.
1) A chacun son serment
La première manifestation de la confusion que la justice fait, volontairement ou
non, entre l’expert et le témoin apparaît avec la prestation du serment. Les formules de
serment au moment de la réquisition des médecins, ont été abordées précédemment. Dès
lors que ces mêmes hommes de l’art sont appelés à venir déposer dans le cabinet du
magistrat, pour lui relater ce qu’ils ont observé et conclu de leur examen, la formulation du
serment change : il s’agit du serment que prête n’importe quel témoin. Les deux praticiens
de l’art de guérir requis pour une affaire qui a déjà été mentionnée, sont convoqués par le
juge d’instruction du tribunal civil de Civray pour venir lui relater les éléments importants
de leur expertise. Avant toute autre déclaration les deux hommes, Antoine Thiaudière et
Pierre Barot, sont priés de jurer de « dire toute la vérité, rien que la vérité » 151 . Or, le juge
150
A.D.V., 2U 1622, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
experts, le 21 mai 1854.
151
A.D.V., 2U 1504, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Information, le
17 mai 1830.
129

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
de paix leur avait fait prêter serment, selon « les dispositions de l’article 44 du Code
d’Instruction Criminelle » 152 , avant qu’ils ne pratiquent l’examen post mortem.
Le magistrat instructeur n’étant pas l’instance qui a requis les hommes de l’art au
départ, il pourrait sembler logique qu’il souhaite que ces hommes réitèrent devant lui un
serment. De plus, le juge ne leur confiant pas une autre mission d’expertise, il apparaît
normal que la formule soit celle appliquée aux témoins. Il est en fait difficile pour le
magistrat de les considérer comme des “médecins au rapport”, dans la mesure où ce n’est
pas lui qui leur a confié l’expertise. En outre, soit par automatisme, soit pour rappeler la
solennité et l’implication de leurs déclarations, certains juges d’instruction n’hésitent pas à
faire prêter le serment des témoins, aux hommes de l’art qu’ils auditionnent dans leur
cabinet, alors que ce sont eux-mêmes qui les ont commis pour réaliser l’expertise, et de
qui, par voie de conséquence, ils ont obtenu le serment correspondant. Durant l’hiver 1910,
le Dr Edouard Gaud, désigné comme expert près le tribunal de Melle pour l’année, est
commis par le magistrat instructeur pour « procéder à l’autopsie du cadavre d’un enfant
pour rechercher les causes de la mort et constater tous les indices de crime et de délit » 153 .
Suite à son expertise, l’homme de l’art rédige un rapport, qu’il transmet au magistrat 154 .
Quelques jours plus tard, le 18 février 1910 exactement, le même juge d’instruction
demande au médecin expert de comparaître dans son cabinet, lui fait prêter le serment de
dire la vérité, puis l’interroge sur les circonstances de l’accouchement et les ecchymoses
observées sur la petite victime 155 .
La dualité statutaire des médecins à qui la justice demande conseils, se manifeste
également au moment du procès. En effet, les hommes de l’art, appelés à venir déclarer
devant la cour et les jurés ce qu’ils ont constaté durant l’expertise, doivent, à l’instar de
tous les individus venant à la barre, jurer « de parler sans haine et sans crainte, de dire
toute la vérité et rien que la vérité » 156 .
L’institution judiciaire s’y perd elle-même, se contredisant à plusieurs reprises
quant au serment auquel doit être soumis un homme de l’art requis pour apporter ses
lumières dans une affaire criminelle. Henry Legrand du Saulle cite trois arrêts de la Cour
de Cassation, ne se succédant que de quelques années, et qui prennent à chaque fois le
152
Ibid., Autopsie du cadavre, le 2 mai 1830.
153
A.D.D.-S., 2U 383, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Commission de
médecin, le 2 février 1910.
154
Ibid., Rapport du médecin légiste, le 10 février 1910.
155
Ibid., Procès-verbal d’information, le 18 février 1910.
156
Article 317 du Code d’instruction criminelle cité dans Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op.
cit., p. 261.
130

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
contre-pied de l’arrêt précédent. En août 1835, tout d’abord, cette cour déclare que tout
expert qui a prêté, durant l’instruction, le serment prescrit à l’article 44 du Code
d’instruction criminelle, n’est pas tenu de renouveler sa prestation lors de sa déposition au
procès. Et quand bien même une telle prestation aurait lieu, ce serment serait considéré
comme nul, car inutile 157 . Un deuxième arrêt vient contrebalancer celui-ci en février 1841 :
selon cet arrêt, il est préférable d’imposer aux experts un seul serment, en l’occurrence
celui des témoins 158 . Enfin, ultime volte-face, l’arrêt du 8 janvier 1846 interdit de
soumettre les experts à un autre serment que celui qu’ils prononcent au moment de leur
réquisition 159 .
2) Défendre son particularisme
Cet amalgame des divers individus déposant lors du procès ne contente pas les
hommes de l’art, anciens experts de l’affaire jugée, qui se sentent alors dénigrer et mis sur
un pied d’égalité avec ceux qui se sont bornés à voir ou entendre quelque chose. Or, les
médecins, experts effectifs ou potentiels, s’efforcent de faire comprendre à la justice qu’ils
ne sont pas de simples témoins, et qu’ils ont droit, par conséquent à certains égards et
certaines faveurs. Tout d’abord, ils ne se considèrent pas comme indispensables : à
l’inverse du témoin qui est unique, seul à pouvoir dire ce qu’il sait, les hommes de l’art
sont interchangeables, plusieurs praticiens étant capables d’examiner un corps et de faire
les constatations nécessaires 160 . Second particularisme mis en avant : le médecin expert
effectue un travail de description et de réflexion qu’il relate ensuite dans un rapport écrit.
Or, à l’instar de toute personne appelée à la barre, il lui est théoriquement interdit, au cours
de l’audience, « de se servir d’un document écrit ou de consulter des notes » 161 .
Néanmoins, un arrêt de la Cour de Cassation reconnaît qu’il n’y a pas « nullité parce que le
témoin fait, dans sa déposition, usage de notes écrites relatives au rapport médical dont il
a été chargé comme expert » 162 . Contrairement au témoin classique, l’homme de l’art
appelé devant le tribunal peut faire une déposition orale avec assistance scripturale. Enfin,
pour renforcer l’idée que l’expert n’est pas un témoin lambda, nombre d’auteurs souhaitent
157
Arrêt de la Cour de Cassation du 21 août 1835, cité dans Henry Legrand du Saulle, Traité de médecine
légale…, op. cit., p. 159.
158
Arrêt de la Cour de Cassation du 19 février 1841, cité dans ibid.
159
Arrêt de la Cour de Cassation du 8 janvier 1846, cité dans ibid.
160
Ibid., p. 140.
161
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 17.
162
Arrêt de la Cour de Cassation du 20 mars 1851, cité dans Paul Brouardel, La responsabilité médicale…,
op. cit., p. 203.
131

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
que les médecins soient autorisés à assister à toutes les dépositions précédant la leur 163 .
Gabriel Tourdes, éminent spécialiste de la discipline, nommé par ailleurs doyen de la
Faculté de médecine de Nancy en 1879 164 , estime qu’il y aurait « un grand intérêt à ce que
le médecin soit présent aux interrogatoires et aux dépositions ; mieux qu’un autre, il peut
établir le rapport qui existe entre les témoignages et les faits scientifiques » 165 . A mots
couverts, ce renommé spécialiste de la médecine légale explique que la présence du
médecin expert à l’ensemble des débats pourrait lui permettre de contester certaines
déclarations, si ce n’est mensongères, du moins erronées, eu égard aux constatations
médicales et scientifiques effectuées.
Malgré ces diverses argumentations, les tentatives des représentants de la médecine
légale, pour démontrer qu’un expert médical ne peut, et ne doit, pas être considéré comme
un témoin, restent vaines. En effet, la justice a toutes les raisons de maintenir les médecins,
à qui elle demande de l’aide pour une enquête criminelle, dans une sorte de statut hybride,
mi-expert, mi-témoin 166 . En citant l’homme de l’art à comparaître durant le procès, comme
les autres témoins, la justice se prémunit d’un éventuel refus de sa part. L’article 80 du
Code d’instruction criminelle stipule en effet que toute personne appelée à témoigner est
tenue de comparaître, sous peine d’amende :
« toute personne citée pour être entendue en témoignage, sera tenue de comparaître et de
satisfaire à la citation ; sinon, elle pourra y être contrainte par le juge d’instruction qui, à
cet effet, sur les conclusions du procureur du roi, sans autre formalité ni délai, et sans
appel, prononcera une amende qui n’excédera pas cent francs, et pourra ordonner que la
personne citée sera contrainte, par corps, à venir donner son témoignage » 167 .
Une autre explication peut être avancée, plus matérielle celle-ci : un témoin coûte moins
cher à la justice qu’un expert. Les personnes accaparées par un procès, qu’elles soient
163
Tous les témoins sont tenus de sortir de la salle d’audience, une fois l’acte d’accusation lu, et avant la
déposition de l’accusé, puis d’attendre ensemble dans une pièce particulière jusqu’à ce qu’ils soient appelés à
la barre.
Cf. Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 17 et Paul Brouardel, La responsabilité
médicale…, op. cit., p. 278.
164
« Faculté de médecine de Nancy », Chronique, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1879, 3 ème série, t. 1, p. 287.
165
Gabriel Tourdes, « Médecine légale », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1872, 2 ème série, t. 5, p. 709.
166
Pour certaines instances judiciaires, notamment la justice britannique, la juxtaposition des termes “expert”
et “témoin”, substantifs somme toute antinomiques, est un moyen lui permettant de distinguer les experts de
la défense et les experts de l’accusation : les premiers sont qualifiés de « témoin expert de la défense », alors
que les seconds sont appelés « experts légistes ». La distinction entre les deux types d’experts, et l’utilisation
de l’expression “témoin expert”, sous-entend que l’un d’eux a effectivement réalisé un travail d’expertise, en
l’occurrence l’expert légiste, alors que son confrère se contente de donner avis et réflexions, opposées bien
sûr, quant aux constatations et preuves avancées par l’expert de l’accusation.
Cf. Michael Lynch, Ruth McNally, « “Science”, “sens commun” et preuve ADN… », art. cit., pp. 656-657.
167
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 16.
132

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
jurées ou témoins, sont dédommagées pour les dépenses occasionnées ainsi que pour le
manque à gagner, consécutif à l’impossibilité de pouvoir travailler durant cette période.
L’article 25 du décret du 18 juin 1811 s’attache à déterminer les sommes allouées aux
divers professionnels de l’art de guérir dans pareille situation :
« Dans tous les cas où les médecins, chirurgiens, sages-femmes, seront appelés, soit devant
le juge d’instruction, soit aux débats, à raison de leurs déclarations, visites ou rapports, les
indemnités dues pour cette comparution leur seront payées comme à des témoins
ordinaires, et seulement s’ils requièrent taxe » 168 .
Ces dernières sont exposées à l’article 27 du même décret :
« Pour chaque jour que le témoin aura été détourné de son travail ou de ses affaires, il lui
sera accordé, savoir : à Paris, 2 fr. ; dans les villes de 40 000 habitants et au-dessus, 1 fr.
50 c.; dans les autres villes et communes, 1 fr. » 169 .
Cependant, les experts obtiennent, en 1861, une première petite victoire, suivie de succès
encore plus importants 170 , avec une circulaire du garde des Sceaux : les experts appelés
devant les tribunaux pour déposer sont dédommagés selon les tarifs définis par l’article 22
du décret du 18 juin 1811 171 .
Mais si les magistrats s’efforcent de maintenir les médecins experts au rang de
simples témoins ce n’est pas uniquement par souci économique. Cette régression au stade
de détenteur d’un fait au lieu d’un savoir et d’une réflexion procure aux magistrats une
certaine supériorité. Cette domination peut être tellement bien assimilée par les hommes de
l’art, qu’ils laissent les représentants du parquet mener les débats, se contentent de
répondre aux questions qui leur sont posées, et n’outrepassent jamais le rôle que la justice
leur confère. D’aucuns agissent ainsi par soumission réelle à la justice, alors que d’autres,
au contraire, semblent souligner, par cet effacement feint, leur indépendance vis-à-vis du
parquet. Paul Brouardel relate une de ces situations, qui a malheureusement eu de
fâcheuses conséquences sur l’issu du procès. Un médecin, ayant visité une femme et
l’homme accusé de l’avoir violée, est appelé à comparaître au cours du procès : il expose
les constatations qu’il a pu faire sur les deux individus et répond aux diverses questions.
L’homme est acquitté. Après l’audience le substitut du procureur demande son avis à
l’homme de l’art quant à la culpabilité de cet homme. L’expert lui rétorque alors que,
168 Ibid., p. 23.
169 François Duverger, Manuel des juges…, op. cit., t. 3, p. 349.
170 Cf. la partie sur les honoraires des experts du chapitre 4.
171 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 23.
Article 22 du décret du 18 juin 1811 : « chaque expert ou interprète recevra, pour chaque vacation de
rapport lorsqu’il sera fait par écrit, savoir : Paris, 5 fr. ; villes de 40 000 habitants et au-dessus, 4 fr. ;
autres villes et communes, 3fr. ». Cité dans ibid., p. 22.
133

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
compte tenu des traces sur le corps de la victime, l’accusation est fondée. Au substitut, qui
lui demande tout étonné pourquoi il n’en a pas parlé durant sa déposition, le médecin
répond : « par l’excellente raison que ma mission se bornait à rendre compte des faits, et
que vous ne m’avez pas interrogé sur leur interprétation » 172 .
La réquisition du médecin est une émanation de la procédure judiciaire. A ce titre,
elle s’effectue selon un protocole défini et contrôlé par la seule administration judiciaire.
L’ordonnance de réquisition, la prestation du serment, les recommandations relatives aux
constatations médico-légales à effectuer, sont autant de confirmations du magistrat dans
son rôle de chef de l’expertise. Malgré tout, les médecins ne demeurent pas démunis face
au magistrat. Certaines circonstances ou dispositions particulières permettent aux hommes
de l’art de faire entendre leur voix, refusant même parfois de répondre aux appels des
tribunaux.
* *
*
Au total, il semble que la justice ait très tôt pris conscience de l’importance des
expertises médico-légales, et des implications qu’elles peuvent avoir sur l’instruction et le
jugement des affaires criminelles. Ainsi, les juges d’instruction et les procureurs,
majoritaires quand il s’agit de faire procéder à un examen médical post mortem,
commencent par mettre toutes les chances de leur côté, afin de s’assurer une “bonne”
expertise : ils s’adjoignent les services d’hommes de l’art pourvus, à défaut de la
compétence, du grade le plus élevé dans la hiérarchie médicale, au sommet de leur carrière
professionnelle, et avec qui une certaine proximité existe, au moins géographiquement.
Pour autant, des frictions ou des tensions peuvent exister entre le requérant et le
requis. Elles émanent en règle générale du statut accordé à ce dernier. Le médecin peut se
sentir frustré d’être assimilé à un banal témoin, eu égard au travail d’analyse et de réflexion
qu’il a dû effectuer pour mener à bien la tâche qui lui avait été confiée. En le traitant avec
autant de mépris, la justice porte atteinte à son titre, à sa position au sein de la
communauté, en un mot à son honneur d’homme de l’art.
L’expertise est, d’une certaine manière, un contrat de travail devant aboutir à une
production tangible : le rapport écrit de l’expertise. Les médecins requis par la justice pour
172 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 262.
134

- Chapitre 1. La réquisition des médecins experts -
apporter leurs lumières au cours d’une enquête ont d’ailleurs longtemps été qualifiés de
“médecins au rapport”, la finalité du recours à un homme de l’art n’étant pas de faire
effectuer un examen, mais d’en faire rédiger un rapport.
135

Chapitre 2
LES US ET COUTUMES DU RAPPORT D’AUTOPSIE
Avant de s’organiser et de se concevoir comme une discipline scientifique
particulière, la médecine légale n’existe qu’en tant qu’activité, et ceux qui la pratiquent
font, tels des Monsieur Jourdain du corps médical, de la médecine légale sans le savoir. En
effet, si la médecine est l’art de guérir, la médecine légale est, elle, l’art de faire des
rapports 1 . Pour chaque action que l’autorité délègue à un autre corps professionnel ou à un
de ses subalternes, celle-ci attend et exige un compte-rendu, soit oral, soit écrit. Les
hommes de l’art sont eux aussi soumis à l’obligation narrative, dès lors qu’ils répondent à
une requête judiciaire.
Les premiers ouvrages fondamentaux relatifs à l’exercice médico-légal, publiés en
France 2 , s’intéressent à l’établissement de rapports, comme le souligne leur intitulé :
Ambroise Paré publie, en 1575, Des rapports et des moyens d’embaumer les corps,
considéré comme le premier ouvrage de médecine légale 3 ; viennent ensuite les deux
traités sur l’art de faire des rapports en chirurgie publiés, le premier par Gendry 4 , en 1650,
et le second par Blégny 5 , en 1684 ; enfin, Jean Devaux 6 expose un certain nombre de
principes à suivre pour rédiger des rapports en chirurgie, et illustre son propos en donnant
une large palette d’exemples, extraits des registres du Châtelet 7 . Puis, cette activité se dote
1
Gabriel Tourdes, « Rapports (Médecine légale, Hygiène publique) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série, t. 2, p. 324.
2
Les premières œuvres importantes traitant de cette science, et publiées en dehors des frontières françaises,
usent déjà dans leur intitulé de l’expression “médecine légale” ou, à défaut, de l’adjectif qui en découle : Paul
Zacchias publie, en 1621, ses Questions médico-légales, puis, un siècle plus tard, Teichmeyer rédige outre-
Rhin, un ouvrage dont le titre est Institutiones medicinæ legalis vel forensis in quibus præcipuæ materiæ
civiles, criminales et consistoriales traduntur.
L’article « Médecine légale » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, dresse un inventaire des ouvrages
publiés jusqu’alors sur cette discipline. Cf. Jean Lafosse, « Médecine légale », Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers. Supplément Panckoucke, textes mis en ordre et publiés par
Denis Diderot et d’Alembert, 1751-1772, CDRom, Redon, 1999.
3
Gabriel Tourdes, « Médecine légale », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1872, 2 ème série, t. 5, p. 693.
4
Gendry, Des moyens de bien rapporter à justice les indispositions et changements qui arrivent à la santé
des hommes, Angers, 1650, 316 p.
Cité dans Jean Lecuir, « La médicalisation de la société française dans la deuxième moitié du XVIII e siècle
en France : aux origines des premiers traités de médecine légale », Annales de Bretagne et des Pays de
l’Ouest : La médicalisation en France du XVII e au début du XX e siècle, 1979, t. 86, n°2, p. 245, note 3.
5
Nicolas de Blégny, La doctrine des raports de chirurgie fondée sur les maximes d’usage et sur la
disposition des nouvelles ordonnances, Lyon, T. Amaulry, 1684, XXII-272 p.
6
Jean Devaux, L’art de faire les rapports en chirurgie, nouvelle éd. rev., corr. et augm., Paris, Le Breton,
1743, XII-632 p.
7
Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit. p. 325.
137

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
d’une dénomination plus conceptuelle, “médecine légale”, érigeant alors cet exercice au
rang des autres sciences médicales.
Mais, il n’en demeure pas moins que le rapport est la principale, pour ne pas dire la
seule raison d’être de cette discipline. Le rapport est en quelque sorte le “chef-d’œuvre” du
médecin expert, et à l’instar de toute œuvre d’art, son exécution n’est pas exempte de
quelques contraintes, d’une certaine discipline ; en outre, le produit artistique est plus ou
moins bien reçu ou interprété, et peut laisser celui qui l’étudie face à d’inextricables
interrogations.
I) CONDITIONS ET CONTRAINTES REDACTIONNELLES
Le rapport d’expertise médico-légale est un document singulier qui, bien que
médical, ne respecte pas tout à fait les codes rédactionnels de la production littéraire de
l’art de guérir. Le contexte dans lequel le document est demandé, puis réalisé, bouleverse
complètement son élaboration. Les hommes de l’art à qui il est demandé d’établir ledit
document sont soumis à des conditions d’exercice extraordinaires.
Le premier élément important à prendre en considération est la place du document
lui-même dans le dossier d’instruction : existe-t-il un document particulier qui relate
l’expertise ou le compte-rendu de l’opération est-il fondu dans la masse scripturale qui
constitue l’ensemble de la procédure d’instruction ? Ensuite, comment s’organise la
réalisation du rapport en termes de délai d’élaboration, de travail préparatoire, de
rédacteurs et de lieux choisis pour mettre par écrit les constatations et les réflexions des
experts ?
A) Le rapport dans le dossier d’instruction
Avant toute chose, il convient de définir et d’expliquer en quoi consiste un rapport
judiciaire 8 . Comme souvent, les définitions sont aussi nombreuses que les auteurs.
8 Il existe plusieurs catégories de rapports pouvant être établies par les hommes de l’art : les rapports
administratifs, les certificats d’excuses, les rapports d’estimation et, bien sûr, les rapports judiciaires, objet de
la présente étude.
Pour une présentation détaillée de ces divers documents, cf. les articles des dictionnaires médicaux suivants :
François-Emmanuel Fodéré, « Rapports (Médecine légale) », Dictionnaire des sciences médicales, sous la
dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1820, t. 47, pp. 179-202 ; Charles Marc, « Rapport
(Médecine légale) », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris, Béchet
Jeune, 1827, t. 18, pp. 205-210 ; Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., pp. 324-352.
138

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Retenons-en seulement quelques-unes. François-Emmanuel Fodéré considère que le
rapport, en médecine légale, est l’ « exposition d’un fait, témoignage que rendent par ordre
de justice, ou autrement, les médecins, les chirurgiens ou les pharmaciens, sur un sujet
quelconque dépendant de leur profession » 9 . Dans la première édition de ses Leçons de
médecine légale, publiées seulement trois années après le volume du Panckoucke
contenant l’article de Fodéré, Mathieu Orfila livre une définition dans laquelle il ajoute
l’élément conclusif : « On donne le nom de rapport (relation, récit d’une chose) à un acte
dressé par ordre de l’autorité, renfermant l’exposition d’un ou de plusieurs faits, et les
conclusions qui en découlent » 10 . Gabriel Tourdes, dans un élan minimaliste, se contente
d’expliquer qu’il s’agit de « la relation détaillée d’un fait médical et de ses conséquences,
sur la réquisition d’un magistrat et sous la sanction du serment » 11 . Un rapport judiciaire,
et en l’occurrence un rapport d’autopsie, doit donc relater des faits observés, les expliquer,
et en tirer des conclusions, afin d’éclairer la justice.
Bien que, comme pour tout ce qui concerne la pratique de la médecine légale,
« aucune prescription légale ne détermine la forme des rapports » 12 , le facteur “judiciaire”
structure, volontairement ou non, l’élaboration du rapport d’expertise. Pour certains
médecins experts, l’assimilation, voire la soumission, à l’autorité judiciaire est telle qu’ils
fusionnent leur rapport avec le procès-verbal du magistrat. Il peut s’agir alors d’un simple
relevé, par le greffier, des diverses observations et commentaires faits par le praticien au
cours de l’exécution de son expertise, ou lorsqu’il en fait le récit à l’instance qui lui a
confié. L’illustration 6 est un exemple parmi d’autres : le Dr Jean Jousselin, domicilié à
Mauzé dans les Deux-Sèvres, requis pour visiter la dépouille d’un homme victime d’un
assassinat aggravé d’un vol, effectue la mission qui lui est demandée et s’empresse, celle-
ci achevée, de relater au juge de paix ce qu’il a observé 13 . D’aucuns, peut-être par méfiance
envers les connaissances médicales du greffier, ou par souci de mener leur tâche à son
terme, rédigent eux-mêmes la partie du procès-verbal consacrée à l’examen médical, à
l’exemple de Barthélémi Denoyer, jeune médecin de Parthenay, requis par le procureur du
roi dans une affaire d’infanticide, en mai 1822 (illustration 9).
9
François-Emmanuel Fodéré, « Rapports… », art. cit., p. 179.
10
Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 2, p. 18.
11
Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 328.
12
Ibid., p. 321.
13
A.D.D.-S., 2U 292, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vol », Procès-
verbal du juge de paix, le 15 janvier 1880.
139

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
140
Source : A.D.D.-S., 2U 100, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal constatant le corps de délit, le 26 mai 1822.
Illustration 9 : Rapport d’examen médical rédigé par l’expert et intégré au procès-verbal.

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Pour établir les statistiques relatives au rapport d’autopsie, une méthode de
recensement a dû être définie. Les chiffres concernant les rapports d’autopsies ont été
établis en comptabilisant tous les examens médicaux post mortem, indépendamment des
affaires criminelles et correctionnelles concernées. En effet, une seule affaire pouvant
nécessiter la réalisation de plusieurs expertises médico-légales autour de la dépouille du
défunt, plusieurs documents peuvent être rédigés. Il peut arriver que certains ajustements
s’imposent : une affaire criminelle peut comporter plusieurs victimes, qui sont examinées
en même temps par le médecin expert qui rédige un rapport unique. En avril 1862, les
médecins Vergier et Guillemot, domiciliés à Saint-Savin, arrondissement de Montmorillon,
sont chargés d’effectuer une expertise judiciaire sur deux septuagénaires, un homme et son
épouse, victimes malheureuses d’un vol ayant tourné au drame. Les deux experts rédigent,
à l’issu de ce travail, un rapport d’expertise unique, dans lequel ils indiquent pour marquer
le passage d’un examen à l’autre : « Deuxième cadavre (celui de la femme) » 14 . S’il a été
décidé de distinguer les deux expertises, l’examen étant à l’image de l’examiné, individuel,
le rapport est, lui, commun, et ne peut, par conséquent, être répertorié qu’une seule fois.
A l’inverse, une même expertise peut donner lieu à plusieurs rapports, notamment
en cas de divergence d’opinion entre les hommes de l’art chargés de la pratiquer, ou si,
pour une raison quelconque, les divers experts n’ont pu rédiger le document de concert. En
février 1889, les Drs Contancin, de Montmorillon, et Thiaudière, de Lussac-les-Châteaux,
se voient confier l’examen de la partie inférieure d’un cadavre de nouveau-né. Ces
constatations, le Dr Thiaudière les a déjà effectuées et en a rédigé un rapport la veille, par
ailleurs lu et validité par le Dr Contancin. Bien qu’effectuant cette nouvelle expertise
ensemble, les deux experts en relatent le déroulement dans des documents distincts,
Contancin étant retourné à Montmorillon pour rédiger le sien 15 . Dans pareils cas, rares il
faut le reconnaître, chaque rapport est recensé car des éléments peuvent lui être propre.
Enfin, les expertises demandées mais qui n’ont pas été nécessairement réalisées ont
également été intégrées, dans la mesure où un rapport ou un certificat médical a quand
même pu être rédigé.
Sur la totalité des examens post mortem réalisés, dans le Poitou, durant le grand
XIX e siècle, la présence du rapport d’expertises au sein du procès-verbal n’est pas la forme
14 A.D.V., 2U 1668, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol », Procèsverbal
des médecins Vergier et Guillemot, le 5 avril 1862.
15 A.D.V., 2U 1734, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des Drs
Contancin et Thiaudière, le 16 février 1889, Rapport des Drs Contancin et Thiaudière, le 17 février 1889 et
Rapport du Dr Contancin, le 17 février 1889.
141

la plus courante, comme le
prouvent les graphiques infra
(tableaux 23 et 24, cf. annexe 11).
Dans le département de la Vienne,
15% des rapports d’expertise
prennent place au sein d’un procès-
verbal (graphique 39). Cette
proportion est légèrement
inférieure en Deux-Sèvres,
- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
puisqu’elle ne s’élève qu’à 13% (graphique 40).
Graphique 40 : Répartition des rapports
particuliers ou intégrés dans le procès-verbal
(affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915).
9% 13%
78%
142
Néanmoins, la rédaction du
rapport d’examen médical, au cœur
ou à la suite des constatations
établies par le représentant de
l’autorité judiciaire, a dominé
pendant une période. En effet, cette
catégorie de rapport se répartit à peu
près équitablement avant et après
l’année 1825, à savoir, pour le
département de la Vienne, avec respectivement 32 et 31 cas. Quant aux affaires criminelles
et correctionnelles deux-sévriennes, elles en comptent 28 exemples avant 1825, contre 26
après (tableau 25, cf. annexe 11). Mais, si l’on rapproche ces chiffres du nombre total de
rapports rédigés pour les expertises cadavériques ayant eu lieu au cours de ces deux
périodes, un écart immense apparaît : alors que ceux contenus dans les procès-verbaux
représentent, avant 1825, plus de 40% des rapports réalisés en Deux-Sèvres, et presque
65% de ceux de la Vienne, leurs parts respectives chutent, après 1825, à un peu moins de
10% (graphique 41).
Rapport intégré à un PV
Rapport particulier
Pas de rapport
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Graphique 39 : Répartition des rapports
particuliers ou intégrés dans le procès-verbal
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
7%
78%
15%
Rapport intégré à un PV
Rapport particulier
Pas de rapport
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Graphique 41 : Evolution chronologique de la part des rapports
contenus dans les procès-verbaux (affaires criminelles de la Vienne
Nombre de
et des Deux-Sèvres, 1795-1915).
rapports
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Avant 1825 Après 1825 Avant 1825 Après 1825
Vienne Deux-Sèvres
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4
ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
143
Années
Rapports particuliers
Rapports intégrés au PV
Après une période durant laquelle la pratique et le compte-rendu des examens
médico-légaux peuvent sembler empreints d’un certain laxisme, d’une rapidité d’exécution
laissant soupçonner une volonté de se libérer promptement de cette charge judiciaire, les
médecins experts donnent l’impression d’avoir pris conscience de l’importance du rapport
d’expertise. Se déplacer sur les lieux, effectuer l’examen demandé, donner leurs
constatations et les conclusions qu’ils peuvent éventuellement en tirer, et repartir aussitôt,
ne paraît plus les satisfaire. De plus, dicter, ou rédiger de sa main les observations faites
durant l’expertise, dans le procès-verbal de l’officier de police judiciaire, peut être perçu
comme une marque de soumission de l’homme de l’art à l’autorité judiciaire.
En rédigeant un rapport séparé du procès-verbal de constat du magistrat, le médecin
expert tend à prouver sa relative indépendance et impartialité. La prise de distance
documentaire se veut le symbole de la prise de distance décisionnaire du médecin expert
vis-à-vis de l’instance qui l’a requis, même si cette émancipation est parfois chimérique,
ainsi qu’il sera expliqué plus loin. Des magistrats viennent appuyer les médecins dans leur
démarche séparatiste. François Duverger, auteur d’un manuel pour les juges d’instruction,
tout en rappelant que les constatations médico-légales doivent être mentionnées dans le
procès-verbal du magistrat instructeur, estime que les hommes de l’art peuvent dresser

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
« eux-mêmes leur rapport » 16 , indiquant quelques lignes auparavant que l’ « on admet
ordinairement une exception à l’égard des médecins et officiers de santé [car] les experts
de cette catégorie ont l’habitude de ces sortes de rédactions » 17 . Il reste un élément à
prendre en compte quant à la prépondérance des rapports particuliers au cours des trois
derniers quart du XIX e siècle : le temps de la réflexion. L’intégration des réflexions de
l’expert, au constat du juge, présente l’avantage de la rapidité, en plus de l’économie d’une
feuille de papier et d’un peu d’encre. A contrario, établir ses constatations sur un document
particulier permet à l’homme de l’art d’organiser ses idées, d’analyser au calme ce qu’il a
pu observer, et d’en faire sereinement des déductions. Le respect des délais est en effet une
contrainte à laquelle les médecins experts peuvent se trouver confrontés.
B) La rédaction : délai et préparation
L’expertise judiciaire est constituée de trois éléments principaux ayant chacun leur
temporalité propre : la réquisition est soumise au temps judiciaire, et notamment à la
notion de flagrant délit ; la réalisation de l’examen dépend de la dégradation inéluctable du
corps ; la rédaction du rapport est subordonnée délai nécessaire aux médecins pour
organiser leurs observations et leurs réflexions, puis en déduire des conclusions. L’homme
de l’art qui se voit confier une expertise judiciaire est perpétuellement en lutte contre le
temps. Tous les facteurs extérieurs exigent de lui d’agir en urgence, mais il est aussi
conscient que la précipitation est la pire ennemie de l’expert judiciaire.
En outre, la mise par écrit des observations médico-légales peut être facilitée par un
travail préparatoire. Cette sorte de brouillon de rapport sert, à la fois de guide et d’aide-
mémoire à l’expert médical. Mais les circonstances permettent-elles, voire autorisent-elles,
une telle écriture intermédiaire ?
1) Temps rédactionnel
Entre le moment où le médecin réalise l’examen corporel, et le moment où il le
relate par écrit, un laps de temps plus ou moins long s’est écoulé, pouvant aller de quelques
heures à plusieurs semaines. Le juge d’instruction du Tribunal de Première Instance de
Loudun, département de la Vienne, doit patienter un mois et demi avant que le médecin à
qui il avait confié l’autopsie d’un homme victime d’un assassinat assorti d’un vol, rédige
16 François Duverger, Manuel des juges d’instruction, 1 ère éd. 1839-1840, 2 ème éd. rev. et augm., Niort, Robin,
1844, t. 2, p. 95.
17 Ibid., p. 94.
144

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
son rapport et vienne lui remettre. André Louis Amirault est en effet requis le 6 février,
date à laquelle il exécute l’examen post mortem, mais il ne couche ses observations et
conclusions par écrit que le 22 mars 18 . Six semaines est également le délai le plus long
nécessaire à la rédaction d’un rapport d’expertise dans les Deux-Sèvres. Les Drs
Chevallereau et Rousseau, requis le 13 décembre par le magistrat instructeur de Parthenay,
pour procéder à la visite d’un homme découvert dans un fossé, ne produiront leur rapport
que le 26 janvier 19 .
Les graphiques ci-contre,
établis à partir du tableau 26 (cf.
annexe 11), exposent la
prépondérance des rédactions
effectuées le jour même de
l’expertise, alors que l’homme de
l’art a encore bien à l’esprit ce qu’il a
constaté : 67% des rapports rédigés
par les experts du département de la
Vienne (graphique 42) et 64% de
ceux produits par leurs confrères des
Deux-Sèvres (graphique 43), le sont
dans les heures qui suivent l’examen
post mortem. Etonnamment, le
second délai le plus couramment
appliqué à l’établissement du
rapport, est celui dépassant trois
jours : 14% des experts viennois et
12% des deux-sévriens s’accordent
plus de trois jours pour écrire le
rapport relatif à l’expertise médico-
légale dont ils ont été chargé. En
6%
1%
6%
3%
12%
troisième position se trouve, plus logiquement, le délai d’une journée, le médecin expert
18 A.D.V., 2U 1748, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol qualifié »,
Ordonnance à médecin expert, le 6 février 1895 et Rapport de M. le Dr. Amirault, le 22 mars 1895.
19 A.D.D.-S., 2U 315, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vol », Procèsverbal
de prestation de serment des médecins, le 13 décembre 1886 et Rapport médico-légal, le 26 janvier
1887.
145
Graphique 42 : Répartition des délais de rédaction
des rapports d’autopsie
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
9%
14%
Graphique 43 : Répartition des délais de rédaction
des rapports d’autopsie
(affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915).
12%
3%
3%
67%
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
64%
Le jour même
1 jour après
2 jours après
3 jours après
Plus de 3 jours après
Ignore
Le jour même
1 jour après
2 jours après
3 jours après
Plus de 3 jours après
Ignore
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
relatant par écrit les constatations qu’il a faites dès le lendemain. La part de ce temps de
rédaction est de 9% pour la Vienne, et de 12% pour les Deux-Sèvres, égalant d’ailleurs le
délai de plus de trois jours.
Comment expliquer la seconde place des rédactions tardives ? Tout d’abord, par la
possible complexité de l’expertise : l’homme de l’art doit faire des recherches ou des
expériences qui lui demande un peu de temps, et ne peut établir son rapport qu’une fois
celles-ci achevées. Charles Vibert recommande « dans les cas où il est nécessaire de se
livrer à des recherches complémentaires, de consulter les auteurs sur certains points
particuliers, etc. » 20 , de différer le dépôt du rapport, celui-ci dépendant bien sûr du délai
mis pour le rédiger. D’autre part, la présence du juge au moment de la réalisation de
l’examen cadavérique laisse supposer qu’il a pris connaissance de visu ou via les
explications orales de l’expert, d’un certain nombre d’éléments médico-légaux, et la
rédaction n’est alors qu’une formalité administrative dont doit s’acquitter le médecin, afin
de remplir complètement la mission décrite par l’ordonnance du magistrat instructeur. Le
juge d’instruction de Melle se transporte au cimetière de la commune de Celles,
accompagné de deux médecins, dans le but de leur faire examiner le corps fraîchement
inhumé d’un homme supposé avoir succombé à des blessures crâniennes. Les experts
procèdent à l’expertise en présence du magistrat, le 23 février 1892, puis, leur examen
terminé, lui donnent des « explications orales » 21 . Ses propres constatations et les
explications des médecins semblent contenter le juge. Il reçoit quelques jours plus tard, les
3 et 5 mars, la déposition des deux experts médicaux 22 , leur demande des précisions sur les
blessures constatées ainsi que sur les conséquences qu’elles ont eu, et ne se formalise pas
de n’obtenir le rapport de l’expertise qu’un mois après sa réalisation 23 .
Néanmoins, le délai de la rédaction du rapport demeure un sujet de friction entre les
hommes de l’art et les hommes de loi : si les premiers reconnaissent que l’état d’urgence
doit leur faire limiter le laps de temps nécessaire à la rédaction 24 , ils soulignent cependant
que le médecin expert ne doit pas se précipiter, et doit s’accorder une période de
méditation 25 . Paul Brouardel considère qu’un laps de temps est nécessaire entre la fin de la
rédaction et la transmission du rapport à l’autorité judiciaire. Selon lui, il est impératif que
20 ère ème
Charles Vibert, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 éd. 1885, 4 éd. rev. et
corr., Paris, Baillière, 1896, p. 10.
21
A.D.D.-S., 2U 334, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort, Blessures volontaires ayant
occasionné la mort sans intention de la donner », Délégation au juge de paix de Celles, le 23 février 1892.
22
Ibid., Déposition du Dr Gerbier, le 3 mars 1892 et Déposition du Dr Gaud, le 5 mars 1892.
23
Ibid., Rapport médical des Drs Gaud et Gerbier, le 23 mars 1892.
24
Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 333.
25
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 10.
146

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
l’expert s’accorde un peu de temps pour oublier son rapport, puis ensuite le lire à nouveau
avec un regard neuf et critique. Ainsi, l’homme de l’art peut effectuer quelques corrections
et surtout s’assurer que ses conclusions sont fondées et scientifiquement inattaquables :
« une fois les conclusions écrites, laissez dormir votre rapport, relisez-le deux ou trois
jours plus tard avec le désir de le trouver mauvais, avec l’esprit non pas indulgent d’un
auteur, mais avec l’esprit critique d’un avocat qui a intérêt à en faire saillir les parties
faibles » 26 .
Les seconds tolèrent que les médecins experts n’exposent leurs observations qu’une fois
l’examen post mortem complètement achevé, et leurs conclusions qu’après y avoir
mûrement réfléchi. Mais, s’ils estiment que « ce conseil est prudent, […] il ne faudrait pas
l’exagérer » 27 . La notion d’urgence de la rédaction est commune aux médecins experts et
aux magistrats, mais elle n’a pas pour objet les mêmes éléments constituant le rapport. Le
praticien doit consigner le plus tôt possible les observations qu’il a pu effectuer, pour être
en mesure de compléter son examen et ainsi obvier à un oubli, voire se prémunir d’une
éventuelle erreur. De son côté, le représentant de la justice est impatient d’obtenir les
conclusions de l’expertise, et par là même de faire avancer l’instruction de l’affaire.
2) Travail préparatoire
L’autre conseil donné par les auteurs s’intéressant à la rédaction des rapports
d’expertise, pour pallier les faibles capacités de la mémoire humaine, est la prise de notes
durant l’examen. Cette remarque est récurrente sous leur plume, parfois presque
anecdotique ou, au contraire, revendicatrice. Fodéré glisse, entre deux conseils pratiques
aux individus chargés d’effectuer des rapports judiciaires : « il note à fur et mesure ce qu’il
observe » 28 . François Chaussier, par l’intermédiaire de Renard, élève à qui il a fourni son
étude sur l’ouverture des cadavres comme texte de sa thèse 29 , souligne que « pendant
l’opération l’expert doit prendre des notes et non se fier qu’à sa mémoire » 30 . Puis, les
erreurs judiciaires dans lesquelles l’expertise médico-légale a pu être mise en cause rendent
26
Paul Brouardel, « L’expertise médico-légale », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1905, 4 ème série, t. 4, p. 513.
27
François Duverger, Manuel des juges…, op. cit., t. 2, p. 96, note infrapaginale.
28
François-Emmanuel Fodéré, « Rapports… », art. cit., p. 184.
29
François Chaussier a donné certains de ses travaux à ses étudiants afin qu’ils s’en servent pour leur thèse et
le publient ensuite. Ces études ont été rassemblées et publiées par Baillière, en 1819, dans un ouvrage intitulé
Médecine légale. Quelques années plus tard, en 1824, Chaussier a lui-même publié ses écrits : Recueil de
mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale, Paris, Th. Barrois et Compère
Jeune, 1824, XXIV-519 p.
30
M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, p. 121.
147

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
les auteurs encore plus péremptoires. La rigueur est leur cheval de bataille. Gabriel
Tourdes, successeur, après quelques autres, de Fodéré à la chaire de médecine légale de la
faculté de médecine de Strasbourg, affirme que « le premier précepte est de prendre les
notes les plus exactes et les plus détaillées pendant l’expertise ; le médecin ne se fiera pas
à la mémoire même la plus heureuse […] » 31 . Charles Vibert, quant à lui, n’hésite pas à
brandir le risque d’erreur pour convaincre : « les constatations faites au cours de
l’expertise doivent être notées soigneusement par écrit à mesure qu’elles sont faites ; le
médecin qui se fierait uniquement à sa mémoire risquerait de commettre des oublis
souvent irréparables […] » 32 .
La mention explicite de la
prise de notes lors de la réalisation
de l’examen cadavérique apparaît
très rarement dans les dossiers des
affaires criminelles poitevines, et
encore plus exceptionnellement dans
le rapport qui en fait l’exposé. Il a
été trouvé sept mentions de cet ordre
en Deux-Sèvres, et une seule dans le
département voisin. Malgré
l’absence d’une indication claire de
ce procédé “anté-rédactionnel”, il est
permis de supposer que la présence
d’au moins deux médecins experts,
lors de la réalisation d’une autopsie
judiciaire, facilite sa pratique. L’un
opère tandis que le second relève par
écrit les observations et
43%
44%
Graphique 44 : Répartition du nombre d’experts
présents au cours de l’examen post mortem
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
3%
Graphique 45 : Répartition du nombre d’experts
présents au cours de l’examen post mortem
(affaires criminelles des
6% Deux-Sèvres, 1795-1915).
commentaires éventuels que peut faire son confrère. Ce scribe d’un nouveau genre n’a
d’ailleurs pas besoin d’être titulaire d’un doctorat en médecine, le seul talent qu’il doit
posséder est de savoir écrire 33 : par conséquent, il est possible de penser que le médecin
31 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 333.
32 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 10.
33 Paul Brouardel, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de naissance, inhumations,
expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris, Baillière et
fils, 1898, p. 270.
148
54%
50%
1 expert
Au moins 2 experts
Pas d'expert
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
1 expert
Au moins 2 experts
Pas d'expert
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
expert emprunte le greffier du magistrat instructeur, ou recourt à un officier de police
judiciaire, à un gendarme, voire à tout autre individu présent et ayant un minimum
d’instruction. Tout cela reste malheureusement au stade de la supposition, car encore une
fois, très peu d’éléments à ce sujet transparaissent dans les dossiers d’assises. Si l’on se
contente de prendre en compte les autopsies médico-légales pratiquées en binômes, ou à
plusieurs, la prise de notes était possible dans 43% des expertises effectuées en Vienne
(graphique 44), et 44% en Deux-Sèvres (graphique 45) 34 . L’importance de la prise de
notes, dans la mise en place de la rédaction du rapport d’expertises, sert également
d’argument revendicatif : Paul Brouardel, conscient des améliorations à apporter à la
pratique de la médecine légale en France, en cette fin de XIX e siècle, déplore que nombre
d’examens médicaux post mortem soient confiés à un seul homme de l’art, qui
« opère seul, sans aide, ou bien aidé d’un gardien du cimetière, d’ordinaire dans les
conditions les plus pénibles, surtout lorsqu’il s’agit d’une exhumation. Ainsi, d’une part, le
médecin ne peut prendre des notes : ses mains souillées par le contact des liquides
cadavériques ne le lui permettent pas, et souvent même il manque d’eau […] » 35 .
La prise de notes représente les prémices de la rédaction, tel le croquis élaboré sur
place et dans l’urgence par l’artiste, afin de disposer d’un certain nombre de repères pour
effectuer son œuvre dans la quiétude de l’atelier. Or, à l’inverse du peintre ou du sculpteur
qui est seul maître de son projet artistique, la rédaction du rapport d’autopsie peut, elle, se
faire à deux mains, voire plus. D’autre part, elle ne s’effectue pas nécessairement dans le
calme et la sérénité du cabinet du praticien, devenu expert pour l’occasion.
34 Ces chiffres (tableau 27, cf. annexe 11) ne doivent pas être confondus avec ceux relatifs aux collaborations
entre plusieurs experts, lors d’une même affaire criminelle, abordées précédemment. En effet, les premiers
chiffres donnés au cours de ce chapitre ont été établis en regroupant les collaborations effectives et les
collaborations virtuelles, entre plusieurs hommes de l’art, durant l’instruction d’une affaire. Les présents
chiffres ont été obtenus en rassemblant les expertises réellement effectuées à plusieurs, c’est-à-dire dès lors
que plus de deux praticiens de l’art de guérir se trouvent en présence de la dépouille mortelle au même
moment.
35 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 268.
149

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
C) Rédacteurs et lieux de rédaction
1) Des experts écrivains
Déterminer quel est l’auteur du rapport d’expertise présente relativement peu de
difficultés. Lorsque l’examen a été réalisé par un unique médecin, la paternité semble
évidente. Et si plusieurs hommes de l’art ont agi de concert, il n’est pas nécessaire d’être
spécialiste en graphologie pour comparer le style d’écriture et les signatures qui marquent
la fin du document. En juin 1871, le Dr Gabriel Bonnain, médecin à Moncoutant, et le Dr
Louis Ganne, praticien à Parthenay, effectuent l’autopsie d’un nouveau-né découvert
enfoui dans le sol d’une chambre. Suite à l’examen, Louis Ganne se charge de coucher sur
le papier leurs diverses constatations et conclusions, comme le prouve une rapide
comparaison entre le texte du rapport et les deux signatures 36 (illustration 10). Néanmoins,
il arrive qu’un doute persiste, quant à l’auteur d’un rapport. Deux médecins peuvent, tout
d’abord, avoir des écritures assez similaires. Ensuite, leurs signatures peuvent être si
succinctes qu’elles n’apportent aucun élément de comparaison. Elles peuvent également
être si différentes de leur écriture courante qu’il est impossible de les reconnaître. Et même
dans les cas où le praticien était le seul expert à faire l’examen, l’auteur du rapport peut
demeurer indéterminé. Le médecin semble avoir dicté à un secrétaire, ou une autre
personne de son entourage, le texte du rapport. L’écriture du rapport de Marius Louis
Fringuet, concernant un assassinat, est très différente de celle qui valide le contenu par
l’apposition de sa signature (illustration 11).
36 A.D.D.-S., 2U 264, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité »,
Procès-verbal d’autopsie, le 5 juin 1871.
150

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 264, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et
complicité », Procès-verbal d’autopsie, le 5 juin 1871.
Illustration 10 : Identification du rédacteur grâce à la signature.
151

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 373, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et
vol », Rapport du médecin légiste, le 22 décembre 1904.
Illustration 11 : Rédaction du rapport par quelqu’un d’autre que l’expert.
152

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Malgré ces quelques obstacles, il a été possible d’identifier, clairement ou avec de
fortes probabilités, le rédacteur du rapport d’autopsie, dans 312 des 325 exemplaires de
rapport répertoriés en Deux-Sèvres, et dans 288 des 315 cas du département de la Vienne.
Mais ce que les sources ne disent pas, ou alors de manière détournée, c’est si dès lors qu’il
y a plusieurs experts de requis, ces hommes de l’art se retrouvent pour établir leur rapport
véritablement ensemble. D’aucuns préconisent la rédaction à deux mains : « s’il y a deux
experts, ils doivent toujours rédiger le rapport et les conclusions ensemble, pour s’éclairer
mutuellement par la discussion des faits observés » 37 . Le conseil a semble-t-il été suivi par
Pierre Doucet et Pierre Gilles de la Tourette, lors de l’instruction à laquelle ils ont
participé, en février 1816. En effet, après avoir procédé à l’examen des lieux et à toutes les
constatations nécessaires à l’établissement du constat judiciaire, le juge d’instruction de
Loudun fait signer le procès-verbal établi par l’ensemble des personnes présentes. Or, les
seuls individus à ne pas apposer leur nom sur le document sont Doucet et Gilles de la
Tourette, « occupés à la rédaction de leur procès-verbal » 38 , aux dires du magistrat. Il est
donc permis de conclure que les deux praticiens ont mis leurs observations par écrit
ensemble.
Néanmoins, il est quasiment impossible au chercheur d’évaluer dans quelle mesure
ce conseil est suivi par les médecins experts. En effet, la majorité des allusions pouvant
être glanées, au fil du dépouillement des dossiers correctionnels et criminels, concernent
des rédactions qui ont eu lieu sans concertation entre les divers protagonistes expertaux. En
1848, lors d’une enquête relative à un infanticide, le juge de paix du canton de L’Isle-
Jourdain adresse une lettre au procureur de la République dans laquelle il signale que le
rapport médico-légal ne lui a pas encore été remis. Il justifie ce délai par le fait que l’un
des experts résidant la commune d’Asnières, le second médecin expert a dû lui envoyer le
rapport, après l’avoir rédigé, afin qu’il y appose sa signature 39 . Il est donc possible de
conclure que les deux experts en question n’ont pas rédigé le document conjointement.
De plus, il est permis de penser que si les médecins qui ont effectué l’expertise
ensemble ne résident pas dans la même commune, la rédaction conjointe du rapport est
malaisée. L’un des hommes de l’art est alors contraint de se rendre au domicile de son
37 ère ème
Ange Dambre, Traité de médecine légale et de jurisprudence de la médecine, 1 éd. 1859-1867, 2 éd.
revue, Paris, Adrien Delahaye, 1878, p. 36.
38
A.D.V., 2U 537, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat avec préméditation et
vol », Procès-verbal constatant le corps du délit, le 12 février 1816.
39
A.D.V., 2U 1587, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et inhumation d’un
cadavre d’enfant nouveau-né sans autorisation », Lettre du juge de paix au procureur de la République, s.d.
[juin 1848].
153

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
confrère, déplacement et perte de temps qui ne doivent pas réjouir le médecin concerné, ou
plus probablement, les experts sont obligés de rédiger le rapport sur place, aussitôt
l’examen post mortem effectué.
2) Lieux de la rédaction
Le lieu choisi pour être le théâtre de la rédaction du rapport est le dernier élément
extérieur constitutif de ce document. C’est également le plus conjoncturel et le plus
aléatoire. Plusieurs situations se rencontrent. La première, la plus simple en l’occurrence,
s’applique à un médecin appelé pour réaliser une expertise dans la commune même où il
est domicilié. Il peut sans difficulté, et sans délai, regagner son cabinet pour rédiger son
rapport. Le Dr Bellicaud, demeurant la commune de L’Isle-Jourdain, département de la
Vienne, est requis en janvier 1897 pour venir examiner des ossements. Ces derniers ont été
découverts au milieu de cendres, au domicile de la veuve P., habitante de ladite
commune 40 . Des circonstances identiques peuvent se rencontrer lors d’une expertise à
plusieurs. Le trio de docteurs en médecine, appelé pour effecteur l’autopsie d’un Niortais
ayant succombé à ses blessures, n’a que quelques centaines de mètres à parcourir pour se
rendre sur place, les trois experts résidant à Niort, préfecture des Deux-Sèvres 41 .
Deuxième cas de figure, l’homme de l’art est toujours requis seul, mais doit
pratiquer l’expertise dans une localité autre que celle où il habite. Deux possibilités
s’offrent alors à lui : il peut, soit faire son rapport sur place, tout de suite après l’examen,
soit retourner chez lui et le rédiger dans le calme de son cabinet, après avoir pris le temps
de la réflexion. Pierre Gorrier, officier de santé exerçant à Chef-Boutonne, est chargé
d’examiner les dépouilles d’un habitant de la commune d’Aubigné et de sa domestique.
Son expertise terminée, il rédige aussitôt son rapport, sur le lieu même du drame, la maison
de la victime 42 . A l’inverse, le Dr Barrion, transporté à Glenay pour visiter la fille M. et
constater les causes du décès du nouveau-né qu’on la soupçonne d’avoir mis au monde,
préfère regagner son domicile, à Bressuire, pour établir ses conclusions 43 .
40
A.D.V., 3U 4 / 628, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Suppression d’enfant », Rapport médical, le
14 janvier 1897.
41
A.D.D.-S., 2U 201, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort sans intention de la donner et vols qualifiés, complicité des mêmes crimes »,
Procès-verbal d’autopsie, le 6 janvier 1849.
42
A.D.D.-S., 2U 77, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinats », Rapport de
l’officier de santé, le 16 mai 1816.
43
A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du
médecin, le 12 janvier 1841.
154

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
La multiplication des hommes de l’art requis pour effectuer conjointement une
expertise accroît, par répercussion, les facteurs influençant le choix de l’endroit, au moins
la localité, où le rapport est rédigé. Si les divers praticiens de l’art de guérir n’habitent pas
la même commune, il a y de fortes chances pour qu’ils décident de procéder à la rédaction
sur les lieux de l’autopsie, sans attendre, évitant ainsi un nouveau déplacement. Au début
du mois de décembre 1872, les médecins Félix Ducellier, Jean Tafforin et Léon Angry-
Landonnière, sont requis par le juge d’instruction pour examiner le corps d’un homme
repêché dans la Vienne. Le premier habite Montmorillon, le deuxième Availles et le
dernier L’Isle-Jourdain. De plus, l’expertise s’effectue dans la commune de Millac, canton
de L’Isle-Jourdain. Les trois hommes de l’art rédigent donc leur rapport sur place, dans ce
village 44 .
Enfin, ultime cas de figure pouvant influer sur le choix du lieu où le rapport sera
établi : les experts résident dans la même ville, mais sont appelés à réaliser une expertise
dans une localité voisine. Les praticiens peuvent alors choisir de faire le rapport sur place
ou, au contraire, de rejoindre leur lieu de résidence et de se retrouver dans le cabinet de
l’un d’entre eux pour le rédiger. Pré et Plantevigne, exerçant leur art à Chef-Boutonne, sont
requis dans une affaire de meurtre à la fin de l’année 1829. Ils se transportent dans la
commune de La Bataille, où a eu lieu le crime, réalisent l’expertise demandée et y écrivent
leur rapport 45 . A contrario, leur rapport exigeant « beaucoup de développement », les Drs
Esquot et Ledain préfèrent rejoindre leur lieu de résidence, Parthenay, et se retrouver chez
l’un d’eux pour établir de concert le document en question 46 .
En résumé, le lieu où est rédigé le rapport d’expertise dépend à la fois du moment
de cette rédaction, juste après l’examen ou plusieurs heures plus tard, du nombre
d’hommes de l’art qui se sont chargés de pratiquer l’expertise en question, et enfin de leur
domicile respectif.
Eu égard à toutes ces contraintes d’ordre géographique, le conseil donné par
nombre d’auteurs, au sujet du lieu devant être choisi pour rédiger le rapport d’expertise,
s’avère difficile à suivre. La plupart des spécialistes de la discipline préconisent de rédiger
44
A.D.V., 3U 4 / 600, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Assassinat », Rapport des médecins, le 11
décembre 1872.
45
A.D.D.-S., 2U 131, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Rapport médical, le
21 décembre 1829.
46
A.D.D.-S., 2U 122, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal du
premier suppléant du juge de paix de Parthenay constatant l’exhumation, le 15 novembre 1827, et Rapport
des deux docteurs en médecine sur l’état du cadavre, le 16 novembre 1827.
155

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
les observations faites durant l’examen cadavérique, sur les lieux mêmes de la réalisation,
et de réserver l’établissement des conclusions à la tranquillité du cabinet médical :
« l’exposition des faits, qui constitue la majeure partie du rapport, ne demande que de
l’attention ; la méditation en peut rien y ajouter ou en retrancher ; il suffit de la décrire
avec clarté et avec précision. Cette partie du rapport doit être remplie sur-le-champ ; car
si quelqu’article échappait ou paraissait douteux, on est sur les lieux, on peut le vérifier
aussitôt […] Pour ce qui concerne les conclusions, comme elles exigent quelquefois des
réflexions particulières, on peut, sans inconvénient, laisser au médecin la liberté de les
rédiger dans le silence du cabinet […] » 47 .
Il convient, selon les diverses figures nationales de la médecine légale, de procéder,
aussitôt l’examen terminé, à la mise par écrit des observations faites par l’homme de l’art,
d’autant plus si celui-ci a opéré seul et sans prendre de notes, et en revanche de ne pas se
précipiter pour établir les conclusions. Laisser s’écouler quelques heures permet à la
réflexion de mûrir, à l’esprit d’assimiler et d’organiser les divers éléments de l’enquête 48 ,
et ainsi d’obtenir une analyse plus méditée. La présentation de ces observations, et de
l’argumentaire qui les accompagne, est elle aussi plus ou moins réfléchie, et peut revêtir
plusieurs formes.
La réalisation du compte-rendu écrit de l’examen cadavérique symbolise le
perpétuel combat intérieur qui taraude l’expert médecin. Si le document répond à une
requête de la justice, une certaine forme de résistance ou d’indépendance de la part du
corps médical transparaît. Les médecins marquent, en premier lieu, leur prise de distance
avec l’autorité judiciaire en produisant un document totalement distinct des autres pièces
du dossier. La quasi disparition des rapports intégrés au procès-verbal du juge, après 1825,
le démontre. Les médecins prennent alors la maîtrise de leur expertise. D’aucuns
s’octroient un temps de réflexion, même s’il n’est limité qu’à quelques heures, et regagnent
le calme de leur cabinet pour établir leurs conclusions.
Pour autant, il est permis d’affirmer que l’établissement du rapport est dans une
certaine mesure contrôlé ou modelé par le facteur judiciaire. En l’occurrence, ledit facteur
apparaît encore plus déterminant quand il s’agit de s’intéresser, non plus aux circonstances
de la rédaction, mais au rapport lui-même.
47 Mathieu Orfila, Leçons de médecine…, op. cit., t. 2, p. 24.
48 Charles Vibert, Précis de médecine…., op. cit., 1896, p. 10.
156

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
II) TYPOLOGIE DES RAPPORTS D’AUTOPSIE
Au cours de l’instruction menée par le magistrat confronté à un décès suspect, le
récit du médecin est généralement un passage obligé. L’homme de l’art s’immisce dans le
procès-verbal du juge ou de tout autre officier de police judiciaire chargé de procéder aux
premiers constats. Au milieu des éléments factuels, des descriptions topographiques, des
témoignages, voire des aveux, se trouvent des indications d’une toute autre nature.
Apparaît alors un vocabulaire non plus judiciaire ou simplement courant, mais médical ou
médico-légal.
L’intromission du domaine scientifique dans la procédure judiciaire a sa
contrepartie, son équivalent qui semble rééquilibrer la relation médecin-juge. Le rapport
rédigé par le ou les experts requis porte les traces de la présence et de l’influence de la
justice dans sa rédaction, tels des stigmates. La construction et le contenu du rapport sont
avant tout élaborés pour répondre aux attentes des magistrats.
A) La forme…
1) Evolution de la structure du rapport
A l’instar d’un grand nombre d’aspects de la médecine légale, la forme sous
laquelle doit être rédigé le rapport d’expertise judiciaire n’est soumise à « aucune
prescription légale […] elle est réglée par l’usage » 49 . Face à cette relative liberté
accordée aux experts par la législation française 50 , la littérature médico-légale tend à
49 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 331.
50 Toutes les législations n’accordent pas autant d’autonomie à leurs experts judiciaires, et notamment aux
médecins. La pratique de la médecine légale est très encadrée en Allemagne, et cela alors que la discipline
n’en était encore qu’à ses balbutiements. Peu d’espace de liberté est laissé aux hommes de l’art qui entendent
apporter leur aide à la justice : les praticiens pouvant être appelés à réaliser une expertise judiciaire sont
répertoriés sur des listes officielles et sont considérés comme les seuls vrais spécialistes de la discipline, avoir
recours à un autre membre du corps médical devenant, par conséquent, impossible ; les observations, ainsi
que les procédés nécessaires pour les réaliser, sont clairement indiqués dans les textes législatifs, et les
médecins ne peuvent pour ainsi dire pas s’en écarter ; la manière dont leurs constatations et conclusions
doivent être présentées est aussi régie par des préceptes établis officiellement.
La justice d’outre-Rhin a établi un protocole à suivre, lors de la pratique des expertises médico-légales, qui
sera durant la quasi-totalité du XIX e siècle, et même au-delà, une source d’inspiration pour les grandes
figures de la médecine légale française cherchant à améliorer les procédures employées sur le territoire
national, ainsi qu’une référence sur laquelle appuyer leurs revendications.
Pour un exposé des pratiques allemandes cf. Johann Ludwig Casper, Traité pratique de médecine légale,
traduit de l’allemand sous les yeux de l’auteur par Gustave Germer Baillière, Paris, Germer Baillière, 1862,
2 t., 439 + 608 p.
Cf. également les divers écrits de Gabriel Tourdes qui se réfèrent presque systématiquement aux procédés
employés outre-Rhin, ainsi qu’à l’histoire de la discipline dans ce pays voisin.
157

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
fournir des repères, pour ne pas dire des règles, afin de guider les médecins experts à
produire un rapport d’examen, satisfaisant pour la justice, et irréprochable pour la science.
Plusieurs ouvrages constituent des tournants dans la mise en place des préceptes de
la rédaction des rapports judiciaires. Le premier d’entre eux est bien antérieur à la période
retenue pour délimiter la présente étude : les dizaines de rapports rassemblées par Jean
Devaux 51 sont autant d’exemples sur lesquels les hommes de l’art peuvent bâtir leurs
propres rapports. En effet, Devaux ne prodigue aucun conseil ni règle quant à la forme que
doivent prendre ces rapports. A peine a-t-il donné les conditions à remplir pour permettre
la validité du document, puis expliqué les différents catégories de rapport pouvant être
établies par un chirurgien, qu’il enchaîne avec des exemples. Chaque blessure possible,
chaque maladie ou état biologique sortant de l’ordinaire, est illustré par quelques rapports,
parfois agrémentés de commentaires ou d’explications.
François Chaussier est considéré comme le premier 52 à avoir « fixé d’une manière
bien précise les règles que l’on doit suivre dans les rapports » 53 . Gabriel Tourdes indique
que c’est en 1816 que deux membres de l’Institut, Percy et Hallé, signalent le Recueil de
Chaussier contenant les préceptes relatifs à la forme et au style que doivent prendre les
rapports judiciaires, et auxquels sont joints nombre d’exemples de ces actes 54 . Ces
recommandations sont reprises dans le texte publié par Renard en guise de thèse de
doctorat. Un rapport d’autopsie se compose, selon ce dernier, de trois parties,
« Préambule », « Exposition » et « Conclusions » : la première servant d’entrée en matière,
doit relater les éléments circonstanciels ; la deuxième partie s’attache à la description
précise de l’état du sujet, en relevant notamment les lésions rencontrées ; l’ultime partie du
rapport présente les résultats de l’examen, ce qui a pu être déduit des observations
effectuées 55 . De tels préceptes sont repris tout au long du siècle dans la littérature médico-
51 Jean Devaux, L’art de faire les rapports…, op. cit.
52 D’autres auteurs ont publié, avant François Chaussier, des ouvrages dans lesquels sont indiqués les divers
éléments devant apparaître dans les rapports judiciaires, et la manière dont ils doivent être agencés.
Jean-Jacques Belloc publie en 1801 ses Cours de médecine légale, théorique et pratique, réédités en 1811 et
1819. Il consacre un paragraphe de l’introduction à la présentation des rapports, divisant celle-ci en « quatre
parties bien distinctes » : le préambule, l’historique, la description et la décision.
Cf. Jean-Jacques Belloc, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1801, 2 ème éd. corr. et
augm., Paris, Méquignon, 1811, pp. 20-23.
Néanmoins, ces ouvrages ont eu moins de retentissement et d’influence que les écrits de Chaussier qui, fort
du rôle qu’il a joué dans la réorganisation de l’enseignement de la médecine, jouit d’une certaine notoriété au
sein du corps médical. Chacun de ses propos et de ses textes est largement diffusé et repris par ses confrères.
53 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, p. 17.
54 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 325.
55 M. Renard, « Considérations médico-légales… », art. cit., pp. 121-123.
158

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
légale 56 , certains auteurs se contentant de légères modifications ou de petits ajouts, dont le
but est de faciliter tant la rédaction que l’utilisation ultérieure du rapport. Le principe
élémentaire demeure le même : il faut que chaque partie du rapport soit totalement
distincte des autres, afin de prévenir toute confusion éventuelle :
« Dans un rapport, il y a trois parties : d’abord le visum et repertum ; cela, vous l’avez
constaté, vous pouvez l’affirmer, vous en prenez l’entière responsabilité. Après avoir
examiné les diverses parties du corps et les lésions, ou vous arrivez à une conclusion, ou
vous ne possédez que des données qui nécessitent, pour aboutir à la conclusion, une
discussion. – Vous la séparez très visiblement du chapitre précédent.
Tous ces chapitres devront être spéciaux, sans qu’il soit possible de confondre ce que vous
avez vu et ce qui est discutable […] » 57 .
Charles Marc, dans l’article qu’il rédige pour le Dictionnaire de médecine, reprend
le découpage tripartite, et agrémente celui-ci d’une astuce empruntée aux médecins
allemands 58 . Ce procédé consiste à
« désigner chacune de ces circonstances par un nombre. […] Cette méthode présente
l’avantage de pouvoir, lorsqu’on rédige les conclusions, renvoyer à ces divers nombres,
qui indiquent les faits matériels sur lesquels chaque induction repose, sans qu’on soit
obligé de les rapporter derechef » 59 .
Alphonse Devergie, dans sa Médecine légale, théorique et pratique publiée en 1837, soit
dix années plus tard, réitère cette remarque et procure alors, à cette manière de présenter
les constatations, une importance tenant plus de la vive recommandation que de
l’anecdote : « tous les faits qui conduiront à des conséquences, sous le rapport des
conclusions, seront annotés par un numéro d’ordre, de manière à appuyer les conclusions
sur chacun d’eux » 60 . La numérotation des observations permet aux hommes de l’art
d’organiser leurs idées et d’établir plus facilement leurs conclusions. D’autre part, les
magistrats peuvent plus aisément retrouver les éléments constatés sur le corps et qui ont
mené l’expert à de telles déductions : les constatations primordiales ne sont plus noyées
dans une masse de descriptions sans importance.
56 Au cours du XIX e siècle, d’aucuns ajoutent des parties ou en subdivisent certaines. Gabriel Tourdes en
propose cinq : « le préambule, le commémoratif, la description des faits, la discussion, les conclusions ». Il
dissocie les observations réalisées sur le corps, des « circonstances qui ont précédé la visite, les antécédents
du fait », rassemblés sous le terme de « Commémoratif », de l’analyse de ces constatations, intitulée
« Discussion ».
Cf. Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., pp. 333-336.
57 Paul Brouardel, « L’expertise… », art. cit., p. 512.
58 Charles Marc connaît bien les procédures employées outre-Rhin puisqu’il est l’auteur d’une traduction de
l’ouvrage de Theodor Rose Taschenbuch für gerichtliche Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen
Leichenöffnungen, publiée sous le titre Manuel d’autopsie cadavrérique médico-légale, Paris, Duminil-
Lesueur et Crochard, 1808, XXII-183 p.
59 Charles Marc, « Rapport… », art. cit., p. 208.
60 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit.., t. 1, p. 18.
159

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
La structuration numérotée des constatations doit également s’appliquer aux
conclusions. Si Alphonse Devergie emploie ce procédé pour établir les conclusions à l’issu
de ses rapports médico-légaux, comme le montrent les exemples dont il ponctue son
ouvrage, il n’en fait pas mention dans les développements qu’il consacre à ce sujet 61 .
Gabriel Tourdes est l’un des premiers auteurs à l’indiquer clairement : « chacune de ces
conclusions aura son numéro d’ordre […] » 62 .
Enfin, dernier aménagement apporté par les théoriciens de la médecine légale, qui
en sont par ailleurs les premiers praticiens : Gabriel Tourdes préconise de suivre un plan
précis et immuable dans la partie descriptive du rapport d’autopsie judiciaire. Encore une
fois, ce procédé est emprunté aux confrères allemands. Il consiste à structurer la partie
descriptive selon le schéma suivant :
A-Examen extérieur
B-Examen interne
I-Ouverture du crâne
II-Ouverture de la poitrine
III-Ouverture de l’abdomen 63
Tous ces ouvrages ou articles sont autant de dates charnières dans la mise en place
des standards rédactionnels du rapport d’expertise judiciaire. A partir des dossiers
d’affaires criminelles traitées par les cours d’assises poitevines, une typologie des rapports
d’autopsie judiciaire a pu être établie.
2) Les rapports d’autopsies poitevins
La répartition s’appuie essentiellement sur la partie descriptive du rapport, le
préambule et les conclusions étant des éléments constants qui ont peu d’influence sur la
manière dont se structure le document. Il ressort de ce dépouillement, cinq types de
rapports d’autopsie, classés du plus simple ou plus élaboré : le premier, sorte de “rapport-
roman”, est constitué de paragraphes, plus ou moins distincts les uns des autres (illustration
161, cf. annexe 26) ; la deuxième catégorie de rapport consiste à distinguer chaque
observation par un numéro (illustration 162, cf. annexe 27) ; la catégorie suivante met en
évidence les conclusions, en les séparant du reste de la démonstration par un titre et/ou en
61 Ibid.
62 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 336.
63 Ibid., p. 335.
160

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
les numérotant (illustrations 163 et 164, cf. annexe 28) ; le quatrième type de rapport
pouvant se rencontrer préfigure la rédaction selon un schéma méthodique et organisé, et
consiste à construire le document en utilisant des titres, qui peuvent prendre la forme de
questions (illustration 165, cf. annexe 29), ou indiquer la partie corporelle examinée
(illustration 166, cf. annexe 30) ; la dernière catégorie de rapport d’expertise est la plus
aboutie en matière de présentation, car elle combine la division par titres à la numérotation,
instituant ainsi des titres hiérarchisés et des subdivisions au sein même des paragraphes
qu’ils désignent (illustration 167, cf. annexe 31).
Les rapports d’expertise, établis
dans les départements de la Vienne et
des Deux-Sèvres ont été répartis selon
cette typologie (tableaux 28 et 29, cf.
annexe 12). Trois types de rapports se
détachent, en Vienne comme en Deux-
Sèvres : les rapports en paragraphes,
ceux dont les conclusions sont
clairement séparées des observations,
et ceux distinguant les étapes de
l’examen et/ou les réflexions par des titres. Les parts respectives de ces styles de rapports
oscillent entre 25 et 30% dans le département de la Vienne (graphique 46), et entre 24 et
35% pour les Deux-Sèvres (graphique 47).
24%
Graphique 47 : Répartition des types de rapports
d’autopsie rencontrés dans les affaires criminelles
des Deux-Sèvres (1795-1915).
7%
27%
7%
35%
28%
Paragraphes
Numéros
Conclusions détachées
Titres
Titres hiérarchisés
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
161
Graphique 46 : Répartition des types de rapports
d’autopsie rencontrés dans les affaires criminelles
de la Vienne (1795-1915).
4%
Sans établir une
chronologie fine de l’évolution de
la présentation des rapports au
cours du XIX e siècle, il apparaît
que les documents structurés
grâce à des titres, qui organisent
les idées et constatations de
l’expert, se rencontrent en plus
grand nombre dans la seconde
moitié du siècle, alors que les
“rapports-romans” sont plus fréquents durant les premières décennies. Les rapports
gagnent en organisation et en lisibilité au fil du temps. Néanmoins, plus que les années
d’expérience et de réflexion sur la forme du document, il semble que le facteur influençant
25%
30%
13%
Paragraphes
Numéros
Conclusions détachées
Titres
Titres hiérarchisés
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
l’homme de l’art, lors de la rédaction de son rapport d’expertise, soit le degré de
complexité de l’affaire. Plus un cas apparaît délicat, plus l’examen doit être rigoureux et
précis, et, par conséquent, plus l’énoncé de celui-ci doit être complet, clair et méthodique.
A contrario, les cas simples ne nécessitent pas de longues digressions argumentatives, ni
pléthore de descriptions.
Ainsi, un même médecin expert peut rédiger des rapports très succincts, sous la
forme de paragraphes successifs, et lors d’une autre expertise établir un document plus
organisé, dont les observations sont clairement séparées les unes des autres. Gustave
Pouliot, docteur en médecine à Poitiers, est requis en 1874 pour examiner un enfant
nouveau-né. Le rapport qu’il établit à l’issue de l’expertise est ponctué de titres. L’en-tête
du rapport indique : « Infanticide Pouzet. Latillé. Rapport médico-légal ». Puis, la partie
consacrée à l’examen cadavérique est scindé en diverses sections : « “II-Autopsie de
l'enfant”, “Tégument du tronc et des membres”, “Abdomen”, “Poitrine”, “Ecchymoses du
poumon”, “Docimasie pulmonaire”, “Cou”, “Face”, “Crâne”, “Placenta”,
“Conclusions” » 64 . Mais quelques mois plus tard, lors d’une autre réquisition relative à un
infanticide, le même Gustave Pouliot se contente d’un rapport moins structuré : il se borne
à numéroter les conclusions 65 . Un constat semblable est possible avec les rapports produits
par Louis Ganne, médecin installé à Parthenay. Après avoir effectué la mission pour
laquelle il avait été requis, lors de deux affaires d’empoisonnement, Ganne couche
constatations et conclusions sur le papier. Pour la première des expertises en question, celle
relative à une jeune femme de 34 ans, morte des suites « d’une courte et violente maladie
accompagnée de vomissements réitérés » 66 , Ganne présente ses observations sous la forme
de paragraphes, mais distingue tout de même les conclusions en leur attribuant un numéro
(illustration 168, cf. annexe 32). Dans le second exemple d’empoisonnement confié au
médecin de Parthenay, ce dernier se trouve confronté à une affaire beaucoup plus ardue,
nécessitant des analyses singulières, sur la dépouille comme sur des éléments non
corporels. Par conséquent, comme le montre l’illustration 169 (cf. annexe 33), Ganne a dû
adapter la présentation de son rapport d’expertise et indiquer dans la marge les zones
corporelles étudiées dans le paragraphe en vis-à-vis : « “Cerveau”, “Poitrine”,
“Péricarde. Cœur”, “Abdomen. Aspect général”, “Foie”, “Estomac”, “Duodénum”,
64
A.D.V., 2U 1692, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des
médecins, le 15 avril 1874.
65
A.D.V., 2U 1695, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des
médecins, le 9 juillet 1875.
66
A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’autopsie cadavérique, le 12 février 1841.
162

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
“Pancréas”, “Intestin grêle”, “Gros intestin”, “Cæcum”, “Morceaux de verre”,
“Matières recueillies”, “Conclusions” » 67 .
La présentation structurelle du rapport d’autopsie est très fluctuante, au cours du
siècle bien sûr, mais également selon les rédacteurs, voire d’une affaire sur l’autre pour un
même médecin expert. Malgré cette inconstance, il est à noter, pour finir, que certains
hommes de l’art ont établi leur propre forme de rapport d’autopsie, un modèle 68 qu’ils
s’attachent à suivre d’une expertise sur l’autre, des phrases toutes faites qu’ils reprennent
mot pour mot en ne changeant que les informations particulières. En janvier 1858, Louis
André Ganne est chargé, avec un confrère de Saint-Loup, Jean Placide Bernard, de réaliser
l’examen cadavérique d’un nouveau-né. Il s’occupe d’établir le rapport venant parachever
leur expertise. Au cours de celui-ci, il écrit (illustration 170, cf. annexe 34) :
« Les membres ne sont pas fracturés, les bras, les cuisses et les jambes sont bien
développés, les muscles sont ceux d’un enfant arrivé à maturité, le tissu cellulaire souscutané
n’est pas crépitant, il est affaissé sous la peau ridée, et est accollé (sic) aux
muscles » 69 .
Et plus loin d’ajouter : « le trou de Botal est fermé et c’est avec quelque difficulté qu’un
stylet dirigé entre les deux petites valvules qui le ferment, pénètre de l’oreillette droite
dans l’oreillette gauche » 70 . Or, Ganne reprend quasiment mot à mot ces phrases dans le
rapport qu’il rédige quelques mois plus tard, pour une autre affaire d’infanticide, ne
substituant que le terme « chagrinée » à « ridée » 71 (illustration 171, cf. annexe 35).
La forme sous laquelle le rapport se présente à son importance, mais elle est avant
tout au service du contenu : c’est le ruban autour du paquet, le décor qui agrémente un plat,
mais même le plus élaboré des décors ne peut sauver un plat raté et immangeable.
67
A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’autopsie, le 21 avril 1865.
68
Alessandro Pastore fait une remarque similaire concernant les expertises réalisées pour le « Tribunale del
Torrone » de Bologne au XVII e siècle : « l’expertise transmise au notaire judiciaire contient des éléments
récurrents qui évoquent l’existence d’un formulaire préalable devant être rempli avec les données variables
de chaque cas ».
Alessandro Pastore « Violences du corps : entre médecine et droit. Théories et pratiques de l’expertise
médico-légale au XVII e siècle, l’exemple de Bologne » in Le corps violenté. Du geste à la parole, études
réunies et présentées par Michel Porret, Genève, Droz, 1998, p. 208.
69
A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins (autopsie de l’enfant), le 15 janvier 1858.
70
Ibid.
71
A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins (autopsie de l’enfant), le 30 juillet 1858.
163

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
B) … et le fond
Le contenu du rapport est évidemment en lien direct avec le sujet auquel il
s’attache, ainsi qu’à nombre d’éléments extérieurs relatifs au sujet en question. Néanmoins,
certaines constantes, soulignées par les auteurs, demeurent et ne peuvent en aucun cas être
absentes, sous peine de produire un document incomplet. Chacune des parties composant
le rapport est consacrée à un type d’informations.
1) Le préambule
Selon les auteurs, les composantes du préambule varient quelque peu durant le
XIX e siècle, ainsi que l’ordre dans lequel elles doivent être indiquées. Chaussier, par
l’intermédiaire de son disciple Renard, mentionne que tout rapport judiciaire débute par les
noms, titres et qualités de l’expert. Puis, il faut signaler le jour, l’heure, le lieu où est
pratiquée l’expertise, l’autorité qui l’a requise. Viennent ensuite les renseignements ayant
trait au corps du délit : la situation dans laquelle il a été trouvé, son état, les objets qui
l’entourent. Enfin, l’homme de l’art doit mentionner les informations qu’il a pu obtenir, eu
égard aux circonstances de l’affaire 72 .
Le préambule selon Alphonse Devergie est introduit par la date de l’expertise.
Ensuite, il recommande d’indiquer :
« les noms, titres et demeure de l’expert ; la nature de la réquisition qui vous a été faite ; le
nom et la qualité du magistrat par lequel on a été requis ; le lieu où l’on s’est transporté
pour procéder à l’expertise ; le but dans lequel on s’y est rendu ; ce que l’on a appris des
habitants du lieu où se trouve le corps du délit, et les déclarations faites par la partie
plaignante elle-même » 73 .
Joseph Briand répète les divers éléments répertoriés par ces illustres prédécesseurs.
Le préambule doit comporter les noms, prénoms, titres et qualités de l’expert, puis indiquer
le magistrat qui a procédé à la réquisition ainsi que le but de celle-ci. Il convient ensuite de
noter la date, l’heure et le lieu de l’examen. A partir de là Briand introduit deux éléments
nouveaux : la mention des noms et qualités des témoins de l’expertise, et la prestation du
serment 74 .
Enfin, Gabriel Tourdes, réunit les diverses recommandations de tous ses renommés
confrères et établit son préambule type :
72 M. Renard, « Considérations médico-légales… », art. cit., pp. 121-122.
73 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 17.
74 Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, contenant un Traité élémentaire de
chimie légale par H. Gaultier de Claudry, 1 ère éd. 1821, 5 ème éd., Paris, Neuhaus, 1852, p. 35.
164

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
« 1° nom, prénoms et qualités de l’expert ; 2° indication de l’autorité requérante ; 3° date
de la réquisition ; 4° mention de la prestation de serment ; 5° date, jour, heure, lieu de
l’opération ; 6° nature de l’expertise, autopsie, visite, analyse chimique ; 7° le but de
l’opération […] » 75 .
Au final, ce que les auteurs souhaitent faire comprendre, à travers des énumérations
dignes de Prévert, est que toutes les informations de nature administrative et juridique
doivent être présentes, l’ordre de présentation important relativement peu. Or, il s’avère
que ces recommandations ne sont pas toujours suivies par les rédacteurs des rapports
d’expertise poitevins, dévoilant ainsi le manque de rigueur de quelques-uns des médecins
experts employés par la justice, et privant le chercheur d’informations relatives le plus
souvent aux circonstances de l’examen, par la même occasion. Le 7 mai 1854, Jean Pierre
Armand Pasquier, officier de santé à Pleumartin, et Jules Mascarel, médecin à
Châtellerault, transcrivent les constatations qu’ils ont effectuées lors de l’autopsie de Louis
F. Le rédacteur du rapport, en l’occurrence Mascarel, indique, en introduction du
document, ses noms, titres et domicile ainsi que ceux de son confrère, le lieu où ils se sont
transportés, les raisons de ce transport, la prestation de serment, mais il omet de nommer
l’autorité qui les a requis et pour laquelle ils agissent 76 . Quelques-uns identifient
convenablement la juridiction qui leur a confié la mission, mais taisent leur propre identité.
Dans le préambule du rapport relatif à l’infanticide dont la commune d’Asnières a été bien
malgré elle le théâtre, en septembre 1872, le médecin expert expose à peu près tous les
éléments importants qui doivent y figurer, à l’exception de son patronyme (illustration 165,
cf. annexe 29) :
« Nous soussignés, docteur en médecine de la Faculté de Paris, résidant à Melle sur la
réquisition de M. le juge d’instruction, nous sommes transporté le 12 septembre 1872 à La
Brousse, commune d’Asnières, canton de Brioux, pour y visiter le corps d’un enfant
nouveau-né, constater la cause de sa mort et examiner l’état de la fille G. récemment
accouchée de cet enfant » 77 .
Seuls la signature clôturant le document, ou la mention, dans les diverses pièces du dossier
d’instruction, de l’homme de l’art qui a été choisi pour effectuer l’examen post mortem
peuvent fournir ce renseignement.
75
Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 334.
76
A.D.V., 2U 1622, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », Rapport des
médecins, le 7 mai 1854.
77
A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du Dr
Gautier, le 25 septembre 1872.
165

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
2) Le corps du rapport d’autopsie
La partie abordant l’examen de la victime constitue le corps du rapport. Elle est
souvent la plus importante, en termes de longueur, mais également parce qu’elle relate tous
les éléments qui ont été constatés au cours de l’expertise cadavérique. La bonne réalisation
de ces descriptions est essentielle car elle aborde l’éphémère, ce qui est appelé à disparaître
inexorablement, soit sous la main du médecin, soit par la marche naturelle de la
décomposition. Des magistrats, conscients de ce risque, n’hésitent pas à conseiller à leurs
confrères de prendre garde que cet exercice soit convenablement fait :
« les actes faits en présence du corps du délit ont particulièrement pour objet de conserver
des faits périssables, de les retenir avec une exactitude telle, que la lecture de ces actes
fasse connaître tout ce qu’il était possible d’apprendre à la vue des circonstances
matérielles du délit » 78 .
En effet, une mauvaise description de lésions, l’exploration mal faite d’un organe, sont
difficilement rattrapables. Autant d’obstacles à l’établissement d’une contre-expertise qui,
la dépouille ayant subi nombre de dommages opératoires ou naturels, s’appuient
essentiellement sur les rapports d’examen effectués aussitôt après la découverte du corps :
« souvent les constatations faites au cours d’une expertise ne peuvent être renouvelées et
contrôlées ensuite ; il est donc indispensable que les faits soient consignés d’une façon
précise, afin qu’il reste un document authentique pouvant servir de base à une discussion
ultérieure » 79 .
Pourtant, les médecins
experts poitevins semblent
privilégier l’essentiel à
l’exhaustivité. Comme le montre le
graphique 48, réalisé à partir des
chiffres du tableau 30 (cf. annexe
12), plus de 75% des rapports
rédigés par les experts médicaux de
la Vienne et plus de 95% de ceux
établis par leurs confrères des Deux-
Sèvres, ne fournissent que les
constatations essentielles relatives
78 François Duverger, Manuel des juges…, op. cit., t. 2, p. 97.
79 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 11.
Graphique 48 : Répartition des rapports
d’autopsie selon la superficialité ou
l’exhaustivité des constatations (affaires
criminelles de la Vienne et
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
des Deux-Sèvres, 1795-1915).
0%
Vienne Deux-Sèvres Départements
Nombre de
rapports
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4
ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
166
Exhaustif
Essentiel

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
aux conditions et au processus ayant provoqué le décès de l’individu examiné.
Les médecins se focalisent sur les éléments scientifiques avec lesquels ils vont
construire leur conclusion. Les constatations qu’ils ont pu faire au cours de l’examen, mais
qui n’ont, au final, aucun lien avec le décès, ni rien d’extraordinaire physiologiquement, ne
méritent pas, aux yeux des auteurs, de figurer aux côtés des plaies et autres supplices que la
victime a pu subir avant de trépasser. Tout se passe comme si certains hommes de l’art,
chargés des examens judiciaires post mortem, estimaient contre-productif, voire indécent,
de juxtaposer une plaie pénétrante de l’abdomen et un cœur en bonne santé, qui aurait pu
encore remplir son rôle physiologique durant des décennies.
Or, ces praticiens semblent avoir occulté que cette partie du rapport est destinée à
leurs confrères, qui pourraient éventuellement consulter leurs écrits pour compléter leur
propre expertise ou établir une consultation médico-légale à partir de ces documents, sans
jamais entrer en contact avec le corps du défunt. Pour preuve, cet autre conseil de la
littérature médico-légale, quant à la narration de l’examen corporel dans le rapport :
« le médecin devra faire connaître ses procédés d’exploration, comment il a pratiqué
l’ouverture du corps, l’examen de la blessure, de quels instruments il s’est servi, quelles
incisions il a pratiquées […] tout ce qui donne la garantie que les recherches ont été faites
avec soin et méthode et suivant les prescriptions de la science » 80 .
Indiquer ce que le médecin expert a observé ne suffit pas. Il doit expliquer également quels
procédés opératoires il a employés, quelles manipulations il a dû faire pour lui permettre
d’effectuer ses constatations.
Sans aller jusqu’à dire que tous les hommes de l’art requis par la justice s’emploient
à donner des précisions sur les procédures d’examen auxquelles ils ont eu recours, ils se
montrent un peu plus généreux, et environ un rapport sur deux explique au minimum une
technique utilisée au cours de l’autopsie, notamment pour les manipulations délicates. Le
rapport produit par le trio d’experts, suite à une autopsie réalisée sur un homme ayant
succombé à une blessure par arme à feu, comporte la description technique suivante :
« Nous avons ensuite par une incision de toutes les parties molles circonscrit une vaste
surface du thorax de façon à enclaver largement les deux plaies ou orifices ci-dessus
décrits et l’intervalle compris entr’eux (sic) ; puis coupant les côtes avec un sécateur nous
avons détaché le morceau » 81 .
Un autre exemple, dans le département voisin : Auguste Verger et Julien Pénard, docteurs
en médecine exerçant tous deux à Civray, effectuent l’autopsie d’un enfant supposé
80 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 335.
81 A.D.D.-S., 2U 309, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », 2 ème rapport des
Drs Brillaud, Lecointre et Foucart, le 5 novembre 1884.
167

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
victime d’un infanticide. Les deux hommes de l’art sont prolixes en précisions techniques
et opératoires. Ils indiquent noir sur blanc la procédure suivie pour mettre à jour les
organes thoraciques et abdominaux, soulignent qu’ils ont dû « respecter les clavicules car
[ils n’avaient] pas de scie pour les couper », et qu’ils ont alors fait usage d’une autre
technique, consistant en la section des cartilages les unissant aux côtes 82 .
Enfin, comme pour souligner une dernière fois la portée scientifique de la
composante descriptive du rapport, il est prescrit aux experts d’employer un vocabulaire
précis et technique 83 : « il est impossible d’éviter dans cette partie du rapport les mots
techniques ; on ne saurait donner une description exacte et précise sans les employer » 84 .
Il ne faut pas laisser de place à l’approximation, et étant donné que « dans la science il y a
peu de termes qui soient synonymes » 85 , le recours au jargon médical est inévitable, en
ayant soin néanmoins d’indiquer une définition en termes communs, entre parenthèses 86 .
Le jargon peut être d’ordre purement anatomique ou relevant du diagnostic. Pour décrire
une fracture de la cinquième côte, consécutive à l’impact d’une balle, les médecins chargés
du rapport d’expertise emploient le terme « comminutive », et s’empressent d’indiquer
entre parenthèses « c’est-à-dire qu’il y avait plusieurs fragments » 87 (illustration 164, cf.
annexe 28). Lors d’une affaire d’empoisonnement qui a eu un certain retentissement,
notamment à cause du nombre de victimes, des exhumations sont pratiquées. Eu égard au
séjour en terre, et à la macération dans l’eau, les corps examinés ont subi, par endroits, une
transformation chimique relevée par le médecin expert : le tissu musculaire s’est
transformé en « gras de cadavre », autre expression pour expliquer la « saponification des
tissus animaux » 88 .
82
A.D.V., 2U 1552, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal, le
13 juin 1841.
83
Une étude purement lexicale ou linguistique des rapports d’autopsies pourrait apporter des éléments
intéressants sur les multiples et successives influences scientifiques connues par la pratique médico-légale,
sur la banalisation de certains termes ou les emprunts langagiers à d’autres professions.
Cf. Roselyne Rey, « Les relations entre savoirs et pratiques » in Pour l’histoire de la médecine. Autour de
l’œuvre de Jacques Léonard, textes réunis par Michel Lagrée et François Lebrun, actes de la journée d’études
(9 janvier 1993) organisée par le Groupe de recherche en épistémologie et histoire de la médecine (GREHM,
Université de Paris 13), sous la dir. de Dr. Jacques Poirier, Claude Bénichou et Claude Langlois, Rennes,
PUR, Histoire, 1994, pp. 101-102.
84
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 12.
85
Henry Legrand du Saulle, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris, Delahaye, 1874,
p. 158.
86
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 18.
87 ème
A.D.D.-S., 2U 309, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », 2 rapport des
Drs Brillaud, Lecointre et Foucart, le 5 novembre 1884.
88
A.D.D.-S., 2U 252, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’exhumation de Abel R., le 15 mai 1866.
168

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Si les auteurs apparaissent quelque peu indulgents avec les praticiens qui
utiliseraient des expressions techniques et une terminologie absconse au profane, pour
l’exposition des constatations faites durant l’autopsie cadavérique, ils se montrent plus
péremptoires au sujet du vocabulaire utilisé dans les conclusions.
3) Les conclusions
La partie qui clôt le rapport d’expertise regroupe les déductions que le médecin
expert forme grâce aux événements antérieurs, ou concomitants du décès, et qu’il
confronte aux observations faites sur le cadavre. Par conséquent, il s’agit de la phase « la
plus difficile et la plus délicate, c’est le but du rapport » 89 . C’est également celle qui doit
répondre aux interrogations de la justice sur le processus qui a entraîné le trépas de
l’individu examiné. Elle est donc destinée principalement aux magistrats, et aux jurés qui
pourraient en prendre connaissance lors du procès : « [les conclusions] sont destinées au
juge, aux jurés, et non à des médecins » 90 . Elles doivent, en conséquence, « être formulées
en termes parfaitement clairs et intelligibles » 91 . Cette adaptation nécessaire du discours de
l’expert, à un niveau de simplicité suffisant pour être compris du magistrat, a été
démontrée par Luisa Zappulli :
« contrairement à ce que l’on croit, d’habitude, par rapport à la communication
linguistique d’un savoir expert, lorsque deux ou plusieurs catégories professionnelles,
telles que le médecin légiste et le magistrat du parquet, doivent parler entre elles, elles ne
peuvent pas le faire hors du langage ordinaire. Les mots du médecin légiste, par exemple,
bien qu’ils soient soumis aux contraintes de la vérité scientifique, se modifient pour un
public de non-spécialistes, se conforment aux principes de la raison ordinaire, se mettent
au service de la connaissance profane du monde social » 92 .
Le médecin et le magistrat doivent donc établir un vocabulaire compréhensible par
les deux professions en présence, exempt de tout jargon. La construction d’un langage
commun peut s’effectuer en dehors de tout cadre institutionnel, entre deux individus. Or,
elle nécessite une collaboration de longue durée, des échanges fréquents et nombreux entre
les deux protagonistes. Peut-être faut-il voir dans l’élément langagier une des explications
de l’instauration d’experts officieux auprès des juridictions d’arrondissements 93 . Pour
favoriser les échanges entre les médecins experts et les magistrats, d’aucuns préconisent
89 Charles Marc, « Rapport… », art. cit., p. 209.
90 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 336.
91 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 14.
92 Luisa Zappulli, « Savoirs professionnels et sens commun en milieu judiciaire : l’activité professionnelle du
médecin légiste dans le parquet de Lecce », Droit et Société, Paris, LGDJ, 2RJ, 2005, n°61, p. 684.
93 Cf. le chapitre 3.
169

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
également la mise en place d’une formation médico-légale pour les juristes : « il est
désirable que les magistrats soient au courant de nos termes techniques les plus usuels, et
aient quelques notions sur les maladies, sur les lésions que nous décrivons dans nos
rapports » 94 . Avec un minimum de connaissances, les magistrats seraient en mesure de
comprendre le rapport d’expertise dans son ensemble, et non uniquement les conclusions.
En outre, faire entrer la médecine légale dans les Facultés de droit présente un
second avantage : initier les futurs magistrats et avocats aux préceptes qui dirigent les
médecins experts. L’incompréhension qui s’immisce entre l’homme de l’art et l’homme de
loi n’est pas toujours imputable au vocabulaire. Le magistrat est parfois sourd aux nuances
et aux hésitations émises par l’expert médical, voire il se méprend sur leur signification :
« un certain nombre de magistrats ne comprennent pas nos réserves, nos hésitations, et ont
tendance à les considérer comme la manifestation d’une insuffisance d’instruction […] » 95 .
Pour échapper à une telle accusation d’incompétence, Brouardel enjoint à ses confrères et à
ses élèves d’éliminer toute terminologie ou expression que laisserait planer le doute quant
aux conclusions émises. Le médecin ne doit pas laisser de place à l’à-peu-près : les
conclusions « doivent être précises et ne pas laisser place à la discussion » 96 . Même le
doute doit être affirmé avec force conviction : « ce que le juge attend de vous, c’est une
réponse catégorique. Ou bien le crime est établi, et alors la conclusion est affirmative, ou
bien vous devez dire : la science ne permet pas d’affirmer qu’il y a eu crime » 97 .
Les conclusions, destinées aux représentants de l’autorité judiciaire, constituent
donc la partie du rapport où transparaît le plus clairement l’influence de la justice sur la
marche de l’expertise.
C) Juges et rapports judiciaires
La justice est la commanditaire du rapport d’expertise. Elle le marque donc de son
empreinte par divers moyens dont plusieurs viennent d’être exposés. Mais la plus forte
empreinte judiciaire réside dans les questions que le magistrat soumet aux lumières de
l’homme de l’art et qui, intégralement ou sous une forme résumée, apparaissent dans le
rapport.
94 Crespin, « Nécessité d’un enseignement médico-légal dans les Facultés et Ecoles de droit », III e Congrès
de médecine légale de langue française (Paris, 26-28 mai 1913), sous la présidence de Charles Vibert,
Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon,
Rey, 1913, t. 28, p. 520.
95 Ibid.
96 Paul Brouardel, « L’expertise… », art. cit., p. 514.
97 Ibid., p. 515.
170

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Il convient également de s’arrêter quelques instants sur l’utilisation que la justice
fait du rapport d’expertise et sur les traces éventuelles que le document peut porter de cet
emploi.
1) Reprise des questions du juge
François Duverger, dans les deux ouvrages qu’il rédige à l’intention des juges
d’instruction et des juges de paix, insiste sur la non-ingérence de l’officier de police
judiciaire, tant dans l’examen post mortem que dans la rédaction du rapport d’expertise :
« le rapport des officiers de santé étant leur œuvre, dans tous les cas, le juge d’instruction
ne peut s’y immiscer en rien, ni pour l’approuver ni pour le contester » 98 . Pour autant, le
magistrat ne peut se désintéresser complètement de cet exercice, ni laisser totalement le
champ libre à l’expert. Il se doit, non pas d’influencer l’homme de l’art dans son examen,
mais au moins de le guider, de lui expliquer en termes précis ce que la justice attend de ses
lumières. Ainsi qu’il a été expliqué précédemment, le juge ou le procureur établissent une
ordonnance contenant une liste de questions ou de faits sur lesquels l’expert doit apporter
des éclaircissements.
Or, nombre d’auteurs recommandent d’inclure ces interrogations dans le rapport.
Gabriel Tourdes conclut l’énoncé des éléments, constituant le préambule d’un rapport
d’autopsie, par : « 7° le but de l’opération, en reproduisant d’une manière textuelle les
questions adressées par le magistrat » 99 . Le rédacteur du rapport concernant l’examen
d’un jeune homme victime de meurtre suit ce conseil, comme nous pouvons le constater
avec l’illustration 12. Les deux experts recopient scrupuleusement les questions soumises,
par le juge d’instruction de Bressuire, via son ordonnance de réquisition, document qui a
été mentionné précédemment (illustration 1).
98 François Duverger, Manuel des juges…, op. cit., t. 2, p. 96.
99 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 334.
171

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre »,
Rapport des Drs Brillaud et Gaboriau (p. 1), le 30 juillet 1890.
Illustration 12 : Reprise des questions de l’ordonnance du juge dans le préambule du rapport.
172

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Paul Brouardel y voit même une prévention contre les reproches éventuels ou les
attaques qui pourraient être proférés à l’encontre du travail de l’expert :
« je vous recommande, d’abord, de transcrire votre commission en tête de votre rapport ;
de manière que, si au moment où vous déposerez sur vos conclusions, le président ou un
avocat vous demande pour quelle raison vous n’avez pas fait telle ou telle recherche, vous
puissiez lui dire que votre commission ne vous le commandait pas » 100 .
Les questions soumises par le magistrat à l’expert, tendent à devenir pour ce dernier un
phare le guidant au milieu de l’obscurité et la confusion de l’expertise : c’est son objectif.
Rédiger les conclusions du rapport médico-légal est alors, pour l’homme de l’art, montrer
que sa mission a bien été remplie, que l’objectif qui lui avait été fixé est atteint.
Pour preuve que les attentes et interrogations du magistrat ont été satisfaites,
nombreux sont ceux qui établissent leurs conclusions selon un schéma strictement
identique à l’ordonnance de réquisition : à une question du magistrat répond une
conclusion de l’expert. Toujours dans ce même rapport établi en 1890, et relatif à une
affaire de meurtre, les deux experts s’appliquent à reprendre une à une les questions du
juge, mises en début du rapport, et à y apporter une réponse (illustration 13). D’autres,
n’ayant pas pris la précaution de stipuler les interrogations que leur soumet la justice,
s’attachent à bien préciser, au moment d’apporter leurs conclusions, que ces dernières ont
pour but de satisfaire aux questionnements du magistrat. Les Drs Guillé et Lhuillier,
médecins à Montmorillon, effectuent une expertise médico-légale en janvier 1906. En
introduction de leurs déductions, ils indiquent que « dans son réquisitoire le juge
d’instruction a posé une série de questions auxquelles [ils répondent] dans l’ordre » 101 . Et
de reprendre chaque question du réquisitoire : « 1 ère question : quelle est la cause de la
mort ? […], 2 ème question : le corps porte-t-il des traces de coups ou de blessures ? De
quelle nature ? » 102 .
100 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 267.
101 A.D.V., 3U 4 / 637, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Coups et blessures ayant occasionné la
mort », Rapport médical, le 10 mars 1906.
102 Ibid.
173

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre »,
Rapport des Drs Brillaud et Gaboriau (p. 4), le 30 juillet 1890.
Illustration 13 : Reprise des questions de l’ordonnance du juge pour les conclusions.
174

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
La présence de la justice dans l’établissement du rapport d’autopsie, de plus en plus
perceptible dans la pratique de l’expertise judiciaire 103 , se répercute dans la littérature
spécialisée. Si, durant des décennies, les auteurs se sont contentés d’expliquer qu’à l’issue
de ses observations, « l’expert expose les conséquences qu’il croit pouvoir déduire des
faits et des diverses circonstances dont il vient de donner la description » 104 , dans le
dernier tiers du XIX e siècle, de nouveaux conseils de rédaction apparaissent : « il faut
répondre successivement à toutes les questions posées par le magistrat, alors même que la
réponse à l’une d’elles serait implicitement contenue dans les autres conclusions » 105 .
Néanmoins l’homme de l’art ne doit pas rester aveugle face à un élément primordial dans
l’explication du décès, mais qui viendrait bouleverser le scénario que le magistrat avait
imaginé, et à partir duquel il a construit les questions soumises aux lumières de la
médecine légale 106 . Les auteurs insistent d’ailleurs beaucoup sur la nécessité de garder une
certaine ouverture d’esprit, dans les constatations comme dans les conclusions : « on ne
doit pas toujours se borner à répondre uniquement aux questions posées, et l’on peut
quelquefois, quand les constatations y amènent, aborder un point qui n’avait pas été
indiqué dans l’ordonnance du magistrat » 107 . Le médecin expert doit également se
prémunir de tomber dans le travers opposé, outrepasser la mission qui lui est confiée, sous
peine que son excès de zèle se retourne contre lui 108 . Tout est une question de juste
équilibre, parfois difficile à obtenir.
Il est à constater que l’évolution du rapport d’expertise judiciaire, durant le XIX e
siècle, renferme un paradoxe : d’un côté, comme il a été expliqué précédemment, le
médecin tend à marquer son indépendance vis-à-vis de la justice en rédigeant un document
distinct du procès-verbal du magistrat qui l’a requis ; d’un autre côté, la justice se fait de
plus en plus présente, à travers les questions qu’elle soumet à l’homme de l’art et que
celui-ci reprend presque mot pour mot dans le rapport. Ce phénomène ne doit pas être
103 Les questions posées à l’expert par l’autorité en charge de l’enquête, au moment de la réquisition,
deviennent plus fréquentes à partir de la fin des années 1820-début de la décennie suivante, tant dans le
département de la Vienne que des Deux-Sèvres.
104 Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 36.
105 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 14.
106 Les rapports d’expertises qui s’avèrent, au final, en contradiction avec les hypothèses, voire les certitudes,
des magistrats, quant au déroulement du crime et à son auteur, constitueraient un point de départ pertinent
pour prendre la mesure de l’influence que peuvent avoir les expertises médico-légales sur les décisions de
justice. En effet, comme le rappelle Louis Mélennec, au cours d’une réflexion sur l’expertise médicale, « le
rapport de l’expert n’a aucune force obligatoire, et ne s’impose à la juridiction qui l’a sollicité qu’autant
que ses conclusions sont conformes à l’intime conviction des magistrats ».
Louis Mélennec, « Réflexions sur l’expertise médicale », Revue trimestrielle de droit sanitaire et social,
Paris, Editions techniques, juillet-septembre 1969, n°19, p. 213.
107 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 14.
108 Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit., t. 2, p. 173.
175

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
perçu comme une volonté, des magistrats, de prendre le contrôle de l’expertise médico-
légale. La raison pour laquelle ils ne s’impliquaient pas autant dans l’examen cadavérique
auparavant, est qu’ils n’avaient pas les connaissances suffisantes pour le faire. Il est
malaisé de poser une question précise, sur un domaine que l’on ne maîtrise pas un peu.
2) Utilisation du rapport par son commanditaire
Les magistrats du second XIX e siècle sont partagés entre deux sentiments
contradictoires, vis-à-vis de la médecine légale : cette discipline peut réaliser des miracles
scientifiques, apporter des éléments de preuves plus extraordinaires les uns que les autres,
mais, d’un autre côté, la foi aveugle que certains manifestent envers cette science, tant
parmi les membres de la justice, du corps médical, que de l’opinion publique, procure à
quelques-uns des représentants de la médecine légale une sensation de toute puissance et
d’impunité. Plusieurs affaires criminelles malheureuses ont terni l’image de la discipline et
porté le doute et la méfiance dans l’esprit de certains juges 109 . Par conséquent, il semble
que quelques magistrats aient décidé, pour paraphraser la remarque de Georges
Clemenceau au sujet des militaires, que la médecine légale est une chose trop sérieuse pour
la confier à des hommes de l’art.
Des magistrats s’emploient donc à mettre en place des manuels destinés aux
officiers de police judiciaire au sens large, tant à leurs confrères du parquet qu’aux
membres de la police, afin de leur fournir un minimum de connaissances et de repères en
matière médico-légale et criminalistique : les deux manuels de François Duverger 110 , déjà
109 Divers ouvrages abordent les erreurs judiciaires mettant en cause l’expert médical et le déclin de
popularité de la médecine légale. Pierre Darmon expose la disgrâce et les limites de la discipline à travers
l’exemple de l’affaire de “l’Ogresse de la Goutte d’Or”. Cf. Pierre Darmon, Médecins et assassins à la Belle
époque. La médicalisation du crime, Paris, Editions du Seuil, 1989, pp. 250-271.
Frédéric Chauvaud traite des thèmes similaires dans son ouvrage Les experts du crime. La médecine légale
en France au XIX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2000, pp. 62-76.
Les répercussions des erreurs judiciaires liées directement à l’expertise, sur les praticiens de cette discipline,
est évoquée par Denis Darya Vassigh dans un article publié dans la revue Le Temps de l’histoire : « Les
experts judiciaires face à la parole de l’enfant maltraité. Le cas des médecins légistes de la fin du XIX e
siècle », Le Temps de l’histoire, 1999, n°2, [en ligne].
Enfin, lors d’une communication durant la session commune « Histoire de la souffrance sociale », du Masters
Recherche 2 des Universités de Clermont-Ferrand, Limoges et Poitiers, organisée à l’UFR Sciences
humaines et Arts de Poitiers du 13 au 15 mars 2006, j’ai apporté quelques réflexions sur la méfiance
naissante et le mépris de certains magistrats à l’encontre de la médecine légale et des experts médicaux :
« Ces morts qui font souffrir les vivants : l’autopsie cadavérique, source de souffrance sociale au XIX e
siècle ? » in Frédéric Chauvaud (sous la dir. de), Histoires de la souffrance sociale XVII e -XX e siècles, Rennes,
PUR, Histoire, 2007, pp. 181-193.
Cf. le chapitre 4 de la présente étude.
110 François Duverger, Manuel criminel des juges de paix considérés comme officiers de police judiciaire
auxiliaires du procureur de la République et comme délégués du juge d’instruction, 1 ère éd. 1835, 5 ème éd.
176

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
mentionnés précédemment, mais également la traduction de celui de Hanns Gross 111 , alors
conseiller de justice à Graz en Autriche, comptent parmi ces ouvrages pratiques. Ainsi, les
hommes de loi savent globalement quelles sont les procédures scientifiques et techniques à
suivre lors d’un vol, d’une agression sexuelle ou d’un homicide : beaucoup de juges savent
qu’en matière d’infanticide, par exemple, l’élément premier à déterminer est l’effectivité
de la respiration de l’enfant ; par conséquent, ce point doit être, en priorité, confirmé ou
infirmé par les médecins experts. Lors de l’établissement de sa réquisition, le juge
d’instruction du tribunal de Civray pose la question habituelle dans ce genre d’affaire
criminelle, sorte de rituel voué au culte du saint quatuor : “né à terme”, “viable”, “a vécu”,
“a respiré”. Puis, ses interrogations quant à la respiration se précisent, demandant alors si
« la présence de gaz dans les poumons postérieurement à la mort » pourrait détruire ou
affaiblir cette affirmation et « rendre moins concluante l’expérience de la docimasie 112
pulmonaire » 113 .
Le savoir médico-légal acquis par les représentants de la justice, contrairement à ce
que l’on pourrait supposer, ne facilite pas spécialement les échanges entre magistrats et
médecins experts. Les attentes des premiers, vis-à-vis du travail des seconds, deviennent de
plus en plus précises, et par là même, de plus en plus difficiles à combler. Le rapport
médico-légal ne constitue pas une simple source de renseignements conjoncturels,
permettant au magistrat instructeur de visualiser le déroulement du drame. Il devient, pour
la justice, un fournisseur de preuves dont elle peut se servir pour confondre le criminel et le
condamner 114 . Il est à remarquer que bon nombre de ces documents conservés dans les
rev. et mise au courant de la législation et de la jurisprudence, Paris, Marchal et Billard, 1876, 464 p. et
Manuel des juges…, op. cit.
111
Hanns Gross, Manuel pratique d’instruction judiciaire à l’usage des procureurs, des juges d’instruction,
des officiers et des agents de police judiciaire, fonctionnaires de police, gendarmes, agents de service de la
sûreté, traduit de l’allemand par Boucart et Wintzweiller, préface de Gardeil, Paris, Marchal et Billard, 1899,
2 t., XXVII-514 + 484 p.
112
Expérience qui consiste à placer les poumons dans l’eau pour constater s’ils flottent, signe que les alvéoles
sont remplies d’air, et donc que la respiration a eu lieu.
113
A.D.V., 2U 1633, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Réquisition
motivée, le 25 août 1856.
114
Michel Porret a démontré l’influence grandissante des preuves médico-légales, dans la pratique de la
justice genevoise, dans nombre d’écrits, parmi lesquels : Le crime et ses circonstances. De l’esprit de
l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitions des procureurs généraux de Genève, préface de
Bronislaw Baczko, Genève, Droz, 1995, 562 p. ; « Pratique pénale et médecine légale au XIX e siècle : la
qualification des “mauvais traitements” et des homicides, l’exemple genevois (1815-1890) » in Frédéric
Chauvaud, Jacques-Guy Petit (sous la dir. de), L’histoire contemporaine et les usages des archives
judiciaires (1800-1930), Paris, Honoré Champion, Histoire et archives, 1998, pp. 343-355.
Frédéric Chauvaud traite de la preuve expertale dans ses ouvrages Experts et expertise judiciaire : France,
XIX e et XX e siècles, avec la collaboration de Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche
pour le GIP Mission de Recherche Droit et Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, pp. 199-228 et Les
experts du crime…, op. cit., pp. 169-232.
177

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
dossiers d’assises du Poitou portent la marque de leur utilisation par un magistrat : il peut
s’agir du juge d’instruction prenant connaissance de l’expertise, ou souhaitant rafraîchir sa
mémoire sur les éléments médico-légaux qui vont lui permettre de poursuivre son
instruction, ou encore le procureur relevant les informations nécessaires à l’établissement
de son réquisitoire et de l’acte d’accusation.
Les annotations dans la marge, ou les mots soulignés au crayon bleu ou rouge, sont
autant d’indices que le rapport d’examen post mortem n’est pas une simple formalité
administrative, la forme judiciaire du certificat de décès, mais un véritable outil pour
l’élaboration du dossier d’instruction, au même titre que les dépositions des témoins
(illustrations 165, 168 et 169, cf. annexes 29, 32 et 33). Prenons un exemple : le rapport
établi par Louis André Ganne, en avril 1865, suite à l’autopsie judiciaire qu’il a pratiquée
en collaboration avec un confrère d’Airvault, Jaurand, porte les stigmates de l’utilisation
du document par le magistrat. Ce dernier a mis en évidence, à l’aide d’un trait d’encre
rouge, les éléments importants de l’expertise, les constatations qui laissent penser, avec un
fort degré de certitude, que l’empoisonnement est la cause du trépas. Ce sont des
remarques telles que « ne nous semblait pas pouvoir être compris dans le cadre des
diverses lésions observées dans les différentes maladies organiques de l’estomac », ou
« que d’agents extérieurs » 115 , qui sont mis en exergue (illustration 169, cf. annexe 33).
Mais encore faut-il que les réponses apportées par le rapport puissent tenir lieu de
preuves devant un tribunal, ou tout du moins qu’elles soient suffisamment claires pour
aider le juge. Certaines énigmes demeurent parfois insolubles pour le médecin expert.
Firmin Barrion, médecin exerçant à Bressuire, dans le nord des Deux-Sèvres, a le courage
d’avouer sa totale incompétence lors d’une expertise d’ossements. Il est dans l’incapacité
de pouvoir résoudre la seconde question qui lui a été soumise, en l’occurrence depuis
combien de temps ces os se trouvaient enfouis dans la terre. Il pondère toutefois son
ignorance en signalant que, « dans l’état actuel de la science », cette question demeure
sans solution 116 . D’autres fois, les conclusions auxquelles l’homme de l’art aboutit font
part de ses doutes et s’apparentent plus à des hypothèses émises sur les circonstances du
trépas, ses causes ou son auteur présumé. Le juge d’instruction du tribunal de Châtellerault
Cet aspect est aussi abordé par deux contributions du dossier « Droit et expertise dans une perspective
praxéologique » de la revue Droit et Société : Baudouin Dupret, « Le corps mis au langage du droit :
comment conférer à la nature une pertinence juridique », Droit et Société, Paris, LGDJ, 2RJ, 2005, n°61,
pp. 627-653 ; Luisa Zappulli, « Savoirs professionnels… », art. cit., pp. 683-700.
115
A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’autopsie, le 21 avril 1865.
116
A.D.D.-S., 2U 145, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et suppression
d’enfant », Rapport fait par Barrion, médecin, le 30 novembre 1834.
178

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
n’a pas dû être très satisfait du rapport d’autopsie, rédigé par les Drs Desayvre et
Lerpinière, suite à l’examen cadavérique d’un nouveau-né en mars 1844. En effet, celui-ci
s’achève sur une quatrième conclusion, tenant plus de l’énoncé des possibles que de
l’affirmation argumentée : l’enfant a « […] pu succomber soit à l’asphyxie des nouveau-
nés si commune chez les enfants faibles, soit à l’inaptitude de la fille à donner les soins
nécessaires à sa faiblesse, soit car il a été abandonné et recouvert de terre » 117 .
Selon les auteurs, un médecin expert ne doit pas craindre de faire montre d’une
certaine réserve dans ses conclusions : « s’il [l’expert] a des doutes, ou bien encore s’il n’a
pas trouvé dans les faits observés des raisons suffisantes pour émettre une opinion
quelconque, il ne doit pas hésiter à la déclarer expressément dans son rapport » 118 . Au
final, au lieu d’apporter des éléments de réponses au magistrat, le rapport plonge ce dernier
dans un abîme de confusion :
« nous avons fréquemment entendu dire à des magistrats que, dans beaucoup de
circonstances, ils auraient préféré n’avoir pas consulté de médecins, parce que leurs
conclusions les avaient jetés dans une incertitude d’autant plus complète, qu’ils étaient
incapables d’apprécier les motifs sur lesquels était basé le doute des experts » 119 .
Malgré un minimum de savoirs médico-légaux théoriques et pratiques acquis, au fil
des enquêtes criminelles ou au contact des hommes de l’art, les juges d’instruction,
procureurs et autres représentants de la justice ne sont pas devenus pour autant des
spécialistes de l’expertise médicale. Nombre de subtilités de la science, sa terminologie,
ses canons syntaxiques demeurent parfois étrangers aux hommes de loi. Quoi de plus
ésotérique, inintelligible au non initié, qu’une longue et complexe description des lésions
rencontrées sur le cadavre, alors qu’un dessin même très schématique serait si parlant.
117
A.D.V., 2U 1564, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des Drs
Lerpinière et Desayvre, le 27 mars 1844.
118
Henry Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 158.
119
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 19.
179

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
III) LE RAPPORT JUDICIAIRE, SOURCE ESOTERIQUE
Tout travail historique oblige un jour le chercheur à s’interroger sur la source
principale de son objet d’étude. Faire une étude critique et approfondie des documents qui
constituent la majeure partie de son corpus est impératif. L’analyse permet d’éviter
quelques écueils ou contresens. Il est nécessaire de connaître parfaitement les limites du
document pour en extraire les données les plus pertinentes, sans être induit en erreur.
Dans le cas présent, l’élément le plus troublant, rencontré lors de la consultation des
rapports d’autopsie judiciaire réalisés dans le Poitou du grand XIX e siècle, est l’absence si
visible de toute iconographie. De plus, il apparaît qu’au fil du siècle le rapport a subi un
certain nombre de modifications et d’améliorations qui autorisent à considérer la rédaction
comme une véritable science du rapport médico-légal.
A) La photographie : un « témoin irrécusable » peu entendu 120
La victime d’un meurtre, d’un accident fatal ou même d’une mort volontaire, est un
témoin de premier ordre, mais d’un genre particulier : c’est un témoin muet. Le médecin
est le seul qui puisse rendre un semblant de parole à cet individu contraint au silence. Telle
la pythie de Delphes transmettant la voix d’Apollon aux mortels, l’homme de l’art fait
office de relais entre le défunt et la justice. Néanmoins, l’expert demeure un être humain,
faillible et ayant ses limites, comme tout un chacun. La description qu’il fournit des
blessures, les conclusions qu’il en tire relèvent, au final, de l’interprétation. La
transcription, même la plus fine, des lésions corporelles, ne sera jamais aussi parlante
qu’une image : « une bonne photographie est un témoin irrécusable » 121 remarque Paul
Brouardel. La littérature médico-légale souligne l’intérêt certain que présente les
documents iconographiques, pour l’expert comme pour le magistrat. Vernois, lors d’une
séance de la Société de médecine légale en décembre 1869, énumère les diverses
applications possibles de cette technique encore nouvelle, à la médecine légale :
photographier, par exemple, les signes distinctifs des criminels, la forme et l’étendue de
120 Sur l’utilisation de la photographie comme source historique, et les problèmes méthodologiques que cela
peut poser, cf. les réflexions de Yan Schubert, « La photographie comme source historique. De l’utilisation
de la photographie dans l’historiographie du national-socialisme et du génocide juif » in Mauro Cerutti, Jean-
François Fayet, Michel Porret (sous la dir. de), Penser l’archive. Histoires d’archives-Archives d’histoire,
Lausanne, Antipodes, Histoire, 2006, pp. 254-265.
121 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 282.
180

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
blessures corporelles, les empreintes de pieds ou de mains, des fragments de cadavre ou
d’os à des fins comparatives 122 .
Les documents iconographiques deviennent alors des preuves, ou du moins des
éléments explicatifs pouvant éclairer les magistrats, qu’il convient évidemment de
transmettre en même temps que le rapport écrit : « on joindra au rapport les pièces à
conviction, dessins et photographies qui auront été jugés nécessaires pour éclaircir les
faits et justifier les conclusions » 123 . La prise de photographies des lésions constatées au
cours de l’examen post mortem, est un moyen sûr et durable pour l’expert de garder une
preuve de ce qu’il a observé. Néanmoins, ces documents brillent par leur absence dans les
dossiers criminels et correctionnels poitevins. En effet, sur la totalité des affaires
consultées, soit 690 enquêtes criminelles ou correctionnelles ayant pour point de départ le
décès d’un individu, et auxquelles il faut ajouter les suicides et morts accidentelles, qui
représentent plus d’un millier de cas, un seul exemple de photographie, ayant pour sujet le
corps de la victime, a été trouvé. Cette épreuve, représentant en fait la scène du crime,
laisse entrevoir, assez peu distinctement il faut l’avouer, le corps sans vie d’une jeune
femme (illustration 14).
122 Vernois, « Applications de la photographie à la médecine légale. Rapport sur une communication de M. le
docteur Bourion », Société de médecine légale (séance du 13 décembre 1869), Annales d’hygiène publique et
de médecine légale, Paris, Baillière, 1870, 2 ème série, t. 33, pp. 239-251.
Cf. également, sur les applications de la photographie aux sciences médicales, Albert Hénocque,
« Photographie (Applications aux sciences médicales) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 2 ème série, t. 24,
pp. 414-418.
123 Gabriel Tourdes, « Rapports… », art. cit., p. 336.
181

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 376, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat »,
Plan et vue photographique des lieux, le 1 er octobre 1905.
Illustration 14 : Photographie du cadavre sur les lieux du crime.
182

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Le drame s’est déroulé au café-concert “L’Eldorado” à Niort. La victime, chanteuse
dans cet établissement sous le pseudonyme de Rose de Noël, a succombé suite à un coup
de feu tiré dans la région temporale. A la fin de son tour de chant, l’infortunée jeune
femme est rejointe, dans les loges des artistes, par son ancien amant et futur meurtrier.
L’amoureux éconduit, militaire de son état, décrit comme jaloux et violent, n’aurait pas
supporté que cette dernière ait une liaison avec un autre homme, également officier dans
l’armée. Mais le drame ne s’arrête pas une fois cet acte de folie perpétré. L’homme, en état
de choc et de surexcitation, menace de son arme le public du cabaret, parmi lequel se
trouve un policier qui n’hésite pas à sortir à son tour son arme et à tenir en joue le forcené.
Ce dernier, après de longues négociations et un entretien avec un abbé, finit par se
rendre 124 . Il s’agit d’une affaire sortant de l’ordinaire, eu égard au théâtre du drame, aux
protagonistes impliqués, ainsi qu’aux motifs qui ont poussé le meurtrier à commettre cet
acte funeste. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il s’agit de l’unique exemplaire d’une
représentation photographique de la dépouille de la victime dans une affaire criminelle
poitevine. Il est en effet très surprenant que ces documents iconographiques soient absents
des dossiers des cours d’assises de la Vienne et des Deux-Sèvres du dernier tiers du XIX e
siècle, période durant laquelle la photographie connaît un grand essor en France 125 .
Comment peut-on expliquer ce qui semble être un refus obstiné d’employer cette
technologie, dans le cadre des enquêtes judiciaires relatives à une mort suspecte ? La
première raison évidente serait que ce nouveau procédé de figuration soit inexistant au sein
des deux départements étudiés, en raison de leur faible développement industriel. Or, il
apparaît que très tôt, dès la fin des années 1850, des ateliers de photographes se sont
ouverts dans la ville de Poitiers 126 . De plus, les autorités ont compris, relativement vite,
l’avantage qu’elles pouvaient tirer de l’emploi de la représentation photographique dans
124 A.D.D.-S., 2U 376, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », octobre 1905.
Cf. Olivier Goudeau, Les grandes affaires criminelles des Deux-Sèvres, préface de Frédéric Chauvaud, La
Crèche, Geste éditions, 2005, pp. 245-270.
125 Cf. pour une analyse historique de ce nouveau médium et art, les ouvrages de Quentin Bajac, L’image
révélée. L’invention de la photographie, Paris, Gallimard, Découvertes, 2001, 159 p. et La photographie.
L’époque moderne 1880-1960, Paris, Gallimard, Découvertes, 2005, 159 p., ainsi que l’ouvrage collectif
dirigé par Jean-Claude Lemagny et André Rouillé, Histoire de la photographie, Paris, Larousse-Bordas,
1998, 296 p.
Pour une approche plus sociologique, voir Gisèle Freund, Photographie et société, Paris, Editions du Seuil,
Points Histoire, 1974, 220 p.
126 Cf. sur le développement de la photographie à Poitiers, l’encadré de Yves-Jean Riou, « Aux débuts de la
photographie », in Alain Quella-Villéger (sous la dir. de), Poitiers, une histoire culturelle 1800-1950,
Poitiers, Atlantique, Editions de l’Actualité Poitou-Charentes, 2004, pp. 414-416.
Cf. également les deux articles de Gérard Simmat, « Les photographes de Poitiers au 19 e siècle. Les
précurseurs, 1859-1883 », Le Picton, janvier-février 2005, n°169, pp. 42-52 et « Les photographes de Poitiers
au 19 e siècle. L’âge d’or, 1884-1900 », ibid., mars-avril 2005, n°170, pp. 12-19.
183

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
leur lutte contre la criminalité. Cette technique a tout d’abord concerné les criminels déjà
emprisonnés qui, ainsi “fichés”, pouvaient être confondus comme récidivistes 127 . Le
procédé a ensuite été perfectionné par Alphonse Bertillon qui, en déterminant des mesures
précises à relever, en plus de la prise d’une photographie, a rendu l’identification plus
“scientifique”, moins sujette à controverse car relevant de la subjectivité. Cette science est
baptisée “anthropométrie” ou plus simplement “bertillonnage”, du nom de son
concepteur 128 . Puis, la photographie a été utilisée pour les individus suspectés d’un crime
et qui avaient réussi à prendre la fuite après leur arrestation, ou qui, laissés en liberté, ne se
présentent pas devant la justice. Il s’agit d’une version moderne des célèbres affiches
“Wanted”, placardées sur les murs, pour aider à la recherche des hors la loi, et devenues un
leitmotiv visuel des westerns. Mais, seuls les criminels semblent avoir droit aux honneurs
de l’objectif du photographe 129 .
Se pourrait-il que cette absence de reproductions photographiques soit due à leur
retrait des dossiers dans le but de les utiliser lors du procès ? Il est possible d’imaginer,
qu’à l’instar des documents topographiques et autres croquis des lieux du crime 130 , les
photographies, s’attachant au corps dans son entier ou partiellement, soient présentées au
127 Jens Jäger, « Photography : a means of surveillance ? Judicial photography, 1850 to 1900 », Crime,
histoire et sociétés, Genève, Droz, 2001, vol. 5, n°1, pp. 27-51.
128 Nicolas Quinche, « Les techniques d’identification des récidivistes (1880-1920) » in Le criminel endurci.
Récidive et récidivistes du Moyen Age au XX e siècle, études réunies et présentées par Françoise Briegel et
Michel Porret, actes du colloque « Récidive et récidiviste : de la Renaissance au XX e siècle » (6 au 8 juin
2002) organisé par l’International Association for the History of Crime and Criminal Justice, Genève, Droz,
« Recherches et Rencontres », 2006, n°23, pp. 355-367.
Ilsen About prépare un doctorat sur les pratiques policières d'identification en France et en Italie (1890-
1940), sous la direction de Gérard Noiriel, à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris) et à
l'Institut Universitaire Européen (Florence) ; il étudie les usages de la photographie signalétique dans les
discours criminologiques et les services de police scientifique.
129 Bruno Bertherat, dans la thèse qu’il a consacrée à la Morgue de Paris, mentionne les photographies de
cadavres réalisées dans cette institution de la mort. Au début des années 1870, la préfecture de Police de Paris
se dote d’un service photographique, chargé de photographier délinquants et criminels d’une part, et cadavres
inconnus d’autre part. Les photographies cadavériques n’ont qu’un seul but : l’identification du sujet.
L’application médico-légale ne prend aucune part dans cette pratique, du fait même du rôle premier de la
Morgue, la réception des corps non identifiés, son rôle judiciaire et policier ne se développant que bien plus
tard.
Cf. Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal
ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université de
Panthéon-Sorbonne (Paris I), 2002, vol. 2, f°187-196.
Le problème de l’identification des cadavres et les techniques utilisées pour facilité leur reconnaissance sont
abordés dans le chapitre 8 de la présente étude.
130 Cf. sur la topographie judiciaire les contributions suivantes :
Michel Porret, « La topographie judiciaire à Genève », Sociétés&Représentations : Violences, sous la dir. de
Frédéric Chauvaud, Paris, CREDHESS, juin 1998, n°6, pp. 191-209.
Virginie Berger, « Les plans de l’enquête dans la seconde moitié du XIX e siècle »,
Sociétés&Représentations : La justice en images, sous la dir. de Frédéric Chauvaud, avec la collaboration de
Solange Vernois, Paris, CREDHESS, octobre 2004, n°18, pp. 97-107.
Marina Daniel, « Découverte du crime et besoins de l’enquête. Le dessin judiciaire en Seine-Inférieure au
XIX e siècle », ibid., pp. 109-122.
184

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
jury et aux magistrats du siège à des fins explicatives et démonstratives 131 . Si tel était le
cas, les indices d’un recours à un professionnel, digne successeur de Niepce et de
Daguerre, apparaîtraient dans les nombreux documents composant le dossier d’instruction :
une vague allusion au détour du procès-verbal de constat, une facture ajoutée à l’état des
frais consécutifs aux diverses recherches nécessaires à l’avancée de l’enquête, une lettre du
procureur pour convier un homme de l’art de photographier à se déplacer sur le théâtre du
drame. Or, pas la moindre trace qu’un concours de la sorte ait été demandé par la justice
poitevine.
La manipulation quelque peu délicate des appareils photographiques, et le temps de
pose relativement long pour imprimer l’image sur la plaque 132 , peuvent également faire
obstacle à l’utilisation de ce procédé par une justice et une médecine agissant souvent dans
l’urgence. En outre, le coût de ce procédé peut pousser les magistrats en charge de
l’instruction, mais également les maires et autres juges de paix, à l’économie de cette
technologie. Si cette assertion semble probable pour les premières années d’existence de la
photographie, les rapides améliorations apportées à la technique diminuent
considérablement la durée nécessaire à la pose pour obtenir une image parfaitement
nette 133 . De plus, l’essor considérable du portrait photographique individuel permet
131 Au cours du procès de Caserio, assassin du président Sadi Carnot, l’un des médecins chargés de l’examen
post mortem, le Dr Ollier, fait passer aux jurés des représentations du foie présidentiel où sont indiqués les
blessures ayant provoqué le trépas. Les Archives d’anthropologie criminelle, qui reprennent l’ensemble des
rapports et des débats, reproduisent les dessins en question.
Alexandre Lacassagne, « L’assassinat du président Carnot », Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, p. 583.
132 Le procédé mis en place par Daguerre en 1839, prenant logiquement la dénomination de daguerréotype,
présente, dans les premiers temps, plusieurs inconvénients : le temps de pose qui peut varier de 10 à 120
minutes, l’unicité du cliché, la complexité de l’appareillage ainsi que la fragilité de la plaque de cuivre.
Cf. Quentin Bajac, L’image révélée…, op. cit., p. 32
133 L’Anglais Talbot met au point, à peu près à la même époque que Daguerre, une technique appelée le
calotype et qui consiste à imprimer une image sur papier grâce à du chlorure. Ce procédé présente l’avantage,
sur le daguerréotype, de pouvoir reproduire l’image imprimée, mais perd en netteté. De son côté, au fil des
recherches, le daguerréotype gagne en rapidité : dès 1840 le temps de pose est réduit à une poignée de
secondes. En 1848, Niepce de Saint-Victor, neveu de Nicéphore Niepce qui avait collaboré avec Daguerre,
réussit à allier la netteté du daguerréotype à la reproductibilité du calotype, en employant une plaque de verre
recouverte d’albumine. Cependant, le temps de pose s’accroît de nouveau, entre 5 et 15 minutes. L’emploi du
collodion, à partir de 1851, permet de remédier à ce défaut. Malgré toutes ces améliorations, la photographie
au collodion demeure peu maniable. Vingt ans plus tard, le compatriote de Talbot, Richard Leach Maddox
perfectionne le procédé en remplaçant le collodion par du gélatino-bromure d’argent : beaucoup plus pratique
à utiliser, il est aussi très rapide, devenant presque instantané. L’instantanéité de la prise de vue permet alors
de supprimer le trépied, nécessaire à la stabilité de l’appareil. Pouvant dorénavant être tenus à la main, les
appareils photographiques deviennent de plus en plus petits dans les années 1880 : c’est l’avènement de la
photographie pour tous, en tant que sujet posant devant l’objectif comme en tant qu’auteur du cliché.
Cf. ibid., pp. 32-33, Quentin Bajac, La photographie…, op. cit., pp. 14-17, et Jean-Claude Lemagny, André
Rouillé, Histoire de la photographie, op. cit., pp. 30-31.
185

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
d’accroître la clientèle et ainsi de réduire le prix du cliché 134 . Malgré toutes ces avancées
pratiques, la photographie demeure inutilisée durant les affaires criminelles venant troubler
la tranquillité des campagnes poitevines.
La sensibilité et le respect dû aux défunts pourraient constituer une explication
plausible. Procéder à la photographie d’un individu après son décès pourrait être considéré
comme une atteinte à son intégrité corporelle, comme une procédure indigne. Or, encore
une fois, l’argument s’effondre. Il existe depuis plusieurs siècles une tradition du portrait
post mortem. Réservée d’abord aux hommes illustres, la pratique du « dernier portrait »
devient privée, dès le XVI e siècle, dans l’Europe du Nord 135 . Sa relative rapidité
d’exécution permet à la photographie de supplanter la peinture dans ce domaine. En effet,
la photographie répond souvent à une urgence. Confrontée au décès brutal d’un de ses
membres, la famille prend très souvent conscience qu’elle ne possède aucun portrait de son
cher disparu. Il est donc fait appel à
un photographe pour immortaliser les
traits du défunt et ainsi en garder un
souvenir palpable 136 . Le procédé
concerne particulièrement les enfants,
notamment les nourrissons
(illustration 15). La photographie
devient alors le témoignage des étapes
importantes de la vie d’un individu :
naissance, mariage et donc mort 137 .
Source : Le dernier portrait, catalogue du musée
d’Orsay, Paris, Editions de la Réunion des Musées
Nationaux, 2002, p. 41.
Illustration 15 : Photographie d’un enfant mort, 1853.
Certains photographes se servent d’ailleurs du portrait mortuaire comme d’un
argument publicitaire. Une firme américaine, qui cherche à convaincre de nouveaux
clients, indique ses compétences en la matière :
134 Philippe Ariès, Georges Duby (sous la dir. de), Histoire de la vie privée, t. 4 : De la Révolution à la
Grande Guerre, sous la dir. de Michelle Perrot, 1 ère éd. 1987, éd. rev. et complétée, Paris, Editions du Seuil,
Points Histoire, 1999, p. 393.
135 Emmanuelle Héran, « Le dernier portrait ou la belle mort » in Le dernier portrait, catalogue publié à
l’occasion de l’exposition « Le dernier portrait » présentée au musée d’Orsay du 5 mars au 26 mai 2002,
Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 2002, p. 25.
136 Joëlle Bolloch, « Photographie après décès : pratique, usages et fonctions » in ibid., p. 114.
137 Ibid., p. 113.
186

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
« Notre équipement nous permet de prendre des portraits miniatures d’enfants et d’adultes
instantanément, et de personnes DECEDEES soit chez nous, soit chez elles. Nous nous
attachons à obtenir des miniatures de personnes décédées agréables et satisfaisantes, et le
résultat est souvent si naturel qu’elles semblent, même aux yeux des artistes, plongées dans
un profond sommeil » 138 .
Des exemples semblables se trouvent en France. L’arrière d’un daguerréotype, réalisé par
la maison Millet, contient le descriptif suivant :
« Le personnel de la maison MILLET étant assez nombreux pour répondre à toutes les
demandes, il peut se transporter sur tous les points de Paris, des départements et de
l’étranger pour former et installer des Elèves, faire de Portraits, Reproductions, Vues et
Paysages, Levées de Tombeaux dans les cimetières, Eglises et autres Monuments, ainsi que
les Portraits après Décès, le font de jour et même de nuit, à l’aide de la lumière
électrique » 139 .
Pourtant, la photographie mortuaire traditionnelle ne peut répondre aux attentes de
la médecine légale. En fait, un portrait après décès est réussi s’il fait oublier la mort du
sujet. Comme le souligne la première publicité, la personne doit donner l’apparence d’être
endormie, donc encore en vie. Par le
truchement du maquillage, de l’attitude
corporelle, du décor, le photographe parvient
à insuffler la vie, pour quelques instants, au
défunt 140 (illustration 16). Il ne s’agit pas de
représenter la violence de la mort, sa marche
brutale, cruelle et déshumanisante. Les
visages photographiés doivent refléter la
sérénité du sommeil éternel et non la douleur
de l’agonie. En outre, hormis pour les bébés,
l’image se focalise sur le visage, alors que la
médecine judiciaire se préoccupe du corps
dans son ensemble, ou de parties corporelles
particulières car elles sont porteuses de
traces de violence.
138 Ibid., p. 114.
139 Ibid., p. 115.
140 Ibid., p. 126.
187
Source : Le dernier portrait, catalogue du
musée d’Orsay, Paris, Editions de la Réunion
des Musées Nationaux, 2002, p. 129.
Illustration 16 : Photographie d’un homme
soutenant sa femme morte, assise, vers 1846.

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
De plus, la mise en scène du corps, nécessaire pour donner l’illusion de la vie,
exclut toute rationalisation de la photographie post mortem. La situation peut être
rapprochée de celle rencontrée par les premiers portraits de criminels réalisés pour faciliter
l’identification des récidivistes. Habitués à réaliser des portraits de famille et d’honnêtes
gens, les photographes immortalisent les contrevenants à la loi dans des attitudes de la vie
courante, la pipe à la main ou accoudé à une table 141 . Il faut attendre le portrait
anthropométrique de Bertillon pour voir les criminels photographiés en gros plan, de face
et de profil. De telles remarques peuvent également s’appliquer aux portraits post mortem
réalisés à dessein d’identification. Afin de faciliter la reconnaissance des défunts anonymes
dont l’état de décomposition avancée interdit de conserver le corps trop longtemps, l’usage
de la photographie cadavérique se développe dans les morgues 142 . Mais là encore, le
portrait est loin d’être naturel, ou plus exactement, pour figurer le “naturel”, c’est-à-dire
l’apparence de la vie, médecins et photographes doivent employer des artifices. Outre des
techniques permettant la reconstruction faciale, empruntées soit à l’embaumement soit à la
chirurgie plastique, les praticiens maquillent et mettent en scène le visage, et parfois le
corps en entier 143 . Ainsi, ils font prendre au défunt une pose ou une expression particulière
qui rappellera, à ses proches, celles prises au cours de sa vie (illustration 17).
141 Jens Jäger, « Photography : a means… », art. cit., p. 32 et p. 43.
142 Nicolas Minovici, « Nouveaux procédés de photographie des cadavres », Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1904, t. 19,
pp. 842-862.
143 Cf. le chapitre 8.
188

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : Nicolas Minovici, « Nouveaux procédés de photographie des cadavres », Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1904, t. 19, p. 857.
Illustration 17 : Photographies d’une femme pour son identification. Les sourcils sont froncés ou le visage
fait une grimace.
La photographie mortuaire privée, souvenir ultime d’un être cher, n’a donc pas
connu, au cours du XIX e siècle, de transposition médico-légale, du moins en tant que
représentation fidèle des blessures et autres lésions pathologiques. Il est néanmoins permis
de se demander si l’une des explications du reflux progressif de la pratique du portrait post
mortem ne réside pas dans ce glissement, ou cette appropriation, de la photographie de
cadavres vers la médecine judiciaire au cours du XX e siècle. En outre, il pourrait être
avancé que le recours traditionnel à un autre procédé illustratif pourrait être un frein à la
diffusion de cette innovation : le dessin.
B) L’art des rapports d’expertise n’est pas artistique
1) Une absence d’iconographies
Réaliser un dessin de la victime, même sous une forme schématique très simplifiée,
semble relever de l’évidence, à nous individus nourris de flux télévisuels, initiés aux arts
graphiques dès l’école, quotidiennement confrontés à un flot d’images et de figures si
nombreuses et diverses qu’elles en deviennent presque invisibles. Or, les médecins appelés
comme experts pour pratiquer les autopsies judiciaires de la Vienne et des Deux-Sèvres ne
donnent pas l’impression d’avoir acquis ce réflexe. Au même titre que les photographies,
189

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
les illustrations à main levée sont extrêmement rares dans les rapports d’expertise
cadavérique 144 . Les quelques exemples rencontrés sont si exceptionnels qu’ils ne peuvent
en aucun cas être significatifs pour faire une étude convenable, en tant qu’éléments
constitutifs de l’autopsie médico-légale. En effet, les représentations de la dépouille du
défunt, dans son ensemble ou en partie, relevées dans les dossiers des tribunaux criminels
et correctionnels poitevins, sont au nombre de quatre 145 . Les indications du corps sur le
plan figurant les lieux du crime ont été exclues de ce dénombrement, car la représentation
du cadavre est motivée par un souci topographique et non médico-légal (illustration 18).
144 Il ne peut s’agir d’une spécificité poitevine : Bruno Bertherat remarque que les rapports d’autopsies
consultés à la Morgue de Paris n’en comporte pas non plus. Cf. Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op.
cit., f° 495, note infrapaginale.
Quant à l’étude de Marina Daniel sur l’expertise corporelle en Seine Inférieure, elle mentionne effectivement
la présence de dessins dans les rapports médico-légaux en vue de donner la localisation de blessures ou de
fractures. Cependant, aucune estimation n’est donnée au sujet de la fréquence du recours à la représentation
graphique par les médecins experts, ce qui laisse supposer que de tels dessins sont peut-être exceptionnels.
Cf. Marina Daniel, Regards sur le corps meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au
XIX e siècle, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen,
2007, vol. 2, f° 393-394.
145 L’un des dessins ne figure pas dans le rapport d’expertise médico-légale mais à part. Il est par conséquent
possible de douter de son auteur : a-t-il été réalisé par le médecin expert ou, ce qui paraît plus vraisemblable,
par le magistrat ?
A.D.V., 2U 1618, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », janvier 1854.
190

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 372, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups mortels »,
Croquis des lieux, le 11 septembre 1904.
Illustration 18 : Plan des lieux du crime avec figuration du corps.
191

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Les dessins réalisés par les médecins experts, en vue d’illustrer leur propos et de
rendre la description de la lésion (illustration 19) ou la position du corps (illustration 20)
beaucoup plus compréhensibles, pourraient laisser penser que ces praticiens profitent de
cette occasion pour faire montre d’un talent caché. Ces hommes de l’art seraient en
quelque sorte des enlumineurs contrariés se libérant de leur frustration. Or, cela signifierait
que l’absence de dessins dans les autres rapports d’expertise serait consécutive à
l’incapacité des rédacteurs à réaliser ne serait-ce qu’un schéma des plus sommaire. Une
telle hypothèse est difficilement envisageable, eu égard au nombre d’individus pris en
considération ; la totalité des médecins poitevins ne peut être dépourvue du don de
dessinateur. Pour quelle(s) raison(s) ces hommes de l’art n’emploient-ils pas ce procédé si
commode et moins rébarbatif qu’une longue description, même s’il ne peut la remplacer
absolument ?
Durant une grande partie de l’histoire de la médecine, l’illustration a tenu une place
importante dans les ouvrages consacrés aux connaissances et aux progrès de cette
discipline 146 . Le rôle de l’iconographie y est d’ailleurs primordial et dépasse largement les
limites de la banale illustration d’agrément : « les illustrations anatomiques, tels des
calligrammes, servent surtout de support à l’écriture et laissent peu de place à
l’observation. Le regard est subordonné au discours » 147 . Les tout premiers ouvrages
d’anatomie emploient donc l’illustration comme une toile de fond sur laquelle va s’apposer
le discours ; elle favorise en quelque sorte la formulation de l’écriture. A contrario,
d’aucuns ont considéré qu’une image valait tous les discours : « il [Léonard de Vinci] vise
moins à imiter par le dessin ce qui s’offre à son regard qu’à figurer ce qui, sans image,
resterait confus » 148 . L’illustration permet d’exprimer ce que les mots sont incapables de
rendre, c’est une concrétisation. « Même lorsqu’il développe une question abstraite,
Léonard accorde toujours la primauté au dessin pour exprimer sa pensée. Pour lui,
l’image, seul langage universel, est moins l’illustration de l’exposé que l’exposé lui-
même » 149 .
146 Sur l’évolution de la place de la vue et de l’image, cf. les réflexions de David Le Breton, La saveur du
monde. Une anthropologie des sens, Paris, Métailié, 2006, pp. 44-48.
147 Philippe Comar, Les images du corps, Paris, Gallimard, Découvertes, 1993, p. 67.
148 Ibid., p. 72.
149 Ibid., p. 73.
192

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 373, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et
vol », Rapport du médecin légiste (p. 4), le 22 décembre 1904.
Illustration 19 : Dessin de la blessure.
193

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 373, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et
vol », Rapport du médecin légiste (p. 2), le 22 décembre 1904.
Illustration 20 : Dessin de la position du corps sur les lieux.
194

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Bien que le rôle attribué à l’image se soit pondéré au fil des siècles, celle-ci a gardé
une place dans les traités de médecine et autres atlas anatomiques. Le dessin est même
rejoint à partir de 1860, avant d’être supplanté, par la photographie 150 . Néanmoins,
l’illustration a ses détracteurs. Xavier Bichat, l’un des concepteurs de la méthode anatomo-
clinique, pousse à son paroxysme le précepte qui fonde la clinique : ce n’est qu’au contact
des malades que l’apprenti médecin peut acquérir le savoir et la pratique nécessaires à
l’exercice de son art. Par conséquent, l’ouvrage qu’il consacre à l’anatomie 151 , publié en
1801, ne comporte aucune planche 152 . Il faut observer réellement et non via la main de
l’illustrateur, même le plus doué. Bichat et ses éminents confrères, promoteurs de la
clinique, ont fait du médecin du XIX e siècle, un manipulateur du corps plutôt qu’un
observateur, comme il l’était auparavant. Le toucher est devenu un des sens les plus
importants de la pratique de l’art de guérir, au même titre que la vue. Ce facteur explique,
selon Nélia Dias, que la photographie n’ait jamais réussi à s’immiscer dans les musées
médicaux pour supplanter les moulages en cire 153 :
« les photos en noir et blanc […] ne pouvaient pas rendre, avec le même impact visuel que
celui des moulages en cire, le travail de la maladie sur le corps. D’autre part, des facteurs
relevant de la pratique médicale, notamment du travail de laboratoire, justifient l’avantage
de préparations et des pièces osseuses sur les photographies. Les premières pouvaient non
seulement être observées dans tous les sens, mais aussi être touchées, ce qui n’était pas
négligeable, quand on connaît l’importance des manipulations dans la pratique médicale.
Diverses dimensions sensitives étaient ainsi rassemblées, la vue, le toucher mais aussi
l’odeur, dans l’espace du musée » 154 .
La tradition du contact sensoriel avec le corps malade 155 s’applique tout autant au
corps privé de vie, et semble avoir été intégré par les médecins experts du Poitou. Ainsi, ils
préfèrent prélever l’organe lésé que de le représenter maladroitement dans leur rapport, ou
150
Paule Dumaitre, Histoire de la médecine et du livre médical, avec la collaboration de Janine Samion-
Contet, sous la dir. du Dr. André Hahn, préface de Julien Cain, introduction du Pr. Léon Binet, Paris,
Pygmalion, 1978, p. 328.
151
Xavier Bichat, Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, s. l., Brosson et Gabon,
1801, 4 t., CXII-636 + XXXII-828 p.
152
Philippe Comar, Les images…, op. cit., pp. 80-81.
153
Comme il est expliqué dans le chapitre 3, l’étude de l’anatomie peut se faire à partir de moulages en cire,
la céroplastie, ou de mannequins en bois démontables, l’anatomie clastique.
L. Auzoux, Leçons élémentaires d’anatomie et de physiologie, Paris, Baillière, 1839, 278-16 p.
154
Nélia Dias, « Le corps en vitrine. Eléments pour une recherche sur les collections médicales », Terrain :
Le corps en morceaux, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme, mars 1992, n°18,
[en ligne].
155
A l’époque de l’âge d’or de l’imagerie médicale, de la toute puissance du scanner et autres échographies,
le médecin s’éloigne de nouveau de plus en plus du corps de son patient. Le médecin du XXI e siècle se
comporte comme son lointain ancêtre de l’époque moderne, étudiant le malade à distance raisonnable, sans
jamais le toucher, et laissant le privilège, ou l’indignité, du contact physique au chirurgien-barbier. Si ce n’est
que le chirurgien du XXI e siècle tend aussi à mettre une certaine distance entre lui et le patient, par
l’introduction de robots effectuant les gestes opératoires à sa place.
195

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
plus tard de le photographier : même un dessinateur habile a des difficultés à rendre le
réalisme en deux dimensions. En octobre 1840, le Dr Dusouil, médecin à Melle, privilégie
le scalpel au crayon. Requis pour examiner un nouveau-né et déterminer les causes de sa
“non-vie”, l’homme de l’art constate que le petit corps porte, à la partie antérieure du cou,
une large plaie formée en réalité par trois incisions distinctes. Il dissèque alors le lambeau
de peau où se trouve la plaie, l’étend sur une plaque de carton, la fixe afin qu’en séchant
elle fournisse une « idée de la blessure », 156 et la remet au magistrat instructeur. Mais
l’initiative de la dissection émane peut-être du juge d’instruction, présent au moment de la
réalisation de l’autopsie.
En effet, le besoin “d’autopsie”, au sens étymologique du terme, semble toucher
également les juges et autres représentants de la justice qui, dans une proportion assez
importante, assistent, si ce n’est à l’ouverture cadavérique, au moins à l’exploration des
blessures externes 157 . Ainsi, ils se font eux-mêmes une représentation des lésions et, par
conséquent, n’ont pas besoin de recourir au schéma ou à la photographie. De plus, les
magistrats sont conscients que même en rehaussant un dessin ou une photographie d’un
peu de rouge pour signifier le sang répandu, et ainsi matérialiser la violence employée pour
commettre le crime 158 , l’impact produit sur les jurés et l’opinion publique est bien moindre
que celui produit par les pièces anatomiques prélevées sur la victime 159 . Rien de mieux
qu’un crâne fracassé, un viscère rongé par le poison, un fragment de peau entaillée par un
instrument tranchant, pour faire son effet dans le théâtre du tribunal. En février 1892, le
juge de paix de Celles, canton des Deux-Sèvres, est commis par le juge d’instruction pour
se transporter au cimetière de cette commune afin d’exhumer, pour la seconde fois, le
corps d’un homme ayant succombé à des blessures. Le représentant de la justice de paix est
chargé de faire prélever par les hommes de l’art la pièce anatomique où siègent les
156 A.D.D.-S., 2U 175, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité
d’infanticide », Procès-verbal médical, le 15 octobre 1840.
157 Cf. le chapitre 5 qui aborde les témoins de l’autopsie.
158 Marina Daniel, « Découverte du crime… », art. cit., pp. 120-121.
Sur l’unique exemple découvert dans les archives des Deux-Sèvres, on peut voir que la photographie a été
retouchée : de l’encre rouge ajoutée sur le cliché évoque le sang s’échappant de la plaie que la victime porte à
la tempe (illustration 14). La colorisation des photographies est une pratique courante, en ce qui concerne les
portraits ante et post mortem (illustrations 15 et 16). En revanche, relativement à l’anthropométrie et à
l’identification des défunts, la pratique est moins certaine. Les images présentées dans les Archives
d’anthropologie criminelle sont en noir et blanc, mais peut-être est-ce dû à leur reproduction dans le
périodique. Les originaux ont pu être coloriés, mais aucune allusion n’infirme ou ne confirme la manœuvre.
Cf. Nicolas Minovici, « Nouveaux procédés… », art. cit., pp. 842-862.
159 Cf. le chapitre 5 au cours duquel la question du prélèvement est analysée par l’angle des sentiments qu’il
suscite ainsi que sa réglementation.
196

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
blessures, en l’occurrence la tête 160 . Cette pièce doit ensuite être confiée à un pharmacien
pour la préparer 161 et ainsi servir de pièce à conviction 162 .
Il semblerait que les magistrats, tout comme les avocats, soient partisans du tout ou
rien. En d’autres termes, ils préfèrent le concret, le palpable, n’hésitant pas d’ailleurs, à
faire circuler le fragment de cadavre parmi les jurés 163 . Un dessin, une photographie ne
sont que de pâles représentations de la violence du crime, de la souffrance de la victime et
de la monstruosité du meurtrier, en regard d’une partie même de celui ou de celle qui a
succombé. L’identification à la victime est plus aisée, l’empathie plus intense. Malgré
l’absence de visage permettant de visualiser totalement le malheureux, les jurés, les
magistrats ou l’opinion publique peuvent plus facilement imaginer son calvaire, ce qu’il a
pu penser ou ressentir, à travers un élément qui le constituait en tant qu’individu ; un
schéma ou un cliché sont impersonnels, ils instaurent une distance entre le sujet qui y est
représenté et celui qui l’observe : « La vue [devient] dès lors plutôt un sens de la
distance », en opposition aux « sens de la proximité comme l’odeur, le toucher ou
l’ouïe » 164 .
Mais, au final, la tradition du déroulement du procès et la conception du travail des
avocats lors de l’audience, qu’ils interviennent pour le ministère public ou la défense,
permet de laisser de côté, sans remords, ce genre de documents. Comme l’explique
Antoine Garapon lors d’une comparaison avec la procédure d’audience américaine, le
procès français « est avant tout un lieu de parole, de rhétorique » 165 . La salle d’audience
est, en France, une scène sur laquelle les divers protagonistes viennent faire montre, durant
la plaidoirie, de leur maestria du verbe, se lancent dans des envolées lyriques. A contrario,
la plaidoirie “à l’américaine” est construite telle une démonstration mathématique, se
bornant à énumérer les faits constatés ou non 166 . La réticence quasi despotique à ne pas
employer l’illustration en matière d’autopsie médico-légale, semble affecter les théoriciens
de la discipline.
160
A.D.D.-S., 2U 334, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Blessures volontaires ayant
occasionné la mort sans intention de la donner », Saisie de la tête de B., le 23 février 1892.
161
Ibid., Délégation du juge de paix de Celles, le 23 février 1892.
162
Ibid., Etat des pièces à conviction.
163
Frédéric Chauvaud, « Le corps dans tous ses états », Sociétés&Représentations : Violences, sous la dir. de
Frédéric Chauvaud, Paris, CREDHESS, juin 1998, n°6, pp. 225-227.
164
David Le Breton, La saveur du monde…, op. cit., p. 45.
165
Antoine Garapon, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, préface de Jean Carbonnier, Paris, Odile
Jacob, Collection Opus, 1997, p. 157.
166 Ibid.
197

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
2) Un particularisme médico-légal ?
La longue tradition de l’illustration médicale a déjà été mentionnée dans cette
étude, même si quelques figures de la médecine du XIX e siècle se montrent critiques à son
sujet. La science médicale ayant le plus recours à l’illustration est sans conteste l’anatomie.
Nombre de traités relatifs à cette discipline regorgent de planches, le plus souvent en noir
et blanc, accompagnant la description d’un organe ou d’un procédé de dissection. Le Traité
complet de l’anatomie de l’homme comprenant la médecine opératoire de Bourgery en est
le parfait, et peut-être le plus bel, exemple 167 . Cet ouvrage, composé de huit volumes,
renferme plus de 700 planches lithographiées, réalisées d’après nature par Jacob 168 . De tels
ouvrages, œuvres d’art serait-on tenté de dire, permettent aux jeunes praticiens n’ayant pas,
ou peu, eu l’occasion de pratiquer la dissection sur de véritables cadavres, d’apprendre ou
de perfectionner leur connaissance de l’anatomie humaine ; ils peuvent également jouer le
rôle d’aide-mémoire pour les hommes de l’art exerçant depuis quelques années, en
particulier pour les chirurgiens, qui, confrontés à une pathologie inhabituelle, souhaitent
rafraîchir leur savoir anatomique.
Concernant la discipline qui est l’objet de la présente étude, les illustrations sur
lesquelles peuvent s’appuyer les longues descriptions sont présentes dans les ouvrages.
Néanmoins, les traités ou manuels qui font l’effort d’agrémenter leurs propos d’images
sont en nombre restreints, et contiennent également moins d’illustrations. Il existe quelques
exemples d’auteurs ayant ajouté un atlas constituant un volume particulier de leur
ouvrage : Orfila, dans la troisième édition de ses Leçons de médecine légale, rebaptisées
pour l’occasion Traité de médecine légale, ajoute un atlas aux quatre volumes que
comprend son ouvrage 169 . En 1899, Charles Vibert édite la version française de l’Atlas-
167 Paule Dumaitre, Histoire de la médecine…, op. cit., p. 334.
168 Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant la médecine opératoire,
planches lithographiées par Nicolas-Henri Jacob, Paris, Delaunay, 1831-1854, 8 t., 191 p.-59 pl. + II-141 p.-
100 pl. + 341 p.-115 pl. + 162 p.-98 pl. + 342 p.-96 pl. + 280 p.-93 pl. + 356 p.-98 pl. + VIII-335 p.-67 pl.
Une réédition, avec planches en couleur, a été publiée par Jean-Marc Bourgery et Claude Bernard : Traité
complet de l’anatomie de l’homme comprenant l’anatomie chirurgicale et la médecine opératoire, planches
par le professeur-dessinateur-anatomiste Nicolas-Henri Jacob, Paris, L. Guérin Editeur, 1866-1871, 9 t., 191
p.-59 pl. + 141 p.-159 pl. + 341 p.-100 pl. + 162 p.-91 pl. + 342 p.-76 pl. + 280 p.-91 pl. + 356-LII p.-77 pl.supplément
de planches A à P + 108 p.-24 pl. + 335 p.-60 pl.
En 2005, Taschen, l’éditeur allemand spécialisé dans les ouvrages d’art, a de nouveau édité le traité de
Bourgery en un seul volume : Jean-Marie Le Minor, Henri Sick, Atlas of human anatomie and surgery,
Cologne, Taschen, 2005, 714 p. + 725 planches.
169 Mathieu Orfila, Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 3 ème éd. rev., corr. et augm., Paris, Béchet
Jeune, 1836, 4 t. et un atlas, 583 + 715 + 706 + 384 p.
198

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
manuel de Hofmann 170 , livre construit selon un modèle relativement différent : des
planches commentées au lieu des habituelles descriptions illustrées. Cependant, ces
ouvrages font office d’exception. La grande majorité des ouvrages de médecine légale sont
dépourvus de la moindre iconographie. Des œuvres de référence, comme celles de Gabriel
Tourdes, 171 Alphonse Devergie 172 , ou Joseph Briand 173 ne comportent aucune image. Le
coût de la publication peut être un argument pertinent. En effet, pour avoir des illustrations
de qualité, il est nécessaire de faire appel à un professionnel, à un véritable artiste, qui
demande alors une rémunération. De plus, la place prise par les illustrations augmente
d’autant le volume de l’ouvrage, et entraîne un coût supérieur d’édition, et par voie de
conséquence un prix d’achat plus élevé. Il est donc compréhensible que certains auteurs et
éditeurs sacrifient les illustrations médico-légales sur l’autel du commerce. Néanmoins, il
demeure que le souci économique soit en contradiction avec l’objectif premier du
document. Il apparaît presque incompréhensible qu’un ouvrage à destination du public
étudiant soit dépourvu de la moindre iconographie. Tel est pourtant le cas du Guide de
l’étudiant à l’hôpital. Examen clinique. Autopsies 174 .
Quant aux rares écrits ornés, les planches représentent généralement les pathologies
et autres lésions auxquelles le médecin expert peut se retrouver confronté. Par exemple,
l’ouvrage qu’Ambroise Tardieu consacre à l’infanticide, contient plusieurs planches
représentant les poumons d’un nouveau-né ayant ou non respiré, des fractures ou
malformation du crâne 175 . Tout ce qui a trait à la technique d’ouverture, aux incisions et
aux manipulations nécessaires pour extraire les organes, en un mot à la procédure
opératoire de l’autopsie médico-légale, est complètement occulté. Les auteurs semblent
trouver une redondance à fournir des images relatives aux procédures d’examen
cadavérique judiciaire, estimant certainement que l’iconographie anatomique,
anatomopathologique et chirurgicale est bien suffisante dans ce domaine. Or, comme il
sera indiqué ultérieurement, les techniques employées en médecine légale divergent parfois
complètement de celles mises en œuvre durant une dissection ou une intervention de
170
Eduard von Hofmann, Atlas-manuel de médecine légale, édition française par Charles Vibert, introduction
de Paul Brouardel, Paris, Baillière et fils, 1899, 168 p., 193 figures.
171
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, 956 p.
172
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., 2 t., 483 + 400 p.
173
Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, VIII-1016 p.
174
André Bergé, Guide de l’étudiant à l’hôpital. Examen clinique. Autopsies, Paris, Gauthier-Villards et
Masson, Encyclopédie scientifique des aide-mémoire, s.d., 210 p.
175
Ambroise Tardieu, Etude médico-légale sur l’infanticide, Paris, Baillière, 1868, VIII-342 p.
199

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
chirurgie 176 . Il pourrait également être avancé que c’est par souci de confidentialité que les
illustrations sont exclues de la littérature médico-légale. Tout se passe comme si l’ancienne
définition du mot “autopsie” 177 rejaillissant du fond des âges, la technique médico-légale
était perçue comme un mystère qui, au sens ésotérique du terme, ne peut être révélé qu’aux
seuls initiés.
Bien que la consultation effectuée soit loin d’être exhaustive, parmi les ouvrages
consacrés à la médecine légale, voire plus particulièrement à la pratique des autopsies
judiciaires, seuls quelques rares exemples comportent des illustrations relatives à la
technique d’exploration. En l’occurrence, ce sont ceux de François Chaussier 178 , de
Maurice Letulle 179 , d’Henry Coutagne 180 et d’un duo d’auteurs, Gustave Roussy et Pierre
Ameuille 181 . Des manuels, pourtant consacrés uniquement à cette question, n’emploient
jamais le dessin pour présenter concrètement les manipulations et procédés en question : le
livre de Bourneville et Bricon 182 , ainsi que celui de Goubert 183 , n’en contiennent aucune. Il
pourrait alors être avancé que les publications à visée didactique usent du dessin, alors que
celles focalisées sur l’apport exclusif de connaissances théoriques sont dépourvues
d’illustrations. L’assertion ne correspond pas à la réalité dans la mesure où des ouvrages
comme ceux de Bourneville et Bricon ou de Goubert revendiquent leur caractère
pédagogique pour les praticiens des examens post mortem. Le manuel de Bourneville et
Bricon s’attache à fournir des précisions pratiques dans l’exécution de l’autopsie, telle la
position du médecin par rapport au cadavre : « L’opérateur se tient généralement à droite
du cadavre » 184 . Ce désintérêt que semble manifester les plus illustres représentants de la
médecine légale à l’encontre de l’iconographie explique peut-être, au final, l’absence de
dessins ou de photographies dans les rapports médico-légaux. Les médecins n’ayant pas
cette culture de l’image en matière de médecine légale, ils se focalisent sur les descriptions
écrites, qui les satisfont grandement. Il semble en fait, à en croire Maurice Letulle, que les
176 Cf. le chapitre 5.
177 Cf. l’introduction générale.
178 François Chaussier, Recueil…, op. cit.
179 Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903,
IV-546 p.
180 Henry Coutagne, Précis de médecine légale, Paris, Masson, Bibliothèque de criminologie, 1896,
XXI-527 p.
181 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies et de recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris, Octave Doin, 1910, VIII-432 p.
182 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique des autopsies, Paris, Delahaye et
Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, XII-240 p.
183 Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses applications à l’anatomie
pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première partie, Paris, Germer Baillière, 1867,
XLIX-519 p.
184 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 77.
200

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
aspects les plus pragmatiques de la manœuvre relèvent de la « tradition orale » 185 , c’est-à-
dire d’un comportement appris par l’expérience ou par imitation des prédécesseurs, qui se
transmet entre les générations successives des praticiens sans qu’aucune trace écrite ou
graphique ne subsiste.
Pour en finir avec les dessins relatifs à la technique opératoire, tant anatomique,
chirurgicale que médico-légale, il est à remarquer que ceux-ci ne représentent que très
rarement, pour ne pas dire jamais, l’opérateur, c’est-à-dire celui qui effectue la
manipulation. L’emplacement des incisions est matérialisé par un trait en pointillé
(illustration 21), les instruments peuvent être représentés en place (illustration 22),
remplissant la fonction qui leur est dévolue. L’ouvrage de Maurice Letulle et celui de
Roussy et Ameuille sont les seuls, en médecine légale ou anatomie pathologique, parmi
ceux consultés, dont les planches figurent les mains du médecin (illustration 23), voire
l’individu entier pour les plans larges. L’illustrateur a même eu le souci du réalisme dans le
cas du livre de Roussy et Ameuille, représentant les yeux et la bouche des corps examinés
ouverts 186 . Aucun travail de retouche n’a été effectué pour atténuer le choc visuel que
représente un corps privé de vie et de surcroît disséqué. Hormis ces deux exemples,
l’opérateur est généralement absent de l’iconographie. Or, un tel constat apparaît
paradoxal, en regard de la nouvelle conception de la médecine qui se fait jour et se
développe au XIX e siècle : la clinique. En effet, il a été expliqué supra que la raison pour
laquelle Xavier Bichat n’affectionne pas les illustrations est qu’elles ne font qu’éloigner un
peu plus le médecin du malade. En simplifiant très grossièrement, les principes qui fondent
la clinique et l’anatomo-clinique signifient que la médecine s’apprend en la pratiquant et
non en l’étudiant. L’homme de l’art est physiquement en contact avec le patient, il le
touche, le palpe, l’ausculte.
185 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. I.
186 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 206.
201

Source : François Chaussier, Recueil de
mémoires, consultations et rapports sur
divers objets de médecine légale, Paris,
Th. Barrois et Compère Jeune, 1824,
p. 501.
Illustration 21 : Pointillés signifiant
l’incision à faire pour ouvrir le thorax et
l’abdomen.
- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie
de l’homme comprenant la médecine opératoire, planches
lithographiées par Nicolas-Henri Jacob, Paris, Delaunay,
1837, t. 6, planche 43.
Illustration 22 : Instruments représentés seuls pour signifier
l’opération.
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier,
Paris, Naud, 1903, p. 101.
Illustration 23 : Incision mento-pubienne.
Représentations des mains de l’opérateur pendant l’incision.
202

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Dans ces circonstances, pourquoi n’y a-t-il pas de représentation sur les planches
anatomiques et autres 187 , au moins des mains du praticien, pour figurer, par exemple, la
manière de tenir l’instrument, de positionner les doigts sur la peau durant l’incision, ou
encore de maintenir l’organe pendant l’examen ? Serait-ce, comme l’a souligné Antoine
Garapon en s’intéressant à la prestation du serment, parce que « la plus ancienne
représentation de Dieu le père dans le monde judéo-chrétien est l’image d’une main
rayonnante qui sort d’un nuage » 188 ? Cette main, séparée du corps 189 , revêtirait une
connotation quasi divine, et il pourrait être irrespectueux de la figurer vulgairement, munie
d’un scalpel, s’apprêtant à dépecer la dépouille mortelle d’un malheureux. Une autre
explication résiderait dans la survivance de l’ancien clivage entre médecins et chirurgiens,
ces derniers étant de caste inférieure du fait de la manipulation du corps malade et du
contact avec le sang qui, en quelque sorte, les souille. La souillure est d’autant plus grande
qu’en ce qui concerne la dissection ou l’autopsie, le sang émane d’un cadavre : c’est un
sang mort, qui au lieu de permettre le maintien de la vie dans l’organisme, peut transmettre
des germes et donc, la mort 190 .
Après ces longs développements et les tentatives d’explications apportées, il
convient de recentrer les propos sur l’objet qui nous occupe : le rapport d’autopsie médico-
légale. En étudiant la construction du rapport en tant que document scriptural, il a été
relevé qu’au cours du XIX e siècle, la tendance est à la structuration presque mathématique
du texte. A la lumière de cette constatation, l’absence d’illustrations, qu’elles se présentent
sous forme de dessins ou de photographies, apparaît d’autant plus étonnante, voire
incohérente. Pourquoi ne pas faire usage de ce procédé pour simplifier le rapport
d’expertise, le rendre plus clair et compréhensible ? En fait, le rapport connaît une double
évolution qui empêche le recours à l’image : s’il tend à plus de clarté et de lisibilité, le
rapport aspire aussi à plus d’objectivité, rejetant, par conséquent, toute manifestation d’une
quelconque émotion de la part du médecin, émotion qui pourrait transparaître dans une
187 Il faut mettre à part les planches qui représentent les opérations de chirurgie. Les planches des tomes 6 et 7
du traité de Bourgery, consacrés à la Médecine opératoire, font apparaître la plupart du temps les mains de
l’opérateur, ainsi que celles des aides éventuels qui assistent le praticien durant l’intervention.
188 Antoine Garapon, Bien juger…, op. cit., p. 120.
189 Il est intéressant de souligner d’ailleurs que même dans les illustrations qui figurent l’opérateur, seules ses
mains sont dessinées, le reste de son corps, qui devrait en toute logique être au côté du cadavre, est invisible.
Le souci de réalisme qui préoccupe le dessinateur au sujet du corps disséqué ou autopsié, n’existe pas en ce
qui concerne l’exécuteur de l’opération, comme si la réalité cadavérique ne pouvait coexister avec la réalité
vivante.
Le chapitre 5 revient sur certaines de ces considérations, notamment sur les relations ambiguës entre
médecins et cadavres.
190 Cf. sur les croyances vis-à-vis du cadavre et des manipulations cadavériques le chapitre 5, et sur les soucis
liés à la putréfaction le chapitre 8.
203

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
illustration un peu trop réaliste. Tous ces facteurs extérieurs, agissant en amont de la
rédaction, font du rapport d’autopsie un document singulier, qui ne peut être étudié sans
une certaine prudence.
C) De l’art du rapport à la science du rapport 191
Il s’agit, au cours de ce paragraphe, de réaliser une synthèse des divers éléments qui
font du rapport d’expertise un document extraordinaire et qui obligent le chercheur à bien
garder à l’esprit cet aspect quand il l’emploie comme principale source dans l’analyse.
Cette synthèse oblige à quelques redites, mais celles-ci sont nécessaires pour prendre la
mesure des précautions que cette source requiert de la part de l’historien. Lorsque le
chercheur lit un rapport d’expertise, il peut avoir l’impression que celui-ci a jailli
directement de la plume de l’expert, dès lors que ce dernier a reposé son scalpel. Or, rien
n’est moins vrai. Ce document est codifié, empreint d’un protocole dont l’homme de l’art a
plus ou moins conscience.
La composition du rapport repose sur une hiérarchie. Les trois parties qui le
constituent ont chacune un public différent : le préambule contenant, comme il a été
exposé précédemment, les éléments administratifs et factuels, s’adresse à l’administration
judiciaire ; la partie descriptive et argumentative est destinée aux hommes de l’art et doit
pouvoir servir de source informative en cas de contre-expertise ; enfin, les conclusions sont
établies pour l’officier de police judiciaire ou le magistrat qui a sollicité l’examen, et
éventuellement pour les jurés, si le document est lu durant le procès. Cela a pour
conséquence de présenter les protagonistes de l’enquête en termes catégoriels, homme de
loi, médecin, accusé, victime, définis selon un ensemble de droits et devoirs propres :
émission de la réquisition, exécution de l’expertise, soumission à celle-ci 192 .
Le rapport d’expertise médico-légale est, par ailleurs, une vitrine pour l’homme de
l’art. Il peut y faire montre de ses compétences professionnelles, vis-à-vis de la justice et
de l’opinion publique, mais en premier lieu de ses pairs, seuls véritables juges de son
analyse. A travers ce document, le médecin expert s’expose, il prend le risque d’être
191 Les constatations et analyses faites par Bruno Bertherat, en étudiant les registres de la Morgue de Paris,
présentent un certain nombre de similitudes avec celles déduites des rapports d’autopsie : lisibilité de
l’écriture, rationalisation de la composition du document, neutralité du vocabulaire, style épuré.
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., f° 113-131.
192 Ces réflexions sont largement inspirées de l’article de Baudouin Dupret, « Le corps mis au langage… »,
art. cit., pp. 627-653.
204

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
critiqué, attaqué et désavoué. Alors qu’il y avait mis tant d’ardeur et d’espoir, à l’image du
Dr Frankenstein, la créature s’est retournée contre son créateur. Le rapport devenant une
arme à double tranchant pour l’expert, ce dernier a tendance à déshumaniser ses écrits, a
privilégié la rigueur scientifique. Les praticiens de l’art de guérir semblent gagnés par la
technicité qui s’insinue dans la plupart des activités, professionnelles ou non, durant ce
siècle d’industrialisation. Le rapport est de plus en plus organisé, et par conséquent de plus
en plus lisible. Il devient facile au lecteur, ou au rédacteur lui-même, de se repérer dans le
corps du texte.
Or, le gain en lisibilité, rigueur et précision scientifique provoque, de manière
presque inversement proportionnelle, une perte de spontanéité et de réalisme dans la
narration de l’exécution de l’examen post mortem. Le chercheur qui envisage d’étudier la
pratique des autopsies médico-légales, à partir de ce seul document, se berce d’illusions et
doit faire face à pléthore de déconvenues. Le rapport d’autopsie n’est pas le récit de
l’autopsie. Nombre d’éléments relatifs à l’opération elle-même, ou qui lui sont annexes, les
conditions dans lesquelles elle a été réalisée par exemple, sont tues. Le déroulement de
l’examen est remanié au bénéfice de la démonstration, empêchant, par voie de
conséquence, le lecteur d’établir le véritable processus chronologique suivi par l’homme de
l’art. En février 1882, deux médecins de Poitiers sont chargés, par le juge d’instruction, de
l’autopsie d’un nouveau-né. Le rapport relatant leur expertise débute par l’examen des
poumons et l’expérience hydrostatique à laquelle ils sont généralement soumis. Puis, les
experts décrivent l’exploration de la cavité buccale et du cou. Ils reviennent ensuite à la
description des poumons et du cœur, enchaînent avec les organes abdominaux, et terminent
leur récit par le cerveau 193 . Il est difficile de croire qu’il s’agit de l’ordre effectif suivi
durant l’expertise.
Mais, le facteur que le médecin expert cherche à occulter de son rapport est sa
propre personne, établissant alors un document totalement désincarné. Le médecin expert
cherche à atteindre la parfaite neutralité dans ses constatations et commentaires. Le Vade
mecum d’Alexandre Lacassagne 194 , dont la première édition est publiée en 1892, contient
des fiches modèles fournissant, pour chaque type d’examen médico-légal, les observations
à effectuer. Le leitmotiv qui ressort de ces préceptes est la sobriété : aucune description
193
A.D.V., 2U 1717, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des
docteurs, le 23 février 1882.
194
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, de l’avocat, des officiers de police judiciaire, 1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm.,
Lyon, Storck, 1900, 307 p.
205

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
superflue, aucun jargon, mais surtout aucune émotion 195 . Néanmoins, d’aucuns laissent
parfois leur sensibilité affleurer à travers leurs écrits. Celle-ci peut alors se manifester de
deux manières : soit par de la compassion envers l’individu qui est remis entre leurs mains,
soit par une dénonciation de la violence employée par le criminel pour faire passer son
semblable de vie à trépas 196 . Les Drs Jourdain et Dusouil, semblent émus par le cas
d’infanticide qui leur est soumis en janvier 1858. Non seulement ils qualifient l’enfant de
« frêle créature », mais ils paraissent ressentir de la pitié pour la mère ayant commis cet
acte désespéré, employant à son sujet le terme de « malheureuse » 197 . En revanche, leur
confrère de la Vienne ne s’apitoie pas sur le sort du meurtrier, dans l’affaire de parricide et
d’assassinat à laquelle il participe en tant qu’expert, en octobre 1853. Jules Mascarel,
médecin à Châtellerault, appelé pour autopsier deux corps dans le village des Roches,
manifeste un certain effroi face à ce crime. Après l’examen post mortem de la femme, il
présente ses conclusions et perd un peu de sa neutralité, en indiquant que « la femme L. a
succombé à des violences barbares exercées sur le crâne » 198 .
Le souci d’objectivité peut également être perçu à travers le vocable utilisé pour
désigner l’individu sur qui est réalisé l’examen médical. Il est à remarquer que
l’appellation nominative du sujet de l’expertise judiciaire post mortem est de plus en plus
fréquente au fil des rapports. L’expert mentionne les noms et prénoms du défunt en début
de rapport, élément entrant logiquement dans la constitution du préambule et dont
l’emploi, par conséquent, ne constitue rien de significatif. A contrario, le même emploi
dans les conclusions ou le corps du rapport, tel un écho, est plus singulier car il n’est pas
motivé par une quelconque nécessité administrative. Les Drs Roulland et Bon, effectuant
une autopsie relative à un empoisonnement en mars 1893, débutent leur conclusion par :
« De l’autopsie détaillée que nous venons de relater, nous croyons pouvoir conclure que la
mort de Marsault n’est pas naturelle et a été véritablement causée par un
empoisonnement » 199 (illustration 166, cf. annexe 30). Louis Ganne fait de même en 1863,
195 Frédéric Chauvaud, « Râles des moribonds et cris “post mortem” au XIX e siècle. La déposition des
victimes de mort violente » in Benoît Garnot (sous la dir. de), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, actes
du colloque de Dijon (7-8 octobre 1999) organisé par le Centre d’études historiques sur la criminalité et les
déviances de l’Université de Bourgogne, Rennes, PUR, Histoire, 2000, p. 483.
196 Cf. le chapitre 5 pour une analyse plus détaillée des sentiments des médecins et de leur manifestation dans
le rapport d’expertise.
197 A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins, le 23 janvier 1858.
198 A.D.V., 2U 1617, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Parricide et assassinat »,
Rapport du Dr Mascarel, s.d. [le 13 octobre 1853].
199 A.D.D.-S., 2U 339, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement et
complicité », Rapport médical de l’autopsie, le 20 mars 1893.
206

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
lors de la rédaction de son rapport médico-légal relatif à une femme dont la gorge a été
tranchée par un rasoir 200 (illustration 24). La désignation du trépassé par son nom peut être
analysé comme une volonté de la part des rédacteurs des rapports judiciaires de replacer
l’individu dans sa condition de personne, de le “repersonnaliser”. Néanmoins, il faut aussi
comprendre cette pratique nominative comme une manifestation de la neutralité scripturale
à laquelle les médecins experts aspirent.
En effet, utiliser les noms et prénoms du défunt n’entraîne aucun jugement de
valeur, aucun parti pris, à la différence du terme de “victime” 201 , qui peut apparaître parfois
sous la plume de quelques-uns. Le Dr Joseph Breffeil est chargé en décembre 1898, par le
juge d’instruction de Parthenay, d’examiner la dépouille d’un homme porteur de plaies
produites par une décharge de projectiles. Or, dès les premières lignes, Breffeil emploie le
substantif “victime” pour se référer à l’individu qu’il examine 202 . Il utilise à plusieurs
reprises ce terme durant son rapport, ainsi que dans les conclusions qu’il établit
(illustration 172, cf. annexe 36). Qualifier le défunt de “victime”, dans une enquête
judiciaire relative à une mort violente ou suspecte, c’est en quelque sorte considérer qu’il a
y effectivement crime, et exclure de facto les possibilités d’accident ou de mort naturelle.
Même s’il est vrai que le médecin construit son rapport après avoir fait son expertise, et
que, par conséquent, il sait déjà que la personne examinée est une victime, eu égard aux
conclusions qu’il a pu tirer de ses constatations, en utilisant ce vocable il se substitue au
magistrat et devient alors l’expert de l’accusation 203 .
200
A.D.D.-S., 2U 246, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide volontaire », Rapport
médical, le 11 décembre 1863.
201
Pour une analyse de l’emploi de ce mot en littérature cf. Christine Lamarre, « Victime, victimes, essai sur
les usages d’un mot » in Benoît Garnot (sous la dir. de), Les victimes…, op. cit., pp. 31-40.
202
A.D.D.-S., 2U 362, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide volontaire et tentative
d’homicide volontaire », Rapport médico-légal, le 21 décembre 1898.
203
Cf. sur les soucis d’indépendance des experts vis-à-vis de l’accusation, et la volonté de mettre en place un
expert de la défense, les chapitres 1 et 4.
207

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 246, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide
volontaire », Rapport médical (p. 4), le 11 décembre 1863.
Illustration 24 : Emploi des noms et prénoms du défunt dans les conclusions du rapport.
208

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Cependant, malgré les efforts déployés par les médecins pour dissimuler la part de
subjectif inhérente à toute expertise, à grand renfort de vocabulaire neutre, de construction
quasi mathématique, de discussion argumentée, il n’en demeure pas moins que le rapport
d’expertise est avant tout « un raisonnement et souvent une interprétation » 204 . Bien que
s’appuyant sur des faits médicaux, le médecin expert qui rédige un rapport donne son avis,
son opinion. Or, rien n’est plus personnel que l’opinion, émanation complexe d’un
cheminement intellectuel reposant à la fois sur un savoir théorique obtenu lors de sa vie
d’étudiant ou grâce à des lectures, sur une pratique acquise au fil des années, et sur une
analyse des circonstances propres à l’affaire. Cette « part d’aléatoire et d’appréciation
subjective, souvent niée, que l’on rencontre dans toutes les opérations d’expertise », a été
désignée par Frédéric Chauvaud comme étant des « scories de la preuve » 205 .
En consultant des centaines de rapports d’autopsie judiciaire, il est possible de se
rendre compte que les médecins experts, tant théoriciens que praticiens de la discipline, ont
tenté d’atteindre l’objectivité dans leur narration, même si cette tentative est
systématiquement vouée à l’échec. Ils ont essayé de gommer au maximum les facteurs de
subjectivité pouvant transparaître dans la mise par écrit de leurs impressions, observations
et autres déductions. En un mot, ils ont cherché à “scienciser” la rédaction du rapport
d’expertise. Rigueur d’abord dans la présentation : l’organisation du rapport est de plus en
plus réfléchie, les étapes de l’examen distinctes les unes des autres, voire hiérarchisées,
l’écriture est simplifiée, les mots et les phrases plus détachés. Tout cela confère de la
clarté, de la lisibilité au document. Rigueur également dans la description : l’omission
d’une constatation est évidemment intolérable, mais les digressions inutiles le sont tout
autant. Il faut peut être voir aussi dans la volonté d’épurer au maximum le rapport, une
explication pour la quasi absence de références à des recherches scientifiques ou de
citations extraites d’ouvrages 206 . L’expert ne souhaite pas noyer les éléments importants de
ses constatations sous un monceau de preuves littéraires. Le rejet de débordement
s’applique aussi à la sémantique et la syntaxe : un vocabulaire neutre, ne transcrivant
aucune émotion, et un style sans ambages ni tergiversations, substituant, au lyrisme
littéraire dont peuvent faire preuve certains rédacteurs, un style quasi télégraphique.
En effet, quelques-uns cherchent tant à épurer leur rapport d’expertise, à ne noter
que l’utile et le nécessaire, qu’ils en arrivent à prendre certaines libertés avec les règles
204 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire…, op. cit., p. 210.
205 Ibid., p. 208.
206 Cf. le chapitre 3.
209

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
grammaticales les plus élémentaires, supprimant qui un article, qui un pronom, qui un
verbe. Prenons un exemple, relevé dans les dossiers criminels des Deux-Sèvres : en février
1830, le Dr Théophile Guillet, jeune praticien exerçant son art à Niort, se rend, en
compagnie du juge d’instruction et du substitut du procureur du roi, dans la commune de
Breloux. Il est chargé par lesdits magistrats d’autopsier un nouveau-né, dont le corps a été
extrait d’une barrique pleine de cendres. Au moment de relater ce qu’il a constaté durant
l’examen post mortem, l’expert fait l’économie des articles, donnant plus à son rapport
l’apparence d’une prise de notes que celle d’un document abouti. Comme le montre
l’illustration 25, il écrit : « Cheveux, cils et sourcils blonds et bien développés ; duvet de
même couleur sur le tronc et autour des membres supérieurs et inférieurs […] » 207 . Tout le
rapport est conçu sur ce modèle lapidaire.
Il peut arriver également que l’homme de l’art, par souci de gain de temps, que
d’autres pourraient qualifier de paresse rédactionnelle, ait recours aux abréviations. Tel ce
médecin de Loudun, requis pour examiner le corps d’un nouveau-né, et qui s’autorise
notamment à tronquer l’adjectif “quelques”. Lors du récit de l’examen externe de la petite
dépouille, il indique : « Qqes taches verdâtres se remarquent de chaque côté du nez
[…] » 208 . Néanmoins, il convient de reconnaître que sur l’ensemble des rapports d’autopsie
établis par les médecins poitevins du XIX e siècle, ceux rédigés en amputant des mots ou
des phrases de quelques-uns de leurs constituants, ne représentent qu’une part
infinitésimale. En effet, comme l’indique le tableau 31 (cf. annexe 12), n’ont été relevés
que 12 exemples dans la Vienne, et 18 dans les Deux-Sèvres. Il faut cependant remarquer
que dans une large majorité, frôlant la totalité en ce qui concerne la Vienne, les rapports
ayant recours à l’économie de syllabes sont postérieurs à 1840.
207
A.D.D.-S., 2U 131, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport médicolégal,
le 25 février 1830.
208
A.D.V., 2U 1697, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et suppression d’un
enfant nouveau-né », Rapport du médecin, le 24 septembre 1875.
210

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Source : A.D.D.-S., 2U 131, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport médico-légal (p. 1), le 25 février 1830.
Illustration 25 : Rapport rédigé dans un style télégraphique.
211

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
Tous ces facteurs tendent à faire disparaître progressivement le rapport judiciaire en
tant que forme littéraire à part entière, comme le sont le roman ou l’autobiographie. Bien
que rédigé, ce document ne respecte que peu de règles de la production littéraire, car il
privilégie la facilité de réalisation et d’utilisation, à l’esthétique. Le style minimaliste
préfigure un rapport judiciaire dans lequel l’expert se contenterait de cocher des cases,
d’indiquer par quelques mots les constatations importantes, et de faire apparaître d’un coup
de crayon, sur une silhouette pré-dessinée, les diverses lésions observées, à l’image de
cette « Fiche de levée de corps sur les lieux » reproduite dans un ouvrage consacrée à la
levée de corps médico-légale (illustration 173, cf. annexe 37) 209 . Dès le dernier tiers du
siècle, certains auteurs mettent déjà à disposition de leurs confrères des « figures
schématiques où inscrire les lésions qu’ils observent » 210 , à l’image de Paul Richer et de sa
Feuille d’autopsie pour l’étude des localisations cérébrales.
Eu égard à ces diverses remarques, il est possible d’affirmer que durant le XIX e
siècle, la rédaction du rapport d’expertise a perdu son statut d’art pour embrasser celui de
science, faisant siennes nombre de règles ad hoc de disciplines comme les mathématiques,
la physique ou la chimie : rigueur, logique, objectivité, clarté, pragmatisme. Le rapport
d’autopsie judiciaire rejoint alors la famille des nombreux documents produits en réponse à
une procédure administrative et qui, cherchant à atteindre une totale objectivité, en vue de
satisfaire une attente et de correspondre aux critères définis ou suggérés par cette
administration, perdent leur réalisme. Pour l’historien, cette nouvelle façon de considérer le
rapport, oblige à la prudence quant à l’utilisation du document en tant que source : c’est
une mine d’informations, tant sur la réalisation de l’examen que sur ses circonstances, mais
d’informations minées, car elles ont été sélectionnées, organisées, parfois dénaturées 211 .
* *
*
Rapporter en justice ne consiste pas à une banale transposition narrative des
constatations et réflexions que l’homme de l’art a menées. L’intromission de l’élément
209 Alain Miras, Laurent Fanton, Stéphane Tilhet-Coartet, Daniel Malicier, La levée de corps médico-légale,
Paris, Editions ESKA / Editions Alexandre Lacassagne, 1998, pp. 249-252.
210 « Feuille d’autopsie pour l’étude des localisations cérébrales, Paul Richer », Bibliographie, Journal de
médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1882, t. 53, n°12038,
p. 237.
211 Pour une analyse de différents corpus d’archives et des précautions ou des difficultés que certaines
sources suscitent, cf. un ouvrage collectif : Mauro Cerutti, Jean-François Fayet, Michel Porret (sous la dir.
de), Penser l’archive…, op. cit., 331 p.
212

- Chapitre 2. Les us et coutumes du rapport d’autopsie -
judiciaire, dans un acte au premier chef médical, bouleverse complètement le récit de
celui-ci. Toute la rédaction est dictée de manière silencieuse et officieuse par la justice.
Sauf en de très rares exceptions, c’est elle qui passe commande, auprès du médecin, d’un
document racontant le trépas de la victime. La justice est à la fois initiatrice et destinataire
du rapport d’expertise ; son influence sur la rédaction du document est donc immense.
La plupart des caractéristiques, originalités voire excentricités de la forme écrite du
rapport lui sont imputables : récit de l’examen au sein du procès-verbal du magistrat et non
dans un document à part, lieu et place de la mise par écrit, éléments à rechercher et à
élucider par l’entremise de questions soumises à l’expert au moment de sa réquisition,
présentation catégorielle des protagonistes, absence d’illustrations. L’ascendant de la
justice sur la rédaction du rapport d’expertise n’est pas uniforme tout au long du siècle, les
éléments sur lesquels elle influe évoluant au fil des décennies : influente sur la forme au
début, la justice s’est ensuite focalisé sur le contenu du compte-rendu.
L’empreinte de l’autorité judiciaire, et plus généralement des pouvoirs publics,
apparaît aussi en dehors du contexte du rapport d’expertise. En élargissant l’étude à la
médecine légale dans son ensemble, il se dégage un contrôle très fort mis en place par les
instances judiciaires et politiques sur la formation et la rémunération des médecins experts,
afin de garder la maîtrise de l’exercice de cette science.
213

Chapitre 3
DES MEDECINS ET DES EXPERTS
Pour résoudre les questions qui sortent de leur champ de compétences, les
magistrats et autres représentants de la justice sont contraints de faire appel à des
professionnels extérieurs dont les savoirs et les savoir-faire sont en mesure d’éclairer et de
guider l’institution judiciaire. Les interrogations qui nécessitent de recourir à une science
ou à une technique particulière sont fréquentes dans les affaires criminelles. Par
conséquent, les magistrats doivent régulièrement composer avec des individus étrangers au
milieu juridique et judiciaire, et à qui ils confient une responsabilité certaine dans l’issue
de la procédure. Or, face à un pouvoir qui semble leur échapper, les membres de la
magistrature ont l’impression que leur statut et leurs prérogatives sont menacés 1 .
Il apparaît que les relations entre le monde judiciaire et le monde médical sont
d’une extrême ambiguïté. Alors que la médecine et ses praticiens sont indispensables pour
seconder les magistrats durant l’instruction, les pouvoirs publics cherchent à entraver leur
expansion. Divers procédés sont alors employés, à un niveau général par l’institution
judiciaire, et à un niveau individuel par les hommes de loi, pour conserver la maîtrise du
déroulement expertal et de ses répercussions.
En premier lieu, les autorités sont réfractaires à faire de la médecine légale une
spécialité, et plus encore à la considérer comme une profession à part entière.
Paradoxalement, les magistrats reconnaissent à quelques savants un statut particulier, celui
d’autorité scientifique. Or, il s’avère que la reconnaissance institutionnelle et/ou
scientifique accordée à un individu s’insère complètement dans la volonté de contrôle dont
fait montre le pouvoir judiciaire. En raison des résistances opposées, de la part des
pouvoirs publics, à l’instauration de professionnels médico-légaux, la formation proposée
aux hommes de l’art, médecins experts en puissance, devient un enjeu primordial. Durant
l’ensemble de la période étudiée, une question hante le corps médical : les connaissances
reçues par les étudiants en médecine sont-elles suffisantes pour leur permettre de répondre
correctement et sûrement aux attentes de la justice ? En d’autres termes, tout médecin est-il
forcément apte à faire office de médecin expert ? Là encore, il apparaît que les structures et
1 Cf. également le chapitre 4 qui aborde le perpétuel conflit qui oppose des experts en quête d’indépendance
et des instances judiciaires voulant garder un certain contrôle de l’expertise et, par conséquent, de ceux qui la
pratiquent.
215

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
les mesures qui vont permettre aux médecins d’acquérir les savoirs nécessaires émanent
rarement d’une décision des pouvoirs publics. Elles ne doivent leur existence, le plus
souvent, qu’aux seuls efforts et revendications du corps médical.
I) LES PREMICES DE LA SPECIALISATION EN MEDECINE LEGALE
Le XIX e siècle marque un tournant dans l’histoire de la médecine, tant du point de
vue des préceptes qui régissent sa pratique, que des fondements scientifiques qui la
guident, ou encore de la place des hommes de l’art dans la vie de la cité : la clinique,
l’hygiénisme puis la révolution pastorienne, ont modifié le visage de la médecine et du
corps médical 2 . Les avancées nombreuses et rapides de la science ont, en outre, créé de
nouveaux clivages au sein de la discipline et des praticiens. Peu à peu, les diverses sciences
médicales se cloisonnent, les savants se spécialisent. L’homme de l’art omniscient est, à la
fin du XIX e siècle, sur le point de disparaître. Le patient se trouve alors face à une cohorte
d’interlocuteurs médicaux qui traitent chacun indépendamment une pathologie ou une
partie corporelle. Dans le phénomène de spécialisation qu’amorcent les sciences
médicales 3 , qu’en est-il de la médecine légale ? Est-il possible d’affirmer que la science
médico-légale est pratiquée essentiellement par des individus qui ont décidé d’y consacrer
leur carrière, en un mot de “faire profession” de la médecine judiciaire ?
Le phénomène de la spécialisation pousse à s’interroger sur un processus qui lui est
soit concomitant, soit en découle : la construction d’un statut d’autorité scientifique. Les
2 Sur l’évolution des concepts médicaux cf. la synthèse dirigée par Mirko Grmek (sous la dir. de), Histoire de
la pensée médicale en Occident, traduit de l’italien par Maria Laura Broso Bardinet et Louis L. Lambrichs,
Paris, Editions du Seuil, 1999, 3 t., 382 + 376 + 422 p.
Voir aussi les études sur le rôle des médecins en matière d’hygiène : Patrice Bourdelais (sous la dir. de), Les
hygiénistes : enjeux, modèles et pratiques (XVIII e -XX e siècles), actes du colloque « Hygiénistes et
hygiénisme : histoire et actualité (XVIII e -XX e siècles) » (18-19 novembre 1999) organisé par la Fondation
Mérieux et le Programme de Recherches Interdisciplinaires « Médecine, santé et sciences sociales » de
l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Belin, Histoire et société, 2001, 540 p. ; Jacques
Léonard, Archives du corps. La santé au XIX e siècle, Rennes, Ouest-France, De mémoire d’homme :
l’histoire, 1986, 329 p.
Pour une étude plus générale sur l’implication du médecin au sein de la communauté cf. Pierre Guillaume, Le
rôle social du médecin depuis deux siècles. 1800-1945, Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 1996,
319 p.
Enfin, pour une analyse des diffusions des préceptes de Pasteur, voir Claire Salomon-Bayet, Pasteur et la
révolution pastorienne, préface d’André Lwoff, Paris, Payot, Médecine et sociétés, 1986, 436 p.
3 Erwin Ackerknecht indique que le processus de spécialisation apparaît au début du XIX e siècle à la Faculté
de médecine et dans les établissements hospitaliers parisiens. Néanmoins, il faut attendre les années 1860
pour que les premiers cours dans certaines spécialités comme l’ophtalmologie, la psychiatrie ou la
dermatologie soient institués, et encore deux décennies avant que des chaires spécifiques leur soient
consacrées. Cf. Erwin H. Ackerknecht, La médecine hospitalière à Paris (1794-1848), traduit de l’anglais par
Françoise Blateau, éd. originale 1967, Paris, Payot, Collection « Médecine et Sociétés », 1986, pp. 208-209.
216

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
facteurs qui définissent une position d’autorité savante sont de trois ordres : une place de
référence en matière scientifique, un contrôle imposé aux autres représentants et praticiens
médico-judiciaires, et une répression qui peut être appliquée aux contrevenants et aux
incompétents. Pourtant, le cheminement qui permet d’accéder aux hautes sphères de la
médecine légale prend parfois des voies qui sont très éloignées de la science.
A) Du médecin expert au médecin légiste
Toute science en plein essor exige que des savants s’y consacrent pour, d’une part,
la développer, et d’autre part, l’appliquer ou la mettre en pratique. L’anatomiste se
préoccupe de l’anatomie, le chimiste s’intéresse à la chimie et le médecin légiste est
l’homme de l’art qui détient une formation particulière en médecine légale et en fait
profession. Il ne s’agit pas d’un terme anodin, bien qu’il soit fréquemment employé dans la
littérature savante pour désigner un praticien requis pour faire une expertise judiciaire 4 .
Suivant les remarques de Louis Pénard, seul celui qui « voudra suffisamment étudier la
médecine légale » 5 , pourra être qualifié de médecin légiste. L’assiduité, la mise à niveau
permanente et la pratique exclusive d’une science sont les critères sine qua non de la
spécialisation.
En outre, pour passer de la spécialisation à la professionnalisation, d’autres paliers
doivent être atteints. L’ouvrage collectif sur la Professionnalisation des classes moyennes,
dirigé par Pierre Guillaume 6 , propose les diverses étapes et les facteurs qui provoquent « la
mutation d’une pratique en activité professionnelle » 7 : réglementation idoine, diplôme,
4 L’utilisation excessive de cette dénomination est par ailleurs dénoncée par quelques auteurs, mais la
justification de leur restriction lexicale est d’un autre ordre. Renard, élève de François Chaussier, rapporte la
conception de son maître quant à ce titre. Le légiste étant celui qui s’occupe des lois, de leur création et de
leur application, activité très éloignée de celle de l’art de guérir, il n’est pas convenable d’accoler le
qualificatif à “médecin”, même quand celui-ci se met au service de la justice. Le rôle du médecin doit en
effet se limiter aux questions médicales ; il n’est ni juge, ni législateur. Mathieu Orfila adhère au combat
lexical, rejetant même l’épithète “expert”. Selon lui, il n’est pas nécessaire d’ « accorder un autre titre que
celui de médecin, puisque, comme les praticiens, ils se bornent à faire l’application des connaissances
médicales à des cas particuliers ». L’emploi de “légiste” ne se justifierait que si l’homme de l’art concourrait
à l’élaboration de lois.
M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, pp. 118-120, note infrapaginale.
Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 1, p. 3.
5 Louis Pénard, « Redites au sujet des experts en matière de médecine légale », Société de médecine légale de
France (séance du 7 mai 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883, 3 ème
série, t. 10, p. 52.
6 Pierre Guillaume (sous la dir. de), La professionnalisation des classes moyennes, Talence, Editions de la
Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996, 389 p.
7 Jean-Paul Jourdan, « “Professionnalisation” et fonction publique : le cas de l’administration préfectorale au
XIX e siècle » in ibid., p. 72.
217

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
organisme de protection professionnelle et revenus suffisants pour y consacrer toute sa
carrière. Or, il apparaît que malgré les efforts réalisés, l’établissement de la profession de
médecin légiste semble compromise à la veille de la Première Guerre mondiale.
1) La médecine légale : une spécialité médicale ?
La question peut paraître incongrue, voire saugrenue. Pourtant, l’interrogation est
légitime et comporte deux aspects liés à l’histoire générale des sciences médicales : en
premier lieu, la médecine légale est-elle une activité qui incombe aux médecins ou aux
manipulateurs habituels du corps, les chirurgiens ? ; ensuite, existe-t-il des éléments
significatifs d’une forme de spécialisation en matière de médecine judiciaire parmi les
membres du corps médical ?
Depuis le XIII e siècle, deux groupes de praticiens se partagent l’art de guérir : les
chirurgiens et les médecins. Les premiers sont des manuels, des artisans du corps, alors que
les seconds sont des théoriciens. Il se dessine alors une répartition des prérogatives
allouées à chacun. Les chirurgiens se chargent des atteintes extérieures de l’organisme,
plaies, fractures, et autres blessures, et interviennent manuellement sur le corps. Les
médecins se préoccupent de tous les déséquilibres et affections internes de « l’économie » 8 .
Ils agissent à distance et prescrivent des remèdes qui permettront de recouvrer la santé.
Agir directement sur le corps malade ou blessé nécessite, de la part des chirurgiens, une
connaissance approfondie de son organisation. L’anatomie et les dissections ont donc été
initiées par les chirurgiens qui, au XIII e siècle, estiment que « le savoir anatomique
disponible devient insuffisant pour satisfaire aux besoins d’une pratique chirurgicale elle-
même renouvelée » 9 . Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que les chirurgiens soient
considérés comme les plus aptes à rechercher les blessures mortelles sur un défunt, à ouvrir
sa dépouille pour en extraire les viscères potentiellement porteurs de lésions. Le chirurgien
est l’opérateur par excellence. Par assimilation, il semble devenir aux yeux des autorités
judiciaires, ainsi que le dénonce Paul Mahon, l’unique expert médico-légal. Au point de
confier aux dénommés chirurgiens jurés, des expertises sur « des objets qui les
concernaient de moins près » 10 .
8
Le terme « économie » est l’ancienne appellation qui désigne l’organisme humain.
9
Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste. Dissection et invention du corps en Occident, Paris, Editions
du Seuil, L’Univers historique, 2003, p. 46.
10
Paul Mahon, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1807, t. 1, p. 11.
218

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Le reproche de Mahon, somme toute excessif, ne semble pas dénuer d’une certaine
réalité. Dans son étude sur la communauté des chirurgiens de Poitiers, Pierre Rambaud
indique que les constatations médico-légales sont dévolues aux chirurgiens, malgré le droit
dont disposent les médecins d’y assister de concert 11 . Ces derniers, se sentant lésés,
déposent une plainte en 1725 contre les chirurgiens qui établissent seuls des rapports. Les
médecins s’appuient sur deux édits, de février 1692 et septembre 1723, enjoignant qu’un
rapport d’expertise judiciaire ne peut être dressé qu’en présence d’un médecin 12 . En effet,
les chirurgiens, s’ils possèdent une certaine dextérité dans la découpe et la manipulation du
corps, ont en revanche d’importantes lacunes quant au fonctionnement de « l’économie
animale », et sur les éléments qui peuvent entraver sa bonne marche 13 . En définitive, au
lieu de renvoyer dos-à-dos deux catégories de praticiens, la médecine légale a servi de lieu
de rencontre entre des compétences complémentaires 14 . Reprenant la répartition des tâches
qui caractérise les séances de dissection jusqu’au XVI e siècle, les examens cadavériques
requièrent la présence d’un chirurgien, qui ouvre et fait voir les éléments corporels
importants, jouant conjointement les rôles de prosector et de demonstrator, pendant que le
médecin dirige et commente l’opération 15 : « le médecin est le maître d’œuvre distant qui
répugne à toucher le corps cum ferro et igne et se borne en gardant les mains propres, à
donner de loin les indications sur la marche à suivre » 16 .
La complémentarité des hommes de l’art, empreinte d’une certaine hiérarchie entre
les deux professionnels, s’apparente en fait plus fréquemment à une interchangeabilité. Les
contours qui délimitent les champs d’action de chacun ont tendance à s’estomper,
notamment « dans les bourgs ruraux [où] la répartition légale des rôles entre médecine et
chirurgiens [n’est] pas toujours rigoureusement observée » 17 . Les remarques d’Alessandro
Pastore sur l’organisation italienne de l’art de guérir se rapprochent de celles proposées par
11
Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres chirurgiens de Poitiers », Mémoires de la Société des
Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, J. Lévrier et G. Bonamy, 1919, 3 ème série, t. 10, année 1918, p. 351.
12
Ibid., p. 352.
13
L. J. Moreau de la Sarthe, « Médecins experts, médecins jurés », Encyclopédie méthodique. Médecine, par
une société de médecins, Paris, Veuve Agasse, 1816, t. 9, p. 498.
14
Michel Porret, « Sage-femme, chirurgien, médecin : les légistes de l’Ancien régime, auxiliaires de justice »
in Claire Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du Moyen Age au
XX e siècle, actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la justice et les populations,
du Moyen Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec, s. l., Les Presses
de l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, p. 732.
15
Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste…, op. cit., p. 50.
16
David Le Breton, La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps humain, Paris, Métailié, 1993,
p. 62.
17
Alessandro Pastore, « Violences du corps : entre médecine et droit. Théories et pratiques de l’expertise
médico-légale au XVII e siècle, l’exemple de Bologne » in Le corps violenté. Du geste à la parole, études
réunies et présentées par Michel Porret, Genève, Droz, 1998, p. 201.
219

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Laurence Moulinier pour les médecins poitevins : la hiérarchie qui peut s’installer entre les
divers praticiens repose sur des clivages entre universitaires et non-universitaires, entre
médecins de l’élite du pays et modestes praticiens communaux 18 .
En outre, une fusion des deux disciplines, médecine et chirurgie, est en train de
s’opérer lentement, inéluctablement. Les médecins ont tout d’abord effectué un pas vers le
corps des malades. Ils ont pris conscience de l’intérêt que l’étude de celui-ci présente pour
leur science. Les dissections anatomiques ne sont plus l’apanage des chirurgiens dès la fin
du XVIII e siècle 19 . De plus, ainsi qu’il est exposé plus loin, la nouvelle organisation des
études médicales propose aux futurs chirurgiens une formation similaire à celle reçue par
les médecins. Ils se trouvent alors presque sur un pied d’égalité. Or, il s’avère que malgré
l’instauration du doctorat par la loi de ventôse an XI, la chirurgie n’attire pas les jeunes
étudiants. L’article « Chirurgien » du Dictionnaire abrégé des sciences médicales souligne
que les Facultés de médecine françaises forment beaucoup plus de médecins que de
chirurgiens 20 . A cela il faut ajouter l’abolition du diplôme, confirmée en 1892 21 , qui
renforce par conséquent le déséquilibre numérique entre les deux composantes principales
de l’art de guérir. Les titres des praticiens poitevins montrent également la part restreinte
représentée par les détenteurs du diplôme de docteur en chirurgie. Ainsi qu’il a été énoncé
dans le premier chapitre de la présente étude, en abordant la réquisition des experts, sur la
totalité des hommes de l’art ayant exercé dans le Poitou au cours du XIX e siècle, les
chirurgiens dépassent difficilement les 10% (graphiques 21 et 22). En toute logique, les
juges ont alors plus aisément recours à un diplômé en médecine qu’à un diplômé en
chirurgie pour les autopsies médico-légales (graphiques 19 et 20).
Le rapprochement physique des corps médical et malade, voire mort, auquel se
joint un recul progressif de la catégorie des chirurgiens au sein des praticiens de la santé,
permettent d’affirmer que les questions de médecine judiciaire deviennent indubitablement
le privilège des docteurs en médecine. Mais, en l’occurrence, le médecin est un peu devenu
18 e e
Laurence Moulinier, « Les médecins en Poitou à la fin du Moyen Age (XIII -XV siècles) », Bulletin de la
Société des Antiquaires de l’Ouest et des musées de Poitiers, Poitiers, 5 ème série, t. XV, 3 ème et 4 ème trimestres
2001, pp. 225-226.
19
Marie-José Imbault-Huart, L’école pratique de dissection de Paris de 1750 à 1822 ou l’influence du
concept de médecine pratique et de médecine d’observation dans l’enseignement médico-chirurgical au
XVIII e siècle et au début du XIX e siècle, thèse de doctorat, sous la dir. de P. Huard, Université Paris I, 1973,
pp. 26-27.
20
« Chirurgien », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
s. l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, p. 223.
21
Loi du 30 novembre 1892 :
Article 8 : « le grade de docteur en chirurgie est et demeure aboli ».
Cf. Bulletin des lois de la République française, Paris, Imprimerie Nationale, 1893, XII e série, t. 46, bulletin
1546, p. 835.
220

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
expert médico-légal malgré lui. Outre les explications précédentes, il apparaît que les
circonstances ont certainement joué un rôle décisif. En effet, même si, encore au début du
XIX e siècle, Paul Mahon estime que « les opérations de la main sont dévolues au
chirurgien, [et que] les observations physiologiques appartiennent au médecin » 22 , la
répartition des tâches entre les praticiens tend à s’estomper. Charles Marc, dans son
Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, fait remarquer que le médecin peut donner
un coup de main, au sens propre, au chirurgien pour réaliser l’examen corporel 23 . Mais si
les expertises judiciaires ont eu l’honneur d’être confiées aux membres les plus élevés de la
hiérarchie médicale, la médecine légale a-t-elle eu le droit d’accéder à l’honneur suprême
accordé par la communauté scientifique : devenir une spécialité ?
Après avoir connu, à la charnière des XVIII e et XIX e siècles, une révolution
complète de son apprentissage et de sa pratique, révolution structurée autour du concept de
clinique, la médecine amorce, à partir des années 1870, une autre mutation qui atteint son
apogée à l’aube du siècle nouveau : la mise en place de spécialités reconnues au sein même
de l’art de guérir. Le découpage de la médecine en différentes disciplines existe depuis
longtemps ; la formation proposée aux futurs médecins comprend les multiples sciences
médicales qui, ensemble, constituent l’art de guérir : anatomie, pharmacologie, hygiène,
techniques opératoires, accouchements. Cependant, les avancées réalisées tant en termes de
connaissances que de techniques complexifient la science. Il devient alors difficile pour un
médecin d’assimiler l’ensemble des savoirs accumulés par de nombreux savants. La
maîtrise approfondie d’un aspect ou d’un domaine particulier de la science sonne le glas de
l’omniscience médicale.
La spécialisation au sein de l’art de guérir se caractérise par deux facteurs. En
premier lieu, selon Jacques Léonard, la spécialisation d’un médecin renferme une part
d’imprévu, si ce n’est de hasard : « lorsqu’un praticien choisit de se spécialiser, ce n’est
pas un diplôme supplémentaire qui en décide et l’y autorise, mais les circonstances
favorables et l’expérience personnelle » 24 . En d’autres termes, la maladie et le malade
créent la spécialité. Face à une demande de soins ou d’assistance importante et
grandissante, dans une composante des sciences médicales, d’aucuns s’adonnent à
22 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 3, p. 121.
23 Charles Marc, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, traduction de Taschenbuch für gerichtliche
Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen Leichenöffnungen de Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et
Crochard, 1808, p. 4.
24 Jacques Léonard, La vie quotidienne du médecin de province au XIX e siècle, Paris, Hachette littérature,
1977, pp. 82-83.
221

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
l’exclusivité. La seconde caractéristique de la spécialisation est qu’elle « concerne d’abord
les maladies maudites, difficilement curables ou peu prestigieuses […] » 25 . Les médecins
spécialistes ne comptent pas parmi les hommes de l’art dont le corps médical accepte de
chanter les louanges. Au contraire, ils sont victimes d’un certain ostracisme et de mépris de
la part de leurs pairs 26 .
Néanmoins, la mise en place de spécialités médicales s’impose petit à petit.
Amorcée notamment dans les services hospitaliers, elle gagne les Facultés de médecine
dans le dernier tiers du XIX e siècle 27 , et s’étend à toutes les branches de la médecine dans
les premières décennies du XX e siècle 28 . Or, parmi les multiples spécialités qui émergent
du magma constitué par la totalité des sciences médicales, il est indéniable que se trouve la
médecine légale. Preuve en est, la discipline, privilégiée dans une certaine mesure, possède
un lieu d’exercice qui lui est propre : la Morgue. Dévolu, en premier lieu, à la réception et
à l’exposition des cadavres sans identité, le rôle de l’établissement se diversifie durant le
XIX e siècle, au point de faire de la Morgue de Paris l’endroit où se pratique une majorité
des examens post mortem demandés par la justice de la capitale 29 . La création de l’institut
médico-légal pour succéder à la Morgue, en 1903, renforce la place de symbole de la
médecine légale attribuée, tant à l’établissement, qu’à son administration. En effet, il est
expliqué plus loin comment, en plus de la conservation des cadavres et de la réalisation des
expertises judiciaires, l’institut s’octroie, de manière presque exclusive, la charge de
dispenser l’enseignement de la médecine légale aux étudiants. En outre, la médecine légale
elle-même subit l’irruption de spécialités en son sein. La polyvalence des experts médicaux
n’est plus envisageable 30 et, en fonction de l’expertise, il est conseillé au magistrat de faire
appel au scientifique qui est en mesure de lui garantir les meilleures compétences :
25
Olivier Faure, « Le regard des médecins » in Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello
(sous la dir. de), Histoire du corps, t. 2 : De la Révolution à la Grande Guerre, sous la dir. d’Alain Corbin,
Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2005, p. 25.
26
Ibid.
27
Ibid.
28
Maurice Veluet, Cent quarante ans de réforme. L’évolution de l’enseignement des sciences médicopharmaceutiques
en France de la Révolution à nos jours (1794-1934), préface du Dr Henry Delaunay,
Poitiers, Société française d’imprimerie et de librairie, 1934, p. 90.
29 e
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal
ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université de
Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, vol. 2, f°518.
30
Cf. sur la spécialisation des experts, les travaux de Frédéric Chauvaud : Les experts du crime. La médecine
légale en France au XIX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2000, pp. 25-27, et Experts et expertise
judiciaire : France, XIX e et XX e siècles, avec la collaboration de Laurence Dumoulin, version remaniée d’un
rapport de recherche pour le GIP Mission de Recherche Droit et Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003,
pp. 96-100.
222

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
« elle [l’autorité judiciaire] devrait choisir un chirurgien, s’il s’agit de blessures ; un
accoucheur s’il s’agit de viol, d’accouchement, d’infanticide ; un médecin habitué à
observer la marche et les diverses phases de l’aliénation mentale, s’il s’agit de constater
l’état des facultés intellectuelles d’un individu ; elle adjoindra un pharmacien, ou mieux
encore un chimiste, au docteur chargé de l’autopsie d’un cadavre, s’il y a quelque indice
d’empoisonnement » 31 .
La perception de la médecine légale comme une discipline particulière, nécessitant
que le savant s’y consacre pleinement pour être compétent et efficace, n’est pas partagée
par les autorités judiciaire et législative. En effet, celles-ci font montre de leur opinion à
travers la réquisition des experts. Vouloir maintenir leur droit de nommer n’importe quel
homme de l’art pour effectuer une expertise judiciaire est une preuve de leur résistance à la
création d’un corps de spécialistes en la matière. Or, si elle n’est pas envisagée comme une
spécialité médicale indépendante, comment la médecine légale peut-elle être considérée
comme une profession ?
2) Les compétences des experts médicaux : liste officielle et diplôme
Depuis l’instauration des divers codes juridiques aux premières heures du XIX e
siècle, un seul impératif régit le choix des experts médicaux : être titulaire d’un diplôme ou
d’un certificat qui autorise à faire profession de l’art de guérir. En dehors de cette garantie,
aucun autre justificatif de compétences en médecine légale n’est requis par l’autorité
judiciaire pour désigner un médecin expert. Satisfaisante sur le papier, la réglementation
consacrée à la réquisition présente des vices de conception quand il s’agit de l’appliquer.
Le plus fondamental est l’assurance de requérir des hommes compétents et capables de
répondre aux attentes de la justice. Face à la profusion croissante des reproches à
l’encontre des experts, mis en cause dans nombre d’affaires criminelles, voire tenus pour
responsables des erreurs commises par la justice durant l’instruction puis le procès 32 , il
devient indispensable de réviser la législation de l’expertise, ou plus exactement d’en créer
une réellement adaptée à la demande tant scientifique que judiciaire. Voici ce que Louis
Pénard, fervent artisan d’une réforme des expertises médico-légales, déclare devant la
Société de médecine légale, en 1883 :
31
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris, Delahaye, 1874,
pp. 149-150.
32
Voir par exemple l’étude de Pierre Darmon sur l’affaire Jeanne Weber, “l’Ogresse de la Goutte-d’Or” dans
son ouvrage Médecins et assassins à la Belle époque. La médicalisation du crime, Paris, Editions du Seuil,
1989, pp. 250-271.
Cf. également les réflexions de Frédéric Chauvaud sur « l’échec relatif de la médecine légale » dans Les
experts…, op. cit., pp. 62-70.
223

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
« l’édifice de l’expertise restera debout sans solidité, comme bâti sur le sable, tant que la
sagesse législative n’aura pas pris les mesures indispensables pour affirmer d’abord la
qualité, ensuite pour assurer l’existence des experts en tant qu’experts » 33 .
Des initiatives locales et nationales ont tenté d’apporter des améliorations au
recrutement des experts médicaux, avec des résultats mitigés. Dés 1826, une instruction
générale du garde des Sceaux enjoint aux tribunaux de préparer une liste d’experts
potentiels :
« chaque cour, chaque tribunal peut faire choix à l’avance d’hommes expérimentés dans
telle ou telle partie et se les attacher de manière qu’on soit plus assuré de les trouver au
besoin et qu’ils puissent se suppléer réciproquement. Pour guider, dans le choix important
des experts, les officiers de police inférieurs, chaque procureur du roi pourrait choisir à
l’avance, comme cela a lieu dans un grand nombre de villes, les médecins véritablement
dignes de sa confiance dans chaque commune ou chaque canton, et en envoyer la liste à
ses auxiliaires en leur recommandant de les appeler exclusivement dans les opérations
qu’ils seraient dans le cas de faire avant d’avoir pu en référer au procureur du roi » 34 .
Il semble, en fait, que le texte n’expose pas une recommandation émanant de la hiérarchie
judiciaire, mais entérine plutôt une pratique établit par la base. Les administrations
municipales et judiciaires, principalement dans les villes les plus importantes, ont
rapidement instauré des listes officieuses de professionnels fiables, dont les capacités et le
savoir peuvent leur être utile en matière de justice civile ou criminelle. En réalité, ces
administrations ont repris une procédure instaurée par l’Ancien Régime : l’établissement
de chirurgiens jurés, seuls hommes de l’art accrédités à pratiquer les expertises. D’abord
nommés par le premier médecin du roi, les chirurgiens ont dû, à partir de 1692, acheter
leur titre de chirurgien juré, celui-ci étant devenu un office 35 . D’autres instructions
ministérielles ont renouvelé la suggestion. L’une d’elles, en date du 16 août 1842, prescrit
que « chaque Cour est invitée à faire le choix de gens spéciaux et éclairés sur le concours
desquels elle puisse compter, assurée de les trouver au moment du besoin » 36 .
De telles prescriptions se heurtent pourtant à deux problèmes qu’elles ne peuvent
contourner ou résoudre. L’établissement d’une liste d’experts sélectionnés pour leurs
compétences suppose d’avoir à disposition un large panel de prétendants. Or, dans
beaucoup de régions, le corps médical n’est pas pléthorique. Par conséquent, mettre en
place une liste d’experts signifierait, pour nombre de cours de justice, indiquer la totalité
33
Louis Pénard, « Redites au sujet des experts… », art. cit., p. 50.
34
Instruction générale du ministre de la Justice du 30 septembre 1826, citée dans Henri Legrand du Saulle,
Traité de médecine légale…, op. cit., p. 150.
35
Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres… », art. cit., pp. 349-351.
36
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, p. 117.
224

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
des praticiens de la localité. L’intérêt de l’exercice vaut que s’il est envisagé d’en exclure
au moins quelques-uns. Seuls les tribunaux siégeant dans les villes les plus peuplées ont les
moyens de réaliser une véritable sélection des meilleurs professionnels de santé, ou au
moins supposés comme tels 37 . Mais en dépit de toute logique, avoir l’honneur d’être inscrit
sur la liste ne garantit pas à l’homme de l’art d’avoir accès à l’expertise. Louis Pénard
déplore à deux reprises que les médecins que l’on appelle “assermentés” ne soient pas
employés par les magistrats. Lors d’une séance de la Société de médecine légale, le 13 juin
1870, il fait remarquer qu’« il y a bien à Paris des médecins assermentés près le tribunal,
mais tout le monde le sait bien et les médecins assermentés eux-mêmes ne l’ignorent pas,
le titre est une vaine formule » 38 . Et de réitérer la dénonciation au cours d’une autre
intervention, devant la même société savante, en 1883 : « c’est là une création purement
nominative, une situation factice et parfaitement instable ; bon nombre des assermentés
n’ont jamais eu l’occasion d’ester en justice » 39 .
Conscientes qu’une réforme s’impose en matière de réquisition d’experts médico-
légaux, la réglementation en vigueur laissant trop de latitude à l’improvisation, les autorités
législatives vote le décret du 21 novembre 1893 qui, outre le titre d’expert médecin,
instaure de nouveaux tarifs d’honoraires 40 . Porteur d’espoir pour le corps médical qui
s’évertue, depuis des années, à convaincre la justice qu’elle ne doit confier ses expertises
qu’à des hommes qualifiés, le décret est au final décevant. Le premier chapitre est consacré
aux « Conditions dans lesquelles est conféré le titre d’expert médecin devant les
tribunaux » et proclame dans l’article 1 :
« au commencement de chaque année judiciaire et dans le mois qui suit la rentrée, les
Cours d’appel, en chambre du conseil, le procureur général entendu, désignent, sur des
listes de propositions des tribunaux de première instance du ressort, les docteurs en
médecine à qui elles confèrent le titre d’expert devant les tribunaux » 41 .
Le titre de “médecin expert” est donc officiellement créé et reconnu, ce qui doit conférer
une légitimité à celui qui en est pourvu. Cependant, ce titre n’est en aucun cas un gage de
37
E. Chaudé, « Rapport sur les droits et les devoirs des médecins appelés en justice comme experts », Société
de médecine légale, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1875, 2 ème série, t. 44,
p. 379.
38
Louis Pénard, « Examen du tarif des frais judiciaires, en ce qui concerne les médecins légistes », Société de
médecine légale (séance du 13 juin 1870), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1871, 2 ème série, t. 36, p. 428.
39
Louis Pénard, « Redites au sujet des experts… », art. cit., p. 53.
40
La question des tarifs alloués aux hommes de l’art requis comme experts par la justice est abordée dans le
chapitre 4.
41
Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux et les honoraires des médecins d’après
le décret du 21 novembre 1893 », Revue critique, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de
psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, p. 91.
225

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
compétences aux yeux de la communauté scientifique. En effet, la sélection des hommes
de l’art est dévolue aux seuls représentants de la justice. Le corps médical n’a aucun droit
de regard sur les propositions et les choix effectués parmi ses membres. De nombreuses
voix s’élèvent pour souligner que les magistrats sont eux-mêmes incompétents pour juger
des qualités scientifiques d’un homme de l’art : « les lois et règlements […] laissent
l’inscription sur les listes au seul arbitre des magistrats » 42 .
L’article 2 contient un nouveau motif justifiant l’opposition de la communauté
médicale :
« les propositions du tribunal et les désignations de la Cour ne peuvent porter que sur les
docteurs en médecine français, ayant au moins cinq ans d’exercice de la profession
médicale et demeurant, soit dans l’arrondissement du tribunal, soit dans le ressort de la
Cour d’appel » 43 .
L’élément restrictif qui dérange les médecins est l’obligation de ne requérir que des
praticiens ayant cinq années d’expérience dans l’art de guérir. A l’argumentation sous-
jacente des législateurs, fondée sur l’idée qu’un lustre de pratique médicale améliore
l’expert judiciaire, la communauté savante rétorque que ce délai n’aura pour conséquence
que de faire perdre à l’homme de l’art la totalité des minces connaissances médico-légales
acquises sur les bancs de la Faculté 44 . En outre, sa mise au ban de la société expertale
donne le temps au jeune médecin de se constituer une clientèle qui devient alors sa
principale source d’intérêts et de revenus, l’éloignant alors de la médecine légale 45 .
Le dernier article relatif à l’attribution du titre d’expert ne permet pas au décret de
remonter dans l’estime des médecins préoccupés par le sujet :
« en dehors des cas prévus aux articles 43, 44, 235 et 236 du Code d’instruction
criminelle, les opérations d’expertise ne peuvent être confiées à un docteur en médecine
qui n’aurait pas le titre d’expert. Toutefois, suivant les besoins particuliers de l’instruction
de chaque affaire, les magistrats peuvent désigner un expert près un tribunal autre que
celui auquel ils appartiennent.
En cas d’empêchement des médecins experts résidant dans l’arrondissement, et s’il
y a urgence, les magistrats peuvent, par ordonnance motivée, commettre un docteur en
médecine français de leur choix » 46 .
42 Alexandre Lacassagne, Léon Thoinot, « L’expertise médicale criminelle en France à l’époque actuelle »,
Académie de médecine (séances du 21 et du 28 janvier 1908), Revue des journaux et des sociétés savantes,
Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon,
Rey, 1908, t. 23, p. 323.
43 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 91.
44 Paul Brouardel, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de naissance, inhumations,
expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris, Baillière et
fils, 1898, p. 256.
Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 92.
45 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 92.
46 Ibid., p. 91.
226

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Le décret limite les réquisitions aux seuls détenteurs du titre de médecin expert, mais il
autorise les exceptions à la règle. L’urgence et le flagrant délit, les prérogatives du
président du tribunal, permettent la réquisition d’experts affiliés à un autre tribunal, voire
de tout autre médecin 47 . Alexandre Lacassagne, dans le commentaire du décret qu’il rédige
pour les Archives d’anthropologie criminelle, laisse pointer son exaspération face à la
pseudo-amélioration proposée : « c’est, on en conviendra, ce qui se passait déjà avant le
21 novembre 1893, et sur ce point nous ne voyons pas trop les modifications apportées par
ce décret » 48 . Au final, si la communauté médicale est à peu près unanime pour dire que le
décret de 1893 ne pallie pas les maux dont souffre la réquisition des experts, le remède
proposé varie en fonction du praticien qui le prescrit : diplôme de médecine légale,
formation plus approfondie de l’ensemble des praticiens, conseils des Facultés de
médecine pour réaliser les listes d’experts.
Le diplôme ou le certificat de médecine légale est un thème récurrent du roman
médico-judiciaire. Ses apparitions ponctuent la vie médico-légale durant plusieurs
décennies. Initié au milieu des années 1860, notamment par l’entremise de l’Association
Générale de Prévoyance et de Secours Mutuels des Médecins de France (A.G.M.F.), un
mouvement réclame la création d’un diplôme particulier, attestation officielle d’une
compétence en matière de sciences médico-légales. Le garde des Sceaux Dufaure met en
place, en 1878, une commission chargée d’étudier la demande, ce qui aboutit à la
proposition d’un projet de loi devant le Sénat, en novembre de l’année suivante 49 . Paul
Brouardel, fort de son statut de premier médecin expert français, car titulaire de la chaire
de médecine légale et directeur de la Morgue de Paris, fait du diplôme de médecine légale
l’un de ses nombreux chevaux de bataille. Lors de son discours d’intronisation à la
présidence de la Société de médecine légale, le 8 janvier 1883, il aborde une première fois
47 En janvier 1897, le procureur général de la cour d’appel de Poitiers autorise le juge d’instruction de
Montmorillon à recourir à un expert, « en dehors de l’arrondissement ». En effet, suite à l’examen réalisé par
le Dr Jules Bellicaud, sur réquisition du juge de paix de L’Isle-Jourdain, il apparaît qu’une expertise
complémentaire est nécessaire afin de déterminer si les ossements retirés des cendres sont bien des os
humains. Or, il semble qu’une telle analyse comparative ne peut être effectuée que par un médecin de
Poitiers. Le magistrat instructeur demande donc l’autorisation d’effectuer ces « dépenses extraordinaires ».
A.D.V., 3U 4 / 628, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Suppression
d’enfant », Rapport médical, le 14 janvier 1897 et Autorisation de dépenses extraordinaires, le 18 janvier
1897.
48 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 92.
49 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest au XIX e siècle, thèse de doctorat, Université Lille III, 1978, t. 3,
p. 1355.
227

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
la question, en conclusion d’une réflexion sur l’enseignement médico-légal dispensé à la
Faculté de Paris 50 .
Il réitère sa requête un an après, lors de la présentation du rapport de la commission
chargée d’examiner le projet de réforme des expertises médicales au criminel 51 . Le cadre
autorisant un développement de l’argumentaire, Brouardel expose, au nom de la
commission, la forme que doivent prendre la préparation et l’examen accordant le sésame
des expertises judiciaires. A l’issue de l’obtention de son doctorat de médecine, l’étudiant
désireux d’apporter son concours à la justice s’inscrit sur une liste de candidats au titre de
médecin expert. Son inscription lui ouvre alors les portes des services d’aliénés, de la
Morgue et des laboratoires, structures dans lesquelles il peut parfaire ses connaissances et
sa pratique. Au bout d’une année, délai jugé convenable pour acquérir une formation
suffisante, le candidat subit un examen. Il doit évidemment faire la preuve de son savoir
médico-légal, mais surtout attester de ses capacités à réaliser une autopsie, à évaluer un
aliéné et à rédiger un rapport 52 .
Brouardel devra patienter encore vingt ans avant de voir son vœu se réaliser.
L’institution du diplôme spécial de médecine légale a été favorisée par la réorganisation
dont est l’objet l’enseignement supérieur au milieu des années 1890. En premier lieu, la loi
du 10 juillet 1896 crée les Universités 53 . Puis, un arrêté d’avril 1898 institue les diplômes
d’Université dont la conception est dévolue au Conseil de chaque Faculté, pour ensuite être
validée par le ministère 54 . Ainsi, il faut attendre le 22 juin 1903 pour que le ministre de
l’Instruction publique autorise la Faculté de médecine de Paris à délivrer un diplôme de
médecine légale et de psychiatrie 55 . Les modalités de l’instruction et de l’évaluation
suivent en tout point les recommandations de la commission de 1884. Sous l’impulsion
imprimée par Paris, quelques Facultés décident d’instituer leur propre diplôme de
50 « Société de médecine légale de France. Présidence de M. Brouardel », Société de médecine légale de
France (séance du 8 janvier 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883,
3 ème série, t. 9, pp. 160-161.
51 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises médico-légales », Société de médecine légale de France
(séance du 18 février 1884), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1884, 3 ème
série, t. 11, pp. 344-382.
52 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises… », art. cit., pp. 365-366.
53 Jean-Marie Mayeur, Les débuts de la Troisième République, 1871-1898, Paris, Editions du Seuil, Points
Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n° 10, 1973, p.150.
54 Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., p. 94.
55 Arrêté du ministre de l’Instruction publique du 22 juin 1903 :
Article 1 er : « il est institué, près la Faculté de médecine de l’Université de Paris, un diplôme portant
la mention : Médecine légale et Psychiatrie ».
Cité dans « Création et organisation d’un Institut et d’un diplôme de médecine légale et de psychiatrie, près
de la Faculté de médecine de Paris », Chronique, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1903, 3 ème série, t. 50, p. 95.
228

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
médecine légale. Seule l’Université de Lille le délivre avant le premier conflit mondial, à
partir de 1907 exactement 56 . Suivront les Facultés de Lyon en 1919, de Nancy en 1920, de
Strasbourg en 1922 et de Toulouse en 1928 57 . L’apathie dont semblent être atteintes les
Facultés de médecine françaises, à propos de l’instauration d’un diplôme de médecine
légale, est une résultante des dissensions que la question a provoqué au sein de la
communauté médico-légale.
Le diplôme a des détracteurs qui sont acharnés et, surtout, détenteurs d’arguments
fondés. L’Ecole lyonnaise s’élève en force contre la création d’un certificat. Henry
Coutagne indique que l’introduction de diplômés dans le milieu des expertises serait
« compromettante pour la pratique médico-judiciaire » 58 . Il reprend sans s’y arrêter une
objection élevée par Ladreit de la Charrière, lors de la présentation du rapport de la
commission en 1884. Celui-ci avance, en effet, que la création du certificat donnerait une
bonne excuse aux autres praticiens pour se récuser et mettre alors en péril le système
judiciaire dans son ensemble 59 . Quant à Alexandre Lacassagne, il craint l’inamovibilité des
titulaires d’un tel diplôme, privilégiés qu’il deviendrait impossible d’écarter en cas
d’incompétence ou d’erreur grave dans l’exercice expertal 60 . Néanmoins, à peine trois ans
plus tard, Lacassagne semble s’être rallié aux partisans du diplôme, influencé peut-être par
le sujet qu’il aborde à l’occasion de sa leçon d’ouverture, les erreurs judiciaires :
« ne serait-il pas utile que tout médecin qui voudrait embrasser cette profession [expert] fit
un stage spécial ? Au bout de six mois d’études consciencieuses et bien dirigées, il pourrait
obtenir un diplôme qui consacrerait sa compétence aux yeux des magistrats » 61 .
L’une des conséquences les plus préjudiciables, pour les opposants au diplôme, est
la part d’élitisme que contiennent son instauration et son application. Brouardel le
revendique haut et fort. Pour lui, seul un nombre restreint d’étudiants doivent être préparés
au diplôme de médecine légale. Il considère en effet que, eu égard aux approfondissements
nécessaires et aux moyens matériels disponibles pour l’instruction pratique, l’enseignement
56 « Création d’un diplôme d’études de médecine légale et de psychiatrie médico-légale à la Faculté de
médecine de Lille », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie
normale et pathologique, Lyon, Storck, 1907, t. 22, pp. 137-138.
57 Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., p. 95.
58 Henry Coutagne, « L’exercice de la médecine judiciaire en France. Ses conditions actuelles et les réformes
nécessaires à son fonctionnement », Archives de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales.
Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle. Législation et droit, Lyon, Storck, 1886, t. 1, p. 33.
59 « Société de médecine légale de France… », art. cit., p. 374.
60 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 94.
61 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts et les erreurs judiciaires », Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1897, t. 12, p. 16.
229

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
médico-légal « ne donnera ce qu’il doit donner que lorsqu’il sera concentré sur un petit
nombre d’élèves » 62 . Paul Brouardel estime « qu’il n’est pas nécessaire que tous les
médecins possèdent en entier ces connaissances » 63 . Or, créer une élite médico-légale
signifie priver les magistrats de leur droit de requérir n’importe quel praticien pour une
expertise. La proposition est inacceptable pour la justice, expliquant par ailleurs pourquoi
l’instauration du diplôme a provoqué tant de tergiversations. A l’inverse de la liste
d’experts, dont l’établissement est laissé au bon vouloir des tribunaux, la désignation des
spécialistes de la médecine légale certifiés échappe totalement au contrôle de l’autorité
judiciaire. Comment alors faire confiance à un médecin expert que l’on n’a pas choisi,
mais qui est presque imposé sous prétexte qu’il est détenteur d’un diplôme ? Il s’agit d’une
véritable mise en cause des acquis de la Révolution et des principes, énoncés par François
Chaussier, qui ont fondé l’exercice des expertises médicales post-révolutionnaire :
« suppression des offices de chirurgien et de médecin juré, liberté aux juges de désigner
des experts » 64 .
La crainte des magistrats trouve un écho dans la communauté médicale et surtout
au sein du corps enseignant. Henry Coutagne signale que le professeur et le chef des
travaux de médecine légale de la Faculté de Lyon sont « les médecins habituels du parquet
du tribunal » : « ce sont eux auxquels les juges d’instruction confient la grande majorité
des expertises au criminel » 65 . La création d’un corps d’experts médico-légaux diplômés
serait synonyme de perte des matériaux premiers servant aux recherches et à
l’enseignement de la médecine légale à la Faculté. Certaines voix s’élèvent aussi contre le
traitement de faveur accordé à la médecine légale. Le rapport du Dr Fallot consacré à la
réorganisation de la médecine légale et lu devant l’A.G.M.F. contient la réflexion
suivante : la médecine légale n’est qu’une spécialité comme une autre et « l’on a jamais
songé à créer un diplôme spécial pour les confrères qui se spécialisent dans
l’ophthalmologie (sic), la laryngologie, etc. » 66 .
62
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 254.
63
Ibid., p. 246.
64 e
Jean Lecuir, « La médicalisation de la société française dans la deuxième moitié du XVIII siècle en
France : aux origines des premiers traités de médecine légale », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest :
La médicalisation en France du XVII e au début du XX e siècle, 1979, t. 86, n°2, p. 235.
65
Henry Coutagne, « L’exercice de la médecine judiciaire… », art. cit., p. 35.
66
Aigre, « De la réorganisation de la médecine légale. Rapport lu au conseil de l’Association générale des
médecins de France (section des Bouches-du-Rhône) par le Dr A. Fallot », Revue des livres, Annales
d’hygiène publique et de médecine légales, Paris, Baillière, 1892, 3 ème série, t. 28, pp. 165-166.
230

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Face à une telle volée d’attaques, les artisans de la création du diplôme de médecine
légale ont fort à faire. Leur argument le plus solide est que seul un certificat d’aptitudes
aux travaux médico-légaux offre à la justice la garantie d’avoir recours à des praticiens
compétents et capables de répondre à leurs interrogations : « la sérieuse préparation faite à
l’Institut de médecine légale, le travail constant consacré dignement par des épreuves
rigoureuses, ne sont-ils pas le gage absolu de compétence demandé par les magistrats et
les avocats » 67 . Leurs adversaires retournent alors la démonstration, arguant qu’il suffit
d’améliorer la formation médico-légale dispensée aux étudiants de médecine, jugée trop
succincte pour certains, et d’effectuer un contrôle plus rigoureux des connaissances
assimilées. Henry Coutagne, adepte des médecines douces, préconise « des modifications
moins radicales » :
« au lieu d’unir le quatrième examen de doctorat, comme on le fait actuellement, nous
voudrions qu’on lui réservât sur la fin des études le programme complet d’un examen qui
comprendrait des questions orales et des épreuves pratiques de deux sortes : 1° des
autopsies, des examens de taches et tout autres recherches relevant directement des
principaux exercices pratiques du laboratoire de médecine légale ; 2° des examens, faits
sur des modèles de réquisitoires judiciaires, de deux sujets vivants (aliénés, blessés,
vénériens, simulateurs, etc.) » 68 .
Outre le fait de devenir un examen sérieux, qu’il est ardu d’obtenir uniquement « avec un
peu de présence d’esprit » 69 , la difficulté accrue de l’épreuve oblige les étudiants à prendre
conscience de l’importance des questions de médecine judiciaire et de la responsabilité qui
sera peut-être un jour la leur :
« si les programmes de certains examens étaient dirigés plus exclusivement vers ce but, les
élèves seraient mieux pénétrés de l’idée que leur assiduité au laboratoire de médecine
légale est aussi indispensable qu’aux cliniques et s’habitueraient d’avance à regarder
l’exercice de la médecine judiciaire comme un côté éventuel, mais tôt ou tard inévitable et
presque toujours difficile de leur carrière » 70 .
La seconde proposition alternative à l’instauration d’un diplôme spécial de médecin
expert consiste en une amélioration des listes officielles d’experts. A peine le décret de
novembre 1893 est-il institué que de nouvelles réflexions autour des expertises judiciaires
sont menées. Un projet de loi est préparé par le député Jean Cruppi, en sa qualité de
67 Pierreson, « Du diplôme de médecin légiste et de son application », I er Congrès de médecine légale de
langue française (Paris, 29-30 mai 1911), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1911, 4 ème série, t. 16, p. 274.
68 Henry Coutagne, « L’exercice de la médecine judiciaire… », art. cit., p. 34.
69 E. Strohl, « Lettres sur la pratique de la médecine légale, Louis Pénard », Bibliographie, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1870, 2 ème série, t. 34, p. 236.
70 Henry Coutagne, « L’exercice de la médecine judiciaire… », art. cit., p. 34.
231

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
magistrat 71 , et voté par la Chambre le 30 novembre 1899. L’article premier du projet de loi
fixe que
« la liste des médecins et chimistes admis à pratiquer les expertises médico-légales devant
les tribunaux est dressée chaque année, pour l’année suivante, par les Cours d’appel, sur
la proposition des Tribunaux civils, des Facultés et Ecoles de médecine, de pharmacie et
des sciences » 72 .
Les candidats aux fonctions d’experts, bien que choisis en définitive par la plus haute
autorité du ressort, seraient pré-sélectionnés par leurs pairs. Cependant, le projet de loi
reste dans les tiroirs du Sénat. A l’occasion de son compte-rendu du III e Congrès de
médecine légale de langue française organisé en mai 1913, Firmin Dervieux rappelle que
« la “loi Cruppi”, votée par la Chambre il y a plus de dix ans, n’est pas encore venue en
discussion devant le Sénat » 73 .
D’aucuns suggèrent même de remettre la sélection des candidats au titre d’expert
entre les mains des associations, sociétés savantes et autres syndicats 74 . Plusieurs
objections s’élèvent, selon Dervieux, contre une telle pratique. En premier lieu, les
associations et syndicats « ne peuvent avoir la prétention de se dire les représentants du
corps médical d’une région donnée » 75 . De plus, de tels organismes pourraient être tentés
de ne proposer que leurs membres et d’écarter tous les autres hommes de l’art. Enfin,
comment départager deux sociétés implantées dans une même région 76 ? Malgré une
campagne active et argumentée contre la création du diplôme de médecine légale, ses
partisans ont finalement eu gain de cause. Néanmoins, les discussions entre anti et pro-
diplôme perdurent après 1903, alimentées par les difficultés de gestion des expertises entre
diplômés et “listés”.
71 Georges Morache, « L’expertise et le choix des experts », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1900, 3 ème série, t. 43, p. 345.
72 « La réforme des expertises médico-légales », Revue des journaux et sociétés savantes, Archives
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1899,
t. 14, p. 117.
73 Firmin Dervieux, « L’inscription des experts médicaux sur les listes des tribunaux », Compte-rendu du III e
Congrès de médecine légale de langue française (Paris, 26-28 mai 1913), Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1913, 4 ème série, t. 20, p. 562.
74 Aigre, « De la réorganisation… », art. cit., p. 165.
75 Firmin Dervieux, « L’inscription des experts… », art. cit., p. 560.
76 Ibid.
232

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
3) L’impossible professionnalisation des médecins experts 77
Le diplôme fait office de passe-droit. Il devient l’alternative au délai de cinq années
d’exercice de la médecine nécessaire pour être autorisé à pratiquer une expertise. Le décret
du 10 avril 1906 modifie ainsi les dispositions prises par celui de novembre 1893 :
« les propositions du Tribunal et les désignations de la Cour ne peuvent porter que sur des
docteurs en médecine français, demeurant soit dans l’arrondissement du Tribunal, soit
dans le ressort de la Cour d’appel. Ils doivent avoir au moins cinq ans d’exercice de la
profession médicale ou être munis soit du diplôme de l’Université de Paris portant la
mention “médecine légale et psychiatrie”, soit d’un diplôme analogue créé par d’autres
universités, par application des dispositions de l’article 15 du décret du 21 juillet 1897,
portant règlement pour les conseils des universités » 78 .
Il existe à présent une concurrence entre les anciens experts officiels des tribunaux et les
nouveaux titulaires du diplôme de médecine légale. Au cours des discussions relatives à
l’instauration des listes d’experts et à la création d’un diplôme particulier de médecine
légale, la question de l’exclusivité ou, au contraire, de l’ouverture en matière d’expert est
régulièrement soulevée 79 . En raison de la tournure prise par les débats, certains
protagonistes ont tenté d’anticiper les éventuels soulèvements des médecins qui, inscrits
sur les listes officielles d’expert, pouvaient percevoir leur place comme étant menacée.
Georges Morache, par exemple, met en garde contre une rupture trop brutale en matière de
choix des experts médicaux : « il y aura lieu de tenir grand compte des situations
justement acquises et ne pas, du jour au lendemain, se priver de services précieux, de
dévouements auxquels on a été heureux d’avoir recours » 80 . D’autres, a contrario,
préconisent l’exclusivité des examens médico-légaux aux seuls diplômés. Ravary, dans la
thèse qu’il soutient devant la Faculté de Paris, propose plusieurs réformes relatives aux
expertises judiciaires, parmi lesquelles : « les listes des médecins et chimistes admis à
77 Sur cette question cf. les réflexions de Laurence Dumoulin, « La médecine légale aux fondements de
l’expertise judiciaire, de l’activité de médecin légiste à la profession d’expert », Equinoxe, 1999, n°22,
pp. 65-77.
78 « Institut de médecine légale et de psychiatrie de l’Université de Paris », Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1906, 4 ème série, t. 5, p. 475.
79 Au cours d’une séance de la Société de médecine légale, une discussion est engagée suite au rapport sur le
droit de réquisition des médecins rédigé par Horteloup. Des débats animés ont notamment lieu entre l’auteur
dudit rapport et Charles Vibert quant à la possibilité de réserver les expertises à un nombre restreint de
médecins choisis avec discernement. Vibert est, en effet, partisan de la limitation des listes aux seuls
titulaires d’un diplôme spécial, alors que Horteloup préfère laisser une marge de manœuvre plus importante
aux magistrats.
« Discussion du rapport de M. Horteloup “Du droit de réquisition des médecins experts par la justice” »,
Société de médecine légale de France (séance du 10 mars 1890), Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème série, t. 23, pp. 549-554.
80 Georges Morache, « L’expertise et le choix… », art. cit., p. 353.
233

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
pratiquer les expertises devant les tribunaux, dressées chaque année par les Cours
d’appel, ne comprendront que les médecins ou chimistes diplômés » 81 .
Mais, si les artisans de la réforme ont à peu près cerné les difficultés qui peuvent
entraver la prise en compte des diplômés de médecine légale, ainsi que les oppositions qui
risquent de s’élever au sein du corps des experts médicaux, ils n’ont pas imaginé qu’un
autre grain de sable pourrait enrayer la machine : la pratique judiciaire usuelle. Dans un
article du Progrès médical, un certain J. Noir relate l’imprévu auquel les diplômés doivent
faire face dans le ressort du tribunal de la Seine : il n’y a pas de place pour eux sur les
listes d’experts 82 . Se sentant trompés, floués et leurs efforts non récompensés, les quatorze
jeunes diplômés de médecine légale « se sont groupés et ont fait quelque bruit » 83 . La
solution des autorités est alors radicale 84 : elles remplacent les quelque 450 praticiens qui
servent d’experts aux diverses juridictions de la Seine, par une petite quinzaine de
diplômés 85 . Des démarches similaires émanent même des instances judiciaires subalternes.
Le conseil municipal de Paris fait part au Préfet de police des modifications qu’il souhaite
voir apporter aux listes d’experts. Outre le recensement des titulaires du diplôme de
médecine légale et de psychiatrie, le conseil suggère que les commissaires de police et les
juges de paix soient invités à requérir de préférence les hommes de l’art présents sur la
liste 86 . C’est donc au tour des médecins à qui la justice avait jusqu’à présent accordé sa
confiance, de se sentir rejetés.
La concurrence et le malaise perdurent au sein du corps médical, alimentés par la
mauvaise volonté et le parti pris de certains magistrats. Bien que tenant compte des
nouveautés de la formation médicale, la législation relative aux expertises laissent toute
liberté aux magistrats : le décret du 10 avril 1906 maintient, sur les listes, les experts ayant
cinq années d’exercice de la médecine et ne remet pas en question l’autorisation donnée
aux magistrats de recourir à n’importe quel praticien en cas de nécessité. Il n’est donc pas
surprenant que les juges d’instruction et les procureurs continuent de requérir les mêmes
81 Emile Laurent, « Ravary, Expertises médico-légales », Revue des thèses, Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1902, t. 17, p. 162.
82 J. Noir, « Les médecins experts à Paris », Revue des journaux et des sociétés savantes, Archives
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1907,
t. 22, p. 656.
83 J. Noir, « Les médecins experts… », art. cit., p. 656.
84 Firmin Dervieux pondère les supposées prétentions des titulaires du diplôme de médecine légale. Selon lui,
« les possesseurs du diplôme spécial ne prétendent nullement supplanter les experts actuellement inscrits sur
les listes des tribunaux […] ; ils demandent à faire de la médecine légale à côté de leurs aînés ».
Firmin Dervieux, « L’inscription des experts… », art. cit., p. 561.
85 J. Noir, « Les médecins experts… », art. cit., p. 655.
86 « Les expertises médico-légales », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de
psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1907, t. 22, p. 373.
234

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
médecins experts, privilégiant l’expérience et la confiance, à la jeunesse et au titre 87 .
L’aide de l’autorité judiciaire est sollicitée, puisque « l’application de ce diplôme dépend
du ministère de la Justice » 88 . Il leur paraît en effet surprenant, voire incompréhensible,
qu’un nombre si restreint de diplômés soit inscrit sur les listes d’experts : en 1911, d’après
Pierreson, ils ne sont que trois en province, et quatre à Paris 89 . Or, dans l’esprit des
instigateurs du diplôme de médecine légale, celui-ci représentant la seule garantie de la
compétence du médecin en matière d’expertise judiciaire, il inscrit de droit son titulaire sur
les listes d’experts médecins 90 . La situation et la revendication ne sont pas sans rappeler
celles des professeurs de médecine légale, systématiquement écartés des expertises. Or, les
priver d’autopsies et d’examens médico-judiciaires est un frein à l’enseignement pratique
de la médecine légale 91 . En définitive, il apparaît que ce n’est, ni d’être inscrit sur une liste
officielle ni d’avoir obtenu un diplôme qui fait de l’homme de l’art un expert
professionnel, mais la commission donnée par le juge pour réaliser l’expertise 92 .
Néanmoins, les autres critères qui déterminent la professionnalisation, tels que les
organismes professionnels et le salaire, sont-ils satisfaits ?
Face à la montée, ou à la recrudescence, des charlatans qui exercent illégalement
l’art de guérir, le corps médical se dote d’un certain nombre d’instruments dans le dessein
de protéger ses intérêts professionnels. Inspirés par leurs confrères de la capitale, les
médecins de chaque département se réunissent en association locale 93 , dans un premier
temps, puis fondent l’Association Générale de Prévoyance et de Secours Mutuels des
Médecins de France en 1858 94 . L’A.G.M.F. s’attribue deux tâches : d’une part, la lutte
contre l’exercice illégal, d’autre part, le secours aux médecins et à leur famille, notamment
avec la création d’une caisse de retraite en 1863 95 . Accaparée par son rôle de société de
87 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 649.
88 Pierreson, « Du diplôme de médecin… », art. cit., p. 712.
89 Ibid.
90 Ibid.
91 Cazeneuve, « L’enseignement de la médecine légale », intervention à la Chambre des députés (séance du
29 octobre 1908), Revue des journaux et des sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1908, t. 23, pp. 892-893.
92 Ce constat pousse alors des membres du corps médical à réclamer la suppression du diplôme de médecine
légale, devenu (ou resté) inutile.
« La question des experts au Syndicat Médical de Paris », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1913, t. 28, p. 230.
93 Cf. sur la mise en place des associations de médecins et autres sociétés de secours, le chapitre sur
l’Association Générale des Médecins de France dans Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit.,
t. 2, pp. 1004-1053.
94 Pierre Guillaume, Le rôle social…, op. cit., p. 117.
95 Ibid., p. 118.
235

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
secours mutuels, l’A.G.M.F. délaisse les revendications à caractère professionnel,
récupérées par de nouveaux organismes, les syndicats de médecins. Sur le modèle de la
classe ouvrière, les syndicats médicaux se multiplient à partir de 1880, atteignant le
nombre de 74 en 1884 96 . Cependant, ils ne bénéficient d’aucun statut légitime avant 1892.
Le texte du 21 mars 1884, légalisant les syndicats, ne fait en effet pas mention des
professions libérales 97 . La loi du 30 novembre 1892 sur l’exercice de la médecine répare
l’oubli :
« à partir de l’application de la présente loi, les médecins, chirurgiens-dentistes et sagesfemmes
jouiront du droit de se constituer en associations syndicales, dans les conditions de
la loi du 21 mars 1884, pour la défense de leurs intérêts professionnels, et à l’égard de
toutes personnes autres que l’Etat, les départements et les communes » 98 .
Forts de ce statut légal, les syndicats peuvent alors porter plainte et amener devant la
justice des hommes qui ont outrepassé leur droit. En mai 1907, le président du Syndicat
des médecins de la Vienne adresse une lettre au procureur de la République dans laquelle il
porte plainte contre X pour exercice illégal de la médecine. La démarche fait suite au
décès, à l’hôpital de Montmorillon, d’un homme traité par un « rebouteur » pour une
fracture compliquée de la jambe 99 .
Le facteur d’appartenance à un groupe, l’esprit de corps, est déterminant dans la
constitution d’une démarche revendicative organisée. Cette prise de conscience corporative
des médecins experts apparaît relativement tard, peu de temps avant le déclenchement du
premier conflit mondial, avec la création d’une association nationale des médecins experts
en février 1914 100 . Et près d’une quinzaine d’années plus tard, alors que la France se trouve
dans une phase de répit, entre une guerre mondiale et une crise économique également
mondiale, est créé le premier syndicat de médecins-légistes français 101 . Toutefois, les
médecins experts ne sont pas abandonnés, sans référent professionnel vers qui se tourner.
Une société savante s’alloue un tel rôle dès sa fondation, en 1868 : la Société de médecine
96 Ibid.
97 En 1889, le président d’un syndicat de professeurs libres est présenté devant le tribunal correctionnel de
Paris, au motif que cette organisation n’entre pas dans le cadre de la loi du 21 mars 1884 qui n’autorise que
les syndicats « constitués pour l’étude et la défense des questions économiques, industrielles, commerciales
et agricoles ». Le tribunal déboute le parquet et conclut que, l’activité de professeur ayant un intérêt
économique, le syndicat est tout à fait légal. La jurisprudence est donc favorable aux professions libérales,
parmi lesquelles se trouve l’art de guérir.
Cf. « Les syndicats médicaux implicitement reconnus par la loi », Revue des intérêts professionnels, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème série, t. 23, pp. 463-464.
98 Pierre Guillaume, Le rôle social du médecin…, op. cit., p. 119.
99 A.D.V., 3U 4 / 638, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide
involontaire et exercice illégal de la médecine », Lettre au procureur, le 8 mai 1907.
100 Frédéric Chauvaud, Les experts…, op. cit.,p. 52.
101 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., p. 127.
236

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
légale. Ainsi que le souligne Frédéric Chauvaud, son propos est double : « si ses objectifs
sont d’ordre scientifique – les sommaires et la qualité des articles l’attestent – elle traite
aussi de sujets qui ont trait à la pratique professionnelle » 102 . Elle se veut avant tout un
groupe de travail plus qu’une organisation corporatiste au sens strict 103 , comme en
témoignent la limitation volontaire de ses membres et la présence en son sein d’autres
groupes professionnels que les praticiens de l’art de guérir 104 . Les médecins, qui se
trouvent confronter à une situation professionnelle problématique, peuvent prendre
conseils auprès de la Société de médecine légale devenue une sorte d’intermédiaire entre
les médecins experts et les autorités judiciaires. En 1875, la Société est sollicitée par l’un
de ces correspondants de province qui s’interroge sur la possibilité du parquet d’avoir un
médecin expert attitré, sur la place de ce dernier et sur les conséquences que ce titre
officieux peut avoir sur ses rapports avec les autres praticiens. Chaudé établit alors, au nom
de la Société, un « Rapport sur les droits et les devoirs des médecins appelés en justice
comme experts », rapport qui tente de rassurer l’auteur de la lettre sur le droit des
magistrats à requérir toujours le même homme de l’art et sur les animosités que cette
situation pourrait provoquer 105 .
Outre la Société de médecine légale qui amorce, dans les années 1910, un « repli
plus étroitement corporatif en excluant avocats et magistrats » 106 , puis, bien plus tard,
l’association des médecins experts de France et le Syndicat des médecins légistes, il existe
d’autres rassemblements qui permettent au corps des experts médicaux de faire entendre
ses revendications : les congrès. Le Comité d’organisation du Congrès annuel des
médecins légistes de France utilise le facteur revendicatif pour justifier son initiative :
« Nous avons pensé qu’il y aurait un grand intérêt pour les médecins légistes de
France et des pays de langue française à se réunir une fois par an, comme le font la
plupart des spécialistes, pour discuter les questions professionnelles et scientifiques qui les
intéressent particulièrement.
Les Congrès internationaux sont trop éloignés les uns des autres. Nous ne pouvons
ni nous connaître, ni nous grouper pour faire aboutir nos revendications, ni rassembler
nos efforts pour obtenir des pouvoirs publics les améliorations indispensables pour
l’exercice de notre profession » 107 .
102 Ibid.,p. 123.
103 Laurence Dumoulin, « La médecine légale… », art. cit., p. 10.
104 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., pp. 123-124
105 E. Chaudé, « Rapport sur les droits... », art. cit., pp. 373-401.
106 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., p. 127.
107 « Congrès annuel des médecins légistes de France et des pays de langue française », Revue des journaux,
Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1910, 4 ème série, t. 14, p. 380.
237

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
C’est d’ailleurs à l’occasion de l’un d’eux qu’est abordée la création d’une « association
amicale des médecins-experts de France » 108 . Néanmoins, les intérêts professionnels sont
rapidement écartés des congrès de médecine légale, au motif que ces événements étant
internationaux, il convient de ne pas focaliser les discussions sur des questions qui ne
concernent que les participants français, pour éviter de faire fuir les confrères étrangers 109 .
La volonté affichée de ne pas centrer les discussions sur les intérêts professionnels
apparaît également dans la presse médicale. Rappelons-le, la préoccupation des
responsables de publications périodiques est de s’adresser au plus grand nombre de
praticiens du milieu médical. Editer une revue ou un journal trop centré sur les questions
professionnelles présente le risque de se couper d’une majorité des hommes de l’art. Une
publication trop élitiste, ne répondant pas à l’ensemble des attentes du public médical,
éloigne les médecins les plus modestes qui n’ont pas les moyens financiers de multiplier
les lectures scientifiques. Or, ainsi que le note C. Havelange, les « rédacteurs ont eu
l’intelligence de ne pas créer des organes spécialisés de défense professionnelle qui
n’auraient ralliés, tout au moins au début, qu’une minorité de convertis » 110 . Ils sont
parvenus à trouver le juste équilibre entre les informations scientifiques et les éléments
professionnels. Les Annales d’hygiène publique et de médecine légale suivent cette
recommandation et distillent, entre des études théoriques et des comptes-rendus
d’observations, des renseignements sur les droits et les devoirs des médecins experts. Une
rubrique « Revue des intérêts professionnels » apparaît à partir de 1890, preuve que la
défense des intérêts professionnels des hommes de l’art a franchi un palier supplémentaire
au sein des préoccupations du corps médical.
Il ne fait donc aucun doute que les médecins experts disposent d’organismes à
caractère et préoccupation professionnels qui leur permettent de planifier leurs
revendications et leur servent de porte-parole auprès des pouvoirs publics. Pour autant,
avoir des réclamations professionnelles ne suffit pas pour faire des experts médicaux des
praticiens exclusifs de l’expertise. En effet, pour atteindre ce statut il leur manque une
condition essentielle, le salaire.
108
Firmin Dervieux, « L’inscription des experts… », art. cit., p. 555.
109
Ibid.
110 e
C. Havelange, « Savoir et pouvoir : la presse médicale à caractère professionnel au XIX siècle » in La
formation du médecin : des Lumières au laboratoire, actes du colloque (9 décembre 1988) édités par C.
Bruneel et P. Servais, organisé par le Centre d’histoire des sciences et des techniques, Université de Louvainla-Neuve,
1989, p. 108.
238

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
La définition du phénomène de professionnalisation a déjà été exposée au cours des
réflexions précédentes. Pierre Guillaume la précise : « la mutation de pratiques dont les
contours peuvent être assez flous, en activités clairement codifiées, d’occupations pour une
part bénévoles en métiers dont on attend l’essentiel de son revenu […] » 111 . L’élément
central de la notion est pécuniaire. La profession est ce qui fait vivre un individu, ce qui lui
permet de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Or, il s’avère impossible qu’un
homme de l’art consacre la totalité de son activité professionnelle aux expertises médico-
légales. Hormis la modicité des sommes allouées aux médecins requis par la justice 112 , le
nombre d’examens médicaux demandés quotidiennement par la justice offrirait au
praticien beaucoup de temps libre mais peu de revenus : « le médecin légiste, en province
surtout, n’a que peu d’expertises à effectuer et partant une rémunération insuffisante » 113 .
La solution préconisée par quelques-uns est simple : limiter le nombre de médecins experts
officiels. Le praticien qui fait l’effort de maintenir ses connaissances médico-légales à
niveau est ainsi assuré d’être appelé régulièrement par la justice 114 .
Alors, un autre problème voit jour dans une telle situation, l’indépendance des
médecins 115 . En effet, l’homme de l’art qui se spécialise en médecine légale et abandonne
par conséquent les autres activités liées à l’art de guérir, ne dépend plus d’une clientèle
publique, mais des administrations municipale, policière et judiciaire, seules autorisées à
demander son concours. Quelles pourraient être les libertés d’action et de parole d’un
médecin expert qui dépendrait financièrement des pouvoirs publics ? Imaginons un homme
de l’art qui fait carrière dans les expertises médico-légales et qui, au cours de l’une d’elles,
arrive à des conclusions en totale opposition avec celles espérées par le juge qui l’a requis,
ou qui, par souci de vérité, préfère ne rien affirmer. Le même magistrat prendra-t-il le
risque, lors d’une prochaine instruction, de recourir à cet expert ?
En sus d’une dépendance à la justice, quelques-uns craignent une fonctionnarisation
des médecins experts. Ne percevant des revenus que de l’administration judiciaire, le
médecin devient un fonctionnaire de la justice. Le modèle qui transparaît derrière cette
situation est le Kreisphysicus allemand, médecin attaché à l’administration. Or, ce modèle
est rejeté car il n’est pas conforme à la « dignité professionnelle et au bon fonctionnement
111
Pierre Guillaume, « Modalités et enjeux de la professionnalisation » in Pierre Guillaume (sous la dir. de),
La professionnalisation…, op. cit., p. 10.
112
Cf. le chapitre 4.
113
« Discussion du rapport de M. Horteloup… », art. cit., p. 553.
114
Ibid., p. 549.
115
Sur la question de l’indépendance de l’expert médecin cf. le chapitre 4.
239

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
de la justice » 116 . Le médecin-fonctionnaire risque de tomber dans une sorte de routine
scientifique, consécutive à son sentiment d’impunité et d’absence de concurrence :
« il serait à craindre qu’une situation presque inexpugnable assurée dès le début de la
carrière fût peu favorable au maintien de la valeur scientifique de l’expert qui, sans
rivalité dans sa sphère se laisserait trop facilement aller à négliger de se tenir au niveau
des progrès de la science » 117 .
En définitive, les spécialistes de la médecine légale redoutant eux-mêmes la perte
d’indépendance des hommes de l’art qui se consacreraient uniquement aux expertises
judiciaires, recommandent que les praticiens conservent une autre activité professionnelle.
Paul Brouardel, partisan de la création du diplôme de médecine légale, est cependant un
farouche adversaire de la dépendance que pourrait engendrer la pratique exclusive de cette
science :
« je ne crois pas qu’on puisse admettre que les fonctions de médecin expert soient
suffisantes pour permettre au médecin de vivre, il faut au contraire que le médecin légiste
ait une situation qui lui donne l’indépendance en dehors de la médecine légale » 118 .
La médecine légale est, et doit demeurer, un violon d’Ingres, une activité à laquelle
l’homme de l’art s’adonne avec conviction, éthique et dévouement, mais qui ne peut en
aucun cas l’enrichir ni même lui permettre de vivre. Ainsi, tous les praticiens qui apportent
leur aide à la justice, fréquemment ou ponctuellement, ont soit un cabinet, soit un poste
dans un hôpital, soit une chaire dans une Faculté 119 .
La communauté scientifique est donc tiraillée face à une situation professionnelle
des médecins experts qui semble insoluble. Malgré la mise en place des listes officielles et
du diplôme spécial de médecine légale, les instances dirigeantes ont encore toute latitude
pour désigner le praticien de leur choix. Ensuite, devenir un professionnel de l’expertise
médicale oblige peu ou prou l’homme de l’art a abandonné une part de son indépendance
intellectuelle et financière. Mais, en réalité, ce qui frustre le plus la communauté médicale
est d’être si radicalement mise à l’écart. La justice ne daigne même pas prendre conseil
auprès de ses représentants les plus honorables, présumés dignes de confiance, pour choisir
les hommes de l’art à qui elle donne presque les pleins pouvoirs en matière d’expertise. Or,
cette négligence représente un danger pour l’ensemble du corps médical. Un seul expert
116
Henry Coutagne, « L’exercice de la médecine judiciaire… », art. cit., p. 45.
117
Ibid.
118
« Discussion du rapport de M. Horteloup… », art. cit., p. 553.
119 e
La situation n’a que peu évolué depuis la fin du XIX siècle. Jean Planques signale, à la fin des années
1950, qu’un nombre limité de médecins consacre toute leur activité aux tâches médico-légales. Les autres ont
une clientèle, un poste de médecin du travail ou enseignent à la Faculté.
Cf. Jean Planques, La médecine légale judiciaire, Paris, PUF, Que sais-je ? n°789, 1959, p. 7.
240

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
incompétent jette l’opprobre sur la profession tout entière. Il est donc de leur responsabilité
d’œuvrer à la sélection des individus les plus aptes à seconder les magistrats, si ce n’est
dans leur combat contre la criminalité, au moins dans la recherche de la vérité.
B) Les “ténors” de l’expertise médico-légale 120
Dans nombre de domaines, artistique, scientifique ou professionnel, des individus
peuvent acquérir un statut particulier au sein de la communauté à laquelle ils appartiennent,
celui d’autorité. La reconnaissance de la place d’autorité, de référence, se manifeste par
l’attribution de qualificatifs élogieux. L’article du Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales use de superlatifs pour présenter Ambroise Tardieu : « le plus éminent
représentant de la médecine légale française » 121 .
Le passage du statut de savant anonyme à celui d’autorité scientifique reconnue et
notoire est un processus qui peut prendre des chemins différents, être plus ou moins rapide.
De plus, la présence des autorités médico-légales nationales se manifeste de multiples
façons dans les affaires criminelles poitevines.
1) Autorité, mode d’emploi
Comment définir une autorité ? Dire d’un individu qu’il fait autorité dans un
secteur d’activité c’est lui conférer une certaine valeur, le considérer comme une référence,
voire comme un modèle, sur des questions précises en la matière. Mais la seule qualité
intellectuelle ne suffit pas pour faire du savant une sommité. Un autre facteur est
nécessaire : la réputation, la notoriété. Simone Clapier-Valladon a étudié le phénomène de
renommée et de notoriété chez les hommes de science 122 . Ses réflexions soulèvent deux
points méthodologiques essentiels. Il est difficile de déceler le facteur qui permet à un
homme de l’art de passer à la postérité en retenant l’attention des historiens :
120 Les réflexions qui suivent ont été, pour une large part, exposées au cours d’une journée d’études organisée
par l’équipe “Conflictuosité” du Groupe d’Etudes et de Recherches Historiques du Centre-Ouest atlantique.
Sandra Menenteau, « Les autorités médico-légales, entre les savoirs et les pratiques de l’autopsie judiciaire »,
Les Cahiers du GERHICO : L’autorité, textes rassemblés par Frédéric Chauvaud, Université de Poitiers,
2004, n°7, pp. 35-48
121 L. Hahn, « Tardieu (Ambroise-Auguste) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1885, 3 ème série, t. 15, p. 746.
122 Simone Clapier-Valladon, « Les modes médicales » in Jean Poirier (sous la dir. de), Histoire des mœurs,
t.1 : Les coordonnées de l’homme et la culture matérielle, sous la dir. de Jean Poirier, Paris, Gallimard, Folio
Histoire, 1990, pp. 775-830.
241

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
« il est difficile de dissocier et d’étudier a posteriori ce qui dans la réputation historique
d’un médecin est dû à sa valeur comme homme de science et thérapeute et ce qui relève du
snobisme, fait psychologique et social, ou du charisme de la personne » 123 .
Et d’ajouter, quelques lignes plus bas, que « le plus souvent l’histoire retient la renommée
de ceux qui influencèrent notablement la science médicale » 124 . Cependant, ce jugement est
effectué a posteriori, en tenant compte de l’évolution et des suites que telle découverte a
pu connaître. Or, il peut exister un décalage notable entre les médecins portés aux nues par
leurs contemporains et ceux consacrés par l’histoire : « chaque pays, chaque période,
connaît ses médecins à la mode qui ne passeront pas tous à la postérité » 125 .
De plus, il peut arriver que la célébrité interfère avec la compétence. Le statut
d’autorité médicale du savant repose alors sur sa seule renommée, sur l’éclat dont il a pu
faire montre dans une situation donnée, sur l’impact et l’écho qui ont pu suivre certains de
ses écrits ou déclarations, mais en aucun cas sur son savoir. Johann Casper se montre
critique à l’encontre des pseudos-spécialistes de médecine légale qui ne pratiquent ladite
discipline que dans les livres. Il est particulièrement virulent contre Adolph Henke « qui
mérite d’être nommé avant tous les autres, à cause de la grande autorité dont ont joui ses
écrits pendant si longtemps, et qui pourtant n’a jamais fait une seule autopsie légale » 126 .
Casper s’élève contre une réputation et une autorité qui se fondent uniquement sur une
production littéraire et un poste prestigieux au sein du corps professoral 127 , et non sur les
connaissances acquises par la pratique de la science médico-judiciaire.
En tenant compte des recommandations qui sous-tendent l’analyse des phénomènes
de notoriété et d’autorité, il convient d’expliciter clairement ce que recèle l’expression
“autorité médico-légale” qu’il s’agit d’étudier à présent. Les autorités médico-légales sont,
en substance, des savants spécialisés dans cette discipline, qui exposent leurs observations
dans des ouvrages ou des périodiques, à qui il est demandé conseil sur un point litigieux de
la science, et qui tranquillisent les pouvoirs publics par leurs compétences infaillibles. La
première étape pour accéder au rang de référence scientifique est d’obtenir la
123
Ibid., p. 784.
124
Ibid., p. 785.
125
Ibid., p. 789.
126
Johann Ludwig Casper, Traité pratique de médecine légale, traduit de l’allemand sous les yeux de l’auteur
par Gustave Germer Baillière, Paris, Germer Baillière, 1862, t. 1, p. XVII.
127
Adolph Henke est titulaire de la chaire de clinique et de médecine légale de la Faculté d’Erlangen à partir
de 1816.
Cf. L. Hahn, « Henke (Adolph-Christ.-Heinr.) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1888, 4 ème série, t. 13, p. 528.
242

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
reconnaissance de ses pairs. Cependant, pour être reconnu il faut en premier lieu être
connu. Pour cela, la méthode la plus efficace est de publier des ouvrages ou des articles
dans lesquels le médecin fait part de ses expériences, de ses réflexions. L’homme de l’art
peut considérer avoir atteint son objectif lorsque ses travaux sont repris et encensés par
d’autres savants. En effet, citation n’est pas approbation. Un auteur peut se référer aux
écrits d’un confrère pour le critiquer et démontrer les erreurs qui ont été commises. En
revanche, l’adhésion est certaine quand il est fait référence à des écrits et expérimentations
pour corroborer une affirmation au cours d’une expertise judiciaire.
Plusieurs motifs peuvent amener un médecin expert à s’appuyer sur les travaux de
tel ou tel auteur. Tout d’abord, l’homme de l’art requis peut se référer à une recherche
particulière car il s’agit de la seule qui ait été effectuée sur le sujet et qu’elle n’ait donc
jamais été remise en question, conférant ainsi à son auteur le statut de référence absolue en
la matière. En janvier 1899, près de Lusignan dans le département de la Vienne le corps
d’un nouveau-né est découvert dans une citerne. Un premier médecin, le Dr Henri Dupin,
examine le corps sur la demande du juge de paix de Lusignan quelques heures après son
retrait de l’eau. Puis, le lendemain, un second médecin, Jules Brossard, réitère l’examen
cadavérique sur demande du juge d’instruction. Pour estimer la durée de submersion, les
deux experts se réfèrent aux recherches d’Alphonse Devergie sur la putréfaction des corps
submergés 128 . Or, Devergie a mené et publié ses expérimentations entre la fin des années
1820 et le début des années 1830, soit soixante-dix ans auparavant 129 . Il pourrait être
objecté que les deux praticiens n’ont pas tenté de trouver de travaux plus récents sur la
putréfaction des noyés. Mais, un dépouillement exhaustif de périodiques, telles les Annales
d’hygiène publique et de médecine légale et les Archives d’anthropologie criminelle, a
démontré que personne ne s’était intéressé au sujet depuis Alphonse Devergie, faisant de
lui l’unique référence scientifique sur la putréfaction des cadavres dans l’eau pendant six
décennies.
A l’inverse, le choix de l’auteur auquel l’expert se réfère peut être influencé par le
hasard de la publication. Un ouvrage récent peut recevoir les faveurs des médecins ; la
128 A.D.V., 2U 1755, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’enfant »,
Rapport de M. le Dr Dupin, le 3 février 1899 et Rapport de M. le Dr Brossard, le 5 février 1899.
129 Alphonse Devergie, « Recherches sur les noyés, comprenant les moyens à l’aide desquels on peut arriver à
déterminer depuis combien de temps un individu a été noyé ; et quelques notions générales sur les
phénomènes de la putréfaction dans l’eau », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Crochard, 1829, t. 2, pp. 160-196.
Alphonse Devergie, « De la valeur des signes indiqués par M. Devergie, comme servant à caractériser les
diverses époques de la submersion. Réponse de M. Devergie aux objections faites à ce travail par M. Orfila »,
Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, pp. 429-457.
243

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
nouveauté est probablement gage, dans leur esprit, d’étude la plus aboutie et prenant en
considération les dernières avancées de la science. L’autorité conférée à l’ouvrage et à son
auteur est en quelque sorte consécutive d’un effet d’annonce et de la publicité qui entoure
sa parution. L’étude sur laquelle l’expert s’appuie est la dernière en date qu’il ait consultée.
En mars 1889, les Drs Jablonski et Brossard, tous deux médecins à Poitiers, sont requis
pour examiner un nouveau-né. Dans leur rapport d’expertise 130 , les deux hommes de l’art
mentionnent le Traité de médecine légale de Legrand du Saulle, dont la nouvelle édition a
été publiée en 1886 131 . Un de leur confrère de Civray est encore plus “à la pointe” de
l’actualité littéraire. Le Dr Périvier est appelé à son tour, en janvier 1901, pour pratiquer
l’autopsie d’un cadavre de nouveau-né retiré d’un puits. Pour renforcer les affirmations, ou
en l’occurrence les doutes, qu’il émet dans les conclusions relatives à la nature du décès,
l’expert cite un extrait de la réédition toute récente du Précis de médecine légale de
Charles Vibert 132 . Quelques mois seulement séparent la publication et la citation, la
nouvelle version de l’ouvrage ayant été éditée en 1900 133 . Les deux exemples ci-dessus
mettent en évidence un facteur pouvant jouer un rôle important dans l’acquisition du statut
d’autorité littéraire : la réédition. Réitérer la publication d’un ouvrage est une preuve de
son succès et de sa qualité, et cela apporte à l’auteur une certaine publicité, voire de la
notoriété 134 .
Le dernier cas de figure de références à des travaux rencontré dans les expertises
médico-judiciaires, se trouve à mi-chemin des deux premiers. Un médecin expert peut
étayer ses propos par des recherches anciennes, parfois couplées avec des études plus
récentes qui les corroborent ou les complètent. L’élément qui procure à de tels travaux la
position de référence, des années plus tard, est la présence de statistiques tirées de
l’expérience pratique de l’auteur. En effet, nombre de savants ont mené des observations
sur un échantillon important d’exemples, ce qui permet d’asseoir leur démonstration sur
des données chiffrées. En février 1889, Georges Pinchaud, médecin à Loudun, conclut que
l’enfant nouveau-né qu’il a examiné est né, si ce n’est à terme, du moins à une époque très
proche. Or, il émet une telle affirmation malgré l’absence d’un début d’ossification au
130 A.D.V., 2U 1734, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’un enfant
nouveau-né ayant vécu », Rapport des Drs Jablonski et Brossard, le 15 mars 1889.
131 Henri Legrand du Saulle, Georges Berryer, Gabriel Pouchet, Traité de médecine légale, de jurisprudence
médicale et de toxicologie, 1 ère éd. 1874, 2 ème éd. refondue, Paris, Delahaye et Lecrosnier, 1886, 1680 p.
132 A.D.V., 2U 1757, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport médical,
le 30 janvier 1901.
133 Charles Vibert, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd. 1885, 5 ème éd. rev. et
corr., Paris, Baillière, 1900, XXIV-920 p.
134 Cf. les remarques sur la littérature médico-légale dans la seconde partie du présent chapitre.
244

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
fémur, indication physique qui permet de juger de la maturité du fœtus depuis des
décennies 135 . L’expert cite, pour attester de la valeur de son argumentation, le résultat des
observations d’Hartmann : sur les 102 nouveau-nés qu’il a examinés, le savant a trouvé le
noyau osseux absent dans 12 cas 136 . La référence aux expériences d’Hartmann est donnée
une dizaine d’années plus tôt, par Alexandre Lacassagne, dans son Précis de médecine
judiciaire 137 . La longévité de la durée de vie d’une étude, à laquelle les autres savants ont
recours, prouve sa valeur scientifique, même si certains émettent quelques critiques ou
nuances.
Un médecin peut donc, grâce à ses recherches et à sa production littéraire, obtenir
une certaine reconnaissance qui se mue, au fil du temps, en véritable autorité. Cependant,
elle est restreinte au milieu médical ou, plus largement, à une communauté d’initiés. La
notoriété d’un homme de l’art peut prendre une tout autre dimension par l’intervention de
la presse. La médiatisation des affaires criminelles confère aux médecins experts impliqués
une certaine notoriété auprès du grand public. Les Orfila, Tardieu, Brouardel, Lacassagne,
Thoinot ont eu l’occasion de participer à des enquêtes et à des procès qui jouissent d’un
retentissement dans les journaux populaires. L’intérêt qui est porté à ces affaires, par les
journalistes et les lecteurs, s’explique soit par la personnalité des protagonistes – victime
comme accusé – , soit par le caractère particulièrement violent ou racoleur du crime, soit
par un facteur extraordinaire lié à l’enquête ou au procès.
En janvier 1840, en Corrèze, Marie Lafarge est accusée d’avoir empoisonné son
mari avec de l’arsenic 138 . Ordinaire au premier abord, l’affaire se transforme en un
affrontement d’experts. Mathieu Orfila est requis par le parquet pour réaliser des analyses
chimiques. Orfila jouit, déjà à l’époque, d’une solide réputation et fait partie des “ténors”
de la médecine légale parisienne depuis les années 1810 : il a été titulaire de la chaire de
médecine légale à la Faculté de Paris de 1819 à 1822, il est doyen de cette même Faculté
135 La paternité de cette constatation est attribuée à Béclard qui l’a décrite en 1819. Il s’agit d’un point osseux
qui apparaît dans le cartilage de l’extrémité inférieure du fémur, dans la dernière quinzaine de la grossesse.
Au moment de la naissance, le noyau d’ossification mesure environ 5 mm de diamètre.
Cf. Amancio de Carvalho, « Docimasie fémuro-épiphysaire », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1905, 4 ème série, t. 5, pp. 64-69.
« Valeur médico-légale du point de Béclard (point d’ossification de l’extrémité inférieure du fémur), par
André Guichard (thèse de Lyon, 1905), 1 vol. in-8 de 84 pages », Revue des livres, Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1906, 4 ème série, t. 6, pp. 190-191.
136 A.D.V., 2U 1734, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et suppression
d’enfant », Rapport d’expertise du Dr Pinchaud, le 9 février 1889.
137 Alexandre Lacassagne, Précis de médecine judiciaire, Paris, Masson, 1878, p. 524.
138 Pour une narration plus détaillée de l’affaire Lafarge, cf. Frédéric Chauvaud, Les experts…, op. cit.,
pp. 196-203.
245

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
depuis 1831 et est considéré comme le fondateur de la toxicologie 139 . Après l’exécution
des analyses, il ne fait aucun doute, selon lui, que la dépouille de Lafarge contient de
l’arsenic en quantité notable. Le poison a donc provoqué le trépas. Un autre chimiste
consulté par la défense, Raspail, s’insurge contre de telles conclusions, arguant que le
corps humain contient naturellement de l’arsenic. La lutte entre l’expert de l’accusation,
Orfila, et celui de la défense, Raspail, rend l’affaire singulière pour la presse ; les journaux
lui accordent une place conséquente dans leurs colonnes, même ceux qui sont publiés dans
des départements voisins. Le Journal de la Vienne y consacre un supplément au moment
du procès 140 . L’affaire Lafarge se conclut par la condamnation de la veuve aux travaux
forcés à perpétuité. Pour Orfila, l’affaire est une victoire totale et le confirme dans sa
position de spécialiste national en matière de poisons. L’affaire Lafarge illustre
parfaitement comment un médecin peut se servir d’un succès de prétoire pour asseoir son
autorité scientifique dans l’opinion publique.
Un autre médecin acquiert une forte reconnaissance nationale, non par ses talents
d’orateur à la barre du tribunal, mais par les compétences qu’il met en œuvre lors de la
résolution de l’énigme médico-légale posée par l’affaire Gouffé 141 . La France entière est
tenue en haleine, pendant un an et demi, par la troublante disparition de l’huissier Gouffé.
Entre le mois d’août 1889 et le mois d’octobre 1890, la presse poitevine relate les
rebondissements de l’affaire, y consacrant au moins un article par semaine. Chaque
élément nouveau, chaque piste nouvelle de ce fait divers, sont repris dans les journaux sur
l’ensemble du territoire. Revenons sur les temps forts de cette affaire. En août 1889,
l’huissier parisien Toussaint Gouffé disparaît. Quelques semaines plus tard, dans les
environs de Lyon, un sac est découvert. Il contient un corps « en état de putréfaction très
avancée et [qui] exhale une odeur nauséabonde » 142 . Les autorités policière et judiciaire
font très vite le rapprochement avec l’huissier disparu dans la capitale. Cependant,
l’identification est rendue impossible par les ravages de la décomposition. Le médecin
chargé de l’expertise ne peut confirmer qu’il s’agit de Gouffé. La dépouille, malgré la
139
A. Chéreau, « Orfila (Mathéo-José-Bonaventure) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1882, 2 ème série, t. 17, pp. 370-374.
Cf. également l’article que lui consacre Frédéric Chauvaud, « “Cet homme si multiple et si divers” : Orfila et
la chimie du crime au XIX e siècle », Sociétés&Représentations : Rémanences des passés, sous la dir. Michel
Pigenet et Danielle Tartakowsky, Paris, ISOR/CREDHESS, octobre 2006, n°22, pp. 173-187.
140
A.D.V., Journal de la Vienne, le 24 septembre 1840.
141
Pierre Darmon a consacré un ouvrage à l’affaire Gouffé : La Malle à Gouffé. Le guet-apens de la
Madeleine, Paris, Denoël, 1988, 256 p.
142
« L’affaire Gouffé. Rapport de M. le Dr Paul Bernard », Notes et observations médico-légales, Archives
de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle.
Législation et droit, Lyon, Storck, 1890, t. 5, p. 654.
246

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
conviction des enquêteurs, reste anonyme et est inhumée dans la fosse commune. La
question reste donc en suspend : le corps est-il celui de l’huissier Gouffé ? Sans une
réponse formelle, l’enquête ne peut aboutir.
A la mi-novembre 1889, le cercueil est exhumé et le corps est transporté au
laboratoire de médecine légale de la Faculté de Lyon 143 . Alexandre Lacassagne, « éminent
professeur à la Faculté de Lyon » 144 , est chargé d’établir l’identité du cadavre retrouvé. Le
séjour en terre a évidemment favorisé la marche inéluctable de la décomposition. L’expert
se focalise alors sur ce qui résiste le plus au temps et à la putréfaction : les os et les
cheveux. Grâce aux témoignages des proches de Gouffé, aux descriptions physiques
transmises, Lacassagne parvient à prouver que la dépouille est bien celle du malheureux
huissier disparu depuis maintenant plus de huit mois 145 . En effet, le squelette présente une
déformation osseuse qui provoque une claudication. Or, Gouffé présentait le même
handicap. La comparaison des cheveux confirme l’identité. Alexandre Lacassagne, jusqu’à
présent simple professeur de médecine légale et expert à Lyon, devient l’homme qui a
permis l’identification de l’huissier Gouffé et la poursuite de l’affaire criminelle la plus
médiatisée des années 1889-1890. En outre, la résolution de l’énigme lui assure la place de
leader national, voire international, de l’anthropologie judiciaire, discipline
complémentaire de la médecine légale qui favorise la reconnaissance des individus grâce
aux ossements.
L’autorité de Lacassagne est, par ailleurs, renforcée par la revue qu’il dirige déjà
depuis trois ans au moment de l’affaire Gouffé et qui, dès lors, lui sert de vitrine pour
exposer ses travaux personnels ou ceux du laboratoire lyonnais d’anthropologie criminelle
et de médecine légale : les Archives d’anthropologie criminelle. Les circonstances mettent
Alexandre Lacassagne, si ce n’est au centre, au moins à la circonférence d’une autre
célèbre affaire d’assassinat, celui du président Sadi Carnot en juin 1894 146 . Le patron de la
médecine légale lyonnaise fait partie de la cohorte d’hommes de l’art chargée d’examiner
les blessures du foie produites par le coup de poignard infligé par l’anarchiste Caserio au
président de la République. Cependant, Lacassagne a probablement été moins mis en avant
cette fois-ci. Premièrement, parce que l’examen post mortem est d’un intérêt presque
143 « L’affaire Gouffé. Rapport de MM. les Dr P. Bernard et Lacassagne », ibid., p. 662.
144 A.D.V., L’Avenir de la Vienne, le 15 novembre 1889.
145 « L’affaire Gouffé. Second rapport sur l’identité du cadavre de Gouffé », Notes et observations médicolégales,
Archives de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire.
Statistique criminelle. Législation et droit, Lyon, Storck, 1890, t. 5, pp. 665-696.
146 Alexandre Lacassagne, « L’assassinat du président Carnot », Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, pp. 513-596.
247

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
secondaire : les médecins qui ont tenté de sauver le président Carnot ont beaucoup plus
d’indications à fournir, l’autopsie n’ayant été que partielle. Ensuite, en raison de son
absence au moment du procès, Lacassagne n’ayant pu être présent pour déposer à cause du
décès de son beau-père 147 .
Les affaires criminelles qui passionnent la presse, et par conséquent le lectorat, en
raison de leur caractère extraordinaire, permettent aux hommes de l’ombre de la médecine
légale d’apparaître en pleine lumière. Leur notoriété dépasse le simple cadre scientifique.
Le grand public reconnaît leur statut d’autorité. Pourtant, les compétences ne suffisent pas,
ou plus exactement ne sont pas une condition sine qua non pour devenir une figure
incontournable de la science. Nombre de savants qui ont œuvré toute leur vie pour faire
avancer la science, sont demeurés d’illustres inconnus, parce qu’ils n’ont jamais eu droit
aux honneurs médiatiques ou parce qu’ils n’ont pu user d’un ingrédient très utile dans la
constitution d’une réputation d’autorité : un réseau de relations dans et hors du monde
scientifique. Le médecin qui a des disciples et des sympathisants au sein de la communauté
savante est assuré de voir ses recherches fréquemment et abondamment citées comme
référence dans les ouvrages de ses partisans. Or, la multiplication des renvois par d’autres
savants, à une étude en particulier ou à un ouvrage en général, accorde à celui qui en est
l’auteur un certain crédit quant à la qualité scientifique de son travail. Le nombre valide la
théorie ou l’expérience.
Un homme isolé a peu de chances d’acquérir une renommée, puis de passer à la
postérité. La notion de maître et de disciple est fondamentale dans le processus
d’acquisition de reconnaissance. Pour le maître, former une légion de disciples signifie
avoir un nombre important de jeunes médecins qui se réfèrent aux préceptes de leur
enseignant et qui font vivre, pendant des années après sa disparition, celui dont ils se
veulent les héritiers. En contrepartie, pour le disciple, il peut être bénéfique d’afficher sa
filiation. Se revendiquer de tel ou tel professeur revient à utiliser la réputation de son
mentor pour asseoir la sienne. Alexandre Lacassagne fait preuve d’une ferveur presque
dévote envers son ancien professeur Gabriel Tourdes. Il se réclame de tous les préceptes
enseignés par le maître strasbourgeois, tente de marcher dans ses traces, en espérant
probablement que la renommée de celui-ci lui serve de blanc-seing dans la communauté
médico-légale 148 .
147 Ibid., p. 584.
148 La question des liens de maîtres à élèves, la mise en place d’une filiation médico-légale entre quelquesuns
des plus illustres représentants de cette discipline, est étudiée dans la seconde partie du présent chapitre.
248

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Avoir des relations au sein du monde scientifique n’est pas le seul moyen de se
faire un nom en médecine légale. Les amitiés ou accointances que l’homme de l’art peut
entretenir hors de la sphère disciplinaire sont tout aussi nécessaires. Alexandre Lacassagne
déplore que « les relations avec un parlementaire [soient] utiles […] pour l’inscription sur
les listes des experts au criminel ou des experts spécialistes » 149 . Il souligne également que
la compétence n’est pas le critère premier retenu par les magistrats lorsqu’ils font appel à
un médecin expert. Il regrette que le choix se porte toujours sur le même homme de l’art
malgré l’établissement des listes officielles d’experts médecins 150 , comme mentionné
précédemment. La relation, proche du clientélisme, qui s’instaure entre le praticien de la
loi et le praticien de l’art de guérir sera analysée de manière plus concrète au cours de ce
chapitre. Pour ce qui est de la question présente, il importe juste de souligner qu’un tel
monopole des expertises judiciaires par un seul médecin lui permet d’acquérir très vite une
forme de célébrité auprès du grand public. Il devient le grand expert auquel la justice se fie.
La renommée d’un médecin repose donc sur un processus qui fait appel à plusieurs
facteurs pouvant agir de concert ou indépendamment, successivement ou en concomitance.
Il importe à présent de constater comment l’autorité d’un savant peut se manifester ou
transparaître à l’occasion des expertises judiciaires réalisées dans les départements des
Deux-Sèvres et de la Vienne.
2) S’en référer aux hautes autorités
Le recours à une haute autorité nationale de la médecine légale peut avoir plusieurs
explications originelles : doute de ses connaissances ou de ses capacités d’analyse, peur de
se tromper et d’être ensuite mis en cause, certitude qu’une expertise et un raisonnement
plus sûrs peuvent être menés par un autre praticien. Mais quelle que soit la motivation,
l’objectif final est toujours le même pour le médecin expert. La référence à une figure
médico-légale doit lui permettre d’asseoir son argumentaire, de justifier sa démarche. Il
existe plusieurs formes de mentions et de recours aux spécialistes de la médecine légale
dans les dossiers d’affaires criminelles consultés 151 : la référence peut être allusive,
nominative, littéraire ou consultative.
149 Alexandre Lacassagne, « Allocution au II e Congrès de médecine légale de langue française (Paris, mai
1912) », sous la présidence d’Alexandre Lacassagne, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine
légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1912, t. 27, p. 666.
150 Ibid., p. 667.
151 Les éventuelles demandes de consultations médico-légales par la défense n’ont pas été prises en
considération, faute de leur mention dans les dossiers de procédure qui ne contiennent que les documents
249

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Lorsque les médecins experts souhaitent légitimer une assertion ou une observation,
ils emploient une des solutions suivantes. D’aucuns, peut-être en proie à une sensation
d’isolement devant la mission confiée, cherchent à alléger la responsabilité qui pèse sur
leurs épaules en se reposant sur la communauté scientifique toute entière. Ils évoquent et
invoquent la « science », les « auteurs », ou dans un ordre plus restreint la « médecine
légale » et les « médecins légistes ». Le Dr Jablonski rappelle sans y insister, telle une
évidence, que « la science enseigne qu’un nouveau-né exposé nu, pendant la nuit, à une
température de cinq à six degrés au-dessous de zéro périt infailliblement » 152 . Un autre
exemple fait mention de références communes, sorte de patrimoine médical. Lors de
l’examen d’un homme présumé empoisonné, et dont la justice a demandé l’exhumation, les
deux médecins de Parthenay requis, Joseph Albert et Louis Ganne, reprennent une
expression employée par « quelques médecins » pour décrire l’aspect des organes génitaux
du défunt : « le scrotum et la verge sont tout à fait desséchés, parcheminés, cette dernière
ressemble assez comme l’ont dit quelques médecins à une peau d’anguille » (illustration
26) 153 . Ce type de référence semble en définitive purement formel, sans réelle récupération
ou assimilation d’une théorie utilisée pour supporter la démonstration de l’expert médecin.
En revanche, d’autres rédacteurs de rapport fournissent des éléments précis quant à
l’auteur auquel ils empruntent une constatation ou les conclusions d’une expérimentation.
Une forte majorité de ces références donnent uniquement le nom du savant auquel est dû
telle affirmation ou tel précepte. Le rapport du Dr Pinchaud, mentionné précédemment,
cite, outre Hartmann et ses constatations d’absence de noyau d’ossification chez des
enfants nés à terme, les réflexions de Casper, Briand et Chaudé, sur la présence du
méconium 154 : « Casper, Briand et Chaudé citent comme signe complémentaire la
présence du méconium dans l’extrémité inférieure de l’intestin, ce que nous avons
trouvé » 155 . Deux confrères deux-sévriens, les Drs Drouhet et Dusouil, font eux allusion
aux « expériences de Magendie » relatives à la mort par suite de l’absorption d’une grande
émis ou reçus par l’accusation. Par une voie détournée, il est apparu que dans une affaire d’empoisonnement
instruite dans les Deux-Sèvres, la défense avait consulté un certain Schutzenberger, préparateur au Collège de
France. Or, le dossier ne contient ni rapport ni lettre de ce savant.
Cf. Auguste Lutaud, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris, Lauwereyns, 1877,
p. 414 et A.D.D.-S., 2U 252, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », mai
1866.
152
A.D.V., 2U 1747, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport de M. le
Dr Jablonski, le 25 mars 1895.
153
A.D.D.-S., 2U 182, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Parricides par empoisonnement
et complicité », Procès-verbal d’exhumation et autopsie cadavérique, le 20 octobre 1842.
154
Le méconium est la matière contenue dans l’intestin du fœtus et qui est expulsée après la naissance.
155
A.D.V., 2U 1734, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et suppression
d’enfant », Rapport d’expertise du Dr Pinchaud, le 9 février 1889.
250

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
quantité d’alcool 156 (illustration 27). Les allusions sous la forme nominale sont les plus
nombreuses dans les rapports d’autopsie. Elles représentent près des trois quarts des
références. Nombre d’experts médicaux se contentent donc de fournir le nom d’un savant,
convaincus que la mention de ce seul patronyme suffit à appuyer leurs allégations.
D’autres, au contraire, préfèrent jouer la prudence et donner précisément l’ouvrage
auquel ils se réfèrent. Ils indiquent alors son titre, voire l’année de publication. Le Dr
Creuzé, appelé pour examiner un enfant et la mère supposée, se trouve devant une question
qu’il a du mal à trancher. La mère prétend avoir accouché pendant son sommeil, sans être
réveillée par les douleurs. Si l’homme de l’art atteste aisément que l’accouchement a pu
avoir lieu sans grande douleur, eu égard aux deux précédentes grossesses et au volume
moyen du fœtus, il demeure extrêmement sceptique quant à la possibilité d’un
accouchement inconscient. Néanmoins, il reconnaît que « Legrand du Saulle dans son
traité de médecine légale » 157 , cite plusieurs faits de cette nature. Citant les mêmes auteur
et ouvrage, les Drs Jablonski et Brossard poussent plus loin la précision, indiquant la page
et l’édition à laquelle ils se réfèrent : « Cependant nous voyons dans le traité de médecine
légale de Legrand du Saulle (édition de 1886, page 299), que ce point d’ossification peut
manquer chez les enfants venus à terme » 158 . En sus d’une bonne assise pour le propos
asséné par l’expert, avoir une référence aussi détaillée permet au lecteur du rapport de
vérifier plus facilement l’information en allant lui-même parfaire ses connaissances en la
matière.
156
A.D.D.-S., 2U 203, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide volontaire », Procèsverbal
médical, le 6 décembre 1849.
157
A.D.V., 2U 1705, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du Dr
Creuzé, le 24 juillet 1878.
158
A.D.V., 2U 1734, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’un enfant
nouveau-né ayant vécu », Rapport des Drs Jablonski et Brossard, le 15 mars 1889.
251

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Source : A.D.D.-S., 2U 182, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Parricides par
empoisonnement et complicité », Procès-verbal d’exhumation et autopsie cadavérique, le 20 octobre 1842.
Illustration 26 : Citation des autorités médico-légales. Référence générique.
252

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Source : A.D.D.-S., 2U 203, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide
volontaire », Procès-verbal médical, le 6 décembre 1849.
Illustration 27 : Citation des autorités médico-légales. Référence nominative.
253

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Enfin, face à la remise en question des conclusions établies à l’issue de leur
examen, il peut arriver que des médecins experts trouvent la force de s’affirmer,
d’affronter les détracteurs ou de convaincre les septiques, dans les mots d’auteurs dont
l’autorité et la compétence ne font aucun doute. En juillet 1897, dans une affaire
d’infanticide, le Dr Périvier, praticien de Civray dans le sud de la Vienne, est confronté à
un cas difficile. Malgré un examen complet et scrupuleux du cadavre, il ne peut affirmer
que l’enfant a été noyé. Devant l’étonnement manifesté par le juge d’instruction, l’expert
est obligé se s’expliquer dans une lettre qui complète et justifie son rapport d’autopsie. Ses
convictions seules ne paraissant pas suffire pour prouver qu’une autopsie peut se conclure
sur un doute, Périvier a recours aux écrits d’une figure de la médecine judiciaire de la fin
du XIX e siècle : Charles Vibert. Il cite un extrait de son Précis de médecine légale, publié
en 1893 :
« Et plus loin le même auteur ajoute : “Il est des cas où malgré l’examen le plus minutieux
de tous les organes, on ne trouve aucune explication anatomique des causes de la mort.
Cela arrive non seulement quand le corps a subi un degré plus ou moins avancé de
putréfaction, mais quelquefois aussi quand le cadavre n’est nullement décomposé.” […]
(page 96. art Mort subite) » 159 .
Lors de la consultation de l’édition, il est apparu que même si certains mots ont été
supprimés ou remplacés par d’autres, la citation est fidèle à ce que Vibert a écrit.
Il est important de noter que les citations exactes d’un passage d’un ouvrage sont
extrêmement rares, et même unique pour le cas présent. La majorité des experts qui
décident d’adjoindre à leurs observations des justificatifs scientifiques se contentent de
nommer une personnalité du monde savant. Or, cet usage démontre que si la seule mention
du nom d’un individu suffit pour confirmer une théorie et une argumentation, cela signifie
que l’individu fait autorité dans la communauté médicale. D’ailleurs, puisqu’il existe des
spécialistes beaucoup plus compétents dans certains domaines, pourquoi ne pas faire
directement appel à eux pour réaliser une expertise quelque peu délicate ?
La consultation de professionnels qui peuvent apporter leurs lumières, dans des
domaines pour lesquels les policiers et les magistrats n’ont aucune compétence, est laissée
au bon vouloir des instances judiciaires. S’il est recommandé, et même inscrit dans la
législation ad hoc, que les experts doivent être choisis dans le ressort du tribunal, les
magistrats conservent la possibilité de confier une expertise à n’importe quel savant, même
159 A.D.V., 2U 1752, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin, le 11 juillet 1897.
254

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
s’il réside à l’autre bout de la France. Ainsi, dès lors qu’une enquête présente des
difficultés en matière d’expertise, il n’est pas rare de voir solliciter l’aide des grands
maîtres de la médecine légale qui, rappelons-le, exercent tous leur talent à Paris, Lyon ou
Strasbourg. En l’occurrence, dans les affaires criminelles et correctionnelles dépouillées
pour la présente étude, les autorités médico-légales consultées résident toutes à Paris.
Le recours à des experts parisiens est toujours motivé par le caractère exceptionnel
de l’affaire : un acte particulièrement violent ou hors des standards criminels habituels, une
difficulté d’expertise singulière, l’échec des premières analyses. C’est la dernière raison
qui oblige le juge d’instruction de Châtellerault à faire pratiquer de nouvelles analyses
chimiques en juillet 1825, celles effectuées par le médecin et le chimiste experts n’ayant
pas permis de mettre en évidence la présence d’arsenic. Le magistrat fait donc parvenir à
son confrère de la Seine, une commission rogatoire dans laquelle il l’enjoint de faire
réaliser les analyses par Orfila. De son propre chef, le magistrat parisien requiert également
le Dr Ollivier (d’Angers) et Baruel, professeur de chimie 160 . Dans cet exemple, il apparaît
que c’est le juge châtelleraudais qui a choisi l’expert principal, Orfila, dont la renommée
commence à s’étendre.
Cependant, les circonstances peuvent parfois contrecarrer les plans des magistrats
qui souhaitent voir l’expertise pratiquée par l’une des figures de la discipline. En 1864, un
autre juge d’instruction de Châtellerault commet Charles Robin pour analyser des
vêtements et des objets, afin de découvrir si les taches qu’ils présentent sont du sang
humain 161 . Robin est en effet titulaire de la chaire d’histologie à la Faculté de médecine de
Paris, depuis 1862, et est un spécialiste de l’anatomie microscopique 162 . Malheureusement,
Charles Robin ne peut répondre à la réquisition ; le juge d’instruction de la Seine fait donc
appel à deux autres experts : Lorain qui est docteur en médecine, et François Zacharie
Roussin, chimiste 163 .
La réquisition pour une expertise peut également ne pas aboutir et prendre la forme
d’un simple avis dont le célèbre savant daigne faire part aux instances requérantes. Une
affaire particulièrement sordide vient troubler la quiétude de l’arrondissement de
Châtellerault, en octobre 1866. Une jeune fille a été violée et tuée. D’après les blessures
160 A.D.V., 2U 548, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre par empoisonnement »,
Ordonnance du Tribunal de Première Instance de la Seine, le 9 août 1825.
161 A.D.V., 2U 1664, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Commission
rogatoire, le 14 décembre 1864.
162 Otto Lorenz, « Robin (Charles) », Catalogue général de la librairie française, Paris, Lorenz, 1877, t. 6,
p. 493.
163 A.D.V., 2U 1664, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Prestation de
serment des experts, le 17 décembre 1864.
255

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
qu’elle présente, les enquêteurs savent que la victime faisait face à son agresseur au
moment où il a frappé ; elle l’a donc vu avant de succomber. Le juge a eu connaissance
d’expériences réalisées aux Etats-Unis sur les yeux. Les savants américains affirment qu’il
est possible de faire apparaître la photographie de la dernière image imprimée dans les
secondes qui précèdent le trépas, sur la rétine. Plein d’espoir, le magistrat demande au Dr
Mascarel, le médecin qu’il a chargé de l’examen cadavérique, de prélever les yeux de la
jeune fille. Le praticien effectue le prélèvement, mais décline la mission expérimentale. Il
suggère alors d’envoyer les organes à Paris, seule ville, selon lui, où cette « expérience
toute nouvelle peut être bien faite » 164 .
Le juge d’instruction envoie donc à Paris les globes oculaires, accompagnés d’une
commission rogatoire dans laquelle il indique les deux experts auxquels ils souhaitent
confier l’expertise : Wurtz, doyen de la Faculté de médecine, et Berthelot, professeur de
chimie organique au Collège de France 165 . Il ajoute, par ailleurs, que le Dr Ambroise
Tardieu, à l’époque patron incontesté de la médecine légale française, peut être consulté
« pour indiquer l’expert ou les experts compétents » 166 . Là réside l’erreur du magistrat si
enthousiaste. Tardieu est en effet requis pour réaliser l’expertise, mais au lieu de pratiquer
les expériences demandées et de les exposer dans un rapport, il se borne à rédiger une lettre
dans laquelle il fait part de son opinion quant à cette théorie. Il n’a pas donné suite à la
réquisition, il n’a même pas rompu les scellés qui ont été apposés sur la boîte renfermant
les yeux, arguant que les expériences américaines ne sont pas concluantes et que cela est
même impossible 167 . En définitive, le recours aux lumières d’un des plus illustres
représentants de la médecine légale, au lieu de l’éclairer, laisse la justice dans l’obscurité.
L’affaire des yeux prélevés souligne, en outre, que si la décision de recourir à une
autorité scientifique appartient au magistrat instructeur, l’homme de l’art peut jouer un
rôle. Au demeurant, l’initiative de la consultation peut émaner de l’expert lui-même. Un
exemple d’homme de l’art prenant conseils auprès d’une autorité scientifique, a ainsi été
trouvé au cours des recherches. Dérouté par l’expertise qui lui est demandée, Pierre
Prosper Malapert, professeur de chimie à l’Ecole préparatoire de médecine de Poitiers, se
tourne vers Orfila. Le 5 février 1845, il se rend dans le cabinet du juge d’instruction de
Poitiers, accompagné de son collègue Charles Iszenard. Le magistrat leur remet une boîte,
164
A.D.V., 2U 1671, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Homicide volontaire et viol »,
Commission rogatoire du juge d’instruction de Châtellerault, le 26 octobre 1866.
165
Ibid.
166
Ibid.
167
Ibid., Lettre d’Ambroise Tardieu au procureur impérial de la Seine, le 28 octobre 1866.
256

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
envoyée par le juge d’instruction de Bressuire, et contenant les cendres prélevées dans un
four où un nouveau-né aurait été incinéré. Devant l’aspect inhabituel et délicat de la tâche,
Malapert préfère consulter la référence en matière de chimie médicale : Mathieu Orfila. Il
lui soumet donc, par courrier, la question qu’il doit résoudre. En réponse, Orfila indique
aux experts le procédé qui doit être suivi dans ce type d’analyses 168 . Il semblerait que l’avis
d’Orfila ait été plus conséquent, bien qu’aucun document du dossier ne l’indique. Une telle
hypothèse peut être avancée grâce à une seconde affaire dans laquelle Malapert est requis
comme expert. Commis en 1860 pour effectuer les mêmes analyses sur des cendres,
l’expert chimiste, à présent professeur de toxicologie à l’Ecole secondaire de médecine,
indique qu’il est chimiquement impossible de distinguer les ossements humains des
ossements animaux. Et pour appuyer son propos, Malapert mentionne qu’il a consulté
Orfila sur le sujet quelques années auparavant, et que ce dernier a affirmé que l’analyse
chimique ne peut fournir un tel renseignement à la justice 169 . Malapert ne s’est donc pas
contenté de suivre une procédure d’analyse pour réaliser l’expertise demandée, il a aussi
adhéré aux conclusions émises par un spécialiste, fort de sa longue expérience.
Les citations d’auteurs et d’ouvrages, les réquisitions de savants éclairés et les
consultations des maîtres incontestés de la discipline médico-légale se pratiquent au sein
des tribunaux poitevins, tant par les médecins experts que par les magistrats. Cependant, il
est nécessaire d’apporter une nuance : cette pratique est exceptionnelle. En additionnant les
références littéraires, les expertises confiées et les avis sollicités 170 , la trentaine est juste
atteinte. Rapporté au nombre total d’affaires, la proportion est très faible, une référence
pour une vingtaine de dossiers. Outre le fait qu’il est compliqué, voire hasardeux, d’établir
une corrélation entre les affirmations et techniques employées lors des examens, et les
préceptes ou enseignements proposés par les autorités savantes, la rareté des références
soulève une interrogation. Pour quelle raison les experts médicaux n’ont-ils pas plus
souvent recours aux sommités de la science ?
Plusieurs explications hypothétiques peuvent être avancées. Il est, tout d’abord,
compréhensible que le médecin qui rédige son rapport d’expertise ne signale pas, pour
168 A.D.D.-S., 2U 191, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Lettre du juge
d’instruction du Tribunal de Première Instance de Poitiers, le 9 février 1845.
169 A.D.V., 2U 1644, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Lettre du juge
d’instruction du Tribunal de Première Instance de Poitiers, le 23 mars 1860.
170 Les pseudo-références, c’est-à-dire l’évocation de la « science », des « auteurs », des « médecins », sont
écartées du recensement. En effet, leur caractère impersonnel et imprécis leur confère un impact relativement
minime et n’implique pas en définitive de véritable figure scientifique. Elles ont plus une fonction rhétorique
qu’une vocation argumentative.
257

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
chaque observation qu’il effectue, la source de sa connaissance. En effet, une grande
majorité de ses connaissances découle de sa formation médicale et constitue son savoir
d’homme de l’art ; il est donc inconcevable qu’il se réfère systématiquement à ses
professeurs. Néanmoins, nombre d’éléments sont spécifiques à la médecine légale et
pourtant leur paternité demeure inconnue. Une inhabituelle simplicité des affaires
criminelles et, par voie de conséquence des expertises médicales demandées, pourrait être
avancée. L’argument n’est en aucun cas crédible, les enquêtes relatives aux
empoisonnements ou aux infanticides, par exemple, étant souvent très complexes à
démêler.
Une trop grande confiance des médecins en leur capacité et la certitude qu’ils
manifestent envers leurs conclusions fourniraient une bonne explication. Mais les
praticiens poitevins, dans une large majorité, font preuve de modestie, connaissent leurs
limites, et n’hésitent pas à faire montre de prudence dans leurs assertions. Le médecin et le
chirurgien, chargés d’examiner le corps d’un nouveau-né découvert dans un étang en août
1835, demeurent circonspects devant la question de la respiration : « vu l’absence de
réunion de signes qui pourraient nous confirmer dans cette opinion nous n’osons
l’affirmer, quoique l’expérience hydrostatique pulmonaire paraisse démontrer que l’enfant
a respiré » 171 . L’occultation de citations et de références à des hommes faisant autorité
relève plus probablement d’une volonté de clarté dans l’exposition des faits et leur analyse.
Les médecins experts semblent vouloir privilégier les éléments qui sont utiles aux
magistrats et ne pas les noyer dans un flot de références littéraires 172 . Ils savent, par
ailleurs, qu’ils auront tout loisir de recourir aux illustres représentants de la médecine
légale lors de leur déposition si leur expertise est critiquée. Il est même permis de se
demander si le nom d’une figure nationale et ses travaux ne constituent pas le joker que le
médecin garde dans sa manche en cas de reproche.
Pour ce qui est des consultations et des expertises confiées, le raisonnement est un
peu différent. Il pourrait être envisagé que les médecins experts, mis en difficulté par un
examen, hésitent à demander l’intervention d’une sommité par peur d’être jugé et qualifié
d’incompétents, tant par les autorités judiciaires que scientifiques. Si cette crainte peut
effectivement jouer un rôle, la raison première réside plus certainement dans la conception
171
A.D.V., 2U 1521, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des
médecins, le 12 août 1835.
172
Sur les préceptes qui régissent la rédaction du rapport, cf. le chapitre 2.
258

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
que les médecins experts ont de leur mission 173 . L’obligation du praticien, à qui une
expertise judiciaire est confiée, doit se borner à remplir la tâche demandée, soit à produire
un rapport. Que son rapport convienne ou non au juge, qu’il satisfasse toutes ses
interrogations, tel n’est pas le souci de l’homme de l’art. Au-delà, toute décision est
dévolue au magistrat instructeur. S’il estime qu’un autre professionnel, plus au fait des
subtilités médico-légales, peut lui fournir les renseignements dont il a besoin, le juge peut
alors requérir un second avis. Pour être exact, il convient de faire remarquer que l’idée
d’une analyse complémentaire effectuée par un spécialiste reconnu est, dans certaines
circonstances, soufflée par le médecin. Mais, confrontés aux recommandations
économiques des instances judiciaires, les procureurs et juges d’instruction sont contraints
ou s’astreignent à limiter les dépenses relatives aux expertises 174 . De plus, par leur retenue,
ils tentent peut-être de ménager la susceptibilité de leurs experts, comme il est indiqué
infra.
La situation n’est pas du goût des intéressés, ceux à qui le titre d’autorité nationale
est attribué. Ils constituent l’élite de la médecine légale, ils y consacrent leur carrière, et
pourtant leurs confrères et les tribunaux ne font jamais appel à leurs lumières en dehors des
juridictions auxquelles ils sont affiliés. Pour certains, il devient nécessaire de renforcer leur
emprise sur la pratique de l’expertise médico-légale.
3) Renforcer son rôle d’autorité
La question de la compétence des experts médicaux est le point central des débats
qui animent le corps médico-légal durant la seconde moitié du XIX e siècle. Pour asseoir
leur argumentaire, certains protagonistes des discussions n’hésitent pas à mettre en cause,
avec plus ou moins de tact, leurs confrères exerçant dans les petites villes et les campagnes
françaises. Alexandre Lacassagne, dans l’avertissement de la première édition de son Vade
mecum du médecin expert, souligne les dysfonctionnements de la réquisition des médecins
experts et notamment l’inexpérience de certains praticiens appelés par la justice :
« d’autres fois, le crime est commis à la campagne, et l’examen ou l’autopsie sont confiés
à un médecin qui est resté des années sans faire la plus petite constatation médico-
173
Cf. le chapitre 4 pour une étude de la conception des médecins vis-à-vis de l’expertise et de leur rôle
d’expert.
174
Cf. le chapitre 4 qui aborde le thème des honoraires des experts médicaux.
259

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
légale » 175 . En revanche, la virulence des propos de Paul Brouardel, dans son rapport sur la
réforme des expertises médico-légales, provoque la réaction de quelques membres de la
Société de médecine légale. Il est tout d’abord reproché à Brouardel d’avoir usé d’erreurs
commises par des médecins experts pour en faire une généralité :
« L’exemple des experts de Versailles, qui prirent des taches de champignons pour des
traces de sang, n’est pas plus heureux. Je pense que les experts auxquels se rapportent ces
lamentables histoires sont des hommes peu consciencieux ; mais comment supposer sans
injustice que de semblables manières de procéder soient celles de la généralité des
experts ! » 176
Ladreit de la Charrière estime que Brouardel est injuste envers la majorité des médecins
experts qui sont consciencieux et ne ménagent pas leurs efforts pour fournir à la justice des
expertises fiables. Masbrenier, quant à lui, met Brouardel en garde :
« La plupart des experts de province sont membres correspondants de notre Société. Ils ont
vu M. Pénard demander, le 13 juin 1870, la révision du tarif des honoraires ; ils suivent
nos discussions avec le plus grand intérêt et ils attendent de vous un appui. Que
trouveront-ils au lieu d’appui, dans le rapport de M. le professeur Brouardel ? la
constatation de leur incompétence et de leur ignorance ? » 177
D’après ce membre de la Société de médecine légale, le rapport de Brouardel pourrait
déclencher une vague de mécontentement au sein de la communauté des médecins experts
semi-professionnels. Or, ils représentent la très grande majorité des praticiens de
l’expertise judiciaire. Dans l’éventualité où une partie d’entre eux seraient vexés et se
sentiraient offensés, ils pourraient alors décider d’abandonner l’activité médico-légale,
voire d’organiser « une sorte de grève de la médecine légale » 178 , ce qui n’améliorerait pas
la popularité des experts médicaux.
Les représentants nationaux de la médecine légale se préoccupent beaucoup de la
question de la crédibilité de leur discipline. Toute mise en cause de l’analyse d’un expert,
toute erreur relevée par la défense, toute question restée sans réponse, en un mot tout
indice de l’incompétence de l’homme de l’art requis, sont autant d’accros à la réputation de
l’expertise médico-légale. Il est donc urgent de mettre en œuvre une procédure qui évitera
qu’un seul médecin incompétent jette l’opprobre sur l’ensemble de la communauté des
experts médico-légaux. Comme il est mentionné précédemment, l’une des solutions
avancées est la création d’un diplôme spécial : « on relèverait considérablement le prestige
175 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, 1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm.,
Lyon, Storck, 1900, p. IX.
176 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises… », art. cit., p. 373.
177 Ibid., p. 380.
178 Ibid.
260

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
de cette corporation si on ne la composait, comme cela a été proposé, que de médecins
ayant fait preuve, par un concours ou un examen, d’aptitudes suffisantes […] » 179 .
D’aucuns suggèrent une autre mesure qui permettrait à la fois d’éviter aux jurés
d’assister à un débat d’experts, de garantir la compétence des expertises demandées par la
justice et d’asseoir un peu plus l’autorité d’un petit groupe de maîtres incontestés de la
médecine légale. Prenant exemple sur le modèle allemand qui possède une activité médico-
légale très réglementée et hiérarchisée, Paul Brouardel expose l’idée de la mise en place de
commissions d’arbitrage pour les litiges relatifs aux expertises judiciaires : « en
Allemagne, lorsque l’avocat conteste les conclusions du rapport, celui-ci est envoyé à une
Commission dite : “Tribunal des superarbitres”, composé de professeurs de
l’Université » 180 . L’instauration de telles commissions, composées des “ténors” de la
science, permet de limiter les scandales expertaux, les constatations et conclusions étant
supervisées par des scientifiques expérimentés : « il est de toute nécessité de faire juger les
questions scientifiques par des hommes dont la position scientifique soit telle que leur
décision fasse loi » 181 . Outre le fait de délester les débats d’assises d’une éventuelle
polémique médico-légale, la présence de commissions de “superexperts” oblige les
médecins requis pour un examen judiciaire à faire preuve de rigueur, de prudence et
d’excellence :
« Sachant que leurs affirmations pourront être déférées à des hommes dont la valeur
scientifique est indiscutable, les experts apporteraient dans la rédaction de leurs rapports
et dans leurs déductions une réserve et une précision qui serviraient les intérêts de la
vérité, ceux de la justice » 182 .
En arrière plan du rôle de contrôle et d’arbitrage que peuvent jouer les
commissions, se trouve l’aspiration à écarter les incompétents, de leur propre chef ou de
manière plus brutale. La menace d’être discrédité par la commission de superarbitres,
l’humiliation de voir son expertise décriée doivent freiner les hommes de l’art qui ne sont
pas sûrs de leurs savoirs en matière de médecine légale. Ils préfèreront décliner la
réquisition plutôt que de risquer leur réputation professionnelle. Quant aux autres,
« éclairées par les avis émanant de cette commission, les Cours d’appel feraient
rapidement disparaître de la liste annuelle des experts, ceux que leurs maîtres auraient
jugés imprudents ou insuffisamment instruits » 183 . L’autorité des membres d’une
179 « Discussion du rapport de M. Horteloup… », art. cit., pp. 549-550.
180 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises… », art. cit., p. 368.
181 Ibid., p. 351.
182 Ibid., p. 352.
183 Ibid.
261

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
commission d’arbitrage des expertises serait prépondérante ; toute assertion avancée par
l’un d’eux ferait office de vérité, sans possibilité de pouvoir en contester la validité, aucune
instance scientifique n’ayant un statut supérieur à celui de la commission des superarbitres.
Si l’idée de la commission d’arbitrage séduit grand nombre de praticiens de la
médecine légale, il est deux points sur lesquels quelques-uns s’interrogent : de qui seraient-
elles composées et combien devraient être instaurées ? Les deux questions sont en réalité
liées. La création d’une seule commission, établie à Paris, est rejetée par certains eu égard
à la charge de travail qui lui incomberait et donc au délai que cela supposerait avant qu’elle
ne soit en mesure de répondre à la sollicitation 184 . Donc, il est préférable de réclamer
l’organisation de plusieurs commissions d’experts arbitres réparties sur l’ensemble du
territoire. Mais, dès lors que plusieurs commissions sont instituées, il peut devenir difficile
de trouver assez d’hommes capables d’en faire partie. Morache pose l’hypothèse d’un
litige opposant deux médecins experts. Pour les départager, un troisième homme de l’art,
choisi lui aussi sur la liste officielle, peut être désigné. Cependant, rien ne garantit que
l’arbitre soit apte à trancher : « il pourra arriver que ce tiers arbitre ait moins de
compétence que les experts qui auront fonctionné […] » 185 .
Les commissions d’experts arbitres constituent, pour les savants qui les composent,
la reconnaissance suprême de leur autorité scientifique assortie d’un statut légal. En
l’occurrence, les sociétés savantes peuvent jouer le rôle de commission de consultation et
d’arbitrage, mais leurs décisions et leur avis ne possèdent aucune valeur autre que
scientifique. La Société de médecine légale est régulièrement mise à contribution, soit par
des médecins, soit par des magistrats, pour apporter des réponses ou formuler un avis
motivé sur divers problèmes médico-légaux rencontrés à l’occasion d’un examen. En 1872,
un médecin de Saint-Geniez-d’Olt, dans l’Aveyron, réclame l’avis de la société sur un fait
qu’il a observé lors d’une affaire d’infanticide : il existe des contradictions dans les
résultats de la docimasie pulmonaire hydrostatique effectuée à quelques heures
d’intervalle 186 . Les commissions d’étude, que la Société de médecine légale compose pour
examiner les divers problèmes et réflexions qui lui sont soumis, préfigurent en quelque
sorte les tribunaux d’arbitres. Si la consultation s’effectue en dehors de toute
réglementation, sur la base du simple recours à un avis extérieur, l’autorité et le prestige
184
Georges Morache, « L’expertise et le choix… », art. cit., p. 351.
185
Ibid.
186
Douillard, « Rapport sur un cas d’infanticide. Docimasie pulmonaire hydrostatique pratiquée après le
séjour prolongé du poumon dans l’eau », Société de médecine légale (séance du 13 novembre 1871), Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1872, 2 ème série, t. 37, pp. 196-207.
262

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
que ces commissions confèrent à leurs membres sont immenses. Preuves en sont les
nombreux textes législatifs relatifs à l’expertise médico-légale qui ont été discutés et
modifiés sur demande de la Société de médecine légale.
La renommée de l’expert a quelque chose de rassurant pour le magistrat. Confier
une expertise médicale à un homme de l’art doté d’une bonne réputation, d’une certaine
notoriété et de la reconnaissance de ses pairs, signifie que la mission sera bien accomplie.
Les magistrats ont eux aussi beaucoup à perdre si l’expertise est mal réalisée ou se révèle
erronée. Des hommes de loi sont même partisans de l’instauration d’experts médicaux
professionnels. Annick Tillier indique deux magistrats qui réclament à leur ministre
« l’institution de médecins jurés » par arrondissement, seule véritable garantie pour
s’assurer la compétence des experts médecins 187 . Or, si les juges déplorent les lacunes des
hommes de l’art dont ils disposent et sont prompts à reconnaître l’autorité dont jouissent
certains savants des grandes villes, pourquoi ne font-ils pas plus souvent appel à eux ? Et
surtout pourquoi les mesures instaurées pour fournir des experts médicaux de meilleure
qualité à la justice n’ont-elles pas été suivies d’effets dans les procédures d’instruction ?
C) Autorités médico-légales locales
1) Territoire, fréquence et longévité
Au XIX e siècle, le corps médical sort de son rôle de simple guérisseur et acquiert
peu à peu le statut d’élite à divers niveaux : social, économique, intellectuel et politique. La
pratique de l’art de guérir devient une activité qui permet de s’assurer des revenus plus ou
moins importants, mais surtout qui procure un certain prestige 188 . Le médecin devient une
personnalité forte du village, presque un notable. En outre, les hommes de l’art élargissent
leur champ d’activités et s’immiscent petit à petit dans les « antichambres du pouvoir » 189 .
Il n’est pas rare que des médecins soient élus maire ou député. D’autres fréquentent les
antichambres de la justice. Ils occupent, par exemple, les fonctions de juge de paix ou
deviennent les interlocuteurs privilégiés des hommes de loi. Il apparaît que, bien avant la
loi de 1893, il existe une forme d’exclusivité des expertises médico-légales. Quelques
médecins sont des experts judiciaires officieux, ce qui, par voie de conséquence, leur
187
Annick Tillier, Des criminelles au village. Femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), préface d’Alain
Corbin, Rennes, PUR, Histoire, 2001, p. 42.
188 e
Christophe Charle, Histoire sociale de la France au XIX siècle, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire,
1991, pp. 219-222.
189
Jacques Léonard, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs. Histoire intellectuelle et politique de la
médecine française au XIX e siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, p. 219.
263

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
confère le statut d’autorité en la matière, sur un territoire plus ou moins vaste. A partir des
dossiers criminels et correctionnels poitevins, il est possible de faire émerger quelques-
unes des figures dominantes locales de l’expertise. Les divers critères pris en compte pour
qualifier un praticien “d’autorité médico-légale” sont la superficie de la zone sur laquelle il
est amené à pratiquer, le nombre d’expertises judiciaires qu’il a réalisé et la durée de son
“règne”, c’est-à-dire l’intervalle temporel entre sa première et sa dernière participation à
une affaire judiciaire en tant qu’expert. Au sein des deux départements étudiés, une
hiérarchie entre les multiples hommes de l’art qui apportent leur concours à la justice se
distingue.
Hormis le praticien qui fait office d’expert exceptionnel, à qui il n’est confié sur
l’ensemble de sa carrière professionnelle, qu’un seul examen post mortem, il existe
principalement deux types de médecins pouvant être qualifiés d’experts officieux. La
distinction repose sur l’étendue de leurs rayons d’action et d’influence. Le premier niveau
de la hiérarchie se situe à l’échelle du canton. Lorsqu’une mort violente ou suspecte
survient dans une localité, le maire ou le juge de paix font souvent appel au même homme
de l’art. Durant les années 1820 190 , la grande majorité des décès équivoques du canton
d’Argenton-Château est soumise au contrôle du Dr François Buanes qui réside dans le
chef-lieu de canton. Sur la douzaine de constats de suicide ou de mort accidentelle pour
laquelle l’avis d’un médecin a été demandé, dix ont été confiés à Buanes 191 . En outre, ce
même praticien a été requis comme expert lors des trois affaires criminelles 192 qui ont eu
pour théâtre le canton d’Argenton-Château pendant la même période. Le rayon d’action de
Buanes a même passé les limites du canton : il est intervenu à La Chapelle-Gaudin, à
l’extrême nord du canton de Saint-Varent, pour examiner une femme ayant succombé
subitement alors qu’elle participait aux moissons 193 . La raison qui peut être avancée pour
expliquer l’hégémonie d’un seul homme de l’art sur les examens post mortem de son
canton, est le nombre fort restreint de praticiens exerçant dans ledit canton durant une
190
Eu égard aux documents conservés aux Archives départementales de Niort, il n’est pas possible d’obtenir
des renseignements sur les décennies suivantes, soit parce que les liasses n’ont pas été conservées, soit parce
les documents qui répertorient les décès accidentels ou volontaires ne contiennent pas d’informations
relatives à un éventuel examen cadavérique.
191
A.D.D.-S., 6M 8, « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de gendarmerie,
correspondance », 1805-1845.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles », an
IX-1895.
192
A.D.D.-S., 2U 103, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », juin 1823.
A.D.D.-S., 2U 114, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », mars 1826.
A.D.D.-S., 2U 138, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », juillet 1832.
193
A.D.D.-S., 6M 8, « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de gendarmerie,
correspondance », 1805-1845.
264

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
époque. Il est vrai que seulement deux autres praticiens domiciliés dans ce canton ont été
identifiés de manière certaine 194 . En revanche, pour certaines villes plus importantes,
l’argument perd de sa pertinence. Pendant trois décennies, entre l’an IX et 1828, Jacques
Audebert, médecin à Thouars, a effectué près d’une trentaine d’examens médicaux relatifs
à des morts violentes ou suspectes, soit les trois quarts des constats réalisés par un médecin
de la commune 195 . En effet, à la même période, Thouars compte au moins une quinzaine de
praticiens de l’art de guérir 196 . En matière de décès prématuré ou violent, Buanes et
Audebert font donc office de spécialistes dans leur canton respectif. Au niveau supérieur
de la hiérarchie des autorités locales se situent les médecins qui expertisent à l’échelle de
l’arrondissement. Louis Lhuillier, docteur en médecine résidant à Montmorillon, participe,
à partir du mitan des années 1880, à près d’une dizaine d’expertises médico-légales 197 , ce
qui représente les deux tiers des affaires. Durant près de trente ans, il est le médecin le plus
souvent requis pour les constats de décès ou les examens cadavériques dans
l’arrondissement de Montmorillon. Les médecins influents à l’échelle de l’arrondissement
allient généralement les deux autres critères qui permettent d’asseoir leur ascendance : la
longévité et, par répercussion, le nombre important d’examens cadavériques confiés à leurs
soins.
194
A.D.D.-S., 6M 5/1, « Médecins, chirurgiens : statistiques, affiches, états nominatifs », 1800-1866.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Registre d’enregistrement de diplômes de
médecins, chirurgiens, officiers de santé et sages-femmes », an IX-1868 et « Tribunal de Première Instance
de Bressuire. Liste des chirurgiens, docteurs en médecine », an XII-1912.
195
A.D.D.-S., 6M 8, « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de gendarmerie,
correspondance », 1805-1845.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles », an
IX-1895.
196
A.D.D.-S., 6M 5/1, « Médecins, chirurgiens : statistiques, affiches, états nominatifs », 1800-1866.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Registre d’enregistrement de diplômes de
médecins, chirurgiens, officiers de santé et sages-femmes », an IX-1868 et « Tribunal de Première Instance
de Bressuire. Liste des chirurgiens, docteurs en médecine », an XII-1912.
197
A.D.V., 4M 296, « Rapports bi-décadaires et procès-verbaux de la gendarmerie », 1899.
A.D.V., 4M 298, « Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des suicides », 1830-1897.
A.D.V., 2U 1736, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », juillet 1890.
A.D.V., 3U 4 / 616, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide »,
novembre 1888.
A.D.V., 3U 4 / 617, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide
involontaire », janvier 1888, et « Homicide par imprudence », mars 1888.
A.D.V., 3U 4 / 629, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Suppression
d’enfant », mai 1898.
A.D.V., 3U 4 / 623, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Avortement et
infanticide », février 1901.
A.D.V., 3U 4 / 636, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Suppression de
part », mars 1905.
A.D.V., 3U 4 / 637, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Coups et blessures
ayant occasionné la mort », janvier 1906.
A.D.V., 3U 4 / 642, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide par
imprudence », juillet 1911.
265

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Avant toute chose, il convient de définir à partir de quel chiffre un médecin peut
être regardé comme ayant pratiqué beaucoup d’examens post mortem. En prenant comme
élément comparatif les médecins qui officient à Paris, notamment s’ils sont attachés à la
Morgue, le nombre d’autopsies effectuées en Poitou est dérisoire. Brouardel donne les
statistiques des autopsies réalisées à la Morgue de Paris chaque année, entre 1879 et 1882 :
les chiffres oscillent entre 222 et 357 examens par an 198 . En Poitou, il y a en moyenne, par
an et par département, un à deux crimes nécessitant un examen cadavérique. Il est donc
impossible pour les hommes de l’art poitevins d’espérer rivaliser avec les records de leurs
confrères parisiens. Néanmoins, les suicides et morts accidentelles, décès tout aussi
suspects pouvant donné lieu à un examen médical, peuvent accroître considérablement le
nombre d’expertises médico-légales. En effet, les visites de cadavres relatives à des
suicides ou des accidents peuvent atteindre la demi-douzaine, au cours d’un semestre, pour
un seul arrondissement. Malgré tout, les résultats les plus élevés, dans les deux
départements, ne comptent que quelques dizaines d’examens cadavériques répartis sur
plusieurs décennies.
Les maîtres poitevins ont à leur actif entre 20 et 30 examens cadavériques pratiqués
sur demande judiciaire. Dans le département de la Vienne, le médecin qui a pratiqué les
plus d’autopsies est Félix Ducellier. Entre 1852 et 1885, ce praticien de Montmorillon a été
présent comme expert sur 30 affaires criminelles et correctionnelles, ce qui représente en
moyenne une affaire par an. Il est suivi par un homme de l’art de Châtellerault qui totalise
près de 20 expertises, mais avec une fréquence bien inférieure. En effet, Hilaire Lerpinière
a apporté son aide à la justice durant plus de quarante années, entre 1816 et 1862. Quant à
leurs confrères des Deux-Sèvres, Philibert Dusouil, qui réside à Melle, a effectué des
expertises médico-légales dans 24 enquêtes, pendant plus de quatre décennies, de 1835 à
1880 ; Louis Ganne a été médecin expert entre 1839 et 1877, et a participé à 23 affaires
criminelles de l’arrondissement de Parthenay. Bien plus que le nombre d’examens
effectués, ce qui installe un médecin dans le rôle d’autorité médico-légale est la durée de
son “règne”. Faire appel au même professionnel, de manière presque systématique,
pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies, est révélateur du poids que celui-ci
peut avoir dans la sphère judiciaire.
198 Paul Brouardel, « De l’organisation et de la pratique de la médecine légale en France », Société de
médecine légale de France (séance du 14 janvier 1884), Annales d’hygiène publique et de médecine légale,
Paris, Baillière, 1884, 3 ème série, t. 11, pp. 172-173.
266

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
D’autres cas de figures peuvent aussi se présenter parmi les praticiens qui
s’imposent dans la pratique médico-judiciaire. La longévité et la fréquence des réquisitions
ne sont pas toujours associées. Georges Aucher, médecin à Poitiers, apparaît comme expert
à 12 occasions, mais sur une période qui ne représente pas une décennie, de 1874 à 1883. A
contrario, Pierre François Isidore Jaurand, domicilié à Airvault dans les Deux-Sèvres,
apparaît la première fois, dans les dossiers de procédure, en 1837, et la dernière fois en
1872, mais n’a été requis, pendant ces trente-cinq années, que 8 fois. Dans les deux cas
présents, l’explication peut être la même : la taille de la ville et le nombre de praticiens qui
y exercent l’art de guérir. Dans les villes avec une population importante, comme une
préfecture, le nombre de médecins est élevé, ce qui laisse aux magistrats un grand choix
d’experts qu’ils peuvent alterner. En revanche, dans les villes de taille réduite, peu de
médecins sont disponibles sur place pour répondre aux réquisitions qui sont, en
l’occurrence, très dispersées dans le temps.
De tels exemples de longévité dans l’expertise médico-légale illustrent le
phénomène de « sédentarisation des fonctions » 199 décrit par Frédéric Chauvaud. Il semble
que dans certains cas la sédentarisation soit transmissible comme un héritage, au point
qu’apparaissent des dynasties de médecins experts. Il existe plusieurs exemples, dans les
dossiers de procédures du Poitou, d’un fils qui succède à son père en tant qu’expert
médical de référence dans une localité ou une région donnée. Pierre Clément Gilles de la
Tourette, chirurgien à Roiffé, petite commune située à l’extrême nord de la Vienne, puis à
Loudun, est requis un couple de fois comme médecin expert 200 . Son fils, Jacques Pierre, est
à son tour appelé par les magistrats du tribunal de Loudun pour effectuer plusieurs
expertises 201 . D’autres exemples de filiation entre experts médicaux sont fortement
soupçonnés, mais non confirmés par l’état civil : Pierre et Samuel Doucet, nés
respectivement en 1771 et 1791, tous deux domiciliés à Loudun, semblent être père et fils.
Même chose pour André et Philibert Dusouil, nés l’un et l’autre à Clussais dans le sud-est
des Deux-Sèvres et exerçant ensuite à Melle. Tout se passe comme si les autorités
199 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., pp. 116-123.
200 A.D.V., 2U 537, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat avec préméditation et
vol », février 1816, et 2U 1510, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », janvier
1832.
201 La parenté entre les deux médecins experts a été confirmée par les registres paroissiaux de baptêmes :
« L’an mil sept cent quatrevingt (sic) douze le sept d’avril Jacques Pierre né du jour du légitime mariage du
sieur Pierre Clément Gilles de la Tourette maître en chirurgie et de demoiselle Rose Françoise Baillou a été
baptisé […] ».
A.D.V., « Commune de Roiffé. Registre des baptêmes, mariages, sépultures », Paroisse de Saint-Martin,
1792.
267

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
municipale et judiciaire estimaient que la compétence en matière d’expertises pouvait être
héréditaire, ou du moins que la proximité d’un praticien régulièrement requis avait permis
au jeune médecin d’acquérir le savoir nécessaire. La médecine légale est alors une activité
qui se transmet de père en fils, comme n’importe quel métier.
Il est tout à fait admissible que les expertises judiciaires confiées à leur parent ont
pu donner l’opportunité à de jeunes docteurs tout juste diplômés, voire encore étudiants, de
participer en tant qu’observateur ou aide, à des constats de décès et à des examens post
mortem. Malheureusement, leur présence est indétectable dans le dossier de procédure, les
témoins officieux et autres curieux qui assistent à l’examen n’étant mentionnés qu’à de
rares occasions. Le 27 novembre 1822, la dépouille d’un nouveau-né est découverte dans
un jardin de la commune de Saint-Généroux, dans les Deux-Sèvres. A défaut de médecin
ou de chirurgien disponible 202 , le juge de paix du canton d’Airvault se voit contraint de
requérir deux officiers de santé, Louis Joseph et Louis Victor Roi, respectivement père et
fils 203 . Or, le fils n’est certifié que depuis le 18 octobre, soit un peu plus d’un mois 204 . Il se
peut donc que la réquisition de Louis Victor Roi soit opportuniste et circonstancielle ; sa
présence dans le voisinage immédiat du lieu du drame a incité le juge de paix à le requérir
également. Si un officier de police judiciaire a côtoyé un jeune praticien lors d’une
expertise confiée aux soins de son médecin de père, il est compréhensible qu’il se tourne
vers lui, quelques années plus tard, pour effectuer une nouvelle autopsie. Dans ce cas, la
renommée dépasse le cadre de l’individu et s’étend à la famille.
Telle l’hydre, une figure d’autorité dans une région peut être constitué de plusieurs
visages. Il existe des “binômes” d’experts médicaux, c’est-à-dire des médecins qui sont à
plusieurs reprises requis ensemble pour réaliser la mission confiée par la justice. Ainsi, sur
les 17 affaires auxquelles Delphin Bonnet, médecin à Poitiers, participe entre 1852 et 1870,
il collabore 6 fois avec Romuald Brossard 205 , 4 fois avec Arsène Orillard 206 et 3 fois avec
202 A.D.D.-S., 2U 101, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Lettre du juge de
paix au procureur du roi, le 27 novembre 1822.
203 Ibid., Procès-verbal de M. le juge de paix d’Airvault, le 27 novembre 1822.
204 A.D.D.-S., 5M 5, « Jury médical, Docteurs en médecine, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes,
visites pharmaceutiques », 1818-1836.
205 A.D.V., 2U 1621, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort », juin 1854.
A.D.V., 2U 1622, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », juin 1854.
A.D.V., 2U 1654, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol », mai 1862.
A.D.V., 2U 1656, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », janvier 1863.
A.D.V., 2U 1657, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », février 1863.
A.D.V., 2U 1668, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol », mars 1862.
206 A.D.V., 2U 1622, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », mai 1854.
A.D.V., 2U 1638, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », janvier 1858.
268

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Stéphane de Morineau 207 . Les Drs Ganne et Albert, médecins à Parthenay, collaborent,
quant à eux, à trois reprises 208 . Cependant, la majorité des collaborations sont uniques et
font cohabiter le médecin de la localité avec l’expert requis par le magistrat instructeur, qui
est généralement un praticien installé au chef-lieu d’arrondissement. La procédure est
relativement courante, ainsi qu’il est expliqué infra. En mai 1884, le Dr Ferdinand
Bernard, médecin à Persac, est requis par le juge de paix de Lussac-les-Châteaux pour
examiner le corps d’un nouveau-né découvert dans un étang. L’homme de l’art s’exécute et
transmet ses conclusions oralement à l’officier de police judiciaire 209 . Le lendemain, après
l’arrivée du juge d’instruction de Montmorillon, le médecin est à nouveau requis pour
réaliser un nouvel examen avec l’expert convié par le magistrat, Félix Ducellier 210 . Les
deux hommes ne collaboreront jamais de nouveau dans la réalisation d’un examen
cadavérique. En définitive, il apparaît que le lieu de résidence de l’homme de l’art joue un
rôle prépondérant dans son acquisition du statut de référence médico-légale, mais il n’en
est pas le seul facteur. Plusieurs chemins mènent à la renommée locale.
2) Les divers profils des autorités médico-légales locales
Il n’existe pas un modèle à suivre pour devenir une autorité médico-légale. Chaque
figure poitevine de la médecine judiciaire a suivi un cheminement qui lui être propre.
Malgré tout, il est possible de dégager certaines constantes qui constituent une typologie
des divers processus érigeant des praticiens ordinaires au rang de sommités locales.
Certains médecins obtiennent la reconnaissance à la force du poignet. Ils ont pu être
requis une première fois, par hasard ou par nécessité, et apporter toute satisfaction aux
magistrats au point que ces derniers ont décidé de refaire appel à eux. Leur autorité
scientifique leur est conférée par la pratique et l’expérience qu’ils ont accumulées au fil des
expertises et des années. Une affaire, bien que ne comportant pas d’expertise relative à un
A.D.V., 2U 1647, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », juillet 1861.
A.D.V., 2U 1668, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol », mars 1862.
207 A.D.V., 2U 1609, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups portés sans intention de
donner la mort et qui l’ont cependant occasionnés », février 1852.
A.D.V., 2U 1609, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », février 1852.
A.D.V., 2U 1613, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », novembre 1852.
208 A.D.D.-S., 2U 172, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », novembre 1839.
A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », février 1841.
A.D.D.-S., 2U 182, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Parricides par empoisonnement et
complicité », octobre 1842.
209 A.D.V., 2U 1724, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’enfant »,
Procès-verbal d’information, le 13 mai 1884.
210 Ibid., Constat des lieux, le 14 mai 1884.
269

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
décès, souligne le respect et la confiance que la justice a vis-à-vis de Firmin Barrion, en
matière de médecine légale. Lors de l’instruction d’une affaire de viol, en septembre 1874,
les magistrats sont confrontés à un désaccord entre les deux médecins appelés
successivement à visiter la fillette de 12 ans. Pour trancher entre les expertises
contradictoires, le procureur décide de requérir le Dr Barrion, médecin exerçant à
Bressuire, « dont la grande expérience en matière de médecine légale a souvent été
appréciée par le tribunal » 211 . En effet, depuis 1834, ce praticien a régulièrement été
appelé pour apporter ses lumières à la justice bressuiraise, participant à une quinzaine de
procédures d’instruction, pour ce qui est uniquement des crimes de sang.
Vient ensuite la catégorie des médecins dont l’autorité est conférée par la situation
élevée qu’ils occupent au sein de la communauté médicale locale. Dans le Poitou, l’Ecole
de médecine de Poitiers est la seule institution de référence en la matière. Les professeurs
qui y enseignent sont donc auréolés d’un certain prestige intellectuel qui exhorte les
autorités judiciaires à les requérir avant tout autre homme de l’art. Tout au long de la
période, plusieurs enseignants de l’Ecole de Poitiers ont donc été choisis, à de nombreuses
occasions, pour pratiquer des examens post mortem. Les disciplines privilégiées sont, en
toute logique, l’anatomie et la pathologie interne. Les professeurs d’anatomie Claude
Barrilleau, Samuel Chédevergne et Arsène Orillard, le professeur de pathologie interne
Romuald Brossard et le professeur de pathologie médicale Jules Brossard 212 , ont tous
assisté la justice à de multiples reprises. Leur statut d’enseignant est signe de compétence
pour les hommes de loi qui n’hésitent pas à afficher leur confiance en leurs connaissances
et aptitudes. Le juge d’instruction de Poitiers ne tarit pas d’éloges à l’égard d’Arsène
Orillard : il « possède mieux que personne des connaissances très étendues dans cette
science [anatomie] » 213 . Quelques-uns sont même au sommet de la hiérarchie médicale de
la région en occupant le poste de directeur de l’Ecole de médecine de Poitiers : Claude
Barrilleau occupe cette fonction entre 1833 et 1864 ; il est ensuite remplacé par Arsène
Orillard qui demeure à ce poste de 1864 à 1879 ; enfin, Samuel Chédevergne, après le
mandat de Joseph Guérineau, occupe la fonction à son tour à partir de 1882 214 .
211 A.D.D.-S., 2U 274, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Viol », Lettre du procureur de la
République au procureur général, le 30 septembre 1874.
212 P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers (1432-1932). Passé et présent,
Poitiers, Imprimerie moderne, Nicolas, Penault et Compagnie, 1932, p. 347, p. 350 et pp. 513-514.
213 A.D.V., 2U 1644, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Lettre du juge
d’instruction du Tribunal de Première Instance de Poitiers, le 23 mars 1860.
214 P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers…, op. cit., p. 347, p. 350 et p. 514.
270

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Pour autant, être chargé de l’enseignement des professionnels de la médecine ne
garantit pas toujours une quelconque prérogative en matière d’expertises judiciaires.
Certains professeurs n’ont jamais été appelés par la justice pour pratiquer une autopsie.
Jules Delaunay, professeur de physiologie 215 , n’apparaît pas dans les dossiers consultés ; de
même qu’Eugène Faivre, professeur de clinique médicale 216 . La raison de leur éviction des
affaires judiciaires réside probablement dans la nature de la discipline qu’ils enseignent.
Néanmoins, il est étonnant que Faivre en soit écarté dans la mesure où il est chargé, à partir
de 1900, de l’instruction médico-légale des étudiants de la Faculté de droit 217 . Faut-il y voir
une tromperie archivistique ? Le corpus disponible dans le département de la Vienne
s’achevant en janvier 1901, il est permis de le penser. En toute logique, les praticiens qui
ont instauré un lien direct avec la science médico-légale ne sont pas exclus des expertises.
Pierre Médard Autellet, médecin à Civray, fait office d’expert dans plusieurs instructions
qui se déroulent du mitan des années 1860 à la fin des années 1870. Or, il est
correspondant national pour la Société de médecine légale de France 218 . Il faut néanmoins
reconnaître que peu d’hommes de l’art poitevins possèdent des accointances avec
l’organisation de référence en matière de médecine légale 219 .
En revanche, nombre d’entre eux occupent des postes stratégiques 220 au sein de la
communauté médicale, postes qui leur offrent l’opportunité d’apparaître sur le devant de la
scène médicale publique : être chef de service dans un hôpital, occuper la fonction de
médecin des épidémies de son arrondissement, faire partie du Comité de vaccine, surveiller
l’état de santé des fonctionnaires et des employés des administrations en tant que médecin
assermenté auprès d’un arrondissement, être médecin d’un bureau de bienfaisance ou
siéger à la commission administrative dudit bureau. Un nombre non négligeable de
médecins cumulent les fonctions et assoient ainsi leur renommée et leur influence, tant sur
le plan médical que publique. Philibert Dusouil, mentionné à plusieurs occasions, est
médecin des épidémies de l’arrondissement de Melle, de 1826 à 1875, et médecin
assermenté du même arrondissement, de 1855 à 1883 221 . Félix Ducellier, figure médicale
215 Ibid., p. 515.
216 Ibid.
217 Ibid.
218 A.D.V., 2U 1695, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », août 1875.
219 Frédéric Chauvaud relève, pour l’année 1890, quatre correspondants nationaux installés en Poitou. Au
regard des autres régions, le Poitou n’est pas le moins dépourvu de liens humains avec la Société de
médecine légale de France. Ainsi qu’il a déjà été souligné, la limitation du nombre de correspondants est
d’ailleurs une volonté manifeste de cette Société.
Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., pp. 123-127.
220 Jacques Léonard, La médecine entre les savoirs…, op. cit., p. 87.
221 A.D.D.-S., 6M 7, « Médecins assermentés : correspondance », 1836-1973.
271

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
du montmorillonnais, est médecin titulaire de l’hospice de Montmorillon 222 , à partir de la
fin des années 1860, et membre de la commission administrative du bureau de bienfaisance
de la même commune, dès 1857 223 .
Certains praticiens de l’art de guérir franchissent même un palier supplémentaire.
Leur implication au sein de la communauté dépasse le simple cadre de la santé. Ils
prennent alors des responsabilités administratives un niveau de leur municipalité ou de la
justice de paix de leur canton. En tant qu’officier de police judiciaire, ils sont habilités à
requérir des médecins pour constater des décès suspects. Il est donc compréhensible qu’ils
s’auto-désignent pour pratiquer l’examen cadavérique. En mai 1834, René Berthelot,
officier de santé et maire de Faye-l’Abbesse, une petite commune du nord Deux-Sèvres, se
rend auprès d’une femme pour lui apporter des soins. Soupçonnant une grossesse, il
l’examine et constate l’accouchement. Il l’interroge sur son enfant, mais la femme nie. En
sa qualité de maire, il fait alors procéder à des recherches qui aboutissent à la découverte
du corps d’un nouveau-né dans une douve. La dépouille est retirée de l’eau par un garde-
champêtre. Fort de son titre d’officier de santé, il réalise un examen cadavérique, limitant
tout de même son exploration à l’extérieur 224 . Quant à Vincent Mihau, il cumule la
fonction de juge de paix du canton de Sauves, au nord-ouest de la Vienne, à son activité
d’officier de santé. Lorsqu’il est prévenu, en nivôse an IV, qu’un assassinat a été commis,
il cherche d’abord à requérir un confrère, mais faute de pouvoir en trouver un de
disponible, il décide de réaliser lui-même l’expertise médicale 225 .
Parmi les quelques professionnels de l’art de guérir qui occupent des fonctions
municipales, deux figures se distinguent plus particulièrement : Arsène Orillard et Louis
Ganne. Le premier, présent à plusieurs reprises en tant qu’expert dans les affaires
criminelles de Poitiers, entre la fin des années 1830 et le début des années 1860, est par
ailleurs maire de cette ville durant les années 1840-1850 226 . Puis, quelques années plus
tard, il faut le rappeler, il devient directeur de l’Ecole de médecine. Une situation assez
similaire est présente dans le département voisin, en la personne de Louis Ganne. Médecin
222 A.D.V., 1X 68, « Hôpital-hospice de Montmorillon. Commission administrative : correspondance,
nomination des membres », an X-1879.
223 A.D.V., 2X 35, « Bureau de bienfaisance de Montmorillon. Commission administrative : membres »,
1817-1879.
224 A.D.D.-S., 2U 142, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Lettre du maire de
Faye-l’Abbesse au procureur du roi, le 24 mai 1834.
225 A.D.V., L Supplément 404, « Dossiers de procédures criminelles. Assassinat », Procès-verbal de délit, le 8
nivôse an IV.
226 R. Brothier de Rollière, Nouveau guide du voyageur à Poitiers et histoire des rues de Poitiers du I er au
XX e siècle, Poitiers, Le Bouquiniste, 1974, pp. 36-37.
272

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
le plus souvent requis pour réaliser des examens post mortem dans l’arrondissement de
Parthenay, entre 1840 et la fin des années 1870, il sera maire de la sous-préfecture des
Deux-Sèvres à deux reprises, une première fois de 1864 à 1874, puis une seconde de 1876
à 1886 227 . En outre, ses aspirations politiques dépassent le cadre municipal puisqu’il est élu
député en 1877 et 1881 228 . Il est à noter que tous deux possèdent, dans leur municipalité
respective, une rue baptisée à leur nom.
L’implication des hommes de l’art dans des organismes et des administrations, à
caractère médical ou non, leur permet de se créer un réseau de relations bénéfique à
l’instauration de leur influence et de leur autorité. En effet, de telles structures leur offrent
l’occasion de côtoyer maires, conseillers municipaux, juges de paix, tous officiers de
police judiciaire, voire des magistrats. Les commissions administratives des bureaux de
bienfaisance et les hôpitaux sont des lieux propices à ce type de cohabitation. Edouard
Haward, juge d’instruction au tribunal de Loudun, fait partie de la commission
administrative de l’hôpital de cette commune 229 . Il y siège du milieu des années 1810 au
milieu des années 1840. A la même période, Pierre et Samuel Doucet travaillent comme
médecins dans l’hôpital 230 . Or, il a déjà été mentionné les fréquents concours que tous deux
ont apportés à l’autorité judiciaire de leur arrondissement. Il est possible de retrouver dans
les dossiers d’assises des exemples de réquisition des deux praticiens par Haward 231 . Félix
Ducellier qui fait partie de la commission administrative du bureau de bienfaisance de
Montmorillon, comme mentionné précédemment, y côtoie Adrien Duchastenier, juge
d’instruction de cette ville 232 . Or, ils collaborent également sur plusieurs affaires
criminelles durant près d’une décennie, entre 1873 et 1882.
Les médecins qui collaborent et fréquentent des représentants des autorités
municipale et judiciaire instaurent avec ces derniers un lien de nature professionnelle, et
peut-être même amicale. Or, une telle promiscuité entre deux univers, il est vrai co-
227 Maurice Poignat, Le Pays de Gâtine. Histoire des communes des Deux-Sèvres : Parthenay. Saint-Loupsur-Thouet,
Poitiers, Michel Fontaine, 2003, p. 71.
228 Ibid.
229 A.D.V., 1X 43, « Hospice et hôpital de Loudun. Commission administrative : correspondance et
nomination des membres », 1818-1879.
A.D.V., 3Z 184, « Renouvellement annuel de la commission administrative de l’hospice et du bureau de
bienfaisance de Loudun », 1817-1903.
230 A.D.V., 1X 43, « Hospice et hôpital de Loudun. Personnel : état du personnel (1813-1939), médecins
(1820-1916) ».
231 A.D.V., 2U 538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat avec préméditation et
vol », mai 1816.
A.D.V., 2U 1537, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », janvier 1838.
232 A.D.V., 2X 35, « Bureau de bienfaisance de Montmorillon. Commission administrative : membres »,
1817-1879.
273

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
dépendants, mais dont les frontières doivent rester bien délimités, peut quelque peu
modifier les rapports requérant/requis. La connivence entre l’homme de loi et l’homme de
l’art, se rapprochant parfois d’une forme de clientélisme, est vivement dénoncée. Il est
reproché aux représentants de la justice de requérir non pas le meilleur expert possible,
praticien compétent et diplômé, mais le médecin qu’ils connaissent. Certains propos,
forçant un peu le trait, témoignent de la volonté de dénoncer de tels comportements et de
l’amertume de ceux qui s’estiment flouer. Les juges de paix sont critiqués et accusés de
choisir leurs experts médicaux « parmi les médecins avec qui ils jouent à la manille, à
l’heure du vermouth » 233 . La collusion entre médecins et magistrats apparaît encore plus
nettement avec la loi de novembre 1893 qui instaurent les listes officielles d’experts. En
l’occurrence, les difficultés de la mise en pratique de cette loi fait apparaître, dans certaines
localités, des autorités médico-légales inamovibles.
3) Une autorité inamovible
Les liens que tissent fonctionnaires de justice et professionnels de santé sont
regardés, par les premiers, comme un moyen de garder un certain ascendant sur les
seconds, de maintenir un contrôle plus ou moins voilé sur les hommes de l’art qu’ils
choisissent. En contrepartie, de tels rapports privent les magistrats d’une complète liberté
de pouvoir recourir au savant qu’ils estiment plus à même de pratiquer l’expertise. Ils se
trouvent alors enfermés dans une sphère médico-judiciaire définie et presque immuable. En
effet, en s’attachant les services d’un unique homme de l’art, le juge d’instruction, le
procureur ou le maire, devient dépendant de lui. Il doit donc maintenir une parfaite entente
avec son expert particulier, sous peine d’être complètement démuni si celui-ci, pour une
raison ou une autre, était froissé et refusait dorénavant de répondre aux réquisitions.
Cette situation pourrait alors expliquer le peu de consultations d’experts médicaux
extérieurs. Le petit nombre d’analyses confiées à des médecins parisiens a déjà été
souligné. Si la distance peut être un frein, il devient alors difficile de justifier l’absence de
recours aux praticiens de Bordeaux. En effet, à partir de 1874, une Faculté de médecine,
pourvue d’une chaire de médecine légale, y est instaurée. Or, à aucun moment, entre 1875
et 1915, les magistrats poitevins n’ont fait appel aux services des professionnels bordelais,
dans les affaires de morts suspectes ou violentes qu’ils ont traitées. Pourtant proches
233 « L’inscription des experts médicaux sur les listes des tribunaux », III e Congrès de médecine légale de
langue française (Paris, 26-28 mai 1913), sous la présidence de Charles Vibert, Archives d’anthropologie
criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1913, t. 28, p. 515.
274

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
géographiquement, les savants de Poitiers ne sont, qu’à de très rares occasions, consultés
par la justice deux-sévrienne 234 . La circonspection dont fait montre le procureur du roi de
Parthenay, l’argumentation qu’il utilise pour justifier le recours à des médecins de Paris,
illustrent la position ambiguë de la justice. Il rappelle, en premier lieu, que les médecins
appelés ont « fait preuve de toutes les lumières désirables », puis indique qu’il n’existe pas
à Parthenay de « réactifs suffisants, d’appareils assez complets », pour réaliser les analyses
nécessaires 235 . La responsabilité incombe donc au matériel et non aux hommes. Aucune
susceptibilité ne peut être heurtée.
Une telle prévenance vis-à-
vis du corps médical se manifeste
aussi dans l’adjonction très fréquente
de l’homme de l’art qui a fait les
premières constatations, à l’expert
mandaté par le juge d’instruction 236 .
Le graphique ci-dessous (tableau 32,
cf. annexe 13) représente les
collaborations entre le médecin de la
localité qui a effectué le premier
constat et le médecin envoyé par le
parquet : l’adjonction du premier
médecin expert est faite dans 50 à
60% des cas, selon le département.
Si en termes scientifiques la
Graphique 49 : Répartition des collaborations
entre le premier médecin requis et le médecin
envoyé par le parquet, dans les affaires
criminelles poitevines (1795-1915).
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
collaboration se justifie, le premier expert ayant pu constater des éléments importants qui
peuvent se modifier, voire disparaître au fil des heures, le souci de ménager la sensibilité
de ce médecin n’est pas légitime. Dans l’éventualité où le médecin requis par le parquet
« croit devoir demander que le médecin déjà requis continue à opérer avec lui, il doit
s’appuyer surtout sur l’utile concours qu’il trouvera dans le médecin qui a fait les
premières constatations et non sur la nécessité de ménager des susceptibilités que la loi
n’a pas à connaître » 237 .
234 Parmi les affaires consultées dans le ressort de la cour d’appel de Niort, une seule mentionne le recours à
des hommes de l’art domiciliés à Poitiers, en l’occurrence des experts chimistes.
A.D.D.-S., 2U 191, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », janvier 1845.
235 A.D.D.-S., 2U 189, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement »,
Réquisitoire du procureur du roi, le 2 avril 1844.
236 Cf. l’analyse du lieu de résidence des médecins experts dans le chapitre 1.
237 E. Chaudé, « Rapport sur les droits... », art. cit., p. 382.
275
Deux-Sèvres Vienne
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4
ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Sans le médecin
local
Avec le médecin
local

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Le risque que quelques praticiens de l’art de guérir puissent vivre le recours à tel ou tel
confrère comme un affront, laisse sourdre une concurrence entre les professionnels de la
médecine.
La question est soulevée par un correspondant de la Société de médecine légale, au
milieu des années 1870. Il soumet aux réflexions de la société les inconvénients et les
risques que peut présenter, tant pour l’autorité judiciaire que pour l’homme de l’art,
l’existence de médecins experts officieux du parquet. Cela représente-t-il une humiliation
pour les autres praticiens qui, soit ne sont jamais requis, soit sont appelés par le maire,
mais non confortés dans leur mission par le magistrat instructeur 238 ? L’auteur du rapport
chargé d’étudier la question insiste sur le fait que le choix des médecins experts incombe
aux magistrats, et à eux seuls. Il est donc de leur responsabilité d’être accompagnés de leur
expert particulier, de choisir toujours le même individu ou, a contrario, d’alterner les
praticiens 239 . Ce qui point derrière ces questionnements est le monopole des expertises
judiciaires par un petit nombre de médecins.
La monopolisation et la spécialisation sont deux phénomènes professionnels
intrinsèquement liés et qui interagissent. En ne faisant pratiquer les expertises cadavériques
que par une poignée d’hommes de l’art, ceux-ci deviennent les savants de référence en la
matière, et par voie de conséquence la justice continue à ne recourir qu’à leurs seules
compétences. Or, une telle exclusivité suscite des oppositions, soutenues par une
argumentation pas toujours désintéressée. Le Dr Lardier, président de l’Association
syndicale des médecins des Vosges, interpelle la Société de médecine légale à propos du
« roulement qu’il voudrait qu’on établît entre les médecins d’une même localité, pour les
expertises médico-légales » 240 . Les arguments avancés sont au nombre de deux. En premier
lieu, Lardier estime qu’il serait plus équitable de faire peser sur l’ensemble des membres
de la communauté médicale les responsabilités indissociables de ce service rendu à la
justice 241 ; ensuite, prenant presque le contre-pied de ses propos, Lardier reproche aux
officiers de police judiciaire de s’adresser, « guidés par leurs seules sympathies, au
médecin qui leur plaît » 242 . Selon lui, « cette façon de procéder a quelque chose
d’humiliant » et il serait plus juste que chaque homme de l’art ait droit, à tour de rôle,
238 Ibid., p. 374.
239 Ibid., p. 381.
240 Constant, Descout, Benoit, « Rapport suite à une lettre du Dr Lardier au sujet du roulement qu’il voudrait
qu’on établît entre les médecins d’une même localité, pour les expertises médico-légales », Société de
médecine légale (séance du 9 janvier 1893), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1893, 3 ème série, t. 29, p. 261.
241 Ibid., p. 263.
242 Ibid., p. 264.
276

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
d’apporter son concours à la justice. Sous couvert d’équité, tant du point de vue de la
responsabilité que de la confiance, Lardier tente de trouver un moyen qui lui permettrait de
minimiser sa propre participation à la vie médico-judiciaire de sa région 243 . Parmi les
divers contre-arguments avancés par la commission de la Société de médecine légale qui
s’est penchée sur la question, le plus notable est qu’un roulement systématique des
hommes de l’art requis comme experts prive l’officier de police judiciaire du droit
inaliénable d’appeler le praticien de son choix 244 .
Le monopole est rassurant pour les magistrats. Avoir affaire au même interlocuteur
médical, au cours des procédures d’instruction, permet au juge d’établir avec celui-ci des
automatismes de pratique et de langage. De plus, il a la possibilité d’instaurer un
environnement de confiance avec son expert particulier. Il existe dans les dossiers de cours
d’assises de Poitiers et de Niort des exemples de couples juge-médecin de longue durée.
Sur la trentaine d’affaires dans lesquelles Félix Ducellier a été requis comme expert, 10 ont
été effectuées en collaboration avec Adrien Duchastenier, juge d’instruction à
Montmorillon. Louis Ganne a établi deux relations sur le long terme avec le titulaire de la
fonction de juge d’instruction au Tribunal de Première Instance de Parthenay : entre 1842
et 1863, une dizaine d’expertises lui ont été confiées par Armand Maindron ; puis, de 1863
à 1875, Frédéric Bordier fait appel à lui à 13 reprises. L’instauration d’une relation
privilégiée avec un représentant de la justice peut aussi être bénéfique à l’homme de l’art.
Il est presque assuré de se voir confier la totalité des expertises médicales demandées par le
magistrat en question. Or, le partenariat exclusif de ces deux professionnels présente un
risque pour le médecin, en cas de départ du magistrat. Le remplaçant peut décider de
confier les examens médico-légaux à un autre praticien, comme pour marquer une rupture
avec son prédécesseur ou simplement parce qu’il connaît l’homme de l’art en question.
L’ancien collaborateur peut alors être destitué de son titre d’expert officieux de la justice.
Cependant, c’est un autre cas de figure qui se présente le plus souvent. Nombre sont ceux
qui conservent leur statut d’autorité scientifique en matière de questions médico-
judiciaires. Le médecin expert est comme un héritage que se transmettent les titulaires de
la fonction. Hilaire Lerpinière, médecin exerçant à Châtellerault, participe aux enquêtes
judiciaires de son arrondissement pendant plus de quarante ans. Au cours de ces cinq
décennies, il côtoie plusieurs juges d’instruction qui recourent à ses lumières : Jacques
243 Ibid., p. 263.
244 Ibid., p. 264.
277

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Sébastien Dautriche dans les années 1830, Louis Pelluchon dans les années 1840 et
Alexandre Henry Jolly à partir du milieu des années 1850.
Le monopole médical des expertises judiciaires peut s’expliquer par la difficulté à
laquelle les hommes de loi sont confrontés pour identifier les individus aptes à effectuer la
mission demandée et les plus à même de répondre à leurs attentes. Avec l’instauration
généralisée des listes officielles d’experts, à partir de 1893, le repérage des savants
compétents est facilité. Ainsi, les juges d’instruction et les autres officiers de police
judiciaire sont, en théorie, assurés de recourir à un médecin compétent, même s’ils n’ont
jamais travaillé avec lui. Or, il s’avère que les listes ont peu changé le visage de l’expertise
médico-légale. Peut-être faut-il y voir l’influence de la circulaire ministérielle du 30
septembre 1826, qui conseille à « chaque cour, chaque tribunal [de] faire choix à l’avance
d’hommes expérimentés dans telle ou telle partie et [de] se les attacher » 245 . La
recommandation a pu amener les tribunaux et leurs représentants à sélectionner par
anticipation un petit nombre d’hommes de l’art à qui recourir en cas de besoin. En tout état
de cause, les médecins qui arborent le titre d’ “expert près le tribunal” après 1893, ont déjà
collaboré à plusieurs reprises avec la justice. Louis Lhuillier est sollicité pour effectuer sa
première expertise judiciaire en 1888 246 et Jules Brossard en 1887 247 . Or, dès 1894,
Lhuillier est pourvu du titre de médecin expert près le tribunal de Montmorillon 248 , et
Brossard près le tribunal de Poitiers 249 . La création de telles listes permet à ceux qui y sont
inscrits d’avoir un statut officiel, mais en réalité ne change rien à la pratique. Ainsi, les
expertises judiciaires confiées à des médecins dépourvus du titre d’expert officiel sont
encore légion, contrairement à ce qu’indique Charles Vibert en 1896 : « la plupart des
affaires médico-légales sont confiées exclusivement à des médecins qui ont sollicité et
obtenu le titre d’expert […] » 250 . Sur la centaine de morts suspectes ou violentes ayant
donné lieu à un examen médical, une quinzaine ont été pratiquées par un médecin inscrit
sur les listes des tribunaux.
En outre, contrairement à ce que certains espéraient, la mise en place des listes
d’experts n’a pas amélioré le roulement des experts médicaux. Au cours de son
245 Citée dans Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 150.
246 A.D.V., 3U 4 / 617, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide par
imprudence », mars 1888.
247 A.D.V., 2U 1730, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », juin 1887.
248 A.D.V., 2U 1752, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’enfant »,
octobre 1897.
249 A.D.V., 2U 1744, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », mars 1894.
250 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 5.
278

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
intervention présentée au premier congrès de médecine légale de langue française, en 1911,
le Dr Roussellier réclame l’utilisation de l’intégralité des listes officielles de médecins
experts, du moins dans les juridictions les plus importantes 251 . Il peut, en effet, être difficile
de contenter plusieurs experts médicaux dans certains ressorts de cour d’appel où les
affaires nécessitant la présence d’un homme de l’art sont rares. Mais dans les régions où
les expertises judiciaires fleurissent, il convient que l’alternance des médecins requis se
généralise, mettant ainsi un terme au monopole instauré par quelques hommes de l’art,
pour ne pas dire un seul, avec l’assentiment et la collaboration des magistrats :
« D’autres magistrats, au contraire, s’en tiennent aux lumières d’un seul praticien, et l’on
voit ce fait paradoxal que, tandis que, dans tel Tribunal, un seul juge d’instruction occupe
plusieurs experts, dans tel autre Tribunal, plusieurs juges d’instruction confient toutes
leurs affaires à un seul praticien, qui devient l’arbitre intangible et inévitable de toutes les
expertises du ressort » 252 .
Pour améliorer la répartition des expertises, entre les médecins inscrits sur les listes
établies chaque année par les tribunaux, certains proposent de limiter le nombre d’hommes
de l’art pouvant y apparaître : « il conviendrait soit de retirer des expertises aux
monopolisateurs pour les donner à ceux de leurs collègues qui en sont dépourvus, soit, −
dans les endroits ou cette solution est inapplicable, − de supprimer un certain nombre de
postes » 253 .
Le monopole et l’inamovibilité de quelques médecins experts survivent donc à la
création des listes officielles et réapparaissent sur le devant de la scène médico-judiciaire,
avec l’arrivée des diplômés de médecine légale sur le marché des experts potentiels, au
début du XX e siècle. Il convient de rappeler que, à l’inverse de ce que quelques-uns
craignaient, les praticiens, habituellement appelés par la justice comme experts, n’ont pas
utilisé le diplôme de médecine légale comme prétexte pour se récuser 254 . En l’occurrence,
ils ont continué de répondre aux commissions des magistrats, privant les jeunes spécialistes
de la science médico-légale de l’occasion de mettre en pratique les savoirs acquis au cours
de leur année supplémentaire d’études sur les bancs de la Faculté et de la Morgue 255 .
251 G.-A. Roussellier, « De la répartition des expertises entre les médecins inscrits comme experts près les
tribunaux pour le service criminel », I er Congrès de médecine légale de langue française (Paris, 29-30 mai
1911), sous la présidence de Léon Thoinot, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale, de
psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1911, t. 26, p. 709.
252 Ibid.
253 Firmin Dervieux, « L’inscription des experts… », art. cit., p. 562.
254 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises… », art. cit., p. 374.
255 Cf. J. Noir, « Les médecins experts… », art. cit., pp. 655-656.
279

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Il est indéniable qu’une forme de spécialisation, presque inconsciente, libre, c’est-à-
dire dépourvue d’une quelconque réglementation, se met en place dans la pratique de la
médecine judiciaire tant au niveau local qu’au niveau national. Certains médecins
deviennent alors des figures savantes faisant autorité dans la discipline, obtenant la
confiance des administrations dans les questions d’expertises. Les fondements sur lesquels
s’appuie leur autorité peuvent être scientifiquement discutables. L’absence de Faculté ou
d’hôpital dans une région pose le problème du critère de recrutement des experts médecins.
Comment départager des hommes de l’art ayant la même formation et donc les mêmes
compétences ? Le seul facteur que les magistrats peuvent prendre en considération pour
choisir leur expert est sa réputation et sa notoriété 256 . Or, il n’y a pas critère plus subjectif
et plus trompeur. En outre, la construction d’une autorité sur la base de la renommée et
d’un réseau de relations favorise le maintien du monopole d’un nombre limité d’hommes
de l’art sur les expertises judiciaires.
Les mesures qui ont tenté de rationaliser le choix des experts, par l’instauration de
listes officielles ou la délivrance d’un diplôme spécial, ont été globalement sans effet. Le
diplôme de médecine légale est même un demi-échec. Longue à voir le jour, son
instauration est, au final, décevante. En premier lieu, pour ceux qui décident de l’obtenir :
leurs efforts ne sont pas ou peu récompensés, les nouveaux diplômés se trouvant en
concurrence avec les experts empiriques qui répondent aux sollicitations de la justice
depuis plusieurs années. En second lieu, pour les artisans de son instauration qui
s’aperçoivent de l’influence minime qu’il joue dans les réquisitions de médecins et du
maintien des habitudes de fonctionnement des magistrats.
Ainsi, il apparaît que spécialisation et professionnalisation ne sont pas des notions
équivalentes. Le médecin qui consacre à l’expertise judiciaire une part importante de son
activité professionnelle n’est pas nécessairement un spécialiste officiellement reconnu de
cette discipline. Or, en l’absence d’une spécialisation académique disponible, la formation
reçue par l’homme de l’art durant ses études, puis alimentée au cours de sa carrière,
devient un enjeu capital tant des autorités médicales que des autorités judiciaires, mais
pour des raisons somme toute très distinctes.
256 Georges Morache, « L’expertise et le choix… », art. cit., p. 346.
280

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
II) LA FORMATION DES HOMMES DE L’ART
La médecine, que d’aucuns défendent en arguant de son statut d’art et non de
science, n’en demeure pas moins une discipline qui s’apprend, et donc s’enseigne. Avoir
étudié l’art de guérir, et obtenu un document officiel validant des capacités à soigner des
individus, est d’ailleurs ce qui distingue le médecin du “charlatan”. Or, partant du principe
que tous les titulaires d’un diplôme ou certificat de médecine sont susceptibles d’être un
jour ou l’autre requis par la justice pour réaliser une expertise médico-légale, il apparaît
nécessaire de s’intéresser à la formation des hommes de l’art.
La Révolution a complètement réformé l’enseignement de la médecine. Si la
suppression des corporations enseignantes et hospitalières 257 ouvre la porte au
charlatanisme 258 , elle marque aussi la fin de la médecine d’Ancien Régime. La France
post-révolutionnaire réorganise l’enseignement de l’art de guérir quelques mois plus tard,
pour faire face à la pénurie de personnel soignant dans l’armée, la toute jeune République
française étant engagée dans plusieurs conflits avec ses voisins européens. Bien que
réalisée quelque peu dans l’urgence, la renaissance de l’enseignement médical est une
véritable restructuration qui tient compte tant des besoins de la société que des desiderata
du corps médical. L’une des nouveautés de l’instruction des médecins du XIX e siècle est
l’apparition de la médecine légale parmi les diverses disciplines étudiées.
Néanmoins, analyser l’organisation et la place de l’enseignement médico-légal au
sein des études médicales ne suffit pas pour appréhender dans son ensemble la formation
257 H. Montanier, « Médecine (Enseignement et exercice) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 2 ème série, t. 5, p. 645.
258 Sur les questions d’exercice illégal de la médecine et de charlatanisme voir l’ouvrage fondamental de
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., 3 t., 1570-CCXLVIII p. L’exercice illégal de l’art de
guérir est abordé à plusieurs reprises, notamment lors de l’étude des réformes qui touchent le corps médical
et ses activités professionnelles, ou à l’occasion des luttes menées par celui-ci pour défendre ses intérêts.
L’ouvrage de Jean-Charles Sournia consacré à la médecine pendant la Révolution française traite également
de la question du développement du charlatanisme médical durant la décennie post-révolutionnaire.
Jean-Charles Sournia, La médecine révolutionnaire (1789-1799), Paris, Payot, Médecine et sociétés, 1989,
306 p.
La thèse d’histoire du droit de Céline Pauthier est consacrée à l’exercice illégal de la médecine entre 1673 et
1793. Bien que s’achevant au moment précis où commence la présente étude, ce travail présente l’intérêt
d’exposer comment le corps médical s’est attaché à lutter contre le charlatanisme médical, avant que la
répression de ce délit soit dévolue au pouvoir judiciaire. Céline Pauthier explique, en outre, que l’exercice
illégal ne se constitue pas uniquement en pratiquant un art pour lequel on ne possède aucun diplôme ; peut
être accusé d’exercice illégal un médecin qui aurait mal utilisé son art ou qui l’aurait exercé en s’écartant des
procédés constituant la « bonne manière de soigner ». Cela préfigure les procès pour erreurs de diagnostic et
la responsabilisation de médecins à qui l’opinion publique entend demander des résultats et des comptes.
Cf. Céline Pauthier, L’exercice illégal de la médecine (1673-1793). Entre défaut de droit et manière de
soigner, thèse pour le doctorat d’histoire du droit, sous la dir. de Jean-Michel Poughon, Université Robert
Schuman-Strasbourg III, Paris, Glyphe&Biotem éditions, Histoire, médecine et société, 2002, XIII-672 p.
281

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
des hommes de l’art en matière de médecine judiciaire. En effet, il convient également de
s’intéresser aux outils et moyens dont ils disposent pour maintenir leurs connaissances au
plus près de l’évolution de la science. Enfin, le développement de la médecine légale au
sein des Facultés de médecine a créé des écoles de pensée médico-légale sur lesquelles il
convient de s’arrêter, pour en déterminer les particularismes et pour estimer leur influence
au sein du corps médical.
A) L’enseignement de la médecine légale
La médecine légale n’est pas une science individualisée, mais une science
carrefour, qui se nourrit principalement des autres disciplines scientifiques. Il se dégage
des diverses définitions proposées dans l’introduction générale de la présente étude, que la
médecine légale ne s’énonce pas, à l’instar des autres sciences médicales, en regard des
fonctions ou dysfonctions de l’organisme qu’elle entend examiner, mais à partir des
questions qu’elle entend résoudre. Or, une telle conception de la médecine judiciaire
explique que celle-ci a été traitée, en parent pauvre de l’enseignement médical durant une
majeure partie du XIX e siècle.
Les directions des structures d’enseignement considèrent la formation fournie par
les Facultés de médecine largement suffisante pour permettre aux futurs médecins de
répondre et de satisfaire aux réquisitions médico-légales. En conséquence, elles n’estiment
pas nécessaire de proposer une éducation médico-légale substantielle. En revanche, les
praticiens de la médecine judiciaire se rendent compte très tôt de l’imperfection de cette
formation et des améliorations à lui apporter, notamment en matière d’exercices pratiques.
1) L’enseignement médical post-révolutionnaire
Dans sa volonté de rupture franche avec les institutions d’Ancien Régime,
l’Assemblée législative supprime, le 18 août 1792, les Facultés et autres Collèges 259 . Puis,
259 La loi du 18 août 1792 initie un ensemble de mesures législatives à l’encontre de l’enseignement, en
l’occurrence de l’enseignement médico-chirurgical. Les réflexions et décisions, parfois opposées, s’achèvent
avec la loi du 7 ventôse an III (25 février 1795) qui supprime « tous les anciens établissements consacrés à
l’instruction publique sous le nom de collèges […] ».
Cf. Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, pp. 217-221.
Bien que les exemples rencontrés soient peu nombreux, il semble permis de penser que durant l’intervalle où
règnent indécision et contradiction, l’enseignement des arts de guérir se soit maintenu et que des diplômes
aient été délivrés. Sur l’ensemble des hommes de l’art recensés dans les deux départements-témoins de la
présente étude, seuls deux cas ont pu être relevés, concernant deux praticiens des Deux-Sèvres : Pierre
Bienvenu, domicilié à Courlay, a obtenu son titre d’officier de santé le 16 décembre 1793 ; son confrère
Louis Roy, résidant quant à lui à Airvault, est reçu pour l’officiat en janvier 1794.
282

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
le 15 septembre 1793, la Convention enterre définitivement et catégoriquement les
institutions d’enseignement supérieur par décret : « Les collèges de plein exercice et les
facultés de théologie, de médecine, des arts et de droit sont supprimés sur toute la surface
de la République » 260 . Les diplômes n’ont plus aucune valeur, ni en termes de
compétences, ni du point de vue juridique. N’importe quel individu peut alors faire
profession de l’art de guérir. Si la situation est en conformité avec les fondements de la
République, l’égalité entre les citoyens et la liberté d’exercer l’activité de son choix, les
membres de la Convention prennent conscience que dans le contexte conflictuel auquel la
France est confrontée, ces principes ne répondent pas aux besoins. En effet, le service de
santé des armées manque cruellement d’hommes 261 . Or, pour remplacer les médecins
morts sous les coups des ennemis de la République, il devient urgent de former de
nouveaux praticiens de l’art de guérir. Mais, comment initier de jeunes hommes aux
pratiques médico-chirurgicales sans lieu d’enseignement ?
La Convention demande alors au Comité d’instruction publique de réfléchir à une
solution. Ce dernier charge l’un de ses membres, Fourcroy 262 , d’établir un rapport qui doit
réorganiser l’enseignement médical 263 . Dans cette entreprise, Fourcroy s’adjoint les bons
conseils de François Chaussier, professeur d’anatomie à Dijon depuis 1780 264 . Le 14
frimaire an III (4 décembre 1794), une loi promulgue donc la création des Ecoles de santé
qui sont chargées de « former des officiers de santé pour le service des hôpitaux, et
spécialement des hôpitaux militaires et de marine ». 265 Trois villes sont choisies pour
accueillir une école de santé : Paris, Montpellier et Strasbourg. Cependant, en accord avec
A.D.D.-S., 6M 5/1, « Médecins, chirurgiens : statistiques, affiches, états nominatifs », 1800-1866 et 3U 1,
« Tribunal de Première Instance de Bressuire. Registre d’enregistrement de diplômes de médecins,
chirurgiens, officiers de santé et sages-femmes », an IX-1868.
La présente hypothèse semble se confirmer, du moins pour quelques-uns des anciens lieux d’enseignement.
Jean-Charles Sournia signale que les chirurgiens de Montpellier organisèrent une forme de résistance en
maintenant leur enseignement et même les examens. De plus, nombre d’hôpitaux français ont poursuivi leur
mission éducative.
Cf. Jean-Charles Sournia, La médecine révolutionnaire…, op. cit., pp. 127-128.
260
Cité dans Nicole Dhombres, Jean Dhombres, Naissance d’un pouvoir : sciences et savants en France
(1793-1824), Paris, Payot, 1989, p. 195.
261
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 645.
262
Antoine Fourcroy, né en 1755, est fils d’apothicaire. Docteur en médecine en 1780, il est nommé à la
chaire de professeur de chimie au Jardin des plantes en 1789. Député à la Convention, il est notamment
chargé d’un rapport sur l’Ecole centrale des travaux publics, initie le projet d’uniformité des poids et
mesures, et prépare le décret qui instaure les nouvelles écoles de médecine. Il meurt subitement en décembre
1809.
Cf. A. Chéreau, « Fourcroy (Antoine-François) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous
la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879, 4 ème série, t. 3, pp. 744-747.
263
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 645.
264
H. Montanier, « Chaussier (François) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 15, p. 573.
265
Article 1 de la loi du 14 frimaire an III cité dans H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 645.
283

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
l’idéologie révolutionnaire qui admet que « l’exercice de toutes les professions, la
médecine comprise, devait être complètement libre » 266 , ces écoles ne délivrent aucun
diplôme validant les compétences des hommes de l’art. Leur objectif est de fournir aux
étudiants une structure leur permettant d’acquérir une formation médicale et non d’instituer
une quelconque inégalité entre les hommes faisant profession de l’art de guérir.
L’établissement des Ecoles de santé n’est pas la renaissance des anciennes Facultés
de médecine sous une autre appellation. Le rapport de Fourcroy et Chaussier s’attache à
pallier les défauts de la formation reçue par les médecins d’Ancien Régime. Deux éléments
marquent la rupture : la mise en place d’un enseignement pratique et l’abrogation de la
suprématie des médecins sur les chirurgiens. La formation des médecins par la seule étude
des textes et théories des anciens maîtres n’est plus concevable. Depuis quelque temps une
nouvelle conception de l’apprentissage des hommes de l’art se développe et se diffuse au
sein du corps médical : la clinique, c’est-à-dire l’étude pratique de la science au contact
direct des malades. L’article 4 instaure donc un enseignement pratique de la médecine :
« outre cette première partie de l’enseignement, les élèves pratiqueront les opérations
anatomiques, chirurgicales et chimiques ; ils observeront la nature des maladies au lit des
malades, et en suivront le traitement dans les hospices voisins de l’Ecole » 267 .
En instituant, pour les officiers de santé, un apprentissage pratique, en complément de leurs
études théoriques, la loi de frimaire fusionne les caractéristiques de la formation et des
connaissances des médecins avec celles des chirurgiens.
La mise sur un pied d’égalité des médecins et chirurgiens apparaît encore plus
nettement avec la loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1803). En effet, celle-ci réintroduit les
examens dans les études médicales. Nul ne pourra exercer la médecine sans avoir au
préalable satisfait aux cinq examens qui confèrent le doctorat. Les épreuves du doctorat en
chirurgie sont identiques à celles du doctorat en médecine, hormis le dernier examen qui
porte sur la clinique interne au lieu de la clinique externe 268 . L’ancienne hiérarchisation des
praticiens, en fonction du contact physique qu’ils ont ou non avec les malades, a disparu.
Mais elle est vite remplacée par une autre répartition : les officiers de santé d’un côté, les
docteurs en médecine ou en chirurgie de l’autre 269 .
Le clivage entre titulaires de l’officiat et titulaires du doctorat se renforce avec la
répartition des étudiants dans des structures d’enseignement différentes, en fonction du
266 Ibid., p. 647.
267 Ibid. p. 645.
268 Ibid., p. 647.
269 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, p. 275.
284

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
diplôme préparé : les Ecoles secondaires de médecine pour les officiers et les Facultés pour
les docteurs. En effet, pour pallier le besoin urgent d’hommes capables de soigner les
soldats de la République, des cours libres sont proposés par les hospices de certaines villes,
privées de cet enseignement depuis août 1792 270 . Face au développement croissant de cette
formation parallèle et au service qu’elle rend, une régularisation législative devient
nécessaire. L’arrêté ministériel de prairial an XI (juin 1803) reconnaît l’enseignement
prodigué par les hôpitaux et le dote d’une structure légale : les Ecoles secondaires de
médecine 271 . “Secondaires” pour les distinguer des Ecoles de médecine, sous-entendues
“primaires”, qui remplacent les Ecoles de santé depuis floréal an X 272 . La confusion des
appellations disparaît à partir du 17 mars 1808. Dans la continuité des textes qui
(re)fondent l’Université française et lui confient l’exclusivité « de l’enseignement et de
l’éducation publics dans tout l’Empire » 273 , un décret transforme les Ecoles de médecine
en Facultés 274 . Enfin, un dernier aménagement qualificatif est décidé en 1840 : les “Ecoles
secondaires” deviennent “Ecoles préparatoires de médecine” 275 .
La loi du 19 ventôse an XI, déjà citée, réglemente l’enseignement et l’exercice de
l’art médical. Elle répartit notamment les diplômes que peuvent délivrer les Facultés et les
Ecoles secondaires. Seuls des officiers de santé, c’est-à-dire des hommes de l’art de grade
inférieur, dont l’instruction ne dure que trois ans, peuvent être formés par les Ecoles
secondaires 276 . Les étudiants qui souhaitent obtenir le doctorat doivent parfaire leur
formation au sein d’une Faculté 277 . La répartition entre les deux types de structures
d’enseignement est déséquilibrée. Jusqu’aux années 1870, la France ne compte que trois
Facultés de médecine, celles-là même qui ont été mises en place en 1794. A l’inverse, le
270
L. Thomas, « Ecoles de médecine », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1885, 1 ère série, t. 32, p. 386.
271
Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., p. 29.
272
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, p. 358.
273
Loi du 10 mai 1806, citée dans Louis Bergeron, L’épisode napoléonien. Aspects intérieurs, 1799-1815,
Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°4, 1972, p. 46.
274
Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., p. 29.
275
Ibid., p. 30.
276
Loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1803) :
Article 5 : « il sera ouvert, dans chacune des Facultés de médecine, des examens pour la réception
des docteurs en médecine et en chirurgie ».
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, contenant un Traité
élémentaire de chimie légale par H. Gaultier de Claudry, 1 ère éd. 1821, 5 ème éd., Paris, Neuhaus, 1852, p. 891.
277
Loi du 19 ventôse an XI (10 mars 1803) :
Article 15 : « ceux qui se destineront à devenir officiers de santé ne seront pas obligés d’étudier
dans les Ecoles de médecine ; ils pourront être reçus officiers de santé, après avoir été attachés pendant six
années comme élèves à des docteurs, ou après avoir suivi pendant cinq années consécutives la pratique des
hôpitaux civils ou militaires. Une étude des trois années consécutives dans les Ecoles de médecine tiendra
lieu de la résidence de six années chez les docteurs, ou de cinq années dans les hospices. »
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 893.
285

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
nombre d’Ecoles secondaires, puis préparatoires, s’accroît régulièrement durant le XIX e
siècle 278 . En 1874, Montanier en recense vingt-deux, « installées dans les principales villes
de la République » 279 .
Une telle inégalité entre les deux institutions qui forment les hommes de l’art prend
une dimension significative quand il s’agit d’étudier le contenu exact de l’enseignement
proposé, et plus particulièrement en matière de connaissances médico-légales.
2) Création d’un enseignement médico-légal
Le rétablissement d’écoles chargées d’instruire les praticiens de l’art de guérir a été
l’occasion d’une réflexion profonde quant aux savoirs qui leurs sont inculqués. De
nouvelles disciplines apparaissent, eu égard aux avancées de la science et à une conception
différente de la manière dont celle-ci doit être enseignée 280 . Après la création officielle des
Ecoles de santé en 1794, les professeurs se rassemblent pour déterminer les diverses
matières qui constitueront le savoir des médecins. Comme le montre le tableau ci-dessous,
peu de changements sont à relever au cours du siècle, hormis l’apparition de nouvelles
disciplines, comme l’histologie, ou la subdivision de certains cours en plusieurs :
l’anatomie et la physiologie se séparent pour devenir des disciplines autonomes.
278 Dès 1806, six villes obtiennent la création d’une école dans leur enceinte : Amiens, Besançon, Clermont,
Grenoble, Poitiers et Toulouse. L’année suivante, ce sont Angers et Bordeaux. Puis, en 1808, quatre autres
cités accueillent une école secondaire : Reims, Caen, Marseille et Dijon. En 1809, seul Arras est pourvu
d’une telle école. La vague impériale d’instauration d’Ecoles secondaires s’achève sur un total de treize.
La seconde vague survient à la Restauration. De nouvelles écoles sont officiellement mises en place à Nantes
en 1820, à Lyon et Rouen en 1821, et à Nancy en 1822.
Cf. Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, p. 368 et p. 371, t. 2, p. 658.
279 H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 648.
Dans sa contribution à l’ouvrage sur Les écoles royales de France, Alexandre de Saillet relève vingt villes
pourvues d’une école préparatoire : Amiens, Angers, Arras, Besançon, Bordeaux, Caen, Clermont, Limoges,
Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Poitiers, Reims, Rennes, Rouen, Toulouse et Tours. Il est à déplorer
l’absence de date à laquelle le recensement est effectué.
Cf. Alexandre de Saillet, « L’école de médecine de Paris », in Les écoles royales de France, Paris, s. d., note
infrapaginale, pp. 269-270.
280 Cf. la synthèse de Mirko Grmek (sous la dir. de), Histoire de la pensée médicale en Occident, t. 3 : Du
romantisme à la science moderne, traduit de l’italien par Louis L. Lambrichs, Paris, Editions du Seuil, 1999,
422 p.
286

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Tableau comparatif des enseignements dispensés
durant les études de médecine
Ecole de santé de Paris (1795) 281 Faculté de médecine de Paris (1870) 282
-Anatomie et physiologie
-Chimie et pharmacie
-Physique et hygiène
-Pathologie externe
-Pathologie interne
-Histoire naturelle médicale
-Médecine opératoire
-Clinique externe
-Clinique interne
-Clinique de perfectionnement
-Accouchements
-Médecine légale et histoire de la
médecine
287
-Anatomie
-Physiologie
-Chimie organique
-Pharmacie et toxicologie
-Physique médicale
-Hygiène
-Pathologie chirurgicale
-Pathologie médicale
-Histoire naturelle médicale
-Opération et appareils
-Cliniques médicales
-Cliniques chirurgicales
-Clinique des accouchements
-Médecine légale
-Histoire de la médecine
Nouveaux enseignements
-Anatomie pathologique
-Pathologie et thérapeutique générales
-Thérapeutique et matière médicale
-Accouchements, maladies des femmes
en couche et des enfants nouveau-nés
-Histologie
Il est à noter que la médecine légale fait partie des sciences enseignées dans les
trois Facultés de médecine. La soumission de questions médico-légales aux médecins, lors
d’enquêtes judiciaires, est fréquente depuis le Moyen Age 283 . En revanche, l’introduction
de son enseignement au sein des lieux de formation médicale apparaît tardive et
progressive. Les premières tentatives d’insertion de cours de médecine légale émanent
d’Antoine Louis à la fin du XVIII e siècle. Alors professeur au collège de chirurgie de
281
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 646.
282
Ibid., p. 649.
283
Joseph Shatzmiller signale qu’en Provence, région qui est à la jonction de la France et de l’Italie, les
expertises médico-légales apparaissent dès la fin du XIII e siècle. Joseph Shatzmiller, Médecine et justice en
Provence médiévale. Documents de Manosque, 1262-1348, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de
Provence, 1989, 285 p.

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Saint-Côme, il met en place les premières leçons médico-légales officielles 284 . La
Révolution contrarie le développement de cet enseignement. Il faut attendre encore
quelques années, et la réorganisation complète des études médico-chirurgicales, pour voir
la médecine légale franchir enfin les portes des écoles et avoir l’honneur d’être
enseignée 285 . Les premières chaires de médecine légale sont donc créées dans les trois
Ecoles de santé mises en place en 1794 286 .
L’étude de la médecine judiciaire n’a rien d’optionnel. Parmi les examens du
doctorat, une épreuve concerne toujours la médecine légale. La loi de ventôse an XI
détermine cinq examens différents auxquels l’aspirant médecin doit se présenter : le
premier concerne l’anatomie et la physiologie ; le deuxième s’attache à la pathologie et la
nosologie ; le troisième évalue les connaissances des candidats en matière médicale, en
chimie et en pharmacie ; le quatrième aborde l’hygiène et la médecine légale ; enfin, le
cinquième s’intéresse à la clinique interne ou externe 287 . Malgré quelques aménagements
au cours du siècle, la médecine légale fait toujours partie des épreuves qui mènent au
doctorat de médecine ou de chirurgie 288 . Cependant, l’enseignement de la médecine légale
ne représente pas une part importante de la formation reçue par les apprentis médecins.
284 Anne-Marie Guillien-Bruneteau, Histoire de la médecine légale, thèse pour le doctorat de médecine, sous
la dir. de Ceccaldi, Université Paris V-René Descartes, Faculté de médecine Paris-Ouest, 1975, p. 33.
Gabriel Tourdes, « Médecine légale », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1872, 2 ème série, t. 5, p. 699.
285 La collaboration de François Chaussier à l’élaboration du rapport sur l’enseignement médical, demandé
par la Convention, n’est pas étrangère à l’introduction de la médecine légale parmi les sciences nécessaires à
ceux qui se destinent à la pratique de l’art de guérir. Léon Thoinot indique que Chaussier, « lors de la
réorganisation des Facultés de médecine, fit inscrire parmi les enseignements dotés d’une chaire celui de la
médecine légale ».
En outre, Chaussier est l’un des promoteurs de cette discipline, au début du XIX e siècle, et a publié de
nombreuses réflexions sur la nécessité de mieux préparer les médecins aux expertises judiciaires.
Cf. Léon Thoinot, L’autopsie médico-légale, Paris, Baillière, 1910, p. 21.
286 La France est très en retard sur l’apprentissage officiel de la médecine légale en comparaison de son
voisin d’outre-Rhin. En effet, l’Allemagne a instauré des chaires de médecine légale dès la fin du XVII e
siècle.
Cf. Gustave Germer Baillière, « Préface du traducteur » in Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit.,
p. IX.
287 H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 647.
288 Les arrêtés de l’Université, du 22 octobre 1823 et 11 octobre 1831, abrogent la loi du 19 ventôse an XI et
organisent différemment les examens de médecine :
-premier examen : histoire naturelle, physique et chimie médicales
-deuxième examen : anatomie et physiologie
-troisième examen : pathologies interne et externe
-quatrième examen : hygiène, médecine légale, matière médicale, thérapeutique et pharmacie
-cinquième examen : clinique interne et accouchements
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 892.
En 1878 de nouvelles conditions d’obtention du doctorat sont fixées et une nouvelle répartition des épreuves
mise en place :
-premier examen : physique, chimie, histoire naturelle médicale
-deuxième examen : anatomie, histologie et physiologie
288

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
En l’occurrence, elle n’est abordée qu’au terme des études, et cela tout au long du
XIX e siècle. Trois exemples d’organisation des cours, durant ces quatre années, servent à
illustrer l’une des constantes de l’enseignement médical. Dans son Guide de l’étudiant en
médecine, Jacques Maygrier conseille aux étudiants, formés à la fin de la décennie 1810,
de suivre les cours dans un ordre précis 289 . En 1840, dans son Traité des études médicales,
E. Frédéric Dubois énonce la nouvelle organisation des enseignements, mise en place par
le doyen de la Faculté de médecine de Paris, Mathieu Orfila 290 . Le tableau comparatif ci-
dessous souligne qu’en 1872, l’enseignement reçu au cours des quatre années d’études
médicales est encore plus complet et détaillé que lors des périodes précédentes : de
nouvelles sciences spécialisées, issues de disciplines plus générales, apparaissent 291 .
Source
1 ère année
2 ème année
Tableau comparatif de la répartition des cours
durant les quatre années des études de médecine
Maygrier, Guide de
l’étudiant en médecine,
1818
-Anatomie
-Physiologie
-Cliniques interne et
externe
-Pathologies interne et
externe
-Théorie des opérations
chirurgicales
-Chimie générale
-Anatomie
-Physiologie
-Pathologie
-Chimie
-Thérapeutique
-Opérations chirurgicales
-Botanique
-Matière médicale
-Bandages et appareils
Dubois, Traité des
études médicales, 1840
-Anatomie et dissections
-Chimie médicale
-Histoire naturelle médicale
-Physique médicale
-Pharmacie et chimie
organique
-Physiologie
-Visites dans les hôpitaux
pour la petite chirurgie
-Anatomie et dissection
-Pathologie générale
-Pathologie et clinique
externes
-Physiologie
-Pathologie interne
289
Montanier, « Médecine
(Enseignement et
exercice) », 1874
-Chimie médicale
-Physique médicale
-Histoire naturelle médicale
-Herborisation
-Exercice pratique au jardin
botanique
-Manipulations chimiques
-Anatomie
-Histologie
-Dissections
-Physiologie
-Pathologies interne et externe
-Exercices pratiques de
physiologie
-troisième examen : pathologies externe et interne, accouchements, médecine opératoire, pathologie
générale
-quatrième examen : hygiène, médecine légale, thérapeutique, matière médicale et pharmacologie
-cinquième examen : cliniques externe et obstétricale, clinique interne, épreuve pratique d’anatomie
pathologique.
Cf. « Etudes médicales, modifications », Variétés, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage
des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1878, t. 49, article n°10874, p. 335.
289 ème
Jacques Maygrier, Guide de l’étudiant en médecine, 2 éd. rev., corr. et augm., Paris, Gabon, 1818,
pp. 21-81.
290
E. Frédéric Dubois, Traité des études médicales, Paris, Gardembas, 1840, p. X.
291
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., pp. 653-654.

3 ème année
4 ème année
-Dissections
-Anatomie pathologique
-Cliniques interne et
externe
-Opérations chirurgicales
-Chimie
-Physique médicale
-Matière médicale
-Herborisation
-Anatomie comparée
-Hygiène
-Physique médicale
-Accouchements, maladies
des femmes et des enfants
-Histoire de la médecine
-Bibliographie médicale
-Médecine légale
- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
-Dissections
-Pathologie et clinique
externes
-Pathologie et clinique
internes
-Médecine opératoire
-Accouchements
-Pathologie et clinique
internes
-Clinique des accouchements
-Médecine légale
-Anatomie pathologique
-Matière médicale et
thérapeutique
-Hygiène
290
-Anatomie
-Histologie
-Dissections
-Opérations et appareils
-Pathologies interne et externe
-Clinique médicale et
chirurgicale
-Physiologie
-Accouchements
-Thérapeutique et matière
médicale
-Pharmacologie
-Anatomie pathologique
-Pathologies interne et externe
-Pathologie générale
-Cliniques médicale,
chirurgicale et obstétricale
-Histoire de la médecine
-Accouchements
-Thérapeutique et matière
médicale
-Médecine légale
-Anatomie pathologique
-Hygiène
-Exercices pratiques de
médecine opératoire
Il est intéressant de noter que d’une année sur l’autre des cours se répètent, parmi
lesquelles l’anatomie et les pathologies interne et externe. La répétition des enseignements
permet de faire un rappel des connaissances acquises l’année précédente, puis de les
approfondir, de s’attacher plus longuement aux détails. Mais la médecine légale n’a pas cet
honneur. Son enseignement n’est abordé qu’en dernière année, et durant un unique
semestre dans les trois exemples précités. L’apparition tardive de cette discipline dans le
cursus des futurs hommes de l’art s’explique facilement : la médecine légale est une
science opportuniste qui « est destinée à ne vivre que des emprunts faits à toutes les autres
sciences » 292 . Pour résoudre une question de médecine judiciaire l’expert fait appel à des
connaissances anatomiques, physiologiques, pathologiques, obstétricales. Par conséquent,
attendre d’avoir un minimum de connaissances élémentaires, avant d’aborder les sujets
complexes de la médecine légale, semble logique : « ce sera seulement alors [au terme des
trois premières années d’études] que les connaissances acquises permettront d’étudier
avec fruit les principes de l’hygiène, et qu’on pourra s’occuper utilement de la médecine
légale […] » 293 . La transposition de connaissances scientifiques multiples à la médecine
292 E. Frédéric Dubois, Traité des études…, op. cit., p. 617.
293 Jacques Tournier, « Réflexions sur les principaux vices et les besoins les plus urgents de l’enseignement
médical en France » in Mélanges de médecine et de chirurgie par la Société de médecine de Poitiers,
Besançon, Charles Deis, s.d. [1843], p. 25.

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
légale, et la brièveté du temps consacré à cette discipline, ne permettent pas aux
professeurs d’approfondir et de détailler cet enseignement. Les cours sont, par conséquent,
théoriques et succincts : ils se contentent d’informer les potentiels médecins experts quant
aux écueils auxquels ils pourront être confrontés, et surtout de prévenir les erreurs à ne pas
commettre.
Concernant les Ecoles secondaires, la situation est un peu plus compliquée. En
conférant à l’instruction prodiguée au sein des hôpitaux le titre officiel d’école, le
législateur valide un état de fait, mais ne s’immisce pas dans son organisation et
l’enseignement qui y est proposé 294 . Le fonctionnement de l’école et les cours donnés sont
librement décidés par les responsables de l’institution. Lors de la création officielle de
l’Ecole secondaire de médecine de Poitiers, le 19 octobre 1806, l’article 1 de son règlement
divise la formation en six cours 295 . Les matières enseignées dans les hospices de Nantes
présentent quelques divergences avec celles professées dans la capitale poitevine : la
formation comprend en sus des cours hygiène 296 . Néanmoins, le tableau ci-dessous indique
que de nombreuses constantes se retrouvent d’une école à l’autre, en raison notamment des
examens permettant d’accéder à l’officiat.
Tableau comparatif des enseignements dispensés aux officiers de santé
Ecole secondaire de médecine de
Poitiers (1806)
-Anatomie et physiologie
-Pathologie chirurgicale
-Opérations et accouchements
-Matière médicale et
thérapeutique
-Clinique interne
-Clinique externe
Cours théoriques et pratiques de
médecine, de chirurgie et de
pharmacie près les hospices de
Nantes (1808)
-Anatomie
-Physiologie et pathologie interne
-Opérations et accouchements
-Clinique interne et matière
médicale
-Hygiène et thérapeutique
-Clinique et pathologie externes
291
Ecoles préparatoires de
médecine (1840)
-Anatomie et physiologie
-Clinique et pathologie internes
-Cliniques et pathologie externes,
accouchements
-Maladies des femmes et des
enfants
-Histoire naturelle médicale et
matière médicale
-Chimie et pharmacie
Régis par la loi de ventôse an XI, ils sont les mêmes sur tout le territoire national,
bien qu’organisés au plan départemental. Pour obtenir le titre d’officier de santé, le
candidat doit subir trois épreuves : la première porte sur l’anatomie, la deuxième
294 Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., p. 30.
295 Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine de Poitiers à ses débuts (1806-1854), extrait des Archives médicochirurgicales
du Poitou, Poitiers, Société française d’imprimerie et de librairie, 1908, p. 16.
296 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, p. 372.

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
s’intéresse aux éléments de la médecine, et la troisième interroge l’aspirant officier de
santé sur la chirurgie et les connaissances les plus usuelles de la pharmacie 297 . Il faut
cependant attendre 1840, et l’instauration des Ecoles préparatoires de médecine, pour
qu’une organisation nationale de l’officiat de santé soit établie. En effet, à l’occasion de
son ordonnance, Victor Cousin souligne la nécessité « d’établir des règles fixes, afin que
partout des ressources suffisantes soient assurées aux établissements, les mêmes devoirs
imposés aux professeurs, et la même instruction offerte aux élèves » 298 . Chaque Ecole
préparatoire doit, à présent, dispenser six cours différents 299 (cf. tableau ci-dessus).
C’est donc à partir de la seconde moitié du XIX e siècle que l’enseignement des
officiers de santé est à peu près équivalent d’une école à l’autre. Il demeure pourtant
insatisfaisant aux yeux de nombre de praticiens qui lui reprochent d’être incomplet 300 .
Jaques Léonard souligne que « les examens de l’officiat souffrent de sérieuses lacunes par
rapport à ceux du doctorat » 301 , à l’image de l’enseignement. En l’occurrence, la formation
des officiers de santé ne comporte aucune leçon de médecine légale, ainsi que le prouve
l’énumération des cours donnés par les Ecoles secondaires de Poitiers et de Nantes.
L’absence de préparation à la médecine judiciaire, dans le cadre de l’officiat de santé, est
rédhibitoire pour les magistrats. Les hommes de loi privilégient les détenteurs du doctorat
quand il s’agit de confier la réalisation d’une expertise médico-légale. Ils ne font appel à
des officiers de santé que s’ils y sont contraints, poussés par l’urgence ou par l’absence de
docteur en médecine dans les environs immédiats 302 .
L’enseignement de la médecine légale est donc limité à des pôles particuliers et non
dispensé au sein de toutes les structures qui forment les praticiens de l’art de guérir.
Martine Kaluszynski cite les diverses écoles qui prodiguent, à la fin du XIX e siècle, des
leçons de médecine légale, et souligne que cet enseignement est encore limité aux Facultés
297
Loi du 19 ventôse an XI :
Article 16 : « pour la réception des officiers de santé, il sera formé dans le chef-lieu de chaque
département un jury composé de deux docteurs domiciliés dans le département, et d’un commissaire pris
parmi les professeurs des Ecoles de médecine. Ce jury sera renommé tous les cinq ans ; ses membres
pourront être continués ».
Article 17 : « les jurys des départements ouvriront une fois par an des examens pour la réception
des officiers de santé.
Il y aura trois examens : le premier sur l’anatomie, le deuxième sur les éléments de la médecine, le
troisième sur la chirurgie et les connaissances les plus usuelles de la pharmacie. Ils auront lieu en français,
et dans une salle où le public sera admis. »
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 894.
298
Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., p. 31.
299
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 648.
300
Ibid.
301
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, pp. 277-278.
302
Cf. l’analyse de la réquisition des hommes de l’art dans le cadre d’expertises judiciaires dans le chapitre 1
de la présente étude.
292

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
de médecine, bien que leur nombre se soit accru depuis leur (re)création, passant de trois à
six. D’autres écoles possèdent des chaires de médecine légale. Il s’agit d’une part, des
écoles qui forment le service de santé des armées : l’Ecole du Val-de-Grâce et les trois
Ecoles de médecine navale. D’autre part, les écoles de Nantes, Marseille et Alger
proposent aussi un enseignement médico-légal 303 . En effet, depuis le décret du 14 juillet
1875, certaines Ecoles préparatoires de médecine deviennent “Ecole de médecine et de
pharmacie de plein exercice” 304 . Outre des aménagements en termes de locaux, les “Ecoles
de plein exercice” doivent proposer un enseignement plus complet, et notamment un cours
d’hygiène et de médecine légale 305 . Nantes est parmi les heureuses élues 306 . Mais les frais
nécessaires au changement de statuts étant trop importants, beaucoup de municipalités ne
peuvent y souscrire. L’Ecole de médecine de Poitiers demeure donc simple Ecole
préparatoire. Malgré tout, un enseignement de médecine judiciaire existe au sein de
l’Université poitevine 307 . Eugène Faivre, professeur à l’Ecole de médecine de Poitiers, est
chargé d’un cours de médecine légale à partir de 1900 308 . Cependant, ses leçons ne
s’adressent pas aux futurs médecins, mais aux étudiants en droit, futurs interlocuteurs des
médecins experts 309 . Ainsi, les nouveaux juges d’instruction, procureurs et autres avocats,
ont quelques notions de cette science dont ils sont parfois dépendants pour rendre la
justice.
L’enseignement médico-légal demeure, sauf à de rares exceptions, inaccessible aux
officiers de santé. Les détenteurs d’un doctorat en médecine ou en chirurgie sont les seuls
praticiens qui, au cours de leur formation, ont pu entendre parler de médecine judiciaire.
303
Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement. Naissance et développement d’une science sociale
en France à la fin du XIX e siècle. Autour des Archives de l’Anthropologie criminelle d’Alexandre
Lacassagne, thèse pour le doctorat en histoire contemporaine, sous la dir. de Michelle Perrot, Université
Paris VII-Denis Diderot, 1988, p. 710.
304
Décret du 14 juillet 1875 concernant l’institution des Ecoles de Médecine et de Pharmacie de plein
exercice.
Cité dans Bulletin des lois de la République française, Paris, Imprimerie Nationale, 1875, XII e série, t. 11,
bulletin 264, pp. 216-220.
305
Ibid., p. 217.
306
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, p. 967.
307
L’instauration d’un enseignement médico-légal dans les Facultés de droit est un débat ancien et récurrent.
Gabriel Tourdes y fait allusion en 1872 et la question est encore à l’ordre du jour quelques mois avant le
déclenchement du premier conflit mondial. L’Université de Poitiers apparaît donc parmi les précurseurs en
intégrant de telles notions dans le cursus de ses étudiants en droit aux premières lueurs du XX e siècle.
Cf. Gabriel Tourdes, « Médecine légale », art. cit., p. 685 et Crespin, « Nécessité d’un enseignement médicolégal
dans les Facultés et Ecoles de droit », III e Congrès de médecine légale de langue française (Paris, 26-28
mai 1913), sous la présidence de Charles Vibert, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et
de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1913, t. 28, pp. 520-522.
308
P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers…, op. cit., p. 515.
309
Henri Delaunay, Historique de l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Poitiers (1806-
1900), Poitiers, Fayoux, 1900, p. 21.
293

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
La complexité de la science la rend, en effet, absconse pour des hommes de l’art dont la
formation, bien que suffisante pour apporter quelques secours à leurs contemporains, reste
superficielle. Seuls les jeunes gens ayant acquis des connaissances approfondies, dans
diverses sciences médicales, sont à même de pouvoir comprendre les subtilités médico-
légales. Limiter l’enseignement de la médecine légale aux candidats au doctorat permet de
distinguer la formation doctorale des autres études médicales et, par voie de conséquence,
de justifier la supériorité de ses titulaires vis-à-vis des autres professionnels de l’art de
guérir. Or, il apparaît très vite que les connaissances médico-légales inculquées aux
docteurs sont insuffisantes et qu’un aspect de l’enseignement fait cruellement défaut : la
pratique de la médecine judiciaire.
3) L’apprentissage par la pratique 310
La médecine du XVIII e siècle connaît sa propre révolution, qui bouleverse à la fois
son enseignement, son organisation institutionnelle, ses concepts philosophiques, et bien
sûr sa pratique : la clinique. La nouvelle conception de l’art de guérir estime que l’étudiant
ne peut se contenter de lectures pour apprendre : il doit s’instruire auprès des malades 311 .
Or, il s’avère qu’en matière de médecine légale aucune clinique n’est proposée aux futurs
médecins. D’aucuns affirment, en outre, que la formation des futurs experts médicaux est
insuffisante pour être vraiment utile à la justice et à la communauté. L’enseignement
médico-légal prodigué au sein des Facultés françaises présente deux inconvénients
interdépendants : la brièveté, ainsi qu’il a été expliqué supra, et l’absence de pratique.
La dénonciation de l’omission d’une formation pratique médico-légale apparaît
relativement tôt sous la plume des auteurs, arguant qu’au titre de science médicale, la
médecine judiciaire doit bénéficier des mêmes égards. Suivons l’argumentaire d’Alphonse
Devergie 312 à ce sujet :
« la plus grande analogie n’existe-t-elle pas entre la médecine et la médecine légale ?
Toutes deux observent des faits, toutes deux en tirent des conséquences ; toutes deux
concluent : de l’une dépend la vie des individus ; de l’autre, un bien plus précieux encore
que l’existence, l’honneur. Mais s’il y a un tel rapport entre ces deux sciences, il en résulte
nécessairement qu’elles doivent être étudiées de la même manière ».
310 L’étude de l’enseignement pratique de la médecine légale s’inspire largement des travaux de Bruno
Bertherat sur la Morgue de Paris : La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 610-625.
311 Cf. sur l’instauration de la nouvelle manière d’envisager la médecine et son apprentissage, la thèse de
Marie-José Imbault-Huart, L’école pratique de dissection…, op. cit., VI-370 p.
312 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, p. 10.
294

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Devergie compare alors la façon dont les deux disciplines sont professées : « dès son
entrée dans la carrière médicale, l’élève qui veut devenir médecin-praticien se rend dans
les hôpitaux », alors que les cours relatifs à la médecine légale ne contiennent « rien de
pratique ». Devergie conclut qu’il « manque un enseignement médico-légal qui
corresponde à la clinique des hôpitaux, et où les élèves puissent trouver la même
instruction pratique qu’en médecine ».
La formation médico-légale est, en fait, victime d’une convergence de facteurs
négatifs. La liberté accordée par les instances judiciaires, en matière de réalisation des
expertises, se répercute sur les leçons prodiguées aux étudiants. Aucune règle de conduite
n’étant imposée aux médecins experts par les instances requérantes, les professeurs ne se
sentent pas forcés de préparer les futurs interlocuteurs des magistrats à établir des rapports
ou déclarations répondant aux attentes de ces derniers. En outre, ils ne les forment pas aux
subtilités et pièges que peuvent dissimuler certaines expertises judiciaires. Nombre de
représentants illustres de la discipline ont préféré utiliser les amphithéâtres des Facultés
comme tribune pour diffuser leurs théories ou dénigrer celles de leurs confrères, et cela au
détriment d’étudiants noyés sous des conflits doctrinaires très éloignés des difficultés
concrètes auxquelles ils devront faire face 313 .
De plus, l’organisation d’un enseignement médico-judiciaire pratique est tributaire
d’une matière première indispensable : des exemples d’expertises judiciaires, notamment
des cadavres. Or, il s’avère que la mise à disposition d’individus ayant succombé à une
mort violente est problématique. A l’instar de la dissection anatomique, la réalisation d’une
autopsie cadavérique par les apprentis médecins, ou du moins leur présence au cours d’un
examen post mortem, est très rare, pour ne pas dire quasiment inexistante : « les élèves
quittaient les bancs de l’Ecole de médecine sans avoir pratiqué ou vu pratiquer une
autopsie médico-légale » 314 . Le manque de cadavres 315 perdure et entrave la bonne marche
313 Zacharie Roussin, « Manuel complet de médecine légale par Joseph Briand, docteur médecin, et Ernest
Chaudé, docteur en droit, contenant un Traité élémentaire de chimie légale, par J. Bouis, docteur ès-sciences.
8 ème édition. Paris, J. B. Baillière et Fils, 1869, in-8, 1098 pages avec 3 planches et 56 fig., 14 fr. »,
Bibliographie, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1871, 2 ème série, t. 35,
p. 442.
314 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880, 2 ème série, t. 14, p. 56.
Alexandre Lacassagne fait le même constat dans l’avertissement servant de préambule à la première édition
de son Vade mecum, et repris dans la suivante : « il y a des médecins qui, pendant leurs études, n’ont jamais
vu de pendus, d’étranglés, n’ont pas observé une petite fille victime d’attentats à la pudeur, etc. ».
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1900, p. IX.
315 Cf. sur la question des restrictions et des difficultés des médecins à se procurer des corps à des fins
expérimentales le chapitre 5.
295

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
de la formation des hommes de l’art : comment apprendre les mystères de l’organisme
humain sans y poser les yeux ou y plonger les mains ?
Des initiatives ont pourtant tenté de développer cette formation. Si des cours
pratiques sont mis en place, en premier lieu à l’attention des chirurgiens 316 , les médecins
sont rapidement invités à en profiter, pour parfaire leurs connaissances. A Paris, une Ecole
pratique de dissection 317 est fondée. Malheureusement, elle ne rend pas les services
escomptés : d’une part, en vertu du caractère facultatif de son enseignement ; d’autre part,
eu égard au nombre limité d’élèves qu’elle est en mesure d’accueillir 318 . Les étudiants,
laissés à la porte de l’Ecole ont la possibilité de compléter leur formation grâce à
l’enseignement libre. En effet, les nombreux cours particuliers, proposés par les
professeurs ou les praticiens de la médecine, présentent l’avantage de s’adresser à un
groupe restreint, et ainsi permettent la mise en pratique : beaucoup de médecins, titulaires
d’un poste au sein d’un hospice ou d’un hôpital, sont suivis dans leurs visites par quelques
apprentis 319 . Il est donc possible d’envisager que certains auront fait profiter leurs élèves
des éventuelles expertises pour lesquelles ils ont été requis.
Un facteur très pragmatique s’avère être un autre frein au développement de leçons
pratiques de médecine légale. Comme mentionné précédemment, les cours consacrés à
cette discipline n’apparaissent qu’à l’issue du cursus et durant un seul semestre. Or, le
semestre généralement choisi pour accueillir les cours est celui d’été 320 . Il est aisé de
comprendre que les conditions climatiques ne sont alors pas favorables à la réalisation
d’examens cadavériques, d’autant plus que les procédés de conservation sont quasi
inexistants durant la majorité de la période 321 . De telles conditions sine qua non sont mises
316
En 1781, Jacques Henry Le Chasseux, maître en chirurgie et chirurgien à l’hospice général de Poitiers,
réinstalle dans la capitale poitevine un enseignement de chirurgie. Dès janvier 1782, il sollicite auprès des
administrateurs de l’hospice la permission de prélever des corps parmi les malades ayant succombé dans
l’établissement. Autorisation lui est donnée de « prendre et faire emporter à ses frais, par chacun l’an, le
plus respectueusement possible, deux cadavres de sexe masculin ».
Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres… », art. cit., pp. 248-250.
317
Cf. sur la mise en place de ce lieu d’enseignement parallèle à la Faculté de médecine, l’étude de Marie-
Josée Imbault-Huart, L’école pratique de dissection…, op. cit., VI-370 p.
318
H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 652.
319
Ibid.
320
La répartition des disciplines, au cours des quatre années qui constituent les études médicales, n’est pas
toujours identique. En témoignent les trois exemples, déjà détaillés dans le présent chapitre, du cursus à
suivre par chaque étudiant, pour espérer se présenter aux examens. Néanmoins, deux de ces programmes de
cours fixent les leçons de médecine légale au semestre d’été de la quatrième année.
Cf. Jacques Maygrier, Guide de l’étudiant…, op. cit., p. 81 et H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 654.
321
L’utilisation du froid, pour entraver la marche inéluctable et dangereuse de la décomposition cadavérique,
n’apparaît qu’à la fin des années 1870, et se limite à la Morgue de Paris, le coût d’une telle innovation étant
trop lourd à supporter pour les administrations hospitalières.
Sur cette question, voir le rapport de la commission chargée d’étudier la mise en place d’un système de
réfrigération à la Morgue : Paul Brouardel, « Installation d’appareils frigorifiques à la Morgue. Rapport
296

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
en avant pour justifier la réalisation des dissections anatomiques et autres exercices de
médecine opératoire exclusivement pendant les mois les plus froids 322 .
Il existe pourtant des techniques permettant de “prolonger la vie” des cadavres
employés pour l’étude de l’anatomie : l’embaumement. Certains savants tentent de pallier
deux difficultés rencontrées par cette discipline : le manque de corps et leur durée
d’utilisation limitée. Le plus illustre des taricheutes modernes est sans nul doute Jean
Gannal 323 . En effet, ce chimiste révolutionne l’embaumement en mettant au point des
produits de conservation directement injectables dans les artères. Le procédé de Gannal
présente un double avantage : le liquide conservateur remplace le sang, responsable d’un
certain nombre de phénomènes cadavériques, et l’opération est non mutilante. Ainsi
préparé, un corps se conserve plusieurs mois 324 , ce qui facilite la tâche des apprentis
médecins. En effet, la rapide détérioration des tissus oblige les étudiants à réitérer certaines
manipulations, à chaque fois qu’ils renouvellent leur sujet d’étude, pour reprendre la
dissection où ils l’avaient interrompue 325 . Or, si ce procédé conservatoire s’applique bien à
l’étude de l’anatomie, il en est autrement pour son pendant pathologique et pour la
médecine légale. En effet, les phénomènes qui ralentissent la putréfaction modifient en
même temps l’aspect des tissus et des organes, ce qui est incompatible avec des recherches
anatomo-pathologiques ou médico-légales. La formation des futurs hommes de l’art, à la
pratique de la médecine judiciaire, est donc exclue de leur cursus, soit pour des raisons de
calendrier universitaire, soit pour des motifs de nature concrète. Néanmoins, après
présenté à la Commission spéciale instituée le 6 octobre 1879, pour l’examen des divers systèmes relatifs à
l’installation d’appareils frigorifiques à la Morgue », Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1880, 3 ème série, t. 3, pp. 63-76.
L’article « Obitoires-Morgues » du Dictionnaire Dechambre propose également un petit historique de cette
installation. Cf. Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., pp. 45-51.
Enfin, Bruno Bertherat, dans son étude sur la Morgue de Paris, a consacré un chapitre à « La révolution du
frigorifique ». Cf. Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 386-452.
322 Outre le fait que les travaux pratiques de dissections sont abordés durant le semestre d’hiver, selon
Maygrier, Dubois et Montanier, les autorités, muées par des préoccupations hygiénistes, ont elles-mêmes pris
des mesures suspendant les manipulations cadavériques pendant la période chaude de l’année. Le préfet de
police de Paris a notamment émis une ordonnance sur les amphithéâtres de dissections qui stipule, à l’article
12, que « les dissections devront être suspendus depuis le 1 er mai jusqu’au 1 er novembre ».
Cf. D. Dalloz, Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en
matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public, nouvelle
édition, Paris, Thunot, 1854, t. 31, p. 548.
Cf. le chapitre 5 qui aborde en détail la réglementation relative aux périodes de l’année durant lesquelles les
manipulations cadavériques sont autorisées.
323 Jean Gannal, Histoire des embaumements, Paris, Ferra, 1838, 349 p.
324 Pierre Boitard, Nouveau manuel complet du naturaliste préparateur, 1 ère éd. 1828, nouvelle éd. rev., corr.
et augm., Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1868, p. 395.
325 Ibid., p. 394.
297

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
quelques tentatives avortées, et en s’inspirant d’initiatives tant nationales qu’étrangères,
l’Université française réussit à établir des cours pratiques de médecine légale.
La condition première pour instituer un enseignement médico-légal pratique est une
étroite collaboration entre la justice, pourvoyeuse de la matière première, les dépouilles des
trépassés, et le corps enseignant. Or, il apparaît que la principale explication de l’absence
de travaux pratiques de médecine légale est justement la divergence d’opinion qui oppose
ces deux institutions sur cette question.
Alphonse Devergie, très au fait des lacunes des étudiants en la matière, est le
premier à instaurer des cours pratiques. Fort de sa fonction de médecin-inspecteur à la
Morgue de Paris 326 , rôle à la fois administratif et scientifique, il y institue des conférences
pratiques en 1834 327 . Si Devergie peut s’enorgueillir d’avoir été l’initiateur de telles leçons,
il faut cependant nuancer leur impact sur l’enseignement médical. D’une part, en raison de
leur durée d’existence extrêmement courte. Deux ans seulement après leur création, les
conférences pratiques de Devergie sont suspendues 328 . Le motif invoqué par le parquet est
le secret de l’instruction : « le parquet prétendait qu’il constituait une entrave aux
recherches judiciaires et que la publicité donnée aux autopsies par le fait de la présence
des élèves était peu conforme aux intérêts de la justice » 329 . D’autre part, comme le fait
remarquer Paul Brouardel en rédigeant sa nécrologie, il a toujours manqué à Alphonse
Devergie une place importante au sein de la Faculté de médecine pour espérer « peser sur
la direction de l’enseignement de la médecine légale » 330 .
En revanche, la tentative de Gabriel Tourdes, à Strasbourg, s’est transformée en
réussite. Inspiré par le modèle d’enseignement médico-légal allemand 331 , Tourdes met en
place des cours pratiques, dès son arrivée à la tête de la chaire de médecine légale en
326 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 94.
327 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 56.
328 Ibid.
329 Ibid.
330 Paul Brouardel, « Nécrologie de Devergie », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1879, 3 ème série, t. 2, p. 491.
Dans sa thèse, Bruno Bertherat explique qu’Alphonse Devergie a toujours été isolé au sein du petit monde
médico-légal, notamment en raison de sa guerre ouverte, par écrits interposés, avec Mathieu Orfila.
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 570-576.
331 Au cours de l’article « Médecine légale », qu’il rédige pour le Dictionnaire Dechambre, Gabriel Tourdes
établit un petit historique de l’enseignement de la pratique médico-légale. Les repères chronologiques donnés
témoignent que la Faculté de Strasbourg se fond dans le mouvement initié par les Facultés d’outre-Rhin :
« un enseignement pratique a été établi à Vienne par Bernt, puis organisé à Berlin en 1833 par Wagner, et
continué par Casper ; introduit à la Faculté de Strasbourg, en 1840, et à Munich en 1865 ».
Cf. Gabriel Tourdes, « Médecine légale », art. cit., p. 686.
298

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
1840 332 . Il crée alors une véritable « clinique médico-légale » 333 , à l’image de la formation
reçue par les étudiants lors de leur présence dans les hôpitaux, au lit des malades.
L’organisation des leçons pratiques de Tourdes relève d’un procédé simple, décrit dans un
article consacré aux obitoires et autres dépôts mortuaires :
« quand il [Gabriel Tourdes] était chargé de procéder à une autopsie judiciaire et de faire
un rapport sur les causes de la mort, il faisait apporter le cadavre devant les élèves réunis
à l’amphithéâtre, procédait avec méthode, dans un ordre invariable, aux investigations
anatomiques, et dictait en même temps le rapport qui devait plus tard être produit devant le
tribunal. De la sorte les étudiants étaient initiés à l’art si scabreux du médecin légiste
[…] » 334 .
Si l’expérience d’Alphonse Devergie en matière de formation médico-légale pratique a été
brève, celle de Gabriel Tourdes s’inscrit, au contraire, dans la durée. En effet, il reste
titulaire de la chaire de médecine légale pendant quatre décennies, même après le
déménagement forcé de la Faculté à Nancy, en 1872, des suites de la guerre franco-
prussienne 335 .
Comment expliquer, qu’à des périodes presque contemporaines, deux initiatives
similaires soient pour l’une éphémère, et pérenne pour l’autre ? La première justification
réside peut-être dans la personnalité des protagonistes. L’isolement, le peu d’influence
dans le monde enseignant et quelques conflits avec d’autres membres éminents de la
médecine légale ont probablement été préjudiciables à Alphonse Devergie, ainsi qu’il a
déjà été mentionné. A contrario, Gabriel Tourdes a un statut élevé dans la hiérarchie de la
Faculté de médecine de Strasbourg, et plus largement au sein de la communauté
scientifique et intellectuelle alsacienne : professeur reconnu et expert respecté, tant par ses
pairs que par les autorités locales 336 . La seconde explication résulte peut-être de l’attitude
des magistrats de la région. Les pratiques d’instruction de leurs confrères allemands, et
notamment les rapports qu’ils entretiennent avec leurs médecins experts, ont pu influer sur
les représentants de la justice française 337 . Ces derniers sont familiarisés avec
332 A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale à Strasbourg de 1794 à
1870 ; Fodéré et Tourdes », Cahiers de médecine légale. Droit médical : Histoire de la médecine légale en
France, Société de Médecine Légale et de Criminologie de France (Paris, 15 juin 1987), Lyon, Editions
Alexandre Lacassagne, 1988, n°10, p. 30.
333 Gabriel Tourdes, « Médecine légale », art. cit., p. 685.
334 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 57.
335 A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale… », art. cit., p. 30.
336 L’étude des diverses Ecoles de pensées médico-légales, abordée plus loin dans le présent chapitre, apporte
des nuances quant à l’influence de Gabriel Tourdes et de la Faculté de médecine de Strasbourg sur la
médecine légale française. Elle pâtit notamment de l’hégémonie de Paris.
337 Des traductions d’ouvrages juridiques allemands, dans lesquels cette question est abordée, ont été
réalisées : par exemple, Fernand Daguin a publié une traduction du Code de procédure pénale allemand et le
célèbre manuel d’instruction de Hanns Gross a également eu les honneurs d’une version française.
299

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
l’enseignement pratique de la médecine légale, avec cet échange de bons procédés entre
justice et médecine : la première a besoin des lumières de la seconde, tandis que cette
dernière utilise les affaires criminelles pour former les futurs experts.
En outre, Gabriel Tourdes et ses confrères ne sont pas les seuls à aller chercher de
l’inspiration outre-Rhin. Paul Brouardel, figure dominante de la médecine légale durant les
trois dernières décennies du XIX e siècle, réalise plusieurs séjours à l’étranger, notamment
en Allemagne, Autriche et Suisse 338 , pour s’imprégner de leur mode de fonctionnement, et
ainsi appliquer les idées et pratiques les plus pertinentes à l’expertise judiciaire française.
Brouardel est, en effet, persuadé que ce n’est que par la pratique que les étudiants pourront
acquérir certaines connaissances :
« la détermination des taches de sang, de sperme, de méconium, d’enduit sébacé, la
recherche des poils et des cheveux demandent une éducation technique spéciale, que l’on
acquiert qu’en exerçant soi-même dans un laboratoire sous la direction d’une personne
expérimentée au maniement du spectroscope et du microscope » 339 .
Ainsi, l’une des réformes qu’il entend mener est la création de leçons pratiques de
médecine légale à la Morgue de Paris. C’est chose faite en 1877 : le 1 er juin, le préfet de
Police arrête que des conférences de médecine légale pratique seront données à la Morgue,
par Paul Brouardel, alors professeur suppléant à la Faculté de médecine de Paris 340 . La
Fernand Daguin, Code de procédure pénale allemand (1 er février 1877), Paris, Imprimerie nationale, 1884,
CXXIV-404 p.
Hanns Gross, Manuel pratique d’instruction judiciaire à l’usage des procureurs, des juges d’instruction, des
officiers et des agents de police judiciaire, fonctionnaires de police, gendarmes, agents de service de la
sûreté, traduit de l’allemand par Boucart et Wintzweiller, préface de Gardeil, Paris, Marchal et Billard, 1899,
2 t., XXVII-514 + 484 p.
338 Pour élaborer un projet de réformes concernant la médecine légale, qu’il souhaite proposer au garde des
Sceaux, Paul Brouardel demande l’autorisation de se rendre dans d’autres villes françaises et à l’étranger,
afin d’y étudier l’enseignement et l’exercice de la science médico-judiciaire. Il visite alors, avec deux anciens
élèves, les établissements de Nancy, Strasbourg, Heidelberg, Bonn, Berlin, Leipzig, Dresde, Prague, Vienne,
Munich, Zurich, Genève et Lyon.
Reprenant une ancienne pratique estudiantine, Léon Thoinot effectue son tour d’Europe médico-légal, à
l’occasion de la mise en place d’un institut médico-légal en lieu et place de la Morgue de Paris. Il visite alors
plusieurs instituts en Allemagne, Autriche-Hongrie et Danemark.
Les praticiens français demeurent cependant critiques et n’embrassent pas aveuglément les préceptes
allemands. L’enseignement médico-légal, prodigué outre-Rhin, présente « une véritable infériorité » en
comparaison de celui proposé aux étudiants français. Selon Paul Loye, cette infériorité transparaît dans le
statut médiocre des professeurs de médecine légale, dans les programmes des études, dans les examens et
« surtout dans la mésestime que maîtres et élèves témoignent à l’égard des études médico-légales ».
Paul Brouardel, Du service des autopsies médico-légales à la Morgue, Paris, Asselin, 1878, p. 2.
Léon Thoinot, « Un voyage médico-légal en Allemagne, Autriche, Danemark », Annales d’hygiène publique
et de médecine légale, Paris, Baillière, 1912, 4 ème série, t. 17, pp. 161-213.
Paul Loye, « L’enseignement de la médecine légale en Allemagne et en Autriche-Hongrie », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1889, 3 ème série, t. 21, p. 46.
339 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., pp. 230-231.
340 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 610.
Si le développement de cet enseignement doit être imputé à Paul Brouardel, il faut cependant en rendre la
paternité à Alphonse Devergie. Malgré son échec, au milieu des années 1830, le responsable de la Morgue de
300

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
décision est entérinée et officialisée par le ministre de l’Instruction publique qui le charge,
en décembre 1877, « d’organiser un cours de médecine légale et des exercices pratiques,
en tant que maître de conférences » 341 . Brouardel donne lui-même la description du
déroulement de ses travaux pratiques, description qui rappelle fortement la pédagogie de
Gabriel Tourdes :
« je donne la lecture de la commission qui me désigne et de l’objet de l’expertise ; je
pratique sous les yeux des élèves l’autopsie, la recherche des constatations concernant
l’identité, la date de la mort, les lésions, etc. Pendant ces diverses observations, je dicte les
notes que les auditeurs recueillent et sur lesquelles ils rédigent des rapports dont je corrige
quelques-uns à la fin de la séance suivante. Après la leçon, je fais souvent sous les yeux de
mes élèves des déterminations de taches au microscope ou au microspectroscope » 342 .
Dès lors, les leçons pratiques médico-légales font partie intégrante du cursus de l’étudiant
en médecine. Elles sont d’ailleurs intégrées aux épreuves d’examen, suite à la modification
des études médicales par le décret du 29 novembre 1911 343 . Réparties sur cinq ans, les
études menant au doctorat de médecine abordent cette discipline, au cours de l’ultime
année. A l’issue de la cinquième année, les candidats sont soumis, d’une part, à des
épreuves théoriques portant sur la thérapeutique, l’hygiène, la médecine légale, avec
notamment des notions de législation et de déontologie, et d’autre part, à des épreuves
pratiques limitées, elles, à des questions sur l’hygiène et la médecine légale 344 .
Les réformes de l’enseignement médico-légal menées par Brouardel prennent
encore plus d’envergure, dès lors que celui-ci occupe deux fonctions à hautes
responsabilités pour cette discipline : à partir de 1879, il est à la fois titulaire de la chaire
de médecine légale à la Faculté de Paris 345 , et médecin-inspecteur de la Morgue 346 . Paul
Brouardel marque alors une rupture avec son prédécesseur à la chaire de médecine légale,
Ambroise Tardieu. Henri Legrand du Saulle se fait le rapporteur des réflexions de Tardieu,
en matière de leçons pratiques organisées à la Morgue. L’opposition que manifeste le
représentant de la science médico-judiciaire le plus connu au milieu du XIX e siècle, repose
sur deux arguments. Le premier est de nature pragmatique : « une expertise à laquelle
Paris n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir la restauration de ces cours : « grâce à l’insistance de M.
Devergie, on a enfin obtenu de l’administration qu’elle autorisât ces leçons pratiques ».
« Sociétés. Congrès. Cours pratiques de médecine légale », Journal de médecine et de chirurgie pratiques à
l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1877, t. 48, article n°10564, p. 337.
341
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 580.
342
Paul Brouardel, Exposé des titres et des travaux du Docteur Brouardel, candidat à la chaire de médecine
légale, vacante à la Faculté de médecine de Paris, Paris, Imprimerie Emile Martinet, 1879, p. 7.
Cité dans Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 619.
343
Maurice Veluet, Cent quarante ans…, op. cit., pp. 96-99.
344
Ibid., p. 101.
345
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 581.
346 Ibid., vol. 1, f° 94.
301

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
assisteraient plusieurs centaines de jeunes gens serait impossible, d’abord à cause de
l’exiguïté des locaux ». Le second est d’ordre légal : « elle porterait atteinte à l’ordre
public et enlèverait à la police judiciaire ses moyens d’investigation. Le secret est la base
principale d’une information […] » 347 . Or, ce sont précisément les deux paramètres à
améliorer pour rendre l’enseignement pratique efficace.
La Morgue de Paris a pour vocation première d’accueillir les corps d’individus
décédés et sans identité : ils sont alors exposés pour permettre leur identification. Un
glissement d’attribution s’effectue ensuite : elle devient le lieu où sont transportées les
victimes de morts violentes ou subites, la promiscuité inhérente aux grandes villes ne
facilitant pas la réalisation des examens post mortem dans les habitations privées. Pour
autant, la Morgue n’a jamais été conçue pour être un lieu d’enseignement. Par conséquent,
la mise en place des conférences pratiques, à partir de 1877, est problématique. La pièce où
les autopsies sont réalisées n’est pas adaptée pour recevoir un public. Brouardel demande,
en novembre 1878, dans un rapport adressé au procureur de la République et accepté par le
garde des Sceaux, la construction d’un amphithéâtre dans la salle d’autopsie 348 . Installé, en
définitive, dans la salle des morts, il peut accueillir une centaine de spectateurs 349 . Malgré
cet aménagement, la réalisation d’autopsies devant un parterre important d’étudiants et de
médecins, venus profiter des lumières du célèbre professeur Brouardel et qui s’entassent
dans les gradins de l’hémicycle 350 , demeure un exercice périlleux. Le déménagement de la
Morgue, dans un bâtiment adapté à ses nouvelles responsabilités, s’impose dès le début des
années 1880 351 . En un laps de temps très court, la Morgue de Paris s’est donc attribué un
rôle nouveau et reconnu des instances dirigeantes 352 : la formation des médecins aux joies
et difficultés de la médecine judiciaire. Néanmoins, ces mêmes instances ne font pas
toujours montre de bonne volonté pour l’aider dans sa mission.
A l’occasion d’une résolution votée par la Chambre des députés, le 30 juin 1899,
qui « invite M. le Ministre de l’Instruction publique à réorganiser l’enseignement de la
347
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 202.
348
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., pp. 51-53.
349
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 620.
350
Ibid., f° 653.
351
Néanmoins, les étudiants et professeurs devront patienter durant quatre décennies avant de pouvoir
s’installer dans les nouveaux bâtiments, inaugurés en 1923 et situés à l’angle de la place Mazas et du quai de
la Rapée.
Cf. ibid., vol. 2, f° 662-664.
352
La nouvelle mission confiée à la Morgue de Paris, relative à l’enseignement pratique de la médecine
judiciaire, prend une dimension institutionnelle lorsqu’elle se transforme en “Institut de Médecine Légale et
de Psychiatrie” en 1903. Elle devient ainsi le centre de formation exclusif des praticiens de la médecine
judiciaire. Cet aspect sera analysé plus longuement au cours de l’étude sur les débuts de la spécialisation.
302

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
médecine légale dans les Facultés sur des bases plus larges que celles qui régissent
actuellement cet enseignement » 353 , une consultation auprès des Facultés de médecine est
lancée. Outre un bilan de la situation dudit enseignement, le rapport concernant la Faculté
de Lyon fait état des améliorations à y apporter. Il ressort, notamment, que les autorités
judiciaires et policières sont peu enclines à recourir aux médecins de la morgue lors des
décès accidentels ou subits. Pour l’auteur du rapport, Alexandre Lacassagne, il serait
bénéfique que, dans un but pédagogique,
« l’autorité préfectorale [puisse] donner des ordres aux commissaires de police afin que,
dans les cas de suicides divers, d’accidents, de morts subites, alors qu’aucune atteinte ne
peut être portée aux sentiments des familles, le cadavre soit, à la morgue, l’objet d’une
levée de corps de la part d’un des médecins au rapport » 354 .
Il remarque en effet que, « sous prétexte d’économie, les commissaires de police
requièrent un médecin quelconque et beaucoup de matériaux d’instruction, qui pourraient
être utilisés, sont perdus pour l’enseignement » 355 . Quelques années plus tard, Cazeneuve,
lors d’un discours devant la Chambre, constate que la situation de l’enseignement pratique
n’a pas changé, en dépit des desiderata émis par les Facultés de médecine. Il réitère donc
la requête concernant le professeur de médecine légale :
« il enseigne [aux étudiants], en face d’un décès, à rechercher s’il s’agit d’un suicidé ou,
au contraire, d’une victime d’un acte criminel. Mais ces études ne peuvent être faites, cet
enseignement ne peut être donné que si, à côté des conférences théoriques, à côté des
graphiques, à côté des considérations de statistique, toujours utiles en la matière, les
commissaires de police, les juges d’instruction qui sont appelés à instrumenter lorsqu’un
événement tragique se produit dans nos grandes villes ou dans nos campagnes, chargent le
professeur de médecine légale d’apporter son concours d’expert dans l’instruction » 356 .
Or, en l’absence de tout règlement quant à la question du choix de l’expert médical, le juge
d’instruction « a recours, bien entendu, à l’expert dont il a l’habitude » 357 . En un mot,
Cazeneuve souhaite réserver l’exclusivité des expertises médico-légales aux seuls
professeurs de la discipline et à leurs assistants, revendication qui s’inscrit dans le
processus de spécialisation, abordé précédemment, que connaissent les sciences médicales
à l’aube du XX e siècle.
353
Alexandre Lacassagne, « Rapport sur l’enseignement de la médecine légale à la Faculté de médecine de
Lyon », Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique,
Lyon, Storck, 1900, t. 15, p. 363.
354
Ibid., p. 370.
355
Ibid.
356
Cazeneuve, « L’enseignement… », art. cit., p. 892.
357 Ibid., p. 893.
303

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
L’enseignement de la médecine légale est encore loin d’être parfait à la veille de la
Première Guerre mondiale. Si des améliorations ont été apportées au cours du XIX e siècle,
grâce à des initiatives souvent individuelles, le vœu émis par le professeur Morache,
titulaire de la chaire de médecine légale à Bordeaux dans les années 1880, est loin d’avoir
été réalisé. En effet, dans l’ouvrage qu’il consacre à la question, Morache conçoit
l’enseignement de la médecine légale comme un triptyque : « l’enseignement dogmatique »
porte sur les aspects généraux ; « l’enseignement expérimental » initie l’étudiant aux
recherches microscopiques et chimiques ; enfin, « l’enseignement clinique » le confronte à
de véritables expertises judiciaires 358 .
La lente et difficile mise en place d’une formation satisfaisante est imputable à
plusieurs facteurs. Tout d’abord, la conception que la majorité du corps médical se fait de
la médecine judiciaire : cette discipline n’est constituée que de morceaux d’autres sciences
qui lui sont adaptées ; les leçons suivies par les étudiants durant l’ensemble de leur cursus
sont donc suffisantes pour faire d’eux de bons experts judiciaires. Tel est l’avis d’un des
plus influents représentants du corps médico-légal des années 1850-1880, Ambroise
Tardieu. Alors que certains réclament la réglementation des procédures d’expertises
judiciaires, Tardieu manifeste sa confiance envers ses pairs qu’il estime éclairés et
suffisamment instruits pour tenir lieu d’experts judiciaires : « j’estime que chaque expert
saura se faire à lui-même sa propre méthode et procéder suivant ses habitudes et ses
convenances particulières » 359 .
Ensuite, la rétention des exemples matériels d’expertises, par une justice qui préfère
s’en référer aux hommes de l’art qu’elle connaît, a pénalisé la formation pratique. Outre la
manifestation d’une routine procédurale des magistrats, habitués à coexister avec tel ou tel
homme de l’art, leur méfiance exprime aussi une préoccupation d’ordre juridique : confier
l’examen aux professeurs de médecine légale, et en l’occurrence autoriser la présence d’un
nombre important d’étudiants durant sa réalisation, revient à trahir le secret de
l’instruction.
Enfin, le confinement des cours de médecine légale au sein des seules Facultés de
médecine, réduites au nombre de trois durant près de quatre-vingts ans, fait de son
enseignement un privilège accordé aux uniques candidats au doctorat, et limite quelque
peu sa diffusion dans les autres structures éducatives.
358 Georges Morache, La médecine légale, son exercice et son enseignement, Paris, Baillière, 1880, pp. 18-21.
359 Ambroise Tardieu, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir.
de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1866, t. 4, p. 225.
304

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Il est néanmoins indéniable que le savoir médico-légal fait partie du cursus des
étudiants de médecine. Les jeunes titulaires du doctorat peuvent donc s’enorgueillir de
posséder des connaissances médico-judiciaires. Mais comme toutes les sciences médicales,
la médecine légale évolue sans cesse, ce qui signifie, pour les hommes de l’art soucieux
d’apporter un concours de qualité à la justice, qu’ils doivent maintenir leurs connaissances
à niveau.
B) La “formation continue” du médecin expert
Les praticiens d’une science n’en sont pas toujours les théoriciens ou les
expérimentateurs. Les recherches, et donc les découvertes, sont le fait d’une poignée
d’individus parfois isolés, travaillant dans le secret de leur cabinet ou de leur laboratoire. Si
les avancées qu’ils mettent au point se propagent assez rapidement, et sans beaucoup
d’effort, au sein de l’institution à laquelle ils sont rattachés, hôpital, Faculté, Ecole
préparatoire, leur diffusion à plus grande échelle souffre quelques difficultés et lenteurs.
Pour appréhender la problématique de la diffusion des savoirs médico-légaux, il
convient tout d’abord d’en étudier le concept, puis les modalités et outils mis à la
disposition tant des auteurs que des receveurs des innovations : en premier lieu la
littérature spécialisée, puis les périodiques médicaux, enfin les sociétés savantes et autres
musées.
1) La diffusion des savoirs : préceptes et concepts 360
Etudier l’histoire d’une discipline scientifique sans aborder sa diffusion, l’impact de
ses découvertes théoriques et techniques, le délai de pénétration d’une idée novatrice au
plus profond de sa pratique, c’est omettre un large pan de ce qui la constitue. La
problématique a donc été évoquée dans nombre d’études portant sur les sciences et
techniques. L’évocation d’une découverte, au détour d’un journal médical, n’est en rien la
360 Pour une analyse anthropologique de la diffusion des savoirs et de la production de faits scientifiques, cf.
les travaux fondamentaux de Bruno Latour : La science en action. Introduction à la sociologie des sciences,
traduit de l’anglais par Michel Biezunski, édition originale publiée en 1987 par Harvard University Press,
Paris, Gallimard, Folio Essais, 1995, 663 p. ; avec Steve Woolgar, La vie de laboratoire. La production des
faits scientifiques, traduit de l’anglais par Michel Biezunski, Paris, La Découverte/Poche, Sciences humaines
et sociales, 1996, 300 p.
Sur la vulgarisation scientifique, voir l’ouvrage de Daniel Jacobi, Diffusion et vulgarisation. Itinéraires du
texte scientifique, préface de Jean Peytard, Paris, Les Belles Lettres, Annales littéraires de l’Université de
Franche-Comté, 1986, 182 p.
Pour une approche historique de la diffusion scientifique, voir par exemple l’ouvrage collectif dirigé par
René Taton, Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIII e siècle, Paris, Hermann, Histoire de
la pensée, 1964, 780 p.
305

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
preuve de son emploi par les praticiens de la discipline. L’excès inverse doit également
être évité. Il convient de ne pas “archaïser” et sous-estimer les outils de propagation
utilisés au cours de ce siècle.
Les historiens qui se sont intéressés à l’histoire des idées ont souligné la prudence
avec laquelle le chercheur devait aborder cette question. En premier lieu, il est essentiel de
garder à l’esprit que, dès lors qu’un savant a réalisé une avancée, cela ne signifie pas pour
autant que celle-ci est assimilée par l’ensemble de la communauté scientifique. Jacques
Léonard transforme ce constat en une sorte d’erreur dont doit se prémunir tout historien
des sciences : « ne jamais extrapoler de la date d’une découverte, d’une invention ou d’une
hypothèse, l’immédiateté de leur diffusion dans le corps médical » 361 .
Ensuite, il convient de se garder d’employer le terme “découverte” de manière
inappropriée ou prématurée : « il ne suffit évidemment pas qu’une nouvelle substance ou un
nouvel agent infectieux aient été isolés pour qu’on puisse aussitôt parler de
découverte » 362 . Et l’auteur de donner un exemple :
« le temps qu’il a fallu par exemple pour isoler la morphine, entre 1803 et 1817, montre
bien qu’il s’agit d’un processus où plusieurs auteurs étaient engagés, et
qu’indépendamment même des problèmes de fabrication, de commercialisation et de
dosage de tout nouveau produit, un délai parfois assez long sépare le moment où l’analyse
chimique révèle la présence insoupçonnée d’un nouveau corps, de celui où l’on est
capable de dire avec certitude qu’il est toujours présent, avec la même composition, et que
c’est bien lui qui est l’élément actif » 363 .
Il existe donc une période transitoire, entre le moment où une découverte est effectuée, et
le moment où celle-ci devient un fait scientifique établi et reconnu, période durant laquelle
une certaine méfiance peut être manifestée à l’égard de l’hypothèse avancée. La phase de
confirmation est alors l’occasion d’une joute verbale ou scripturale entre pro et anti-
découverte.
Les Archives d’anthropologie criminelle sont le théâtre d’un affrontement de la
sorte. Entre 1899 et 1913, plusieurs contributions se font écho sur un même sujet : la
docimasie hépatique 364 . En s’appuyant sur les recherches de Claude Bernard 365 relatives à
361 Jacques Léonard, « La pensée médicale » in Jacques Léonard, Médecins, malades et société dans la
France du XIX e siècle, textes réunis et présentés par Claude Bénichou, avant-propos de François Lebrun,
préface de Jean-Pierre Peter, Paris, Sciences en situation, 1992, p. 217.
362 Roselyne Rey, « Les relations entre savoirs et pratiques » in Pour l’histoire de la médecine. Autour de
l’œuvre de Jacques Léonard, textes réunis par Michel Lagrée et François Lebrun, actes de la journée d’études
(9 janvier 1993) organisée par le Groupe de recherche en épistémologie et histoire de la médecine (GREHM,
Université de Paris 13), sous la dir. de Dr. Jacques Poirier, Claude Bénichou et Claude Langlois, Rennes,
PUR, Histoire, 1994, p. 101.
363 Ibid.
364 Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « La fonction glycogénique du foie dans ses rapports avec les
expertises médico-légales », Rapport présenté au Congrès de Moscou (1897), Revue critique, Archives
306

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
la fonction glycogénique du foie, des études sur l’application de ces constatations aux
expertises judiciaires ont été amorcées au laboratoire de médecine légale de Lyon, sous
l’égide d’Alexandre Lacassagne. Après cinq années d’expérimentation, Lacassagne et ses
collaborateurs affirment que la teneur en glycogène et en glucose dans le foie est « une
preuve indubitable de mort lente ou de mort subite » 366 . En effet, leurs expériences
chimiques démontrent qu’un faible taux de glycogène dans le foie est synonyme de mort
lente, l’organisme ayant puisé dans ses réserves pour lutter et se maintenir le plus
longtemps en vie. A contrario, un arrêt brutal des fonctions vitales laisse les réserves en
glycogène intactes 367 . Ainsi, la docimasie hépatique peut présenter trois résultats différents,
indicateurs de la nature du décès :
« la présence de sucre et de glycogène (docimasie positive complète) serait preuve que
l’individu a succombé en pleine santé ; l’absence de ces substances (docimasie négative)
indiquerait que le décès est survenu à la suite d’une maladie et d’une longue agonie ; enfin
l’existence de sucre sans glycogène (docimasie positive incomplète) témoignerait d’une
mort subite, mais au cours d’une maladie » 368 .
Une première objection est émise par Corbey, de l’Institut médico-légal de l’Université de
Liège, qui s’interroge : « ne peut-on concevoir qu’après la mort le sucre persistant dans le
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1897,
t. 12, pp. 446-451.
Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « De la docimasie hépatique », Notes et observations médico-légales,
Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon,
Storck, 1899, t. 14, pp. 54-69.
Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « La docimasie hépatique », Communication faite au Congrès de
médecine de Paris, Revue critique, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie
normale et pathologique, Lyon, Storck, 1900, t. 15, pp. 419-423.
Corbey, « Sur la valeur médico-légale de la docimasie hépatique », Revue critique, Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1901, t. 16, pp. 43-48.
Etienne Martin, « A propos de la docimasie hépatique », Revue critique, Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1902, t. 17,
pp. 285-299.
Seegen, « Sur la docimasie hépatique », Société Impériale-Royale de Médecine de Vienne, Revue des
sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1903, t. 18, p. 758.
Etienne Martin, « Disparition du glycogène et du glucose du foie dans les grandes hémorragies n’est pas le
fait de la saignée à blanc, mais bien d’une intoxication chronique de l’organisme », Notes et observations
médico-légales, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1906, t. 21, pp. 40-43.
Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « A propos de la communication du Dr Brault sur l’importance
médico-légale de la conservation du glycogène hépatique », Revue critique, Archives d’anthropologie
criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1911, t. 26,
pp. 300-306.
« René Welsch, Contribution à l’étude de la docimasie hépatique », Bibliographie, Archives d’anthropologie
criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1913, t. 28, p. 294.
365
Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « La fonction glycogénique du foie… », art. cit., p. 446.
366
Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « De la docimasie hépatique », art. cit., p. 54.
367
Ibid., p. 55.
368
Seegen, « Sur la docimasie hépatique », art. cit., p. 758.
307

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
foie s’est progressivement détruit sous l’influence de la putréfaction ? » 369 . Et l’auteur de
conclure, après l’exposition de plusieurs constatations, qu’il est impératif de prendre en
considérations les circonstances ante et post mortem. D’autres critiques s’attachent aux
procédés expérimentaux employés par Lacassagne et ses assistants : « l’addition de
charbon de sang, recommandée par le professeur de médecine légale de Lyon, est nuisible
parce qu’elle fait disparaître une certaine quantité de sucre » 370 . Des observations
contraires, ou tout du moins nuancées, sont également proposées par des savants qui ont
employé des techniques expérimentales différentes. Le Dr Brault a, par exemple, recherché
la présence de glycogène par la méthode histologique, c’est-à-dire par l’examen
microscopique de la structure du tissu hépatique 371 . En réponse, Lacassagne souligne
qu’avec des techniques différentes, les résultats seront nécessairement différents : « il est
possible, par la teinture d’iode, de retrouver dans une préparation histologique, des traces
de glycogène, qui passeront inaperçues lorsqu’on examine le liquide de macération du
foie » 372 . La comparaison des observations est donc impossible. De plus, pour prouver la
supériorité de la docimasie hépatique, c’est-à-dire les analyses chimiques, sur l’examen
tissulaire, l’un des élèves de Lacassagne souligne, dans la thèse qu’il a consacrée à la
question, que « l’examen histologique est impraticable dans les cas de putréfaction, alors
que la docimasie hépatique permet encore de tirer certaines conclusions » 373 .
Jacques Léonard introduit une autre variable à prendre en considération dans
l’étude de la diffusion des savoirs. Pour lui, « les préoccupations pratiques des médecins,
englués dans leur profession », sont relativement éloignées des interrogations de leurs
confrères chercheurs 374 . La force de l’habitude est un facteur prépondérant. Pourquoi
suivre une innovation sous prétexte qu’elle est nouvelle, alors que les savoirs et procédés
anciens ont fait leurs preuves ? De plus, l’introduction d’une technique ou d’une théorie
qui prennent le contre-pied complet des connaissances et procédures employées jusque-là,
ne se fait pas sans quelque heurt ou sans un peu de temps. Or, le décalage, entre le groupe
producteur et le groupe récepteur de la découverte, est déterminant en matière de diffusion.
Ainsi que l’explique André Leroi-Gourhan dans l’étude ethnologique qu’il consacre aux
Milieu et techniques, « le mécanisme même de la diffusion est simple : il suppose entre
369
Corbey, « Sur la valeur médico-légale… », art. cit., p. 44.
370
Seegen, « Sur la docimasie hépatique », art. cit., p. 758.
371
Alexandre Lacassagne, Etienne Martin, « A propos de la communication… », art. cit., pp. 300-304.
372
Ibid., pp. 304-305.
373
« René Welsch, Contribution… », art. cit., p. 294.
374
Jacques Léonard, « La pensée médicale », art. cit., p. 217.
308

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
deux groupes un décalage sensible, mais de faible amplitude » 375 . Une différence trop
importante empêcherait donc l’assimilation de l’innovation. Il est impératif que ceux
recevant la découverte, soient en mesure de l’intégrer aussitôt, sans que cela ne nécessite
un bouleversement trop violent de leurs conceptions ou de leur praxis : « les groupes
récepteurs, ainsi qu’on l’a exposé au sujet de l’emprunt, ne peuvent s’approprier les
innovations que si leur état permet une assimilation instantanée » 376 . Les médecins doivent
être dans la capacité intellectuelle et matérielle de s’approprier rapidement une nouveauté,
et de la mettre facilement en pratique, sans quoi celle-ci n’a aucune chance de
révolutionner les habitudes des hommes de l’art.
Pour achever l’établissement des précautions et nuances à garder à l’esprit par
l’historien qui étudie la diffusion des savoirs, il convient de relater une déconvenue
rencontrée, relative aux thèses de médecine. Le postulat de départ est empreint de logique :
les thèses de médecine servent de relais entre les Facultés de médecine, centres de
réflexion par excellence, et le reste du corps médical. En effet, bien que Poitiers ne possède
pas de Faculté au XIX e siècle, un corpus important de ces productions étudiantes est
conservé à la Bibliothèque Universitaire 377 . L’Ecole secondaire de Poitiers a, en
l’occurrence, reçu une grande partie des thèses de médecine soutenues à Paris, Montpellier,
Lyon, Nancy ou Bordeaux, notamment. Les hommes de l’art de Poitiers, et même des
environs immédiats, ont donc accès à des travaux de recherche récents qui sont novateurs
ou font le bilan de plusieurs années d’observations menées au sein de leur laboratoire.
Mais encore faut-il que les praticiens poitevins consultent les écrits en question. Or, il est
apparu, en en examinant quelques-uns, que les livrets ne sont pas découpés, ce qui laisse
supposer que personne n’a jamais lu ces documents. L’hypothèse élaborée, quant au relais
permis par les thèses de médecine entre théoriciens des grandes villes et praticiens de
province, est donc fortement mise à mal. Elles doivent être considérées uniquement comme
la production expérimentale et intellectuelle des plus éminents représentants français des
sciences médicales et de leurs disciples. Elles sont, par conséquent, classées avec toute la
littérature spécialisée, documentation qui constitue le niveau supérieur des moyens de
propagation des préceptes et des connaissances fondamentaux d’une science.
375
André Leroi-Gourhan, Milieu et techniques, Paris, Albin Michel, Sciences d’aujourd’hui, 1973, p. 429.
376
Ibid., pp. 429-430.
377 e
Les thèses de médecine datant du XIX siècle sont entreposées à la Bibliothèque Universitaire, section
Sciences. Il est à déplorer qu’aucun répertoire, ni par auteurs, ni par matières, n’ait été établi, rendant par
conséquent le recensement et la consultation des documents malaisés. La situation a, par ailleurs, des
répercussions sur les analyses de la présente étude. Par exemple, à moins d’effectuer un dépouillement
complet du corpus, ce qui dans le cas présent n’a pas été effectué, il est impossible de connaître précisément
la part des travaux qui ont trait à la médecine légale, en regard des autres disciplines médicales.
309

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
2) La littérature médico-légale
La publication d’un ouvrage, dans un domaine de la science, peut être considérée
comme la manifestation, consciente ou non, d’une volonté d’apporter une pierre à l’édifice
du savoir, et l’espoir de passer à la postérité. En effet, la manière la plus sûre qui permette
à un savant de faire profiter la communauté scientifique des observations, expériences ou
théories élaborées dans l’isolement de son cabinet ou de son laboratoire, est la forme
scripturale. A la lumière de ce constat, il convient d’étudier la production littéraire médico-
légale : est-elle conséquente, quelles formes différentes prend-elle, comment se répartie-t-
elle sur l’ensemble de la période étudiée, quels sont l’impact et la valeur de sa diffusion ?
Précisons, en préambule, qu’avoir à sa disposition le fonds documentaire de
l’ancienne Ecole de médecine de Poitiers présente un avantage certain 378 , notamment pour
l’étude de la diffusion des savoirs, de l’enseignement dispensé, et donc des intérêts
scientifiques des enseignants et de leurs élèves 379 . Il est ainsi possible de relever quels
ouvrages de médecine légale sont à leur disposition, si le renouvellement des
connaissances est régulier et fréquent, ou si au contraire il existe un déséquilibre dans la
répartition chronologique des publications.
Tout d’abord, le nombre d’ouvrages généraux de médecine légale, publiés durant le
XIX e siècle et ayant appartenu à l’Ecole de médecine, est à la fois important et restreint : le
fonds en compte 11 (tableau 33, cf. annexe 14) 380 . Compte tenu du fait que cette discipline
ne fait pas partie de l’enseignement proposé par les Ecoles de médecine, ce chiffre apparaît
largement supérieur à ce que l’on pourrait espérer y découvrir. Eu égard à l’offre du
378 Conservé jusqu’à présent au Fonds Ancien de la Bibliothèque Universitaire, section Droit-Lettres, le fonds
de l’Ecole de médecine est amené à éclater prochainement. En effet, une partie du fonds doit retourner dans
les rayonnages de la bibliothèque de la Faculté de médecine, suite au déménagement de cette dernière sur le
site du CHU.
379 La bibliothèque de l’Ecole de médecine n’est pas la seule source d’informations scientifiques pour les
médecins. D’autres structures peuvent également mettre à leur disposition des ouvrages, par exemple la
Société de médecine de Poitiers. Il est à déplorer que le fonds de cette société savante ne soit pas resté en
l’état, et a certainement été dispersé. Une partie a très probablement été transférée à la bibliothèque
municipale, aujourd’hui la Médiathèque François Mitterrand, mais sans preuve formelle.
380 Si en matière d’ouvrages généraux de médecine légale les possessions de l’Ecole de médecine sont
relativement limitées, il faut reconnaître qu’elle détient un certain nombre de travaux fondamentaux pour la
discipline, et notamment pour la présente étude. En ce qui concerne les écrits plus spécialisés, il est possible
de consulter le Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale de
François Chaussier, ou le Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale de Charles Marc. Mais l’une des
sources d’informations les plus importantes réside dans les dictionnaires de sciences médicales, entreprise
collective qui tente de faire l’inventaire des connaissances scientifiques de son époque. L’Ecole de médecine
en détient plusieurs, parmi lesquels se trouvent les plus importantes réalisations du XIX e siècle : le
Dictionnaire des sciences médicales en 60 volumes publié chez Panckoucke, ainsi que sa version abrégée en
16 volumes, le Dictionnaire de médecine en 21 volumes, et surtout le Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales qui compte 100 volumes et est dirigé en très grande partie par Amédée Dechambre, ce qui
lui vaut le surnom de Dictionnaire Dechambre.
310

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
marché littéraire médico-légal, ce chiffre est très limité 381 . Comme il est indiqué plus loin,
le recensement effectué aboutit à un total de 76 traités et manuels de médecine légale,
publiés en France durant le XIX e siècle (cf. annexe 39).
En outre, le graphique concernant les ouvrages de médecine légale de l’Ecole de
médecine (graphique 50) montre que le corpus documentaire est inégalement réparti sur le
XIX e siècle, et donc rarement renouvelé. Après un petit pic dans les années 1810-1820,
l’acquisition d’ouvrages plus récents s’effondre. Il faut attendre les années 1830-1850 pour
que l’Ecole renouvelle son fonds, avec les ouvrages de Bayard et de Briand, puis les
années 1890, avec la quatrième édition du Précis de médecine légale de Vibert. Il est à
noter que les possessions de l’Ecole de médecine en matière d’ouvrages généraux de
médecine légale suivent la courbe inverse des publications (graphique 51).
Nombre d'ouvrages
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
1795-
1799
1800-
1809
Graphique 50 : Ouvrages généraux de médecine légale contenus dans le fonds
de l’Ecole de médecine de Poitiers.
1810-
1819
1820-
1829
1830-
1839
1840-
1849
1850-
1859
311
1860-
1869
1870-
1879
1880-
1889
1890-
1899
1900-
1915 Années
Manuels
T raités
381 Afin de parfaire de telles réflexions sur les ouvrages à disposition des hommes de l’art poitevins, il
conviendrait d’effectuer une recherche sur les bibliothèques personnelles de ces praticiens. En effet, il est
permis de penser que la consultation de telles collections n’est pas limitée à leurs seuls propriétaires, ces
derniers étant souvent disposés à ouvrir leur bibliothèque privée à leurs confrères, voire à un large public. Cf.
René Taton (sous la dir. de), Enseignement et diffusion…, op. cit., pp. 186-187.
De plus, les bibliothèques des Facultés de médecine, souvent pauvres jusqu’au XVIII e siècle, étoffent leurs
collections grâce aux dons et legs de bibliothèques privées. D’ailleurs, la collection de l’Ecole de médecine
de Poitiers a été enrichie par plusieurs legs de bibliothèques personnelles ayant appartenu à d’anciens
professeurs, parmi lesquels Barrilleau, qui fut directeur de l’Ecole de 1854 à 1864. Cf. Henri Delaunay,
Historique de l’Ecole préparatoire…, op. cit., p. 5.
Pour un exemple d’analyse de la bibliothèque d’un établissement d’enseignement médical, cf. l’étude de
Patrick Bernier, La bibliothèque et le cabinet de curiosités de l’Ecole d’anatomie et de chirurgie de
Rochefort au XVIII e siècle et l’illustration des pharmacopées et des livres d’anatomie, maîtrise d’histoire de
l’art, sous la dir. de Véronique Meyer, Université de Poitiers, 2005, 173 f°. Il remarque notamment que les
cabinet et bibliothèque privés des enseignants de l’Ecole sont mis à la disposition des élèves (f° 23-24).
T otal

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
La littérature médico-légale du XIX e siècle est à l’image de l’évolution
conceptuelle que la discipline connaît durant la période. Pour se constituer comme science
à part entière, la médecine légale a besoin d’ouvrages complets, qui exposent le savoir
nécessaire aux hommes de l’art missionnés par la justice pour effectuer des examens
médicaux. En effet, les publications, qui ont amorcé une littérature spécialisée, se
présentent sous la forme de « recueil de modèles – succincts – de rapports que les
chirurgiens, médecins, apothicaires, sages-femmes sont appelés à fournir à la justice » 382 .
Le XIX e siècle voit alors fleurir les œuvres qui allient l’ensemble des savoirs théoriques et
pratiques, des exemples d’observations ou d’expériences faites à l’occasion d’expertises
judiciaires, des conseils quant à la méthode à employer et aux écueils à éviter, et la
législation relative à la médecine judiciaire. Les diverses composantes peuvent être
inégales, certaines même absentes, d’un ouvrage à l’autre.
Il est en fait possible de distinguer deux types de publications consacrées à
l’ensemble de la médecine légale 383 : les traités et les manuels. La pertinence de cette
division s’appuie principalement sur le contenu de l’ouvrage. Les premiers, sortes
d’encyclopédies médico-légales, proposent un récapitulatif des connaissances accumulées
sur le sujet et que l’homme de l’art peut mobiliser pour réussir sa mission. L’objectif avoué
de cette littérature est de tendre à l’exhaustivité, ce qui a pour conséquence de produire des
ouvrages volumineux, constitués généralement de plusieurs tomes 384 , dans lesquels
abondent, parfois à l’excès, les exemples de constatations et d’expériences. Par souci d’être
le plus complet possible, les auteurs n’hésitent pas à retranscrire aussi certains débats
théoriques qui font rage au sein de la communauté scientifique, ou encore toutes les
nuances et subtilités qui provoquent exceptions ou contradictions. Les ouvrages de ce type
382 Jean Lecuir, « La médicalisation… », art. cit., p. 232.
383 Les travaux qui s’intéressent à des points particuliers de la science, à l’étude d’une cause précise de décès,
à un aspect spécifique des expertises judiciaires, n’entrent pas dans cette analyse. Par exemple, les ouvrages
fondamentaux qu’Ambroise Tardieu a consacrés à l’empoisonnement, à la strangulation ou encore à
l’infanticide, n’ont pas été pris en compte. De même, des publications d’aspect plus technique tels que les
manuels consacrés à la réalisation des autopsies médico-légales sont laissés de côté.
Mais les ouvrages généraux renferment aussi quelques-unes de ces monographies, c’est-à-dire des études
approfondies ou plus développées d’un aspect particulier de la science. En effet, nombre d’auteurs ont
effectué des recherches plus spécifiques sur des questions médico-légales ou sont à l’origine de l’application
de nouveaux préceptes de la science. Or, la rédaction d’un ouvrage général de médecine légale est l’occasion
de faire part de leurs recherches et découvertes, de montrer sur quelle partie de la science ils se sont
focalisés : Alphonse Devergie consacre un long développement à la putréfaction dans sa Médecine légale
théorique et pratique, Alexandre Lacassagne s’attache quant à lui à expliquer dans le détail l’identification
des diverses taches et empreintes dans son Précis de médecine judiciaire.
384 Le Traité de médecine légale et d’hygiène publique de François-Emmanuel Fodéré compte six volumes, la
Médecine légale et police médicale de Paul Mahon se compose de trois tomes, la troisième édition des
Leçons de médecine légale de Mathieu Orfila en comprennent quant à elles quatre, auxquels il faut ajouter un
atlas.
312

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
font donc la part belle à la théorie, ce qui les rend parfois austères à consulter. Pour faire
l’éloge du Précis de médecine légale de Charles Vibert, le Dr Reuss souligne que
l’inconvénient des « traités magistraux de médecine légale » est que ce sont des ouvrages
« surtout théoriques et dans lesquels le débutant chercherait souvent en vain des conseils
vraiment pratiques » 385 . De plus, du fait de leur volume conséquent, ils sont peu maniables,
difficiles à transporter et d’un coût relativement élevé. Par exemple, la deuxième édition de
la Médecine légale théorique et pratique, publiée par Alphonse Devergie chez Germer
Baillière en 1840, est vendue 21 francs, car elle compte trois volumes 386 . En comparaison,
le petit Manuel pratique de médecine légale d’Henri Bayard, édité également par Germer
Baillière en 1843, ne coûte que 3,50 francs 387 .
Néanmoins, la différence entre traités et manuels ne se limite pas à une question de
prix. En effet, si les auteurs des premiers recherchent l’exhaustivité, les auteurs qui
décident de rédiger un manuel privilégient la synthèse. Le contenu scientifique, sans être
simpliste, est limité à l’essentiel, à ce qu’il est indispensable de connaître pour pratiquer
une expertise judiciaire de qualité. Les manuels de médecine légale focalisent l’attention
du lecteur sur la mise en pratique de la science, sur les techniques à employer ou à exclure
selon les situations rencontrées, sur les observations et vérifications à faire en fonction de
la nature de l’examen. Ce genre littéraire a surtout pour vocation d’être un aide-mémoire à
destination des hommes de l’art pour qui la réalisation d’expertises reste une activité très
limitée. Tel est le plaidoyer qu’Antoine Lacassagne expose à l’occasion de la publication
de l’ouvrage de Georg Puppe :
« en Allemagne, comme en France, s’est imposée la nécessité d’un ouvrage de format
suffisamment réduit pour que le praticien puisse se le procurer et surtout le consulter
facilement : tous les médecins ne peuvent en effet pas avoir les gros traités de Médecine
légale, qui sont réservés aux spécialistes ; mais, pour les affaires judiciaires à propos
desquelles tout praticien peut être chaque jour obligé de se prononcer, il est important de
posséder un livre bien fait qui rappelle la façon de procéder, la marche à suivre dans les
différentes opérations » 388 .
385 Reuss, « Précis de médecine légale, par le Dr. Ch. Vibert, expert près le tribunal de la Seine, etc., précédé
d’une introduction par le professeur P. Brouardel, 2 ème édition. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1890. 1 vol. in-18
avec pl. col. et figures, cart., 7 fr. », Revue des livres, Annales d’hygiène publique et de médecine légale,
Paris, Baillière, 1890, 3 ème série, t. 24, p. 469.
386 Ambroise Tardieu, « Médecine légale théorique et pratique, par Alphonse Devergie, professeur agrégé de
la Faculté de médecine de Paris, professeur de médecine légale et de chimie médicale, médecin de l’hôpital
Saint-Louis, avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale, revus et annotés par J. B.
Dehaussy de Robercourt, conseiller à la cour de cassation », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1842, t. 27, p. 225.
387 Ambroise Tardieu, « Manuel pratique de médecine légale, par le docteur Henri Bayard », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1843, t. 30, p. 467.
388 Antoine Lacassagne, « Georg Puppe, professeur de médecine légale à Königsberg, Atlas et précis de
médecine judiciaire, J. F. Lehman, éditeur à Munich, 2 vol. in-16 de 300 pages », Bibliographie, Archives
313

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Remplir ce cahier des charges peut parfois s’avérer difficile pour l’auteur qui
entreprend la rédaction d’un tel ouvrage. Ainsi que le souligne Ambroise Tardieu, lors du
compte-rendu de l’ouvrage de Bayard, « rien n’est plus facile à faire qu’un mauvais
manuel ; mais aussi rien n’est plus difficile que d’en faire un bon » 389 . Et Tardieu
d’énumérer les éléments qui composent un manuel de qualité :
« la clarté et la précision avant toute chose, la rectitude dans les jugements, la sagacité
dans le choix des opinions, rendues plus indispensables par l’impossibilité de la
discussion, un dogmatisme sévère, une exposition substantielle, une grande sobriété de
développement et de style » 390 .
Alors que les détracteurs des traités généraux avancent comme argument la tentative
d’exhaustivité et, donc, la profusion d’informations dans lesquelles le lecteur risque de se
noyer, les détracteurs des manuels reprochent aux synthèses de tomber dans l’excès
inverse, c’est-à-dire d’être incomplètes 391 . La rigueur, la concision, la simplicité, sans
simplification, qui doivent guider la plume lors de la préparation d’un manuel, semblent
effrayer quelque peu les auteurs souhaitant se lancer dans l’aventure de la littérature
médico-légale.
Pour étudier la production littéraire dont le sujet est la médecine légale dans son
ensemble, un recensement des publications a été nécessaire. Loin d’être exhaustive, la liste
d’ouvrages généraux de médecine judiciaire indiquée en annexe (cf. annexe 38), représente
tout de même une bonne part de la production littéraire médico-légale du XIX e siècle 392 . La
totalité des ouvrages n’a pu être consulté de visu, tout d’abord pour des raisons pratiques,
puis par manque de pertinence pour la présente étude 393 . Cependant, à partir de quelques
renseignements glanés au fil des lectures et comptes-rendus, il a été possible de répartir les
d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1909,
t. 24, p. 395.
389
Ambroise Tardieu, « Manuel pratique… », art. cit., p. 468.
390
Ibid.
391
« Manuel complet de médecine légale, par J. Briand, docteur en médecine, etc., et J.-X. Brosson, avocat à
la Cour royale de Paris, 3 ème édition », Bibliographie, Annales d’hygiène publique et de médecine légale,
Paris, Baillière, 1837, t. 17, p. 461.
392
Les titres ont été répertoriés grâce à la consultation de plusieurs sources. Tout d’abord, les catalogues de
bibliothèques, en version papier ou électronique. Le catalogue du fonds de l’Ecole de médecine de Poitiers,
conservé au Fonds Ancien de la Bibliothèque Universitaire de Poitiers, a fourni une base de départ. Les
catalogues en ligne de la Bibliothèque Nationale de France, de la Bibliothèque Inter-universitaire de
Médecine (BIUM), de la Bibliothèque Municipale de Lyon, et des diverses bibliothèques des Facultés de
Médecine de France, ont permis de compléter cet inventaire. Enfin, les bibliographies, et autres comptesrendus
d’ouvrages établis dans les périodiques spécialisés, ont apporté la dernière touche au recensement.
393
Il faut souligner que le travail de numérisation de documents, entrepris par quelques bibliothèques, est
amené à faciliter les recherches des historiens. Dans le domaine de l’histoire de la médecine, la mise en ligne
progressive des collections de la BIUM, la plus importante bibliothèque de médecine française, tant en
termes d’ouvrages que de périodiques ou d’illustrations, est fondamentale.
314

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
publications dans les deux catégories pré-déterminées : traité ou manuel. Quelques facteurs
ont néanmoins pu rendre la répartition aléatoire, notamment la comptabilisation des
rééditions.
Les rééditions multiples et rapprochées que connaissent certains ouvrages ont une
double signification : un succès de librairie et une accélération de la science. Lorsqu’un
livre est un “best-seller”, la quantité mise sur le marché par l’éditeur est rapidement
épuisée, ce qui oblige ce dernier à faire une nouvelle édition de l’œuvre. Mais, la majorité
des rééditions ne reprennent pas le texte initial, elles sont actualisées en tenant compte des
avancées scientifiques : elles sont « revues, corrigées et augmentées ». Ainsi, la révision et
l’intégration de nouvelles données scientifiques ou juridiques peuvent faire basculer un
manuel du côté des traités. Le Manuel complet de médecine légale de Joseph Briand en est
le parfait exemple. Le titre de la première édition 394 , publiée en 1821, autorise à répertorier
cette œuvre parmi les manuels. Outre le terme “manuel” qui identifie l’ouvrage telle une
estampille, il apparaît clairement que l’auteur s’est attaché à rassembler et synthétiser les
écrits des principaux spécialistes de la discipline. De plus, un effort particulier est fait pour
informer le lectorat en matière de jurisprudence et de législation relative à l’art de guérir,
éléments qui regardent plus la pratique que la science elle-même. Pourtant, la classification
parmi les manuels apparaît moins pertinente au-delà du millier de pages. En outre, le terme
“manuel” peut paraître inapproprié et ne reflète pas la réalité du contenu :
« l’ouvrage dont nous annonçons aujourd’hui la sixième édition doit être plutôt regardé
comme un Abrégé complet de toutes les connaissances nécessaires aux médecins pour
résoudre les diverses questions de médecine légale, que comme un simple Manuel, ainsi
que l’indique son titre » 395 .
Mais, ne pouvant déterminer de manière indiscutable à quel moment le manuel devient
traité, il a semblé plus cohérent d’indiquer toutes les rééditions d’un même ouvrage dans
une seule catégorie.
394 Joseph Briand, Manuel de médecine légale, extrait des meilleurs traités anciens et modernes,
particulièrement de ceux de Mahon et de M. Fodéré et des articles importants publiés jusqu’à ce jour par M.
le Dr Marc, suivi des lois et ordonnances et des articles des codes relatifs aux médecins, chirurgiens, etc…,
Paris, Brosson et Chaudé, 1821, XXX-400 p.
395 J.-L. Lassaigne, « Manuel complet de médecine légale, par MM. J. Briand, D.-M. de la Faculté de Paris,
ex-professeur d’anatomie, de médecine et de chirurgie, et Ernest Chaudé, docteur en droit, avocat à la Cour
d’appel de Paris ; contenant un Traité élémentaire de chimie légale dans lequel est décrite la marche à suivre
dans les recherches toxicologiques et dans les applications de la chimie aux diverses questions criminelles,
civiles, commerciales et administratives, par M. Gaultier de Claubry, docteur ès sciences, professeur à
l’Ecole supérieure de pharmacie, membre de l’Académie impériale de médecine. Sixième édition, avec 3
planches gravées et 64 figures dans le texte. Paris, 1858, J.-B. Baillière et fils ; un grand volume, in-8, de 948
pages, prix : 10 fr. », Bibliographie, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1858,
2 ème série, t. 9, p. 486.
315

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Dernière précision concernant le recensement des ouvrages généraux de médecine
légale : certaines publications étrangères ont été intégrées. N’ont été retenus que les
travaux étrangers ayant donné lieu à une traduction française, et ayant été publiés par un
éditeur français. Ainsi, les ouvrages de Johann Casper, Ange Dambre, Eduard von
Hofmann, Adolf Lesser, Jean Daniel Metzger ou Alfred Taylor, ont été considérés comme
faisant partie intégrante de la production littéraire de la médecine légale française. En effet,
la démarche de la traduction est semblable à celle de la réalisation complète d’un ouvrage :
mettre à la disposition de la communauté des savants un document scientifique. Le seul
élément sur lequel la production étrangère ne peut servir aux praticiens français est la
législation. En revanche, les publications non françaises qui n’ont pas été traduites ne sont
pas répertoriées, malgré leur mention dans les comptes-rendus bibliographiques de
périodiques médicaux. Ainsi, en dépit de l’éloge que lui fait Antoine Lacassagne dans les
Archives d’anthropologie criminelle, l’ouvrage de Georg Puppe 396 ne peut être intégré à
l’inventaire.
Les diverses considérations quant à l’établissement de la liste des ouvrages
généraux de médecine légale étant précisées, il convient à présent d’étudier la progression
de cette littérature dans le temps. Le graphique 51 (tableau 34, cf. annexe 14) laisse
apparaître quatre “moments” dans la chronologie de la production littéraire médico-légale.
La première phase s’étend de 1795 aux années 1820 : durant ces trois décennies, le nombre
d’ouvrages généraux croît régulièrement, mais demeure modeste. Peu d’auteurs semblent
vouloir se lancer dans une aventure qui s’avère être un travail de longue haleine : les
principes et connaissances qui constituent la science médico-judiciaire se trouvent
éparpillées dans de multiples publications, et les rassembler dans une seule œuvre peut
s’avérer fastidieux.
Dans les années 1830, l’édition d’ouvrages de médecine légale connaît une
croissance aussi fulgurante que brève, ce qui constitue le deuxième temps de son évolution.
Une certaine effervescence semble s’être emparée de la communauté savante spécialisée
dans cette discipline. La nécessité de fournir des ouvrages de référence aux médecins
experts à stimuler la plume des plus illustres représentants de la médecine légale. La
décennie 1830 est aussi une phase d’émulation en matière de recherches ; Orfila assoie
petit à petit son autorité, Alphonse Devergie publie ses premiers travaux. La science évolue
rapidement, ce qui amène les auteurs à réviser le contenu de leurs écrits. Le nombre de
396 Antoine Lacassagne, « Georg Puppe… », art. cit., p. 395.
316

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
rééditions durant cette période est significatif (tableau 35, cf. annexe 15) : 7 rééditions
contre seulement 5 ouvrages nouveaux (graphique 52).
Nombre d'ouvrages
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
1795-
1799
Graphique 51 : La production littéraire générale de médecine légale, entre 1795 et 1915.
1800-
1809
1810-
1819
1820-
1829
1830-
1839
1840-
1849
1850-
1859
317
1860-
1869
1870-
1879
1880-
1889
1890-
1899
Graphique 52 : Editions originales et rééditions dans la littérature médico-légale,
entre 1795 et 1915.
Nombres d'ouvrages
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
1795-
1799
1800-
1809
1810-
1819
1820-
1829
1830-
1839
1840-
1849
1850-
1859
1860-
1869
1870-
1879
1880-
1889
1890-
1899
1900-
1915 Années
1900-
1915 Années
Manuels
Traités
Total
Total éditions originales
Total rééditions
Total
Le troisième temps de la production littéraire couvre encore trois décennies, de
1840 à 1870 (graphique 51). La publication d’ouvrages généraux chute brutalement, puis
stagne jusqu’à la fin des années 1860. L’effondrement de la littérature généraliste
s’explique par les progrès importants réalisés, dans les multiples aspects qui relèvent de la
science médico-légale. A l’instar d’Ambroise Tardieu, les auteurs privilégient

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
l’approfondissement d’un sujet particulier, plutôt que le survol rapide de la totalité des
domaines couverts par la médecine légale. Tardieu publie, entre les années 1850 et 1870,
plusieurs Etudes médico-légales sur l’infanticide 397 , les blessures 398 , l’empoisonnement 399
ou encore la strangulation 400 . Il devient alors difficile pour un seul homme de réussir à
compiler toute cette littérature spécialisée et à maintenir à jour ses propres écrits.
Enfin, le point de départ de l’ultime période est concomitant au conflit franco-
allemand. A partir des années 1870, une reprise notable de la production littéraire, en
matière de médecine judiciaire, se constate. Or, les publications qui fleurissent durant le
dernier tiers du XIX e siècle, sont en majorité des manuels. La production importante de ce
type d’écrits est liée aux préoccupations et aux attentes des praticiens de la médecine
légale. Ils sont à la recherche d’ouvrages qui leur indiquent les règles et les procédures à
suivre selon le cas rencontré, qui leur proposent les éléments à constater et les erreurs à ne
pas commettre. Ils veulent un aide-mémoire, un guide, un “manuel du parfait médecin
expert”. Ils n’ont que faire d’une encyclopédie médico-légale leur faisant part de toutes les
exceptions et subtilités de la science ; pour les cas singuliers, ils peuvent consulter des
études particulières et plus approfondies. De plus, soixante-dix ans de pratique ont permis
de déterminer quelles connaissances sont réellement utiles lors de la réalisation d’une
expertise médicale, d’établir la fiabilité de certains préceptes. Les auteurs peuvent donc
asséner certaines affirmations et faire l’impasse sur les nuances.
La figure de proue de la nouvelle littérature médico-légale est sans conteste
Alexandre Lacassagne. Le célèbre professeur de médecine légale lyonnais réclame depuis
longtemps l’instauration « d’une méthode unique, d’un questionnaire imposé pour
pratiquer les constatations judiciaires » 401 . N’obtenant pas satisfaction de la part des
instances dirigeantes, Lacassagne s’attelle lui-même à la tâche. En 1892, il publie la
première édition de son Vade-mecum du médecin expert 402 , dont la construction épurée,
presque minimaliste, en fait le parangon du manuel pratique. Ainsi que le souligne le sous-
titre, Lacassagne a souhaité réaliser un outil plus qu’une œuvre. Faisant fi de toutes les
397 Ambroise Tardieu, Etude médico-légale sur l’infanticide, Paris, Baillière, 1868, VIII-342 p.
398 Ambroise Tardieu, Etude médico-légale sur les blessures, Paris, Baillière, 1879, 474 p.
399 Ambroise Tardieu, Etude médico-légale et clinique sur l’empoisonnement, avec la collaboration de
Zacharie Roussin, Paris, Baillière, 1867, XXII-1072 p.
400 Ambroise Tardieu, Etude médico-légale sur la strangulation, Paris, Baillière, 1859, 90 p.
401 « Lacassagne et Thoinot, professeurs. Vade mecum du médecin expert, troisième édition, revue et
augmentée, Paris, Masson, 1911 », Bibliographie, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et
de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1911, t. 26, p. 221.
402 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, Lyon, Storck, 1892, VIII-271 p.
318

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
règles syntaxiques et grammaticales, il présente les préceptes scientifiques qui doivent être
appliqué, en fonction de la nature de l’examen, sous la forme d’un schéma récapitulatif
(illustration 176, cf. annexe 49) 403 . Le médecin requis comme expert n’a plus qu’à suivre,
étape par étape, observation par observation, la procédure préconisée par Alexandre
Lacassagne. Or, ainsi qu’il a été indiqué dans le chapitre précédent, il semble que le style
“lacassagnien” ait conquis quelques experts poitevins, partisans d’un rapport d’expertise
précis et épuré, presque télégraphique.
L’évolution de la littérature médico-légale du XIX e siècle peut être symbolisée par
le passage des six volumes du traité de Fodéré au manuel de poche de Lacassagne.
Néanmoins, il apparaît que les ouvrages généraux ne constituent pas le meilleur moyen à
disposition des hommes de l’art pour maintenir leurs connaissances à niveau ou rafraîchir
leur mémoire. L’une des premières objections qui peut être élevé contre de tels écrits, est
l’absence quasi systématique d’illustrations. Or, la présence des dessins, et plus tard des
photographies, est capitale pour apprendre et retenir. L’un des intérêts de l’ouvrage de
Georg Puppe est la présence de 250 planches et figures, ce qui démontre selon Antoine
Lacassagne, que
« l’auteur a bien compris que, pour suppléer aux cas que l’on a rarement l’occasion de
présenter aux élèves, il était important de reproduire de nombreuses gravures claires, et
des images bien faites, parlant aux yeux et gravant les faits dans la mémoire » 404 .
Mais peu d’auteurs font l’effort d’inclure, au milieu de leurs écrits, un grand nombre de
représentations de lésions, marques et autres images microscopiques 405 .
Cependant, l’inconvénient majeur de la littérature médico-légale réside dans son
coût. La question du prix de vente a déjà été abordée lors de la comparaison entre “traité”
et “manuel”. Un homme de l’art souhaitant acquérir un ouvrage général sur la médecine
judiciaire sera peut-être tenté de privilégier ses finances à ses connaissances, en supposant
d’ailleurs qu’il accepte de faire un tel sacrifice pécuniaire en faveur d’une science qu’il
n’aura peut-être jamais l’occasion de mettre en pratique 406 . En cela, les médecins ne
diffèrent pas des autres corps de métiers en matière d’ouvrages achetés :
403
Alexandre Lacassagne est, en la matière, le digne héritier de François Chaussier et Gabriel Tourdes. Eux
aussi avaient proposé des “feuilles d’autopsies”, c’est-à-dire des fiches modèles servant de guide aux
médecins experts qui peuvent se contenter de les compléter lors de la réalisation d’une expertise judiciaire.
Cf. Etienne Martin, « L’Institut de médecine légale de Lyon », Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 13.
404
Antoine Lacassagne, « Georg Puppe… », art. cit., p. 395.
405
Cf. le chapitre 2 pour une étude plus approfondie des illustrations dans les ouvrages et les rapports
médico-légaux.
406
La question de la formation généraliste des médecins requis pour faire office d’experts a d’ailleurs une
répercussion sur la production littéraire. En l’absence d’un corps de spécialistes en médecine légale, la
319

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
« La consommation personnelle ne dépend pas seulement d’un niveau intellectuel, mais,
également, du coût de l’imprimé et de la part qui peut être consacrée dans un budget à un
poste qui, sauf nécessité professionnelle, n’est pas prioritaire » 407 .
A l’occasion de la poursuite judiciaire dont il est l’objet, suite à son refus d’obtempérer à
une réquisition, un médecin belge fait remarquer qu’en matière de médecine légale,
« l’entretien de [sa] bibliothèque, de ce chef bien entendu, [lui] a coûté plus que le produit
de [ses] travaux » 408 .
La rareté des références à des ouvrages de médecine légale, ou plus généralement à
des personnalités actives dans cette production, est également un indice de l’usage restreint
d’une telle source d’informations et de connaissances. Sur l’ensemble des affaires
poitevines traitées, le nombre de références nominatives (illustration 28) contenues dans
les rapports d’expertise judiciaire s’élève à 19. Il faut ajouter 6 citations d’un titre
d’ouvrage précis. Soit un total de 25 références. Il est à noter, par ailleurs, qu’une large
majorité d’entre elles, 21 exactement, apparaissent dans des rapports médico-légaux
rédigés après 1880. Outre l’accélération et la croissance de la production littéraire médico-
judiciaire, la prédominance des références dans les trois dernières décennies de la
chronologie est une autre manifestation de la prudence dont font de plus en plus montre les
médecins experts dans leurs constatations et leurs conclusions 409 . Citer un auteur qui fait
autorité au sein de la communauté scientifique, l’un des procédés de recours aux grandes
figures de la médecine légale usité par les médecins experts, permet, à l’homme de l’art de
se justifier, d’étayer ses réflexions, et donc de convaincre plus facilement le magistrat.
publication d’ouvrages consacrés à cette discipline sont relativement peu nombreux, le public visé étant quasi
inexistant. Pourquoi se donner la peine d’écrire, et surtout d’éditer, une œuvre qui n’intéressera qu’un
nombre très restreint d’individus ? L’ouvrage ne présente en définitive ni d’intérêt scientifique, ni d’intérêt
financier.
Cf. « Pratique médico-légale du Dr Hermann Friedberg », Revue des travaux français et étrangers, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1882, 3 ème série, t. 7, pp. 454-455.
407 Jean Quéniart, Les Français et l’écrit, Paris, Hachette, Carré Histoire, 1998, p. 215.
408 Fr. Ph. Jos. Cambrelin, « Les médecins sont-ils tenus d’obtempérer aux réquisitions qui leur sont adressés
par les officiers de police judiciaire, quand il s’agit de la recherche des preuves d’un crime ou d’un délit »,
Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1840, t. 24, p. 419.
409 Cf. le chapitre précédent sur l’analyse du rapport d’expertise judiciaire.
320

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Source : A.D.D.-S., 2U 341, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et
suppression d’enfant », Rapport du médecin, le 18 juin 1894.
Illustration 28 : Citation des autorités médico-légales. Référence nominative à un auteur.
321

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Il est néanmoins un élément qui peut être mis en évidence par les rares références
aux ouvrages généraux de médecine judiciaire : la conscience des hommes de l’art de
devoir maintenir leurs connaissances au plus près des progrès de la science. En effet, ce
facteur peut être observé en rapprochant la date de parution de l’œuvre citée, avec la date
du rapport dans lequel elle apparaît. Or, l’intervalle temporel est souvent restreint, trois à
quatre ans, parfois moins. Au mois de mars 1889, les médecins Jablonski et Brossard
examinent un nouveau-né, sur la réquisition du magistrat instructeur de Poitiers.
Confrontés à un litige scientifique dans l’établissement de la durée de la gestation, les deux
experts citent « le traité de médecine légale de Legrand du Saulle (édition de 1886, page
299) » 410 . Le Dr Edward Périvier se réfère, lui, au Précis de médecine légale de Charles
Vibert, publié en 1893, soit à peine quatre ans avant la rédaction du rapport 411 . Mais
Périvier bat, en 1901, tous les records de rapidité dans la consultation des publications les
plus récentes. En l’occurrence, il cite la dernière édition en date du Précis de médecine
légale de Charles Vibert, publiée depuis quelques mois seulement 412 .
Il convient de souligner que près des deux tiers des références lovées au cœur des
rapports d’autopsies judiciaires consultés, émanent d’hommes de l’art pratiquant dans la
Vienne ; seulement un tiers est dû à leurs confrères des Deux-Sèvres. Or, il est difficile
d’apporter une explication solide à ce déséquilibre. La présence d’une Ecole de médecine à
Poitiers aurait pu être déterminante, mais il n’en ait rien. En effet, à la lumière de ces
quelques exemples, il apparaît que les ouvrages auxquels les médecins experts se référent,
et par voie de conséquence auxquels ils ont accès, ne sont pas ceux détenus par la
bibliothèque de l’Ecole de médecine de Poitiers. Hormis la citation de la quatrième édition
du Précis de médecine légale de Vibert 413 , dont l’Ecole possède un exemplaire, les autres
œuvres citées ne font pas partie de sa collection 414 . Il est donc permis de supposer que les
médecins se réfèrent à des auteurs dont ils possèdent personnellement les écrits, ou qu’ils
les ont consultés dans une autre bibliothèque, telle que celle des sociétés savantes. De plus,
dans la mesure où la majorité des références mentionnées se limite au nom du savant, il est
410 A.D.V., 2U 1734, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’un enfant
nouveau-né ayant vécu », Rapport des Drs Jablonski et Brossard, le 15 mars 1889.
411 A.D.V., 2U 1752, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin, le 11 juillet 1897.
412 A.D.V., 2U 1757, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport médical,
le 30 janvier 1901.
413 A.D.V., 2U 1752, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin, le 11 juillet 1897.
414 Les ouvrages cités de manière précise sont plusieurs éditions du Traité de médecine légale d’Henri
Legrand du Saulle, et les éditions de 1893 et 1900 du Précis de médecine légale de Charles Vibert. (cf.
annexes 38 et 39)
322

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
possible de penser que l’information scientifique n’a pas été extraite d’un ouvrage
spécialisé, mais plutôt de lectures à contenu plus divers qui constituent les principaux
diffuseurs de savoirs : les dictionnaires et périodiques médicaux.
3) Dictionnaires et périodiques, outils de propagande
En matière de diffusion des savoirs, les outils les plus efficaces sont de nature
généraliste. Les ouvrages ou travaux spécialisés sont, d’une part, plus difficilement
accessibles financièrement et/ou intellectuellement, et d’autre part, ont une utilité bien
moindre pour les praticiens. En revanche, les œuvres encyclopédiques, qui tentent de faire
l’inventaire des connaissances médicales, s’avèrent une aide précieuse. Elles peuvent être
regroupées sous deux formes : les dictionnaires et les périodiques, productions somme
toute diverses dans leur aspect, mais qui ont pour point commun une longévité et une
périodicité de publication.
L’ambition des maîtres d’œuvre des dictionnaires de médecine, ou plus largement
des sciences médicales, est de rassembler l’ensemble des connaissances actuelles
disponibles, dans les multiples disciplines constituant l’art de guérir. Les encyclopédies et
les dictionnaires constituent le genre littéraire par excellence de la vulgarisation et de la
diffusion des savoirs 415 . C. Havelange souligne la volonté affichée par les responsables de
ces projets de longue haleine : fournir aux praticiens le maximum de savoirs, mais des
savoirs qui doivent, avant tout, être récents et utiles à l’exercice de l’art 416 . Une telle
entreprise a trois conséquences, qui confèrent aux dictionnaires un rôle de diffuseur de
connaissances et de techniques médicales : l’incontournable prolifération des volumes,
l’étalement chronologique de leur publication et le recours à un groupe d’auteurs,
possédant chacun un domaine de prédilection. Il est alors nécessaire d’instaurer un système
d’abonnement mensuel 417 qui a pour objectif d’assurer à l’abonné d’acquérir la totalité des
volumes et à l’éditeur de percevoir un minimum de fonds pour poursuivre la publication.
En outre, les dictionnaires offrent l’avantage de proposer les réflexions et travaux des plus
illustres représentants du corps médical de l’époque, permettant au lecteur d’accéder à
leurs préceptes sans avoir à consulter les divers ouvrages qu’ils ont écrits. Avantage
partagé par les journaux et revues médicaux.
415 Daniel Jacobi, Diffusion et vulgarisation…, op. cit., pp. 54-55.
416 C. Havelange, « Savoir et pouvoir… », art. cit., p. 103.
417 Ibid.
323

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Durant le XIX e siècle, un nombre relativement conséquent de publications à
caractère encyclopédique ont vu le jour 418 . Parmi l’ensemble des titres découverts et
consultés 419 , il convient de présenter ceux qui ont eu l’impact le plus important lors de leur
parution, et qui ont été les plus utiles à la présente étude. Deux temps forts ressortent dans
l’édition de dictionnaires médicaux : une première période qui débute dans les années 1810
pour s’arrêter au mitan des années 1830, et une seconde qui couvre les années 1860 à 1880.
Trois titres paraissent au cours de la première phase, sans que leur parution ne se
chevauche ou à peine. Chronologiquement, le premier à être édité est le Dictionnaire des
sciences médicales, publié par une société de médecins entre 1812 et 1822, auquel il est
souvent fait référence sous le nom de l’éditeur, Panckoucke. Ce dictionnaire est le premier
en termes d’années de publication, mais il l’est également du point de vue du nombre de
volumes, en l’occurrence 60, et de la renommée dont il bénéficie 420 . Puis, entre 1821 et
1828, sont publiés les 21 volumes constituant le Dictionnaire de médecine paru chez
Béchet Jeune. Enfin, comme s’il ne voulait pas entrer en concurrence, le Dictionnaire de
médecine et de chirurgie pratiques ne commence à paraître qu’en 1829. Le dernier des 15
volumes est publié en 1836.
En revanche, les deux œuvres qui constituent le second temps fort paraissent durant
le même laps de temps, de 1864 à 1888-1889. Le premier est en fait la nouvelle édition du
Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, publiée sous la direction de Sigismond
418
Les dictionnaires médicaux en un ou deux volumes n’ont pas été pris en considération, car d’une part, leur
édition ne s’inscrit pas sur la durée, et d’autre part, le nombre d’auteurs est très restreint, voire limité à un
seul. Néanmoins, la consultation de certains d’entre eux peut présenter un intérêt, notamment Amédée
Dechambre, Mathias Duval, Léon Lereboullet, Dictionnaire usuel des sciences médicales, 1 ère éd. 1885, 2 ème
éd. rev. et complétée, Paris, Masson, 1892, 1782 p.
419
Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s. l. [Paris],
Panckoucke, 1821-1826, 15 t.
Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers, sous la dir. de Fabre, Paris, Béthune et
Plon, 1840-1841, 8 t.
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre (1864-1885) puis
Léon Lereboullet (1886-1889), Paris, Asselin et Masson puis Asselin&Houzeau et Masson, 1864-1889,
100 t.
Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1821-1828, 21 t.
Dictionnaire de médecine ou rapport général des sciences médicales considérées sous le rapport théorique et
pratique, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Bérard et al., 1 ère éd. 1821-1828, 2 ème éd. refondue et augm., Paris,
Béchet Jeune, 1832-1846, 30 t.
Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. d’Andral, Bégin, Blandin et al., Paris,
Gabon, Méquignon-Marvis et Baillière, 1829-1836, 15 t.
Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812-
1822, 60 t.
Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de médecins, mise en ordre et publiée par Vicq d’Azyr,
Paris, Panckoucke et Agasse, 1787-1830, 14 t.
Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière,
1864-1888, 40 t.
Pratique médico-chirurgicale, sous le dir. de E. Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris, Masson, 1907, 6 t.
420
C. Havelange, « Savoir et pouvoir… », art. cit., p. 103.
324

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Jaccoud chez Baillière. Enfin, le dernier titre a passé sous la presse est le Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, dirigé par Amédée Dechambre puis Léon
Lereboullet, et qui compte 100 volumes. Cette somme est considérée comme un parangon
en matière de savoir médical. Les plus grandes figures des sciences médicales y ont
participé : Charcot, Pasteur, Velpeau, Broca, Brouardel, Béclard. Pour ce qui est des
articles relatifs à la médecine légale, objet particulier de la présente étude, ils sont en
majorité écrits par Gabriel Tourdes, maître de la médecine légale strasbourgeoise, ainsi
qu’il est expliqué plus loin. Or, il s’avère que la totalité de ces dictionnaires se trouvent
dans le fonds de l’ancienne Ecole de médecine de Poitiers, ainsi que quelques autres
œuvres du même type qui ont eu moins de notoriété ou d’influence 421 . La présence de ces
diverses encyclopédies médicales démontre l’importance et l’intérêt accordés à de telles
publications, et l’utilité qu’elles présentent tant pour les professeurs, que pour les étudiants,
voire pour les praticiens installés. Il demeure cependant impossible d’estimer leur rôle
effectif dans la “formation continue” des hommes de l’art, aucun des renvois précis trouvés
dans les affaires criminelles consultées ne faisant référence à l’un des dictionnaires ou à un
de leurs articles.
Le rôle des revues médicales dans la diffusion des savoirs a largement été démontré
et analysé par les historiens de la médecine 422 . Jacques Léonard estime, en effet, que la
presse médicale est un « moyen de liaison didactique et pratique » 423 . Roselyne Rey
souligne que les périodiques de médecine constituent des sources primordiales pour l’étude
de la construction du corps médical et des savoirs médicaux :
« la presse médicale spécialisée fournit un ensemble de données d’une grande richesse :
instrument évident de professionnalisation, elle livre des indications précieuses sur
l’apparition de nouvelles spécialités en médecine, sur les centres d’intérêt des médecins à
un moment donné, qui parfois ne coïncident pas avec ceux que les historiens jugent
importants, sur les débats scientifiques qui traversent le corps médical » 424 .
421 L’Ecole de médecine de Poitiers possède un exemplaire du Dictionnaire abrégé des sciences médicales
qui, comme son nom l’indique, est la version abrégée des 60 volumes du Panckoucke. Elle conserve
également le Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers, dirigé par Fabre, qui est
constitué d’extraits d’autres ouvrages et non d’articles originaux. Enfin, il est possible de consulter la
Pratique médico-chirurgicale, dictionnaire qui ne satisfait que deux des trois critères retenus : plusieurs
volumes, même s’il n’en compte que 6, et les auteurs multiples. En revanche, la publication est concentrée
sur une année, en l’occurrence 1906, mais elle présente l’intérêt d’être située au début du XX e siècle, soit à la
fin de la chronologie étudiée.
422 Cf. par exemple l’étude de C. Havelange, « Savoir et pouvoir… », art. cit., pp. 99-109.
423 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, p. 778.
424 Roselyne Rey, « Les relations… », art. cit., p. 103.
325

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Au XIX e siècle, les périodiques exclusivement consacrés à la médecine légale
n’existent pas. Deux publications spécialisées accordent néanmoins une place importante à
la science médico-judiciaire, tout en la faisant cohabiter avec d’autres disciplines qui lui
sont plus ou moins affiliées : les Annales d’hygiène publique et de médecine légale et les
Archives d’anthropologie criminelle. Les Annales sont créées en 1829 par un collectif de
savants parmi lesquels se trouvent des personnalités du monde médico-légal : Alphonse
Devergie, Mathieu Orfila, Charles Marc. Comme le suggère son titre, ce périodique
s’attache exclusivement à deux disciplines, l’hygiène publique et la médecine légale, liées
par une action de portée sociale, politique et judiciaire 425 . Les Annales demeurent, durant
une grande partie du XIX e siècle, l’unique revue dans laquelle la médecine légale tient une
place de premier ordre. Cette unicité est une preuve supplémentaire de l’infériorité de la
France en termes de développement de la science judiciaire, à l’inverse de l’Allemagne qui
compte un grand nombre de publications de ce type 426 . Il faut attendre près de soixante ans
pour qu’une nouvelle publication soit largement consacrée à la médecine légale : les
Archives d’anthropologie criminelle.
Les Archives 427 ont une existence de courte durée, en comparaison des Annales,
mais leur influence sur la discipline, tant au plan national qu’international, a été très forte.
Un tel rayonnement est à mettre sans nul doute au crédit de son fondateur et principal
artisan, Alexandre Lacassagne. En effet, afin d’exposer les théories françaises en matière
de criminologie, qui sont en opposition avec les thèses de Lombroso sur le criminel-né,
Lacassagne dote l’école française d’un “outil de propagande” pour sa conception de la
criminologie, en 1886 : les Archives d’anthropologie criminelle. Il en sera l’un des
directeurs jusqu’à leur disparition en 1915, dommage collatéral de la Première Mondiale.
Malgré ce qui est promis dans le dernier numéro de l’année 1914 428 , la publication ne
reprend pas une fois le traité de paix signé en 1918. La publication n’a donc pas duré plus
de trois décennies. L’objet d’étude principale des Archives est la criminalité et les moyens
de combattre, ou tout au moins de confondre, les criminels, grâce à deux sciences : la
425
La scission entre les sciences médico-sociales est consommée en 1923 avec la disparition des Annales et
la création de deux titres singuliers : les Annales d’hygiène publique, industrielle et sociale, d’une part, et les
Annales de médecine légale, de criminologie et de police, d’autre part.
426
Gustave Germer Baillière, « Préface du traducteur » in Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit.,
t. 1, p. IX.
427
Pour une étude plus approfondie de la revue cf. la thèse de Martine Kaluszynski sur la naissance de la
criminologie en France : Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement…, op. cit., 3 t., 989 p.
428
« Avis à nos abonnés », Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie
normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 944.
326

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
médecine légale qui s’intéresse aux aspects biologiques, et l’anthropologie criminelle qui
s’attachent aux caractères sociologiques.
D’autres périodiques, à vocation pourtant généraliste, abordent la médecine légale
de façon récurrente. Le Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des
médecins praticiens contient régulièrement un article ayant trait à la médecine judiciaire.
Fondé par Just Lucas-Championnière 429 , et publié à partir de 1830, le journal propose,
entre 1835 et 1841, des écrits d’Alphonse Devergie sur tous les sujets de médecine légale.
Hormis ces travaux originaux de Devergie, il faut préciser que la majorité des articles dont
le sujet est d’ordre médico-légal, sont anonymes. L’explication réside dans le fait que le
journal est construit comme une compilation et non comme une création. Les articles sont
généralement des résumés de travaux publiés dans des ouvrages, voire dans d’autres
périodiques, français ou étrangers. Une telle construction peut être expliqué par l’objectif
que se fixe le responsable de la publication : offrir « aux praticiens qui n’ont que peu de
temps à consacrer à la lecture, un choix d’observations dans lequel ils puisent les
connaissances nécessaires pour se tenir au courant de la science et en particulier de la
thérapeutique » 430 . Lucas-Championnière a une conscience accrue de la nécessité pour les
hommes de l’art de se tenir informé des avancées des diverses sciences médicales :
« quelle que soit la position d’un médecin, qu’il habite la ville ou la campagne, qu’il soit
riche ou pauvre, obscur ou répandu dans le monde, il ne peut se dispenser de recevoir un
journal de médecine qui le tienne au courant de la science, et lui vienne en aide contre les
difficultés de la pratique » 431 .
La presse médicale s’attribue donc un rôle de propagatrice des savoirs médicaux au
sein de la communauté savante. Or, en analysant les divers éléments qui constituent les
trois périodiques principaux consultés pour la présente étude 432 , les Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, les Archives d’anthropologie criminelle et le Journal de
médecine et de chirurgie pratiques, plusieurs facteurs permettent d’affirmer ce statut de
relais. En premier lieu la diversité des informations proposées, eu égard à la discipline
scientifique concernée. Les périodiques, même lorsqu’ils se focalisent sur une science
médicale en particulier, font des incursions dans d’autres disciplines, plus ou moins
429
H. Chaillou, « Notice nécrologique sur le docteur Lucas-Championnière », Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Crapelet, 1858, t. 29, article n°5522,
pp. 332-336.
430
« Introduction », Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris,
Crapelet, 1850, t. 21, p. 3.
431
Ibid.
432
Outre ces trois périodiques, d’autres publications médicales ont été consultées, notamment les
publications régionales. Néanmoins, la brièveté de la collection ou l’absence de renseignements de nature
médico-légale, les ont relayées au second plan.
327

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
proches de l’art de guérir : anatomie, chirurgie, pharmacologie, pathologie, mais également
chimie, entomologie, botanique, géologie ou sociologie. Le contenu des journaux est en
fait à l’image de la pratique de l’art de guérir : pluridisciplinaire. Un médecin, surtout s’il
exerce en campagne, est régulièrement amené à outrepasser le cadre de son activité
professionnelle originelle. Or, ainsi que le souligne Lucas-Championnière, il est
matériellement impossible pour un homme de l’art de ne serait-ce que survoler l’ensemble
des publications médicales, ouvrages, revues, brochures, travaux des sociétés savantes :
« quel praticien pourrait aujourd’hui suffire à la lecture de tous ces écrits ? » 433 .
L’objectif d’un journal scientifique, par conséquent, est de réunir en un seul lieu la
majorité des découvertes et nouvelles théories mises en lumière, les observations
contradictoires, les expérimentations tentées, les divergences de conception. Mais, pour
réaliser un tel regroupement, il est permis de penser que les responsables de la rédaction
sont obligés d’effectuer une sélection parmi les informations. Ils ne peuvent intégrer
l’ensemble de celles-ci dans leurs colonnes. Peut se poser alors la question des critères de
sélection, de la ligne éditoriale suivie, des raisons qui ont provoqué le passage sous silence
de telle ou telle information.
Le second facteur, qui confère aux publications médicales périodiques leur statut de
centralisateur et diffuseur de connaissances, réside dans la diversité des rubriques
proposées. Chaque rubrique apporte un renseignement particulier, dont le traitement et la
présentation diffèrent. Outre des mémoires originaux, offrant les réflexions et résultats de
recherches scientifiques, les journaux agrémentent leurs pages d’une bibliographie,
d’anecdotes plus ou moins cocasses rencontrées en exerçant l’art de guérir, de résumés de
travaux français et étrangers, de renseignements d’ordre professionnel telle la législation
ad hoc, des procès-verbaux de séance de sociétés savantes. Ils peuvent aussi servir de lieu
d’échanges entre des praticiens géographiquement éloignés ; confrontés à une difficulté de
nature scientifique ou professionnelle, nombre de médecins n’hésitent pas à écrire à la
rédaction pour soumettre leur situation, et solliciter conseils ou témoignages de confrères.
Ils œuvrent à la cohésion du corps médical et médico-légal, ainsi qu’il sera expliqué
ultérieurement :
« aujourd’hui le praticien, quelque éloigné qu’il soit du centre des lumières, non-seulement
suit d’un œil curieux la marche imprimée à la science, mais encore il veut participer à ses
progrès ; non-seulement il s’enquiert de ce qui se passe dans les écoles, mais encore il se
433 Just Lucas-Championnière, « Introduction », Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des
médecins praticiens, Paris, Crapelet, 1857, t. 28, p. 4.
328

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
souvient qu’il fait partie de la grande famille et fait entendre sa voix pour signaler un abus
ou réclamer un droit » 434 .
L’une des rubriques les plus importantes, en termes de diffusion des savoirs, est
celle consacrée à la bibliographie. Les comptes-rendus d’ouvrages et d’articles ont pour
intérêt premier d’avertir le lectorat des nouveautés parues. Ensuite, le commentaire et la
mise en évidence des idées ou des analyses fondamentales de l’ouvrage, peuvent permettre
aux hommes de l’art de connaître dans les grandes lignes le contenu du texte sans avoir à le
consulter. Il peut arriver que le compte-rendu critique de l’œuvre détaille très précisément
les théories exposées, décrive par le menu les nouvelles techniques employées, indique les
points de convergence ou de divergence avec d’autres auteurs, souligne les erreurs
d’interprétation ou de raisonnement, présente la table des matières de l’ouvrage en
mentionnant ce que contient chaque chapitre. La présentation du Traité théorique et
pratique de médecine légale d’Alphonse Devergie dans les Annales d’hygiène publique et
de médecine légale dépasse nettement les critères habituels du simple compte-rendu 435 .
Les publications périodiques s’octroient le rôle de diffuser l’information et
d’instaurer un lien entre les lecteurs. Mais elles sont également les instruments privilégiés
pour relayer des conflits entre membres de la communauté savante. L’échange, présenté
précédemment, autour de la docimasie hépatique dans les Archives d’anthropologie
criminelle est une bonne illustration. Outre des divergences scientifiques, plutôt saines car
preuves d’une certaine effervescence intellectuelle, les revues médicales fourmillent de
désaccords et de frictions qui relèvent, si ce n’est du domaine privé, au moins du domaine
personnel, car n’impliquant que des individualités. Les tensions qui existent entre
Alphonse Devergie et Mathieu Orfila, relatées et analysées par Bruno Bertherat 436 , sont
transposées dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, devenant ainsi un
autre terrain d’affrontement pour les deux hommes 437 . Le lecteur est alors pris en otage par
deux savants qui semblent régler leurs comptes.
434
« Introduction », Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris,
Crapelet, 1847, t. 18, p. 3.
435
« Traité théorique et pratique de médecine légale, par Alphonse Devergie, agrégé de la Faculté de
médecine de Paris ; professeur de médecine légale et de chimie médicale ; médecin du Bureau central
d’admission aux hôpitaux de Paris ; avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale ;
revu et annoté par J. B. F. Dehaussy de Robecourt, conseiller à la Cour de cassation, etc… 2 tom. en 3 vol.
in-8. 18 fr. », Bibliographie, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1836, t. 16,
pp. 435-462.
436
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 570-576.
437
Une critique ou une remise en question d’un précepte dans un article, par l’un, provoque une réponse de
l’autre, qui entraîne alors une nouvelle réplique du premier, et ainsi de suite.
Par exemple sur la suspension : dans un mémoire présenté à l’Académie royale de médecine, puis publié dans
les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Alphonse Devergie affirme que la présence de sperme
329

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Le dernier facteur, qui place les journaux et revues médicales en tête des moyens de
diffusion, est leur relative modicité. Le coût des ouvrages a déjà fait l’objet d’un
commentaire au cours de ce chapitre. Il est apparu que le prix de telles publications est
élevé et représente un investissement pécuniaire important pour l’homme de l’art,
particulièrement s’il exerce dans un village ou à la campagne. Jacques Léonard donne un
exemple de publication périodique abordable : au début du siècle, la Gazette de santé, qui
paraît trois fois par mois, est vendue 50 centimes le numéro, soit 18 francs à l’année 438 . Or,
50 centimes est généralement le prix moyen d’une consultation. Cependant, tous les
périodiques médicaux ne sont pas si bon marché. L’un des motifs qui pousse Just Lucas-
Championnière à fonder son journal est, en l’occurrence, l’absence de publication
financièrement abordable par le plus grand nombre :
« les rares journaux de médecine qui se publiaient alors coûtaient de 25 à 30 francs. C’est
à peine s’ils étaient lus en province par quelques privilégiés des grandes villes. Créer un
journal à 10 francs, appliquer l’idée vraiment démocratique à la presse médicale, c’était
faire une bonne action […] » 439 .
Un large spectre de sciences médicales couvert, pour une somme annuelle relativement
modique, tels sont les arguments en faveur des revues médicales, au détriment de la
littérature médicale classique.
Les périodiques auxquels les hommes de l’art ont accès n’ont pas le même
rayonnement géographique : certains sont largement diffusés sur l’ensemble du territoire
national, voire extra-national, alors que d’autres demeurent plus confidentiels et restent
dans des limites régionales, voire internes. A partir des fonds de l’ancienne Ecole de
médecine et de la Médiathèque de Poitiers 440 , il apparaît que les praticiens de cette localité
dans le canal de l’urètre est un signe certain de suspension. Mathieu Orfila réfute cette assertion et ajoute que
Devergie, contrairement à ce qu’il indiquait dans ses écrits, n’est pas le premier à avoir utilisé le microscope
en médecine légale. A la suite de cette réfutation, Devergie publie un droit de réponse. Outre qu’il fait
remarquer qu’Orfila n’a pas nié la présence de liquide séminal dans les cas de suspension, puisqu’il n’a
procédé à aucune vérification en la matière, Alphonse Devergie précise que les objections soulevées par son
confrère s’appuient sur des suppositions et non des observations.
Alphonse Devergie, « Signes nouveaux de la mort par suspension », mémoire lu à l’Académie royale de
médecine, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1839, t. 21, pp. 168-177.
Mathieu Orfila, « Réfutation du mémoire de M. Devergie sur la suspension », Variétés, Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1839, t. 21, pp. 466-473.
Alphonse Devergie, « Réponse de M. Alphonse Devergie à la réfutation de M. Orfila sur de nouveaux signes
de suspension », Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1839, t. 21,
pp. 473-481.
438 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 1, p. 392.
439 H. Chaillou, « Notice nécrologique… », art. cit., p. 334.
440 Des périodiques disponibles à la Bibliothèque Universitaire de Poitiers n’ont pu être pris en considération
car, ne faisant pas partie du fonds de l’Ecole de médecine, il n’est pas permis d’affirmer qu’ils étaient
accessibles par les étudiants et praticiens du XIX e siècle. Il s’agit des Archives d’anthropologie criminelle et
330

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
et des environs avaient à leur disposition des publications tant nationales que régionales.
En matière de revues médicales nationales, outre le Journal de médecine et de chirurgie
pratiques 441 , déjà présenté, les hommes de science poitevins peuvent consulter le Journal
des connaissances médico-chirurgicales 442 , mensuel publié à partir de 1833 par Armand
Trousseau, Jacques Lebaudy et Henri Gouraud. Le journal prend le titre de Revue de
thérapeutique médico-chirurgicale en 1853, et s’interrompt en 1914. Ils disposent
également du Bulletin des sciences médicales, dirigé par Férussac et publié à partir de
1824. Enfin, la Médiathèque possède une collection partielle 443 de La Chronique médicale,
revue bimensuelle publiée de 1894 à 1940, sous la direction du Dr Cabanès.
En matière de publications locales, les médecins de Poitiers peuvent choisir parmi
un vaste “panel” de titres. En premier lieu, ils peuvent feuilleter les revues publiées sur
place : le Poitou médical, créé par quelques professeurs de l’Ecole de médecine, et dont la
parution s’étend de 1886 à 1914 444 ; les Archives médico-chirurgicales du Poitou, fondées
par des médecins de Poitiers et de Niort en 1906, et considérées comme un « organe de
décentralisation scientifique » 445 ; ou encore le Journal scientifique et médical de
Poitiers 446 . Les sociétés savantes sont également à l’origine de publications périodiques.
Outre les publications réalisées par la Société de médecine de Poitiers 447 , les praticiens de
cette ville ont la possibilité de consulter quelques numéros des productions de sociétés
savantes installées dans d’autres régions : le Journal de la section de médecine de la
Société académique du Département de la Loire-Inférieure, le Recueil des travaux de la
Société médicale de Tours et le Recueil des travaux de la Société de médecine de Niort 448 .
des Annales médico-psychologiques. L’absence du tampon de l’Ecole de médecine sur la page de titre laisse
fortement supposer que les deux périodiques en question n’ont jamais fait partie des ressources
documentaires de ladite école.
441 La collection conservée au Fonds Ancien de la Bibliothèque Universitaire débute en 1830 avec le premier
tome et s’achève, avec le tome 67, en 1896. Elle est cependant incomplète : les volumes 17 à 45 sont
manquants.
442 La collection de l’Ecole de médecine ne couvre que la période 1833-1844 et présente quelques lacunes.
443 La collection de la Médiathèque de Poitiers commence en 1898 et s’arrête en 1917.
444 P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers…, op. cit., p. 509.
La Médiathèque de Poitiers détient l’ensemble de la collection.
445 Ibid.
En 1909, le titre est légèrement modifié pour devenir Archives médico-chirurgicales de Province.
Les périodes couvertes par les numéros consultables à la Médiathèque sont les années 1906 à 1914, 1922 et
1924.
446 La Médiathèque de Poitiers conserve les exemplaires du Journal scientifique publiés de 1909 à 1914.
447 La Société de médecine de Poitiers publie un premier Bulletin jusqu’à la suspension de ses activités en
1869, puis un second bulletin intitulé Bulletin de la Société des sciences médicales de Poitiers entre 1896 et
1908. A partir de 1909, le Bulletin est intégré au Journal scientifique et médical de Poitiers.
La Médiathèque de Poitiers possède les années 1858 à 1866, puis 1897 à 1908 du Bulletin.
448 Collections disponibles à la Médiathèque ou dans le fonds de l’Ecole de médecine :
331

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Ils ont également accès aux travaux de plusieurs sociétés savantes parisiennes telles que
l’Académie royale de médecine et la Société de chirurgie de Paris 449 .
La plupart de ces titres ont été consultés et dépouillés. Or, il apparaît que la
préoccupation première de ces revues est la santé de leurs concitoyens, les épidémies, la
thérapeutique, c’est-à-dire la science, toute la science et rien (ou presque) que la science.
Les discussions sur les conditions d’exercice, sur les difficultés de pratiquer leur art, ou
encore sur les exigences administratives auxquelles ils sont soumis, sont très limitées. En
outre, les questions relatives spécifiquement à la médecine légale sont très rares. La
Chronique médicale et le Recueil des travaux de la Société médicale de Tours contiennent
quelques articles abordant cette discipline. Les contributions qui mentionnent des examens
ou observations post mortem le font par l’angle anatomopathologique, c’est-à-dire dans un
objectif thérapeutique. Ainsi, les hommes de l’art peuvent rencontrer des difficultés à
trouver des réponses et à parfaire leurs connaissances dans des périodiques généralistes.
Néanmoins, ils ne sont pas seuls dans cette situation et les diverses sociétés savantes qui
s’établissent dans grand nombre de départements leur fournissent une structure dans
laquelle ils peuvent échanger conseils, expériences et, donc, savoirs.
4) Lieux d’échange et d’instruction 450
Bien que n’ayant pas mené outre mesure les investigations à leur sujet, quelques
informations relatives aux deux sociétés de médecine poitevines ont été glanées. Le
Recueil des travaux de la Société de médecine de Niort 451 confirme l’existence d’une telle
organisation corporative. Quant à son équivalent poitevin, quelques renseignements plus
précis ont été rassemblés. La “Société de médecine de Poitiers” est fondée en 1835 452 , par
les Drs Barrilleau et Léveil de la Marsonnière, ainsi que le précise un numéro de son
-Journal de la section de médecine de la Société académique du Département de la Loire-Inférieure
devenant le Journal de médecine de Nantes : volumes des années 1835 et 1836, puis de 1841 à 1843.
-Recueil des travaux de la Société médicale de Tours : de 1820 à 1854.
-Recueil des travaux de la Société de médecine de Niort : de 1841 à 1843.
449 La Médiathèque François Mitterrand conserve les Mémoires de l’Académie royale de médecine entre 1828
et 1870, et les Mémoires de la Société de chirurgie de Paris de 1847 à 1857.
450 Dans le travail qu’elle a mené sur la pratique de l’expertise judiciaire corporelle dans la Seine Inférieure
au XIX e siècle, Marina Daniel souligne également la place que tiennent les sociétés savantes dans les
diffusions des savoirs médicaux auprès des praticiens d’une région. Cf. Marina Daniel, Regards sur le corps
meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au XIX e siècle, thèse de doctorat d’histoire
contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen, 2007, vol. 2, f° 405.
451 Il se trouve à la Médiathèque de Poitiers un exemplaire de ce périodique, relatif aux années 1841 à 1843.
452 Maurice Veluet, L’Ecole de médecine et de pharmacie de Poitiers, extrait de la Revue Médicale du
Centre-Ouest (octobre 1933), préface de Jean Plattard, Poitiers, Société Française d’Imprimerie et de
Librairie, 1933, p. 8.
332

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
bulletin 453 . Elle cesse ses activités aux alentours de l’année 1869 454 et renaît, en 1896, sous
le nom de “Société des sciences médicales”, grâce aux efforts d’un groupe d’enseignants
de l’Ecole de médecine 455 . Elle est rebaptisée à nouveau en 1908, “Société de Médecine de
la Vienne” 456 .
Les comptes-rendus des séances des sociétés savantes 457 permettent de relever les
préoccupations premières des praticiens, les situations auxquelles ils ont été confrontés en
exerçant leur art. En l’occurrence, cela a déjà été souligné, leurs interrogations et intérêts
scientifiques se focalisent principalement sur des questions relatives à la thérapeutique, à la
prophylaxie, à l’hygiène, c’est-à-dire à tous les éléments qui leur permettront de devenir de
meilleurs soignants. Mais la finalité d’une société savante ne se limite pas à fournir une
tribune aux membres de la communauté scientifique ressentant l’envie, et parfois le besoin,
de s’exprimer devant des confrères afin de faire part d’une expérience plus ou moins
fructueuse.
La volonté de mise en commun des ressources dépasse le simple cadre des savoirs
locaux. En effet, grâce à la cotisation des sociétaires et aux autres sources financières
qu’elles ont à leur disposition, les sociétés se dotent d’une bibliothèque, parfois agrémentée
via des envois d’ouvrages à titre gracieux ou des dons. Les numéros du Bulletin de la
Société de médecine de Poitiers contiennent régulièrement la liste des titres reçus au siège
de la société. De plus, à l’inverse d’un médecin isolé, un groupe de praticiens est en
mesure de s’abonner à plusieurs périodiques médicaux. Lors de leur douzième séance, les
membres de la Société de médecine de Poitiers choisissent les revues auxquelles ils
souhaitent abonner la société. Quatre titres sont finalement retenus : le Journal
hebdomadaire, les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, le Journal de
pharmacie et le Journal de chimie médicale 458 . Il est à signaler que, hormis un titre à
portée généraliste, les autres abonnements concernent des périodiques médicaux très
453
Bulletin de la Société de médecine de Poitiers, 1866, n°31.
454
P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers…, op. cit., p. 508.
455
Ibid., p. 509.
456
Ibid.
457
Les procès-verbaux de séance de la Société de médecine de Poitiers, ainsi que les travaux qu’elle a menés,
sont consultables aux archives départementales de la Vienne, pour ce qui est des années 1834 à 1860. En
revanche, aucun document relatif à celle de Niort n’a été découvert aux archives des Deux-Sèvres.
A.D.V., 10T 1031, « Société de médecine. Procès-verbaux des séances de la société », 1834-1835 et 1841-
1842.
A.D.V., 10T 1032, « Société de médecine. Procès-verbaux des séances de la société », 1849-1860.
A.D.V., 10T 1033-1035, « Société de médecine. Rapports, mémoires et études médicales présentés à la
Société de médecine », 1834-1856.
458
A.D.V., 10T 1031, « Société de médecine. Procès-verbaux des séances de la société », Procès-verbal de la
12 ème séance, 6 juillet 1835.
333

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
spécialisés. Il est d’ailleurs intéressant de noter que parmi les revues spécialisées se trouve
celle considérée comme la principale publication qui traite des questions médico-
judiciaires : les Annales d’hygiène publique et de médecine légale. Les membres de la
société de médecine de Poitiers, bien que ne l’abordant que très succinctement dans leurs
discussions ou à l’occasion de leurs travaux, se préoccupent visiblement de cette
science 459 .
Maintenir ses connaissances à niveau par l’intermédiaire de lectures, que ce soit des
ouvrages ou des journaux médicaux, ou en intégrant une société savante, peut s’avérer
insuffisant. Les hommes de l’art ont un dernier instrument à leur disposition pour parfaire
leur savoir, notamment pour ce qui relève du visuel et du tactile : les préparations
anatomiques 460 . L’utilité des préparations complètes ou partielles de cadavres a été
explicitée pour l’enseignement des futurs médecins. Cependant, une fois leur diplôme en
poche, les jeunes praticiens de l’art de guérir n’ont plus accès à de telles préparations.
Conscients de cette situation, certains savants essaient de mettre au point des préparations
pérennes, qui pourront servir d’aide-mémoire aux médecins désireux de rafraîchir leurs
connaissances en matière d’anatomie. Malgré les techniques d’embaumement améliorées
par Gannal, il demeure impossible de conserver un cadavre, sans qu’il subisse quelques
altérations, et surtout de le réutiliser ou de réitérer certaines explorations.
Des mannequins offrant tout le réalisme d’un corps humain sont alors mis au point.
Les hommes de l’art peuvent les démonter et remonter à loisir pour les explorer et se
remémorer les ramifications des vaisseaux, la disposition des muscles, l’organisation des
divers viscères (illustrations 178 à 182, cf. annexe 51). Il existe plusieurs techniques
permettant de réaliser de tels mannequins, qui diffèrent en fonction du matériau employé.
Tout d’abord, les représentations réalisées en cire et dont la pratique est dénommée
céroplastie. Les préparations anatomiques en cire sont effectuées en réalisant de multiples
dissections et en effectuant des moulages. Cette pratique est présente dans plusieurs pays
en Europe : l’Italie, particulièrement, possède une très grande collection de cires
459 La liste des revues pour lesquelles la société envisage de souscrire un abonnement est l’unique allusion
aux Annales d’hygiène publique et de médecine légale. Elles ne figurent pas parmi les titres reçus par la
société et recensés dans le bulletin quelques années plus tard. Faut-il y voir un oubli ou un abonnement non
renouvelé par manque d’intérêt scientifique ou pour des raisons de trésorerie ?
460 Cf. sur les collections anatomiques l’article de Nélia Dias, « Le corps en vitrine. Eléments pour une
recherche sur les collections médicales », Terrain : Le corps en morceaux, Paris, Ministère de la culture et
Maison des sciences de l’homme, mars 1992, n°18, pp. 72-79, en ligne (http://terrain.revues.org/), ainsi que
l’étude de Rafael Mandressi dans Le regard de l’anatomiste…, op. cit., pp. 254-268.
334

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
anatomiques rassemblées au musée La Specola à Florence 461 . Les femmes 462 se sont
particulièrement illustrées dans cet art scientifique ou science artistique, qui leur permet
d’exercer une activité en lien avec la médecine, profession qui leur est interdite 463 . L’une
des plus illustres céroplastes du XVIII e siècle est, sans nul doute, Anna Morandi. Sculpteur
au départ, elle embrasse la profession de son mari, Giovanni Manzolini, sculpteur
anatomique, et réalise même pour lui les dissections 464 .
Le service que peut rendre la céroplastie à l’apprentissage de l’anatomie est très
vite perçu par les praticiens de l’art de guérir. D’aucuns en sont tellement persuadés qu’ils
initient la création d’écoles de céroplastie chargées, d’une part, de former des sculpteurs
anatomiques, et d’autre part, de produire de nouvelles pièces. Giuseppe Galletti, chirurgien
et accoucheur, est à l’origine de la fondation de l’école céroplastique de Florence dans les
années 1770 465 . Quelques écoles de médecine se dotent même de leur propre service de
création de cires anatomiques 466 : « en 1805, une nouvelle amélioration eut lieu dans
l’Ecole de Médecine, Cuvier y fit établir une école de modelage en cire » 467 .
Cependant, la cire présente un inconvénient majeur : elle est sensible aux hautes
températures. Des savants tentent de remédier à ce souci en mettant au point des pièces
anatomiques dans d’autres matériaux. Une contemporaine d’Anna Manzolini réalise, en
France, des pièces anatomiques dans un autre matériau que la cire, sans qu’il soit possible
de préciser lequel 468 . Les recherches et travaux menés dans ce domaine ont abouti à la
naissance d’une nouvelle science : l’anatomie clastique. Elle consiste en la préparation de
« modèles d’anatomie composés de pièces solides, qui peuvent aisément se monter et
461
Un magnifique ouvrage d’art, édité par Taschen, propose un petit historique de la céroplastie et de
l’établissement de la collection du musée La Specola, ainsi que la présentation de l’ensemble des cires
anatomiques. Cf. Encyclopaedia anatomica. Museo La Specola Florence, textes de Monika v. Düring et
Marta Poggesi, photographies de Saulo Bambi, Cologne, Taschen, 2006, 574 p.
462
Le moulage en cire est aussi l’activité professionnelle exercée par Marie Grassholz, future Madame
Tussaud. En l’occurrence, il ne s’agit pas dans son cas de cire anatomique, mais de cire mortuaire. Elle
réalise, en effet, des masques mortuaires parmi lesquels ceux de célèbres révolutionnaires.
Cf. Le dernier portrait, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Le dernier portrait » présentée au
musée d’Orsay du 5 mars au 26 mai 2002, Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 2002,
pp. 32-33.
463
Sur l’entrée des femmes dans la médecine cf. l’ouvrage de Josette Dall’ava-Santucci, Des sorcières aux
mandarines. Histoire des femmes médecins, Paris, Calmann-Lévy, 2004, 272 p.
464
Ibid., pp. 83-84.
465
Encyclopaedia anatomica, op. cit., p. 51.
466
Le Musée de l’Ecole de médecine de Paris, inauguré en octobre 1795, emploie, outre un peintredessinateur,
un modeleur en cire. Les deux fonctions seront supprimées en 1822.
Cf. Véronique Clin, Le musée d’histoire de la médecine de Paris, Paris, Université René Descarte-Paris 5,
Musée d’histoire de la médecine de Paris, 1994, non paginé.
467
Alexandre de Saillet, « L’école de médecine… », op. cit., p. 271.
468
Josette Dall’ava-Santucci, Des sorcières…, op. cit., p. 85.
335

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
démonter, s’enlever une à une, comme dans une véritable dissection » 469 . L’intérêt
principal de tels objets est qu’ils sont construits comme des matriochkas : chaque élément
retiré révèle une nouvelle pièce, à l’image de la dissection. Le ministère de l’Instruction a
bien pris la mesure des services que pourraient rendre les pièces clastiques à
l’enseignement de l’anatomie. En conséquence, une circulaire de Salvandry, alors à la tête
de ce ministère en 1838, enjoint les préfets de faire la promotion de ces pièces anatomiques
artificielles auprès du conseil général de leur département ou du conseil municipal du chef-
lieu, afin qu’il soit fait l’acquisition de quelques-unes de ces œuvres 470 . L’Ecole de
médecine de Poitiers, par exemple, commande un mannequin de femme enceinte, avec
fœtus et placenta, pour les cours d’accouchements 471 .
La notion à l’origine de l’exécution de pièces anatomiques est l’entretien de la
mémoire. Par conséquent, cela présuppose une consultation réitérée des pièces, et donc une
leur accessibilité, ainsi que le préconise la circulaire ministérielle du 18 août 1838 472 . Des
musées sont organisés dans cette optique, affilié la plupart du temps à une Ecole ou à une
Faculté de médecine 473 . L’Ecole de Poitiers dispose, à partir du milieu des années 1850,
semble-t-il, de son propre musée 474 . Outre des éléments d’anatomie classique, ces musées
fourmillent de pièces extraordinaires, dans le sens qu’elles présentent une anomalie
médicale ou une particularité que les hommes de l’art ne rencontrent qu’occasionnellement
dans leur pratique quotidienne. La conservation de ces pièces hors normes est d’une grande
importance en médecine légale, notamment pour réaliser des analyses comparatives.
Lutaud, dans son article sur les obitoires et les morgues, rédigé pour le dictionnaire de
Dechambre, affirme que « sans faire de la Morgue un musée, il serait utile d’y placer, à la
disposition des experts, les pièces anatomiques qu’il est souvent nécessaire de consulter et
de comparer » 475 .
Dans le combat qu’il mène quant à la formation pratique des médecins, notamment
pour tout ce qui relève des examens post mortem, Alexandre Lacassagne a œuvré pour
établir un musée médico-légal dans son fief lyonnais, en annexe du laboratoire de
469
Publicité présentant les divers modèles réalisés par Auzoux. Cité dans L. Auzoux, Leçons élémentaires
d’anatomie et de physiologie, Paris, Baillière, 1839, 4 ème de couverture.
470
Circulaire du ministère de l’Instruction publique du 18 août 1838, citée dans ibid., non paginé.
471
A.D.V., 10T 1030, « Ecole de médecine. Budget : budget des recettes et dépenses ; compte de gestion du
directeur ; factures », Facture de Charrière, 1850.
472
Circulaire du ministère de l’Instruction publique du 18 août 1838, citée dans L. Auzoux, Leçons
élémentaires…, op. cit., non paginé.
473
Les musées d’anatomie sortent du cadre enseignant et s’ouvre au grand public. Cf. le chapitre 5 qui traite
notamment des différents spectacles cadavériques populaires.
474
Henri Delaunay, Historique de l’Ecole préparatoire…, op. cit., p. 4.
475
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 54.
336

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
médecine légale. Sont exposés en un seul et même lieu tous les éléments qui peuvent servir
à la bonne réalisation des expertises judiciaires. Une description des diverses salles et
vitrines qui constituent le musée, se trouve dans le rapport sur l’enseignement de la
médecine légale à Lyon que Lacassagne réalise, à la demande du ministère de l’Instruction
publique, en juin 1899 476 . Le musée présente un échantillon de pièces relatives aux
nouveau-nés, tels que des squelettes, des cordons ombilicaux sectionnés, des instruments
servant à provoquer un avortement. Une vitrine est consacrée aux monstruosités, chez le
nouveau-né et l’adulte. Une autre expose une série de crânes portant des traces de fractures
ou blessures diverses. Tout ce qui touche aux questions d’identité est proposé dans une
autre vitrine. Sont également présentés un certain nombre d’armes de toutes sortes. Le
musée renferme aussi des préparations microscopiques d’éléments corporels comme les
cheveux ou les divers fluides, ainsi qu’une large collection de poisons. Dans la vitrine la
plus importante sont exposées des pièces anatomiques sièges de blessures ou de coups,
desséchées ou conservées dans l’alcool 477 . Il est également possible d’y admirer « une
collection entomologique de “travailleurs de la mort”, les résultats d’une crémation et
dans une grande cage de verre, un cadavre transformé en adipocire après un séjour de
deux années dans la Saône » 478 .
Les médecins qui souhaitent entretenir leurs connaissances dans les diverses
sciences nécessaires à l’exercice de la médecine légale, apprendre de nouvelles techniques,
être informés des recherches et progrès de la discipline dont ils font occasionnellement
profession, ont à leur disposition un panel relativement large d’outils : ouvrages,
périodiques nationaux et régionaux, sociétés savantes, musées. Si le savoir scientifique ne
connaît pas de frontière et peut naître n’importe où, il est évident qu’il existe cependant des
lieux qui sont plus propices à son élaboration, à son développement et à son rayonnement
au-delà de l’enceinte stricte du laboratoire. Les structures favorables à la mise en œuvre de
recherches importantes dans le domaine médico-légal prennent une orientation particulière,
soit en fonction des théories instituées, soit en termes de champs de recherches développés.
Il se crée alors ce qu’il est permis de nommer des écoles de pensées médico-légales.
476 Alexandre Lacassagne, « Rapport sur l’enseignement… », art. cit., pp. 365-368.
477 Les musées présentent des reproductions artificielles, mais également de véritables fragments corporels
qui ont été prélevés et traités pour être conservés. La question du prélèvement de pièces cadavériques, et les
problèmes techniques ou moraux qu’il pose, est abordée dans le chapitre 5.
478 Alexandre Lacassagne, « Rapport sur l’enseignement… », art. cit., p. 367.
337

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
C) Ecoles de pensée médico-légale
Comment définir une école de pensée médico-légale ? Il s’agit d’individus,
théoriciens et praticiens de la discipline, fédérés par des conceptions analogues et/ou des
recherches ayant trait aux mêmes objets d’études. Ces deux facteurs, humains et
scientifiques 479 , sont déterminants dans la construction d’une école de pensée. Il ne peut y
avoir d’école de pensée sans une filiation intellectuelle et conceptuelle entre les
professionnels et les amateurs de l’expertise judiciaire. De même, une école de pensée ne
peut vivre et perdurer sans une contribution originale et régulière au progrès de la science.
1) Maîtres et disciples
La médecine légale est une affaire d’hommes, dans le sens où son enseignement, sa
pratique et ses avancées reposent essentiellement sur des liens individuels qui peuvent être
assimilés à une filiation. L’organigramme des titulaires des chaires de médecine légale des
principales Facultés révèle les liens qui se sont établis entre les plus illustres représentants
français de cette discipline.
Antoine Louis est un des premiers à avoir proposé des cours de médecine légale 480 ,
avant la création des chaires consacrées à cette science en 1795. En dépit de cette initiative,
Louis ne sera pas choisi comme premier titulaire de la chaire médico-légale parisienne.
Cependant, il peut s’enorgueillir d’avoir formé deux figures de la médecine judiciaire du
début du XIX e siècle : Paul Mahon, titulaire de la chaire de médecine légale à la Faculté de
Paris de 1795 à 1801 481 , et François-Emmanuel Fodéré qui occupe celle de la Faculté de
Strasbourg de 1814 à 1835 482 . Ce dernier a pour élève Gabriel Tourdes, qui obtient à son
tour la chaire de médecine légale de Strasbourg en 1840, et dont il demeure titulaire au-
delà du déménagement de la Faculté à Nancy en 1872 483 . Parmi les étudiants en médecine
à qui Tourdes inculque ses préceptes et techniques en matière de médecine légale, se
479
Frédéric Chauvaud consacre par exemple quelques pages au « legs d’Orfila » dans son article « “Cet
homme si multiple… », art. cit., pp. 183-187.
480
Anne-Marie Guillien-Bruneteau, Histoire de la médecine…, op. cit., p. 33.
Gabriel Tourdes, « Médecine légale », art. cit., p. 699.
481
La chaire est dévolue en réalité à deux professeurs, Paul Mahon et Pierre Lassus. Cependant, Lassus
semble avoir abandonné la fonction dès 1795.
Cf. E. Beaugrand, « Mahon (Paul-Augustin-Olivier) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1871, 2 ème série, t. 4, p. 2 et Anne-Marie
Guillien-Bruneteau, Histoire de la médecine…, op. cit., p. 36.
482
A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale… », art. cit., pp. 29-30.
483 Ibid., p. 30.
338

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
trouve Alexandre Lacassagne 484 . La réorganisation des Facultés de médecine françaises, à
la fin des années 1870, permet la création d’une Faculté à Lyon en 1878. Alexandre
Lacassagne accède à la chaire de médecine légale de cette dernière dès 1880, et occupe la
fonction jusqu’en 1913 485 . Parmi les élèves de Lacassagne, se trouve Edmond Locard 486 ,
instigateur de la criminalistique en France, et surtout Etienne Martin, qui lui succède en
tant que titulaire de la chaire de médecine légale 487 .
Si la nomination, à la tête d’une chaire, d’un diplômé d’une autre Faculté est
possible, dans la majorité des cas le choix du nouveau titulaire relève de l’endogamie. La
Faculté de Paris applique ce précepte dans la deuxième moitié du XIX e siècle. Ambroise
Tardieu est à la tête de la chaire de médecine légale de cette Faculté de 1861 à 1879 488 . Le
professeur désigné pour le remplacer à cette fonction est Paul Brouardel, qui a été son
suppléant en 1876-1877 489 . Ce dernier reste en place jusqu’en 1906 490 , année où lui
succède Léon Thoinot, qu’il a lui-même formé et qui était son « élève préféré » 491 .
Quelques-uns créent, en effet, un lien privilégié avec leur professeur, lien qui peut
favoriser et expliquer la tendance endogamique de certaines Facultés. Avant de basculer
d’une relation de maître à élève, à une relation de prédécesseur à successeur, certains ont
connu un statut intermédiaire : collaborateurs. Edmond Locard est le chef des travaux
d’Alexandre Lacassagne 492 , qui avait été lui-même le préparateur de Gabriel Tourdes 493 .
Néanmoins, avoir une relation particulière avec son professeur n’est pas un gage de
réussite ou de promotion pour le disciple. Outre Paul Brouardel, Ambroise Tardieu a eu
comme suppléant Georges Bergeron, de 1874 à 1878 494 . A sa mort en 1879, deux hommes
sont donc pressentis pour lui succéder : Georges Bergeron, considéré comme son
“poulain”, et Paul Brouardel, avec qui les divergences sont nombreuses 495 . Contre toute
attente, ce dernier est élu pour occuper la fonction. La défaite de Bergeron est cuisante, et
marque le coup d’arrêt de sa carrière médico-légale.
484
Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement…, op. cit., p. 142.
485
Ibid., pp. 146-147.
486
J.-J. David, « Edmond Locard 1877-1966 », Cahiers de médecine légale…, op. cit, p. 33.
487
Louis Roche, « La médecine légale à Lyon », ibid., p. 38.
488
Anne-Marie Guillien-Bruneteau, Histoire de la médecine…, op. cit., p. 41.
489
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 578.
490
Anne-Marie Guillien-Bruneteau, Histoire de la médecine…, op. cit., p. 42.
491
Ibid., p. 44.
492
J.-J. David, « Edmond Locard… », art. cit., p. 33.
493
Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement…, op. cit., p. 142.
494
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 578.
495
Bruno Bertherat a étudié, dans sa thèse, les rapports qu’entretenait Ambroise Tardieu avec ses deux
suppléants. Cf. ibid., vol. 2, f° 576-584.
339

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Le lien qui s’est établi entre le maître et l’élève peut s’avérer extrêmement fort. Le
disciple ne tarit pas d’éloges à l’égard de son ancien professeur et n’hésite pas à le citer ou
à se référer aux préceptes qui lui ont été inculqués. La nécrologie de Gabriel Tourdes,
publiée dans les Archives d’anthropologie criminelle, fait part de la très grande admiration
d’Alexandre Lacassagne à l’encontre de son ancien maître :
« Aujourd’hui nous acquittons une dette de reconnaissance en donnant cours à nos
sentiments de vénération et de pitié filiales. Nous nous rappelons sa grande affection, son
intarissable bonté et nous pleurons le vrai chef de l’école médico-légale française, le
maître qui, depuis 35 ans, nous a guidé et soutenu.
Notre seul mérite est d’avoir été longtemps son disciple subordonné et notre
ambition sera de transmettre à nos élèves le dépôt qu’il nous avait confié » 496 .
Se proclamer disciple d’une figure de la médecine légale signifie embrasser et faire sienne
sa conception de la médecine judiciaire et du rôle du médecin expert. Il s’agit alors
d’intérioriser, et de mettre en pratique, un ensemble de préceptes éthiques et scientifiques
développés par un savant dont la légitimité en la matière est reconnue, ou non.
L’appropriation de la conception d’une sommité médico-légale est plus ou moins
visible et affirmée dans les écrits de ses partisans. Le sommaire compte-rendu réalisé pour
le Journal de médecine et de chirurgie pratiques, à l’occasion de la publication de
l’ouvrage de Lutaux, souligne que « sur beaucoup de points il expose surtout le résumé des
enseignements de M. Tardieu » 497 . La multiplication de références, aux écrits ou dires d’un
autre savant, constitue une preuve de l’influence que ce dernier a pu avoir sur les réflexions
de l’auteur : Henri Legrand du Saulle cite à de nombreuses reprises la prose ou les théories
d’Alphonse Devergie, de Mathieu Orfila et d’Ambroise Tardieu 498 . Outre le recours
fréquent aux préceptes édictés par son ancien professeur Tourdes, Alexandre Lacassagne
se réfère fréquemment à celui qu’il considère comme la seule autre « figure originale » 499
de la médecine légale du XIX e siècle : François Chaussier. Dans l’avertissement de la
deuxième édition de son Vade-mecum, il souligne la « clairvoyance et [la] compétence
médico-légales » de Chaussier qui réclamait, dès 1789, une surveillance des médecins
496 Alexandre Lacassagne, « Nécrologie », Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de
psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1900, t. 15, p. 228.
497 « Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, par M. A. Lutaux, ex-médecin de l’Hôpital
français de Londres », Bibliographie, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins
praticiens, Paris, Lahure, 1877, t. 48, article n°10610, p. 430.
498 Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., XI-1268 p.
Pour les références à Devergie cf. notamment p. 140, p. 145, p. 148, p. 161, p. 307. Orfila est cité p. 142,
p. 147, p. 156, p. 317. Quant à Tardieu, il est fait mention de ses travaux par exemple p. 192, p. 295, p. 318,
p. 331, p. 347, pp. 477-478.
499 Alexandre Lacassagne, « Nécrologie », art. cit., p. 228.
340

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
experts et l’instauration de règles précises à suivre durant les expertises 500 . De plus,
Lacassagne s’inspire très largement des préceptes de François Chaussier en matière
d’ouverture cadavérique 501 .
Si certains se réclament des fortes personnalités qui ont construit et initié les plus
grandes théories et règles médico-légales, même sans avoir suivi leur enseignement direct,
l’écart générationnel étant trop important, d’autres, au contraire, réfutent certaines
conceptions émises par leurs propres professeurs et prennent alors leurs distances. Paul
Brouardel a reçu l’enseignement d’Ambroise Tardieu, mais se démarque largement de ce
dernier. Parmi les divergences multiples qui opposent les deux hommes, l’une des plus
significatives est leur conception du rôle de l’expert. Léon Thoinot souligne la distance que
Paul Brouardel a souhaité instaurer entre le magistrat et le médecin expert, distance qui
facilite l’impartialité de ce dernier. 502 En effet, Ambroise Tardieu appréhende la mission
d’expert comme faisant partie de la recherche du criminel. Le médecin requis devient,
selon lui, « un véritable auxiliaire de la justice » et doit œuvrer à confondre le coupable du
crime ou du délit 503 . Paul Brouardel rejette totalement la conception de “l’expert-policier”
ou de “l’expert-juge”. Selon lui, la prérogative du médecin appelé pour éclairer la justice
doit se limiter au scientifique. Toute remarque ou réflexion ne relevant pas de ce domaine
signifierait que l’homme de l’art a outrepassé ses droits et ses devoirs 504 . « Brouardel a su
dégager la fonction d’expert médical de la notion de justice pour la concentrer sur
l’apport de la preuve […] » 505 . Auxiliaire de la justice avec Tardieu, l’expert devient un
simple conseiller de la justice avec Brouardel.
Hormis quelques divergences de points de vue, somme toute exceptionnelles, il est
permis de considérer qu’un médecin tend à suivre les préceptes qui lui ont été inculqués au
cours de sa formation. Les maîtres de la médecine légale qui professent dans les Facultés
de médecine ont donc un réseau de disciples qui dépasse très largement le cadre de leurs
héritiers et successeurs directs. De plus, la limitation à trois du nombre de Facultés
délivrant le doctorat de médecine, durant une grande partie du XIX e siècle, accentue la
notion de diffusion. L’ensemble des candidats au doctorat convergent en l’occurrence vers
500 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1900, p. X.
501 Alexandre Lacassagne, Précis de médecine…, op. cit., p. 189.
502 Léon Thoinot, « Histoire de la chaire de médecine légale de la Faculté de Paris (1795-1906) », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1906, 4 ème série, t. 6, p. 514.
503 Ibid., p. 507.
504 Cf. le chapitre 4 pour une étude des droits et devoirs de l’expert médical.
505 J.-P. Benais, M. Garnier, R. Gherardi, M. Rudler, « Paul Brouardel (1837-1906) », Cahiers de médecine
légale…, op. cit., p. 55.
341

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
ces trois villes, puis repartent très souvent, si ce n’est dans leur village natal, au moins dans
leur région d’origine. Il est donc possible d’évaluer l’influence d’une école de pensée
médico-légale, ainsi que son rayonnement, à partir de la répartition entre ces trois Facultés,
des docteurs en médecine poitevins (tableau 36, cf. annexe 16).
Sur l’ensemble des docteurs
en médecine répertoriés dans les
départements de la Vienne et des
Deux-Sèvres 506 , et dont la Faculté
où ils ont suivi leurs études est
indiquée, une très forte majorité
sont diplômés de la Faculté de
médecine de Paris. Ils représentent
76% des docteurs en médecine
exerçant dans les Deux-Sèvres
(graphique 53) et atteignent une
part de 80% dans la Vienne
(graphique 54). La proportion de
médecins ayant effectué leurs
études dans l’une des deux autres
Facultés, Montpellier et
Strasbourg, est par conséquent
relativement faible : les docteurs
diplômés de Montpellier
représentent, respectivement, 9%
en Deux-Sèvres, et 8% dans la
Vienne ; Strasbourg n’a reçu que 1% des docteurs en médecine exerçant dans ces deux
départements.
1%
0%
1%
9%
Graphique 53 : Répartition des docteurs en
médecine des Deux-Sèvres selon la Faculté dont
ils sont diplômés (1795-1915).
1%
0%
0%
12%
Paris
Graphique 54 : Répartition des docteurs en
médecine de la Vienne selon la Faculté dont ils
9%
0%
0%
0%
0%
2%
sont diplômés
(1795-1915).
0%
0%
Paris
Montpellier
Strasbourg
Nancy
1%
8%
Lyon
Bordeaux
Munich
80%
Sources : ADV, 5M, 2U, 3U 4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.
La domination de la Faculté de médecine de Paris a une double explication : sa
proximité géographique et sa réputation. Des trois Facultés, celle de Paris est la plus
proche du Poitou, ce qui la rend plus attractive pour les jeunes hommes qui doivent
506 Ne sont pris en considération que les docteurs en médecine diplômés après la réorganisation de
l’enseignement en décembre 1794. Les étudiants formés dans les anciennes Facultés, selon les modalités
précédentes, sont laissés de côté dans la mesure où la médecine légale ne faisait pas partie de leur formation.
342
76%
Montpellier
Strasbourg
Nancy
Lyon
Bordeaux
Toulouse
Rennes
Beyrouth
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 2, 3U 4, 1X, 2X, 3X, 1Z.
Toulouse
Marseille
Padoue
Rome

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
s’expatrier pendant plusieurs années. De plus, le réseau de communications qui relie
l’ensemble du territoire français à sa capitale est le plus efficace 507 . Le facteur
géographique est décisif dans le choix de la Faculté, ainsi que le prouve la part importante
de médecins diplômés de la toute jeune Faculté de Bordeaux. Fondée en décembre 1874 508 ,
la Faculté bordelaise forme, en seulement quatre décennies, 12% de la totalité des docteurs
en médecine deux-sévriens (graphique 53), et 9% des praticiens de la Vienne (graphique
54). En ne prenant en considération que les praticiens diplômés à partir de 1875, la part
atteint environ 20% dans chaque département (graphiques 55 et 56).
Graphique 55 : Répartition des docteurs en médecine
des Deux-Sèvres, selon la Faculté dont ils sont diplômés,
avant et après 1875.
Nombre de
diplômés
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Avant 1875 Après 1875 Périodes
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 2, 3U 4, 1X,
2X, 3X, 1Z.
343
Beyrouth
Rennes
Toulouse
Bordeaux
Lyon
Nancy
Strasbourg
Montpellier
Paris
507 H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 658.
508 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, p. 964.

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Graphique 56 : Répartition des docteurs en médecine de
la Vienne, selon la Faculté dont ils sont diplômés,
avant et après 1875.
Nombre de
diplômés
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Avant 1875 Après 1875
Périodes
Sources : ADV, 5M, 2U, 3U 4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.
344
Munich
Rome
Padoue
Marseille
Toulouse
Bordeaux
Lyon
Nancy
Strasbourg
Montpellier
Paris
Cependant, il apparaît que le transfert d’étudiants ne s’effectue pas exclusivement
aux dépens de la Faculté de Paris, mais également de celle de Montpellier 509 . Si les parts de
la Faculté de Paris diminuent, elles demeurent néanmoins très largement majoritaires et
permettent à cette Faculté de garder sa première place : la proportion de titulaires d’un
doctorat délivré par la Faculté de Paris passe de 84% à 70% dans les Deux-Sèvres
(graphique 55), et de 85% à 72% dans la Vienne (graphique 56). En revanche, les parts de
la Faculté de Montpellier subissent une chute plus importante et la font régresser à la
troisième position. Responsable de la formation de 15% des docteurs en médecine des
Deux-Sèvres et de 13% de ceux de la Vienne, avant 1875, elle n’en accueille plus que 4%
après cette date, pour chaque département. Longtemps considérée comme la référence en
matière d’études médicales, la Faculté de Montpellier a été supplantée par celle de la
capitale, depuis le début du XIX e siècle 510 . Outre la diminution du nombre d’étudiants
inscrits à la Faculté montpelliéraine, celle-ci traverse une crise intellectuelle, émaillée de
conflits entre ses professeurs, ce qui affaiblit son enseignement 511 .
509 Selon Henri Delaunay, l’Ecole de médecine de Poitiers souffre également de la concurrence : « ajoutons
qu’à la même époque la Faculté de Bordeaux, instituée par la loi du 8 décembre 1874, se mettait à
fonctionner et nous obligeait à compter avec une bien redoutable concurrence ».
Cf. Henri Delaunay, Historique de l’Ecole préparatoire…, op. cit., pp. 11-12.
510 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, p. 646.
511 Ibid., p. 649.

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Le déclin de la Faculté de Montpellier a favorisé l’hégémonie de celle de Paris. La
bonne réputation de la Faculté parisienne est due en premier lieu au charisme, à la valeur et
à la notoriété des hommes qui y enseignent 512 . Un professeur auréolé d’une certaine
renommée, dans la communauté savante comme profane, attire un plus grand nombre
d’élèves souhaitant bénéficier de ses préceptes. Or, au moment de la (re)fondation de
l’enseignement médical, Paris abrite la fine fleur des théoriciens des sciences médicales,
qui délivre son savoir dans l’enceinte de la Faculté ou par des cours particuliers : François
Chaussier, qui a œuvré pour la réorganisation des études de médecine, Jean Nicolas
Corvisart, artisan de l’anatomo-clinique, Guillaume Dupuytren, maître incontesté de la
chirurgie et promoteur de l’anatomie pathologique, Pierre Béclard, à l’origine de
nombreuses découvertes anatomiques 513 . Dès lors, le processus s’auto-alimente : la
réputation des enseignants attirent un plus grand nombre de disciples, qui chantent les
louanges de la Faculté une fois retourné dans leur pays et, par cette publicité, suggèrent à
de nouveaux étudiants de rejoindre les bancs de la Faculté de Paris.
L’initiation et la formation d’une légion de praticiens de l’art de guérir qui, une fois
leur éducation achevée, s’éparpillent sur la quasi-totalité du territoire français, assurent la
diffusion des théories, techniques et préceptes de l’école. Il apparaît dans ce cas difficile,
pour une Faculté qui accueille peu d’étudiants originaires d’autres régions, d’influer sur les
pratiques et les savoirs employés au sein des autres campagnes. L’enseignement de la
Faculté de Strasbourg n’a pas été dispensé dans les campagnes poitevines : seul 1% des
docteurs en médecine installés en Poitou sont diplômés de cette école (graphiques 53 et
54) 514 . Cependant, un événement, de prime abord tragique, va favoriser la propagation des
idées de la Faculté strasbourgeoise : la perte de l’Alsace-Lorraine à l’issue du conflit avec
l’Allemagne. La ville de Strasbourg possède deux centres de formation médicale, la
512 H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 658.
513 Alexandre de Saillet, « L’école de médecine… », op. cit., p. 270.
514 S’il est aisé de nombrer les médecins formés par la Faculté de Strasbourg et qui ont exercé en Poitou, en
revanche il n’est pas possible d’estimer les étudiants originaires de ladite région qui ont suivi l’enseignement
des maîtres alsaciens et qui se sont ensuite installés dans l’Est de la France pour exercer leur art.
L’introduction rédigée par Hecht en préambule des Tables générales des thèses soutenues à la Faculté de
médecine de Strasbourg, suggère la possibilité d’une telle installation à l’issue des études. Par ailleurs, Hecht
remet en cause un a priori formulé à l’égard de la Faculté de Strasbourg : « on a voulu insinuer quelquefois
que la Faculté alsacienne ne recrutait guère ses élèves que dans la région comprise entre le Rhin et les
Vosges, au delà desquelles disparaissait sa sphère d’attraction ». Selon lui, ce préjugé est infondé, car la
diversité des origines géographiques des élèves est inévitable, eu égard à la présence à Strasboug de la seule
école qui forme les membres du service de santé des armées.
L. Hecht, « Introduction », Tables générales des thèses soutenues à la Faculté de médecine de Strasbourg
pour la réception au doctorat depuis le 1 er janvier 1838 jusqu’au 12 août 1870, Nancy, Berger-Levrault et
Cie, 1878, pp. III-IV.
345

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Faculté de médecine et l’Ecole impériale du service de santé militaire 515 . Avec l’annexion
de l’Alsace-Lorraine par l’Empire allemand, la France doit déménager les deux écoles.
Après d’âpres négociations entre les communes candidates pour accueillir les apprentis
médecins 516 , Nancy est choisie pour recevoir la Faculté de médecine 517 . Quant à l’Ecole du
service de santé, elle est transférée à Lyon 518 . La scission de l’enseignement médical
strasbourgeois, ainsi que son déménagement, a eu pour conséquence positive d’étendre le
rayonnement de l’école de pensée de l’ancienne Faculté alsacienne 519 , car bien que le cadre
géographique soit différent, les mêmes professeurs sont demeurés en fonction.
Outre le déménagement de la Faculté de Strasbourg, les années 1870 marque un
tournant pour l’enseignement de la médecine. En effet, la III e République initie, pour
nombre d’Ecoles de médecine, le passage au statut de Faculté. Les Ecoles de Lyon et
Bordeaux sont transformées en Facultés en 1874, celle de Lille en 1875 et celle de
Toulouse en 1878 520 . Les candidats au doctorat de médecine ont ainsi la possibilité
d’effectuer un véritable choix quant à la Faculté dans laquelle ils envisagent d’étudier. La
multiplication du nombre de Facultés de médecine, et donc l’éparpillement des étudiants,
instaure une forme de concurrence entre les établissements, notamment pour ceux situés
dans une même zone géographique. Montpellier peut être en concurrence avec Lyon pour
accueillir les étudiants originaires du Sud-Est de la France, et avec Toulouse ou Bordeaux
pour ceux du Sud-Ouest.
Mais avoir formé un grand nombre de praticiens ne suffit pas pour instituer une
“école de pensée”. Pour obtenir un tel label il faut dispenser, ainsi que le sous-entend
l’expression, une pensée particulière, qui se démarque de celle proposée par les autres
centres scientifiques.
2) Les domaines réservés de chaque Faculté
La médecine légale française est constituée de trois écoles de pensée, correspondant
globalement aux trois Facultés de médecine dont les recherches dans cette discipline ont
été les plus prolifiques : Paris, Strasbourg et Lyon. Les autres Facultés de médecine
515
Georges Morache, « Militaire (Service de santé) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 2 ème série, t. 8, p. 124.
516
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, pp. 1094-1096.
517
A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale… », art. cit., p. 30.
518
Ibid., p. 31.
519
Ibid.
520
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, pp. 963-964.
La Faculté de Toulouse est rétrogradée, en 1887, au stade d’Ecole de médecine de plein exercice.
346

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
françaises ont sans aucun doute pu mener des travaux relatifs à la médecine légale.
Néanmoins leur nombre, leur impact, et la relative faible quantité de personnalités
impliquées, limitent l’influence de ces écoles de second ordre au sein de la science médico-
légale. La Faculté de Montpellier, au demeurant auréolée d’une ancienne et très grande
réputation en matière d’art de guérir, s’avère déficiente dans certaines branches médicales,
et notamment en médecine légale 521 . Peu de membres du corps enseignant de la Faculté de
médecine méridionale font partie du noyau dur des sommités médico-légales. Au regard du
dépouillement relativement fin des Annales d’hygiène publique et de médecine légale et
des Archives d’anthropologie criminelle, et relatif à toutes les informations se rapportant
de près ou de loin à la pratique de la médecine judiciaire, il est permis d’affirmer qu’elles
publient relativement peu de travaux ou de recherches médico-légales établis par des
savants appartenant à la Faculté de Montpellier 522 .
L’apparition dans le paysage scientifique d’une école de pensée médico-légale se
fonde sur plusieurs facteurs. Le premier élément fondamental est la présence de fortes
personnalités qui s’efforcent de développer, d’approfondir et d’améliorer cette discipline
médicale. Les artisans des progrès de la médecine légale focalisent leurs travaux sur
certains aspects de la science, sur des recherches spécifiques, orientant par voie de
conséquence le champ d’action du laboratoire auquel ils appartiennent, voire qu’ils
dirigent. L’appréhension de telles recherches et la délimitation des champs d’études
médico-légaux, mis en exergue par une Faculté de médecine, peuvent être rendu possible
en étudiant le sujet des thèses qui y sont soutenues. En effet, bien que la qualité
scientifique de l’ultime étape donnant accès au titre de docteur soit mise en cause 523 , il
demeure que cet exercice de style est un travail de recherche, mené au sein d’une structure
et sous la direction d’un éminent représentant de la discipline.
521 Ibid., p. 649.
522 Les deux représentants de la Faculté de Montpellier, dont les travaux apparaissent le plus souvent dans
lesdites revues, sont Alphonse Jaumes, titulaire de la chaire de médecine légale dans les années 1870, et son
successeur Gaston Sarda.
523 Montanier souligne discrètement, dans une note infrapaginale, la faiblesse des thèses de médecine : « les
thèses deviennent de plus en plus faibles ; il n’y a guère que les internes et quelques externes qui composent
des thèses de leurs propres observations ; le plus grand nombre des étudiants ne fait qu’une compilation
insipide et sans intérêt ». Un article du Journal de médecine et de chirurgie pratiques fait écho au débat qui
anime la presse médicale, au début des années 1890, et qui a trait à la suppression pure et simple de cette
production littéraire estudiantine. Il est reproché à la thèse d’être, « dans l’immense majorité des cas, fort
mauvaise et partant inutile ».
Cf. H. Montanier, « Médecine… », art. cit., p. 655.
Cf. « La suppression de la thèse », Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins
praticiens, Paris, Daix, 1892, t. 63, article n°15057, p. 161.
347

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
L’une des raisons d’être des thèses est de servir de vitrine aux travaux initiés ou
menés par les professeurs et leurs élèves : « un grand nombre de ces thèses ont l’avantage
de porter le reflet de l’enseignement des maîtres, et, parmi ces derniers, plus d’un est
connu par les travaux qu’il a inspirés ainsi plus encore que par ce qu’il a publié par lui-
même » 524 . Des enseignants facilitent même le travail de leurs étudiants : ils leur confient,
ou plus exactement ils leurs vendent, les résultats et les réflexions d’une recherche qu’ils
ont menés, afin que ces jeunes gens les publient en tant que thèse 525 . François Chaussier
cède, à plusieurs étudiants, des dissertations qu’il a rédigées sur l’ouverture cadavérique,
les blessures et l’infanticide, dissertations qu’ils soutiennent comme thèse en 1814 526 . Les
textes sont ensuite rassemblés et publiés, en 1819, dans un ouvrage intitulé simplement
Médecine légale 527 . Cinq ans plus tard, François Chaussier publie à son tour ses écrits dans
un Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale 528 .
Dans la préface, il indique qu’il a « donné » ses recherches et réflexions à ces élèves et
reprend ainsi la paternité de ce travail 529 .
L’origine du débat qui anime partisans et opposants de la thèse, quant à l’utilité de
maintenir ce passage obligé des études de médecine, réside dans le fossé qualitatif qui se
creuse, depuis quelques années, entre les travaux réalisés dans les Facultés. Les deux
Facultés principalement mises en regard sont celles de Paris et de Lyon. Les productions
estudiantines parisiennes sont dénoncées pour leur mauvaise qualité littéraire, leur manque
d’originalité scientifique, voire leur absence totale d’intérêt 530 . L’argument avancé, pour
expliquer la médiocrité de ces travaux, est l’encadrement insuffisant des candidats au
doctorat, consécutif à l’encombrement de la Faculté parisienne 531 . A contrario, les thèses
présentées dans les Facultés de province, et particulièrement à Lyon, sont d’une haute
qualité scientifique et « expriment le bouillonnement d’idées » 532 que referment de tels
centres de réflexions.
Outre la qualité des recherches, il est possible de déterminer d’autres éléments qui
caractérisent, et donc distinguent, les trois écoles de pensée médico-légale françaises.
524
« La suppression de la thèse », art. cit., p. 162.
525
Erwin H. Ackerknecht, La médecine hospitalière…, op. cit., p. 51.
526
François Chaussier, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale,
Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, pp. XV-XVI.
527
A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ. Rieux, Médecine légale, op. cit., VIII-290 p.
528
François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit., XXIV-519 p.
529
Ibid., p. XV.
530
« La suppression de la thèse », art. cit., pp. 161-162.
531
Ibid., p. 162.
532
Roselyne Rey, « Les relations… », art. cit., p. 103.
348

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Commençons par la plus récente, fondée à la fin des années 1870 : l’école lyonnaise. Elle
est personnifiée par son fondateur et promoteur, Alexandre Lacassagne. Il accède à la
chaire de médecine légale deux ans seulement après l’instauration de la Faculté, en 1880,
succédant alors à Grommier 533 . D’une grande érudition dans de multiples domaines tant
scientifiques que sociaux, à laquelle s’adjoint une conscience aiguë de la difficulté et de la
complexification de la science médico-judiciaire, Lacassagne a initié nombre de recherches
très spécifiques, répondant à une attente. Dans la continuité des recherches qu’il mène en
anthropologie criminelle, dont l’objectif premier est de permettre l’identification des
criminels, Lacassagne a étendu la question de l’identité et de l’identification, au point d’en
faire l’un des domaines privilégiés du laboratoire médico-légal lyonnais. Il dirige alors des
travaux sur les marques corporelles (tatouages, cicatrices, marques professionnelles), sur
les empreintes, sur les taches de toute nature, sur l’étude des os et des dents comme signe
d’identité, sur l’analyse des cheveux, poils, ongles, préfigurant ainsi le laboratoire de
police scientifique confié à Edmond Locard 534 .
En mettant l’accent sur de telles recherches, à la fois très singulières et pourtant si
cohérentes, la Faculté de Lyon devient la référence en matière de problèmes d’identité.
Elle est donc sollicitée, dès lors qu’une affaire judiciaire renferme une difficulté de cet
ordre 535 . La jeunesse de la Faculté de Lyon et la domination de la personnalité de
Lacassagne permettent de tracer très facilement les contours de l’école médico-légale
lyonnaise. En effet, Lacassagne, aidé de quelques proches collaborateurs, a pu construire
presque de toutes pièces une nouvelle conception de la science médico-judiciaire, en
adéquation avec l’évolution que la discipline a connue au cours du XIX e siècle. Les
avancées techniques, l’amélioration et l’approfondissement des connaissances, ont
nécessité la création de subdivisions au sein même de la médecine légale, obligeant ceux
qui s’adonnent à son étude à se spécialiser également. De plus, Alexandre Lacassagne a su
533 Louis Roche, « La médecine légale… », art. cit., p. 37.
534 Etienne Martin, « L’Institut de médecine légale… », art. cit., pp. 7-8.
535 L’affaire qui a propulsé Alexandre Lacassagne sur le devant de la scène publique est le meurtre de
l’huissier Gouffé. Les expertises réalisées par le maître lyonnais ont permis d’identifier le corps, retrouvé
dans une malle et dans un état avancé de décomposition, comme étant effectivement celui de Gouffé.
Cf. « L’affaire Gouffé », Archives d’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale,
judiciaire. Statistique criminelle. Législation et droit, Notes et observations médico-légales, Lyon, Storck,
1890, t. 5, pp. 642-716.
L’un des collaborateurs de Lacassagne est chargé, lui, de l’authentification des restes d’une des victimes de
l’accident de chemin de fer de Melun, catastrophe qui a eu lieu en novembre 1913. Lesdits débris
cadavériques sont supposés appartenir à son confrère Jaboulay, professeur de clinique chirurgicale.
Cf. Etienne Martin, « La mort du professeur Jaboulay (catastrophe de Melun, 4 novembre 1913).
Identification des débris de son cadavre. Le dépeçage accidentel des cadavres par les accidents de chemin de
fer », Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique,
Notes et observations médico-légales, Lyon, Rey, 1914, t. 29, pp. 103-115.
349

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
fédérer, autour de préoccupations scientifiques personnelles, l’ensemble du laboratoire de
médecine légale de la Faculté de Lyon, insufflant ainsi une cohérence dans la production
scientifique lyonnaise et évitant un éparpillement des recherches. En outre, Alexandre
Lacassagne a transposé, tant dans ses écrits que dans les recherches qu’il mène ou
supervise, la rigueur et la précision héritées de l’école de Strasbourg dont il est issu : « on
retrouve dans le Vade-mecum du médecin expert, cette clarté, cette honnêteté scientifique,
cet esprit d’analyse critique qui a de tout temps caractérisé l’enseignement de l’ancienne
faculté de médecine de Strasbourg » 536 .
L’école médico-légale de Strasbourg doit son succès à deux facteurs principaux, qui
ont marqué et influencé tous ceux qui ont été formé dans cette Faculté, au point de hanter
leurs écrits et leurs expériences longtemps après la fin de leurs études : un professeur
charismatique, Gabriel Tourdes, et une tendance à s’inspirer des pratiques médico-légales
appliquées outre-Rhin. A l’instar de Lacassagne avec l’école lyonnaise, Gabriel Tourdes
personnifie les préceptes et les découvertes réalisées par le département de médecine légale
de la Faculté alsacienne. Il dispose de collaborateurs, il forme nombre d’étudiants qui sont
autant de disciples, mais il ne semble pas avoir d’opposants ou d’adversaires qui
chercheraient à instituer de nouveaux champs de recherche. La particularité de l’école
médico-légale strasbourgeoise ne réside pas dans les études spécifiques qu’elle a menées,
mais dans l’enseignement qu’elle dispense, et notamment dans sa méthode. En effet, dès
son arrivée à la tête de la chaire de médecine légale en 1840, Tourdes met en place une
véritable clinique médico-légale 537 , ainsi qu’il a été déjà expliqué au cours du présent
chapitre 538 . La pédagogie de Tourdes repose donc sur la mise en présence des futurs
praticiens avec des exemples réels d’expertises médico-légales. De plus, en raison de sa
situation géographique, l’école alsacienne s’inspire énormément de la médecine légale
allemande, principalement pour ce qui a trait à l’instauration de règles régissant la
réalisation des examens, la rédaction des rapports d’expertises, la constitution d’un corps
de médecins experts professionnels. La plupart des écrits de Gabriel Tourdes fourmillent
de références ou d’idées inspirées par les auteurs ou les règlements germaniques 539 .
536 Reuss, « Le vade mecum du médecin-expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert, du juge
d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, Alexandre Lacassagne, 1892 », Revue des livres,
Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1893, 3 ème série, t. 29, p. 204.
537 A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale… », art. cit., p. 30.
538 Cf. le paragraphe sur l’instauration d’un enseignement pratique de la médecine légale.
539 Cf. par exemple, Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7,
pp. 417-431 ; Gabriel Tourdes, « Médecine légale », art. cit., pp. 677-714 ; Gabriel Tourdes, « Rapports
(Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre,
350

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Malgré la notoriété de Tourdes et les éloges qui ne cessent d’être proclamés à
l’égard de l’école de Strasbourg, l’influence de celle-ci semble en fait assez limitée au sein
du corps médical. Tout d’abord, à l’instar de Montpellier, la Faculté de Strasbourg souffre
de l’hégémonie parisienne. Comme il a été mentionné précédemment, Strasbourg a
accueilli sur ses bancs seulement 1% des médecins poitevins (graphiques 53 et 54). Hormis
par l’entremise de publications réalisées par les représentants de l’école strasbourgeoise, il
paraît difficile pour elle d’influer notablement sur les savoirs et pratiques employés par les
médecins exerçant de l’autre côté des Vosges. Cette position géographiquement excentrée
la met scientifiquement à l’écart.
De plus, les éléments qui rendaient la Faculté de médecine de Strasbourg si
différente, en matière de médecine légale, tendent à disparaître durant le dernier tiers du
XIX e siècle. Avec la défaite que la France vient d’essuyer face à son voisin d’outre-Rhin,
le modèle allemand prend quelques accrocs. Or, l’école médico-légale de Strasbourg se
réclamant pour beaucoup des préceptes et pratiques germaniques, il paraît compréhensible
que celle-ci subisse quelques rejets après 1871, voire une occultation complète des
inspirations et emprunts faits à la science allemande 540 . Néanmoins, la mise au ban des
initiatives d’Outre-Rhin n’est pas totale. Nombre d’auteurs y font encore référence dans
des écrits dont la publication est postérieure à 1870. Brouardel, chez qui Bruno Bertherat
suggère un léger sentiment anti-allemand 541 , continue d’être inspiré par les pratiques
germaniques, notamment en matière de traitement des cadavres 542 . La seconde perte que
subit l’école strasbourgeoise est celle de son maître. En 1900, Gabriel Tourdes décède,
laissant orpheline l’école de pensée médico-légale dont il a œuvré à faire la renommée.
En revanche, la défaite française en 1870, et la perte de l’Alsace qui en résulte, ne
peut être regardée comme un facteur de déclin de l’école strasbourgeoise. Le transfert de la
Faculté de médecine à Nancy ne représente pas une catastrophe de ce point vue. Le
déménagement permet en l’occurrence une diffusion et un rayonnement plus larges des
idées de l’ancienne école de Strasbourg 543 . En outre, ses anciens élèves portent hauts les
couleurs de leur école d’origine, dans les autres Facultés qu’ils intègrent à l’issue de leurs
Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série, t. 2, pp. 324-352 ; Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de
médecine légale…, op. cit., 956 p.
540
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 613.
541
Ibid.
542
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 226.
Brouardel effectue d’ailleurs un voyage sur les terres germaniques pour étudier leurs maisons mortuaires et le
système frigorifique qui est employé pour conserver les dépouilles mortelles. Cf. Bruno Bertherat La Morgue
de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 391.
543
A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale… », art. cit., p. 31.
351

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
études, en qualité d’enseignant. L’exemple le plus significatif est, rappelons-le, Alexandre
Lacassagne :
« M. Lacassagne, élève de M. Tourdes, appartient en effet à cette phalange de jeunes et
brillants savants qui, déjà en 1870 avaient leur place marquée à côté de leurs maîtres dans
la vieille Ecole alsacienne. Dispersés à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Nancy, ils ont su,
dans un nouveau milieu, en conserver les traditions » 544 .
A partir des années 1870, l’école médico-légale strasbourgeoise a effectivement disparu au
regard de la géographie, mais elle n’a pas disparu en termes idéologique et scientifique.
Elle s’est en réalité diluée dans les nouvelles Facultés qui sont instaurées durant cette
période.
Les Facultés de Lyon et de Strasbourg ont une identité médico-légale bien
délimitée, aisée à cerner. A l’inverse, l’école parisienne apparaît plus dispersée, sans
champs de recherches ou concepts propres. La médecine légale de Paris pourrait presque
être qualifiée de généraliste, ce qui devient, paradoxalement, une des particularités de cette
école de pensée. L’explication réside dans l’histoire même de la médecine légale à Paris.
L’étude de cette discipline à la Faculté de Paris est ancienne, puisqu’elle apparaît au
moment de la réorganisation de l’enseignement médical, juste après la Révolution. A cette
époque, la science médico-légale en est encore à ses balbutiements ; tout reste à étudier et à
théoriser. Les recherches menées par les enseignants et les étudiants parisiens s’attachent
par conséquent à tous les aspects qui constituent la médecine judiciaire. La tradition
encyclopédique de la Faculté de médecine de Paris est maintenue durant le reste du XIX e
siècle. Il n’est pas possible de dégager une ligne scientifique dominante qui serait regardée
comme la prérogative de l’école médico-légale parisienne.
De la même manière, il est impossible de ne détacher qu’un seul nom pour
personnifier cette école de pensée. Hormis la durée d’existence de la Faculté, qui implique
nécessairement une succession et un renouvellement des scientifiques qui la composent, il
est à noter que plusieurs fortes personnalités ont pu exercer leur autorité, de manière tantôt
concomitante tantôt successive, et créer plusieurs écoles médico-légales parisiennes.
Chaque figure de la médecine légale parisienne a, d’une certaine façon, créé sa propre
école de pensée, rassemblant sous son autorité disciples et collaborateurs, et s’octroyant
certaines recherches privilégiées. Il est inutile de revenir sur les divergences, voire les
544 Reuss, « Le vade mecum… », art. cit., p. 204.
352

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
conflits, qui ont opposé Mathieu Orfila et Alphonse Devergie 545 , ou quelques années plus
tard Ambroise Tardieu et Paul Brouardel 546 .
Les écoles médico-légales françaises sont, avant toute chose, identifiées par un lieu,
en l’occurrence une Faculté. Ensuite, elles sont représentées par des individus qui
focalisent leur intérêt scientifique sur un ou plusieurs domaines de recherche, ralliant à leur
cause des étudiants qui, à travers leur thèse, alimentent et développent un champ d’action
précis de leur laboratoire. En sus des éléments topographiques et humains, il faut prendre
en considération un facteur important dans la visibilité d’une école de pensée : la
représentation littéraire de sa production scientifique. Or, il apparaît que deux des trois
écoles de pensées sont à l’origine de la publication des deux revues fondamentales, en
matière de médecine légale : les Annales d’hygiène publique et de médecine légale et les
Archives d’anthropologie criminelle.
Les deux titres peuvent être considérés comme la vitrine, de l’école parisienne pour
les Annales, et de l’école lyonnaise pour les Archives. En effet, les hommes à l’origine de
la création de ces publications périodiques sont parmi les plus illustres et les plus actifs de
la discipline. Les Annales sont fondées, en 1829, par un collectif de savants parisiens,
ayant pour la plupart exercé une fonction d’enseignement au sein de la Faculté de
médecine. Parmi eux se trouvent Nicolas Adelon, Jean Esquirol, Charles Marc, Mathieu
Orfila, Alphonse Devergie 547 . Bien que recevant un nombre important de contributions
provinciales, voire étrangères, il demeure qu’une large majorité des travaux relatifs à la
médecine légale publiés dans les Annales, est rédigée par des hommes de science de la
capitale. De plus, les Annales ouvrent leurs colonnes aux travaux et réflexions exposés
durant les séances de la Société de médecine légale, dès sa création en 1868. Une note du
rédacteur principal précise l’échange de bon procédé signé entre les deux organisations :
« par arrangement pris d’un commun accord entre notre Comité de rédaction et la Société
de médecine légale, nos Annales deviennent l’organe officiel de cette Société, et plusieurs
feuilles de chacun de nos numéros seront à l’avenir consacrés à la publication de ses
travaux » 548 .
545 Frédéric Chauvaud, « “Cet homme si multiple… », art. cit., pp. 181-182.
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 570-576.
546 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 570-580.
547 Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Gabon, 1829, t. 1, page de titre.
E. Beaugrand, « Adelon (Nicolas-Philibert) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1864, 1 ère série, t. 1, p. 694.
H. Montanier, « Marc (Charles-Chrétien-Henri) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous
la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1871, 2 ème série, t. 4, p. 764.
548 « Allocution prononcée par M. Alph. Devergie », Société de médecine légale, Annales d’hygiène publique
et de médecine légale, Paris, Baillière, 1868, 2 ème série, t. 30, p. 138.
353

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
Quant aux Archives d’anthropologie criminelle, elles apparaissent, sans le moindre
doute, comme la revue de l’école médico-légale lyonnaise. A cette assertion il est possible
d’apporter deux arguments. En premier lieu, elles sont fondées par Alexandre Lacassagne,
professeur de médecine légale à la Faculté de médecine de Lyon, par Henry Coutagne, chef
des travaux de médecine légale dans la même Faculté, et par Garraud, professeur de droit
criminel à la Faculté de droit de Lyon. En second lieu, bien que laissant une place
conséquente à la médecine légale, la science de prédilection de la revue est l’anthropologie
criminelle. Or, Alexandre Lacassagne est également l’initiateur du mouvement
criminologique à la française, c’est-à-dire en opposition avec les théories de l’école
italienne représentée par Cesare Lombroso 549 . L’école strasbourgeoise en revanche n’a pas
été à l’origine de la publication d’un périodique consacré exclusivement à la science
médico-légale, et qui aurait pu alors lui servir de vitrine d’exposition, ainsi que de moyen
de diffusion, pour les théories qui lui sont propres en ce domaine. Une telle lacune est une
nouvelle explication de l’influence relativement faible que cette école de pensée a pu avoir
sur l’ensemble des praticiens.
Si, en effet, ces deux revues sont en quelque sorte affiliées, voire assujetties, à une
école de pensée médico-légale, il faut cependant apporter des nuances. Il ne faut en aucun
cas imaginer une organisation sectaire ou des manifestations d’ostracisme entre les deux
Facultés. Les échanges et les collaborations sont en nombre significatif. Paul Brouardel,
Léon Thoinot, Charles Vibert, membres de l’école parisienne, ont été publiés dans les
Archives d’anthropologie criminelle, et Alexandre Lacassagne a lui-même contribué aux
Annales d’hygiène publique. Certains unissent même leurs connaissances et leurs
compétences, tels Léon Thoinot et Alexandre Lacassagne, lors de la réalisation d’un état de
l’expertise en France, étude présentée devant l’Académie de médecine en 1908 550 . Cette
collaboration n’est d’ailleurs pas un cas isolé, puisque Léon Thoinot participe à
l’élaboration de la troisième mouture du Vade-mecum de son confrère lyonnais 551 .
L’histoire d’une pensée scientifique, des concepts qui la régissent et la font
progresser, ne peut faire l’économie d’un détour par la biographie des individus qui sont
549 Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement…, op. cit., pp. 11-12.
550 Léon Thoinot, Alexandre Lacassagne, « L’expertise médicale criminelle en France à l’époque actuelle »,
Académie de médecine (séances du 21 et 28 janvier 1908), Revue des journaux et des sociétés savantes,
Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon,
Rey, 1908, t. 23, pp. 322-324.
551 Alexandre Lacassagne, Léon Thoinot, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aidemémoire
de l’expert, du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, 1 ère éd. 1892, 3 ème
éd. rev. et augm., Paris, Masson, 1911, XII-265 p.
354

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
impliqués dans le processus d’élaboration et d’avancée de la science en question. Jacques
Léonard souligne ainsi l’imbrication inéluctable entre science et scientifique :
« l’histoire des sciences médicales commence par l’histoire de ceux qui conçoivent,
enseignent et diffusent les sciences médicales. L’histoire de l’enseignement médical nous
invite, entre autres, à la description des mentalités des professeurs, des enseignantshospitaliers
et des étudiants. Et l’histoire de l’information médicale englobe – cela va de
soi – la peinture des milieux qui élaborent les publications et qui se disputent le consensus
de la communauté scientifique médicale » 552 .
La médecine légale n’échappe pas à la règle. Pour en comprendre les mécanismes de
développement, la construction des raisonnements théoriques, confirmés ou infirmés par
l’expérimentation, il est impératif d’étudier le réseau relationnel qui se tisse entre les
individus impliqués dans le processus. Au final, les écoles de pensée médico-légale
constituées sur un ensemble de doctrines, tant scientifiques que philosophiques ou morales,
ne sont qu’un conglomérat d’individualités. Les étudiants et les praticiens non-spécialistes
se réfèrent aux écrits des figures de proues de la discipline. Les autorités politiques et
judiciaires font appel aux professionnels les plus illustres ou qui, tout du moins, jouissent
d’une certaine notoriété, pour ne pas dire d’une notoriété certaine, au sein de la
communauté médico-légale. Les sommités de la discipline s’érigent elles-mêmes en
héritières de celui ou de ceux qu’elles considèrent comme leur maître en la matière, et
n’hésitent pas à clamer leur filiation. Cette dernière peut, par exemple, apparaître sous la
forme d’un hommage : le laboratoire de médecine légale de Lyon, instauré par Alexandre
Lacassagne, est constitué, entre autres, d’une salle servant aux travaux pratiques des élèves
baptisée « Salle Chaussier », et d’une salle d’autopsie appelé « Amphithéâtre Tourdes » 553 .
Cependant, la médecine légale à visage humain tend à disparaître au tournant des XIX e et
XX e siècles. L’instauration de véritables laboratoires médico-légaux au sein des Facultés,
voire la création d’Institut de médecine légale à Paris et Lyon notamment, marquent la fin
d’une individualisation de l’exercice médico-judiciaire. Les IML constituent une
organisation structurée de la recherche et de la pratique de cette discipline, devenant, par
voie de conséquence, les institutions de référence en matière d’expertises, d’identifications
et d’analyses diverses.
L’enseignement de la médecine légale, dans la France du XIX e siècle, se révèle
sommaire. Il offre, en effet, un grand décalage avec les besoins des médecins, potentiels
552
Jacques Léonard, « Histoire des sciences médicales et histoire des mentalités », in Jacques Léonard,
Médecins, malades…, op. cit., p. 242.
553
Alexandre Lacassagne, « Rapport sur l’enseignement… », art. cit., p. 365.
355

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
experts judiciaires, et avec les attentes des autorités vis-à-vis des compétences des hommes
de l’art qu’elles sollicitent. De courte durée, restreint à des considérations générales et
théoriques, il ne procure aux futurs médecins que des notions très réduites dans une
discipline dont, paradoxalement, beaucoup s’accordent pour souligner la complexité et
rappeler qu’elle nécessite une grande maîtrise pour être efficace et vraiment utile. En outre,
d’aucuns font remarquer que le nombre élevé d’étudiants ne facilite pas un apprentissage
de qualité. L’objection est particulièrement pertinente en ce qui concerne les cours
pratiques institués, à partir des années 1870, à la Morgue de Paris :
« des cours pratiques ont lieu à la Morgue : les autopsies sont faites devant les étudiants ;
mais l’exiguité (sic) du local ne permet d’en admettre qu’un nombre très restreint à la fois
et au bout d’un temps très court, les assistants sont contraints de céder la place à d’autres,
de sorte que chacun ne voit qu’un petit nombre d’opérations » 554 .
Paul Brouardel est également partisan de la limitation du nombre d’étudiants pouvant
accéder à une formation en médecine légale. Son argumentation est la suivante :
« cet enseignement existe, mais il est disséminé sur l’ensemble des élèves des Facultés. Il
ne donnera ce qu’il doit donner que lorsqu’il sera concentré sur un petit nombre d’élèves
lorsque ceux-ci pourront y consacrer un temps suffisant, lorsqu’ils penseront que leurs
efforts seront utilisés par la magistrature » 555 .
En d’autres termes, il réclame une spécialisation officielle des médecins experts, requête
qui n’est pas véritablement satisfaite à l’aube du XX e siècle.
* *
*
La médecine légale apparaît comme une science sacrifiée. Si tous les protagonistes,
pouvoirs publics, corps médical, opinion publique, s’accordent à reconnaître son
importance et le rôle déterminant qu’elle peut jouer dans les affaires criminelles, peu de
mesures sont prises pour lui offrir les moyens de ses ambitions.
Pendant les deux premiers tiers du XIX e siècle, son enseignement demeure
lacunaire, notamment la formation médico-légale pratique, et en outre restreint à une élite
estudiantine qui a seule la possibilité d’atteindre les portes de la Faculté. De plus,
l’établissement d’experts pouvant justifier de véritables compétences scientifiques en
554 Horteloup, « Du droit de réquisition des médecins-experts par la justice », Société de médecine légale
(séance du 10 février 1890), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème
série, t. 23, p. 269.
555 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 234.
356

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
matière de médecine judiciaire, est lent et confronté à des obstacles ayant pour origines la
pratique coutumière du monde médico-judiciaire. L’introduction de facteurs rationnels et
objectifs de sélection des médecins experts, soit échoue totalement, soit est court-circuitée
par les liens privilégiés tissés entre certains magistrats et certains hommes de l’art. Les
listes officielles d’experts et l’instauration du diplôme spécial de médecine légale ont, en
définitive, peu changé la configuration du recrutement des auxiliaires médico-
judiciaires 556 .
Les tentatives avortées de création d’un corps de médecins experts professionnels
ont pour unique conséquence de creuser un fossé encore plus profond entre les figures
illustres de la discipline et les experts fortuits. En effet, les erreurs ou les approximations
commises par les médecins peu préparés aux sollicitations de la justice, sont accentuées par
les partisans de la professionnalisation : « la pratique médico-légale n’est pas à la portée
de tout médecin ». 557 Les actions malencontreuses des “petits experts” servent, d’une part,
d’argumentaire aux revendications de l’élite médico-légale ; d’autre part, elles lui
permettent d’affirmer sa supériorité en jetant l’opprobre sur des praticiens qui se seraient
fourvoyés au cours de leur expertise. Il apparaît donc une hiérarchie larvée au sein de la
corporation des médecins, en matière d’expertises judiciaires. Les observations d’un
simple médecin de village sont soumises au contrôle du praticien choisi par le juge.
L’expert du parquet peut alors se référer aux sommités des grandes villes, sorte de “super-
experts” qui, en outre, peuvent être directement requis ou consultés sur un élément précis
de l’expertise.
Enfin, si un enseignement particulier de médecine légale est mis en place et si la
discipline acquiert le titre de spécialité, avant toutes les autres sciences médicales, il ne
peut en revanche être question d’une véritable professionnalisation. L’amateurisme des
médecins experts repose sur deux facteurs. D’abord, le statut même de l’expert judiciaire
556 Des situations similaires sont encore énoncées à la fin des années 1930, et dans les années 1960.
Roger Brocas souligne le paradoxe contenu dans la réquisition des médecins experts : le nombre de médecins
légistes diplômés « est encore insuffisant et, dans de nombreux ressorts provinciaux, on est obligé de faire
appel à des médecins non spécialistes. Mais ici on remarque une anomalie : bien que le nombre des
médecins légistes diplômés soit inférieur aux besoins en experts des tribunaux, il arrive fréquemment que des
diplômés se voient préférer des médecins non spécialistes ». Et l’auteur de réclamer que le diplôme soit le
seul sésame de l’expertise.
Roger Brocas, Le droit d’autopsie. Etude historique et juridique, thèse pour le doctorat, sous la présidence de
H. Donnedieu de Vabres, Université de Paris, Faculté de droit, 1938, p. 74.
Pierre Michaux, professeur de médecine légale à Rennes, déplore à son tour que « la possession du Certificat
d’Etudes Spéciales de Médecine Légale [soit] simplement mentionnée comme “titre particulièrement sérieux
à l’inscription d’un médecin sur une liste d’experts”, mais sans caractère obligatoire ».
Pierre Michaux, « La médecine légale, auxiliaire indispensable de la justice pénale », Bulletin de médecine
légale et de toxicologie médicale, Lyon, janvier 1964, n°1, p. 9.
557 Laurence Dumoulin, « La médecine légale… », art. cit., p. 13 (en ligne).
357

- Chapitre 3. Des médecins et des experts -
qui apporte son concours ponctuellement, en fonction de la demande, et ne travaille pas
pour la justice :
« la définition légale de l’expert judiciaire est celle de collaborateur occasionnel du juge et
non du service public de la justice. Il s’agit donc bien d’une fonction temporaire et non
d’une profession. L’expert est un auxiliaire du juge, et non un auxiliaire de justice
[…] » 558 .
Mais l’indépendance des experts judiciaires, qui sont au service d’un individu et non d’une
institution, a un prix : celui de la précarité et de la faiblesse des revenus. La maigre
rémunération des expertises médico-légales est, en effet, l’élément prédominant dans
l’impossible constitution de la médecine judiciaire comme profession 559 .
558 Françoise Chamozzi, « Les ingénieurs experts judiciaires en France au XXI e siècle », in Claire Dolan
(sous la dir. de), Entre justice et justiciables…, op. cit., p. 808.
559 « Discussion du rapport de M. Horteloup… », art. cit., p. 551.
358

Conclusion
- Première partie. « Médecin au rapport » pour la justice -
L’autopsie médico-légale, en tant qu’expertise judiciaire, est un lieu
d’affrontement, car elle met en contact deux mondes différents : celui des hommes de l’art
et celui des hommes de loi. Or, paradoxalement ces deux univers professionnels sont mus
par une motivation commune : la protection de la communauté, même si celle-ci s’applique
aux individus pour les premiers, et à la société pour les seconds. Là réside le pouvoir de la
justice sur les médecins, mettant en quelque sorte ces derniers sous ses ordres. La lutte de
pouvoir est particulièrement manifeste dans la procédure de réquisition de l’expert, dans le
rapport d’expertise et dans l’instauration de spécialistes “officieux” de la médecine
judiciaire.
Par des procédés de contraintes, voire de soumissions, par la volonté tenace de
minimiser l’indépendance des spécialistes de la médecine légale, les instances judiciaires et
administratives espèrent maintenir les médecins, auxiliaires 1 ponctuels de la justice, sous
leur contrôle. Quant aux heurts relatifs au rapport d’expertise, ils soulignent les
divergences de considération de l’expertise par la culture judiciaire et la culture médicale.
Les espérances et la confiance que la justice met dans la médecine sont parfois trahies,
renforçant d’autant le mépris et la méfiance dont elle fait preuve à l’encontre de cette
science et de ses praticiens. Cela a pour conséquence de mettre en cause à la fois
l’efficacité de la discipline et la fiabilité des hommes qui s’y adonnent. En réponse à cette
défiance, la parade de la magistrature est une relative prise en main de l’expertise médico-
légale, notamment par l’établissement de questions précises auxquelles l’homme de l’art
est tenu d’apporter une solution.
La professionnalisation de la médecine légale et de l’expertise judiciaire 2 semblait
bien engagée au XIX e siècle. Hormis sur le plan financier, tous les éléments nécessaires à
la transformation d’une activité annexe en une carrière professionnelle sont rassemblés 3 .
Mais, en réalité, les experts médecins n’existent pas en dehors des missions qui leur sont
1 Les praticiens de l’art de guérir ne constituent qu’un sous-ensemble des multiples auxiliaires judiciaires.
Pour une présentation des autres professionnels sollicités régulièrement à collaborer avec les instances
judiciaires, cf. Claire Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du
Moyen Age au XX e siècle, actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la justice et
les populations, du Moyen Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec,
s. l., Les Presses de l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, 828 p.
2 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire : France, XIX e et XX e siècles, avec la collaboration de
Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche pour le GIP Mission de Recherche Droit et
Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, pp. 91-138.
3 Pierre Guillaume (sous la dir. de), La professionnalisation des classes moyennes, Talence, Editions de la
Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996, 389 p.
359

- Première partie. « Médecin au rapport » pour la justice -
confiées par la justice. Un homme de l’art peut avoir tous les diplômes particuliers qui
existent, il peut être inscrit sur des listes officielles, seule la commission d’un magistrat lui
donne une véritable qualité d’expert. Paradoxalement, l’“amateurisme” des médecins
experts se trouve renforcée par l’émergence de figures d’autorités, locales comme
nationales, de l’expertise médico-judiciaire. Si le recours invariable aux mêmes
représentants de l’art de guérir peut s’envisager comme la manifestation d’un habitus, il
constitue également un moyen d’instaurer, entre le magistrat et le médecin, une relation de
confiance, de connivence, voire de dépendance, souvent préjudiciable au second.
Après avoir mis en exergue les manœuvres usitées par l’institution judiciaire pour
conserver un certain contrôle des expertises et des experts, il convient à présent de changer
l’angle d’approche et de focaliser l’attention sur la manière dont les médecins perçoivent
cet exercice singulier de leur art, quels risques, avantages et valeurs il véhicule. Il importe
également de prendre en considération la manière dont l’acte, en l’occurrence cadavérique
et judiciaire, est perçu, tant par le profane que par l’homme de l’art, et d’envisager les
réactions, positives comme négatives, qu’il peut susciter.
360

Deuxième partie
CONTRAINTES ET LIBERTES
PROTOCOLAIRES
DE L’AUTOPSIE MEDICO-LEGALE

Introduction
- Deuxième partie. Contraintes et libertés protocolaires -
La pratique de l’art de guérir est une activité dont les exigences professionnelles
peuvent être élevées. Un médecin a, en effet, des obligations envers les patients qu’il
soigne, ainsi qu’envers leurs familles. Il peut, en outre, avoir un devoir envers la
communauté, pour ce qui est des épidémies et des questions d’hygiène publique 1 .
Cependant, là se bornent le plus souvent ses responsabilités de professionnel de la santé.
En revanche, les expertises médico-légales comportent des enjeux professionnels
d’envergure pour les médecins et incluent, de leur part, une implication personnelle.
Quelle est la nature de ces enjeux d’ordre professionnel ? Quels sont les risques pris
par les praticiens de l’autopsie judiciaire, quant à leur réputation, en tant que membre de la
communauté savante, ainsi qu’à un niveau purement individuel et humain ? Quels écueils
doivent-ils éviter en vue de minimiser l’impact de leur participation à une affaire judiciaire,
et donc publique ? Quels désagréments doivent-ils affronter, ou à l’inverse, quels bénéfices
peuvent-ils en tirer ? A quelles difficultés relevant de l’émotion ou de la sensation sont-ils
confrontés ?
D’autres interrogations, suscitées par la conception rationnelle ou affective de
l’examen cadavérique, intéressent les profanes de l’acte en question. Confrontés à celui-ci,
en tant que sujet potentiel, ou plus largement, en tant que proche de l’individu examiné,
comment envisagent-ils l’acte post mortem ? Quel impact le facteur judiciaire a-t-il sur leur
vision de l’autopsie médico-légale et sur les hommes de l’art qui la pratiquent ? En outre,
existent-ils des singularités opératoires consécutives à la présence de l’institution
judiciaire, en regard des autres manipulations et interventions cadavériques 2 ?
1 Sur le rôle joué par les hommes de l’art dans la diffusion des mesures de prophylaxies sanitaires et sur leur
implication dans les campagnes hygiénistes, cf. par exemple les ouvrages suivants : Patrice Bourdelais (sous
la dir. de), Les hygiénistes : enjeux, modèles et pratiques (XVIII e -XX e siècles), actes du colloque
« Hygiénistes et hygiénisme : histoire et actualité (XVIII e -XX e siècles) » (18-19 novembre 1999) organisé
par la Fondation Mérieux et le Programme de Recherches Interdisciplinaires « Médecine, santé et sciences
sociales » de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Belin, Histoire et société ; Pierre
Guillaume, Le rôle social du médecin depuis deux siècles 1800-1945, Paris, 1996, Comité d’histoire de la
Sécurité sociale, 319 p. ; Jacques Léonard, Archives du corps. La santé au XIX e siècle, Rennes, Ouest-France,
De mémoire d’homme : l’histoire, 1986, 329 p.
2 David Le Breton a réalisé une étude historique et anthropologique fondamentale sur l’utilisation du corps
humain et du cadavre, notamment par la médecine : La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps
humain, Paris, Métailié, 1993, 335 p.
Quant à Grégoire Chamayou, son travail sur les « corps vils » s’intéresse essentiellement à l’expérimentation
scientifique sur le corps humain, en vie ou trépassé. Cf. Grégoire Chamayou, Les corps vils. Expérimenter
sur les êtres humains aux XVIII e et XIX e siècles, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond / La Découverte,
2008, 422 p.
Très peu d’éléments ont donc été apportés sur la perception de l’usage judiciaire du corps et du cadavre.
363

- Deuxième partie. Contraintes et libertés protocolaires -
Un homme de l’art qui accepte d’effectuer une expertise judiciaire doit répondre
aux attentes de l’institution qui l’a sollicité, mais il doit également rendre des comptes à la
communauté dans son ensemble. Le médecin requis comme expert se trouve investi d’une
mission, que d’aucuns considèrent comme la continuité de leur devoir envers la société,
mais qui peut, pour d’autres, devenir une charge : en premier lieu sur le plan financier,
mais surtout en termes de carrière, car le médecin peut être confronté à un certain nombre
de déconvenues, voire à des attaques.
Si l’autopsie permet, comme le signifie son étymologie, de voir de ses propres
yeux, l’opération est, elle, soumise à un autre verbe tout aussi subjectif : percevoir. L’acte
“autoptique” renferme une dimension sensible et sensitive très marquée, en raison de son
contexte, de ses enjeux ainsi que de ses protagonistes. L’autopsie est un acte scientifique,
mais n’est nullement un acte déshumanisé. L’intervention en elle-même ainsi que sa
pratique, centralisent un grand nombre d’émotions, de sentiments et de fantasmes, parfois
contradictoires, de la part du public, des hommes de l’art comme des magistrats, car elles
mettent en jeu des notions fondamentales et constitutives de toute société.
364

Chapitre 4
PRATIQUER UNE AUTOPSIE : UNE PRISE DE RISQUES
PROFESSIONNELLE ET INDIVIDUELLE
Il s’agit au cours de ce chapitre d’aborder l’autopsie judiciaire du point de vue de
ceux qui la pratiquent, les médecins. Lors de l’étude consacrée aux hommes de l’art faisant
figure d’autorités médico-légales, un déséquilibre notable entre les praticiens des villes les
plus importantes du territoire français et ceux des régions plus rurales, en termes de
nombre d’expertises, a été souligné. La rareté de l’exercice rend l’acte d’autopsie
exceptionnel, dans les deux acceptions du terme.
Le caractère, tant ponctuel qu’éloigné de leur pratique quotidienne, de l’activité
médico-légale, transparaît dans les documents de nature professionnelle établis par les
hommes de l’art poitevins. L’absence de la médecine légale et de l’expertise y est très
visible. Dans les quelques archives privées de médecins déposées aux archives
départementales de la Vienne et des Deux-Sèvres 1 , les hommes de l’art n’abordent pas la
question de l’autopsie judiciaire. En outre, il faut rappeler que lors des séances de la
Société de médecine de Poitiers 2 , aucune intervention ni étude présentée n’a concerné cette
discipline. Dépourvu de ce type de documents, personnels comme professionnels,
l’historien parvient difficilement à cerner les sentiments des médecins, experts ou non, vis-
à-vis de l’autopsie.
Les seuls avis dont le chercheur peut se faire l’écho sont en quelque sorte faussés :
soit ils sont uniquement négatifs, car suscités par une contestation ou un
dysfonctionnement ; soit ils mettent en exergue les seuls effets bénéfiques de l’acte
médico-légal pour la justice et la communauté. Au sein de ce panorama d’opinions
péremptoires, il est difficile de faire ressortir l’avis et l’impression des médecins experts
1
Il est cependant nécessaire de mentionner que l’absence de documents relatifs à une éventuelle activité
médico-légale, ou même une simple allusion, peut être consécutive au versement et à la conservation sélectifs
des archives en question.
A.D.V., J 108, « Quelques notes médicales et scientifiques du Dr Ayrault (XVIII e -XIX e siècles) » ; J 582,
« Papiers de Maximin Bertault (officier de santé) ».
A.D.D.-S., 16 J, « Fonds de la famille du Dr Guyonnet » ; 21 J, « Fonds du Dr Louis Merle ».
2
A.D.V., 10T 1031, « Société de médecine. Procès-verbaux des séances de la société », 1834-1835 et 1841-
1842.
A.D.V., 10T 1032, « Société de médecine. Procès-verbaux des séances de la société », 1849-1860.
A.D.V., 10T 1033-1035, « Société de médecine. Rapports, mémoires et études médicales présentés à la
Société de médecine », 1834-1856.
365

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
ponctuels, ou d’obtenir des points de vue plus nuancés. Les hommes de l’art, mis à
contribution par la justice occasionnellement, perçoivent-ils l’autopsie médico-légale
comme une charge ou comme une mission ?
Les sentiments du corps médical à l’encontre de cet acte sont ambigus et semblent
osciller, tel un balancier constant, entre la charge et la mission. Les revendications élevées
contre l’insuffisance des honoraires, accordés aux experts judiciaires en échange de leur
concours, semblent soutenir la thèse du fardeau. Il apparaît aussi que l’autopsie peut
s’avérer un moyen supplémentaire à disposition de l’homme de l’art pour tenir son rôle au
sein de la société. Enfin, l’acte représente une source de publicité pour ses praticiens, qui
peut leur être bénéfique comme néfaste.
I) TOUTE PEINE MERITE SALAIRE : LES HONORAIRES DES EXPERTS 3
La justice n’est pas omnisciente. Ses représentants le sont encore moins. Les
magistrats et autres professionnels du droit maîtrisent les lois et leurs applications, les
procédures d’instruction, mais entendent peu de choses aux sciences, techniques et arts qui
peuvent apporter quelques lumières aux affaires criminelles. La justice est contrainte de
s’en remettre aux savants, parmi lesquels les hommes de l’art tiennent une place de
premier ordre. Or, s’entourer de personnes extérieures au contingent juridique entraîne des
dépenses.
Les auxiliaires de justice occasionnels ont droit à un dédommagement pour service
rendu à la communauté 4 . Cette rétribution, ni salaire, ni traitement, prend la forme
d’honoraires. Déclinaison du terme “honneur”, les honoraires « ne s’offre[nt] qu’à ceux qui
professent des sciences, ou qui cultivent des arts libéraux » 5 . Au même titre que les
honoraires payés par les malades qui consultent un homme de l’art pour recouvrer la santé,
la somme accordée aux experts médicaux est une estimation de « la peine, [du] temps […]
3 Ce thème a donné lieu à une communication au cours du colloque « Justice et argent dans l’histoire ». Cf.
Sandra Menenteau, « Le prix des expertises dans la Vienne de 1811 à 1914 » in Benoît Garnot (sous la dir.
de), Les juristes et l’argent. Le coût de la justice et l’argent des juges du XIV e au XIX e siècle, actes du
colloque de Dijon « Justice et argent dans l’histoire » (7-9 octobre 2004) organisé par le Centre Georges
Chevrier de l’Université de Bourgogne, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, collection Sociétés, 2005,
pp. 101-110.
4 Hélène Crespin, Les frais de justice au XIX e siècle, mémoire de DEA d’histoire du droit, de l’économie et
de la société, sous la dir. de Jean Hilaire, Université Panthéon-Assas, LGDJ, Histoire du droit, 1995, 172 p.
5 Cadet de Gassicourt, « Honoraire », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard,
Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1817, t. 21, p. 357.
366

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
et non le prix de sa science ou des résultats de son application » 6 . Il serait en effet
utopique, de vouloir rétribuer un médecin expert selon les connaissances mobilisées pour
son entreprise médico-légale.
Si les deux groupes professionnels en présence, médecins et magistrats, s’accordent
sur ce principe, il apparaît cependant qu’ils s’opposent durant tout le XIX e siècle sur le
montant de l’estimation établi par les instances législatives. De telles frictions laissent
supposer que les médecins perçoivent l’expertise médico-légale comme un fardeau
financier.
A) Aux sources du conflit financier
1) Le mutisme des sources
En introduction d’un ouvrage collectif sur les archives judiciaires, Jacques-Guy
Petit et Frédéric Chauvaud soulignent que cet ensemble de documents « se caractérisent
aussi par [ses] manques », obligeant les chercheurs à proposer une histoire en creux 7 . Sans
aller jusqu’à de tels extrêmes, l’étude des frais de justice, et plus particulièrement des
dépenses liées aux expertises médico-légales, souffre de quelques lacunes archivistiques.
Si elles demeurent inexplicables du point de vue de la gestion des tribunaux, elles peuvent
en revanche être éloquentes en terme d’intérêt porté pas les autorités à cette aide
scientifique.
Selon le décret du 18 juin 1811, texte qui, comme il est expliqué plus loin, régit le
paiement des expertises judiciaires durant la majorité du XIX e siècle, les frais d’expertises
sont acquittés par le receveur de l’Enregistrement 8 . Or, dans les archives départementales
6 Amédée Latour, « Honoraires », Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers.
Supplément, sous la dir. d’Ambroise Tardieu, Paris, Germer Baillière, 1851, p. 347.
7 Frédéric Chauvaud, Jacques-Guy Petit, « Les archives judiciaires et l’histoire contemporaine (1800-1939),
in Frédéric Chauvaud, Jacques-Guy Petit (sous la dir. de), L’histoire contemporaine et les usages des
archives judiciaires (1800-1939), Paris, Honoré Champion, Histoire et archives, 1998, p. 39.
8 Henri Legrand du Saulle, en remaniant les articles 133 et 134 du décret du 18 juin 1811, indique
l’administration chargée de rétribuer les expertises judiciaires : « Les frais urgents (au nombre desquels sont
compris les indemnités de témoins, les frais d’expertises et d’opérations faites par les médecins, chirurgiens,
etc., non habituellement employés par le tribunal ou par la cour) seront acquittés par le receveur de
l’enregistrement, sur simple taxe et mandat du juge mis au bas des réquisitions, états ou mémoires des
parties ».
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris, Delahaye, 1874,
p. 166.
En matière pénale, le paiement des frais de justice incombe généralement au prévenu, s’il est condamné. Pour
une étude des subtilités juridiques inhérentes à cette question, en raison de la présence ou non d’une partie
civile, ainsi que des modifications apportées par la réforme judiciaire de 1832, cf. Hélène Crespin, Les frais
de justice…, op. cit., pp. 58-67.
367

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
de la Vienne et des Deux-Sèvres, aucun livre de comptes ayant trait de près ou de loin aux
frais de justice n’est conservé dans la série P, série qui regroupe les archives de
l’Enregistrement. Les diverses séries dans lesquelles se trouvent les documents relatifs à
l’activité judiciaire des départements sont également muettes sur ce sujet. Les livres de
comptes annuels émanant du Ministère de la Justice, rassemblés dans la série N, ne
donnent aucun renseignement sur les dépenses de la justice en matière d’expertises
médico-légales. De même pour les documents relatifs aux dépenses des tribunaux
conservés dans les diverses subdivisions de la série U, regroupant les archives judiciaires.
Cependant, le mutisme n’est pas absolu : la justice a semble-t-il réussi à communiquer sur
les dépenses qui ont dues être engagées lors de trépas équivoques, communication qui
prend la forme d’un registre de frais de justice. Il couvre à peine plus d’une décennie, tant
aux Archives départementales de la Vienne, qu’en Deux-Sèvres 9 .
La découverte, presque miraculeuse, de ces deux registres est malheureusement
suivie d’une série de déceptions. Outre le fait qu’ils sont uniques, et ne couvrent par
conséquent qu’une portion très limitée de la chronologie étudiée, les renseignements qu’ils
fournissent sont parfois insatisfaisants ou sibyllins. Lors de la consultation, il est apparu
que les honoraires payés par le parquet ne concernent pas uniquement la réalisation
d’expertises médico-légales. En effet, les honoraires qui couvrent plusieurs mois, parfois
une année entière, et qui sont perçus pour la « visite de plusieurs cadavres », correspondent
à de simples constatations de décès, assurément douteux, mais ne relevant en aucun cas de
la justice. Un procès-verbal de la Société de médecine de Poitiers corrobore cette assertion.
Durant une séance, la question de la désignation d’un médecin des décès est abordée. Le
Dr Barrilleau intervient alors pour indiquer qu’il a été chargé de ce « pénible service » 10
dans les années 1830. Il effectuait de 60 à 80 constats de décès par an, pour lesquels la
justice le rémunérait, mais seulement au terme de l’année écoulée. Néanmoins, Barrilleau
souligne que le procureur du roi a rapidement refusé de financer les constats de décès
étrangers aux affaires judiciaires, et a exigé que ces dépenses incombent à la
municipalité 11 . La prise en charge du paiement des praticiens par l’administration
9 A.D.V., 2U 1, « Frais de justice. Estimation et entretien des bois de justice », an VIII-1830 et A.D.D.-S., 2U
446, « Registre des frais de justice criminelle », 1828-1859.
Le registre des frais de justice de la Vienne débute en 1828 et s’achève en 1838, alors que son équivalent,
conservé dans les Deux-Sèvres, s’il commence la même année, mentionne des honoraires médicaux jusqu’en
1839. A partir de cette date, seules les dépenses relatives aux exécuteurs de justice et aux charpentiers sont
relevées.
10 A.D.V., 10T 1032, « Société de médecine, Procès-verbaux des séances de la Société », Procès-verbal de la
séance du 13 juin 1849.
11 Ibid.
368

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
municipale peut expliquer la disparition des honoraires médicaux des registres des frais de
justice.
L’incertitude relative aux examens médicaux est encore plus prégnante dans le
registre de la Vienne. La raison indiquée pour justifier le versement d’une somme d’argent
à un homme de l’art est des plus évasives : « Honoraires » 12 . Il est alors quasi impossible
de déterminer pour quel acte le médecin ou l’officier de santé a été consulté : visite de
blessé, constat de décès ou autopsie judiciaire, le mystère reste entier. Cette petite
divergence dans l’établissement des deux registres est pourtant très révélatrice de la
perception des actes médicaux par l’administration judiciaire. Ne pas préciser la nature de
l’acte réalisé par l’homme de l’art est en quelque sorte une négation des particularités des
multiples tâches qu’il peut se voir confier. Etre appelé à réaliser un constat de décès ou une
expertise judiciaire ne requiert pas, de la part du médecin, la même implication, les mêmes
sacrifices, et ne présente pas les mêmes risques physiques ou professionnels.
Le registre des frais de justice émanant des tribunaux de la Vienne, nivelle les
diverses actions des médecins, et dénigre, par la même occasion, le rôle que peut jouer
l’expertise lors de l’instruction d’une affaire criminelle. Poser son oreille sur la poitrine
d’un individu pour s’assurer de son trépas, et plonger les mains dans cette même poitrine,
en fouiller les chairs sanguinolentes et déclarer quelle est l’origine du décès, ne constitue
pas une semblable responsabilité pour l’homme de l’art. Les constatations et conclusions
de l’expertise sont généralement déterminantes pour la suite de l’enquête, voire pour le
verdict du procès. En outre, les deux registres montrent que tous les tribunaux n’accordent
pas la même importance à la lisibilité des dépenses qu’ils engagent en matière d’actes
médicaux ante ou post mortem. Est-ce un moyen pour éviter les reproches éventuels du
Ministère de la Justice qui, en vérifiant les comptes, y découvriraient des sommes en
inadéquation avec les dépenses classiques d’une affaire judiciaire ? Certaines instructions
sont, comme il est expliqué infra, extrêmement onéreuses et cela en grande partie à cause
des expertises médico-légales.
Les dossiers d’instructions criminelles s’avèrent d’ailleurs être la source première
en matière de frais d’expertises judiciaires, bien que souffrant également de lacunes. En
effet, comme l’indique le tableau 37 (cf. annexe 17), la proportion d’affaires pour
lesquelles le montant payé par la justice pour la réalisation de l’expertise médico-légale
12 A.D.V., 2U 1, « Frais de justice. Estimation et entretien des bois de justice », an VIII-1830.
369

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
n’est pas indiqué dans le dossier est relativement importante. Ces parts sont respectivement
de 34% pour les affaires de la Vienne et de 46% pour celles des Deux-Sèvres (graphique
57). Concernant la présence du paiement de ces frais particuliers, trois temps se dégagent
au cours du XIX e siècle (tableau 38, cf. annexe 17).
Graphique 57 : Indication du paiement d’honoraires
d’expertises (affaires criminelles poitevines, 1795-1915).
Indications
100%
90%
80%
70%
60%
50%
Ignore
40%
Mémoire sans précision du
30%
montant
20%
Montant indiqué
10%
0%
Vienne Deux-Sèvres Départements
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4
ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Dans le premier tiers du siècle, c’est-à-dire jusqu’au début des années 1820, la
somme “déboursée” pour l’expertise demeure très souvent inconnue. Seulement 9% des
affaires criminelles de la Vienne (graphique 58), et 8% de celles des Deux-Sèvres
(graphique 59), font mention de cette dépense. L’explication première est législative. En
effet, avant la mise en place du décret de 1811, qui fait de chaque tribunal le responsable
des dépenses relatives aux expertises, « les honoraires des médecins appelés dans les
procédures criminelles sont ordonnancés par le ministre de la Justice » 13 . Par conséquent,
il n’y a pas d’état des frais dans le dossier d’instruction conservé par le tribunal, puisque le
règlement se passe au niveau du ministère. L’absence d’état des frais parmi les pièces du
13 Arrêté du Directoire exécutif, relatif aux dépenses de l’ordre judiciaire et des prisons, qui doivent être
ordonnancées par les ministres de la justice et de l’intérieur, du 23 brumaire an IV (14 novembre 1795).
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en
matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public, nouvelle
édition, Paris, Thunot, 1854, t. 31, p. 538.
370

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
dossier de procédure perdure même quelque temps après la délégation du paiement des
expertises aux instances judiciaires locales.
Affaires
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Graphique 58 : Répartition chronologique de la présence des
frais d’expertises dans les affaires criminelles de la Vienne
(1795-1915).
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915 Années
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
371
Indication
Ignore
Graphique 59 : Répartition chronologique de la présence des frais
d’expertises dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
Affaires
(1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Années
Indication
Ignore
Une seconde explication doit être prise en considération, justifiant alors l’absence
d’information après l’instauration du décret de 1811. Le médecin étant souvent requis par
le juge de paix, ses honoraires n’entrent pas dans les frais de l’instruction. En effet, si l’on
compare ces chiffres avec les instances qui requièrent le plus souvent l’homme de l’art à la
même période, il apparaît que cette décision est majoritairement prise par le représentant
de la justice de paix (graphiques 9 et 10). Ainsi, en mai 1816, Pierre Gorrier, officier de

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
santé à Chef-Boutonne, est convié par le juge de paix à venir procéder à l’examen de deux
hommes assassinés dans la commune d’Aubigné. L’expert s’exécute, après avoir par
ailleurs prêté serment devant le juge d’instruction. Néanmoins, le versement des
émoluments pour son concours dans l’enquête n’est pas mentionné dans les documents qui
constituent le dossier criminel 14 . En résumé, l’attribution du paiement des honoraires des
médecins experts au ministère de la Justice et l’importance de la justice de paix dans les
premières décennies du XIX e siècle, auxquelles il faut probablement adjoindre un certain
laxisme comptable des tribunaux, empêchent l’historien d’étudier de manière précise les
dépenses liées aux expertises médicales.
Durant le second tiers du siècle, jusqu’aux années 1860, les représentants de la
justice au niveau local, qu’ils soient maires ou juges de paix, pondèrent leurs prises
d’initiatives. Ils préfèrent attendre le transport des magistrats sur les lieux avant de requérir
un médecin. Ils se contentent très souvent de prendre quelques renseignements auprès des
principaux témoins, c’est-à-dire de préparer le terrain pour l’arrivée du magistrat en charge
de l’instruction. Toutefois, si le juge de paix s’octroie le concours d’un homme de l’art, les
honoraires de ce dernier apparaissent dans l’état des frais établi à la fin de l’instruction.
Prenons un exemple parmi les affaires criminelles du département de la Vienne. Le 17
janvier 1846, le cadavre d’un nouveau-né est découvert dans une mare, sur la commune de
Lusignan. Le lendemain, le représentant de la justice de paix se rend à l’hospice, en ayant
pris soin, au préalable, de requérir deux hommes de l’art. Or, il est indiqué dans l’état des
frais qu’une taxe, d’un montant de 34,50 francs, a été versée à ces praticiens 15 .
Ainsi, la part des affaires pour lesquelles on ignore le montant des frais d’expertises
médico-légales recule, oscillant entre 10 et 54%, selon les périodes et les départements
(graphiques 58 et 59). La mention dans l’état des frais, du dédommagement d’hommes de
l’art requis par une autorité autre que la justice, prouve que des libertés sont prises avec les
textes de lois. En effet, les juges de paix, bien qu’autorisés à requérir des médecins experts,
ainsi qu’il a été expliqué au cours du chapitre premier de la présente étude, ne peuvent pas,
paradoxalement, les payer. Les honoraires des experts sont réglés sur présentation d’un
mémoire, ou état, qui établit les dépenses engagées et le travail fournit. Le mémoire est
recevable uniquement s’il est justifié par une ordonnance du magistrat instructeur, elle-
même consécutive au réquisitoire du procureur, ainsi que le stipule l’article 3 de
14 A.D.D.-S., 2U 77, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinats », mai 1816.
15 A.D.V., 2U 1572, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », janvier 1846.
372

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’ordonnance du 28 novembre 1838 16 . Par conséquent, un médecin requis par le maire ou le
juge de paix ne devrait pas, en théorie, être dédommagé sur les deniers de la justice. Or, un
article du décret de 1811 vient en quelque sorte au secours des juges de paix, en justifiant
leur droit à la réquisition d’experts tout en les déchargeant des dépenses que cela nécessite.
L’article 142 indique que les présidents et juges d’instruction ne peuvent refuser d’honorer
les dépenses de justice criminelle en arguant que la demande n’est pas de leur fait, si celle-
ci émane d’une instance assermentée à agir au nom de la justice 17 .
Dans le dernier tiers du XIX e siècle, de telles pratiques, proches de l’illégalité et
pouvant être sources de conflits inter-juridictionnels, disparaissent peu à peu. Le juge de
paix, ou tout autre officier de police judiciaire, attend le magistrat instructeur avant de faire
procéder à un examen poussé du corps. Eu égard à la « gravité des faits » 18 , le juge de paix
du canton de Leigné-sur-Usseau, département de la Vienne, suspend les investigations
engagées suite à la découverte d’un corps au fond d’un puits. Le représentant de la justice
de paix a fait examiner le cadavre par deux médecins, et dès lors qu’il a la certitude d’être
en présence d’une mort criminelle, il envoie prévenir le procureur pour que l’autopsie soit
effectuée en sa présence, et par conséquent sous son autorité.
De plus, si un médecin se trouve auprès du représentant de la municipalité ou de la
justice de paix, au moment où le juge d’instruction arrive sur les lieux, ce dernier le
requiert de nouveau, et cela même s’il est venu accompagné de son propre médecin expert.
Le Dr Brillanceau assiste le juge de paix de Châtillon-sur-Sèvre, venu constater un décès
suspect. Alors qu’ils pénètrent dans la maison où le crime a été commis, les deux hommes
se retrouvent en présence du juge d’instruction de Bressuire, déjà arrivé sur place avec son
médecin expert, le Dr Dupuis. Le magistrat instructeur décide alors de fusionner les
compétences en présence et adjoint le Dr Brillanceau à son propre expert. Les frais relatifs
16 Article 3 de l’ordonnance du 28 novembre 1838 : « Les frais réputés non urgents seront payés sur les états
ou mémoires des parties prenantes ; ils seront taxés article par article par les présidents et juges des cours et
tribunaux, et ils seront payables aussitôt qu’ils auront été revêtus de l’ordonnance du magistrat taxateur.
Cette ordonnance sera toujours décernée sur le réquisitoire de l’officier du ministère public, qui
devra, préalablement, procéder à la vérification des mémoires. La taxe de chaque article devra rappeler la
disposition législative ou réglementaire sur laquelle elle sera fondée. »
Cité dans Alexandre Lacassagne, Précis de médecine judiciaire, Paris, Masson, 1878, p. 57.
17 Article 142 du décret du 18 juin 1811 : « Les présidents et les juges d’instruction ne pourront refuser de
taxer et de rendre exécutoire, s’il y a lieu, des états ou mémoires de frais de justice criminelle, par la seule
raison que ces frais n’auraient pas été faits par leur ordre direct, pourvu toutefois qu’ils aient été faits en
vertu d’un ordre d’une autorité compétente, dans le ressort de la Cour ou du tribunal que ces juges président
ou dont ils sont membres. »
Cité dans Paul Brouardel, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de naissance,
inhumations, expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris,
Baillière et fils, 1898, p. 440.
18 A.D.V., 2U 1664, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Procès-verbal du
juge de paix, le 8 décembre 1864.
373

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
à cette expertise s’élèvent à 34,50 francs, dont par exemple 6,25 francs pour le transport de
Brillanceau 19 . Dans ces circonstances, le premier praticien appelé est assuré d’obtenir un
dédommagement pour l’aide qu’il a pu fournir à la justice. La régularisation du recours au
médecin expert permet d’obtenir la présence des honoraires relatifs aux expertises
médicales dans environ 80% des affaires criminelles, pour la période 1870-1915 20
(graphiques 58 et 59).
La mention des frais d’expertises judiciaires dans les dossiers d’instruction est donc
inégalement répartie sur la période étudiée. En outre, le principal, et constant, problème
auquel le chercheur se trouve confronté, est le manque de précision sur la somme qui est
allouée au médecin expert. La somme est donnée dans son intégralité brute, elle n’est pas
détaillée. Il est donc impossible de savoir exactement combien l’homme de l’art a perçu
pour l’examen post mortem lui-même, pour ses frais de déplacements, pour les fournitures
éventuelles que l’expertise a nécessitées. Pour le « rapport du médecin, l’opération et le
transport » dans une affaire d’infanticide, en 1836, la justice a “déboursé” 11 francs en
tout 21 . Mais impossible de savoir combien le Dr Barrilleau a perçu pour son voyage de
Poitiers au village de Nanteuil. De même, lorsqu’il y a collaboration entre plusieurs
experts, il n’est pas toujours mentionné la somme dévolue à chacun d’eux, seule la somme
totale apparaît. Les honoraires perçus par les trois médecins chargés, en mai 1850, de
l’autopsie d’un nouveau-né, atteignent la somme de 55 francs 22 . Combien le praticien de
Bressuire a reçu comme frais de déplacement, par rapport à ses deux confrères d’Argenton-
Château ? La question reste posée. Il faut attendre les années 1890, et la multiplication des
mémoires d’honoraires (illustration 177, cf. annexe 50), remplis par les praticiens et
transmis à l’administration judiciaire afin de recevoir leurs indemnités, pour obtenir
quelques détails sur la manière dont la somme est répartie. Mais là encore, tous les
médecins experts ne rédigent pas un tel document.
Il est donc difficile de trouver dans les archives relatives aux activités de la justice
ou à son administration, la présence du coût des expertises, comme si ni la justice ni les
19 A.D.D.-S., 2U 259, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », septembre 1869.
20 La particularité des proportions obtenues en Deux-Sèvres, entre 1870 et 1889, s’explique par un nombre
accru d’affaires correctionnelles consultées pour cette période. Or, la plupart des affaires correctionnelles ne
contiennent pas d’état des frais, et ne fournissent, par voie de conséquence, aucune indication quant au
montant perçu par le médecin qui a pratiqué l’examen.
Sur un échantillon de 111 affaires jugées en correctionnel, dans le Poitou, une quinzaine d’état des frais
seulement a été trouvée.
21 A.D.V., 2U 1528, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », décembre 1836.
22 A.D.D.-S., 2U 205, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », mai 1850.
374

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
médecins n’y accordaient vraiment d’attention : peut importe le prix d’une autopsie, les
dépenses engagées pour se rendre sur place, les fournitures nécessaires à la réalisation de la
mission. Pourtant, le coût des honoraires d’expertises est un argument récurrent, mis en
avant durant les divers conflits qui opposent justice et médecine au sujet des expertises
médico-légales, tout au long du XIX e siècle.
2) Décret du 18 juin 1811 : des tarifs dérisoires
La médecine du XIX e siècle est un art qui se négocie. Les honoraires pratiqués par
les médecins sont libres et peuvent donc être l’objet de réclamation. Nombreux sont les
auteurs qui abordent le paiement des honoraires médicaux, et plus particulièrement le
recours au tribunal pour obtenir le versement de la somme due 23 . D’autres s’emploient à
demander une réglementation et l’instauration de tarifs fixes et uniques pour tous les
praticiens : d’une part, pour harmoniser les montants des actes médicaux, très variables
d’un homme de l’art à un autre ; d’autre part, pour mettre fin à la concurrence déloyale que
d’aucuns ont établie, offrant « leurs services à des taux inférieurs à ceux de leurs
confrères » 24 .
En revanche, dans les expertises médicales, le facteur pécuniaire est clairement
défini et réglementé depuis plusieurs siècles 25 . Le Premier Empire met en place un certain
nombre de textes qui (ré)organisent la justice du XIX e siècle, dont les divers codes
juridiques, mais aussi plusieurs décrets relatifs à la pratique judiciaire. En effet, en juin
1811, alors que le Premier Empire s’approche de sa chute, les tarifs des honoraires des
23 Léon Lereboullet, « Honoraires », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. de
Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1888, 4 ème série, t. 14, pp. 261-263.
24 Amédée Latour, « Honoraires », art. cit., p. 349.
25 A en croire Pierre Rambaud, qui malheureusement n’indique pas de quel texte officiel il tire ces
informations, les chirurgiens chargés de délivrer un certificat sont payés 8 livres, au XVII e siècle. Durant le
siècle suivant, la journée de vacations nécessaire à la pratique de la médecine judiciaire procure à l’homme
de l’art une indemnité de 5 livres, auxquelles peuvent s’adjoindre les 3 livres allouées pour le rapport.
Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres chirurgiens de Poitiers », Mémoires de la Société des
Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, J. Lévrier et G. Bonamy, 1919, 3 ème série, t. 10, année 1918, p. 357.
Un extrait du registre des actes de la préfecture de la Vienne, en date du 20 messidor an X, indique les
montants alloués aux médecins et aux chirurgiens par l’arrêt du 23 janvier 1742 :
« Conformément à l’arrêt du 23 janvier 1742, les médecins seront payés des voyages qu’ils feront
pour faire leur rapport en justice sur le pied de 5 fr. par jour, y compris leur rapport.
Et pour leur visite et rapport dans le lieu même de leur résidence, il leur sera payé 2,50 fr.
Les chirurgiens, pour leur voyage, y compris leur rapport, auront 4 fr.
Et pour leur simple visite et rapport dans le lieu de leur résidence, 2 fr.
Lorsqu’il y aura une exhumation à faire, ouverture de cadavre, ou autres opérations plus difficiles
que la simple visite, il sera payé aux chirurgiens, outre leur voyage s’il y en a, 4 fr. »
A.D.V., 2U 1 « Frais de justice. Médecins et chirurgiens », an VIII-1830.
375

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
médecins requis par la justice sont fixés, tarifs appliqués durant presque un siècle. Le
décret du 18 juin 1811 subit quelques aménagements et modifications, instaurés par le
décret du 7 avril 1813 et l’ordonnance du 28 novembre 1838, mais les montants alloués
aux experts médicaux ne sont pas révisés. Les tarifs se répartissent comme suit 26 :
26 Décret du 18 juin 1811 :
Article 17 : « Chaque médecin ou chirurgien recevra, savoir :
1°) Pour chaque visite et rapport, y compris le premier pansement, s’il y a lieu, à Paris, 6
fr. ; dans les villes de 40 000 habitants et au-dessus, 5 fr. ; dans les autres villes et communes, 3 fr.
2°) Pour les ouvertures de cadavre et autres opérations plus difficiles que la simple visite,
et en sus des droits ci-dessus : à Paris, 9 fr. ; dans les villes de 40 000 habitants et au-dessus, 7 fr. ; dans les
autres villes et communes, 5 fr. »
Article 27 : « : Pour chaque jour que le témoin a été détourné de son travail ou de ses affaires, il
pourra lui être taxé, savoir : à Paris, 2 fr. ; dans les villes de plus de 40 000 habitants : 1,50 fr. ; dans les
autres villes : 1 fr. »
Article 90 : « Il est accordé des indemnités aux médecins, chirurgiens, sages-femmes, lorsqu’à
raison des fonctions qu’ils doivent remplir, et notamment dans les cas prévus par les art. 20, 43, 44 du CIC,
ils sont obligés de se transporter à plus de 2 km de leur résidence, soit dans le canton, soit au delà. »
Article 91 : « Cette indemnité est fixée pour chaque myriamètre parcouru en allant et revenant ;
savoir : pour les médecins et chirurgiens, à 2 fr. 50 c. ; pour les sages-femmes, à 1 fr. 50 c. »
Article 95 : « Lorsque les individus dénommés ci-dessus seront arrêtés dans le cours du voyage, par
force majeure, ils recevront en indemnité, pour chaque jour de séjour forcé, savoir : les médecins et
chirurgiens, 2 fr. ; les sages-femmes, 1 fr. 50 c. Ils seront tenu de faire constater par le juge de paix ou ses
suppléants, ou par le maire, ou, à son défaut, par ses adjoints, la cause du séjour forcé en route, et d’en
représenter le certificat à l’appui de leur demande en taxe. »
Article 96 : « Si les mêmes individus sont obligés de prolonger leur séjour dans la ville où se fera
l’instruction de la procédure, et qui ne sera point celle de leur résidence, il leur sera alloué, pour chaque
jour de séjour, une indemnité ainsi qu’il suit : pour les médecins et chirurgiens, à Paris, 4 fr. ; dans les villes
de 40 000 habitants et au-dessus, 2 fr. 50 c. ; dans les autres villes et communes, 2 fr. »
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, contenant un Traité
élémentaire de chimie légale par H. Gaultier de Claudry, 1 ère éd. 1821, 5 ème éd., Paris, Neuhaus, 1852,
pp. 59-61 et dans Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 436.
376

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Tarifs des honoraires d’expertises médico-légales
(décret du 18 juin 1811)
Opération / Déplacement Tarif alloué
Visite et rapport (article 17)
à Paris ....................................................................................
villes de 40 000 habitants et plus ...........................................
autres villes et communes ......................................................
Ouverture de cadavre et autres opérations plus difficiles (article 17)
à Paris ....................................................................................
villes de 40 000 habitants et plus ...........................................
autres villes et communes ......................................................
Indemnités de transport pour une distance de plus de 2 km pour
chaque myriamètre parcouru (aller et retour) (articles 90 et 91)...
Indemnité journalière de séjour forcé (article 95) ...........................
Indemnité journalière de séjour hors de la commune de résidence
pour l’instruction (article 96)
à Paris ....................................................................................
villes de 40 000 habitants et plus ...........................................
autres villes et communes ......................................................
Taxe journalière pour la déposition devant le juge ou au procès
(article 27)
à Paris ....................................................................................
villes de 40 000 habitants et plus ...........................................
autres villes et communes ......................................................
377
6 francs
5 francs
3 francs
9 francs
7 francs
5 francs
2,50 francs
2 francs
4 francs
2,50 francs
2 francs
2 francs
1,50 franc
1 franc
Le montant des honoraires alloués aux médecins experts est déterminé selon deux
critères : l’acte pratiqué et le lieu de résidence de l’homme de l’art. Ce principe de
répartition n’est ni une nouveauté ni une spécificité française 27 . Michel Porret mentionne
cette pratique pour déterminer les tarifs alloués aux chirurgiens dans le Royaume de
Sardaigne à partir des années 1730 :
« […] les “droits” du chirurgien sont tarifés de manière progressive selon la nature, le
temps et le lieu de l’expertise du corps meurtri : quinze sols pour un rapport écrit au
tribunal sur les “blessures d’une personne” encore vivante, deux livres pour l’“Acte [écrit]
27 La rémunération selon le nombre d’habitants de la commune de résidence semble une pratique courante de
la justice. Jérôme de Brouwer mentionne que les émoluments de l’exécuteur des arrêts criminels sont fixés en
fonction de l’importance de la ville dans laquelle il est installé.
Cf. Jérôme de Brouwer, « En marge de la Cité, en marge de la justice : le bourreau dans la province de
Brabant (1810-1867) » in Claire Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la
justice du Moyen Age au XX e siècle, actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la
justice et les populations, du Moyen Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à
Québec, s.l., Les Presses de l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, pp. 265-266.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
de Reconnaissance d’un Cadavre, ou pour juger de la qualité des blessures, qui ont donné
occasion à la mort”, six livres lorsque l’expert “vaquera le jour entier” » 28 .
Dans la France du début du XIX e siècle, l’intervention la plus simple est payée entre 3 et 6
francs. Celle-ci consiste en la visite du corps, encore en vie ou déjà trépassé, examen qui
peut être complété par un rapport où sont établies les constatations. En juin 1822, les
officiers de santé Charles Boullet-Durivault et Etienne Laurençeau sont conviés par le juge
de paix de Neuville, chef-lieu de canton du département de la Vienne, pour constater un
décès, et confirmer la nature criminelle de celui-ci. Les deux praticiens visitent la
dépouille, examinent les blessures et font un rapport oral. Pour cette tâche, il leur est alloué
6 francs, soit 3 francs chacun 29 .
Faire une comparaison avec la pratique courante de l’art de guérir n’est pas aisée,
les honoraires étant laissés à la décision du médecin. Néanmoins, les honoraires relevés
dans les livres de compte d’un officier de santé de la Vienne peuvent être retenu à titre
indicatif. Maximin Bertault, installé comme médecin dans la commune de Saint-Sauvant
en 1831, consulte gratuitement. En revanche, ses visites sont facturées au malade auprès
duquel il est appelé, en fonction de la distance parcourue : une visite dans le bourg coûte 1
franc ; 1,50 franc s’il est contraint de se rendre dans les écarts, c’est-à-dire en dehors du
centre de la commune ; 2 francs pour tout déplacement plus lointain 30 . A titre comparatif,
Jacques Léonard donne les honoraires d’un praticien d’un chef-lieu de canton du
Morbihan, dans les années 1847-1850. Ce docteur en médecine facture ses visites entre 50
centimes et 1 franc, en fonction de la catégorie socioprofessionnelle du client 31 . En
conséquence, les visites et autres examens médico-légaux semblent grassement payés.
L’exécuteur des arrêts criminels, est confronté à une situation similaire. Son
traitement annuel est très largement supérieur au salaire ouvrier le plus élevé : l’exécuteur
en chef de Bruxelles gagne entre 3000 et 4000 francs par an, contre 700 francs pour un
ouvrier, au mitan du XIX e siècle 32 . Une telle différence suscite la jalousie et l’envie de
nombre de citoyens. Mais ce que l’opinion publique occulte, assourdie par le bruit des
28
Michel Porret, « Sage-femme, chirurgien, médecin : les légistes de l’Ancien régime, auxiliaires de justice »
in ibid., p. 725.
29
A.D.V., 2U 544, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat (parricide) », juin
1822.
30
François Villard, « La vie d’un médecin de campagne dans la Vienne (1829-1837) », discours prononcé à
la séance publique du 14 janvier 1973, Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest et des Musées de
Poitiers, Poitiers, 1 er trimestre 1973, 4 ème série, t. 12, p. 17.
31 e
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest au XIX siècle, thèse de doctorat, Université Lille III, 1978, t. 2,
p. 559.
32
Jérôme de Brouwer, « En marge de la Cité… », art. cit., p. 266.
378

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
espèces sonnantes et trébuchantes, c’est que le statut social du bourreau, et notamment sa
mise au ban de la société, se reporte sur ses proches qui sont à leur tour écartés de la
communauté et ne peuvent trouver d’emploi. Le glaive est alors le seul outil qui subvienne
aux besoins de toute la famille du bourreau 33 . Sans mettre sur un pied d’égalité ce dernier
et le médecin expert, il est à noter que ces deux auxiliaires de la justice souffrent d’une
certaine incompréhension à l’encontre de leur fonction et des sacrifices financiers que
celle-ci peut nécessiter. En fait, dès leur mise en place, les tarifs des émoluments perçus
par les médecins sont insuffisants 34 , eu égard à la tâche demandée, aux dépenses engagées
par le praticien, et aux sacrifices matériels et professionnels que cette mission requiert de
sa part. De plus, le médecin étant rémunéré en fonction de la nature de l’acte réalisé, il
n’est pas tenu compte du temps que cet homme de l’art y a consacré : que l’examen post
mortem, auquel il faut ajouter le temps employé à la rédaction du rapport, ait nécessité une
heure ou une journée de travail, la somme perçue est identique 35 .
Le manque de considération, vis-à-vis de l’effort fourni par les médecins experts,
est assorti d’une hiérarchisation des expertises, selon le nombre d’habitants de la commune
où l’acte est pratiqué. Louis Pénard, auteur de nombreuses interventions devant la Société
de médecine légale sur les honoraires des médecins experts, souligne ce paradoxe. Il fait
remarquer qu’une autopsie à Paris dure 2 heures, contre la journée entière dans un village
quelconque, car il n’offre pas au praticien les locaux et matériel adéquats 36 . Il ajoute, lors
d’une autre allocution, que la différence dans le tarif des émoluments est compréhensible
dans certaines circonstances, entre les praticiens des grandes villes et leurs confrères des
campagnes : le temps du médecin de Paris coûte plus cher. Mais, cette distinction ne peut
être maintenue au sujet de l’autopsie : l’opération est la même, quel que soit le lieu de
résidence de l’expert 37 . D’autre part, rémunérer les médecins experts selon des tarifs
différents, revient à dévaloriser le travail des uns, bien que la justice ait suffisamment
confiance en leurs compétences et savoirs pour leur soumettre cette tâche. Ange Dambre
33
Ibid., p. 267.
34
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, pp. 96-97.
35
Louis Pénard, « Projet de réforme du tarif des frais judiciaires en matière de médecine légale », Société de
médecine légale (séance du 12 février 1877), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1877, 2 ème série, t. 48, p. 109.
36
Louis Pénard, « Examen du tarif des frais judiciaires, en ce qui concerne les médecins légistes », Société de
médecine légale (séance du 13 juin 1870), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1871, 2 ème série, t. 36, pp. 436-437.
37
Louis Pénard, « Projet de réforme… », art. cit., p. 114.
379

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
résume la situation ainsi : « A égalité de peine égalité de salaire, tel devrait être le principe
prédominant dans le tarif des frais de justice criminelle » 38 .
Les montants alloués sont d’autant plus dérisoires que le coût de la vie augmente,
au fil des années, et que la monnaie perd de sa valeur marchande 39 . Par exemple, l’homme
de l’art doit se munir d’un matériel 40 en bon état, adapté aux opérations que la justice peut
lui soumettre. En 1863, Charrière, fabricant de matériel de chirurgie à Paris, facture à 3,50
francs la forme la plus simple de ses bistouris à manche d’écaille 41 . Une vingtaine d’années
plus tard, cet instrument coûte 4,25 francs pièce dans le catalogue de Gendron 42 . En deux
décennies, le même objet a vu son prix croître de plus de 20%, alors qu’une autopsie est
toujours payée à hauteur de 5 francs dans la plupart des communes. Imaginons qu’au cours
de l’intervention le médecin casse son outil, la quasi-totalité de ce que cette expertise lui
rapporte ne suffira pas à remplacer le matériel détérioré.
De plus, si le médecin souhaite remplir consciencieusement la tâche que la justice a
daigné lui soumettre, il doit essayer de se maintenir au courant des avancées de la
discipline médico-légale. Or, entretenir de telles connaissances peut s’avérer un
investissement financier relativement important pour le praticien, ainsi qu’il a été
mentionné précédemment. Rappelons l’exemple du médecin de Namur qui, dans un article
publié dans les Archives de la médecine belge en juin 1840, mentionne que durant les
quinze années de bons et loyaux services auprès des tribunaux de son pays, « l’entretien de
[sa] bibliothèque, de ce chef bien entendu, [lui] a coûté plus que le produit de [ses]
travaux » 43 .
D’autres injustices pécuniaires sont contenues dans le décret de 1811. Tout d’abord,
celles relatives aux frais de déplacement et de séjour sur place. En effet, il est fréquent
qu’un médecin soit amené à se déplacer hors de sa commune pour aller effectuer une
38 ère ème
Ange Dambre, Traité de médecine légale et de jurisprudence de la médecine, 1 éd. 1859-1867, 2 éd.
revue, Paris, Adrien Delahaye, 1878, p. 45.
39 e e
Frédéric Chauvaud, Experts et expertise judiciaire : France, XIX et XX siècles, avec la collaboration de
Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche pour le GIP Mission de Recherche Droit et
Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, p. 55.
40
Cf. le chapitre 7 qui aborde les instruments nécessaires à la pratique de l’autopsie judiciaire.
41
J. Charrière, Note accompagnée de planches représentant les instruments nouveaux et particulièrement les
instruments de dissection et ceux qui, d’un usage de chaque jour, peuvent être placés dans les trousses, Paris,
1863, p. 15.
42
F. Gendron, Catalogue général illustré, chirurgie herniaire, orthopédie, prothèses, Bordeaux, 1889, p. 33.
43
Fr. Ph. Jos. Cambrelin, « Les médecins sont-ils tenus d’obtempérer aux réquisitions qui leur sont adressés
par les officiers de police judiciaire, quand il s’agit de la recherche des preuves d’un crime ou d’un délit »,
Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1840, t. 24, p. 419.
380

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
expertise, notamment les praticiens qui résident dans les chefs-lieux d’arrondissement.
Outre les frais inhérents au déplacement lui-même, tels que la location d’une voiture ou
l’achat d’un billet de train, pour la fin du siècle, le médecin requis comme expert peut être
obligé de séjourner sur place plusieurs jours. L’article 96 fixe l’indemnité entre 2 et 4
francs, pour chaque jour de travail perdu par les hommes de l’art partis en mission loin de
leur domicile 44 . Cette indemnité, rapportée au prix moyen d’une consultation médicale
indiqué précédemment, apparaît donc très modique.
Il est cependant nécessaire d’apporter quelques nuances. Si les textes prévoient en
effet des indemnités de séjour pour les médecins experts, en matière d’autopsies judiciaires
cette situation est très peu pratiquée, voire inexistante. Dans la majorité des affaires
criminelles qui pouvaient entraîner une prolongation de l’éloignement de l’homme de l’art
de son cabinet et de ses malades, le séjour sur place n’apparaît pas. Lorsque le médecin est
obligé de reporter son expertise au lendemain, souvent à cause de la tombée de la nuit et
donc du déclin de la luminosité essentielle à l’examen, soit il regagne son domicile, et
refait le trajet jusqu’au lieu du drame à la première heure, soit le corps est transporté dans
la commune où il réside. Au mois d’octobre 1897, lors d’investigations relatives à une
suppression d’enfant sur la commune de La Chapelle-Morthemer, le juge d’instruction de
Montmorillon requiert le Dr Lhuillier pour procéder aux constatations médico-légales.
Cependant, « l’arrivée de la nuit n’a pas permis à l’expert de faire un examen suffisant des
organes de l’enfant » 45 . Le petit cadavre est alors transporté à l’hospice de Montmorillon
où le médecin pratique l’autopsie dès le lendemain 46 . La perte financière pour un praticien
n’en reste pas moins substantielle car il perd les honoraires que ses consultations auraient
pu lui rapporter, et ne reçoit en contrepartie de son concours que de maigres émoluments et
de « l’ingratitude » 47 .
Outre des tarifs que les médecins estiment indignes de leurs compétences et de
l’aide qu’ils fournissent à la justice grâce à leurs expertises, le décret de 1811 pose
également quelques problèmes dans son application.
44
Cf. note infrapaginale 26 du présent chapitre.
45
A.D.V., 2U 1752, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’enfant », Constat
des lieux, le 27 octobre 1897.
46
Ibid., Rapport du Dr Lhuillier, le 29 octobre 1897.
47
Fr. Ph. Jos. Cambrelin, « Les médecins sont-ils tenus… », art. cit., p. 419.
381

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
3) Décret du 18 juin 1811 : une application problématique
Rendre la justice consiste avant tout en l’interprétation de codes juridiques et en
l’adaptation de leurs directives au cas particulier auquel les magistrats sont confrontés. Une
part d’arbitraire peut alors s’immiscer dans les décisions prises, l’interprétation relevant du
subjectif et étant inévitablement soumise à des circonstances propres au cas jugé. Il peut
arriver que certaines de ces circonstances n’aient pas été envisagées au moment de
l’établissement du texte juridique, ce qui place alors l’homme de loi face à une position
délicate : appliquer une loi à une situation qu’elle n’a pas prise en considération.
Le décret de juin 1811 ne fait pas exception à la règle. Il arrive que des examens
post mortem n’entrent pas dans le cadre prédéfini par le décret, entraînant alors une
application problématique. Plusieurs de ces cas particuliers occultés ont été mis en
exergue. Un article du Journal de médecine et de chirurgie pratiques pose la question de
l’accumulation des honoraires s’il y a multiplication des examens 48 . L’auteur pose comme
principe qu’à partir du moment où il y a un intervalle de temps entre les deux examens,
chacun donne droit à une rémunération. Lors de l’instruction d’une affaire d’infanticide
dont la commune de Sossais est le théâtre en 1836, Bergier, officier de santé à Lencloître,
visite le corps de l’enfant retrouvé dans une carrière. L’homme de l’art limite ses
investigations à l’extérieur du petit cadavre, attendant l’arrivée du magistrat instructeur
pour les mener plus avant 49 . C’est ce qu’il fait dès le lendemain, en compagnie d’un second
médecin convié par le juge pour pratiquer l’autopsie 50 . L’état des frais établi à l’issue de
l’enquête judiciaire mentionne que Bergier a reçu, pour son « premier rapport », 6,75
francs, et que les dépenses relatives au procès-verbal du juge, au second rapport médico-
légal, ainsi qu’au transport des magistrats, s’élèvent à 94 francs 51 . Bergier a donc été
indemnisé pour les deux examens pratiqués.
Les montants alloués ne constituent pas le seul élément problématique du décret de
1811 : le paiement de ces honoraires en est un également. Les modalités du versement des
honoraires font l’objet d’un double régime, distinction qui laisse apparaître une bizarrerie
légale. En effet, les articles 133 et 134 du décret de juin 1811, auxquels il faut adjoindre
48
« Cas où les hommes de l’art sont requis de constater la mort d’un individu, et les causes de la mort.
Indemnités auxquelles ils ont droit pour ces opérations. Indemnités des médecins et chirurgiens des prisons »,
Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Plassan, 1833, t. 4,
article n°741, pp. 398-400.
49
A.D.V., 2U 1524, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport de M.
Bergier officier de santé, le 8 février 1836.
50
Ibid., Procès-verbal de M. le juge d’instruction, le 9 février 1836.
51 Ibid., Etat des frais.
382

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’article 3 de l’ordonnance du 28 novembre 1838, classent les dépenses relatives aux
expertises en deux catégories : soit parmi les frais urgents 52 , soit parmi les frais non
urgents 53 , en fonction de la situation de l’homme de l’art à qui cette mission a été confiée.
Lorsqu’un médecin n’est pas « habituellement » requis par la justice, les honoraires qui lui
sont dus font partie des frais urgents, et lui sont donc réglés dans des délais relativement
restreints 54 . La loi instaure donc un distinguo entre les hommes de l’art auxquels elle
confie les expertises médico-légales, distinguo que d’aucuns considèrent comme une
injustice. Ils demandent, par conséquent, la suppression des modalités de l’ordonnance de
1838 : les expertises judiciaires seraient toutes considérées comme relevant de frais
urgents 55 .
Cela ne signifie pas pour autant que le médecin est dédommagé rapidement pour
l’aide qu’il a pu fournir à la justice. Le délai du paiement des honoraires peut s’avérer long,
et n’est en aucun cas imputable aux seules lenteurs de l’administration judiciaire. A partir
des deux registres de frais mentionnés
précédemment, auxquels il a pu être
adjoint quelques mémoires
d’honoraires trouvés dans des
dossiers criminels, il est possible de
déterminer que la majorité des
médecins experts sont payés dans un
délai de six mois à plus d’un an
(tableau 39, cf. annexe 17) : dans le
département des Deux-Sèvres, 50%
des médecins sont dédommagés dans
39%
52 Décret du 18 juin 1811 :
Article 133 : « Les frais urgents seront acquittés sur simple taxe et mandat du juge, mis au bas des
réquisitions, copies de convocations et de citations, états ou mémoires de parties ».
Article 134 : « sont réputés frais urgents :
1°) Les indemnités des témoins et des jurés.
2°) Toutes dépenses relatives à des fournitures ou opérations pour lesquelles les parties
prenantes ne sont pas habituellement employées ».
Cité dans Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 438.
53 Cf. note infrapaginale n°16 du présent chapitre.
54 Il a été établi dans le chapitre précédent que, malgré plusieurs directives ministérielles invitant les
tribunaux à se constituer par avance un parterre d’experts compétents et disposés à répondre aux réquisitions
de justice, la réalisation de telles listes pouvait s’avérer problématique, et les magistrats pouvaient faire fi de
leur existence et choisir les individus à leur guise.
55 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 99.
383
Graphique 60 : Délais de paiement des frais
d’expertises dans les affaires criminelles de la
Vienne (1795-1915).
5% 7%
10%
39%
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
< 1 mois
1 à 3 mois
3 à 6 mois
6 à 12 mois
> 12 mois

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
les six à douze mois qui suivent leur participation (graphique 61), contre seulement 39%
dans le département voisin (graphique 60). Une part égale d’honoraires est perçue, dans la
Vienne, au-delà d’une année écoulée.
50%
384
Il convient cependant
d’apporter une précision à ce sujet.
Le manque de détails du registre de
la Vienne oblige à quelques
aménagements approximatifs et ne
reflétant pas la réalité : une très
large majorité des montants
correspond aux activités d’une
année entière, voire de deux, mais
sans connaître le mois au cours
duquel les interventions des hommes
de l’art ont eu lieu, il est impossible de déterminer s’il s’est effectivement écoulé plus
d’une année. Un médecin peut, par exemple, avoir réalisé un examen en décembre 1828, et
être payé en novembre 1829. Le délai des douze mois n’est pas effectif, mais le registre
indique que le praticien en question perçoit les indemnités dues en contrepartie de ses
activités pour les années 1828 et 1829. De plus, lorsque plusieurs actes sont rémunérés à la
même date, le délai de paiement a été comptabilisé en prenant l’acte le plus ancien comme
référence.
Graphique 61 : Délais de paiement des frais
d’expertises dans les affaires criminelles des
Deux-Sèvres (1795-1915).
1% 10%
22%
17%
< 1 mois
1 à 3 mois
3 à 6 mois
6 à 12 mois
> 12 mois
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Il faut également remarquer qu’en effectuant une comparaison entre les deux
registres et les dossiers d’assises consultés, une proportion très faible de ces honoraires a
pu être identifiée comme relevant de frais relatifs à une instruction judiciaire. En
conséquence, les montants alloués aux hommes de l’art concernent très certainement des
vérifications de décès, des constats de suicides ou de morts accidentelles, et des procédures
correctionnelles. L’hypothèse des constats de décès est confirmée par la prépondérance des
versements annuels car, comme il a été expliqué, la justice indemnise les médecins qu’elle
emploie pour ce service, « à la fin de chaque année » 56 . En outre, pour nombre de
versements tardifs, aucune autre explication, telle la distance entre le domicile du médecin
et le lieu où il peut venir réclamer son dû, ne peut être avancée. Le 28 novembre 1832,
Lesage, docteur en médecine, reçoit 15 francs pour les visites de divers cadavres effectuées
56 A.D.V., 10T 1032, « Société de médecine. Procès-verbaux des séances de la société », 1849-1860.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
entre décembre 1831 et novembre 1832 57 . Etant domicilié à Niort, dans la ville même où se
trouve le bureau de l’Enregistrement, il ne peut s’agir d’une volonté manifeste de cumuler
les honoraires et de restreindre les déplacements.
Néanmoins, le facteur de la distance est un argument qui s’avère pertinent, pour une
grande partie des retraits d’honoraires qui sont effectués au bout d’une année écoulée
depuis la réalisation de l’acte. Le sieur Joquet, médecin à Thouars, dans le nord des Deux-
Sèvres, vient percevoir le 7 janvier 1833 des honoraires d’un montant de 26,25 francs pour
plusieurs examens cadavériques pratiqués le 17 mai et le 25 juillet 1832 58 . Il est tout à fait
possible que cet homme de l’art ait attendu d’avoir atteint une somme relativement
conséquente avant de faire le voyage jusqu’au bureau de l’Enregistrement. Il semblerait
même que cette patience pécuniaire exagérée ait obligé les autorités à déterminer une date
limite de réclamation. L’ordonnance de 1838 59 donne aux médecins entre six mois et un an
pour entamer la procédure qui leur permet d’obtenir le dédommagement de leur concours
auprès de la justice 60 .
Les successeurs d’Hippocrate ne donnent pas que de leur temps et de leur personne
quand ils acceptent des missions d’expertises judiciaires : celles-ci peuvent également leur
coûter cher en matériel médical. L’article 19 du décret de 1811 prend cette dépense en
considération : « outre les droits ci-dessus, le prix des fournitures nécessaires pour les
opérations sera remboursé » 61 . Mais, le texte ne fait pas mention des désagréments liés à la
justification de ces remboursements. En effet, suite à cet article, Briand et Chaudé insèrent
un nota bene pour avertir leurs confrères : « ce remboursement ne sera fait que lorsque les
médecins et chirurgiens auront joint à leur mémoire un état détaillé des fournitures ; et
quand elles auront été achetées, l’état devra être quittancé par le vendeur » 62 . En matière
de produits qui disparaissent ou qui sont dénaturés par leur emploi, tels les désinfectants et
autres réactifs chimiques, la situation est claire et ne peut en rien porter préjudice au
57
A.D.D.-S., 2U 446, « Registre des frais de justice criminelle », 1828-1859.
58
Ibid.
59
Article 5 de l’ordonnance du 28 novembre 1838 : « Les mémoires qui n’auront pas été présentés à la taxe
du juge dans le délai d’une année, à compter de l’époque à laquelle les frais auront été faits, ou dont le
payement n’aura pas été réclamé dans les six mois de leur date, ne pourront être acquittés qu’autant qu’il
sera justifié que les retards ne sont point imputables à la partie dénommée dans l’exécutoire.
Cette justification ne pourra être admise que par le ministre de la justice, après avoir pris l’avis des
procureurs généraux, s’il y a lieu. »
Cité dans Alexandre Lacassagne, Précis de médecine…, op. cit., p. 58.
60
Il est à déplorer que, les deux registres consultés ne mentionnant plus les honoraires médicaux à partir de
1839-1840, il est alors impossible d’estimer l’influence de cette ordonnance sur le délai du paiement des
expertises médico-légales et autres actes relevant de la compétence des hommes de l’art.
61
Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 59.
62 Ibid.
385

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
médecin expert. En revanche, le remplacement d’un instrument à usages multiples, comme
un tube en verre ou un scalpel, du fait de leur altération ou de leur destruction, peut
s’avérer problématique. L’administration doit, pour justifier son refus de dédommager le
praticien, démontrer que ce dernier est seul responsable de ce dommage collatéral et que
cette perte n’est en rien consécutive à l’opération pratiquée 63 .
Outre la négociation du montant accordé par la justice à l’expert, le délai imposé
pour percevoir cette somme et le remplacement du matériel, l’application du décret de
1811 présente un inconvénient encore plus grand pour les hommes de l’art : le risque de ne
pas être du tout indemnisés. Pour résumer, ce désagrément résulte d’un principe simple et
pragmatique : celui qui paye est celui qui a requis. Or, certaines circonstances sont comme
des grains de sable qui enrayent le bon fonctionnement de la machine judiciaire. Nombre
de décès, aux premiers abords suspects, ne relèvent en aucun cas de la justice. Cependant,
pour arriver à la conclusion que le trépas n’est pas dû à une main criminelle, une procédure
d’enquête a dû être engagé, et le recours à un médecin nécessaire. En juin 1874, Augry
Landonnière, médecin à L’Isle-Jourdain, est chargé par le juge de paix de procéder à
l’examen d’un homme trouvé sans vie dans une fontaine 64 . Arrivé sur les lieux du drame,
l’homme de l’art examine minutieusement l’état extérieur de la dépouille, la lave et la
déshabille entièrement pour s’assurer qu’elle ne présente aucune trace de violence. Il
conclut alors à un décès volontaire ou involontaire, consécutif à une « asphyxie par
immersion » 65 . Bien qu’ayant été requis par un représentant de la justice, la mort n’étant
pas criminelle, le médecin ne peut être dédommagé sur les deniers de cette administration.
La rétribution est donc laissée à la charge de la municipalité ou de la justice de paix.
L’homme de l’art est comme une balle que se renvoient alors justice et
municipalité, la première arguant qu’étant reconnu « qu’il n’y a ni crime ni délit,
l’instruction n’ayant pas eu lieu, la réquisition est purement administrative » 66 ; ce à quoi
la seconde rétorque « qu’au budget de la commune, il ne se trouve aucun chapitre dans
lequel puisse être inscrit le paiement de cette opération » 67 . L’indemnité que le médecin
perçoit dans de tels cas est « le plus souvent nulle ou insuffisante » 68 . La réticence de
l’administration municipale se justifie par ailleurs parfaitement : outre les habituels soucis
63 « Cas où les hommes de l’art… », art. cit., p. 399.
64 A.D.V., 3U 4 / 602, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Asphyxie par
immersion », Procès-verbal du juge de paix du canton de L’Isle-Jourdain, le 16 juin 1874.
65 Ibid., Rapport du médecin, le 16 juin 1874.
66 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., pp. 99-100.
67 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 304.
68 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 100.
386

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
budgétaires inhérents à toute administration, la municipalité se trouve, dès lors qu’elle fait
appel à un médecin pour estimer la nature du décès, dans la position d’un simple client. Or,
rappelons-le, les honoraires pratiqués par les médecins sont libres. Ceux-ci peuvent, par
conséquent, déterminer eux-mêmes à quel montant ils estiment leur participation 69 .
L’ombre d’un médecin trop gourmand, voire cupide, semble hanter les responsables
municipaux.
Face à de tels risques financiers, agrémentés parfois de litiges provoqués par les
omissions et autres zones d’ombres du texte législatif, le corps médical s’emploie à
demander la réforme du paiement des expertises médico-légales presque dès l’instauration
du décret de 1811. Aux critiques régulières, mais néanmoins stériles, les partisans de la
réforme joignent diverses propositions d’amélioration, provoquant par répercussion autant
de levées de bouclier de la part du payeur, la justice.
B) Revendications et aménagements : un bras de fer médico-judiciaire
autour du décret de 1811
1) Défendre ses honoraires, défendre son honneur
Dès son instauration, le décret de 1811 suscite un certain nombre de mouvements
d’opposition ou de revendications afin de lui apporter quelques aménagements. C’est un
problème récurrent auquel est confronté le corps médical du XIX e siècle, et qui apparaît de
manière cyclique dans la littérature spécialisée. Gabriel Tourdes fait, par exemple, le relevé
des multiples démarches entreprises pour obtenir l’augmentation des tarifs alloués aux
médecins en matière d’expertises : la première demande émane du Congrès médical de
France en 1845 ; puis, en 1861, de l’un des plus illustres représentants de la profession,
Ambroise Tardieu ; huit années plus tard, en 1869, c’est au tour de la Société de médecine
légale de formuler cette requête, renouvelée en 1870 et 1877 ; Paul Brouardel apporte sa
pierre à l’édifice des réclamations en 1884 ; enfin, en 1890, l’Association générale de
prévoyance et de secours mutuels des médecins de France (A.G.M.F.) présente un projet
de réforme au ministre de la Justice 70 . Les autorités sont donc restées sourdes aux clameurs
et propositions des praticiens de l’expertise judiciaire pendant plus de quatre-vingts ans.
Le corps médical n’a eu gain de cause que sur une seule revendication. Loin d’être
anecdotique, l’unique victoire obtenue dépasse le simple cadre pécuniaire et apporte une
69 « Cas où les hommes de l’art… », art. cit., p. 400.
70 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 97.
387

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
certaine reconnaissance au concours des experts médicaux. En effet, en décembre 1861,
sous l’impulsion de Tardieu, une circulaire du garde des Sceaux abroge l’article 25 du
décret de 1811 71 , décret qui assimile les professionnels de santé à de simples témoins
quand ils sont appelés à déposer devant le juge 72 . En l’occurrence, au lieu des un à deux
francs accordés par l’article 27, les médecins peuvent appliquer les montants déterminés
pour les frais de déplacements et de séjour lors de la réquisition et de la réalisation de
l’expertise. En outre, la circulaire confère, pour chaque séance de cour d’assises à laquelle
le médecin est présent, 4 francs 73 . Ainsi, l’homme de l’art à qui la justice demande un avis
circonstancié, se distingue des autres protagonistes de l’affaire criminelle par la somme qui
lui est versée.
L’assimilation des médecins experts à des témoins est farouchement dénoncée
durant des décennies. Les membres du corps médical souffrent de cette situation, et la
perçoivent comme une manifestation du mépris de la justice à l’égard de leur titre de
médecin, de leurs compétences, et du concours qu’ils apportent à l’institution, afin qu’elle
remplisse le rôle que la société lui a attribué. Alphonse Devergie qualifie la mise sur un
pied d’égalité des témoins et experts de « contraire à la raison » 74 . En effet, le témoin fait
son devoir de citoyen, devoir imposé par la loi, en venant relater les faits dont il a
connaissance. En revanche, le médecin qui est désigné comme expert n’a connaissance
d’aucun fait : il doit, à l’aide de son seul savoir, fournir aux magistrats des éléments
d’analyse et d’explication. Sa contribution ne se borne pas à rendre compte de faits, il
donne un avis après avoir mené une réflexion 75 . Il est donc logique et légitime que les
médecins experts obtiennent une rémunération plus conséquente.
La manifestation pécuniaire du mépris de la justice apparaît également à travers la
peine infligée aux hommes de l’art récalcitrants qui refusent d’être requis comme expert.
En effet, la modicité de l’amende, en l’occurrence 6 francs, prouve le peu d’importance
que la justice accorde à la mission confiée à un médecin, et donc au rôle que celui-ci peut
71 Louis Pénard, « Examen du tarif… », art. cit., pp. 424-425.
72 Article 25 du décret du 18 juin 1811 : « Dans tous les cas où les médecins, chirurgiens, sages-femmes,
seront appelés, soit devant le juge d’instruction, soit aux débats, à raison de leurs déclarations, visites ou
rapports, les indemnités dues pour cette comparution leur seront payées comme à des témoins ordinaires, et
seulement s’ils requièrent taxe […] »
Cité dans Charles Vibert, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd. 1885, 4 ème éd.
rev. et corr., Paris, Baillière, 1896, p. 23.
73 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 131.
74 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1837, 3 ème éd. entièrement refondue,
avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-
Firmin Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer Baillière, 1852, t. 1, p. 26.
75 Ibid., t. 1, pp. 25-26.
388

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
jouer dans l’instruction. La gravité de la peine est proportionnelle à la gravité du délit
commis, elle-même liée à la valeur de la personne ou du bien contre lesquels il a été
perpétré. En d’autres termes, les médecins estiment l’amende indigne d’eux 76 . Ainsi, la
reconnaissance du travail et des savoirs des médecins experts suppose, pour ces derniers,
un double processus : d’une part, l’augmentation des indemnités accordées, et d’autre part,
une répression intransigeante et beaucoup plus sévère.
Concernant la hausse des tarifs alloués pour pratiquer les examens médicaux, toutes
les demandes de réforme mentionnées précédemment sont restées lettres mortes. Si la
situation est au début acceptable pour les hommes de l’art sollicités, les indemnités perçues
à peu près satisfaisantes, une convergence de facteurs alimente, à partir des années 1840,
les revendications du corps médical. Le premier des arguments avancés résulte d’un
constat économique : depuis 1811, le coût de la vie a considérablement augmenté, et la
valeur de la monnaie beaucoup changé 77 . De plus, la science médico-légale fait d’énormes
progrès au cours du XIX e siècle, progrès qui sont synonymes d’expertises plus fiables pour
les magistrats, et de surcroît de travail pour les praticiens. Ainsi, les médecins experts
reçoivent toujours le même montant d’honoraires alors que leur contribution à l’enquête est
de meilleure qualité et qu’ils y ont consacré plus de temps 78 . Enfin, la médecine n’est plus
une activité exercée par les seuls philanthropes fortunés. Elle devient, durant la première
moitié du XIX e siècle, un véritable moyen de subsistance 79 . Pour faire vivre sa famille,
l’homme qui a choisi de faire profession de l’art de guérir doit se construire une clientèle et
surtout recevoir ou visiter des malades. Or, en apportant son aide à la justice, le médecin
n’est pas disponible pour d’éventuels patients. L’indemnité qu’il reçoit en échange par
l’administration judiciaire doit, par conséquent, si ce n’est l’enrichir, du moins compenser
le manque à gagner.
Les acteurs de cette revendication sont, par ailleurs, conscients de la retenue dont
ils doivent faire preuve dans leurs requêtes, et que « l’exercice de la médecine légale ne
sera jamais une voie conduisant à la fortune » 80 . Mais cela ne signifie pas pour autant que
le médecin doit être « victime de son dévouement » ; « l’indemnité doit être honorablement
76
Horteloup, « Du droit de réquisition des médecins-experts », Société de médecine légale de France (séance
du 10 février 1890), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème série,
t. 23, p. 265.
77
Louis Pénard, « Examen du tarif… », art. cit., p. 430.
78
Ibid., p. 431.
79
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, p. 585.
80
Louis Pénard, « Projet de réforme… », art. cit., p. 103.
389

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
compensatrice » 81 . Néanmoins, certaines situations sont intolérables et doivent disparaître
du paysage professionnel des hommes de l’art. Quelques mois avant l’instauration du
décret qui révise le tarif des honoraires alloués aux experts médicaux, les Archives
d’anthropologie criminelle relatent la situation quasi burlesque à laquelle un médecin de
Maison-Laffitte a été confronté :
« UNE BONNE HISTOIRE A PROPOS D’HONORAIRES MEDICAUX.
Le docteur Licke (de Maison-Laffitte), requis par la gendarmerie à l’effet
d’examiner le cadavre d’un nouveau-né trouvé dans un bateau-lavoir, se rend à deux
kilomètres de son domicile pour faire cette constatation et envoie un rapport à M. le
Procureur de la République.
Un mois plus tard il reçoit du parquet pour son voyage et son rapport un mandat
de trois francs, à toucher au Bureau de l’enregistrement de Saint-Germain-en-Laye, luimême,
de telle heure à telle heure.
Pour faire le voyage de Maison-Laffitte à Saint-Germain, M. Licke dépense 1 fr. 40
pour l’omnibus aller et retour et estime à 7 fr. 50 les trois heures perdues pour ce voyage,
soit 8 fr. 90.
Appelé pour un autre motif au lieu de la perception, notre confrère touche le
fameux mandat de 3 fr. A peine rentré chez lui, il reçoit du receveur de l’enregistrement le
billet suivant : “Monsieur, la pièce que vous avez présentée au Bureau, et au vu de laquelle,
il vous a été payée 3 francs, ayant été rejetée de ma comptabilité comme irrégulière, je vous
prie de me faire tenir la somme de 3 francs qui vous a été versée à tort et de retirer la pièce
afin de la faire rectifier dans le sens indiqué par la circulaire ministérielle”.
Fallait-il rapporter l’argent ? Refaire le voyage à Saint-Germain, reprendre le
mandat, le renvoyer à Versailles, et au retour le reporter encore à Saint-Germain, c’est-àdire
perdre plusieurs heures encore sans compter les frais de voyage, et tout cela pour
toucher la somme de 3 fr. Le docteur Licke est resté tranquillement chez lui et attend la
saisie. Si elle a lieu la farce sera complète. » 82
Face à une situation qui perdure, victime parfois de la conjoncture 83 , et à la surdité des
instances judiciaires et politiques qui n’apportent que de maigres améliorations à la
rémunération des experts, plusieurs procédés revendicatifs, déclarés ou non, sont employés
par les médecins.
81
Ibid., p. 104.
82
« Une bonne histoire à propos d’honoraires médicaux », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle,
de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1893, t. 8, p. 220.
83
Louis Pénard explique que le projet de réforme, prévu en juin 1870, n’a pu être mené à bien du fait du
conflit franco-allemand.
Louis Pénard, « Projet de réforme… », art. cit., p. 102.
390

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
2) Les moyens d’action
Faire entendre sa voix, et surtout son mécontentement, à l’administration judiciaire
au premier chef, mais surtout aux instances gouvernantes qui peuvent accéder à de telles
requêtes, peut faire prendre aux médecins insatisfaits divers chemins. Certains d’entre eux,
considérant que la justice sous-estime leur concours et ne les paye pas à leur juste valeur,
décident de déterminer par eux-mêmes le montant auquel leur prestation doit être apprécié.
Ils emploient alors des procédés qui s’apparentent à de la fraude : ils “gonflent” le montant
des fournitures supposées utilisées durant leur expertise ou le nombre de vacations
nécessaires à la réalisation de celle-ci 84 .
A contrario, des praticiens appelés comme experts mettent leur dignité d’homme de
l’art au-dessus de considérations purement pécuniaires. Ils perçoivent la faiblesse des tarifs
d’honoraires comme une dépréciation de leurs savoirs et de leur concours. Par conséquent,
en réaction à ce mépris, ils refusent purement et simplement de recevoir toute somme
qu’ils jugent indigne et insultante. Henri Legrand du Saulle est un adepte de cette
manifestation passive de désaccord : « en ce qui me concerne, toutes les fois qu’il m’est
alloué par les tribunaux une indemnité que je considère comme indigne de la justice
française et comme indigne de moi, je m’abstiens d’en toucher le montant » 85 . Notons
cependant que cette forme de contestation n’est accessible qu’à une certaine élite du corps
médical 86 , aux praticiens détenteurs d’une fortune personnelle ou d’une clientèle assez
importante pour leur permettre de fournir gracieusement leurs lumières à la justice.
Alors que d’aucuns s’emploient à montrer leur mécontentement en focalisant leur
action sur les finances de l’administration judiciaire, d’autres essayent de faire entendre
leurs réclamations d’une autre manière : ils décident de boycotter les enquêtes criminelles,
et ainsi de démontrer à la justice qu’elle a besoin des médecins pour mener à bien sa
mission. Le refus de répondre aux réquisitions de la justice s’effectue, tout d’abord, à un
niveau individuel. Si certains usent de subtilité, arguant qu’ils sont indisponibles,
indisposés voire incompétents, d’autres, beaucoup plus rares, clament haut et fort leur prise
de position. En avril 1877, le juge de paix du canton de Saint-Savin envoie un réquisitoire
84
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 168.
85
Ibid.
86
Dans sa contribution à un numéro des Annales consacré aux médecins et à la médecine, Jacques Léonard
démontre que la majorité des hommes faisant profession de l’art de guérir constitue une classe sociale
intermédiaire, « entre les notables et le peuple ». Si nombre d’entre eux possèdent des terrains et quelques
têtes de bétail, leur fortune n’a souvent rien d’exorbitant.
Jacques Léonard, Roger Darquenne, Louis Bergeron, « Médecins et notables sous le Consulat et l’Empire »,
Annales. Economies, Sociétés, Civilisations : Médecins, médecine et société en France aux XVIII e et XIX e
siècles, septembre-octobre 1977, n°5, pp. 858-862.
391

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
au Dr. Pascaud, afin qu’il procède à l’examen post mortem d’un nouveau-né. L’homme de
l’art, pour signifier son refus, retourne le réquisitoire à l’envoyeur, en ayant pris soin au
préalable d’y faire figurer le motif : « insuffisance d’émoluments » 87 . Le boycott peut
également s’organiser au sein de la communauté des médecins experts d’une ville ou d’un
département. Il s’agit alors de la manifestation d’une revendication collective et non plus
individuelle, d’une réaction concertée de toute une corporation professionnelle. L’une de
ces oppositions organisées secoue le petit monde médico-légal et devient le symbole d’un
mal-être collectif. En 1889, les médecins qui pratiquent leur art dans la ville de Rodez,
déclinent toutes les réquisitions judiciaires, justifiant leur refus d’obtempérer par une
surcharge de travail ou un manque de compétences 88 . Cette « grève » 89 vaudra aux
médecins ruthénois une condamnation devant le tribunal de simple police, en vertu de
l’article 475 du Code Pénal, condamnation réformée ensuite par le tribunal d’instance 90 .
Une nuance doit cependant être apportée : les revendications argumentées qui
fleurissent dans la littérature médico-légale, et qui peuvent parfois prendre une tournure
spectaculaire, telle des grèves générales, n’apparaissent quasiment pas dans les archives
judiciaires poitevines, à une exception près. En effet, outre l’exemple du Dr Pacaud cité
supra, aucune réquisition n’a été refusée par les médecins sollicités, au motif que cette
tâche était trop peu rémunérée. Les éventuels refus 91 rencontrés dans les dossiers
correctionnels ou d’assises sont justifiés de multiples façons : soit par une indisposition
momentanée, soit par un manque de compétences en la matière, argument souvent
accompagné d’une condition pouvant faire accepter la réquisition par l’homme de l’art,
qu’un confrère lui soit adjoint.
Il pourrait être avancé que les dossiers d’instruction criminelle ne sont pas la
tribune où les médecins experts peuvent exprimer leurs réclamations financières.
Concernant des manifestations de rejet acerbes, presque violentes, telle celle du Dr.
Pascaud, l’argumentaire est pertinent. En revanche, d’autres indices pourraient y figurer,
indices qui laisseraient transparaître une tension entre représentants de la justice et
représentants de la médecine. En effet, certains dossiers renferment des lettres de
réclamations, émanant souvent du maire ou du juge de paix qui se font les porte-plumes
87 A.D.V., 3U 4 / 606, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Infanticide »,
Lettre au procureur de la République, le 8 avril 1877.
88 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 3, p. 1356.
89 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., p. 56.
90 « L’affaire des médecins de Rodez devant la Cour de cassation. Instruction criminelle. Réquisition de
justice. Découverte d’un cadavre. Flagrant délit. Médecin. Refus. Contravention », Chronique, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème série, t. 23, pp. 372-374.
91 Cf. sur le refus de réquisition le chapitre 1 de la présente étude.
392

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
d’un individu à qui la justice a demandé son concours, et qui en échange souhaite être
dédommagé. Il s’agit en l’occurrence du motif qui pousse le juge de paix de Châtillon à
envoyer une missive au juge d’instruction de Bressuire, au début d’août 1890. Un
manouvrier est venu lui « réclamer un salaire pour avoir aidé les Drs. Brillaud et
Gaboriau » 92 : l’homme a, en effet, assisté à toute l’opération d’expertise, et fourni du
matériel aux deux experts. Le juge de paix, n’étant pas à l’origine de l’examen médical,
n’estime pas devoir prendre à sa charge l’indemnité légitime de ce témoin. Il demande, par
conséquent, au magistrat instructeur de faire le nécessaire pour régler au plus vite cette
taxe 93 .
Un second exemple a été trouvé dans les dossiers de procédures correctionnelles
des Deux-Sèvres, à propos d’un constat de mort accidentelle. René Mathurin Berthelot,
officier de santé à Faye l’Abbesse, est appelé pour donner des soins à un sexagénaire
découvert sans connaissance, à la fin août 1826. A son arrivée, il constate que l’homme,
porteur de plusieurs blessures au visage, a succombé 94 . En interrogeant la famille, il
conclut que le défunt a chuté d’une échelle en voulant monter dans sa chambre, chute qui a
provoqué une commotion cérébrale. Dès le lendemain, l’homme de l’art écrit au procureur
du roi pour lui réclamer le « salaire que l’on alloue ordinairement pour ce genre
d’opérations médicales » 95 . Le registre des frais de justice débutant en 1828 96 , il est
impossible de savoir s’il a obtenu gain de cause. Il est cependant intéressant de noter que
l’officier de santé, alors qu’il n’a pas été officiellement requis par l’autorité judiciaire,
demande l’indemnisation habituellement délivrée pour fait d’expertises. Sa fonction de
maire de Faye l’Abbesse explique néanmoins son audace. Il s’est en quelque sorte auto-
requis, et sait, en l’occurrence, que les dépenses relatives aux constats de décès incombent
au parquet.
Mais ces exemples font figure d’exception. Dans ces circonstances, comment
justifier l’absence criante de revendications pécuniaires en matière d’autopsies
cadavériques ? La première explication, qui peut être avancée, résulte directement de la
conception que se font les hommes de l’art de leur activité professionnelle : ils ont une
mission envers la communauté, ils ont prêté serment de porter secours à tous ceux qui en
92 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Meurtre (résidus du dossier de la cour d’assises) », Lettre au juge d’instruction, le 2 août 1890.
93 Ibid.
94 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Mort accidentelle (chute) », Rapport médical, le 28 août 1826.
95 Ibid., Lettre de Berthelot au procureur du roi, le 29 août 1826.
96 A.D.D.-S., 2U 446, « Registre des frais de justice criminelle », 1828-1859.
393

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
ont besoin, faisant de l’art de guérir un sacerdoce. Il serait alors mal venu, même en
contradiction avec l’esprit de leur mission, d’aborder un sujet aussi vil et ignoble que
l’argent 97 . A l’instar des avocats 98 , les médecins font montre, ou veulent faire croire, à leur
« désintéressement » et à leur dévouement. Le médecin de Namur, poursuivi pour ne pas
avoir accepté d’apporter son concours à la justice, trouve offensant que l’accusation
suggère que le motif de son refus soit la « modicité du salaire » 99 .
Néanmoins, il est difficile de concevoir que les hommes de l’art poitevins soient
mus par un sens du devoir unanime et surtout supérieur à celui de leurs confrères d’autres
régions. Dans le même ordre d’idée, il est difficile d’imaginer un particularisme du corps
médical du Poitou qui priverait l’homme de l’art de structures professionnelles, au point de
faire de lui un électron isolé qui ne côtoie jamais les autres membres de sa corporation. A
l’instar de la plupart des grandes villes françaises, Poitiers et Niort abritent une société de
médecine 100 , où les médecins peuvent donc s’entretenir des petits tracas de leur activité.
Hospices et hôpitaux sont également des lieux de rencontre pour les praticiens de l’art de
guérir, lieux qui peuvent favoriser une prise de conscience revendicative. A l’instar de
structures analogues disséminées dans tout le pays, le caractère revendicatif ou militant des
sociétés savantes a trait à la science, à la diffusion de connaissances et de pratiques
nouvelles ; les réclamations de nature professionnelle ont rarement droit de cité dans les
débats. De plus, à une situation nationale peu exemplaire en matière de rassemblement des
professionnels de l’expertise médicale 101 , il faut peut-être ajouter, en ce qui concerne le
97 Les débats qui ont lieu au sein de la Société de médecine légale exposent le dilemme qui taraude ses
membres, en matière de revendications financières. Lors de la séance de février 1883, Paul Brouardel met en
cause l’éventualité d’une grève des experts, arguant qu’une telle action « soulèverait l’opinion publique »
contre eux. Un mois plus tard, au cours de la séance d’avril, un certain Blanche fait part du risque que
prendrait, selon lui, tout médecin qui évoquerait la question des honoraires d’expertises : « en agitant une
question d’argent à propos d’expertise, le médecin perd de son autorité devant le public et devant la
magistrature ».
« Séances de la Société de médecine légale de France », Société de médecine légale de France (séances du 8
janvier, 12 février, 12 mars, 9 avril 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1883, 3 ème série, t. 9, p. 506 et p. 512.
98 Hervé Leuwers, « L’honneur et l’honoraire : avocats et argent en France aux XVII e et XVIII e siècles » in
Benoît Garnot (sous la dir. de), Les juristes et l’argent…, op. cit., pp. 183-192.
Hervé Piant remarque que le refus de taxe en matière de témoignage devient un signe distinctif de la noblesse
au XVIII e siècle. Alors qu’au XVII e siècle, la taxe étant déterminée selon le statut social de l’individu, elle
marque la hiérarchie, au siècle suivant, elle devient une indignité. Accepter ce dédommagement c’est faire
montre d’un attachement malsain à l’argent.
Hervé Piant, « Le prix de la vérité : témoignage, argent et vérité dans la justice française d’Ancien Régime.
Une analyse de la “taxe” des témoins », in Benoît Garnot (sous la dir. de), Les témoins devant la justice. Une
histoire des statuts et des comportements, actes du colloque de Dijon (4-5 octobre 2001) organisé par l’UMR
Georges-Chevrier de l’Université de Bourgogne, Rennes, PUR, Histoire, 2003, pp. 209-220.
99 Fr. Ph. Jos. Cambrelin, « Les médecins sont-ils tenus… », art. cit., p. 411.
100 Cf. l’étude de ces deux sociétés dans le chapitre 3.
101 Cf. l’analyse de la professionnalisation des experts médicaux dans le chapitre 3.
394

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Poitou, un mouvement syndical limité et lent à se mettre en place. La région n’ayant pas de
longue tradition d’organisations ouvrières, à laquelle il faut adjoindre un éparpillement
géographique des rares groupes syndicaux qui se constituent après la loi de 1884, les
médecins poitevins manquent probablement de référents en matière de réclamations
professionnelles 102 .
Une autre explication se trouve peut-être dans les relations qu’entretiennent
médecins et magistrats poitevins. Comme il a été indiqué dans le chapitre précédent, les
deux corporations se côtoient et se connaissent bien. Par conséquent, il est possible
d’imaginer qu’une certaine forme de connivence s’est instaurée entre eux, voire
d’interdépendance, qui les oblige à faire preuve, d’un côté comme de l’autre, d’un peu de
souplesse. En effet, être en bons termes avec les représentants de la justice de la localité
peut être bénéfique pour la vie professionnelle des hommes de l’art.
Jusqu’à présent les honoraires des expertises médicales ont principalement été
abordés du point de vue de ceux qui les perçoivent, les médecins experts. Or, il est aussi
important d’aborder la position des payeurs, c’est-à-dire de l’administration judiciaire dans
son ensemble et, par délégation, des magistrats, face aux revendications financières du
corps médical.
3) La justice à tout prix ?
La justice établit un budget, et doit par conséquent adapter ses dépenses en fonction
de celui-ci. Les finances des tribunaux étant restreintes, à l’instar de la plupart des
administrations, une certaine modération est recommandée en matière de recours aux
expertises. Paul Hervé signale que la principale, pour ne pas dire la seule, exigence des
magistrats à l’encontre des expertises médico-légales, est leur moindre coût : « ils [les
juges d’instruction et les procureurs] ne veulent qu’une chose : procéder économiquement
(ils reçoivent à chaque instant des recommandations à ce sujet) [...] » 103 . La traque aux
dépenses injustifiées se présente sous la forme d’un trio de mesures et de
recommandations.
102 Cf. la thèse de Laurent Cantamessa, Les débuts du syndicalisme en Poitou-Charentes 1884-1914, thèse
pour le doctorat en histoire du droit, sous la dir. de Jean-Marie Augustin, Université de Poitiers, 2005, 2 t.,
1007 p., notamment le chapitre I du Titre I sur « L’émergence syndicale 1884-1895 », pp. 46-87.
103 Paul Hervé, « Médecine légale et médecins légistes », Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1904, t. 19, p. 878.
395

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Le premier signe révélateur d’une préoccupation économique est l’impatience dont
font preuve les magistrats. Pour la poursuite de l’instruction, le juge doit obtenir de l’expert
des conclusions à la fois rapides et sûres. Dans le cas contraire, notamment si une
incertitude perdure, un complément d’expertise peut s’avérer nécessaire, ce qui multiplie
d’autant les frais de la procédure. Le Dr Rondeau, médecin à Saint-Maixent, requis aux
premiers jours de juin 1868 par le juge de paix, est confronté à un décès qui le laisse
dubitatif : le corps d’une femme, retrouvé pendu dans une chambre, ne présente aucun
indice de mort violente, hormis des ecchymoses de chaque côté de la tête. Les conclusions
qu’il établit suite à cet examen, somme toute sérieux mais limité à l’extérieur du corps,
font part de son scepticisme quant à un suicide 104 . L’homme de l’art prend alors l’initiative
de faire appel à un confrère, le Dr Chabot, qui émet à son tour des doutes sur la cause du
décès 105 . Devant tant d’incertitude, le juge de paix s’en réfère au procureur impérial qui
ordonne de faire procéder à l’autopsie cadavérique. Les deux experts s’exécutent, mais
restent dans l’incapacité de se prononcer absolument : « […] d’autres circonstances
accompagnant la pendaison laissent planer sur ce fait des doutes qu’il est difficile
d’éclaircir » 106 . Ainsi, alors qu’il pensait être confronté à un simple cas de suicide, ne
nécessitant qu’un constat de décès par le médecin, le juge de paix de Saint-Maixent se
trouve forcé de recourir à un second avis expertal, puis de demander la réalisation d’un
examen plus approfondi. Les frais d’expertises sont alors bien plus élevés 107 .
La justice peut être confrontée à des expertises qu’elle estime exagérément
onéreuses. Le litige ou la possibilité d’abus concerne principalement le nombre de
vacations comptabilisées par l’expert, en d’autres termes le nombre d’heures qu’il a
consacrées à la tâche qui lui a été confiée. Par conséquent, sont principalement visés les
analyses chimiques et les examens psychiatriques, les autres types d’expertises médicales
étant rémunérés en fonction de l’acte : visite d’un blessé, d’une femme accouchée, d’une
fillette violentée sexuellement, ou encore autopsie d’un cadavre. Dans ces conditions, il
peut arriver que, mus par « un désir mesquin de faire des économies » 108 , les tribunaux
104
A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre et vol qualifié »,
Rapport de médecin, le 2 juin 1868.
105
Ibid., Procès-verbal de constat, le 2 juin 1868.
106
Ibid., Rapport de médecine, le 3 juin 1868.
107
Le montant exact n’apparaît pas dans l’état des frais du dossier de procédure. Il est seulement indiqué la
rédaction d’un « mémoire » par les deux médecins.
108
Hanns Gross, Manuel pratique d’instruction judiciaire à l’usage des procureurs, des juges d’instruction,
des officiers et des agents de police judiciaire, fonctionnaires de police, gendarmes, agents de service de la
sûreté, traduit de l’allemand par Boucart et Wintzweiller, préface de Gardeil, Paris, Marchal et Billard, 1899,
t. 1, p. 314.
396

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
décident de ne payer qu’une partie du montant déclaré par le médecin expert. Cette façon
de procéder est par ailleurs qualifiée de « sotte » 109 par Hanns Gross, juriste autrichien dont
le Manuel pratique d’instruction judiciaire a été traduit et adapté au système juridique
français. De tels procédés suggèrent à l’homme de l’art que la justice n’entend rien à la
réalisation d’une expertise médico-légale, en termes de difficulté et de durée, et surtout
qu’elle n’a pas confiance en lui 110 . Pour éviter ce genre de désagrément, une seule
solution : que le magistrat ou un officier de police judiciaire soit présent durant la totalité
de l’expertise, afin de vérifier et valider le nombre de vacations 111 . Les deux parties sont à
l’abri de tout litige.
Enfin, pour minimiser les frais d’expertises, la justice limite le nombre d’experts
requis. Dire que le recours à un seul médecin est moins onéreux que d’en requérir deux ou
trois est une évidence, presque une lapalissade. Cependant, les juges qui prennent cette
décision prennent également un risque, que d’aucuns font remarquer, en soulignant le
paradoxe que cette pratique renferme. Imaginons un magistrat instructeur qui, soucieux
d’épargner le plus possible les finances de son tribunal, fait appel à un seul praticien.
Celui-ci, par manque d’expérience ou par négligence, bâcle l’expertise et n’apporte pas au
magistrat assez d’éléments concluants. Ce dernier est dans l’obligation de faire procéder à
une expertise complémentaire, par un nouvel homme de l’art, à qui il adjoint le premier
praticien, certaines informations ayant été détruites lors de la première opération. Outre le
fait d’avoir à payer deux expertises, la justice a perdu du temps. En juillet 1878, le juge
d’instruction de Châtellerault se trouve dans l’obligation, suite aux déclarations de
l’inculpée, de requérir une seconde fois Georges Creuzé, praticien à qui il avait confié
l’examen cadavérique du nouveau-né 112 . En effet, ce dernier a omis de disséquer
109 Ibid.
110 Alphonse Jaumes, professeur de médecine légale à la Faculté de Montpellier, a sollicité l’avis de
l’Association des médecins de l’Hérault après l’aventure humiliante qu’il a connue, suite à plusieurs
expertises qu’il s’était vu confier. En effet, en réponse aux mémoires d’honoraires transmis au procureur
général, Jaumes et ses confrères se sont vus accorder, en dédommagement de leur contribution, une somme
inférieure à celle demandée. Si Jaumes est prêt à accepter une réduction partielle, voire complète, de ses
honoraires d’expertises, il ne peut admettre l’humiliation et l’atteinte à sa dignité que représentent « des
honoraires réduits par décision officielle ». Le refus public et officiel suggère que Jaumes a surestimé son
propre travail.
Reuss, « Un incident médico-légal », Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1888, 3 ème série, t. 20, pp. 276-279.
111 F. H., « Indemnités qui sont dues aux médecins, chirurgiens et officiers de santé, lorsqu’ils sont requis de
procéder à une opération chimique, et lorsqu’ils sont cités comme témoins pour expliquer leurs rapports.
Frais de voyage auxquels ils ont droit en cas de transport hors de leur résidence », Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Plassan, 1833, t. 4, article n°756, p. 435.
112 A.D.V., 2U 1705, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Ordonnance pour
procéder à une exhumation, le 24 juillet 1878.
397

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’estomac 113 . Il lui est donc impossible de corroborer ou de réfuter les dires de la mère, à
savoir que l’enfant aurait été étouffé par le sang et les eaux écoulés au cours de
l’accouchement. Cet oubli fâcheux contraint l’homme de l’art à réitérer l’opération, et la
justice à “débourser” deux fois plus d’argent en termes d’expertises médicales : le Dr.
Creuzé perçoit deux indemnités de 8 francs pour visite, rapport et autopsie 114 .
Les deux protagonistes de la mise en place d’une expertise médico-légale
n’abordent pas cette dernière de la même manière, et ne formulent pas de semblables
espoirs à son sujet. Les magistrats attendent de l’expertise qu’elle soit rapide, absolue et
d’un coût réduit. A contrario, les médecins experts aspirent à réaliser des examens qui
soient les plus rigoureux possibles, afin d’approcher au plus près de la vérité, tout en
gardant à l’esprit que cette dernière ne peut être appréhendée dans certains cas. A la lecture
de ces développements, il pourrait être déduit que les magistrats privilégient le budget de
leur tribunal à la découverte de la vérité, mais il s’avère que les juges d’instruction ne sont
pas toujours économes.
Outre le recours, dans une grande partie des enquêtes menées 115 , à plusieurs
experts, de concert ou successivement, les magistrats ont pris conscience d’une certaine
dépendance de la justice à l’égard du corps médical. Par conséquent, maintenir l’harmonie
entre les représentants des deux corporations est primordial. Le rejet de tout conflit
potentiel se manifeste notamment dans le paiement des frais d’expertises. Tout d’abord, les
juges d’instruction, par compassion vis-à-vis de médecins experts mal rémunérés, et
surtout pour ménager de précieux auxiliaires de la justice, délivrent systématiquement un
exécutoire. Toutes les expertises médicales se classent dans la catégorie des frais urgents,
ce qui accélère la procédure d’indemnisation 116 . Ensuite, la pratique illégale qui consiste à
facturer plus de vacations ou de fournitures réellement employées, s’effectue parfois avec
la complicité des magistrats. Qualifiée de « tolérance » par certains auteurs 117 , cette
connivence délictueuse se borne souvent à valider un montant qu’ils savent incorrect, du
fait de leur présence à l’examen. Il semble donc que des magistrats soient conscients de
l’affront fait aux médecins experts par la faible rémunération de leur aide.
113
Ibid., Rapport du Dr. Creuzé, le 24 juillet 1878.
114
Ibid., Etat des frais.
115
Cf. le chapitre 1 pour une analyse du nombre d’experts requis pour pratiquer les examens post mortem de
la Vienne et des Deux-Sèvres.
116
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 167.
117
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 301 et Louis Pénard, « Examen du tarif… », art.
cit., p. 431.
398

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Dans de nombreuses circonstances, la justice ne regarde pas à la dépense. L’un des
crimes les plus onéreux en matière d’expertises est l’empoisonnement. En effet, en sus
d’une visite et/ou d’un examen cadavérique, les recherches scientifiques nécessitent des
analyses chimiques. Or, ces dernières sont extrêmement coûteuses en matériel et en temps.
Pourtant, les magistrats ne rejettent jamais ce type d’expertises pour obtenir la
confirmation qu’un acte criminel a bien été commis à l’aide d’un poison. C’est ainsi qu’en
1866, le tribunal de Parthenay a “déboursé”, pour une seule affaire, 2387,20 francs en
transport d’experts, analyses chimiques et rapports d’expertises 118 .
Les frais sont d’autant plus élevés que la complexité ou la prudence que recèle
l’affaire obligent parfois la justice à recourir à des médecins réputés, mais résidants dans
des villes éloignées, principalement à Paris. En juin 1825, le procureur du roi de
Châtellerault reçoit la dénonciation d’un détenu au sujet d’un empoisonnement qui se serait
produit un an auparavant. Après exhumation, le Dr Hilaire Lerpinière, docteur en médecine
à Châtellerault, prélève les « matières contenues du sternum jusqu’au bassin », et les place
dans un vase 119 . Les analyses chimiques sont effectuées par Lerpinière et Eugène Donnat,
expert chimiste, entre le 7 et le 21 juillet. Leur conclusion est qu’il n’y a pas trace d’arsenic
dans les produits prélevés 120 . Le juge d’instruction décide de faire parvenir une
commission rogatoire à son confrère de la Seine, afin qu’il fasse procéder à une « analyse
comparative » par des sommités d’une toute nouvelle discipline : la toxicologie.
L’expertise est confiée à Orfila, Ollivier, tous deux docteurs en médecine et acteurs de
premier ordre des avancées de la science toxicologique, et Baruel, professeur de chimie. La
volonté d’obtenir une conclusion confirmant l’empoisonnement a coûté cher à la justice,
d’autant plus que les trois accusés sortiront libres du tribunal. Les deux experts poitevins
perçoivent chacun 95,50 francs en vacations, somme à laquelle il faut ajouter 149,75 francs
de fournitures remboursées à Donnat, soit un total de 340,75 francs. Leurs confrères
parisiens ont reçu 45 francs de taxe chacun, plus 20 francs de frais pour l’un d’eux, soit
une somme de 155 francs. En termes de frais d’expertises, cette instruction a coûté 495,75
francs 121 .
Devant des montants d’expertises exorbitants, preuve que certains magistrats ont
perdu toute mesure au cours de leur enquête, d’autres freinent leurs élans dépensiers et
118 A.D.D.-S., 2U 252, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », mai 1866.
119 A.D.V., 2U 548, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre par empoisonnement »,
Procès-verbal constatant l’exhumation de G., le 6 juillet 1825.
120 Ibid., Rapport des experts chimistes, le 21 juillet 1825.
121 Ibid., Etat des frais.
399

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
préfèrent en référer à leur hiérarchie avant tout débordement pécuniaire. La gravité d’une
affaire d’homicide volontaire et de viol, dont Coussay-les-Bois est le théâtre en octobre
1866, pousse le juge d’instruction de Châtellerault à vouloir faire réaliser une expérience
quelque peu singulière. Très au fait des découvertes scientifiques, le magistrat souhaite en
effet obtenir la photographie de la dernière image perçue par la rétine de la victime 122 . Le
médecin requis pour pratiquer l’examen cadavérique procède au prélèvement des yeux,
mais indique que cette expérience ne peut « être bien faite qu’à Paris » 123 . Le magistrat
fait donc une demande, par l’intermédiaire du procureur général, pour être autorisé à faire
pratiquer l’expérience qui entraînera « des dépenses extraordinaires non prévues par le
règlement des frais de justice criminelle » 124 . L’accord obtenu, les yeux sont envoyés au
procureur impérial de la Seine qui est chargé de requérir les experts. L’expérience n’est
finalement pas réalisée, car Ambroise Tardieu, médecin à qui la mission a été confiée et
dont la réputation dépasse très largement les limites du département où il exerce son art,
rétorque qu’elle est impossible : « l’idée de trouver sur la rétine l’empreinte d’une image
qui s’y serait fixée n’a non seulement jamais été démontrée par l’expérience, mais est de
celles qu’il est permis de repousser a priori » 125 .
En résumé, les magistrats sont tiraillés entre plusieurs impératifs. D’un côté, pour
mener à bien leurs enquêtes, ils doivent s’attacher les services de médecins avec qui ils
doivent entretenir de saines et cordiales relations, sous peine d’être privés d’experts. D’un
autre côté, ils ne peuvent engager les deniers de la justice inconsciemment, sans en justifier
la raison auprès de leur hiérarchie. Leur souci est donc de maintenir l’équilibre entre les
deux plateaux de la balance, judiciaire comme financière : la lutte contre la criminalité et le
maintien d’un budget qui permette son activité. Or, durant des années, les instances
dirigeantes ont privilégié le plateau du budget, retardant ou rejetant les diverses demandes
de réforme des tarifs d’honoraires. Après quatre-vingts années de bons et loyaux services,
le décret de 1811 mérite d’être remplacé.
122
A.D.V., 2U 1671, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Homicide volontaire et viol »,
Constat des lieux, le 25 octobre 1866.
123
Ibid., Commission rogatoire du juge d’instruction de Châtellerault, le 26 octobre 1866.
124
Ibid., Autorisation pour nommer des experts afin d’examiner les yeux de la fille P., le 26 octobre 1866.
125
Ibid., Lettre d’Ambroise Tardieu au procureur impérial de la Seine, le 28 octobre 1866.
400

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
C) Instauration de nouveaux honoraires d’expertises en 1893
1) Les prémices de la réforme
Loin d’être un phénomène isolé, la grève des praticiens de Rodez est l’apogée des
mouvements revendicatifs des médecins experts qui mettent la justice dans une position
très fâcheuse : elle ne trouve plus d’hommes de l’art qui acceptent de réaliser les expertises
médicales nécessaires à l’instruction des affaires judiciaires. « L’abandon de la médecine
judiciaire » 126 s’amplifie. Le gouvernement décide enfin de prendre le problème à bras le
corps et de demander un projet de réforme. Des projets antérieurs ont été établis à
l’initiative du corps médical lui-même, mais n’ont pas abouti. En janvier 1877, Alphonse
Devergie demande à la Société de médecine légale de mettre en place une commission,
chargée de proposer une réforme des frais judiciaires en matière d’expertises médicales. A
l’issue de leurs réflexions, les membres de la commission, Devergie, Herbelot, Guerrier,
Lefort et Louis Pénard, établissent de nouveaux tarifs : 10 francs pour l’autopsie d’un
nouveau-né, 20 francs pour celle d’un adulte, 30 francs lorsqu’elle est pratiquée après
exhumation ; chaque vacation est en outre rémunérée à hauteur de 10 francs à Paris, 8
francs dans les villes de 40 000 habitants et plus, et 6 francs dans les autres 127 .
Néanmoins, il faut attendre le début de l’année 1890, pour que le garde des Sceaux
demande une concertation entre les procureurs généraux et les sociétés médicales réparties
sur le territoire national 128 . L’Association Générale des Médecins de France est chargée de
centraliser les doléances et remarques des sociétés et associations médicales, et d’établir un
projet de réforme. Celui-ci, connu sous le nom de “projet Motet”, du nom de son
rapporteur, compte parmi ses artisans le professeur Paul Brouardel. Le rapport est présenté
en juin 1890 à Armand Fallières, alors ministre de la Justice. Ce dernier met en place, en
mars de l’année suivante, une commission chargée de réviser les tarifs 129 . L’ouvrage de
Paul Brouardel, La responsabilité médicale, reprend en détail les diverses propositions
faites dans le rapport pour modifier le décret de 1811, et notamment le montant convenable
auquel les diverses expertises doivent être rémunérées 130 .
126
Alexandre Lacassagne, Précis de médecine…, op. cit., p. 52.
127
Louis Pénard, « Projet de réforme… », art. cit., pp. 102-121.
128
Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 3, p. 1357.
129
Ibid.
130
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., pp. 433-441.
401

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Projet Motet pour la révision des honoraires d’expertises
(juin 1890)
Visite et certificat immédiat 10 frs
Visite à l’aide d’instrument ; visite et
pansement
402
20 frs
Autopsie d’un nouveau-né 15 frs
Autopsie d’un adulte 30 frs
Autopsie après exhumation 50 frs
Rapport payé par vacation
7 frs / vac. de jour
10 frs / vac. de nuit
Outre l’inflation des montants sur la base desquels les hommes de l’art sont
indemnisés, le projet Motet apporte une nouveauté dans la répartition des tarifs. En effet, la
distinction entre les divers montants ne s’appuie pas sur le nombre d’habitants de la
commune, mais d’une part sur le sujet examiné, et d’autre part sur le séjour ou non sous
terre. Le projet ne propose pas une même indemnité si le corps autopsié est celui d’un
nouveau-né ou d’un adulte, ni si l’ouverture a lieu avant inhumation ou après exhumation.
De plus, le rapport d’expertise est payé selon la durée que sa rédaction a nécessitée. Le
temps consacré à cette tâche est donc pris en considération.
La prise de conscience que la réforme des frais d’expertises est indispensable n’est
pas la seule conséquence des mouvements de grève des médecins experts. Les autorités se
sont retrouvées démunies et dépourvues de véritable recours juridique contre ces
défections plus ou moins justifiées et revendicatrices. Ces événements sont concomitants
d’une profonde réorganisation de l’exercice de l’art de guérir qui aboutit à la suppression
de l’officiat de santé et à la confirmation de l’abolition du grade de docteur en chirurgie 131 .
Plusieurs articles de la loi de novembre 1892 abordent ainsi les réquisitions des hommes de
l’art par la justice. Le vingt-troisième indique clairement l’obligation des médecins de
répondre positivement aux appels des magistrats : « tout docteur en médecine est tenu de
déférer aux réquisitions de la justice, sous les peines portées à l’article précédent » 132 . Les
amendes auxquelles les contrevenants peuvent être condamnés oscillent entre 25 et 100
francs 133 . Ainsi, l’autorité judiciaire dispose d’un véritable moyen de pression auprès des
praticiens à qui elle demande leur concours.
131 Pour une analyse de l’instauration de la loi du 30 novembre 1892 relative à l’exercice de la médecine cf. le
chapitre 15 de la thèse de Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 2, pp. 1085-1124.
132 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 119.
133 Ibid.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Cependant, la loi de 1892 représente un compromis entre les deux instances,
judiciaire et médicale. Pour obtenir l’agrément des hommes de l’art qui seront alors
presque requis de force et pris en otage par la justice, il semble indispensable à la fois de
« donner plus d’importance à la médecine légale et d’augmenter les tarifs », et ainsi de
solliciter « l’ardeur des étudiants » pour qui cette activité sera source à la fois d’« honneur
et [de] profit » 134 . L’article 14 est la promesse faite aux médecins concernant la réforme
des tarifs : « un règlement d’administration publique revisera les tarifs du décret du 18
juin 1811, en ce qui touche les honoraires, vacations, frais de transport et de séjour des
médecins » 135 . Dès lors le gouvernement dispose d’une année pour mettre en place la loi
instaurant de nouveaux honoraires d’expertises, sous peine de voir la loi de novembre 1892
annulée 136 . Quelques jours avant l’échéance, le décret tant réclamé est finalement
promulgué.
2) Les nouveaux tarifs
Après quatre-vingts ans du même traitement, les médecins experts obtiennent
finalement la révision de leurs honoraires en matière judiciaire, grâce au décret du 21
novembre 1893 137 , qui marque un tournant dans la pratique des expertises, notamment avec
134
Dubrac, « Commentaire de la loi du 30 novembre 1892 sur l’exercice de la médecine », Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1893, 3 ème série, t. 30, p. 25.
135
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 299.
136
Dubrac, « Commentaire de la loi… », art. cit., p. 25.
137
Décret du 21 novembre 1893 : Chapitre II. Des honoraires, vacations, frais de transport et de séjour des
experts médecins.
Article 4 : Chaque médecin requis par des officiers de justice ou de police judiciaire ou commis par
ordonnance dans les cas prévus par le Code d’Instruction Criminelle, reçoit à titre d’honoraires :
1° Pour une visite avec premier pansement, 8 fr.;
2° Pour toute opération autre que l’autopsie, 10 fr.;
3° Pour autopsie avant inhumation, 25 fr.;
4° Pour autopsie après exhumation, 35 fr.
Au cas d’autopsie d’un nouveau-né les honoraires sont de 15 et 25 fr., suivant que l’opération a eu
lieu avant inhumation ou après exhumation.
Tout rapport écrit donne droit, au minimum, à une vacation de 5 fr.
Article 5 : Le coût des fournitures reconnues nécessaires pour les opérations est remboursé sur la
production des pièces justificatives de la dépense.
Article 6 : Il n’est rien alloué pour soins et traitements administrés soit après le premier pansement,
soit après les visites ordonnées d’office.
Article 7 : En cas de transport à plus de 2 kilomètres de leur résidence, les médecins reçoivent par
kilomètre parcouru, en allant et revenant :
1° 20 centimes si le transport a été effectué en chemin de fer
2° 40 centimes si le transport a eu lieu autrement.
Article 8 : Dans le cas où les médecins sont retenus dans le cours de leur voyage par force majeure,
ils reçoivent une indemnité de 10 fr. par chaque journée de séjour forcé en route, à la condition de produire
403

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’instauration des listes officielles d’experts auprès des tribunaux. Le décret « montre une
différence notable et une véritable amélioration dans “le salaire des experts” » 138 .
Néanmoins, toutes les exigences pécuniaires des hommes de l’art ne sont pas satisfaites par
ce texte, eu égard aux propositions faites par le “projet Motet”.
Nouveaux tarifs des honoraires d’expertises médicales
(décret du 21 novembre 1893)
Opération / Déplacement Tarif alloué
Visite avec premier pansement (article 4) 8 francs
Opération autre que l’autopsie (article 4) 10 francs
Autopsie avant inhumation (article 4) 25 francs
Autopsie après exhumation (article 4) 35 francs
Autopsie d’un nouveau-né avant inhumation (article 4) 15 francs
Autopsie d’un nouveau-né après exhumation (article 4) 25 francs
Rapport payé par vacation (article 4) 5 francs
Indemnités de transport (à plus de 2 km) par km parcouru en
allant et revenant (article 7)
-en chemin de fer
-autrement
404
20 centimes / km
40 centimes / km
Indemnités pour chaque jour de séjour forcé (article 8) 10 francs
Déposition (article 9) 5 francs
En effet, en comparant les tarifs souhaités par les auteurs du projet, et ceux
effectivement mis en place, il apparaît un décalage, toujours au détriment des médecins.
Les montants alloués aux praticiens pour l’autopsie sont assez approchants, hormis pour
l’opération effectuée sur un cadavre adulte après exhumation. La déception financière
à l’appui de leur demande d’indemnité un certificat du juge de paix ou du maire de la localité constatant la
cause du séjour forcé.
Article 9 : Il est alloué aux médecins, outre les frais de transport, s’il y a lieu, une vacation de 5 fr. à
raison de leurs dépositions soit devant un tribunal, soit devant un magistrat instructeur.
Si les médecins sont obligés de prolonger leur séjour dans la ville où siège soit le tribunal, soit le
juge d’instruction devant lequel ils sont appelés, il leur est alloué, sur leur demande, une indemnité de 10 fr.
par chaque journée de séjour forcé.
Article 10 : Sont abrogées toutes les dispositions du décret du 18 juin 1811 en ce qu’elles ont de
contraire au présent chapitre.
Cité dans Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux et les honoraires des médecins
d’après le décret du 21 novembre 1893 », Revue critique, Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, pp. 94-95.
138 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 95.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
réside dans la visite. Outre le fait que le souhait était de distinguer les simples visites de
celles nécessitant un matériel spécifique ou un acte curatif, l’écart entre les deux montants
est assez significatif. Les hommes de l’art obtiennent une somme deux fois et demie moins
élevée que celle escomptée, soit 8 francs au lieu de 20.
Tableau comparatif des honoraires souhaités (projet Motet de juin 1890)
et ceux obtenus (décret de novembre 1893)
Projet de réforme des tarifs des expertises
médico-légales 139
1°) Visite et certificat immédiat 10 fr.
2°) Visite à l’aide d’instrument ;
visite et pansement
405
Décret du 21 novembre 1893 140
20 fr. 1°) Visite avec pansement 8 fr.
2°) Opération autre que l’autopsie 10 fr.
3°) Autopsie d’un nouveau né 15 fr.
Autopsie d’un nouveau né avant
inhumation
3°)
Autopsie d’un nouveau né après
exhumation
15 fr.
25 fr.
4°) Autopsie d’un adulte 30 fr. 4°) Autopsie avant inhumation 25 fr.
5°) Autopsie après exhumation 50 fr. 5°) Autopsie après exhumation 35 fr.
6°) Rapport payé par vacation
7°) Indemnités de transport par km
parcouru en allant et revenant
8°) Indemnités pour chaque jour de
séjour forcé
7 fr. / vac. de
jour
10 fr. / vac.
de nuit
6°) Rapport payé par vacation 5 fr. / vac.
Indemnités de transport (à plus de
2 km) par km parcouru en allant et
revenant en chemin de fer
0,50 fr. 7°) Indemnités de transport (à plus de
2 km) par km parcouru en allant et
revenant autrement
20 fr.
8°) Indemnités pour chaque jour de
séjour forcé
0,20 fr.
0,40 fr.
139 G. Alphandéry, « Révision du tarif des honoraires des médecins légistes », Revue des intérêts
professionnels, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1890, 3 ème série, t. 23,
pp. 556-557.
140 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., pp. 94-95.
10 fr.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Cependant, même s’ils n’obtiennent pas gain de cause sur le montant des nouveaux
tarifs d’expertises, certaines revendications des médecins ont été entendues et satisfaites.
Dorénavant, les indemnités ne répartissent plus les médecins en fonction du lieu où ils
résident : que l’homme de l’art sollicité effectue une autopsie “classique” à Paris ou dans
un petit village poitevin, il reçoit 25 francs. Les rédacteurs du décret ont également pris en
considération l’existence d’une diversité au sein de l’acte d’autopsie, diversité qui devait
transparaître dans les sommes attribuées à chaque opération. Ils distinguent un examen
pratiqué sur un nouveau-né du même acte réalisé sur tout autre individu, enfant ou adulte.
Ensuite, ils notifient pécuniairement une différence entre l’opération effectuée sur un
corps, avant son inhumation, et celle pratiquée sur une dépouille exhumée. Les risques et
les difficultés inhérents au développement de la putréfaction sont ainsi pris en
considération 141 .
L’autre élément qui marque une certaine prise de conscience des instances
dirigeantes, vis-à-vis de l’engagement personnel qu’une expertise médico-légale nécessite
de la part des hommes de l’art, est la rémunération du rapport. Auparavant, la rédaction du
rapport d’examen était comprise dans le montant de la visite ou de l’opération plus
difficile. A partir de novembre 1893, le rapport est facturé en sus à la justice, sur la base
minimum d’une vacation de 5 francs (article 4). De plus, en appliquant le principe des
vacations à la rédaction du rapport, soit un dédommagement proportionnel au temps
consacré à la tâche, le législateur signale qu’il a pris en compte le caractère multiple du
rapport d’expertise. Si certaines rédactions ne demandent au médecin qu’une petite heure
de son précieux temps, d’autres s’avèrent “chronophages”, exigeant « des expériences ou
de nombreuses recherches dans les archives de la science » 142 . L’expert détermine la
somme qu’il estime lui revenir, pour l’établissement du rapport, « suivant la peine [qu’il a]
eue » 143 . Néanmoins, pour éviter tout débordement, et la faillite de l’institution judiciaire,
la limitation à trois vacations par jour, présente dans le décret de 1811, est maintenue 144 .
En outre, le nouveau décret n’abroge pas entièrement celui de 1811.
L’augmentation des indemnités d’expertises ne concerne en l’occurrence que les examens
médicaux ante ou post mortem. Les autres experts continuent donc d’être rémunérés selon
le tarif de 1811 : « les chimistes, pharmaciens qui peuvent être chargés de faire une
141
Cf. le chapitre 8 pour une étude de la décomposition putride et de son influence sur la pratique de
l’autopsie judiciaire.
142
Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts devant les tribunaux… », art. cit., p. 96.
143 Ibid., p. 97.
144 Ibid.
406

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
expertise, ne seront pas taxés suivant les prix indiqués dans le décret du 21 novembre
1893, mais par le système des vacations de 1811 » 145 . De plus, comme le souligne
Alexandre Lacassagne en commentant les nouvelles modalités d’indemnisation en matière
d’expertises judiciaires, ne sont concernés que les actes médicaux exécutés à l’occasion
d’un délit ou d’un crime : « s’il s’agit de constatations faites pour une mort accidentelle,
ou suicide (noyé, pendu, etc.), les frais imputés sont au contraire payés par les
municipalités » 146 . A l’inverse des administrations judiciaires, les administrations
municipales ne revoient pas à la hausse le budget qu’elles consacrent à ces constats de
décès particuliers. La victoire des médecins experts est donc relative. Le nouveau barème
pose aussi un certain nombre de problèmes dans son application, voire apparaît parfois plus
néfaste que bénéfique en termes de montant d’honoraires perçu.
3) Application des nouveaux tarifs
Le nouveau décret ne répond pas à la réalité des expertises. En 1910, une
commission de la Société de médecine légale est chargée d’étudier la question des
honoraires des médecins experts. Le rapport qu’elle présente à l’issue de ses réflexions
souligne les imperfections du décret de novembre 1893, et y apporte quelques propositions
d’améliorations. En premier lieu, les membres de la commission mettent en lumière
l’erreur présente dans la répartition des tarifs en fonction des catégories d’autopsie. En
théorie, les difficultés et risques rencontrés lors de l’autopsie après exhumation sont bien
plus grands, en raison de l’avancée de la décomposition. Par conséquent, il apparaît
logique que l’indemnité perçue par le médecin soit plus élevée. La réalité est souvent toute
autre, et nombre d’autopsies réalisées avant l’inhumation peuvent s’avérer bien plus
« répugnantes et dangereuses » que celles pratiquées après une exhumation 147 . L’avancée
de la putréfaction n’est en rien liée au passage en terre ; un corps ayant séjourné plusieurs
jours dans l’eau présente une difficulté et un risque extrêmement plus importants, pour
l’homme de l’art, qu’un cadavre ayant connu des années de quiétude funéraire. De plus,
certains magistrats négligent les nuances que peut comporter le texte du décret. Au lieu de
lire « tout rapport écrit donne droit au minimum à une vacation de 5 francs », nombre
d’entre eux semblent avoir lu « tout rapport écrit donne droit à une vacation de 5 francs »,
145 Ibid., p. 95.
146 Ibid.
147 « La réforme des honoraires des médecins en matière d’expertises médico-légales », Société de médecine
légale, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1910, 4 ème série, t. 13, p. 395.
407

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
sans tenir compte du temps effectif demandé par la rédaction 148 . En plus de contenir des
décisions en complet décalage avec la réalité des expertises et de permettre des erreurs
dans son application, le décret de 1893 a des répercussions imprévues sur les sommes
perçues par les médecins experts.
La première conséquence non désirée, après la mise en place du décret de 1893, est
l’impossibilité de frauder. Paul Brouardel en fait la remarque :
« sous l’empire de l’ancien régime, le taux des honoraires était tellement dérisoire, que,
dans certains ressorts de province, il s’était introduit quelques atténuations, sous les
dénominations de frais d’instruments, vacations, etc. Aujourd’hui, cette tolérance n’existe
plus et alors que le tarif est relevé, les honoraires touchés par les médecins ont
diminué » 149 .
Comble du paradoxe, alors que les médecins obtiennent la révision des tarifs des expertises
médicales, après des années de lutte, les indemnités qu’ils reçoivent pour leur concours
s’avèrent parfois inférieures à ce qu’ils percevaient auparavant. Bien que paradoxal, ce
processus n’en est pas moins logique.
Face à une augmentation inéluctable de ses dépenses expertales, la justice fait
montre de prudence, voire de méfiance, à l’égard des mémoires d’honoraires établis par les
médecins experts. Un contrôle accru des documents produits par les hommes de l’art à qui
la justice a fait appel est nécessaire : d’une part, pour corriger les éventuelles erreurs,
résultats d’une habitude qui, au bout de quatre-vingts ans, s’est transformée en réflexe ;
d’autre part, pour lutter contre les abus. En effet, les nouveaux tarifs, bien que réclamés
depuis longtemps, n’entrent pas si facilement dans la pratique des médecins experts.
Nombre d’entre eux font de mauvais calculs, et commettent quelques interprétations
erronées. C’est la raison avancée par le garde des Sceaux pour justifier l’instauration d’une
circulaire quelques mois plus tard, le 31 juillet 1894, pour donner des précisions sur
l’application du décret :
« la vérification de plusieurs mémoires de médecins m’a permis de constater que
l’application du nouveau tarif des opérations médico-légales avait donné lieu à des erreurs
d’interprétation dont les conséquences sont particulièrement préjudiciables aux intérêts du
Trésor » 150 .
En conséquence, il revient aux magistrats d’effectuer un contrôle rigoureux des mémoires
qui leur sont soumis, en matière de vacations employées à la rédaction du rapport par
148 Ibid.
149 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 301.
150 E. Guérin, « Circulaire du Garde des Sceaux sur l’application du tarif d’expertises médico-légales (31
juillet 1894) », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, p. 748.
408

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
exemple : « toutes les fois qu’un mémoire compte de ce chef plus d’une vacation, les
magistrats taxateurs doivent vérifier quel est le développement inusité du rapport avant
d’admettre la dépense en taxe » 151 .
Mais d’aucuns font parfois preuve d’un zèle extrême, et en contradiction avec la
loi. A trop vouloir faire d’économies, suite à l’augmentation extraordinaire des tarifs des
expertises, certains magistrats en perdent leur bon sens. Le Journal de médecine et de
chirurgie pratiques se fait le relais de l’interrogation d’un médecin qui estime avoir été
lésé au moment de percevoir ses honoraires. Le médecin en question expose l’injustice
financière dont il a été victime dans un périodique, et demande l’avis de ses confrères à ce
sujet : l’homme de l’art est requis pour procéder à l’autopsie de deux corps, en compagnie
d’un officier de santé de la localité. Les deux experts procèdent de concert aux examens
post mortem, rédigent un rapport commun, et établissent chacun un mémoire d’honoraires.
Or, le juge d’instruction refuse de payer à chacun d’eux la réalisation de deux autopsies, et
la rédaction d’un rapport. En d’autres termes, la justice estime que chaque médecin a
réalisé deux moitiés d’autopsie, et un demi-rapport. L’auteur comprend d’autant moins
cette situation qu’auparavant, lorsqu’il pratiquait une expertise avec un confrère, chacun
était rémunéré intégralement pour l’acte, comme s’il avait agi seul 152 . La réponse du
« vice-président de l’association de l’Oise » 153 , sollicité sur cette question, est sans appel :
« comme le malade qui appelle deux médecins à son chevet, et remet, à chacun, le prix
ordinaire de la consultation, le Magistrat instructeur de Montmédy doit, à chacun des
praticiens, par lui requis, le montant intégral des honoraires que comporte l’expertise
médico-légale, dont il les a isolément chargés » 154 .
Si certains cherchent à interpréter le nouveau décret selon leur bon vouloir, d’autres
peuvent l’occulter totalement. Le Dr Dulout, praticien des Deux-Sèvres, l’apprend à ses
dépens en juin 1894. Quelques mois plus tôt, il est chargé par le juge d’instruction de
Melle d’effectuer l’examen cadavérique d’un nouveau-né. Il est ensuite convié à venir
déposer devant le tribunal comme expert. Suite à ce déplacement l’homme de l’art porte
réclamation auprès du greffier en charge de l’indemnisation des témoins et autres
protagonistes du procès. L’assignation qui a été adressée au Dr Dulout est « établie d’après
le décret de 1811 c’est-à-dire qu’elle présente à [son] désavantage une différence
151 Ibid., p. 749.
152 « Les nouveaux tarifs pour les expertises », Variétés, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à
l’usage des praticiens, Paris, Daix, 1894, t. 65, article n°16 104, p. 828.
153 Il s’agit très certainement de l’association de prévoyance et de secours mutuels des médecins de l’Oise.
154 « Les nouveaux tarifs… », art. cit., p. 828.
409

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
considérable » 155 . En se référant aux articles ad hoc, l’homme de l’art indique les sommes
qui lui sont dues :
-pour aller de Sauzé à Chef-Boutonne en voiture,
soit 30 km aller-retour à 40 centimes
-pour aller de Chef-Boutonne à Niort en train,
soit 112 km aller-retour à 20 centimes
410
12 francs
22,40 francs
-pour la déposition au procès 5 francs
-pour le séjour forcé, le médecin ayant dû partir
aux aurores et passer une nuit à Niort
10 francs
Le total des indemnités s’élève donc à 49,40 francs. L’expert paraît d’autant plus
surpris et désappointé qu’il s’était entretenu avec le greffier, dans la salle d’assises, de
l’instauration du décret de novembre 1893 et par conséquent de l’annulation des tarifs
établis par celui de 1811 156 . Faut-il y voir une manifestation contestataire, plus ou moins
consciente, des responsables financiers des tribunaux ? Toujours est-il que les nouveaux
tarifs n’ont pas influencé les magistrats quant au nombre d’experts médicaux requis 157 .
Bien qu’inférieur à la part des affaires n’ayant eu recours qu’à un seul expert, le
pourcentage des experts multiples demeure relativement important après 1893, même s’il
connaît une légère baisse dans le département de la Vienne (graphiques 35 et 36).
Outre les tâtonnements et petits ratés liés à la mise en place des nouveaux tarifs,
d’autres réflexions plus globales sur les expertises judiciaires font ressurgir fréquemment
la question de leur coût. Le projet de loi Cruppi souhaite instituer l’expertise
contradictoire, conférant ainsi à l’accusé le droit de requérir son propre expert. Du point de
vue financier, cette réforme est peu économique. Outre le fait que le nombre des experts
est obligatoirement multiplié par deux, un conflit, un désaccord, entre les experts des deux
camps, nécessite de facto l’intervention d’un troisième professionnel pour les départager,
arbitre qui devra bien sûr être indemnisé 158 .
La rémunération des médecins experts est un problème récurrent et qui n’a pas
disparu du paysage médico-judiciaire. Dans les années 1960, les arguments et
155
A.D.D.-S., 2U 340, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Lettre au greffier,
le 8 juin 1894.
156
Ibid.
157
Cf. dans le chapitre 1, l’analyse du nombre de médecins requis.
158
« A propos de la proposition de M. Cruppi sur la réforme des expertises médico-légales », Société de
médecine légale (séance du 19 juin 1899), Revue des journaux et des sociétés savantes, Archives
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1899,
t. 14, p. 455.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
revendications exprimés par les hommes de l’art semblent directement empruntés à leurs
prédécesseurs : montant dérisoire comparé à la responsabilité et au risque pris par le
médecin, sentiment d’être sous-estimé et lésé par la justice 159 . En fait, il apparaît que cette
revendication est symptomatique d’un mal-être plus général de la corporation des
médecins experts. En effet, plus qu’une bonne rétribution, les médecins qui acceptent
d’apporter leur concours à la justice souhaitent, en premier lieu, obtenir la reconnaissance
de l’importance de leur aide. Leur objectif ultime est la mise en place d’une véritable
professionnalisation de la médecine légale, autorisant alors les “carabins” à faire le choix
de cette seule activité pour carrière. Le montant des honoraires sert de prétexte
argumentatif aux porte-paroles de cette science. Le cheminement de leur pensée est
relativement simple et logique : pour obtenir des expertises sûres et utiles à la justice, il
faut des experts efficaces et compétents, qui, par conséquent, ont suivi une formation
adéquate et ne se consacrent ensuite qu’à cette discipline ; mais pour faire profession de la
médecine légale, encore faut-il être suffisamment rémunéré 160 .
Après une telle mise en lumière de la question financière, il est important de
rappeler que malgré les tensions et conflits liés à la question des indemnités perçues par les
médecins experts, peu de traces se retrouvent dans la pratique de l’expertise judiciaire,
c’est-à-dire concrètement dans les dossiers de procédures correctionnelles et criminelles. A
cela plusieurs explications possibles : une certaine pudeur ou décence d’hommes de l’art
qui préfèrent mentir en avançant une excuse fallacieuse plutôt que d’être regardé comme
un individu cupide ; un véritable dévouement envers la communauté, dans la droite ligne
de leur philanthropie professionnelle, les condamne à accepter toute mission confiée,
même s’ils ne doivent pas en sortir enrichis. Emettre des revendications pécuniaires est
inconciliable avec le désintéressement financier dont doit faire preuve tout praticien de
l’art de guérir. Cependant, il semble que l’antinomie disparaît au cours du XIX e siècle, à
partir du moment où la médecine est considérée comme une activité professionnelle à part
entière et non comme une simple œuvre humanitaire.
159 Cf. par exemple « Honoraires d’expertises en matière pénale », Bulletin de médecine légale et de
toxicologie médicale, Lyon, janvier 1964, n°1, pp. 19-20.
160 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts et les erreurs judiciaires », Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1897, t. 12, p. 16.
411

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
II) L’EXPERT AU SECOURS DE LA COMMUNAUTE
Le XIX e siècle laisse apparaître un nouveau visage de la médecine et de ses
praticiens, celui de la médecine sociale 161 . Dignes héritiers de l’idéologie philanthropique
des Lumières, les hommes de l’art du siècle de l’industrialisation tentent d’inculquer les
règles d’hygiène aux populations ou mènent des combats relatifs à l’amélioration de
l’hygiène publique, par exemple dans l’industrie en plein développement. Ils s’engagent
également dans les entreprises prophylactiques et les campagnes de vaccination, voire
consacrent un peu de leur temps aux bureaux de bienfaisance installés dans leur commune.
Etape ultime de leur implication dans la vie de la cité, nombre d’entre eux investissent le
champ du politique, ainsi que l’a montré Jacques Léonard 162 .
Le jeune homme qui décide d’embrasser la profession médicale doit être conscient
que sa tâche ne se limite pas à ausculter un malade, à poser un diagnostic et à lui prescrire
tel ou tel remède. Son action doit être plus large : « dans la plus humble sphère, celui qui
peut répandre la lumière, améliorer les conditions de la vie humaine, élever les âmes,
sauver des existences, réalise dans toute sa grandeur le rôle social du médecin digne de ce
nom » 163 . Il se trouve donc investi d’une mission de protection et de préservation, tant des
individus que des fondements sociaux dans lesquels ils évoluent.
Parmi les diverses sciences médicales, la médecine légale fait figure de précurseur
en matière d’implication sociale. Jean Lecuir la qualifie même de « science
161
Pierre Guillaume, Le rôle social du médecin depuis deux siècles 1800-1945, Paris, 1996, Comité
d’histoire de la Sécurité sociale, 319 p.
Cf. également les nombreux travaux menés sur l’assistance médicale fournit par les hôpitaux et autres
bureaux de bienfaisance : Anne-Marie Flambard Héricher, Yannick Marec (sous la dir. de), Médecine et
société de l’Antiquité à nos jours, Cahiers du GRHis, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2005, n°16, 157 p. ;
Micheline Louis-Courvoisier, Soigner et consoler. La vie quotidienne dans un hôpital à la fin de l’Ancien
Régime (Genève, 1750-1820), Genève, Georg Editeur, Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé,
2000, XVI-318 p. ; Yannick Marec (sous la dir. de), Accueillir ou soigner ? L’hôpital et ses alternatives du
Moyen Age à nos jours, actes du colloque « Hôpitaux, médecine et société du Moyen Age à nos jours.
Expériences régionales et perspectives nationales » (20 et 21 janvier 2006) organisé par le Groupe de
recherche d’histoire (GRHIS) de l’Université de Rouen, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de
Rouen et du Havre, 2007, Collection « Histoire & Patrimoines », 453 p. ; Yannick Marec (sous la dir. de),
Les hôpitaux de Rouen du Moyen Age à nos jours. Dix siècles de protection sociale, préface de Michel
Lagrave, s.l., Editions PTC, 2006, 178 p. ; Jacques-Guy Petit, Yannick Marec (sous la dir. de), Le social dans
la ville en France et en Europe (1750-1914), actes du colloque international d’Angers « Politiques sociales
urbaines en France et en Europe (fin XVIII e -début XX e siècles) » (6-8 avril 1995) organisé par l’HIRES de
l’Université d’Angers, Paris, Les Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, Patrimoine, 1996, 351 p.
162
Jacques Léonard, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs. Histoire intellectuelle et politique de la
médecine française au XIX e siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, 384 p.
163
Ambroise Tardieu, « Des devoirs publics du médecin », extrait du discours prononcé à la séance de
rentrée de la Faculté de médecine de Paris le 16 novembre 1863, Variétés, Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1864, 2 ème série, t. 21, p. 192.
412

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
transcendante », dans la mesure où « elle a pour vocation le bonheur de l’humanité, prise
comme corps collectif, mais aussi à travers chacun de ses individus » 164 . En effet, la raison
première de l’existence de cette science est « l’entretien du lien social » 165 . En tant
qu’« application de la médecine à des groupes sociaux », la médecine légale « traite des
droits et des devoirs d’individus réunis en société » et est appelée « à fournir au
législateur, au magistrat, à l’administration, des éléments et des données nécessaires pour
résoudre les problèmes les plus difficiles et les plus graves intéressant la société tout
entière » 166 . Habités par leur mission, certains acteurs de premier plan de la science
médico-légale ont érigé une déontologie de l’expertise, imposant certains devoirs à
l’homme de l’art requis par la justice, tout en lui conférant quelques pouvoirs.
A) Les devoirs du médecin expert
Le décès violent et infligé par autrui n’est pas un crime contre l’homme, mais
contre l’humanité 167 . L’affirmation, en forme de provocation, doit servir à faire remarquer
que la procédure judiciaire, mise en action lors de la perpétration d’un crime de sang, a
pour objectifs la protection de la communauté et le maintien de l’équilibre social qui la fait
exister. L’indemnisation, voire la satisfaction des espoirs vindicatifs, des victimes directes
ou indirectes de l’acte criminel, apparaissent secondaires. Une telle conception explique
d’ailleurs la poursuite judiciaire des suicidés, coupables d’“auto-homicide” 168 .
La médecine légale, et surtout ses praticiens, semblent avoir assimilé ce principe
fondamental, la primauté du bien de la communauté. Pour autant, ils ont également su
garder une certaine distance avec les fondements du système judiciaire. Par conséquent les
devoirs du médecin expert peuvent se résumer à trois préceptes : dévouement, prudence et
impartialité.
164 e
Jean Lecuir, « La médicalisation de la société française dans la deuxième moitié du XVIII siècle en
France : aux origines des premiers traités de médecine légale », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest :
La médicalisation en France du XVII e au début du XX e siècle, 1979, t. 86, n°2, p. 237.
165
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 2.
166
Ibid.
167
Cf. le développement de Michel Porret dans sa contribution « Victime du crime en son corps et en son
âme. Les enjeux de la médecine judiciaire au siècle des lumières à Genève » in Benoît Garnot (sous la dir.
de), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, actes du colloque de Dijon (7-8 octobre 1999) organisé par le
Centre d’études historiques sur la criminalité et les déviances de l’Université de Bourgogne, Rennes, PUR,
Histoire, 2000, pp. 470-471.
168
Cf. l’étude de Sophie Poirey, Droit, suicide, suicidés : Histoire d’une condamnation, thèse pour le
doctorat de droit mention histoire du droit, sous la dir. de Jean Bart, Université de Bourgogne, 1995, 449 f°.
413

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
1) Dévouement
La pratique de l’art de guérir signifie, en premier lieu, vouer une partie de sa vie à
prendre soin des autres. Le dévouement est donc une des qualités élémentaires du médecin.
Ce principe éthique a déjà été souligné lors de l’étude de la réquisition judiciaire et de son
possible refus 169 . Il est apparu que dans les affaires criminelles poitevines, rares étaient les
objections soulevées contre la réquisition adressée par l’instance judiciaire à un médecin.
Dans la majorité des sollicitations réalisées par la justice, les hommes de l’art ont
répondu présents. En outre, dans les quelques exemples de refus rencontrés au cours de la
consultation, il faut distinguer les refus définitifs des manifestations d’une condition.
Nombre d’hommes de l’art refusent de pratiquer seuls l’examen médico-légal ; sous-
entendu ils acceptent de le réaliser avec un confrère 170 . D’autres encore font usage de la
condition temporelle : ils ne pourront se déplacer et/ou pratiquer l’expertise que le
lendemain, généralement en raison de l’heure avancée et donc de l’obscurité qui
l’accompagne. Le 18 juin 1881, à 9h30 du soir, le juge d’instruction arrive chez une femme
soupçonnée d’infanticide et domiciliée à Montmorillon, arrondissement de la Vienne 171 .
Le magistrat est accompagné de son greffier et du Dr Félix Ducellier. Sur place, le juge ne
trouve ni corps du délit ni inculpée. Le procureur de la République vient en effet de les
faire transporter au parquet. Il est donc 11h passé quant l’expert médical est finalement mis
en présence du petit cadavre. Le Dr Ducellier déclare alors que « l’autopsie est impossible
à pareille heure » 172 . Celle-ci est donc reportée au lendemain matin.
Les hommes de l’art peuvent encore user d’excuses matérielles pour se soustraire
momentanément à la réquisition. Les conditions météorologiques constituent un
empêchement plausible. Mi-décembre 1812, le maire de Montbrun, commune du nord des
Deux-Sèvres, informe la justice de paix que, suite à la découverte d’un nouveau-né dans un
cellier, il avait sollicité les hommes de l’art des environs, mais aucun n’avait « voulu se
rendre à Tillé à cause de la difficulté des chemins » 173 . La possession d’instruments
adéquats est également une condition sine qua non pour répondre à une réquisition
judiciaire. Appelé à venir constater le décès d’une femme trouvée sans vie aux premiers
jours de l’année 1868, le Dr Brillanceau, médecin à Châtillon dans le département des
169
Cf. le chapitre 1.
170
Ce motif de refus sera abordé plus en détail dans la troisième partie du présent chapitre.
171
A.D.V., 2U 1714, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constat, le 18 juin 1881.
172
Ibid.
173
A.D.D.-S., 2U 66, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal
rédigé par le juge de paix, le 16 décembre 1812.
414

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Deux-Sèvres, se voit contraint de suspendre ses constatations, faute de matériel lui
permettant de pratiquer l’ouverture du cadavre 174 .
En matière de refus définitifs de répondre à une réquisition judiciaire, certains
peuvent être qualifiés d’involontaires, car consécutifs à l’absence du médecin au moment
où l’officier de police judiciaire est venu le prévenir. Le procureur de la République de
Bressuire est obligé, le 13 février 1882, de faire placer dans une caisse, et de faire
transporter au greffe du tribunal, le cadavre du nouveau-né découvert entre une paillasse et
une couche de plumes, dans une chambre de l’Hôtel de Londres. L’homme de loi doit
patienter pour faire réaliser l’examen cadavérique, aucun médecin n’étant présent à
Bressuire à ce moment-là 175 . Enfin, quelques praticiens déclinent la demande de la justice
prétextant un empêchement ou une obligation. En décembre 1864, le cadavre d’un homme
est extrait d’un puits sur la commune de Sossais, département de la Vienne. Après un
examen minutieux des vêtements du défunt, il apparaît qu’ils présentent un certain nombre
de tâches, supposé être du sang 176 . Pour en avoir confirmation, réquisition est faite des
services de Charles Robin, spécialiste d’anatomie microscopique et titulaire, depuis 1862,
de la chaire d’histologie à la Faculté de médecine de Paris 177 . Robin écrit alors au juge
d’instruction pour décliner l’invitation. Il est retenu par les examens officiels de la Faculté
de médecine, durant cette semaine, ainsi que la suivante. En outre, il signale que ses
occupations d’enseignement l’empêcheront d’accepter toute « mission médico-légale
durant le semestre scolaire » 178 .
Hormis ces quelques exemples de refus, au demeurant très exceptionnels il faut le
rappeler, les médecins sont plutôt enclins à accepter les réquisitions que la justice leur
adresse pour des constatations post mortem. Il semble que les praticiens poitevins
partagent, dans une grande proportion, l’opinion d’Ernest Chaudé : « les médecins qui
prendraient une telle résolution [refuser une réquisition judiciaire] manqueraient à tous
174 A.D.D.-S., 2U 255, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort », Rapport du Dr Brillanceau, le 2 janvier 1868.
175 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Infanticide », Procès-verbal de transport, le 13 février 1882.
176 A.D.V., 2U 1664, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
médecins, le 9 décembre 1864.
177 Otto Lorenz, « Robin (Charles) », Catalogue général de la librairie française, Paris, Lorenz, 1877, t. 6, p.
493 et 1887, t. 10, p. 514.
178 A.D.V., 2U 1664, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Lettre de Charles
Robin, le 17 décembre 1864.
415

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
leurs devoirs » 179 . Un médecin qui possède les capacités physiques et intellectuelles
suffisantes doit les mettre au service de la communauté sans hésiter. Ange Dambre formule
un souhait à ce sujet, « que le médecin sache s’imposer des sacrifices dans l’intérêt de la
société, et ne prive point la justice des lumières qu’il pourrait lui apporter » 180 . Deux
décennies plus tard, Gabriel Tourdes, peut-être marqué, pour ne pas dire choqué, par les
mouvements de grève déclenchés par les revendications pécuniaires des experts, enjoint,
de façon à peine masquée, les médecins sollicités par la justice à ne pas se refuser à elle :
« l’intérêt public est ici en jeu : si tous les médecins refusaient le mandat, le cours de la
justice pourrait être suspendu » 181 . Tourdes fait appel à la conscience morale de ses
confrères, rappelant que l’enjeu est bien trop important : « l’intérêt social y est engagé. Le
médecin qui, sans motif légitime, refuse d’éclairer la justice, se soustrait à une obligation
morale » 182 . Il en veut pour preuve la faible amende infligée aux hommes de l’art qui se
soustrairaient à la réquisition de la justice 183 . Selon lui, les instances préfèrent compter sur
le sens du devoir et la conscience morale des hommes de l’art, plutôt que de les contraindre
par la menace d’une répression sévère 184 .
Il semble que les médecins des villages et campagnes poitevines, bien que
probablement plus préoccupés par des sujets d’ordre pragmatique, partagent le sens du
sacrifice professé par ces auteurs. Pour cela, il est nécessaire de revenir aux honoraires des
médecins experts. En effet, il a été démontré que la question financière ne représentait
jamais un motif de refus pour les praticiens poitevins, hormis dans un seul cas. Or, le
désintéressement financier dont font montre les hommes de l’art, est indissociable de leur
dévouement à la communauté. Il en est même une preuve supplémentaire. Aider la justice,
en prenant sur son temps professionnel et en ayant parfaitement conscience que la perte
économique ne sera pas compensée par les dédommagements accordés par l’administration
judiciaire, relève du sacrifice. D’aucuns assimilent tant ce sens du sacrifice qu’ils
interviennent bénévolement auprès de la justice. Le 29 mai 1839, le Dr Philibert Dusouil
comparaît devant le juge d’instruction du tribunal de Melle, chef-lieu d’arrondissement des
Deux-Sèvres, pour apporter quelques précisions au rapport qu’il a rédigé suite à l’expertise
d’un nouveau-né. A la fin de sa déposition il est indiqué que l’homme de l’art a « refusé
179
E. Chaudé, « Rapport sur les droits et les devoirs des médecins appelés en justice comme experts »,
Société de médecine légale, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1875, 2 ème
série, t. 44, p. 383.
180
Ange Dambre, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 20.
181
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 119.
182
Ibid., p. 120.
183
Cf. le chapitre 1.
184
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 120.
416

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
taxe » 185 , c’est-à-dire la somme qui doit le dédommager pour son déplacement et les
quelques heures de travail perdues. Il est vrai que le praticien résidant lui-même à Melle, la
comparution n’a pas dû être trop coûteuse ni en transport ni en temps. Néanmoins, cela
démontre le sens du devoir partagé par nombre de membres du corps médical qui placent
l’intérêt général au-dessus de tout. D’ailleurs, dans la description du médecin expert idéal
par François-Emmanuel Fodéré, parmi les deux qualités morales, que doit posséder
l’homme de l’art, se trouve le désintéressement : « je désire aussi dans un médecin légiste
beaucoup de probité et de désintéressement » 186 .
Pour autant, le médecin requis comme expert ne doit pas avoir peur d’exprimer un
refus. Dans certaines conditions, ne pas répondre à la sollicitation de la justice ne constitue
pas une trahison de ses principes déontologiques, mais est au contraire la manifestation de
la seconde qualité qui doit régir les actions et décisions de l’expert médical : la prudence.
2) Prudence
Parmi le flot de recommandations déversé par la littérature médico-légale, il en est
une qui surpasse toutes les autres. Avant de savoir convenablement examiner une blessure,
avant d’être capable de relater clairement et précisément ses constatations dans un rapport,
avant de pouvoir manier avec assurance le scalpel, un médecin expert doit savoir prendre
la mesure de ses lacunes. Paul Brouardel met cet aspect en évidence dans les paragraphes
qu’il consacre à l’enseignement de la médecine légale :
« Il faut que cette instruction soit assez complète, j’insiste sur ce point, pour que le
médecin expert ait une notion précise des lacunes de son éducation, de sorte qu’il n’hésite
pas, par fausse honte, à demander, dans des cas particuliers, l’adjonction d’un expert plus
compétent dans des questions spéciales […] » 187 .
En d’autres termes, un médecin requis par la justice doit avoir l’honnêteté, pour ne pas dire
le courage, de refuser son concours par manque de compétences, le terme
d’“incompétence” suggérant plutôt une ignorance et une incapacité totales du praticien en
matière de médecine judiciaire.
Confronté à une situation qui nécessite des connaissances plus étendues que celles
dont il dispose, le médecin doit au minimum réclamer de l’aide, et en quelque sorte refuser
temporairement la demande que lui adresse la justice, quitte à placer celle-ci dans
185
A.D.D.-S., 2U 170, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Déclaration de
témoin, le 29 mai 1839.
186
François-Emmanuel Fodéré, « Légale (Médecine) », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier, et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 27, p. 390.
187
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 247.
417

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’embarras. A la fin mai 1822, le suppléant du juge de paix du canton de Vouillé, dans le
département de la Vienne, ne parvient pas à convaincre un officier de santé de procéder à
l’examen d’un nouveau-né, trouvé inhumé près d’une grange. Devant la gravité de
l’affaire, l’homme de l’art, un nommé Gaillard, réclame la présence d’un docteur en
médecine pour effectuer à ses côtés l’examen post mortem 188 . Le praticien choisi est
malheureusement malade et ne peut donc apporter son aide au premier expert. Le
représentant de la justice de paix réitère sa demande auprès de Gaillard qui refuse
catégoriquement d’opérer seul. L’état avancé de la putréfaction qui rend l’examen plus
compliqué et sa méfiance envers ses « propres connaissances dans un cas aussi grave », le
poussent à demeurer ferme sur ses positions de refus 189 . Le suppléant du juge de paix en
réfère alors au procureur du roi qui dépêche deux docteurs en médecine sur place pour
faire réaliser l’autopsie médico-légale 190 .
L’homme de l’art est donc tenu d’avoir conscience de ses limites en matière de
connaissances médicales, mais il doit également connaître celles de la science dans son
ensemble. Au risque de décevoir les grands espoirs que certains magistrats ont fondé sur
l’expertise, voire d’agrémenter la méfiance qui se développe parmi les membres de la
magistrature, le médecin expert à le devoir de faire part de ses doutes et de faire preuve
d’une extrême prudence, notamment dans les conclusions de son rapport. Durant tout le
XIX e siècle, il est possible de rencontrer ponctuellement, dans les dossiers de procédure
criminelle, des rapports médico-légaux aux conclusions incertaines ou qui contiennent une
discussion des données médicales devant tenir lieu de démonstration 191 . Les deux experts,
requis en juin 1867 par le juge de paix de Saint-Maixent, canton du sud des Deux-Sèvres,
sont quelque peu circonspects lors de la confirmation de l’hypothèse d’un suicide. S’ils
estiment « probable » 192 que la défunte ce soit elle-même pendue à la rampe de
188
A.D.V., 2U 545, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
suppléant du juge de paix, le 31 mai 1822.
189
Ibid.
190
A.D.V., 2U 545, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des
médecins, le 2 juin 1822.
191
Bruno Bertherat, en étudiant les registres de la Morgue de Paris, remarque une nette augmentation des
« conclusions incertaines », c’est-à-dire des rapports d’autopsie qui ne fournissent aucun élément quant à la
nature criminelle du décès. Cf. Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les
origines de l’institut médico-légal ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la
dir. d’Alain Corbin, Université de Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, vol. 2, f° 642-643.
192
A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre et vol qualifié »,
Rapport des médecins, le 3 juin 1868.
418

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’escalier 193 , ils signalent que la blessure de la tête et les traces de sang « laissent planer
sur le fait des doutes difficiles à éclaircir » 194 .
Une expertise médicale a pour objectif de reconstituer, avec le plus de détail
possible, le scénario qui a conduit au décès de l’individu. Il s’agit pour le médecin expert
de se rapprocher de la vérité médicale du trépas. Par conséquent, les preuves qu’il met en
lumière lors de ses constatations, puis lors de l’interprétation qu’il effectue, peuvent
prononcer la culpabilité du suspect, ou a contrario démontrer son innocence. Quelques-
unes des enquêtes judiciaires classées « sans-suite », et des instructions soldées par la
prononciation d’un non-lieu, sont consécutives de la démonstration du caractère accidentel
ou naturel du décès. La veille de Noël 1824, le garde-champêtre de Sainte-Verge,
commune du Nord Deux-Sèvres, accompagné d’une sage-femme, apporte au Dr Pierre
Allonneau le corps sans vie d’un nouveau-né. Requis comme expert par le juge de paix du
canton de Thouars, le médecin doit déterminer s’il existe des éléments « pouvant faire
supposer un crime » 195 . Après avoir examiné l’extérieur du corps, sans y relever aucun
indice de violence, le médecin expert porte son attention sur les divers organes. Lors de
l’exploration du crâne, l’homme de l’art est « frappé » par « l’absence complète du
cerveau » ainsi que de ses annexes 196 . Cette malformation constitue une « monstruosité
connue sous le nom d’anencéphalie ou acéphalie incomplète » 197 . Les autres constatations
qu’il réalise lui permettent de conclure que, d’une part, l’enfant n’a pas vécu et que, d’autre
part, il n’était pas viable. Le décès ne peut en aucun cas donner lieu à un « soupçon
d’infanticide » 198 commis par la mère, contre laquelle l’enquête était menée.
Les conclusions d’innocence du prévenu ne sont pas toujours aussi péremptoires.
Lorsque le doute et l’indécision demeurent dans l’esprit de l’expert, ils doivent profiter au
prévenu. Après l’examen d’un nouveau-né, le Dr Foucart se trouve dans l’impossibilité de
fournir des conclusions formelles sur la présence de manœuvres criminelles dont aurait pu
se rendre coupable la mère de l’enfant. Ne pouvant présenter ni une cause naturelle du
décès, ni l’existence de traces de violences ou d’absence flagrante de soins, l’expert
médical conclu en « faveur de l’innocence de la mère qui doit profiter du doute » 199 .
193
Ibid., Rapport du médecin, le 2 juin 1868.
194
Ibid., Rapport des médecins, le 3 juin 1868.
195
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Infanticide (mort-né) », Procès-verbal du juge de paix, s. d. [24 décembre 1824].
196
Ibid.
197
Ibid.
198
Ibid.
199
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Infanticide », Rapport médical, le 27 décembre 1876.
419

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
L’expertise médico-légale est un des instruments judiciaires qui doivent permettre
au magistrat de démêler le fil de la vérité. La difficulté réside dans le fait que la vérité
médico-légale n’est pas toujours en adéquation avec la vérité testimoniale ou avec la vérité
policière. Pour autant, les médecins experts ne doivent en aucun cas travestir leur vérité
sous prétexte d’être cohérent avec les éléments déjà collectés par l’instruction et ainsi
conforter le magistrat dans sa conviction. Ce précepte, tel un commandement, apparaît en
filigrane des nombreuses réflexions sur le rôle de l’expert médico-judiciaire, durant le
XIX e siècle et bien au-delà. D’aucuns abordent la question de front. Auteur de nombreux
articles relatifs à la médecine légale dans le Dictionnaire des sciences médicales de
Panckoucke et dans le Dictionnaire de médecine en 21 volumes, co-fondateur des Annales
d’hygiène publique et de médecine légale 200 , Charles Marc considère que le médecin
expert doit vouer un « culte » à la vérité 201 . Quant à Henri Legrand du Saulle, il y consacre
plusieurs lignes de son Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale :
« il [le médecin] ne doit interroger que ses connaissances et sa conscience pour la solution
des questions qui lui sont posées. S’il suivait la voie que le juge d’instruction prétendrait
lui imposer, il oublierait sa mission, il égarerait la justice au lieu de l’éclairer. Le médecin
doit la vérité à la justice, mais cette vérité il doit la faire connaître, comme elle s’est
présentée à lui-même, avec ses obscurités et ses doutes, si les résultats qu’il a obtenus lui
paraissent incertains et peu concluants » 202 .
Ce sont, en substance, les mêmes propos que tient Louis Mélennec, en 1969 : « le médecin
expert […] est au service de la vérité médicale » 203 . Or, en posant comme principes
fondamentaux la prudence des opinions avancées et la recherche de la vérité, les
théoriciens de la médecine judiciaire confèrent à son praticien un nouveau devoir à
respecter : la neutralité.
200
« Marc (Charles-Chrétien-Henri) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1871, 2 ème série, t. 4, p. 764.
201
Charles Marc, « Politique (Médecine) », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard
et al., Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 17, p. 316.
202
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 156.
203
Louis Mélennec, « Réflexions sur l’expertise médicale », Revue trimestrielle de droit sanitaire et social,
Paris, Editions techniques, juillet-septembre 1969, n°19, p. 216.
420

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
3) Impartialité
L’expertise judiciaire, et par conséquent ceux qui en sont les artisans, souffre des
délimitations souvent fluctuantes et approximatives qui sont attribuées tant à son rôle qu’à
son statut au sein de la procédure d’instruction. L’ambiguïté et la précarité de la situation
des experts médicaux ont été signalées lors des analyses successives de la réquisition et des
honoraires : l’expert est parfois assimilé à un simple témoin, pour ce qui est de la
déposition, mais en même temps il ne peut être contraint à participer à l’enquête, même sur
réquisition officielle du magistrat. Quelle est sa place parmi les diverses composantes de
l’administration judiciaire ?
Les médecins experts font partie du corps des auxiliaires de (la) justice, c’est-à-dire
des individus qui, en raison de leur activité professionnelle par exemple, contribuent au
fonctionnement de l’institution judiciaire, mais qui n’appartiennent pas à son
administration 204 . Les officiers de police, les avocats, les jurés ainsi que les témoins,
peuvent être classés dans cette catégorie 205 . Le médecin requis par la justice apporte donc
son aide à celle-ci. La question est de savoir si l’homme de l’art se met au service de
l’institution judiciaire, ou s’il est à ses ordres. Ange Dambre, auteur d’un Traité de
médecine légale et de jurisprudence de la médecine, considère qu’un médecin, appelé pour
apporter son concours scientifique lors d’une instruction, « est sous les ordres de celui qui
confère le titre d’expert ou de médecin légiste » 206 . La conception d’un médecin expert
soumis et obéissant est ouvertement rejetée par nombre d’auteurs. Martine Kaluszynski, en
étudiant les Archives d’anthropologie criminelle, rapporte les propos et écrits de leur
fondateur, Alexandre Lacassagne, sur la place et le rôle de l’expert vis-à-vis de la
magistrature. La médecine n’est plus, comme à l’époque médiévale, « servante de la
justice » 207 . A présent, le corps médical doit se positionner, et donc agir, comme un
« collaborateur indispensable » 208 .
En effet, considérer l’expert médecin “aux ordres” de l’institution judiciaire, et en
premier lieu de son représentant, signifie qu’il doit lui obéir : il serait évidemment tenu de
204
Cf. également les réflexions apportées dans le chapitre 3 au sujet de la spécialisation et de la
professionnalisation des médecins experts.
205
Il ne s’agit pas de la définition juridique du corps des auxiliaires de justice. En l’occurrence il semble que
celle-ci ait varié au cours des siècles.
Pour une étude des divers auxiliaires de (la) justice, cf. Claire Dolan (sous la dir. de), Entre justice et
justiciables…, op. cit., 828 p.
206
Ange Dambre, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 3.
207
Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement. Naissance et développement d’une science sociale
en France à la fin du XIX e siècle. Autour des Archives d’anthropologie criminelle d’Alexandre Lacassagne,
doctorat en histoire contemporaine, sous la dir. de Michelle Perrot, Université Paris VII, 1988, t. 1, p. 153.
208
Ibid.
421

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
répondre aux injonctions du juge en matière d’examens et d’analyses, mais ses
constatations et ses conclusions devraient correspondre aux directions prises par l’enquête
et aux convictions du magistrat instructeur. En revanche, un médecin expert “au service”
de la justice implique que l’homme de l’art met ses connaissances à la disposition du juge,
qu’il l’éclaire sur un certain nombre de faits, mais il demeure absolument libre dans
l’élaboration de ses conclusions. L’avis qu’il prononce au sujet des circonstances du décès,
des violences portées à la victime ou de l’implication de tel suspect, peut aller dans un sens
quelque peu différent de ce que l’instruction a établi, voire contredire les présomptions du
magistrat.
Souvent en admiration devant le fonctionnement des expertises médico-légales
outre-Rhin, le corps médical français n’envie pas son homologue allemand sur un aspect :
« excellente à d’autres points de vue, cette organisation [des expertises] a l’inconvénient
de faire sortir quelquefois l’expert de son rôle exclusif de médecin, et de solliciter de lui
des affirmations trop absolues » 209 . La littérature médico-légale est à peu près unanime sur
ce point : un médecin expert doit s’efforcer de tenir son rang, et son rang seul, celui de la
science. Tout autre implication outrepasserait ses attributions et ses compétences. Il semble
pourtant que les actions de certains praticiens de l’expertise médico-judiciaire aient
dépassé leur pensée.
Ambroise Tardieu, figure importante de la médecine légale du milieu du XIX e
siècle, réclame la plus grande impartialité des experts. Composant les divers portraits des
médecins experts venant déposer devant le tribunal, il décrit l’expert idéal : « le dernier,
plus modeste, s’efforce de rester scrupuleusement dans le rôle qui lui est tracé. Il ne sait
pas, il ne veut pas savoir quelle cause, de l’accusation ou de la défense, il favorise en
donnant tout à la vérité » 210 . Pourtant, le même Tardieu est critiqué, quelques années après
sa mort, sur la manière dont il collaborait avec l’institution judiciaire :
« Il est difficile de dissimuler que l’idée que Tardieu se faisait du rôle de l’expert n’est pas
conforme à celle que nous en avons aujourd’hui. Tardieu regardait l’expert comme un
véritable auxiliaire de la justice, appelé à concourir avec elle à la découverte du criminel,
à entrer dans ses vues et à la seconder de tout son pouvoir, et il agissait suivant la
conception qu’il s’était faite de son rôle » 211 .
209 « Pratique médico-légale du Dr Hermann Friedberg », Revue des travaux français et étrangers, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1882, 3 ème série, t. 7, p. 456.
210 Ambroise Tardieu, « Des devoirs publics… », art. cit., p. 185.
211 Léon Thoinot, « Histoire de la chaire de médecine légale de la Faculté de Paris (1795-1906) », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1906, 4 ème série, t. 6, p. 507.
422

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Léon Thoinot achève sa critique en portant une ultime estocade : la conception de Tardieu
« l’a conduit parfois à dépasser la mesure qu’il aurait toujours dû garder, et l’a engagé
dans quelques affirmations que nous jugeons aujourd’hui quelque peu aventurées » 212 . En
regard, tel le positif d’une photographie, Thoinot loue les préceptes défendus par Paul
Brouardel 213 :
« Les magistrats ne trouvaient plus en Brouardel, comme ils avaient trouvé en Tardieu, un
auxiliaire empressé, animé du vif désir de concourir avec eux à la découverte et à la
punition du crime. Ils ne trouvaient plus qu’un médecin formulant simplement les
conclusions médicales qu’il y avait à tirer du cas qui lui était soumis […] » 214 .
En outre, Thoinot remarque que la rupture instaurée par Brouardel, lors de ses
collaborations avec la justice parisienne, a déstabilisé les magistrats. Ils estimaient ses
rapports « beaucoup trop réservés » 215 . Cette remarque, presque anecdotique, soulève
pourtant un problème auquel nombre de praticiens requis comme expert sont confrontés :
la pression mise par les magistrats pour obtenir des conclusions sûres, et de préférence
corroborant leur opinion. Un médecin qui demeure vague et dubitatif dans les conclusions
de son rapport a de fortes probabilités d’être convoqué dans le cabinet du magistrat
instructeur pour s’expliquer et donner des compléments, voire d’être sommé de fournir un
avis plus tranché. Au cours de l’été 1897, la commune de Couhé, dans le sud du
département de la Vienne, est le théâtre d’une enquête relative à un cadavre de nouveau-né
découvert dans une citerne. Le Dr Edward Périvier, médecin à Civray, effectue l’examen
post mortem le plus complet possible, mais ne parvient pas à « affirmer que l’enfant a
succombé à la submersion » 216 . Devant tant d’imprécisions, le juge d’instruction relance le
médecin expert, par courrier, pour lui demander de préciser clairement la cause du décès.
L’homme de l’art maintient son incertitude et réitère ses explications quant à
l’impossibilité de formuler la moindre conclusion à ce sujet 217 . Certains magistrats
instructeurs espèrent que le cadre de leur cabinet déstabilisera l’homme de l’art et,
impressionné par un face à face, ce dernier délivrera quelques assertions plus franches. Est-
ce la raison qui pousse le juge d’instruction de Melle à convoquer le Dr Edouard Gaud
dans son bureau, une quinzaine de jours après que le médecin a pratiqué l’autopsie d’un
212
Ibid.
213
Les rapports conflictuels entre Brouardel et Tardieu, évoqués au cours du chapitre 3, et la relation de
maître à élève, puis de collaborateurs, qui unit Brouardel et Thoinot, ont peut-être poussé ce dernier à grossir
le trait de ses critiques et de ses louanges.
214
Léon Thoinot, « Histoire de la chaire… », art. cit., p. 514.
215
Ibid.
216
A.D.V., 2U 1752, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin, le 11 juillet 1897.
217
Ibid., Lettre explicative du médecin, le 10 août 1897.
423

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
homme dont le corps porte plusieurs blessures 218 ? Toujours est-il que le magistrat pose de
nombreuses questions au praticien, notamment sur la cause des fractures des côtes. Le
gendre de la victime est suspecté d’avoir frappé à plusieurs reprises son beau-père. Pour
évaluer la violence des coups et la résistance que la victime a pu leur opposer, le juge
demande au médecin, qui a également examiné le prévenu, si ce dernier est « plus
vigoureux et plus agile que son beau-père » 219 . L’homme de l’art, ne souhaitant semble-t-il
pas fournir au magistrat un argument supplémentaire pour accabler l’inculpé, préfère
répondre qu’il est « difficile de comparer un cadavre et un homme vivant » 220 .
Face à l’insistance du juge, le médecin expert doit camper sur ses positions
indécises. Dans le cas contraire, l’homme de l’art se substituerait au magistrat en émettant
une opinion, non pas fondée sur des constatations médicales, mais sur une intime
conviction. Le juge d’instruction est le seul à pouvoir « apprécie[r] la valeur des
conclusions […]. C’est lui qui leur donne la vie, qui les transforme en actes » 221 .
Rappelons-le, la préoccupation première de l’expert médico-légal, selon la formule de Paul
Hervé, est de chercher « la vérité toute nue » ; il « n’a pas à s’inquiéter de savoir si les
conclusions de ses travaux, de ses expériences ou de sa dissection seront favorables ou
nuisibles à l’accusé » 222 .
Cependant, la recherche de l’impartialité absolue du médecin expert, même si elle
constitue une réelle volonté du corps médical, ne semble pas apparaître dans la pratique
judiciaire. D’aucuns se plaignent de la réputation d’“expert de l’accusation” qui pèse sur
l’homme de l’art dès qu’il est appelé par la justice pour réaliser un examen. La raison de
cette situation est fort simple : un médecin qui effectue une expertise sur réquisition de
l’institution judiciaire, ne déposera lors du procès uniquement dans la mesure où ses
constatations et ses conclusions servent l’accusation 223 . En outre, nombre d’instructions qui
aboutissent à un non-lieu sont closes sur la base du rapport médico-légal, qui infirme les
soupçons du magistrat instructeur. « En ce cas l’affaire n’a aucun retentissement » 224 et le
médecin ne peut rendre public le rôle déterminant qu’il a joué dans l’élaboration de
218
A.D.D.-S., 2U 336, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures à ascendant
ayant occasionné la mort sans intention de la donner », Procès-verbal d’information, le 8 juin 1892.
219
Ibid., Déposition, le 23 juin 1892.
220
Ibid.
221
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 285.
222
Paul Hervé, « Médecine légale… », art. cit., p. 884.
223
Léon Thoinot, « Histoire de la chaire… », art. cit., p. 508.
224
Paul Brouardel, « De la réforme des expertises médico-légales », Société de médecine légale de France
(séance du 18 février 1884), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1884, 3 ème
série, t. 11, p. 346.
424

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’innocence du prévenu, ce qui « tend à laisser accréditer cette opinion que l’expert est
toujours du côté de l’accusation » 225 . Le manque de visibilité quant au second versant de
l’expertise médicale est à l’origine de quelques reproches dont ont été victimes certains
représentants de la discipline médico-légale. Réalisant la notice nécrologique d’Ollivier
d’Angers pour les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Henri Bayard prend
la défense de son confrère :
« Ollivier était consulté fréquemment par les Cours royale de Paris et de province ; ses
avis avaient une grande influence. Ceux qui lui ont reproché “de s’identifier quelquefois
trop aisément avec le rôle du ministère public, de se laisser aller ainsi à faire ressortir plutôt
les charges de l’attaque que les moyens de la défense, et de ne pas conserver toujours
l’impassibilité si nécessaire au médecin-légiste,” ceux là se sont trompés sur le caractère
d’Ollivier, et ils semblent ignorer complétement (sic) les devoirs des experts » 226 .
Et Bayard de justifier sa plaidoirie en rappelant que « les médecins-légistes sont consultés
le plus souvent par les magistrats sur des conséquences matérielles d’actes de violence
reprochés à des individus », et que « très fréquemment [leur] opinion fait suspendre ou
cesser les poursuites judiciaires » 227 .
L’accusation de partialité des experts médicaux explique les objections qui se
lèvent au sein du corps médico-légal contre l’instauration de l’expertise contradictoire. Le
projet de loi proposé par Jean Cruppi doit entraîner la réforme des expertises judiciaires,
réforme souhaitée depuis plusieurs années par les instances médicales. Des propositions
concrètes, sous forme de rapport, ont d’ailleurs été faites, notamment par la Société de
médecine légale, à partir du milieu des années 1880 228 . Parmi les modifications présentées
dans le projet Cruppi se trouve l’expertise contradictoire, dont le principe est relativement
simple : l’accusation, en l’occurrence le magistrat instructeur, et la défense, c’est-à-dire le
prévenu, choisissent chacun un médecin pour réaliser l’expertise 229 . Laissons de côté les
questions soulevées à propos des droits accordés à l’expert désigné par le prévenu, un
simple droit d’observateur ou la possibilité d’intervenir durant l’examen ; passons
également sur le problème suscité par l’absence de prévenu, dans les premiers jours de
225
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 135.
226
H. L. Bayard, « Notice sur C. P. Ollivier (d’Angers) », Annales d’hygiène publique et de médecine légale,
Paris, Baillière, 1845, t. 34, pp. 10-11.
227
Ibid., p. 11.
228
« A propos de la proposition… », art. cit., p. 450.
229
Projet de loi présenté par Jean Cruppi et adopté par la Chambre des députés le 30 juin 1899 :
Article 3 : « Le juge ou la juridiction compétente désigne sur la liste annuelle, dressée en conformité
des articles précédents, un expert ou plusieurs, s’il y a lieu à des recherches scientifiques distinctes. La
désignation dudit ou desdits experts est immédiatement notifiée à l’inculpé, qui a le droit de choisir sur la
liste annuelle qui lui est communiquée, un nombre égal d’experts ».
Cité dans Georges Morache, « L’expertise et le choix des experts », Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1900, 3 ème série, t. 43, p. 349.
425

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’instruction, qui prive de facto celui-ci de son droit d’être représenté au cours de
l’expertise par le médecin qu’il a choisi. L’objection la plus virulente que suscite
l’institution de l’expertise contradictoire est qu’elle balaie sans ménagement la
revendication farouche du corps médical de fournir à la société des experts impartiaux. Dix
ans avant que la proposition de loi ne soit présentée par Cruppi devant les députés, les
participants du congrès international de médecine légale d’août 1889 ont fait part de leurs
réserves à ce sujet. Un certain Da Silva souligne que « si l’on nomme un expert de l’accusé
et un de la défense, on excite les experts à se mettre en contradiction l’un avec l’autre, à
devenir des savants impartiaux, des avocats partiaux » 230 . En outre, les opposants de
l’expertise contradictoire mettent en garde contre l’altération, plus ou moins inconsciente,
des constats et des conclusions du médecin que pourrait provoquer le fait de travailler pour
l’une des parties, accusation ou défense. Son analyse serait en quelque sorte faussée car il
focaliserait son attention sur les éléments scientifiques favorables à celui qui l’a désigné :
« Experts de la défense ! Experts de l’accusation ! Une telle désignation contient
implicitement pour celui-là l’invitation à rechercher tout ce qui peut alléger les charges
relevées contre l’inculpé, tandis que le second, au contraire, devra s’efforcer de corser, de
nourrir, puisque c’est l’expression consacrée, le dossier accusateur » 231 .
L’imputation de partialité du médecin expert atteindrait son paroxysme et serait très vite
intensifiée par l’ombre de la vénalité.
Lors de l’étude des honoraires des expertises, la préoccupation du corps médical de
montrer son désintéressement financier a été soulignée. Néanmoins, les soupçons de la
cupidité de certains représentants de l’art de guérir ternissent l’abnégation collective. Bien
avant les propositions d’expertise contradictoire, il est possible pour un défenseur de faire
appel à son propre expert, que Louis Pénard qualifie d’« expert libre » 232 . La dénomination
est paradoxale, en regard de l’argumentation qui la suit, mais découle du fait que les
honoraires perçus seront libres et non établis suivant le décret de juin 1811. En
l’occurrence, la liberté quant au montant des honoraires est l’argument qui fonde le
soupçon de cupidité : « on peut le soupçonner bien à tort, cela va de soi, d’avoir puisé ses
arguments dans un honorarium en dehors du décret de 1811 » 233 . Pour appuyer sa
230 Guillot, Demange, « Des moyens les plus propres à garantir dans les expertises médico-légales les intérêts
de la société et des inculpés », Congrès international de médecine légale (séance du 22 août 1889), Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillère, 1889, 3 ème série, t. 22, p. 435.
231 Paul Hervé, « Médecine légale… », art. cit., p. 884.
232 Louis Pénard, « Redites au sujet des experts en matière de médecine légale », Société de médecine légale
de France (séance du 7 mai 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883,
3 ème série, t. 10, p. 58.
233 Ibid.
426

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
démonstration, Victor Parant, opposé à l’expertise contradictoire telle qu’elle est proposée
dans la loi Cruppi, prend l’exemple du système américain. Une enquête de la presse
américaine met en cause l’expertise contradictoire. Parmi les reproches formulés se trouve
le facteur pécuniaire : « la question des honoraires intervient, nous dit-on, et, quelles que
soient souvent l’honorabilité et la haute situation des experts, on considère que leur
opinion est fatalement subordonnée à la plus forte enchère » 234 . Soumis déjà à nombre de
critiques, les experts médicaux français ne souhaitent pas être accusés de se vendre au plus
offrant.
L’argumentaire élaboré contre la mise en place de l’expertise contradictoire
s’attache également à la terminologie choisie. En effet, l’adjectif “contradictoire” est, selon
certains, inapproprié, puisque que le principe juridique de la contradiction ne peut
s’appliquer à l’expertise. Avec la loi du 8 décembre 1897, l’instruction devient
contradictoire. Ce terme recèle une amélioration considérable des droits du prévenu : dès
lors il ne peut être interrogé qu’en présence d’un avocat ; de plus, il a la possibilité
d’assurer et d’élaborer sa défense au cours de la procédure d’instruction, notamment par
l’accession aux pièces du dossier 235 . Parmi les catégories d’auxiliaires de la justice, les
experts médico-légaux appartiennent aux « auxiliaires du jugement » 236 . A ce titre, leur
rôle et leur fonction au sein de la procédure judiciaire peuvent être assimilés à ceux du
juge. Or, il est inconcevable d’appliquer le principe contradictoire au juge et à son
jugement car « la fonction du juge l’élève au-dessus du débat, et nul ne songe à demander
que les juges criminels soient nommés par l’accusation et par la défense » 237 .
Cependant, la suggestion de faire pratiquer l’expertise par deux professionnels
rejoint les revendications du corps médical. Nombre d’auteurs réclament depuis plusieurs
années la systématisation des expertises judiciaires confiées au minimum à deux hommes
de l’art : « Comme les rédacteurs du projet de réforme, nous admettons donc qu’il y aurait
avantage à ce que les opérations médico-légales fussent pratiquées par deux
médecins » 238 . L’élément sur lequel les médecins demandent une révision est l’instance
234 Victor Parant, « La désignation contradictoire des experts devant les tribunaux », Revue pénitentiaire.
Bulletin de la Société générale des prisons, mars 1907, n°3, p. 347.
235 Ibid., p. 343.
236 Le Dr Victor Parant distingue trois catégories d’auxiliaires de la justice : « la justice répressive comprend
une poursuite, une défense, un jugement : il y a des auxiliaires de la poursuite : tel le commissaire de police,
auxiliaire du procureur de la République, qui apporte des charges contre l’inculpé ; on pourrait en
concevoir de la défense, si la défense était une fonction publique ; il y en a du jugement : ce sont les experts
lorsqu’ils apportent au tribunal ou au magistrat qui les a commis un élément d’appréciation nécessaire pour
sa décision ». Cf. ibid., p. 345.
237 Ibid.
238 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises… », art. cit., p. 347.
427

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
requérante, ainsi que souligné précédemment. Outre le fait que l’impartialité des médecins
désignés serait fortement mise en doute, des autorités requérantes distinctes risqueraient
d’être préjudiciable à l’établissement d’un rapport cohérent et utile :
« Nous pensons qu’il serait préférable que les deux experts fissent leurs opérations investis
par la même autorité […]. Selon nous, les intérêts de la vérité seraient ainsi sauvegardés et
surtout quelques-unes des difficultés qui naîtront de la collaboration de deux experts
représentant des intérêts opposés, seraient écartées » 239 .
La solution proposée par le corps médico-légal, et qui maintient une certaine forme de
contradiction expertale, est que chaque partie désigne un homme de l’art, mais que celui-ci
est ensuite officiellement requis par une seule autorité : l’instance judiciaire. Victor Parant
souhaite aller un peu plus loin dans l’équilibre des pouvoirs entre accusation et défense. Il
estime que le meilleur moyen de contrecarrer tout soupçon de partialité est de soumettre le
choix de l’expert médico-légal au principe de la récusation, tel qu’il est appliqué aux jurés :
« Sur cette liste [d’experts] le choix se ferait pour chaque affaire par désignation
contradictoire d’un ou de plusieurs experts, c’est-à-dire soit avec usage du droit de
récusation, soit mieux encore par le choix concordant des parties, homologué par le
juge » 240 .
En dépit de tous les efforts du corps médical et de toutes les tentatives de réforme
initiées par les représentants de la médecine légale ou qui leurs sont proposées dans la
seconde moitié du XIX e siècle, le médecin expert demeure un collaborateur partial de la
justice. La méprise de l’opinion publique découle de l’occultation systématique de
l’expertise et de son artisan, lors du procès, si ses conclusions ne corroborent pas
l’accusation. L’expertise médicale ne constitue qu’un élément parmi les nombreuses
informations que le magistrat rassemble durant son instruction. D’aucuns soulignent
l’importance et l’influence que représente l’expertise : « sans doute sa mission n’est que
celle de l’expert, il constate les faits, d’autres apprécient et jugent, mais, suivant la belle
expression de Paré, ils jugent suivant qu’on leur rapporte » 241 . Les auteurs d’écrits aussi
péremptoires, quant au rôle de l’expertise médicale, semblent avoir oublié que la décision
finale est dévolue au seul juge d’instruction qui, en outre, n’est pas tenu de les prendre en
considération. C’est en substance ce que Paul Brouardel cherche à souligner par la
239 Ibid.
240 Victor Parant, « La désignation contradictoire… », art. cit., p. 349.
241 Gabriel Tourdes, « Médecine légale », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1872, 2 ème série, t. 5, p. 680.
428

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
formulation suivante : « C’est le juge qui apprécie la valeur des conclusions, qui les
accepte ou ne les accepte pas » 242 . Il est impératif que l’expert médical demeure en dehors
du cercle décisionnaire de la justice. Pour cette raison, les auteurs qui réfléchissent sur les
droits et devoirs des médecins experts se montrent méfiants à l’endroit du pouvoir que l’on
veut conférer à ces auxiliaires de la justice, notamment par l’instauration du jury expertal.
B) La toute puissance du médecin expert
Pour remplir à bien la ou les missions dont ils se sentent investis envers la
communauté, les hommes de l’art doivent parvenir à s’octroyer une forme de pouvoir ou
un moyen d’influencer les instances dirigeantes. Dans le cas contraire, leurs démarches et
leurs revendications n’aboutiraient pas et ils ne tiendraient pas le rôle qu’ils se sont dévolus
ou que la société leur a attribué.
Il s’agit dans un premier temps de cerner les facteurs qui définissent les pouvoirs
des experts médicaux et leur influence dans la procédure judiciaire, même si le rejet de la
constitution d’un jury expertal démontre que les médecins experts ne cherchent pas à
conquérir le pouvoir judiciaire dans son ensemble, au point de remplacer magistrats et
jurés. Ensuite, il convient d’appréhender l’autre versant de ce pouvoir, c’est-à-dire sous
l’angle de ceux qui y sont soumis en priorité, les magistrats.
1) Les experts médico-légaux : un contre-pouvoir judiciaire ?
La nature des informations fournies par l’expert médico-légal demeure obscure. Les
écrits et les déclarations, tant du corps médical que de l’instance judiciaire, accordent une
place différente et changeante à l’expertise : tantôt simple avis, soumis à une forte
subjectivité, elle peut se voir qualifier de jugement, c’est-à-dire de décision neutre et
définitive sur les circonstances du trépas et sur ses causes. La situation en quelque sorte
intermédiaire de l’expert et de l’expertise, existe depuis le Moyen Age. Joseph Shatzmiller
signale qu’il existe une hiérarchie au sien des preuves admissibles par un tribunal. Les
juristes, face au développement de l’utilisation de l’expertise médicale, ont dû déterminer
la place de celle-ci :
242 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 285.
429

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
« ils ont insisté sur le fait que ce n’est qu’une “credulitas” et non pas nécessairement une
“veritas” qu’un expert prononce ; ils ont ajouté cependant que son opinion seule vaut plus
pour la cour que l’opinion de plusieurs autres témoins qui ne sont pas aussi renseignés que
lui » 243 .
Les dires du médecin expert constituent en somme une “super-opinion”, un avis qui ne
repose pas uniquement sur ce que l’homme de l’art a vu ou entendu, mais également sur ce
qu’il sait.
Or, ce savoir, ces connaissances sont, rappelons-le, ce qui distingue
intrinsèquement l’expert du simple témoin. Elles lui permettent de construire une réflexion
pour répondre aux questions du magistrat, alors que le témoin doit se contenter de réciter
des éléments purement factuels. La démonstration élaborée par le médecin expert, d’une
part, grâce à ses constatations et, d’autre part, grâce à son savoir scientifique, tient une
place primordiale dans l’établissement de l’accusation. L’influence et l’utilisation des
éléments médico-légaux par les hommes de loi ont été étudiées par Michel Porret, par
exemple dans l’ouvrage qui s’intitule Le crime et ses circonstances 244 :
« l’expertise médico-légale affine la qualification légale des crimes de sang. Apportant la
“preuve matérielle [qui montre] jusqu’à l’évidence la culpabilité” des accusés, elle renforce
ainsi la mise en accusation forgée par le Procureur général et induit la conviction des
jurés » 245 .
Fréquemment, le rapport médico-légal détermine s’il s’agit d’un pur accident, d’un
homicide par imprudence, à la fin du XIX e siècle, de coups et blessures qui ont occasionné
la mort mais sans intention de la donner, ou au contraire de meurtre, c’est-à-dire d’une
volonté manifeste de provoquer le trépas. Il existe de subtils degrés dans la mort et
l’expertise médicale est souvent le principal élément qui aide le magistrat à les distinguer.
L’effet décisif de l’avis expertal n’agit pas exclusivement sur le juge d’instruction
et le procureur. Les témoins et l’accusé peuvent en être victimes. Les observations médico-
légales et les conclusions qui en sont tirées sont mises en balance avec les déclarations du
prévenu. Les deux médecins, qui ont été chargés d’examiner un homme ayant reçu des
coups à la tête, sont appelés à comparaître devant le suppléant du juge d’instruction de
Parthenay. Après les avoir interrogé sur les blessures et leur gravité, le magistrat rapporte
aux hommes de l’art les déclarations de l’inculpé : il affirme que les blessures résultent de
243 Joseph Shatzmiller, Médecine et justice en Provence médiévale. Documents de Manosque, 1262-1348,
Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1989, p. 32.
244 Michel Porret, Le crime et ses circonstances. De l’esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les
réquisitions des procureurs généraux de Genève, préface de Bronislaw Baczko, Genève, Droz, 1995, 562 p.
245 Michel Porret, « Pratique pénale et médecine légale au XIX e siècle : la qualification des “mauvais
traitements” et des homicides, l’exemple genevois (1815-1890) » in Frédéric Chauvaud, Jacques-Guy Petit
(sous la dir. de), L’histoire contemporaine…, op. cit., p. 347.
430

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
plusieurs chutes dont le défunt aurait été victime. Pour les deux médecins experts,
l’explication est en contradiction avec les éléments constatés, puisque cela supposerait que
le défunt est tombé, à trois reprises, perpendiculairement sur le sommet de la tête 246 .
L’homme de l’art et son expertise peuvent même jouer un rôle dans l’obtention des aveux.
Le 26 juin 1875, le Dr Jean Aristide Chargelaigne est entendu par le juge d’instruction de
Civray, département de la Vienne. Le médecin présente un résumé des observations
effectuées sur le cadavre d’un nouveau-né, ainsi que ses conclusions. Lors de son
expertise, le 16 juin 1875, il évalue la date du décès à une trentaine de jours, eu égard à
l’état de décomposition 247 . Or, selon les aveux de la prévenue, l’accouchement et le trépas
ont eu lieu dans la nuit du 26 au 27 mars. L’expert médecin réfute absolument ces
allégations. Le magistrat fait alors entrer l’inculpée et l’interroge à nouveau en présence du
médecin. La conviction de Chargelaigne est intacte ; il maintient ses déclarations 248 . Le
juge d’instruction use donc de l’expertise et surtout de l’expert pour amener l’inculpé à
faire des aveux complets. Pour ce qui concerne les témoignages, l’expertise médicale
représente un risque. Si d’un côté, les déclarations des témoins peuvent venir corroborer
les éléments de l’examen, celui-ci peut également exciter certaines rancunes et certaines
inimitiés villageoises au point de provoquer des dépositions qui accablent le prévenu car
allant dans le sens des constatations médico-légales, mais qui en réalité ne reposent sur
aucun fait véritable. Suite à la « décision du médecin » 249 , les mauvaises langues se
délient :
« […] surgissent des témoignages mensongers ou des témoignages qui, vrais quant au
fond, quant aux faits principaux, reçoivent de la part de ceux qui les font certains
changements, certaines augmentations ou exagérations, certaines modifications ou
variantes qui donnent de suite une couleur accusatrice aux faits les plus simples et les
moins incriminables » 250 .
L’influence de l’expert sur la procédure judiciaire se trouve ensuite relayée par son
influence au procès. Il a été indiqué précédemment que si les conclusions de l’expert
correspondent aux attentes du procureur, l’homme de l’art est convoqué lors du procès
pour en relater les principaux éléments. A contrario, si l’expertise se solde par un doute, le
246 A.D.D.-S., 2U 185, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups volontaires suivis de
mort, portés sans intention de la donner », Information, le 8 novembre 1843.
247 A.D.V., 2U 1695, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Suppression d’un enfant né
vivant », Procès-verbal du Dr Chargelaigne, le 16 juin 1875.
248 Ibid., Information, le 26 juin 1875.
249 Desbois, « De la nécessité d’appeler deux médecins dans les affaires criminelles qui peuvent entraîner la
peine capitale », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1854, 2 ème série, t. 2,
p. 97.
250 Ibid., p. 98.
431

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
médecin est tenu à l’écart des débats. Dans le premier cas, l’impact des déclarations du
médecin expert sur les jurés est prépondérant et détermine en grande partie leur verdict :
« quant à la portée de cette décision du médecin sur le jury, il faut l’avouer encore, elle est
immense, et elle est d’autant plus grave, qu’après avoir déterminé l’accusation, elle vient
encore la corroborer par une déposition orale […]. On peut donc dire qu’en général
l’opinion du médecin légiste entraîne celle des jurés, et, comme on dit, fait loi en
justice » 251 .
Il faut cependant noter que leur force de persuasion bénéficie surtout du peu de
connaissances médicales et médico-légales que possèdent les jurés et les magistrats. Il est
aisé pour un médecin éloquent, et faisant montre d’une conviction sans faille, de
convaincre un jury que ses propos reflètent la réalité. Ce constat est encore d’actualité,
ainsi que le souligne Michael Lynch et Ruth McNally au cours de leur étude sur
l’utilisation de la preuve ADN par la justice : « le problème fondamental vient de ce que
les jurés sont peu familiarisés avec les matières techniques que les experts sont tenus
d’exposer en justice et qu’ils ont très peu l’occasion de s’instruire en la matière » 252 .
Malgré les progrès de l’instruction scientifique fournie aux élèves, malgré un vif intérêt
pour les avancées de ces disciplines, les citoyens seront toujours en retard sur ces
questions. Ils ne pourront acquérir autant de connaissances dans le domaine médico-légal
que les spécialistes, ils ne pourront en comprendre toutes les subtilités et les
problématiques. Ils seront donc tributaires des explications que les professionnels
daigneront leur communiquer : « les jurés (de même que nombre de juges, procureurs et
avocats) peuvent se retrouver à la merci d’experts qui formulent des assertions sur ce que
la preuve montre » 253 .
L’incompétence des jurés en matière scientifique a suscité la remise en cause du
bien-fondé de leur présence au procès. D’aucuns ont, en effet, suggéré que le jury classique
devait être remplacé par un jury qualifié de “technique” ou “jury d’experts”. Lors du
congrès d’anthropologie criminelle de 1889, l’Italien Pugliese fait la promotion du jury
technique, au détriment du jury populaire, pour les questions qui touchent aux preuves
scientifiques. Selon lui, seuls des hommes de l’art devraient être en mesure de juger la
valeur de l’expertise et des preuves qu’elle apporte : « il n’est pas raisonnable de faire
juger par le sens commun le jugement médico-légal et le rapport d’un expert par le
251 Ibid., p. 99.
252 Michael Lynch, Ruth McNally, « “Science”, “sens commun” et preuve ADN : une controverse judiciaire à
propos de la compréhension publique de la science », Droit et Société, Paris, LGDJ, 2RJ, 2005, n°61,
pp. 658-659.
253 Ibid., p. 659.
432

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
jury » 254 . Son argumentation est la suivante : il s’agit en fait d’éviter aux jurés d’avoir à
départager des expertises dont les conclusions divergent. Chaque partie, accusation et
défense, aurait la possibilité de présenter les données d’expertise qu’elle souhaite. Une
« commission technique » se chargerait alors de les étudier et de rendre, non pas « une
opinion, mais une vraie décision, laquelle arrêtera[it] à jamais le débat technique comme
chose jugée » 255 . Nombreuses sont les réactions d’opposition à l’instauration d’un jury
d’experts. Paul Brouardel voit deux objections principales au remplacement du jury
populaire par le jury technique. En premier lieu, « tout procès a plus d’un côté qui n’est
pas médical, et, dans ce cas, les médecins-légistes seraient bien incompétents » 256 . Ensuite,
mettre l’expert médical en position de juger accentuerait l’impression que l’expert travaille
pour l’accusation :
« n’avons-nous pas déjà beaucoup de peine à montrer que notre rôle n’est pas seulement
de doubler l’avocat général ? Si de simple conseil technique, l’expert devenait juge, ce
préjugé trouverait une bien plus vive et plus réelle apparence » 257 .
Cependant, la proposition de Pugliese met en évidence une des critiques faites au procès
criminel : le combat d’experts.
Sans aller jusqu’à la solution radicale de Pugliese, d’aucuns cherchent un moyen
pour subtiliser aux jurés le pouvoir de décider quel expert médecin a raison. David
Toscani, compatriote de Pugliese et doyen de la Faculté de médecine et de chirurgie de
l’Université de Rome, propose de créer un « corps d’experts supérieurs » 258 , sorte de
« haute autorité morale » 259 en matière d’expertise. Il préconise la disparition des
controverses expertales du procès. Pour cela, les deux parties doivent faire pratiquer, par
les médecins et autres professionnels de leur choix, toutes les analyses et constatations
scientifiques qui leur semblent nécessaires durant l’instruction. En cas de conflits ou de
divergences entre les avis émis par les experts, un corps de spécialistes reconnus serait
chargé d’examiner les rapports et les arguments des divers experts. A l’issue de leur
254 A. Pugliese, « Le procès criminel au point de vue de la sociologie », rapport sur la XII e question présenté
au II e Congrès international d’anthropologie criminelle (Paris, 10-17 août 1889), Archives de l’anthropologie
criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle. Législation et droit,
Lyon, Storck, 1889, t. 4, pp. 371-372.
255 Ibid., p. 371.
256 « Séance du 16 août », II e Congrès international d’anthropologie criminelle (Paris, 10-17 août 1889),
Archives de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique
criminelle. Législation et droit, Lyon, Storck, 1889, t. 4, p. 566.
257 Ibid.
258 David Toscani, « Des réformes à faire dans la procédure relative aux expertises médicales », Société de
médecine légale de France (séance du 7 mai 1894), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1894, 3 ème série, t. 32, p. 165.
259 Ibid., p. 163.
433

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
analyse, il serait en mesure de fournir aux magistrats et aux jurés le « dernier mot de la
science officielle » 260 . A l’inverse de Pugliese, Toscani laisse la liberté au tribunal et au
jury de suivre ou non l’avis de cette commission supérieure d’experts 261 . Pourtant, sa
proposition a également des détracteurs. Le principal reproche se fonde encore une fois sur
la place de l’expertise au sein du procès. Le verdict rendu par le jury n’a pas trait à
l’expertise, il n’a pas pour objet de confirmer ou d’infirmer les conclusions exposées par
l’expert 262 . La décision des jurés porte uniquement sur la culpabilité, et donc s’appuie sur
un ensemble d’éléments, parmi lesquels se trouve bien sûr l’expertise, mais également les
témoignages, les aveux. En outre, si la confrontation des opinions expertales a semé le
trouble dans l’esprit des jurés, « les hésitations et les doutes de la science doivent profiter à
l’accusé » 263 .
Les représentants de la médecine légale ont donc refusé, dans une très grande
majorité, d’obtenir le pouvoir ultime, celui d’instituer l’expertise médico-légale comme
une vérité imposée à l’instance judiciaire qui ne pourrait ni la rejeter, ni la critiquer. En
dépit de cette indéfectible volonté de maintenir une relative neutralité de l’expertise et de
ceux qui la pratique, les médecins experts sont régulièrement accusés d’avoir trop
d’ascendant sur les décisions de justice, voire de chercher à remplacer les magistrats. Forts
des succès que la médecine légale a pu remporter au tribunal, quelques médecins en
arrivent à oublier toute mesure et tout esprit critique : « vers le début de ce siècle, l’expert
a acquis une telle autorité dans le prétoire qu’il lui arrive d’imposer son point de vue alors
même que ses errements sautent aux yeux des juges et des jurés » 264 . D’aucuns semblent
succomber à la même tentation que les haruspices. Les devins étrusques, qui avaient la
capacité de prédire l’avenir, notamment en décryptant les signes dans les entrailles
d’animaux sacrifiés, ont parfois été tentés d’outrepasser leur rôle de simple interprète et
d’influer sur l’avenir lui-même 265 . De la même manière, les médecins experts cherchent
parfois à s’arroger le droit de décider à la place des instances judiciaires, ce qui
évidemment provoque de vives réactions de la part des magistrats.
260
Ibid., p. 164.
261
Ibid., p. 165.
262
Ibid.
263
Ibid., p. 166.
264
Pierre Darmon, Médecins et assassins à la Belle époque. La médicalisation du crime, Paris, Editions du
Seuil, 1989, p. 250.
265
Dominique Briquel, Chrétiens et haruspices : la religion étrusque, dernier rempart du paganisme romain,
Paris, Presses de l’Ecole Normale, 1998, p. 187.
434

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
2) Les magistrats et l’expertise : confiance, défiance et méfiance
A l’égard des médecins experts et de l’expertise, les magistrats ont des sentiments
ambigus et contradictoires. Incapables de résoudre par eux-mêmes les questions d’ordre
médico-légal, ils doivent se référer à ceux qui ont les compétences et donc leur faire
confiance. En raison de leur ignorance en la matière, les hommes de loi sont enclins à se
montrer soupçonneux envers le travail des experts médicaux. Leur suspicion prend alors
deux formes : d’une part, une certaine défiance envers les prouesses intellectuelles
réalisées par les hommes de l’art ; d’autre part, une méfiance vis-à-vis d’une prise de
pouvoir trop marquée de la part de ces praticiens de l’art de guérir.
De l’étude de l’utilisation des rapports d’expertises médico-légales par les
magistrats, il ressort que ces derniers suivent parfois les conclusions de l’expert
aveuglément, sans émettre la moindre objection. Une telle confiance s’explique par
plusieurs facteurs. Les représentants de la justice peuvent être éblouis par les lumières qui
entourent quelques experts, dont la renommée et la réputation d’autorité scientifique sont
gages d’expertise irrécusable. Il existe de nombreux exemples d’affaires criminelles au
cours desquelles le magistrat se fie à l’homme et non à la preuve qu’il apporte. Une
enquête criminelle, relatée par Pierre Darmon 266 , illustre cette confiance aveugle que les
magistrats accordent parfois à un expert du seul fait de leur poids dans la discipline. En
1863, un médecin homéopathe, Couty de la Pommerais, est soupçonné d’avoir empoisonné
sa riche maîtresse pour bénéficier de son assurance-vie. Des substances toxiques en
quantité importante ont été découvertes chez lui. Parmi ces substances se trouve de la
digitaline, utilisée pour les troubles du rythme cardiaque et qui , à forte dose, provoque un
arrêt du cœur. L’autorité judiciaire demande au célèbre Ambroise Tardieu et à son
collaborateur, le chimiste Roussin, de rechercher la présence de ce poison dans la dépouille
de la victime. Or, la science n’est pas encore en mesure de détecter la présence des
alcaloïdes, dont fait partie la digitaline. Il faut se contenter d’expériences sur des animaux,
réalisées à partir des organes de la victime, ainsi que des matières qu’elle aurait vomies.
Ces expériences étant positives, les chiens ont succombé, les deux experts affirment que la
défunte a été empoisonnée. La Pommerais est condamné à la peine capitale. Les médecins
experts n’ont pas réellement démontré la présence de digitaline en quantité pouvant
provoquer la mort. L’intime conviction d’une sommité de la médecine légale comme
Ambroise Tardieu suffit amplement pour satisfaire les juges.
266 Pierre Darmon, Médecins et assassins…, op. cit., pp. 253-254.
435

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
En outre, la confiance en l’expertise peut aussi s’imposer aux magistrats comme un
mal nécessaire qu’ils doivent accepter sous peine d’en subir personnellement les
conséquences. Le choix du médecin à qui confier l’expertise médico-légale est une
responsabilité qui incombe au juge, et à lui seul. Ainsi, l’homme de loi et l’homme de l’art
se trouvent liés. Or, si le magistrat rejette les conclusions du médecin expert, il reconnaît
qu’il a fait une erreur quant au choix du professionnel pour réaliser l’expertise. En d’autres
termes, il ne peut désavouer l’expert médecin sans se désavouer lui-même 267 .
La confiance de l’institution judiciaire en l’expertise se transforme parfois en un
espoir inébranlable que la science peut répondre à toutes ses attentes et résoudre tous les
problèmes qu’elle lui soumet. Influencés par l’attitude de certains représentants de la
médecine légale qui ont tendance à chanter les louanges de leur discipline, en occultant ses
faiblesses et ses ignorances, même provisoires, les magistrats imaginent que la science
médicale peut tout expliquer. La méprise des hommes de loi se manifeste en premier lieu
dans la réquisition. Lors des études qui ont porté sur la réquisition, puis sur la formation
des hommes de l’art, il a été souligné que pour les instances dirigeantes, tout titulaire d’un
diplôme médical est un expert médico-légal convenable. Ainsi que le souligne Paul Reille,
c’est une grave erreur et cela démontre que l’institution requérante n’a pas pris la mesure
des difficultés que peut représenter la résolution d’une expertise médico-légale :
« Malheureusement le public et même les magistrats s’imaginent, bien à tort, que le titre de
docteur délivré à un étudiant à la fin de ses études, comporte le certificat d’une
compétence générale sur tous les points qui de près ou de loin touchent à la médecine ;
rien n’est plus faux » 268 .
Au cours d’un plaidoyer en faveur des médecins de campagne, malmenés selon lui
par les instances judiciaires locales, le Dr Estradère expose la manière dont ces dernières
considèrent les hommes de l’art : « un expert obligé de savoir tout, dire tout, expliquer tout
et répondre à toute question posée par ces personnages [les suppléants du ministère
public] » 269 . La forte attente de la justice vis-à-vis de l’expertise médico-légale transparaît,
en effet, dans les demandes précises formulées par le juge d’instruction, lorsqu’il commet
le médecin, et surtout dans les relances qu’il peut lui adresser, à l’issue de l’examen, si
celui-ci n’a pas satisfait totalement son questionnement. A l’issue de son examen post
267 Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., p. 242.
268 Paul Reille, « Responsabilité des experts. Affaire Méloche », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1898, 3 ème série, t. 40, p. 48.
269 Estradère, « Le médecin de campagne. Médecin légiste forcé. Observation d’asphyxie par le gaz
d’éclairage devenue mortelle par une administration maladroite de l’ammoniaque », Société de médecine
légale de France (séance du 9 juin 1884), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1884, 3 ème série, t. 12, p. 175.
436

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
mortem pratiqué sur un nouveau-né dont la « mort si prompte » 270 a suscité le doute, le Dr
Foucart rédige une conclusion qui n’apporte aucune confirmation quant à une cause
naturelle ou, au contraire, criminelle. Face à cette indécision, le juge d’instruction sollicite
une nouvelle fois l’homme de l’art et lui pose deux questions précises :
« La mort de l’enfant doit-elle être attribuée à l’omission des soins habituels que reçoivent
les nouveau-nés ? L’enfant aurait-il vécu si une femme avec une certaine expérience, par
exemple la femme Drouet, avait été appelée près de la fille H. avant la naissance de
l’enfant ? » 271 .
Alors que le magistrat espère obtenir des éléments médico-légaux relatifs à la négligence et
à l’imprudence de la prévenue, le médecin expert rétorque que l’enfant a succombé à une
cause indéterminée et qui lui « échappe malgré les plus minutieuses recherches » 272 , mais
en aucun cas du manque de soins. Dans cette circonstance, l’expertise médicale n’a pu
fournir à la justice aucune information lui permettant de construire l’accusation.
En outre, la curiosité intellectuelle de certains juges, leur enthousiasme pour la
science médico-légale et, donc, leur conviction qu’elle est capable d’éclairer toutes les
circonstances nébuleuses d’un crime, les amènent parfois à faire montre d’un excès de zèle
expertal. Dans l’affaire d’homicide et de viol déjà mentionnée dans le chapitre 3, et pour
laquelle les yeux de la victime ont été prélevés pour être soumis à une expérience très
particulière, l’initiative de la requête scientifique revient au magistrat. Ainsi qu’il a été
expliqué, les circonstances laissent présumer que la victime a vu le visage de son meurtrier.
Le juge d’instruction invite alors le médecin qu’il a requis, à examiner les yeux de la
victime « pour savoir s’ils conservent encore l’image de l’assassinat » 273 . Une expérience,
menée sur les globes oculaires prélevés, doit en effet permettre d’obtenir la dernière image
photographique qui s’est imprimée sur la rétine avant le trépas 274 . Cette idée ne sort pas de
l’imagination farfelue du magistrat. Il justifie sa requête auprès de sa hiérarchie en se
référant à des « publications récentes » 275 qui rapportent que cette expérience a « réussi
plusieurs fois en Amérique » 276 . Malgré l’aval du procureur général 277 , l’examen n’est pas
270
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Infanticide », Rapport médical, le 27 décembre 1876.
271
Ibid., Rapport supplémentaire, le 15 janvier 1877.
272
Ibid.
273
A.D.V., 2U 1671, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Homicide volontaire et viol »,
Constat des lieux, le 25 octobre 1866.
274 A.D.V., 2U 1671, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Homicide volontaire et viol »,
Commission rogatoire du juge d’instruction de Châtellerault, le 26 octobre 1866.
275 Ibid.
276 Ibid.
277 Ibid., Autorisation pour nommer des experts afin d’examiner les yeux de la fille P., le 26 octobre 1866.
437

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
réalisé. Ambroise Tardieu tempère l’enthousiasme du juge d’instruction en renvoyant les
yeux, dans la boîte encore scellée, et accompagnés d’une missive dont l’argumentation est
catégorique : « l’idée de trouver sur la rétine l’empreinte d’une image qui s’y serait fixée,
non seulement n’a jamais été démontrée par l’expérience, mais est de celles qu’il est
permis de repousser a priori » 278 .
Or, avec des situations dans lesquelles la science médico-légale se montre dans
l’incapacité de répondre aux sollicitations des magistrats, pour lesquelles elle ne leur est
d’aucune aide, voire, comble de l’ironie, les empêche de mener leur instruction à son
terme, la confiance laisse place à la défiance. Quelques représentants de la justice en
arrivent même à émettre des doutes sur l’intérêt de l’expertise et sur les avis formulés par
ceux qui la pratiquent. La suspicion et la crainte sont filles de l’ignorance. Si les lacunes
médicales des hommes de loi favorisent certains médecins, puisque les premiers sont
admiratifs devant les petits miracles de la science, d’autres subissent leur mépris. Le
premier président de la cour d’appel de la Seine, Raymond Troplong 279 , l’exprime en des
termes quelque peu désobligeants :
« La médecine légale affecte depuis quelque temps la prétention d’imposer ses oracles à la
jurisprudence. Il faut avouer que ce que j’ai vu et entendu de certains médecins dans ma
carrière judiciaire dépasse toute croyance. Je pense que la médecine légale n’a ajouté
aucun progrès sérieux aux doctrines reçues dans la jurisprudence, et qu’elle ne doit en
rien les modifier » 280 .
D’aucuns semblent même vouloir discuter la valeur des observations et des
conclusions de l’expert médical, voire tenter de prendre la place des médecins experts.
Paul Reille en fait le reproche, dans une contribution qu’il consacre à l’affaire Méloche
dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale. Il critique, tout d’abord, l’idée
fausse que l’opinion publique se fait de ses connaissances scientifiques, trompée dans son
évaluation par la profusion d’informations et l’accélération de la diffusion des progrès de
la médecine :
« depuis quelques années, surtout depuis que la presse quotidienne répand à profusion de
tous côtés l’exposé des théories médicales et les méthodes thérapeutiques aussitôt après
leur découverte, le public, mis au courant des progrès de la science, s’imagine à tort qu’il
est apte à en discuter la valeur » 281 .
278
Ibid., Lettre d’Ambroise Tardieu au procureur impérial de la Seine, le 28 octobre 1866.
279 e
Frédéric Chauvaud, Les experts du crime. La médecine légale en France au XIX siècle, Paris, Aubier,
Collection historique, 2000, p. 58.
280
Gustave Germer Baillière, « Préface du traducteur » in Johann Ludwig Casper, Traité pratique de
médecine légale, traduit de l’allemand sous les yeux de l’auteur par Gustave Germer Baillière, Paris, Germer
Baillière, 1862, t. 1, pp. X-XI.
281
Paul Reille, « Responsabilité des experts… », art. cit., p. 69.
438

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Puis, il fustige les magistrats qui, « oubliant qu’ils sont incompétents en cette matière,
abordent trop volontiers les sujets médicaux et les discutent dans les considérants de leurs
jugements » 282 . Or, il semble que la situation ne soit pas apparue avec le XIX e siècle et la
propagation des connaissances médicales et scientifiques qui s’y déroule. Dans l’étude
qu’il consacre au rôle des hommes de l’art auprès du présidial de Poitiers entre 1750 et
1759, Fabrice Bernard indique que le magistrat n’hésite pas à s’approprier les conclusions
du médecin. En revanche, il ne l’assigne pas à venir affirmer la véracité de son rapport, ce
qui rend celui-ci irrecevable au tribunal. En effet, selon l’édit de février 1692, sans cette
authentification juridique, un procès-verbal n’a aucune valeur et ne peut être pris en
compte 283 .
En réalité, le mépris et la méfiance des magistrats est le symptôme d’un sentiment
plus profond qui apparaît de façon évidente dans les propos de Troplong : la peur que
l’homme de l’art remplace l’homme de loi. En assénant que la médecine légale « n’a
ajouté aucun progrès sérieux aux doctrines reçues dans la jurisprudence » 284 , Troplong
entend démontrer que la science médico-légale ne pourra jamais se substituer à la science
juridique. Ce sentiment des magistrats à l’endroit des hommes de l’art n’est pas nouveau
au XIX e siècle. Il est fort probable qu’il se soit manifesté dès les premières heures de la
collaboration entre la médecine et de la justice. Ensuite, il a pu être attisé par des attitudes
et des discours de certains médecins experts manquant d’un peu d’humilité et de retenue.
Comment peuvent être perçus les propos d’Ambroise Tardieu ?
« C’est une joie sans mélange et qui compense bien des amertumes, que de compter dans
sa vie le bonheur d’avoir épargné à la justice de son pays une de ces erreurs dont la
pensée seule fait frémir, et d’avoir, ne fût-ce qu’une seule fois, rendu un innocent à la vie,
à la liberté » 285 .
L’illustre médecin n’y présente-t-il pas l’expert médical comme un sauveur de la société
qui veille à ce que la justice et ses représentants ne se fourvoient et se compromettent en
condamnant un innocent ? Suggèrerait-il que les instances judiciaires sont incapables
d’établir la vérité et principalement la culpabilité ou l’innocence du prévenu, sans le
concours, pour ne pas dire le secours, des médecins experts ? Pour quelques magistrats
agacés, l’attaque peut être évidente.
282 Ibid.
283 Fabrice Bernard, Le rôle et la place des médecins et des chirurgiens dans la procédure d’établissement du
corps du délit en matière d’atteinte contre les personnes entre 1750 et 1759 ou l’art de « rédiger des procèsverbaux
» de visitation au présidial de Poitiers, maîtrise d’histoire moderne, sous la dir. de Didier Poton,
Université de Poitiers, 1998, f° 33.
284 Gustave Germer Baillière, « Préface… », op. cit., t. 1, p. XI
285 Ambroise Tardieu, « Des devoirs publics… », art. cit., p. 186.
439

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
De plus, quelques conflits de personnes ont vite dégénéré et démontré le pouvoir du
corps des médecins experts sur l’administration judiciaire. Deux exemples, anecdotiques
au premier abord, soulignent à quel point les experts médicaux disposent d’un
extraordinaire moyen de pression. Un novembre 1880, le discours tenu par le procureur
général Dauphin lors d’une audience solennelle, critique les experts du tribunal de la Seine.
Se sentant offensés, les auxiliaires de justice se mettent en grève, refusant de répondre aux
réquisitions qui leur sont transmises. Le magistrat est alors contraint de faire des excuses
publiques aux experts 286 . Dans le second exemple, un procureur indélicat est
professionnellement victime du pouvoir des médecins experts. Lors d’un procès, le
magistrat a malmené les deux experts entendus. Comme par représailles, tous les médecins
de la localité refusèrent ensuite les réquisitions d’expertise. Ils persistèrent dans ce refus
jusqu’à la mutation du procureur mis en cause 287 . Face à de telles situations, les magistrats
peuvent avoir l’impression d’être à la merci d’hommes de l’art susceptibles et capricieux
qui, au reste, sont pourvus d’un ascendant important sur la bonne marche de la justice.
Par conséquent, les instances dirigeantes, au premier rang desquelles les instances
judiciaires, cherchent par divers moyens à contrôler l’expertise médico-légale et ceux qui
la pratiquent. Plusieurs de ces procédés ont été décrits dans la première partie de la
présente étude : désignation de l’expert par les seuls magistrats, libres par ailleurs de
requérir le médecin de leur choix ; questions précises quant aux constatations à effectuer ;
serment renouvelé à chaque expertise ; familiarité sociale et promiscuité géographique
avec les hommes de l’art requis ; statut imprécis de l’expert ; professionnalisation
impossible en raison de revenus insuffisants ; spécialisation compromise par l’absence de
diplôme particulier de médecine légale. La tentative d’instauration de l’expertise
contradictoire peut être regardé comme un nouvel indice de la volonté de maintenir les
expertises judiciaires sous contrôle. En proposant que la défense dispose de son propre
expert, qui pourra examiner les agissements du praticien désigné par le parquet, le
législateur met en quelque sorte ce dernier sous surveillance.
Le XIX e siècle voit émerger un nouveau type de héros : le médecin. Les avancées
des sciences médicales assurent enfin aux hommes de l’art quelques succès thérapeutiques
286 Frédéric Chauvaud, Les experts du crime…, op. cit., pp. 59-60.
287 « Séances de la Société de médecine légale de France », Société de médecine légale de France (séance 12
février 1883), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883, 3 ème série, t. 9,
pp. 505-506.
440

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
et leur accordent ainsi un rôle de protecteur, voire de sauveur de la communauté. Portés par
cette réussite savante, les praticiens de l’art de guérir investissent encore plus le domaine
social. Ils multiplient les actions pour limiter les pollutions de nature industrielle, mènent
des campagnes de prévention contre les épidémies, diffusent des conseils sanitaires auprès
de la population. Chaque fléau social doit avoir son remède scientifique 288 . Concernant le
crime, deux sciences sont au chevet de la société : l’anthropologie criminelle et la
médecine légale. Mais si l’anthropologie criminelle tente d’enrayer la criminalité, les
artisans de la médecine légale affirment une position d’impartialité et revendiquent un seul
objectif, la recherche de la vérité. En revanche, une telle attitude n’est pas neutre. Elle
laisse apercevoir quelques dérives de l’expertise judiciaire, telle une prépondérance de
l’opinion des experts médecins sur le déroulement de l’instruction puis lors de l’audience,
provoquant alors des réactions de méfiance des magistrats. En outre, placer l’autopsie
médico-légale et son praticien sur le devant de la scène judiciaire n’est pas exempt de
conséquences pour l’homme de l’art.
288 Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement…, op. cit., t. 3, p. 741.
441

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
III) BONNE ET MAUVAISE PUBLICITE
La pratique de l’art de guérir est l’une des activités professionnelles les plus
dissimulées. Soumises au secret professionnel et au secret médical, les actions et les
décisions du praticien, ainsi que les déclarations du patient, doivent demeurer strictement
confidentielles 289 . Or, en apportant son concours à la justice, le médecin sort de l’obscurité
feutrée et protectrice de son cabinet, et met ses agissements en pleine lumière. De fait, une
telle exposition publique du savoir médical présente des risques pour les détenteurs de
celui-ci. Les hommes de l’art peuvent être la cible de certaines critiques relatives à leur
travail d’expertise dont les répercussions ne resteront pas limitées à la seule affaire
judiciaire concernée. Un nombre important d’erreurs judiciaires seront alors imputées aux
médecins experts, plus faciles à mettre en cause que l’institution judiciaire, mais dont la
responsabilité est difficile à prouver.
A) Risquer sa carrière pour quinze minutes de gloire
1) La notoriété
Il a été abordé, au cours du chapitre 3 de la présente étude, un aspect pouvant
présenter des similitudes avec la question de la notoriété, mais qui ne doit pas lui être
assimilée : il s’agit du statut d’autorité. En effet, les notions de notoriété ou de célébrité
suggèrent qu’un individu est connu par un grand nombre personnes, que le facteur à
l’origine de cette connaissance soit positif ou négatif. Il est inutile d’établir la liste des
voleurs, meurtriers, et criminels en tout genre qui ont joui, de leur vivant et parfois au-delà,
d’une notoriété bien supérieure à celle de leurs victimes ou de ceux qui les avaient
contraints à arrêter de nuire. A contrario, un individu se voit conférer le titre d’autorité
dans un domaine particulier, quand il a une influence, plus ou moins volontaire, sur les
décisions et les opinions de ses concitoyens.
289 Sur la thématique du secret médical cf. l’article de Gabriel Tourdes, « Secret médical », Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880,
3 ème série, t. 8, pp. 418-460. L’article est agrémenté d’éléments bibliographiques sur le secret médical et les
interrogations concrètes qu’il pose.
Cf. également le chapitre que Paul Brouardel consacre à ce sujet dans La responsabilité médicale…, op. cit.,
pp. 61-171.
Pour une approche historique, notamment en matière de médecine légale, voir l’étude de Jacques Léonard
dans Les médecins de l’ouest…, op. cit., t. 3, pp. 1369-1374.
442

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Les hommes de l’art qui souhaitent acquérir une certaine autorité dans leur
discipline doivent d’abord acquérir de la notoriété. Dans cette optique, l’expertise
judiciaire peut être un procédé pertinent et efficace pour se faire un nom et attirer une
clientèle. Chantant les louanges de la pratique de la médecine légale, Alphonse Devergie
indique qu’elle est la seule activité médicale qui est capable de conférer une
reconnaissance à l’homme de l’art :
« La pratique de la médecine légale est encore délaissée. Elle offre pourtant plus d’attraits.
Elle ne connaît pas l’oubli du service rendu, comme on ne le voit que trop souvent dans la
médecine pratique ordinaire. Le médecin y est mis tout entier en relief : conscience, savoir,
ambition légitime, tout y est satisfait » 290 .
Paul Brouardel, au détour d’une argumentation critique contre les honoraires des médecins
experts, souligne la jeunesse des praticiens requis par les tribunaux et ajoute que ceux-ci
« cessent de pratiquer la médecine légale dès que la clientèle commence à leur venir » 291 .
Une telle remarque laisse entendre que la motivation des jeunes praticiens de l’art de guérir
est double : obtenir quelques revenus, même minimes, et se faire connaître de la population
pour établir leur clientèle.
Quelques exemples auraient tendance à donner raison à ces jeunes médecins ayant
soif de reconnaissance, populaire comme savante. La médecine légale est une discipline
qui élève ses meilleurs représentants au-dessus des autres membres du corps médical, au
point de leur ériger des statues. Trois ans presque jour pour jour après le décès de Paul
Brouardel 292 , un monument à son effigie est inauguré, le 20 juillet 1909. Frédéric
Chauvaud offre une description du monument, dont la photographie est reproduite dans un
numéro des Annales d’hygiène publique et de médecine légale (illustration 29) 293 : « Il se
compose d’une stèle sur laquelle est placé un buste en marbre de Brouardel, revêtu des
insignes de professeur. Au pied, deux figures allégoriques représentent l’Hygiène et la
Médecine légale » 294 . Il convient cependant de noter que rares sont ceux qui ont reçu des
290 Alphonse Devergie, « Allocution prononcée à la Société de médecine légale » (séance du 9 mars 1868),
Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1868, 2 ème série, t. 30, p. 139.
291 Paul Brouardel, « De la réforme des expertises… », art. cit., p. 363.
292 Paul Brouardel est décédé le 23 juillet 1906 des suites de la tuberculose.
Cf. la notice nécrologique que lui ont consacré Alexandre Lacassagne, dans les Archives d’anthropologie
criminelle, et Léon Thoinot, dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale : Alexandre
Lacassagne, « Paul Brouardel. L’homme, le professeur, l’expert », Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1906, t. 21, pp. 759-764 ; Léon
Thoinot, « La vie et l’œuvre de Paul Brouardel (1837-1906) », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1906, 4 ème série, t. 6, pp. 193-235.
293 « Inauguration du monument élevé à la mémoire du professeur Brouardel », Variétés, Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1909, 4 ème série, t. 12, p. 231.
294 Frédéric Chauvaud, Les experts du crime…, op. cit., p. 61.
443

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
éloges comparables à ceux de Paul Brouardel, éloges matérialisés par un monument dédié
au maître de la médecine légale parisienne.
Source : Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1909, 4 ème série, t. 12, p. 231.
Illustration 29 : Monument élevé pour Paul Brouardel.
444
La presse est traditionnellement l’un
des premiers pourvoyeurs de récits relatifs
aux crimes de sang, crimes pour lesquels
un médecin peut avoir pris part à
l’instruction, au titre d’expert judiciaire 295 .
Néanmoins, l’expert demeure un héros
discret, presque invisible, jusqu’à
l’explosion de la presse populaire à la Belle
Epoque 296 . Pour autant, il ne faut pas
imaginer que l’homme de l’art requis
comme expert se trouve protégé par un
supposé anonymat, au XIX e siècle. En
effet, une nouvelle n’a pas nécessairement
besoin d’être inscrite sur du papier pour
être véhiculée. Dans une région où l’oralité
est fortement ancrée, avec une population
encore largement illettrée, la rumeur et le
ouï-dire sont les modes de transmission de
l’information les plus courants.
En outre, le caractère semi-secret de l’instruction et le caractère public du procès
permettent à nombre d’éléments de l’enquête, et donc de l’expertise, de filtrer hors les
murs du cabinet du magistrat. Les recherches du magistrat instructeur sont fréquemment
épiées par quelques voisins et autres curieux, notamment dans les campagnes. Quant aux
295 Cf. sur la presse du faits divers criminel, l’ouvrage de Dominique Kalifa, L’encre et le sang. Récits de
crimes et société à la Belle Epoque, Paris, Fayard, 1995, 351 p.
296 Frédéric Chauvaud, « Le scandale expertal. Les experts judiciaires et l’opinion publique : l’exemple de la
France (fin XIX e -début du XX e siècle) in Claire Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables…, op.
cit., p. 756.

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
faits et gestes du médecin expert, il n’est pas rare qu’ils soient eux aussi soumis au regard
inquisiteur d’une population mi-excitée, mi-agacée par l’intrusion des autorités dans leur
tranquille localité. Le 11 pluviôse de l’an IV, l’officier de santé Simonet se transporte en la
commune de Chenay, département des Deux-Sèvres, dans une maison où deux femmes
gisent sans vie. Il est accompagné « [du] juge de paix, [du] greffier et [d’une] foule
considérable de citoyens et citoyennes » 297 . En outre, la présence d’un public dans la salle
du tribunal facilite la diffusion des propos tenus par le médecin expert durant les débats. La
déposition devant le tribunal peut être alors l’occasion pour l’homme de l’art de faire
montre de ses talents de praticien. Doté de quelques dons oratoires, il relate avec assurance
l’examen qu’il a réalisé et démontre la justesse de son raisonnement. En revanche, s’il
bafouille, hésite, ses propos peuvent manquer de clarté et de précision. Le doute quant à
ses compétences s’installe alors dans l’esprit des jurés, des magistrats et de la population
présente aux débats. Or, du fait que l’expertise judiciaire est une médaille qui a son revers,
nombre de praticiens de l’art de guérir fuient son exercice.
2) Une réputation en jeu
La pratique de l’expertise médico-légale nécessite-t-elle une part de courage,
d’audace, voire d’inconscience ? A en croire quelques auteurs, il semblerait que oui.
Alexandre Lacassagne regrette que dans nombre de localités, les examens médico-
judiciaires soient presque exclusivement assignés à de « jeunes médecins, plus audacieux
qu’instruits » 298 . Mais, loin d’accabler les novices de l’art de guérir, il reproche aux
« praticiens distingués et exercés, ayant les qualités nécessaires pour rendre service à la
Justice, [de fuir] les expertises et les ennuis qu’elles occasionnent » 299 . Il prophétise
d’ailleurs que les jeunes médecins abandonneront à leur tour l’assistance judiciaire : « leur
réputation faite, [ils] s’occupent d’une clientèle plus rémunératrice et passent la main à
des nouveaux débutants » 300 .
La raison du désintérêt, pour ne pas dire de la fuite, des médecins expérimentés et
installés dans la communauté, est que la fonction d’expert judiciaire apparaît bien trop
297 ème
A.D.D.-S., L 2 Supplément U 28, « Dossiers de procédures criminelles. Homicides », Rapport médical,
le 11 pluviôse an IV.
298
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, 1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm.,
Lyon, Storck, 1900, p. VIII.
299
Ibid., p. IX.
300 Ibid., p. VIII.
445

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
risquée pour leur carrière et leur réputation : « il faut en effet vraiment avoir quelque
courage,[…] pour entrer dans une carrière où la responsabilité est énorme, où à chaque
affaire on risque sa réputation et sa situation » 301 . L’argument avancé par un médecin de
la Vienne, pour justifier son refus d’apporter des soins à un homme blessé, suggère son
appréhension d’être impliqué dans une enquête judiciaire. Le 6 octobre 1849, Alexandre
Niézabitowski, docteur en médecine à Mirebeau, est prié par une femme, alors qu’il circule
devant le domicile de celle-ci, de venir soigner un voyageur malade. L’homme a reçu des
coups de marteau à la tête. L’homme de l’art préfère alors qu’il soit fait appel à l’un de ses
confrères, car il « n’aime pas donner des soins à des personnes qui ont été blessées par
suite d’une querelle » 302 . En d’autres termes, le médecin ne souhaite pas être mêlé à une
affaire dans laquelle la justice va probablement intervenir.
En effet, pour un homme de l’art, prendre part à une action d’ordre publique
signifie que les regards vont être tournés vers lui. En conséquence, il n’a pas le droit au
moindre écart de conduite, à la moindre erreur, sous peine d’être taxé d’incompétence. Le
discrédit qui leur est infligé peut avoir deux origines différentes : la procédure judiciaire
puis le procès, d’une part, et la presse, d’autre part. Le médecin qui apporte son concours à
la justice peut être mis en cause, dès la tenue de l’instruction. Avoir recours à un second
avis expertal, faire pratiquer une contre-expertise par un autre homme de l’art, laisse planer
le doute quant aux compétences du premier médecin, dont les conclusions n’ont pas
satisfait le magistrat. Un officier de santé deux-sévrien en fait la désagréable expérience en
février 1831. Appelé par le juge de paix de Ménigoute pour assister à l’exhumation d’un
enfant nouveau-né et en faire ensuite l’examen, il conclut que l’enfant n’a pas été « victime
de strangulation ou d’un autre moyen de destruction quelconque » 303 . Le procureur du roi
et le juge d’instruction émettent quelques réserves quant à la valeur de l’examen
cadavérique réalisé par l’officier de santé, dans la mesure où ce dernier n’a pratiqué
« aucune des expériences usitées de la médecine légale pour établir si un enfant est né à
terme, s’il était viable et s’il a respiré » 304 . Ils décident donc de faire pratiquer une seconde
expertise par un médecin de Parthenay qui conclut, lui, à « l’asphyxie par
strangulation » 305 .
301
« La réforme des honoraires… », art. cit., p. 401.
302
A.D.V., 2U 1593, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Blessures ayant occasionné la
mort sans intention de la donner », Information, le 18 octobre 1849.
303
A.D.D.-S., 2U 135, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Certificat de
l’officier de santé, le 20 février 1831.
304
Ibid., Procès-verbal du juge de paix, le 22 février 1831.
305
Ibid., Procès-verbal de médecin constatant la visite et l’ouverture de l’enfant, le 25 février 1831.
446

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
Dans d’autres cas, l’analyse produite par l’expert peut se retourner contre lui. En
1867, lors d’une affaire d’empoisonnement, Louis Ganne, médecin et maire de Parthenay,
chef-lieu d’arrondissement des Deux-Sèvres, est appelé pour donner des soins à l’un de ses
patients. Après l’avoir examiné et lui avoir administré quelques remèdes, Ganne arrive à la
conclusion que l’homme est victime d’un empoisonnement. Ses soupçons se portent sur
l’entourage familial du malade. Il informe la justice du drame qui est en train de se jouer,
mais la famille retourne l’accusation et affirme que c’est Ganne lui-même qui a provoqué
la maladie, puis le décès de leur proche 306 . Cette triste affaire n’a pas eu de véritables
conséquences néfastes sur la carrière médicale comme politique de Louis Ganne 307 .
Néanmoins, il est possible d’envisager que cela a influencé quelques-uns de ses
concitoyens dans les mois qui ont suivi la révélation de l’affaire, et que la réputation du
praticien a pu en pâtir.
En outre, des déclarations un peu hâtives du médecin expert sont susceptibles d’être
utilisé contre lui, si elles ne sont pas en adéquation avec ce qu’il explique lors de sa
déposition devant les jurés :
« toute parole qui sort de sa bouche est observée, épiée et transcrite soit par le brigadier
de gendarmerie, soit par le commissaire de police ou le greffier du juge de paix et il faut,
ensuite, qu’il en rende compte dans son rapport médico-légal, sinon on lui fait subir un
interrogatoire dans lequel il est obligé de s’expliquer sur les quelques paroles qu’on lui a
arrachées pendant son examen du corps du crime ou du délit » 308 .
Au sujet de l’instruction, la littérature spécialisée et les illustres praticiens de la médecine
légale recommandent une stricte discrétion au médecin chargé de l’examen. Aucune
conclusion, aucun avis ne doivent être émis oralement devant le magistrat, avant la toute
fin de l’expertise qui se matérialise par la rédaction du rapport :
« Il vous arrivera souvent d’être ainsi interrogés par un juge, d’être incités à formuler vos
conclusions avant que votre expertise soit complète. Ne dites rien qui engage l’avenir. La
réponse formulée par vous dans de telles conditions pèsera sur les suites du procès, sur le
sens des conclusions que vous fournirez à la fin de votre rapport » 309 .
306
A.D.D.-S., 2U 255, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Déposition
de Ganne, le 14 août 1867.
307
Pour évaluer l’impact éventuel de cette affaire sur la carrière et la réputation de Louis Ganne, il
conviendrait d’étudier la presse locale à l’époque de l’instruction, puis du procès. Un élément suggère
cependant l’influence minime que cette accusation a pu avoir : élu maire en 1864, Louis André Ganne le
demeure jusqu’en 1874, puis est réélu en 1876.
Cf. Maurice Poignat, Le Pays de Gâtine. Histoire des communes des Deux-Sèvres : Parthenay. Saint-Loupsur-Thouet,
Poitiers, Michel Fontaine, 2003, p. 71.
308
Estradère, « Le médecin de campagne… », art. cit., p. 175.
309
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 284.
447

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
La réserve du médecin expert est d’autant plus indispensable que des témoins peuvent
assister à l’examen cadavérique : officiers de police judiciaire bien sûr, mais également la
famille du défunt et/ou de l’accusé, voire le prévenu en personne. En février 1879, Alfred
Jamet, docteur en médecine à Loudun, département de la Vienne, est requis pour examiner
le corps d’une fillette de 3 ans décédée probablement des suites des mauvais traitements
infligés par ses parents. Le médecin expert effectue son examen cadavérique dans la cour,
en présence du juge d’instruction et des deux parents de la fillette, qui sont en l’occurrence
les deux inculpés 310 .
Le procès est également un moment délicat pour le médecin expert. Déstabilisé par
la pompe judiciaire, attaqué par les plaidoiries d’une défense auxquelles il ne lui est pas
permis de répondre, utilisé par un parquet qui reprend les conclusions de son rapport en
omettant toute nuance proposée, l’homme de l’art ne sort pas toujours indemne d’une telle
confrontation avec le monde judiciaire 311 . D’autant plus si l’audience propose un débat
d’experts. Dans une telle situation, les jurés et le tribunal sont alors « appelés à statuer sur
ces divergences d’opinion et à accepter l’avis des uns en rejetant celui des autres » 312 .
Choisir l’une des expertise signifie désavouer l’autre, et donc désavouer son auteur.
L’opinion publique peut alors estimer que ce désaveu équivaut à dire que le médecin
expert s’est trompé, donc qu’il a fait une erreur d’analyse.
Hormis l’accusé et son défenseur, l’institution judiciaire et la famille de la victime,
le médecin impliqué plus ou moins directement dans une enquête judiciaire est
fréquemment critiqué par la presse. En février 1901, Georges Gilles de la Tourette
effectue, à la demande de la veuve, l’autopsie d’un sergent de ville. Cet homme, renversé
par une voiture, a développé, suite à ce traumatisme, une hystérie qui se manifeste
notamment par le refus catégorique de s’alimenter 313 . Pour étudier les effets de la
dénutrition sur le cerveau, Gilles de la Tourette fait prélever et conserver l’organe en
question, avec l’aval de la veuve. Tout se complique à partir du moment où la justice se
mêle de l’affaire. La veuve du sergent de ville ayant porté plainte contre l’individu
responsable de l’accident, un autre médecin, Socquet, est requis comme expert pour
procéder à l’examen cadavérique. Il signale alors que le cerveau a été retiré et remplacé par
310
A.D.V., 2U 1707, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Constat des lieux,
le 23 février 1879.
311
Louis Pénard, « Redites au sujet des experts… », art. cit., pp. 51-52 et p. 54.
312
David Toscani, « Des réformes à faire… », art. cit., p. 163.
313
« Le secret des expertises », Société de médecine légale (séance du 11 février 1901), Revue des journaux
et sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1901, t. 16, p. 318.
448

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
un journal, que des organes ont été détachés et que, par conséquent, il ne peut être certain
qu’ils appartiennent à la dépouille en question 314 . Une presse scandalisée s’empare de cette
histoire et fustige les médecins et les garçons d’amphithéâtre. Des informations, plus
délirantes les unes que les autres, circulent alors : certains organes auraient été trouvés en
double, des corps étrangers, tels que des bouts de cigarette, auraient été introduits dans les
cavités viscérales. Cette assertion est pourtant démentie par le second médecin 315 . Malgré
tout, l’affaire rendue publique jette l’opprobre sur Gilles de la Tourette, qui jouit à
l’époque d’une certaine renommée comme collaborateur de Charcot 316 . Une telle publicité
ne lui a certainement pas été très bénéfique.
Socquet avait d’ailleurs lui aussi subi les réprimandes de la presse, quelques années
auparavant, critiques certes moins dangereuses du point de vue de leur impact sur l’opinion
publique, mais d’autant plus sévères car émanant d’une revue médicale. Convié à venir
pratiquer l’autopsie d’une femme décédée lors d’un accouchement difficile, Socquet doit
déterminer la responsabilité du médecin ayant extrait le fœtus à l’aide d’un instrument
pointu qui a perforé la vessie de la parturiente 317 . L’article de la Revue d’obstétrique
consacré à ce qui est devenu “L’affaire Laporte”, fait peser la responsabilité de
l’arrestation de l’homme de l’art sur les termes du rapport de Socquet 318 . Or, la
retranscription des conclusions du rapport diverge quelque peu de l’orignal. La Revue
d’obstétrique présente les conclusions de Socquet en ces termes : « Laporte en pratiquant
cet accouchement a agi avec imprudence, maladresse et inobservation des règles de
l’art » 319 . Mais, les conclusions exactes de Socquet sont moins péremptoires, et surtout
moins accusatrices à l’endroit du Dr Laporte : « L’autopsie PARAÎT démontrer que
Laporte a pratiqué cet accouchement avec imprudence, NÉGLIGENCE et inobservation
des règles de l’art […] » 320 .
Les médecins experts sont des cibles faciles pour la presse populaire ou spécialisée.
Détenteur d’aucun mandat public, les attaques à leur encontre ne peuvent être considérées
314 Ibid., p. 316.
315 Ibid., p. 317.
316 Cf. la fiche « Gilles de la Tourette (Georges) » disponible dans la base de données des biographies sur le
site Internet de la Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine (BIUM) : http://www.bium.univparis5.fr/histmed/debut.htm
317 Maygrier, Socquet, « Lésions traumatiques de la vessie dans un accouchement artificiel au point de vue
médico-légal », Société de médecine légale de France, Annales d’hygiène publique et de médecine légale,
Paris, Baillière, 1898, 3 ème série, t. 39, pp. 441-454.
318 « Affaire Laporte », Société de médecine légale de France, Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1898, 3 ème série, t. 39, p. 439.
319 Ibid.
320 Ibid., p. 440.
449

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
comme des outrages, à l’inverse des magistrats ou des autres représentants du ministère
public. Charles Vibert en fait le constat à l’occasion des injures proférées contre Gilles de
la Tourette : « quant aux attaques, aux injures mêmes dont les médecins des hôpitaux
peuvent être l’objet dans les journaux politiques, je ne vois pas comment elles pourraient
être empêchées » 321 . Etre l’objet de telles critiques, qui mettent en cause leurs qualités de
médecin, peut être extrêmement nuisible aux hommes de l’art. Comment avoir encore
confiance en un praticien ainsi décrié et continuer de le consulter pour qu’il prodigue soins
et remèdes ? En octobre 1891, Albert Bergeron, médecin à Paris, absorbe volontairement
une dose mortelle d’alcoolature d’aconit. L’une des raisons avancées pour expliquer son
geste est, que suite à son implication dans un procès, une grande partie de sa clientèle a
cessé de le consulter 322 .
Dès lors qu’un praticien est sollicité par l’institution judiciaire pour apporter son
concours, il se trouve comme pris dans un piège, car quoi qu’il décide, sa réputation a de
forte probabilité d’être ternie par cette demande. S’il refuse d’accepter la mission qu’un
magistrat souhaite lui confier, affirmant son manque de compétence pour ce genre
d’examen médical, l’opinion publique occultera l’aspect médico-légal de l’exercice et ne
retiendra que l’aveu d’incompétence de l’homme de l’art :
« Le public ne s’occupera pas de savoir si le médecin a déclaré son incompétence en tant
que médecin légiste, au sujet de la pratique des autopsies ou de tout autre point médicolégal
; un seul fait restera acquis et sera répété par tout le monde : “Le Dr X…, requis par
la justice, a refusé son concours, parce qu’il s’est jugé incapable de remplir sa
mission » 323 .
Une telle déclaration suscitera alors le doute chez sa clientèle :
« un médecin qui se sera déclaré incapable sur un point médical sera soupçonné par sa
clientèle d’être également incapable sur beaucoup d’autres points qu’il n’avoue pas ; elle
jugera qu’elle a placé le soin de veiller sur sa santé en de mauvaises mains et quittera
immédiatement ce docteur en médecine […] » 324 .
Et s’il accepte la réquisition, il engage indubitablement et volontairement sa
réputation. En prêtant serment devant le magistrat qui le requiert, le médecin dépose en
quelque sorte son honneur et sa réputation d’homme de l’art dans le plateau de la
321 « Le secret des expertises », art. cit., p. 318.
322 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 583.
Cf. également les articles parus dans Le Figaro : « Etrange empoisonnement », 17 octobre 1891 et « Un
étrange empoisonnement », 18 octobre 1891.
323 Paul Reille, « Responsabilité des experts… », art. cit., p. 48.
324 Ibid., p. 49.
450

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
balance 325 . En outre, un médecin qui accepte de réaliser une expertise, mais qui, par
prudence, demande l’assistance d’un confrère, prend également le risque d’être soupçonné
d’incompétence, surtout si sa requête devient systématique :
« si le médecin désire qu’on lui adjoigne un confrère, le juge d’instruction, animé de
bonnes intentions, fait droit à sa demande ; mais ceci arrive une fois par hasard ; si le
malheureux expert risque la même proposition pour chaque affaire qui lui est soumise, on
le regardera bientôt de travers, comme un incapable ou comme un indécis qui par son
insuffisance ou sa pusillanimité exagérée accroît les charges du budget et qu’il faut par
conséquent mettre à l’écart » 326 .
Le médecin qui accepte de mettre son savoir au service de l’institution judiciaire et
de lui apporter quelques lumières, alors qu’elle est confrontée à un décès violent ou
suspect, s’empare d’une arme à double tranchant. Sa participation à une instruction
criminelle lui confère sans nul doute une relative notoriété dans sa localité, et peut-être au-
delà si l’affaire suscite un intérêt populaire qui dépasse les frontières de l’arrondissement,
voire du département. S’il fait montre d’une certaine éloquence, si son explication emporte
l’avis du jury, s’il ne souffre aucune critique, sa réputation sortira grandie de l’expérience.
En revanche, s’il est l’objet d’attaques, si ses observations sont remises en question, s’il se
montre indécis, s’il préfère déclarer son manque de compétence et réclamer l’aide d’un
confrère, sa réputation professionnelle en pâtira.
En sus de ces risques professionnels, les médecins doivent avoir conscience des
responsabilités qu’implique la réalisation d’une expertise judiciaire, ainsi que des dérives
qu’elle peut entraîner.
325 ère ème
Jean-Jacques Belloc, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 éd. 1801, 2 éd. corr. et
augm., Paris, Méquignon, 1811, p. 13.
326
Paul Hervé, « Médecine légale… », art. cit., p. 885.
451

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
B) Responsabilités et dérives de l’expertise judiciaire
1) Des risques partagés
La réputation de l’homme de l’art n’est pas la seule que l’expertise médico-légale
est susceptible d’égratigner. En premier lieu, le médecin qui s’implique dans une
instruction judiciaire engage la science toute entière avec lui. Il est la personnification de la
science médico-légale, il l’incarne, et chaque erreur qu’il commet ou chaque reproche qui
lui est adressé sont autant d’escarmouches portées à cette discipline scientifique. Ambroise
Tardieu, exposant les droits et les devoirs des médecins experts, fait part de la lucidité qui
est la sienne, d’exposer d’une certaine façon la médecine légale en entrant dans la salle
d’audience : « Pour moi, je ne comparais pas une fois devant une cour d’assises, sans une
secrète et très-vive préoccupation, bien moins du triomphe de mon opinion, que de la
responsabilité dans laquelle j’engage avec moi la science que je représente » 327 . Charles
Marc fait une remarque analogue dans l’article du Dictionnaire de médecine qui est
consacré à la médecine politique : « rien ne discrédite autant la science qu’il professe, que
le défaut d’accord entre les décisions des médecins et celles des tribunaux » 328 .
Mais plus que son honneur personnel, ou celui de la science dont il est le porte-
parole temporaire, le médecin expert doit avoir la conscience accrue que repose « entre ses
mains la liberté, la vie et l’honneur de ses concitoyens » 329 . La « gravité des intérêts sur
lesquels s’exerce son action » 330 confère au praticien de la médecine légale une
responsabilité bien supérieure à celle supportée par le praticien de l’art de guérir : « Si le
praticien a en main la vie de son client, le médecin légiste a bien souvent aussi à se
prononcer sur des questions qui mettent en péril la vie, la liberté, la fortune et
l’honneur » 331 . En outre, contrairement au médecin classique qui ne se préoccupe que de la
santé du malade qu’il ausculte, la décision de l’expert médical concerne non seulement la
victime et le prévenu, mais également leur famille respective 332 .
Une telle responsabilité paralyse parfois les médecins :
« la grosse difficulté de notre profession, celle qui engendre la redoutable erreur et fait
envisager par beaucoup de nos confrères, avec une certaine terreur bien justifiée du reste,
327
Ambroise Tardieu, « Des devoirs publics… », art. cit., p. 184.
328
Charles Marc, « Politique (Médecine) », art. cit., p. 317.
329
Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 153.
330
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 4.
331
Ibid., p. 5.
332
Le déshonneur que peut représenter l’autopsie médico-légale est abordé plus précisément dans le chapitre
5 de la présente étude.
452

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
la profession de médecin expert, c’est l’interprétation et les conséquences qu’elle
entraîne » 333 .
A contrario du diagnostic médical, une conclusion d’expertise est en effet souvent
irrévocable et définitive. Les observations effectuées sont difficiles, pour ne pas dire
impossibles, à renouveler. Par conséquent, « les constatations primitives restent le seul
document intangible, la seule base de la discussion » 334 . Si le médecin expert a omis
d’examiner un élément ou a commis une erreur, il est dans l’impossibilité de réparer.
Pour se prémunir de tels désagréments, d’aucuns préconisent de faire réaliser les
expertises par au moins deux médecins. Deux arguments sont avancés pour appuyer cette
proposition, l’un pour convaincre l’institution requérante, l’autre pour rassurer les experts
potentiels. Solliciter deux praticiens qui effectueront de concert l’examen médico-légal est
un gage, pour les magistrats, d’obtenir une expertise de qualité : « Par cette précaution, il y
aurait communication réciproque, contrôle mutuel, quelquefois discussion contradictoire,
et l’erreur serait, sinon tout à fait impossible, du moins bien plus difficile et bien plus
rare » 335 . Et dans l’éventualité où une erreur serait commise au cours de l’expertise, les
torts seraient partagés. En effet, « l’écrasante responsabilité » 336 de la détermination des
causes du décès ne repose plus sur les épaules d’un seul homme de l’art. Dans une lettre
adressée au procureur du roi, le juge de paix de Pleumartin fait part de l’opposition d’un
homme de l’art qu’il a requis et qui, ayant appris l’impossibilité de son confrère à être
également présent, déclare qu’il « répugnerai[t] à opérer seul » 337 . En outre, pour justifier
sa requête, Paul Hervé signale que les jurés sont douze à décider de la culpabilité ou de
l’innocence du prévenu, alors que le médecin est seul à décider des conclusions de
l’expertise 338 .
L’homme de l’art qui accepte de répondre à une ordonnance judiciaire pour
pratiquer une expertise doit prendre la pleine mesure des responsabilités qui
l’accompagnent. Facteur décisif de l’accusation, son expertise peut s’avérer déterminante
dans le verdict et peut jeter le discrédit sur un individu et son entourage. Il est donc
souhaitable qu’il mette de côté ses états d’âme et son orgueil pour solliciter l’aide d’un
confrère. Une telle collaboration, d’une part, le libèrera du fardeau d’une décision prise en
333
Etienne Martin, « L’Institut de médecine légale de Lyon », Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 11.
334
Ibid.
335
Desbois, « De la nécessité… », art. cit., p. 99.
336
Paul Hervé, « Médecine légale… », art. cit., p. 863.
337
A.D.V., 2U 1524, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Lettre du juge de
paix, s.d.
338
Paul Hervé, « Médecine légale… », art. cit., pp. 878-879.
453

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
solitaire, et d’autre part, apparaîtra aux yeux des jurés et du tribunal comme une opinion
réfléchie et fiable : « il faut que dans toute affaire grave, l’expert puisse demander des
collaborateurs et des aides, afin de ne pas se présenter avec sa seule autorité » 339 . La
responsabilité des médecins requis comme experts est indéniable d’un point de vue moral.
L’est-elle d’un point de vue juridique ?
2) L’expert responsable de son expertise ?
A l’aube du XX e siècle, Jean Bétoulières consacre sa thèse de médecine à la
Psychologie de l’expertise médico-légale 340 . Il réserve quelques lignes à la responsabilité
qui incombe à l’homme de l’art qui accepte la fonction d’expert judiciaire. Il rappelle que
l’unique responsabilité endossée par le médecin expert est « toute morale » 341 . Le seul
jugement que le praticien doit redouter est celui de sa propre conscience 342 . Pour autant, les
médecins ont souvent craint d’être tenu juridiquement responsable de leur expertise,
notamment s’il s’avère qu’ils ont commis une erreur au cours de leur analyse, erreur ayant
pu avoir des conséquences préjudiciables, voire fatales.
Conscients de l’inquiétude de leurs confrères exerçant dans les petites villes et les
campagnes françaises, quelques représentants de la médecine légale ont souhaité apporter
des arguments pour les rassurer. Le premier élément de preuve s’appuie sur une analogie :
l’expert est comme le juge d’instruction, protégé par une « immunité judiciaire » 343 , qui le
dégage de toute responsabilité :
« Le médecin expert qui se trompe n’est pas plus responsable de son erreur que le juge
d’instruction qui ordonne l’incarcération d’un inculpé, qu’il est obligé de remettre en
liberté quelques jours après, faute de preuves ou parce que son innocence a été
reconnue » 344 .
De plus, l’homme de l’art dispose de deux boucliers derrière lesquels s’abriter en
cas d’attaques : le magistrat et la science. En effet, ainsi qu’il a déjà été précisé, la décision
finale ne repose jamais sur le médecin expert. Ce dernier apporte aux magistrats et aux
jurés, des informations essentielles qui leur permettent d’élaborer le dossier d’instruction,
339
Guillot, Demange, « Des moyens… », art. cit., p. 434.
340
Jean Bétoulières, Psychologie de l’expertise médico-légale, thèse pour le doctorat en médecine, sous la
dir. de Georges Morache, Bordeaux, Cadoret, 1900, n°69, 62 p.
341
Ibid., p. 22.
342
Ibid.
343
Ibid.
344
Paul Reille, « Responsabilité des experts… », art. cit., p. 68.
454

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’acte d’accusation et le verdict, mais il ne leur donne qu’une opinion et ne prend pas part à
la décision :
« Le rapport, exposé des constatations évidentes faites pas le médecin légiste sur l’inculpé
et la victime, n’est qu’une pièce de valeur relative, fournie au magistrat qui désire
s’éclairer sur un point spécial, au sujet duquel il est incompétent ; il peut n’en pas
admettre les conclusions, mais s’il les admet, c’est lui qui en prend l’entière
responsabilité » 345 .
En outre, les conclusions établies par l’homme de l’art à l’issue de son expertise sont
dépendantes des connaissances que la science met à sa disposition à ce moment précis. Il
ne peut aller au-delà de ce que les praticiens de la médecine légale ont constaté et établi
depuis quelques années comme étant des faits scientifiques avérés 346 . D’aucuns n’hésitent
pas à user de cet argument pour se justifier. Au début de l’année 1897, le Dr Chrétien,
médecin à Poitiers, est confronté à une expertise délicate : l’analyse d’ossements supposés
appartenir à un nouveau-né. Après un examen comparatif, il reconnaît que certains
ossements présentent des similitudes avec ceux d’un fœtus en fin de grossesse 347 .
Néanmoins, il émet quelques réserves quant à l’âge exact du fœtus, à cause de
l’incinération à laquelle les fragments osseux ont été soumis. Seule une analyse chimique
des « matières calcaires contenues dans les ossements » 348 pourrait apporter une
indication ; mais « faute de pouvoir user de ce procédé, peu rigoureux dans l’état actuel de
la science » 349 , un doute subsiste.
Pourtant, les experts médicaux commettent des erreurs d’interprétation. Alexandre
Lacassagne distingue les erreurs « par omission » des erreurs « par commission » 350 . Les
premières sont dues à un oubli, les secondes sont provoquées par l’ignorance et le manque
d’instruction médico-légale. Les dossiers de procédure peuvent en contenir quelques
exemples. Il apparaît régulièrement, lorsqu’un second examen post mortem est pratiqué,
que le premier médecin requis s’est fourvoyé, soit parce que l’analyse est incomplète, soit
en raison de connaissances insuffisantes en matière médico-légale. Henry Fradin, médecin
résidant près d’Amailloux, dans le département des Deux-Sèvres, est requis par le maire de
cette commune pour faire la levée de corps d’un homme trouvé sans vie sur un chemin. La
visite du cadavre, sur lequel il ne constate aucune trace de violence, mais une « face livide
345
Ibid.
346
Frédéric Chauvaud, Les experts du crime…, op. cit., pp. 63-64.
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 644.
347
A.D.V., 3U 4 / 628, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Suppression
d’enfant », Rapport médico-légal de l’affaire P., le 1 er mars 1897.
348
Ibid.
349
Ibid.
350
Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts et les erreurs… », art. cit., p. 9.
455

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
et un col rouge », ainsi que quelques gouttes de sang s’écoulant par le nez, l’autorise à
conclure que le décès est dû à une apoplexie 351 . Les conclusions des deux experts requis
par le procureur du roi sont tout autres. Après une autopsie méticuleuse, ils affirment qu’à
l’inverse de leur confrère, ils ne peuvent « penser que la mort est naturelle » 352 . A l’issue
d’une argumentation qui détruit minutieusement les éléments apportés par le premier
médecin, ils estiment que l’homme a succombé à une asphyxie par strangulation 353 .
La contre-expertise pratiquée peut ainsi mettre en lumière l’incompétence du
praticien sollicité en premier par l’institution judiciaire. Néanmoins, il est important de
noter qu’une certaine solidarité professionnelle prédomine. Le praticien qui réalise la
contre-expertise ne cherche en aucun cas à accabler un confrère probablement peu familier
de l’exercice expertal. A la fin du mois de septembre 1852, les Drs Antellet et Malapert,
domiciliés tous deux à Civray, dans le sud de la Vienne, effectue l’autopsie judiciaire
d’une femme ayant reçu des coups de bâton alors qu’elle gardait un troupeau de brebis. Ils
indiquent notamment que la rate « présente à la partie correspondant au flanc gauche une
déchirure de 3 à 4 cm de longueur » 354 . En revanche, ils ne font aucune remarque relative à
l’absence de cette observation dans le rapport du Dr Léger, médecin qui a effectué la
première expertise et qui a pourtant exploré l’abdomen 355 . Certains médecins appelés
comme seconds experts peuvent également souligner la qualité du travail d’expertise
réalisé par leurs prédécesseurs. Félix Ducellier, requis par le juge d’instruction du Tribunal
de Première Instance de Montmorillon, dans la Vienne, tiens à mentionner que les deux
confrères qui ont effectué l’examen post mortem, ont réalisé une « autopsie
minutieuse » 356 .
Il existe cependant des affaires judiciaires pour lesquelles les médecins et leurs
expertises ont été mis en cause juridiquement. La procédure ne peut être entamée que si
l’erreur de l’homme de l’art est évidente. En effet, en l’absence de toute réglementation
officielle régissant la pratique des expertises médico-légales, et notamment de l’autopsie
judiciaire 357 , il apparaît difficile pour les autorités de démontrer la non-conformité de
351
A.D.D.-S., 2U 122, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal du
maire d’Amailloux constatant la levée de cadavre, le 3 novembre 1827.
352
Ibid., Rapport des deux docteurs médecins sur l’état du cadavre, le 16 novembre 1827.
353
Ibid.
354
A.D.V., 2U 1612, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups portés sans intention de
donner la mort mais l’ayant cependant occasionné », Rapport médico-légal, le 30 septembre 1852.
355
Ibid., Rapport du Dr Léger, le 28 septembre 1852.
356
A.D.V., 2U 1666, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort sans intention de donner », Rapport de médecin, le 1 er octobre 1865.
357
Une analyse comparative des textes législatifs concernant les diverses manipulations cadavériques et les
examens post mortem est présentée dans le chapitre 5.
456

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
l’examen réalisé 358 . La condamnation n’est possible que si les médecins experts ont fait
une fausse déclaration au sujet de l’examen pratiqué. En 1816, deux officiers de santé
comparaissent devant la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine, « accusés d’avoir déclaré comme
vrai, un fait faux, dans un procès-verbal qu’ils rédigeaient en qualité d’officiers
publics » 359 . Les deux experts médicaux ont déclaré, dans leur rapport, qu’ils avaient
trouvé le cerveau engorgé. Or, après un second examen, il s’est avéré que le crâne de la
victime était intact et n’avait pas été ouvert. La constatation n’avait donc pas été effectuée
et la déclaration des hommes de l’art pouvait, par conséquent, être considéré comme un
faux témoignage. Bien que l’erreur et le délit commis par les deux experts soient établis, ils
ont été acquittés. Cet exemple, conforté par d’autres affaires similaires, tend à prouver
qu’il n’existe aucun risque pour les hommes de l’art d’être juridiquement tenus pour
responsable. Pour autant, cela ne signifie pas que leur mise en cause n’aura pas de
conséquences sur le plan professionnel et n’influencera pas l’opinion publique quant à la
confiance et au crédit qu’elle pourrait dorénavant accorder à leur diagnostic et aux soins
prodigués.
Une telle immunité des médecins experts ne reçoit pas les suffrages de l’ensemble
du corps médico-légal. D’aucuns estiment que « les experts ne sauraient se soustraire aux
conséquences des fautes lourdes qu’ils auraient commises, lors même qu’on ne leur
imputerait aucun dol » 360 . Les médecins ne doivent pas pêcher par orgueil. S’ils acceptent
la mission que leur confie la justice, c’est qu’ils s’estiment aptes à la remplir. Dans le cas
contraire, ils doivent la refuser. Donc, s’ils se sont jugés capables d’éclairer le magistrat, ils
doivent assumer les conséquences de leurs actes et en endosser l’entière responsabilité 361 .
Dans l’éventualité où l’homme de l’art se rendrait coupable d’une telle erreur, la sanction
appropriée serait financière. En effet, l’expertise « devient inutile par [sa] faute » 362 . Il est
donc juste qu’il en supporte personnellement les frais.
Lucide sur le fait qu’il est impossible, et risqué pour une future collaboration
médecin-magistrat, de faire condamner un praticien de l’art de guérir pour une erreur
d’expertise, le législateur a préféré compter sur la conscience professionnelle du médecin.
En outre, la circulaire du 6 février 1867 utilise la responsabilité du médecin comme
argument pour justifier la réquisition d’un expert unique :
358 Roger Brocas, Le droit d’autopsie. Etude historique et juridique, thèse pour le doctorat, sous la présidence
de H. Donnedieu de Vabres, Université de Paris, Faculté de droit, 1938, p. 77.
359 Ibid., p. 78.
360 Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 180.
361 Ibid.
362 Ibid.
457

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
« Il arrive même souvent qu’un rapport offre plus de garantie s’il est signé par un seul
expert, parce que la responsabilité en retombe sur lui seul, qu’il a dû tout vérifier par luimême
et qu’aucune opinion n’est énoncée en vertu d’une sorte de compromis ou de
transaction » 363 .
Il demeure que malgré toutes les recommandations du corps médico-légal, tous les moyens
préventifs instaurés par la législation, des erreurs médico-légales ont été à l’origine
d’erreurs judiciaires. A l’occasion d’un article consacré aux améliorations pouvant limiter
les risques d’erreurs judiciaires dont l’origine est l’expertise médico-légale, Alexandre
Lacassagne relate plusieurs affaires criminelles, dans lesquelles le médecin s’est fourvoyé
et à pousser l’institution judiciaire à la faute. En 1888, la femme Druaux est reconnue
coupable des empoisonnements de son mari et de son frère. Elle est condamnée aux
travaux forcés. La sentence repose, entre autres, sur l’expertise effectuée par un chimiste.
Bien que l’expert n’ait trouvé aucune trace de substance délétère dans les organes recueillis
durant l’autopsie, et qu’il ait négligé d’analyser le sang prélevé, la présence d’une aile de
coléoptère dans les matières fécales lui semble suffisante pour conclure à
l’empoisonnement par la cantharide 364 . Or, quelques années plus tard, les nouveaux
occupants de l’habitation où le drame s’est déroulé succombent dans des conditions
identiques. De nouvelles analyses démontrent alors que tous ces décès mystérieux
incombent à l’infiltration de gaz toxiques, produits par le four à chaux contigu à la
maison 365 . La justice, guidée par une analyse plus qu’incomplète et un expert chimiste
confiant mais imprudent, a donc condamné une innocente aux travaux forcés.
Face à la multiplication des expertises médico-légales erronées, et donc à la
multiplication des erreurs judiciaires devenant publiques, les magistrats comme les
médecins changent d’attitude. Les premiers se montrent de plus en plus méfiants à
l’endroit des médecins experts et de leurs conclusions. Echaudés par des affaires comme
celle dite de “l’Ogresse de la Goutte d’Or” 366 , les représentants de la justice mettent de plus
en plus en doute les assertions des praticiens qu’ils requièrent comme experts : « des
magistrats, suggestionnés par l’opinion publique, très sévère à notre égard, se sont crus
363 Cité dans Frédéric Chauvaud, Experts et expertise…, op. cit., p. 239.
364 Insecte coléoptère produisant un poison très irritant.
Cf. Laboulbène, « Cantharides (Zoologie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 12, pp. 190-193 et Gobley, « Cantharides
(Pharmacologie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre,
Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 12, pp. 193-202.
365 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts et les erreurs… », art. cit., pp. 5-6.
366 Sur l’affaire Jeanne Weber, “l’Ogresse de la Goutte d’Or”, cf. Pierre Darmon, Médecins et assassins…,
op. cit., pp. 254-271 et Frédéric Chauvaud, Les experts du crime…, op. cit., pp. 65-68.
458

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
autorisés à discuter notre savoir et notre habileté » 367 . Quant aux médecins experts,
nombre d’entre eux ont suivi les préceptes de Paul Brouardel, exposés plus haut dans le
présent chapitre, et relatifs à la prudence et à la neutralité dont les hommes de l’art doivent
faire preuve dans leurs conclusions. Dans certains cas, le balancier est parti dans le sens
strictement opposé. Avec l’exemple des enfants maltraités, Denis Darya Vassigh démontre
comment les médecins experts, prenant conscience du risque d’erreur judiciaire, ont adopté
au mieux une attitude neutre, au pire une attitude de méfiance à l’encontre des victimes et
de leurs déclarations :
« Après 1880, sous le coup d’événements conjoncturels, en particulier de quelques cas
d’erreurs judiciaires remarquables, ces médecins légistes ont eu semble-t-il tendance à se
replier sur une position de neutralité et d’identification non plus avec les victimes de
violences mais d’identification avec les accusés susceptibles de devenir, par la faute du
médecin légiste, victimes d’une erreur judiciaire » 368 .
L’absence de risques juridiques a, semble-t-il, grisé quelques médecins experts qui
ont parfois perdu la mesure de leur mission et ont outrepassé leur droit, y compris parmi le
cercle restreint des spécialistes de la médecine légale. La confiance affichée de la
magistrature, combinée à la notoriété conférée par l’opinion publique, a poussé certains
hommes de l’art à endosser un rôle dont les mensurations dépassent largement le costume
de l’expert judiciaire. Ainsi, le médecin expert acquiert une plus grande visibilité en tant
que personnage essentiel de la procédure d’instruction et de la procédure de condamnation,
visibilité qui fait de lui une cible de choix pour les magistrats, les journalistes et les
justiciables lorsqu’une négligence de sa part est révélée. En outre, si une erreur de son fait,
même grave, ne peut lui porter presque aucun préjudice, son intégrité professionnelle est
fortement mise à mal, sans parler du discrédit qu’il fait subir à la science médico-légale
dans son ensemble.
* *
*
367 Georges Sarda, « Responsabilité médicale. Erreur de dose », Notes et observations médico-légales,
Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon,
Rey, 1910, t. 25, p. 272.
368 Denis Darya Vassigh, « Les experts judiciaires face à la parole de l’enfant maltraité. Le cas des médecins
légistes de la fin du XIX e siècle », Le Temps de l’histoire, 1999, n°2, p. 106.
459

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
En dépit des discours éloquents du corps médical, qui ont trait aux enjeux
importants que les hommes de l’art peuvent être amenés à défendre, l’expertise judiciaire
est une “mission à charges” pour le médecin.
En premier lieu, sur le plan économique : les honoraires alloués par les autorités
requérantes sont généralement insuffisants, eu égard aux dépenses engagées par le
praticien ou à la perte financière que sa réquisition représente. De plus, les deux décrets ad
hoc de 1811 et 1893, sont révélateurs de la conception que se font les instances dirigeantes
de la science expertale et de ceux qui la pratiquent. Dans le décret de 1811, la répartition
des tarifs dépend de la ville où le médecin pratique son art. Il s’agit donc d’une conception
élitiste et discriminatoire : les médecins de campagne sont floués sous prétexte qu’ils
exercent dans une petite localité, que leur temps est moins précieux et que, par conséquent,
leurs conseils sont très probablement de moindre qualité. A contrario, le décret instauré en
1893 est construit sur un concept égalitaire : le praticien est rémunéré en fonction de l’acte
réalisé. En d’autres termes, sans aller jusqu’à dire que la justice estime qu’un docteur en
médecine de province est aussi compétent que son confrère de Paris, au moins elle
reconnaît que les difficultés rencontrées et les efforts produits pour exécuter la mission
sont similaires, et que la rémunération doit être identique.
Dans un second lieu, sur le plan déontologique : il s’avère très malaisé pour un
médecin de garder, ou de faire accepter, une neutralité parfaite envers les différentes
parties impliquées par son expertise. L’homme de l’art peut avoir des difficultés à trouver
la bonne distance entre lui et l’autorité qui l’a requis et pour laquelle, en définitive, il
travaille. L’impartialité et l’indépendance de l’expert médical sont deux conditions sine
qua non qui doivent garantir des expertises judiciaires de qualité, tant à l’accusation qu’à la
défense. Firmin Dervieux le proclame, au cours de son compte-rendu du troisième Congrès
de médecine légale de langue française, alors qu’il aborde le sujet délicat de la limitation
du nombre d’experts et du rattachement d’un praticien près chaque tribunal : « l’expert ne
deviendra jamais un fonctionnaire sous peine de perdre sa qualité primordiale, qui est
d’être complètement indépendant » 369 . Mais l’auteur ne se voilerait-il pas la face ? La
connivence entre magistrats et médecins est un fait établi 370 . Les praticiens qui sont
régulièrement requis par les mêmes juges d’instruction entretiennent des rapports
privilégiés avec ces derniers. Les limites du rôle qui leur est dévolu peuvent devenir
369 F. Dervieux, « L’inscription des experts médicaux sur les listes des tribunaux », Compte-rendu du III e
Congrès de médecine légale de langue française (Paris, 26-28 mai 1913), Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1913, 4 ème série, t. 20, p. 562.
370 Cf. les chapitres 1 et 3 de la présente étude.
460

- Chapitre 4. Pratiquer une autopsie -
fluctuantes et d’aucuns peuvent avoir du mal à demeurer de simples consultants qui
prodiguent un avis sans prendre la décision finale. En outre, ils peuvent être enthousiasmés
par leur nouveau statut de protecteur et de bienfaiteur de la société, conféré par le concours
qu’ils prêtent à l’institution judiciaire, et qui s’ajoute à celui de guérisseur.
En dernier lieu, sur le plan professionnel : à chaque expertise qu’il accepte, le
médecin joue sa carrière et sa réputation. La participation à une enquête criminelle, en tant
qu’expert médical, procure à l’homme de l’art une certaine notoriété. En contrepartie, il
peut devenir la cible des quolibets, des critiques, voire des attaques, tant des protagonistes
judiciaires que de la presse et de l’opinion publique. Le médecin peut même avoir le
sentiment d’être piégé, car quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise et quoi qu’il conclue, il ne
pourra contenter tout le monde et sera donc probablement mis en cause par l’une des
parties. De plus, alors que la décision quant au verdict ne lui revient pas, il peut en être
tenu pour responsable, du fait qu’il n’est protégé par aucun mandat public officiel, à
l’inverse des représentants de la loi.
Parmi les multiples charges que peut représenter l’expertise médico-légale pour le
médecin, un aspect n’a pas été abordé, celui de l’émotion, des sentiments que génère cet
exercice. Alors que les autres éléments sont communs, ou presque, à toutes les expertises
judiciaires, le facteur émotionnel lié à l’autopsie médico-légale lui est propre, du fait
qu’elle touche au cadavre et à la mort.
461

Chapitre 5
PRESCRIPTION, PERCEPTION, PROMOTION
L’intervention manuelle sur le corps trépassé est multiple. L’autopsie médico-légale
constitue l’une des figures de la manipulation médicale, ou plus largement scientifique, de
la dépouille mortelle. Les autres pratiques cadavériques, plus ou moins invasives, sont le
constat de décès, la dissection, l’embaumement, le moulage et l’autopsie
anatomopathologique. L’objet commun et central à l’ensemble de ces manœuvres est
indubitablement le cadavre, matérialisation physique de l’individu qui pourtant ne recèle
plus ce qui le définit comme tel : sa personnalité, sa conscience, son intellect, éléments qui
composent ce que d’aucuns qualifieraient d’âme. Or, en raison de leur intérêt partagé pour
le corps ayant passé de vie à trépas, la comparaison de ces différentes interventions post
mortem permet de prendre la mesure des particularités de l’autopsie judiciaire.
Le présent chapitre apporte quelques informations relatives plus particulièrement
aux croyances et aux sentiments, profanes comme médicaux, provoqués par l’autopsie
judiciaire, car cette dernière convoque des notions fondamentales de toute société
humaine : la mort, le corps, la violence, la souffrance, la vengeance. Le médecin qui
s’adonne aux examens cadavériques judiciaires connaît-il réellement le même sort que le
taricheute, l’embaumeur de l’Egypte ancienne, auquel certains n’hésitent pas à le
comparer ? : « en ce moment, le médecin-expert est traité comme le taricheute, cet
embaumeur égyptien qui, après avoir fait au corps les incisions réglementaires, devait
s’enfuir en toute hâte, de peur d’être lapidé par les témoins de la scène » 1 . En d’autres
termes, les reproches et l’animosité manifestés par l’opinion publique à l’endroit des
anatomistes et autres dépeceurs de cadavres, s’appliquent-ils aux praticiens de l’autopsie
judiciaire ? Il apparaît, en fait, que l’implication du facteur judiciaire dans la manipulation
cadavérique, modifie sa perception et complexifie, à son encontre, les sentiments des
différents protagonistes et au-delà de l’ensemble des individus.
Pour appréhender les singularités de l’autopsie médico-légale sur le plan de l’affect,
il convient tout d’abord de montrer les libertés dont celle-ci jouit, ou au moins de l’absence
de contrôle auquel elle est soumise, dans sa réalisation. Il convient ensuite d’étudier de
manière plus précise les perceptions profane comme médicale de l’opération, en la
1 Alexandre Lacassagne, « Les médecins experts et les erreurs judiciaires », Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1897, t. 12, p. 21.
463

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
replaçant au centre des croyances et fantasmes liés aux manipulations du cadavre. Enfin, il
apparaît que les médecins ne sont pas demeurés passifs face aux attaques ou aux réticences
des familles. Pour faire accepter la profanation ultime de la dépouille mortelle, le corps
médical a dû changer d’attitude et établir un argumentaire convaincant.
I) INTERDITS ET LIBERTES DE LA PRATIQUE CADAVERIQUE
La manipulation des dépouilles mortelles est une activité réglementée. Il n’est pas
permis de disposer du corps des individus ayant succombé, en dehors du cadre législatif
imposé par les instances dirigeantes. L’Etat entend en effet maintenir le contrôle social au-
delà du trépas 2 . Les multiples textes relatifs au décès et au cadavre ont pour objectif
premier de fournir aux gouvernants une connaissance précise de sa population, notamment
par l’enregistrement de ceux qui l’intègrent et de ceux qui la quittent. Mais ils définissent
également les droits et les usages post mortem : inhumation, dissection, embaumement,
moulage, recherches anatomopathologiques 3 . Dans un tel contexte réglementé, quelle est la
situation de l’autopsie médico-légale demandée par, et réalisé pour, l’institution judiciaire,
c’est-à-dire par l’instance chargée de faire respecter la législation en vigueur ?
A) Un cadavre, des examens cadavériques
Si la dépouille mortelle est un matériau unique, les examens et manipulations
auxquels elle peut être soumise sont de multiples natures. Pour appréhender les spécificités
de chacun il est nécessaire tout d’abord d’établir une rapide présentation de chaque
manipulation pouvant être réalisé sur le corps d’un individu venant de trépasser.
1) La vérification des décès
Pour qu’un individu soit « rayé du nombre des vivants » 4 , il est nécessaire que son
décès soit déclaré et reconnu comme effectif. C’est uniquement à l’issue de la déclaration
et du constat du décès que l’inhumation pourra être effectuée. La vérification en incombe
2 Pour une étude plus détaillée, cf. Sandra Menenteau, « Garder un œil sur ses morts : le contrôle social pardelà
la mort au XIX e siècle », Les Cahiers du GERHICO : Le contrôle social, textes rassemblés par Frédéric
Chauvaud, Université de Poitiers, 2004, n°6, pp. 133-144.
3 L’inhumation et la crémation ont été écartées de l’analyse car, bien qu’elles aient trait effectivement à la
dépouille mortelle, elles ne constituent pas pour autant une intervention directe sur le corps du défunt.
4 François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, Paris, Mame, 1813, t. 2,
p. 336.
464

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
aux officiers de l’état civil, seuls habilités à délivrer l’autorisation d’inhumer, ainsi que le
stipule l’article 77 du Code civil : « aucune inhumation ne sera faite sans une autorisation,
sur papier libre et sans frais, de l’officier d’état civil qui ne pourra la délivrer qu’après
s’être transporté auprès de la personne décédée, pour s’assurer du décès […] » 5 . Dans la
pratique, le constat du décès s’effectue souvent d’une autre manière, comme le remarque
nombre d’auteurs, parmi lesquels Alphonse Devergie :
« Ces divers articles ne reçoivent pas leur exécution dans la plupart des localités, au moins
quant au mode prescrit. Il y est suppléé, dans les grandes villes, de la manière suivante :
lorsqu’un décès a lieu, le maire délègue un médecin pour le constater […] » 6 .
En effet, en raison des connaissances particulières que la tâche requiert, la présence d’un
homme de l’art aux côtés de l’officier d’état civil est apparu indispensable. Stipulé en
premier lieu par les administrations locales 7 , le constat médicalisé des décès est ensuite
imposé sur l’ensemble du territoire français par une circulaire ministérielle :
« Une circulaire du ministre de l’intérieur, en date du 24 décembre 1866, porte que dans
chaque commune, le maire fera choix d’un docteur ou officier de santé, chargé de
constater les décès déclarés à la mairie suivant les prescriptions de la loi » 8 .
La vérification des décès et le constat de la réalité du trépas précèdent toute
manipulation ou intervention sur le cadavre. Or, pour s’assurer du décès le médecin doit
reconnaître sur le corps les signes et indices morbides 9 . Sans entrer dans de longs détails
techniques, il faut néanmoins préciser que la constatation d’un décès s’effectue, d’une part,
grâce à l’apparition de phénomènes physiques observables, et d’autre part, en réalisant
quelques expériences dont certaines nécessitent d’intervenir sur la dépouille. Au fil du
siècle, les signes cadavériques et les expérimentations révélatrices ont évolué. Au début du
XIX e siècle, les phénomènes ou les manifestations post mortem que le médecin doit
observer sont la face cadavéreuse, la froideur et la raideur du corps, l’absence de pouls et
5
Cité dans Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris,
Delahaye, 1874, p. 90.
6
Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, p. 32.
7
L’arrêté du Préfet de police Frochot, en date du 21 vendémiaire an IX (13 octobre 1800), indique à l’article
5 : « aussitôt que les maires auront reçu une déclaration de décès, ils en donneront avis à l’officier de santé,
qui se transportera sur-le-champ au domicile de l’individu présumé décédé ».
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, contenant un Traité
élémentaire de chimie légale par H. Gaultier de Claudry, 1 ère éd. 1821, 5 ème éd., Paris, Neuhaus, 1852, p. 401.
8
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, p. 370.
9
Sur la problématique de la « recherche du signe de la mort », cf. Anne Carol, Les médecins et la mort :
XIX e -XX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2004, pp. 162-189.
465

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
de respiration, ou encore l’enfoncement des yeux 10 . Ces derniers focalisent l’attention des
savants qui s’attachent à découvrir le signe cadavérique par excellence. Ainsi, l’examen
post mortem des globes oculaires, nommé « thanatophthalmologie » à la fin du siècle,
comprend un ensemble conséquent de constatations possibles, parmi lesquelles la
dilatation de la pupille, l’immobilité et la déformation de l’iris, la décoloration de la rétine
ou l’apparition d’une tache noire sur la sclérotique 11 . Outre ces observations, le médecin
peut réaliser une petite expérience qui lui permettra d’obtenir confirmation du trépas. Le
teste de la stimulation galvanique ou électrique est connu dès le début du XIX e siècle 12 . Il
consiste à mettre à nu un muscle, puis à y appliquer les deux pôles d’une pile. L’absence
de contraction musculaire prouve la réalité du décès. Dans la première décennie du XX e
siècle, Séverin Icard propose un autre procédé : l’injection d’une solution alcaline de
fluorescéine dans une artère 13 . Si la peau devient jaune et que les yeux prennent une
« superbe coloration verte » 14 , cela signifie que la circulation existe, et par conséquent, que
la vie n’est pas encore absolument éteinte.
A l’issue de ces diverses manœuvres, le médecin est en mesure d’attester du décès.
Il convient ici de distinguer deux cas de figure, qui d’ailleurs s’accompagnent de la
rédaction de deux documents différents : le décès ne laisse entrevoir aucun doute quant à
sa cause naturelle, le médecin rédige un simple certificat de décès ; le passage de vie à
trépas a semble-t-il été accéléré, de manière accidentelle ou volontaire, l’homme de l’art
réalise alors un procès-verbal de levée de corps. Cette dernière constatation est requise
dans tous les cas de morts suspectes : crimes, accidents, suicides. Elle représente les
prémices d’un examen cadavérique complet, en l’occurrence l’autopsie.
Même lorsqu’il est effectué minutieusement, le constat de décès demeure
corporellement superficiel. Si certaines expériences, telle l’application d’un cautère 15 ,
peuvent s’apparenter à une forme de torture, dans l’éventualité où l’individu n’aurait pas
encore rendu le dernier soupir, aucune intervention ne risque de provoquer le décès. En
10
Paul Mahon, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1807, t. 2, pp. 188-195.
11
Gabriel Tourdes, « Mort (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1875, 2 ème série, t. 9, p. 643.
12
Charles Marc, « Inhumation », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris,
Béchet Jeune, 1825, t. 12, p. 278.
13
Séverin Icard, « Règlement à suivre pour la constatation des décès à la ville et à la campagne », Archives
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1907,
t. 22, p. 414.
14
Ibid., p. 415.
15
« Moyen simple de déterminer la mort réelle », Mélanges scientifiques, Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1879, t. 50, n°11 220, pp. 410-411.
466

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
revanche, toutes les autres activités dites cadavériques seraient sans nul doute fatales à
celui qui ne présenterait que l’apparence de la mort.
2) La dissection
Dans le domaine scientifique, la dissection est constitutive de l’anatomie, car sans
la pratique de la première, la seconde ne pourrait se construire en tant que science. Le
Dictionnaire des sciences médicales donne pour la dissection la définition suivante :
« opération par laquelle on divise méthodiquement les parties du corps des animaux, pour
apprendre à en connaître la disposition et la structure » 16 . Quelques décennies plus tard,
bien que les termes soient différents, les préceptes demeurent les mêmes : « l’ensemble des
moyens à l’aide desquels on découvre, on isole les organes et les parties du corps pour en
étudier les propriétés physiques : situation, dimensions, forme, couleur, rapports, texture,
etc. » 17 .
L’anatomie s’intéresse aux diverses “couches” qui composent un corps : de la peau
au squelette, en passant par l’appareil circulatoire, les muscles, le système nerveux, et les
viscères. La dissection consiste donc en l’exploration du corps, de l’extérieur vers
l’intérieur, pour en connaître la topographie et le fonctionnement. Outre, les anatomistes
qui y consacrent leurs recherches, cette activité est l’apanage des étudiants de médecine et
des chirurgiens. En effet, pour soigner les dysfonctionnements éventuels d’un organisme, il
est impératif que les futurs médecins aient acquis une connaissance très précise de son
activité, aient une vision très nette des liaisons pouvant exister entre les divers systèmes
qui le constituent, et soient en mesure d’identifier les éléments qui ne présentent plus
l’aspect de la santé. Quant à la pratique chirurgicale, la dissection représente un moyen de
s’entraîner aux opérations, tant pour les chirurgiens en formation que pour les praticiens
confirmés qui souhaitent parfaire leur dextérité technique, notamment pour les
interventions les plus délicates. Ainsi que le soulignent les auteurs d’une étude sur les
salles de dissection, « il n’est pas de chirurgien qui, dans les cas graves et difficiles, ne
s’exerce plusieurs fois sur le cadavre avant d’opérer sur le vivant […] » 18 .
16
Mouton, « Dissection », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert, et al.,
Paris, Panckoucke, 1818, t. 9, p. 520.
17
J. Aubry, « Dissection », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1884, 2 ème série, t. 29, p. 764.
18
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence et de l’assainissement des salles de dissection », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, p. 278, note infrapaginale.
467

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
En raison de son caractère exhaustif dans la connaissance de la structure du corps,
la dissection est plus qu’une simple exploration, c’est une destruction parfois totale des
éléments qui composent ce même corps. Pour atteindre la charpente corporelle, c’est-à-dire
les parties osseuses, il faut la débarrasser de tout ce qui la recouvre : épiderme, muscles,
vaisseaux sanguins et lymphatiques, nerfs. Or, la manœuvre est irréversible, la dépouille
mortelle a disparu. A contrario, certaines interventions sur le cadavre s’attachent à sa
conservation.
3) L’embaumement et le moulage
L’embaumement et le moulage partagent le souci de sauvegarder un patrimoine
corporel. Les moyens employés pour y parvenir sont néanmoins très différents. Si le
premier s’attache à conserver par divers procédés, chimiques notamment, le corps lui-
même, le second s’emploie à reproduire des parties de ce corps dans un matériau. Ainsi,
l’embaumement ne peut être réalisé que sur un cadavre, alors que le moulage peut être
pratiqué sur un corps toujours vivant, en prenant quelques précautions 19 .
Il existe deux catégories d’embaumement, ayant chacun leur technique idoine et
leur motivation propre. L’embaumement qualifié de “temporaire” consiste à ralentir la
progression de la décomposition qui détruit le cadavre 20 . Les raisons qui sous-tendent ce
procédé sont multiples : permettre de conserver tout ou partie de la dépouille à des fins
scientifiques, et notamment anatomiques ; limiter les émanations putrides et les stigmates
de la décomposition si le défunt doit être exposé plusieurs jours avant son inhumation ;
prévenir les risques hygiéniques si le corps doit être transporté dans une autre région, voire
un autre pays, pour rejoindre son ultime demeure. L’embaumement “définitif”, ou
momification, vise à empêcher la disparition inéluctable du cadavre. Il s’agit donc de
rendre le corps privé de vie imputrescible, afin qu’il demeure intact et présentable pour
l’éternité. Si la conservation temporaire du cadavre est mue par l’hygiène, sa conservation
définitive relève de l’affect, les individus ayant recours à cette dernière souhaitant
« préserver de la destruction matérielle les êtres [qu’ils ont] respectés ou chéris » 21 .
Pelletan relate l’exemple de cette mère, sans nul doute très affectée par le décès de sa fille
19 Cf. le catalogue réalisé par le musée d’Orsay, à l’occasion d’une exposition sur le moulage sur nature, A
fleur de peau. Le moulage sur nature au XIX e siècle, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « A fleur
de peau. Le moulage sur nature au XIX e siècle » présentée au musée d’Orsay du 29 octobre 2001 au 27
janvier 2002, Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 2001, 189 p.
20 J. Jeannel, « Embaumement », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1870, t. 12, p. 602.
21 Ibid.
468

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
de 10 ans, qui demande à un pharmacien d’effectuer la momification du corps pour le
conserver ensuite dans une cage en verre 22 .
Le moulage se préoccupe également de perdurer à travers les ans. En outre, il
partage d’autres caractéristiques de l’embaumement. Comme ce dernier, le moulage d’une
portion de cadavre peut avoir une visée éducative. Au même titre que les modèles en cire 23 ,
les moulages servent à l’instruction des étudiants de médecine, notamment pour un certain
nombre de pathologies telles les lésions dermatologiques ou les déformations osseuses 24 .
De plus, à l’instar de l’embaumement, le moulage peut relever d’un motif affectif. La
pratique du masque mortuaire, avant l’essor de la photographie post mortem, est motivée
par le désir de « garder le souvenir d’un être cher ou d’un personnage célèbre » 25 . Il s’agit
alors de faire réaliser l’empreinte du visage juste après le décès, alors que les effets de la
mort sont encore peu marqués. Bien que pratiqué sur un défunt, le moulage doit néanmoins
restituer avec le plus de fidélité possible les traits de l’individu avant son décès. Or, donner
l’apparence de la vie nécessite quelques arrangements de la réalité, et donc une
intervention sur la dépouille mortelle.
Jusqu’à présent, hormis la constatation des décès suspects, les diverses
manipulations cadavériques décrites ne se préoccupent pas de la cause du trépas. Celle-ci
est l’apanage de l’autopsie.
4) L’autopsie
L’autopsie, ou plutôt les autopsies, constituent la dernière catégorie de
manipulations cadavériques. Toutes les autopsies ont un même objectif : comprendre
comment un individu est passé de vie à trépas, quelles lésions ou quels dysfonctionnements
de l’organisme ont provoqué le décès.
Dans la thèse de droit qu’il consacre à l’autopsie, Roger Brocas 26 distingue trois
sortes d’autopsies, en fonction d’une part du lieu où l’opération est pratiquée, et d’autre
part du statut de l’individu qui en fait la demande. Une autopsie est qualifiée de “privée”
22 Pelletan fils, « Embaumement », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier, et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 11, pp. 527-528.
23 Cf. le chapitre 3.
24 Thomas Schnalke, « Modèles anatomiques et moulages cliniques. L’élaboration d’une nouvelle vision du
corps en médecine » in A fleur de peau…, op. cit., pp. 109-119.
25 Emmanuelle Héran, « Le dernier portrait ou la belle mort » in Le dernier portrait, catalogue publié à
l’occasion de l’exposition « Le dernier portrait » présentée au musée d’Orsay du 5 mars au 26 mai 2002,
Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 2002, p. 81.
26 Roger Brocas, Le droit d’autopsie. Etude historique et juridique, thèse pour le doctorat, sous la présidence
de H. Donnedieu de Vabres, Université de Paris, Faculté de droit, 1938, 141 p.
469

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
quand elle est « demandée par des particuliers à un médecin privé, et qui, d’ordinaire, est
pratiquée au domicile du défunt » 27 . Il peut s’agir d’une requête ante mortem du défunt ou
d’une demande de son entourage, à la suite du décès. La démarche peut également être une
initiative du médecin traitant. Peu nombreuses, les autopsies privées sont sollicitées pour
tenter d’expliquer un décès subit, sans raison pathologique apparente.
Roger Brocas traite ensuite des autopsies hospitalières. Réalisées, comme leur nom
l’indique, dans les hôpitaux et les hospices, elles sont demandées par les praticiens qui
officient dans ces structures. Les recherches cadavériques leur permettent d’infirmer ou de
confirmer le diagnostic posé, et ainsi de comprendre pourquoi le traitement proposé n’est
pas parvenu à empêcher le décès. En outre, avec le développement de la clinique, c’est-à-
dire de l’apprentissage au lit du malade, l’hôpital est devenu un lieu d’enseignement et de
recherche scientifique. Les médecins novices peuvent, grâce à l’ouverture cadavérique du
patient qu’ils ont soigné, visualiser la maladie dans son ensemble : après avoir repéré un
certain nombre de symptômes externes et les dérèglements de l’organisme, ils peuvent
identifier de visu les lésions viscèrales qui en sont à l’origine. Les individus décédés dans
les hôpitaux constituent également la source indispensable pour mener des études sur
certaines pathologies et établir les protocoles thérapeutiques qui doivent les contrecarrer.
L’autopsie privée et l’autopsie à l’hôpital peuvent être regroupées sous le terme
d’autopsie anatomopathologique ou scientifique, car elles partagent la même technique
opératoire et leur motivation est purement médicale. En revanche, elles doivent être
distinguées de la dernière catégorie d’autopsie, qualifiée de “médico-légale” ou de
“judiciaire”. Si l’examen cadavérique s’attache toujours à établir les causes du décès, les
recherches sont effectuées sur demande d’un représentant de l’institution judiciaire qui
soupçonne l’intervention d’un élément extérieur dans la provocation du trépas. Cette
intervention peut être soit accidentelle soit criminelle, et là réside la question que l’autopsie
médico-légale doit essayer de résoudre.
Les trois autopsies reposent sur un même élément déclencheur, la soudaineté du
décès, et visent à comprendre non pas, à l’image de la dissection, le fonctionnement de
l’organisme, mais ce qui est responsable de son dysfonctionnement, et donc de l’arrêt de la
vie.
27 Ibid., p. 83.
470

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Vérification du décès, dissection, embaumement, moulage, autopsies, tous ces
examens ont un objet d’étude identique, le cadavre. Néanmoins, chacun conserve un grand
nombre de particularismes relatifs tantôt à la finalité qu’il souhaite atteindre, tantôt à la
personnalité de celui qui demande ou qui subit sa réalisation, tantôt aux circonstances et
aux conditions dans lesquelles il est pratiqué. En outre, à chaque manipulation cadavérique
correspond une législation idoine qui s’attache aux moments de sa réalisation et aux
individus qui s’y adonnent.
B) Un calendrier délimité
Malgré tout l’arsenal législatif qu’elles pourraient instaurer, les instances
dirigeantes ne pourront jamais prévoir et maîtriser les décès de leur population. Le moment
de la mort leur échappe totalement. En revanche, il leur est tout à fait possible de contrôler
les temps qui suivent le décès. Les différentes administrations disposent d’un ensemble de
lois qui impose un rythme défini et délimité à l’existence post mortem d’un individu. Or,
cette réglementation temporelle s’applique notamment aux manipulations et examens
cadavériques, en premier lieu au sujet de la période annuelle durant laquelle leur pratique
est autorisée, et en second lieu en termes de délai à respecter avant toute intervention.
1) La saison cadavérique
La vie de toute communauté est construite sur un découpage chronologique, naturel
ou artificiel, qui se répète et impulse un rythme aux activités. Parmi ces différents cycles, il
existe ce qu’il est permis d’appeler une saison cadavérique, c’est-à-dire une période de
l’année durant laquelle les recherches anatomiques sont permises. Pour des raisons
sanitaires, préoccupation première de nombre de textes officiels abordant la réglementation
ad hoc, les instances n’autorisent les dissections que durant les mois les plus froids de
l’année. La législation relative aux questions d’hygiène publique est dévolue aux préfets.
De plus, chaque hospice et hôpital établit son propre règlement intérieur quant au
traitement des dépouilles corporelles et aux manipulations qui peuvent être effectuées. La
législation relative à l’époque consacrée aux dissections peut donc légèrement varier d’un
département à un autre.
471

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Devant la multiplication des amphithéâtres particuliers de dissection dans l’enceinte
de la capitale 28 , principalement en raison de l’essor de l’enseignement médical, les
autorités parisiennes ont été contraintes de prendre un grand nombre de mesure à leur sujet.
Parmi ces divers arrêtés et ordonnances, deux mentionnent la saison des dissections.
L’ordonnance du Préfet de police Dubois, du 24 vendémiaire an XII (17 octobre 1803),
indique « que les dissection ne commenceront pas avant le premier brumaire (25 octobre),
et qu’elles cesseront au premier floréal (20 avril) » 29 . Abandonnant le calendrier
républicain, les dates retenues par l’ordonnance de la Préfecture de police du 25 novembre
1834 sont un peu décalées. Les dissections sont interdites de mai à novembre, ainsi que le
stipule l’article 12 : « les dissections devront être suspendus depuis le 1 er mai jusqu’au 1 er
novembre » 30 .
En ce qui concerne les dissections dans les autres villes françaises, leur pratique
étant presque exclusivement liée à l’enseignement de l’anatomie dans les Facultés et
Ecoles de médecine, il convient de rappeler que les cours relatifs à celle-ci ont
généralement lieu durant le semestre d’hiver. Que ce soit le Guide de l’étudiant en
médecine de Jacques Maygrier 31 en 1818, le Traité des études médicales de E. Frédéric
Dubois 32 en 1840, ou l’article sur l’enseignement de la médecine du Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales 33 en 1872, tous indiquent que les dissections et
autres manipulations anatomiques ont lieu pendant l’hiver. Pour assurer à l’Ecole de
médecine de Poitiers d’avoir un nombre suffisant de corps à mettre à la disposition du
scalpel du professeur d’anatomie et de ses étudiants, la commission des hospices prend une
décision, le 19 janvier 1831 : entre le 15 novembre et le 15 mars, la supérieure de chaque
structure hospitalière doit informer le directeur de l’Ecole des décès survenus dans son
établissement 34 . Cela laisse supposer que les individus qui trépassent en dehors de cette
fourchette chronologique ne sont pas mis à la disposition de l’Ecole. En outre, deux
28
Cf. l’étude de Marie-José Imbault-Huart, L’école pratique de dissection de Paris de 1750 à 1822 ou
l’influence du concept de médecine pratique et de médecine d’observation dans l’enseignement médicochirurgical
au XVIII e siècle et au début du XIX e siècle, thèse de doctorat, sous la dir. de P. Huard, Université
Paris I, 1973, VI-370 p.
29
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 257.
30
D. Dalloz, Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en
matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public, nouvelle
édition, Paris, Thunot, 1854, t. 31, p. 548.
31 ème
Jacques Maygrier, Guide de l’étudiant en médecine, 2 éd. rev. corr. et augm., Paris, Gabon, 1818,
pp. 21, 46 et 59.
32
E. Frédéric Dubois, Traité des études médicales, Paris, Gardembas, 1840, p. X.
33
H. Montanier, « Médecine (Enseignement et exercice) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 2 ème série, t. 5, p. 663.
34
Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine de Poitiers à ses débuts (1806-1854), extrait des Archives médicochirurgicales
du Poitou, Poitiers, Société française d’imprimerie et de librairie, 1908, p. 40.
472

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
documents trouvés dans les comptes de l’Ecole de médecine de Poitiers laissent entrevoir
que la pratique exclusivement hivernale des dissections y est respectée. Il s’agit de la liste
des cadavres transmis à l’Ecole de médecine par les trois hôpitaux de la ville, l’Hôtel-Dieu,
qui abrite d’ailleurs l’Ecole, l’Hôpital général et l’hospice des Incurables 35 .
L’acheminement des corps a lieu entre le 13 novembre et le 12 mars 36 .
Si à Paris, l’ordonnance de novembre 1834 a interdit les dissections au sein des
hôpitaux et les a concentrées dans les pavillons de la Faculté de médecine et
l’Amphithéâtre central des hôpitaux 37 , certains établissements provinciaux ont semble-t-il
maintenu la possibilité d’effectuer des dissections dans leurs murs, même si les médecins
ne s’y adonnent que très rarement, voire jamais. En 1888, la Direction de l’Assistance
Publique du ministère de l’Intérieur fait parvenir aux établissements hospitaliers un
questionnaire lui permettant de connaître leur fonctionnement et leur organisation, tant
administratifs que médicaux. L’une des rubriques porte sur les installations et aborde les
questions post mortem, en l’occurrence les pratiques de dissection, d’autopsie et
d’inhumation. La question 133 aborde l’époque à laquelle les dissections sont réalisées :
« Les époques où peuvent avoir lieu les dissections et les démonstrations anatomiques
sont-elles déterminées ? Quelles sont-elles ? » 38 . Parmi les établissements poitevins dont
les questionnaires sont disponibles aux archives départementales, le seul qui affirme
pratiquer des dissections, en l’occurrence l’hospice de Niort, répond négativement à cette
question (cf. annexe 40).
La pratique chronologiquement aléatoire des dissections dans le cadre hospitalier
est probablement consécutive à l’habitude des médecins de ces établissements de réaliser
des examens cadavériques en fonction de l’intérêt scientifique du sujet. Ce motif est par
ailleurs partagé par l’embaumement, le moulage et l’autopsie médico-légale. La date à
35 Pour une étude de la mise en place et de l’organisation des hôpitaux de la capitale poitevine cf. la thèse de
Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers au XIX e siècle, thèse pour le doctorat de Troisième cycle d’Histoire
du droit des institutions et des faits économiques et sociaux, sous la dir. du professeur R. Szramkiewicz,
Université de Poitiers, 1981, 412 f°.
36 A.D.V., 10T 1030, « Ecole de médecine. Budget : budget des recettes et dépenses ; compte de gestion du
directeur ; factures », Liste des cadavres venus à l’Hôtel-Dieu, s.d. [1851] et Liste des cadavres de l’Hôpital
général et des Incurables apportés à l’Hôtel-Dieu, s.d., [1851].
37 Ordonnance du Préfet de police du 25 novembre 1834 :
Article 2 : « il est également défendu de disséquer et de manœuvrer les opérations sur le cadavre
dans les hôpitaux, hospices, maisons de santé, infirmeries, maisons de détention, et en quelque autre localité
que ce soit. Les amphithéâtres actuellement existants dans les hôpitaux et hospices sont supprimés ».
Article 3 : « les dissections et exercices sur l’anatomie et la chirurgie ne pourront être faits que
dans les pavillons de la faculté de médecine et dans l’amphithéâtre des hôpitaux établi sur l’ancien cimetière
de Clamart ».
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
38 A.D.V., 3 Z 184, « Hospice de Loudun. Questionnaire », 1888.
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
473

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
laquelle le décès survient étant difficilement prévisible, il apparaît impossible de légiférer
sur les mois de l’année durant lesquels il sera permis de faire embaumer un défunt, de faire
réaliser un masque mortuaire, ou encore de faire procéder à un examen d’une mort
suspecte. Les séances de la Société de médecine de Poitiers renferment quelques exemples
d’autopsies anatomopathologiques réalisées par des praticiens confrontés soit à des
épidémies, soit à des cas médicaux qui ont suscité leur intérêt. Parmi les exemples
rapportés, il apparaît que les examens cadavériques sont pratiqués tout au long de l’année,
et que les mois les plus chauds, c’est-à-dire juin, juillet et août, sont même fréquemment
cités 39 .
Bien qu’il soit
impossible de planifier les
décès suspects, et donc les
examens cadavériques, il
existe des saisons propices à
l’examen post mortem
judiciaire, notamment quand il
s’agit de suicides ou de morts
accidentelles. A partir des
9%
7%
10%
Graphique 63 : Répartition mensuelles des morts
accidentelles en Poitou (an IV-1911).
6% 6%
12%
7% 6%
12%
8%
8%
9%
7%
8%
Graphique 62 : Répartition mensuelle des suicides en
4%
8%
12%
474
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 4.
ADV, L Supplément, 3U 4, 4M.
Poitou (an V-1914).
5% 7%
quelques échantillons
annuels fournis par les
archives des deux
préfectures poitevines,
complétées par celles de
plusieurs tribunaux
correctionnels, il apparaît
nettement que la période de
l’année qui totalise le plus
de suicides et de morts
subites ou accidentelles, correspond aux saisons les plus chaudes, soit le printemps et l’été
(cf. tableau 40, annexe 18). Ainsi que le montrent les graphiques ci-dessous, représentant
les répartitions mensuelles de ces deux catégories de décès, la période d’avril à septembre
39 A.D.V., 10T 1033-1035, « Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et études médicales
présentés à la Société de médecine », 1834-1856.
6%
13%
7%
9%
14%
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Sources : ADDS, 6M, 2U, 3U 1, 3U 4.
ADV, L Supplément, 3U 4, 4M.

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
est celle qui comptabilise la majorité des suicides et morts accidentelles : la part s’élève à
63% pour les suicides (graphique 62) et à 60% pour les accidentels (graphique 63).
Pourquoi un tel accroissement des suicides et des accidents mortels durant les
saisons printanière et estivale ? Une des explications réside peut-être dans le moyen choisi
par les individus pour mettre fin à leur jour et aux types d’accidents qui se produisent.
Ainsi que l’indique Richard Cobb, dans l’étude qu’il a mené sur le suicide et les autres
catégories de morts subites, à Paris entre l’an IV et l’an IX 40 , « la noyade était la façon la
plus simple et la plus commune de mettre fin à ses jours, du moins dans le Paris de cette
époque » 41 . En outre, nombre de décès accidentels se produisent au cours d’une baignade
dans une rivière ou d’une promenade en barque. Il est aisé de conclure que les conditions
climatiques sont déterminantes, la glace étant peu propice à la baignade, volontaire ou
fortuite. Néanmoins, il convient de mentionner que, d’une part, les décès volontaires et
accidentels n’ont pas exclusivement lieu au cours des six mois les plus chauds de l’année,
et d’autre part, que l’immersion n’est pas la seule technique employée pour en finir, ni la
seule cause d’accidents 42 . Il ressort que des mois plus austères en termes de météorologie
ont un pourcentage approchant celui de mois plus cléments, voire un pourcentage
équivalent : les mois de février, mars, et octobre, pour les suicides (graphique 62), et les
mois de janvier, mars et octobre pour les morts accidentelles (graphique 63), atteignent une
part de 7 à 8%.
S’il est possible de distinguer une saison des suicides et des accidents, en revanche
il n’existe pas de période durant laquelle les crimes de sang sont plus nombreux. Il existe
une répartition presque parfaite des examens cadavériques réalisés lors de l’instruction
d’une affaire criminelle entre les douze mois de l’année. La plupart des mois atteignent une
40 Richard Cobb, La mort est dans Paris. Enquête sur le suicide, le meurtre et autres morts subites à Paris au
lendemain de la Terreur, préface de Michel Vovelle, traduit par Daniel Alibert-Kouragine, Paris, Le chemin
vert, 1985, p. 9.
41 Ibid., pp. 10-11.
42 Le 28 mai 1828, le maire de Saint-Hilaire-La-Palud, dans les Deux-Sèvres, est informé qu’un homme de
32 ans s’est volontairement donné la mort, la veille, à l’aide d’un coup de fusil qui lui a « fracassé » la
mâchoire.
A.D.D.-S., 6M 8, « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de gendarmerie,
correspondance. Suicide (fusil) », Procès-verbal de la brigade de gendarmerie de Rohan-Rohan, le 29 mai
1828.
Le juge de paix de Saint-Varent, toujours dans le département des Deux-Sèvres, apprend par la rumeur
publique qu’un charretier est tombé dans l’eau, le 12 décembre 1816, alors qu’il traversait un ruisseau avec
sa charrette. L’examen pratiqué par Martin Michel Nepveu, chirurgien à Saint-Varent, et le témoignage de
l’homme qui a retiré le charretier de l’eau, permettent de retracer le déroulement du drame : l’aiguille de la
charrette s’est rompue durant la traversée, précipitant le véhicule et son conducteur dans l’eau ; l’homme
s’est alors retrouvé coincé, ses vêtements pris dans les ranches de l’échelier, et s’est noyé.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Mort accidentelle (noyade) », Procès-verbal du juge de paix, le 13 décembre 1816.
475

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
part de 8 à 9% (graphique 64), l’extrême inférieur s’élevant à 6% et l’extrême supérieur ne
dépassant pas 10%. En outre, le regroupement des examens selon les saisons n’est pas
Graphique 64 : Répartition mensuelle des affaires
criminelles poitevines (1795-1915).
Janvier
6%
8% 9%
10%
Février
Mars
Avril
Mai
7%
Juin
Juillet
Août
8%
10%
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
6%
9%
9%
9%
9%
Sources : ADDS, L 2 ème supplément
U, 2U, 3U1, 3U4.
ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
476
pertinent non plus,
l’égalité étant parfaite :
50% des examens post
mortem judiciaires ont
lieu d’avril à septembre,
et 50% se déroulent
entre octobre et mars.
Un homme de l’art a
donc la possibilité de
pratiquer une autopsie
médico-légale aussi bien
sous le soleil étouffant du mois d’août que par le froid glacial d’un jour de janvier.
De plus, les décès qui suscitent la curiosité des autorités judiciaires ont la
particularité de ne pas respecter le rythme de la vie défini par le calendrier hebdomadaire
ou quotidien. L’urgence que recèle toute instruction judiciaire ou enquête policière, quant à
l’établissement des circonstances exactes du trépas, tend à faire disparaître les époques
durant lesquelles il ne serait pas convenable et opportun de pratiquer un examen
cadavérique. Le dimanche et la nuit constituent traditionnellement les deux moments
consacrés au repos, hebdomadaire et quotidien. Depuis 1814, une loi impose un repos
complet le dimanche, « pour des raisons religieuses de sanctification » 43 . Ainsi, dans les
campagnes, même si le travail ne saurait être complètement mis entre parenthèses,
notamment l’entretien du bétail, le dimanche est le jour de la messe et du voyage au
bourg 44 . Bien que les deux départements étudiés demeurent majoritairement ruraux, et
donc accueillent une population dont les activités sont exclusivement agricoles, il convient
de préciser que le rythme du travail hebdomadaire diffère quelque peu en milieu ouvrier.
La Révolution de 1789 rejette le repos dominical, « contraire aux principes de liberté de
43 Catherine Thibault, « Plaidoyer pour le repos dominical », Autrement : Dimanche. Le temps suspendu, sous
la dir. de Nicole Czechowski, mai 1989, n°107, p. 97.
44 Cf. la rapide synthèse présentée dans Georges Duby, Armand Wallon (sous la dir. de), Histoire de la
France rurale, t. 3 : Apogée et crise de la civilisation paysanne de 1789 à 1914, par Maurice Agulhon,
Gabriel Désert et Robert Specklin, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1976, pp. 311-313.
Cf. également le numéro de la revue Autrement consacré au dimanche, notamment les contributions de
Robert Beck, « Le clergé et le cabaret », Autrement : Dimanche…, op. cit., pp. 88-94, et de Catherine
Thibault, « Plaidoyer… », art. cit., pp. 97-104.

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
conscience et de liberté du travail » 45 . Héritier des préceptes révolutionnaires, le
mouvement ouvrier du XIX e siècle préfère chômer le lundi :
« Avant la loi du 13 juillet 1906, qui accorde aux salariés un jour de repos hebdomadaire,
fixé au dimanche, il n’est donc pas rare que l’ouvrier parisien choisisse de travailler le
dimanche dans le but de pouvoir fréquenter cabarets et guinguettes pendant la soirée et
pendant le(s) jour(s) suivant(s) » 46 .
Or, en matière d’examens post mortem judiciaires, il semble que de tels rythmes ne
s’appliquent pas. Il peut arriver que le déroulement de l’instruction judiciaire, et donc des
recherches médico-légales, ne soit ni suspendu ni repoussé. Le 16 septembre 1821, le
procureur du roi de Loudun, chef-lieu d’arrondissement de la Vienne, est informé par
l’adjoint au maire de Saix, qu’une femme a accouché la veille et qu’elle aurait fait périr
son enfant 47 . Un juge d’instruction est alors chargé de la procédure criminelle et se rend sur
les lieux le jour même, qui en l’occurrence s’avère être un dimanche 48 . Le magistrat est
accompagné du Dr Marquet, praticien à Loudun, qu’il requiert de « procéder à l’ouverture
du cadavre » 49 . Le médecin expert s’exécute aussitôt 50 .
Le temps de repos journalier est, durant les deux tiers du siècle, identique en milieu
ouvrier et en milieu agricole. Le déclin de la luminosité marque la fin du temps de travail
et annonce le début d’autres occupations, de loisirs principalement, ou la récupération
physique. En outre, les activités pratiquées entre le coucher du soleil et l’aube sont
dépréciées. Au sein de la hiérarchie professionnelle, ceux qui exercent leur métier la nuit
appartiennent à la lie des travailleurs (vidangeurs, chiffonniers, balayeurs). Le mépris dont
sont victimes les travailleurs nocturnes est, par ailleurs, renforcé par l’accusation
d’immoralité qui frappe le monde des noctambules, constitué principalement de
prostituées, d’ivrognes et de crapules en tout genre 51 . Malgré ces diverses discriminations,
auxquelles s’ajoute la recommandation de la littérature médico-légale d’éviter la pratique
nocturne des examens post mortem, conseil que les médecins poitevins sont généralement
enclins à suivre 52 , l’arrivée de la nuit ne suspend pas toujours les activités cadavériques. Le
45 Catherine Thibault, « De la Saint-Lundi aux grands boulevards », Autrement : Dimanche…, op. cit., p. 116.
46 Simone Delattre, Les douze heures noires. La nuit à Paris au XIX e siècle, préface d’Alain Corbin, Paris,
Albin Michel, L’évolution de l’humanité, 2000, p. 185.
47 A.D.V., 2U 543, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Réquisitoire du
procureur du roi, le 16 septembre 1821.
48 Ibid., Procès-verbal constatant le corps du délit, le 16 septembre 1821.
49 Ibid.
50 Ibid., Rapport fait par Marquet, docteur médecin, le 16 septembre 1821.
51 Cf. sur la vie nocturne et les tentatives mises en place pour la contrôler, Simone Delattre, Les douze heures
noires…, op. cit., 674 p.
52 L’arrivée de la nuit, et donc de l’obscurité, constitue l’un des principaux motifs avancés par les médecins
experts, pour repousser la réalisation de l’examen. Cf. le chapitre 4 de la présente étude.
477

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
23 août 1822, à 8h. du soir, les deux experts requis pour effectuer l’examen médico-légal
d’un nouveau-né, pénètrent dans la demeure de l’adjoint au maire de Pers, commune du
sud-est des Deux-Sèvres, qui s’avère être le patron de la prévenue 53 . Ils entrent alors dans
la chambre à coucher où se trouve un coffre à linge, duquel le maire extrait le petit corps,
enveloppé dans deux tabliers 54 . Le médecin Jean-Marie Frédéric Roi et le chirurgien
Mestayer effectuent l’autopsie, puis rédigent le rapport d’expertise qu’ils closent le « 24
août à 2 heures du matin » 55 .
L’heure où la mort survient échappant complètement au contrôle des autorités
judiciaires et administratives, il leur est impossible de fixer des temps morts annuels dans
la pratique des examens cadavériques. La seule activité post mortem qu’elles parviennent à
réglementer est la dissection, pour des raisons sanitaires, car elle a lieu en nombre dans les
villes qui accueillent une Faculté ou une Ecole de médecine. Pour les autres manipulations
de la dépouille mortelle, aucun calendrier ne peut être imposé. En revanche, les autorités
sont parvenues à garder la maîtrise du temps cadavérique en déterminant un délai d’attente
avant toute intervention sur le corps sans vie.
2) 24 heures de sursis pour le défunt
Le passage de vie à trépas est un événement constitué de rites religieux, bien
entendu, mais également de rites laïcs. Le défunt, ou en l’occurrence son entourage, doit
respecter plusieurs étapes avant que l’individu soit officiellement reconnu comme ayant
définitivement quitté la communauté. Or, ce rituel contient une donnée temporelle. Un
délai de 24 heures doit être respecté avant de procéder à l’inhumation, comme le stipule
l’article 77 du Code civil :
« Aucune inhumation ne sera faite sans une autorisation, sur papier libre et sans frais, de
l’officier d’état civil qui ne pourra la délivrer qu’après s’être transporté auprès de la
personne décédée, pour s’assurer du décès et que vingt-quatre heures après le décès, hors
les cas prévus par les règlements de police » 56 .
L’arrêté du 21 vendémiaire an IX (13 octobre 1800) du Préfet de police Frochot reprend en
substance la même indication dans son article 8 :
« Dans tous les cas, il ne pourra être procédé à aucune inhumation que 24 heures après la
déclaration des parents ou voisins de la personne décédée, si cette déclaration a été faite le
53
A.D.D.-S., 2U 100, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport médical,
le 24 août 1822.
54
Ibid., Procès-verbal du juge de paix, le 23 août 1822.
55
Ibid., Rapport médical, le 24 août 1822.
56
Cité dans Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 90.
478

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
jour même du décès, à moins qu’il n’y ait dissolution commencée et constatée par l’officier
de santé » 57 .
S’il est défendu de porter en terre un défunt avant que 24 heures ne se soient écoulées
depuis son dernier soupir, il est implicitement interdit de pratiquer sur sa dépouille toute
manipulation ou intervention qui pourrait entraver un retour à la vie, et donc précipiter son
véritable décès : ensevelissement, c’est-à-dire enveloppement dans le linceul, mise en
bière, autopsie, moulage 58 . Il semble pourtant que les familles et les praticiens n’aient pas
toujours patienté 24 heures avant d’inhumer leur proche ou que les savants aient montré un
peu d’empressement dans la pratique des examens post mortem.
La faille de l’article 77 du Code civil, et qui profite aux contrevenants du délai de
24 heures, réside dans le fait que l’élément déclencheur de ce délai est le moment du décès.
Un entourage qui a hâte de se débarrasser de la dépouille du défunt, pour des raisons
criminelles ou émotionnelles, ainsi qu’il sera expliqué plus loin, peut être tenté de faire une
fausse déclaration quant à l’heure exacte du trépas 59 . Selon Gabriel Tourdes, « le moyen
était facile d’éviter la fraude, il suffisait, et c’est ce que l’on a fait à Paris, de compter les
24 heures du moment de la déclaration » 60 . Ainsi, l’article 8 de l’arrêté du 21 vendémiaire
an IX est amendé par l’arrêté du 25 janvier 1841 :
« dans tous les cas, l’ensevelissement des corps décédés, leur mise en bière, leur
inhumation, et en général toute disposition dont ces corps pourraient être l’objet, ne devra
avoir lieu qu’après l’expiration complète d’un délai de 24 heures à partir de la déclaration
de décès […] » 61 .
Si l’ancienne version indiquait déjà l’attente de 24 heures, elle n’était imposée que si la
déclaration avait lieu le jour même du décès, laissant alors toute latitude aux déclarants
d’indiquer une date du trépas plus ancienne. L’arrêté du 25 janvier 1841 stipule que quelle
que soit la date réelle du décès, le délai des 24 heures débute avec la déclaration. Ainsi,
dans l’éventualité où la famille parviendrait à déclarer le décès dans l’heure qui suit, le
délai de 24 heures serait obligatoirement respecté, avant la mise en bière et l’inhumation.
57
Paul Brouardel, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de naissance, inhumations,
expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris, Baillière et
fils, 1898, p. 224.
58
Ambroise Tardieu, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir.
de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1866, t. 4, p. 224.
59
Jules Rochard (sous la dir. de), Encyclopédie d’hygiène et de médecine publique, Paris, Rousseau et Vigot,
1897, t. 4, p. 2.
60
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit.,, p. 369.
61
Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 402.
479

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
En outre, afin de contrecarrer les éventuelles oppositions de praticiens qui
contesteraient l’application de la législation sur l’inhumation aux autres manipulations
cadavériques, les instances dirigeantes ont promulgué des lois idoines. Il s’agit dans un
premier temps d’une réglementation locale, mise en place par la Préfecture de police de
Paris. L’ordonnance du Préfet de police qui promulgue, le 25 novembre 1834, la
suppression des amphithéâtres de dissections, impose un délai de 24 heures avant toute
manipulation des individus décédés dans les hôpitaux de la capitale : « les cadavres ne
pourront être enlevés des hôpitaux et hospices que 24 heures après que le décès aura été
régulièrement constaté » 62 . Pour mettre en conformité son règlement intérieur avec les
recommandations préfectorales, le Conseil général des Hospices rédige à son tour une
ordonnance, le 3 décembre 1834, qui rappelle également le respect des 24 heures écoulées
avant l’exécution de toute manœuvre sur la dépouille 63 .
Afin de prendre l’ensemble des activités cadavériques en considération, le Préfet de
police Delessert produit une autre ordonnance, cinq ans plus tard, qui concerne cette fois-ci
les manipulations “privées”, en l’occurrence le moulage, l’autopsie, l’embaumement et la
momification. L’ordonnance, datée du 6 septembre 1839, aborde la question du délai
d’attente dès l’article premier :
« à Paris, et dans les autres communes du ressort de la préfecture de police, il est défendu
de procéder au moulage, à l’autopsie, à l’embaumement ou à la momification des
cadavres, avant qu’il se soit écoulé un délai de vingt-quatre heures depuis la déclaration
des décès à la mairie […] » 64 .
Il faut attendre 1866 pour qu’une circulaire du ministère de l’Intérieur impose la règle des
24 heures à tous les départements :
« Une circulaire ministérielle du 26 décembre 1866 65 , qui a pour but d’organiser dans
toute la France la vérification des décès, rend obligatoire pour les départements ce délai
de vingt-quatre heures, à dater de la déclaration, en l’appliquant à l’autopsie et aux autres
opérations analogues » 66 .
62 Ordonnance de la Préfecture de police de Paris, en date du 25 novembre 1834, article 7.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
63 Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 90.
64 « Ordonnance concernant le moulage, l’autopsie, l’embaumement et la momification des cadavres, 6
septembre 1839 », Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1840, t. 23,
p. 225.
65 Il semble qu’il y ait une erreur quant au jour exact de la promulgation de la circulaire, Gabriel Tourdes
indiquant lui-même, dans son Traité de médecine légale théorique et pratique, le 24 décembre 1866 et non le
26.
Cf. Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., pp. 369-370.
66 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 419.
480

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Comme l’article 6 de l’ordonnance du 6 septembre 1839 le précise, cette législation ne
s’applique pas aux examens réalisés dans les établissements hospitaliers ou les
amphithéâtres de la Faculté de médecine : « les dispositions de la présente ordonnance ne
sont pas applicables aux opérations qui sont pratiquées dans les hôpitaux ou dans les
hospices, et dans les amphithéâtres de dissections légalement établis » 67 .
L’administration hospitalière instaure en effet ses propres règles à la manipulation
des cadavres et aux recherches post mortem, surpassant même dans certains cas les
restrictions imposées par les autorités extérieures. A l’occasion de l’instauration d’un arrêté
du Conseil général des Hospices, le 10 novembre 1841, texte qui limite les possibilités
d’autopsie dans les hôpitaux, ainsi qu’il est indiqué plus loin dans la démonstration, des
voix s’élèvent contre cette décision. Après négociation, un nouvel arrêté est promulgué, le
6 avril 1842. L’article 6 confirme le délai de 24 heures avant toute intervention : « les
autopsies ne pourront être faites que vingt-quatre heures après le décès » 68 .
Il semble en réalité que ces multiples textes réglementaires entérinent des pratiques
anciennes et répandues, tant dans l’ensemble des établissements hospitaliers français que
dans la pratique privée des examens post mortem. Dans leur Manuel de technique des
autopsies, Désiré Bourneville et Paul Bricon donnent le nom de quelques villes où le délai
de 24 heures est observé, bien qu’aucune législation ne l’impose : Lyon, Bordeaux,
Montpellier, Nancy, Nantes 69 . Les séances de la Société de médecine de Poitiers apportent
également quelques informations à ce sujet. Dans les mémoires qui y sont retranscrits, il a
été relevé une dizaine de mentions du délai qui sépare l’heure du décès du moment auquel
l’examen cadavérique est effectué 70 . Un seul cas du non-respect des 24 heures a été noté :
lors d’une épidémie de fièvre typhoïde, en août 1855, le Dr Bonnet pratique l’autopsie d’un
soldat décédé à l’Hôtel-Dieu, 22 heures seulement après son trépas 71 . Mais dans la très
large majorité des cas, l’ouverture cadavérique est effectuée bien au-delà de 24 heures
après le décès. Une autre source tend à apporter la confirmation que les praticiens
hospitaliers se plient à cette règle. Les questionnaires adressés aux hôpitaux poitevins en
1888, par la Direction de l’Assistance publique, mentionnent, pour trois d’entre eux, que
les autopsies ne sont effectuées qu’après 24 heures révolues (cf. annexe 40). Il est toutefois
67 « Ordonnance concernant le moulage… », art. cit., p. 225.
68 Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 105.
69 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique des autopsies, Paris, Delahaye et
Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, pp. 16-17.
70 A.D.V., 10T 1033-1035, « Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et études médicales
présentés à la Société de médecine », 1834-1856.
71 A.D.V., 10T 1033, « Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et études médicales présentés à
la Société de médecine », Mémoire sur une épidémie de fièvre typhoïde, 1855.
481

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
nécessaire de garder à l’esprit que cette déclaration ne correspond peut-être pas à la réalité.
Les responsables des hôpitaux de Niort, Saint-Maixent et Thouars ont pu répondre par
l’affirmative à la question des 24 heures parce qu’ils savent que c’est le délai d’attente
considéré comme respectable.
Bien qu’il apparaisse globalement observé, le délai de 24 heures ne satisfait pas
l’ensemble des praticiens. Certains l’estiment trop bref pour ce qui est de l’inhumation, à
l’image de Gabriel Tourdes qui ne trouve aucun inconvénient, même hygiénique, à ce qu’il
s’élève à 36 voire 48 heures 72 . En revanche, quelques spécialistes d’anatomie pathologique
le considèrent beaucoup trop long. Bourneville et Bricon estiment que le délai de 24 heures
imposé par l’ordonnance de 1839, et qui souvent est porté à 36 ou 48 heures, est
« préjudiciable aux recherches d’histologie normale et d’anatomie pathologique » 73 . Leur
argument en faveur de l’autopsie immédiate est qu’elle pourra être complète : les
différentes « parties constitutives du corps pourraient être étudiées macroscopiquement et
histologiquement, mais encore chimiquement et physiologiquement » 74 , avant que les
altérations produites par la décomposition ne faussent l’examen. En outre, pour asseoir
complètement leur argumentation, ils s’emploient à démontrer que cette pratique ne
s’appuie sur « aucun texte légal formel » 75 . Malgré tout, seules deux exceptions sont
susceptibles d’abréger ce délai : la décomposition putride et la justice.
Il est en effet permis de procéder à l’inhumation avant l’expiration des 24 heures si
le début de la décomposition est dûment constaté par un homme de l’art, seul signe absolu
de la réalité du décès 76 . L’article 8 de l’arrêté du 21 vendémiaire an IX, cité précédemment,
stipule qu’il faut attendre 24 heures avant de porter un défunt en terre, « à moins qu’il n’y
ait dissolution commencée et constatée par l’officier de santé » 77 . Outre le fait qu’il
représente un danger pour l’opérateur, l’examen d’un corps en putréfaction, comme l’ont
fait remarquer Bourneville et Bricon, est moins satisfaisant au regard des résultats
scientifiques qu’il fournit. Par conséquent, l’autorisation accordée par la décomposition en
ce qui concerne l’inhumation ne s’avère d’aucun secours pour l’autopsie
anatomopathologique, et encore moins pour l’embaumement ou le moulage.
72
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 369.
73
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 5.
74
Ibid., p. 6.
75
Ibid., p. 7.
76
Cf., sur les signes de la mort et les difficultés à constater la réalité du décès, le chapitre 8 de la présente
étude.
77
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 224.
482

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Enfin, l’implication de la justice dans la pratique d’un acte post mortem peut seule
permettre au médecin d’intervenir sur la dépouille sans attendre. L’ordonnance du Préfet
de police Delessert l’indique clairement : « il n’est fait exception aux dispositions de la
présente ordonnance que pour les cadavres des personnes dont le décès aurait été constaté
judiciairement » 78 . Les auteurs sont presque unanimes sur la question : il est souvent
inutile de patienter une journée avant de pratiquer une autopsie médico-légale, en raison
principalement des circonstances très particulières dans lesquelles les expertises judiciaires
ont lieu. En effet, la violence employée, les blessures infligées, les manœuvres pour
dissimuler le cadavre aux autorités, ne laissent souvent aucun doute quant à la réalité du
décès. De plus, contrairement aux morts naturelles ou pathologiques, dont les victimes
trépassent en étant généralement entourées, l’heure exacte d’un décès violent ou accidentel
est plus difficile à fixer. Dans l’ouvrage qu’il consacre à l’art des autopsies
anatomopathologiques, Emile Goubert relève la singularité des examens judiciaires :
« dans ces expertises [médico-légales], on peut se dispenser d’attendre vingt-quatre
heures, si l’état de putréfaction ou le genre de mort excluent tout soupçon de vitalité » 79 .
Gabriel Tourdes se montre plus modéré dans ses propos :
« Le délai des 24 heures après la mort n’est pas exigé pour les autopsies médico-légales ;
ce délai doit être habituellement respecté, mais il peut être abrégé, avec le consentement
du magistrat, lorsque la putréfaction est très-rapide (sic) ou qu’une prompte opération
importe à la cause » 80 .
A la lumière de ces deux réflexions, il apparaît que l’heure à laquelle l’autopsie judiciaire
sera pratiquée dépend de plusieurs facteurs circonstanciels, et que l’avis du médecin expert
est prépondérant dans la décision. Lui seul peut être en mesure de dire s’il est nécessaire de
hâter l’examen cadavérique ou si celui-ci peut souffrir quelques heures d’attente.
Il ressort de la consultation des procédures criminelles et correctionnelles qui se
sont déroulées dans les départements de la Vienne et des Deux-Sèvres, que le délai de 24
heures n’est généralement pas observé. Les examens post mortem effectués lors des
instructions judiciaires ont été répartis en fonction du délai qui sépare le début de
l’enquête, correspondant le plus souvent à la découverte du corps, et le moment où l’acte
médico-légal est pratiqué. Il est nécessaire d’apporter une petite précision. Dans
l’éventualité où plusieurs examens de la dépouille ont été pratiqués, seule la date à laquelle
78 Ordonnance de la Préfecture de police de Paris, du 6 septembre 1839, article 4.
Cité dans « Ordonnance concernant le moulage… », art. cit., p. 225.
79 Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses applications à l’anatomie
pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première partie, Paris, Germer Baillière, 1867, p. 2.
80 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 421.
483

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
un examen interne a été effectué est prise en considération. La levée de corps, qui se borne
à explorer l’extérieur du cadavre, n’est pas retenue. En outre, si plusieurs examens internes
ont eu lieu, seul le premier est relevé pour déterminer le délai qui sépare le décès
officiellement reconnu et l’opération. En utilisant cette règle statistique, un tableau a été
ainsi établi (cf. tableau 41, annexe 19), et desquels les graphiques ci-dessous sont
construits.
3%
4%
28%
Graphique 65 : Répartition du délai entre le décès
et l'autopsie dans les affaires criminelles des Deux-
Sèvres (1795-1915).
13%
de la Vienne (graphique 66).
Leur pourcentage respectif
s’élève même à 80% et 89% en
additionnant les autopsies qui se
déroulent le jour même et celles
qui ont lieu le lendemain de la
découverte. En effet, une
autopsie pratiquée le lendemain
du décès, ou de la découverte du
décès, ne signifie pas
484
Il apparaît distinctement
que la majorité des autopsies
médico-légales ont lieu bien
avant la fin du délai
recommandé : 52% des examens
cadavériques sont réalisés le jour
même du décès dans les Deux-
Sèvres (graphique 65), et la part
atteint 59% pour le département
obligatoirement qu’il s’est réellement écoulé 24 heures. Il est tout à fait possible
d’envisager qu’un individu décède en soirée et que son autopsie soit réalisée à la première
heure le lendemain.
52%
30%
Jour même
1 jour
2 jours
3 jours
Plus de 3 jours
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Graphique 66 : Répartition du délai entre le décès
et l'autopsie dans les affaires criminelles de la
1% 5%
5%
Vienne (1795-1915).
Dans certaines affaires, le délai est parfois très restreint, une couple d’heures tout
au plus sépare le dernier soupir de l’autopsie. En ce début de septembre 1833, à la
demande du commissaire de police, les Drs Moreau et Barrilleau, praticiens à Poitiers,
rendent visite à un homme « trouvé baignant dans son sang sur un chemin et frappé de
59%
Jour même
1 jour
2 jours
3 jours
Plus de 3 jours
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
plusieurs coups de couteau » 81 . Les deux hommes de l’art apportent leurs soins au blessé,
mais celui-ci décède à 8h. du matin. Ils décident alors de reporter l’ouverture du corps à
« quatre heures du soir » 82 , soit 8 heures seulement après le décès. Le Dr Louis Lhuillier,
médecin à Montmorillon dans le département de la Vienne, s’avère encore plus prompt
dans l’exécution de son expertise. En 1907, il est requis par le procureur de la République
pour déterminer les causes de la mort d’un homme soigné à l’hospice de Montmorillon 83 .
L’homme succombe le 7 mai à « 2 heures de l’après-midi » et l’expert médecin
« [l’]examine à 5 heures du soir » 84 , c’est-à-dire au bout d’à peine 3 heures.
A contrario, certains médecins experts s’imposent de respecter le délai des 24
heures, avant d’effectuer des recherches avancées sur le corps du défunt. Les Drs Philibert
Dusouil et Jean Drouhet, domiciliés à Melle dans le sud des Deux-Sèvres, se rendent, en
juillet 1852, dans le bourg de Celles, en compagnie du procureur de la République 85 . Un
homme a été trouvé sur le bord d’un chemin à quelque distance de cette localité. Ils
effectuent un premier examen externe sur les lieux, puis font transporter le corps dans un
hangar, dans lequel ils procèdent à un second examen plus approfondi. Après avoir relevé
l’ensemble des blessures, les médecins experts interrompent leurs constatations et
déclarent qu’ils sont « obligés de remettre à demain les recherches nécropsiques (sic) car
elles ne peuvent pas se faire avant les délais fixés par la loi » 86 .
Dans le département des Deux-Sèvres, il est surprenant de constater que la
troisième catégorie d’autopsies correspond aux examens réalisés au-delà d’un délai de trois
jours : la part atteint les 13% (graphique 65). Pour ce qui est de la Vienne, la répartition,
entre les autres laps de temps séparant le décès et l’examen du cadavre, est plus équilibrée
(graphique 66). L’obtention d’un pourcentage si élevé doit être attribuée aux autopsies
pratiquées après exhumation. Il arrive que l’instruction, particulièrement dans les affaires
d’empoisonnement, commence longtemps après le décès ou qu’elle fasse apparaître
d’anciens décès suspects qui deviennent alors des crimes potentiels. Dans ces
circonstances, une exhumation des restes de l’éventuelle victime est effectuée, parfois
81
A.D.V., 2U 141, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Procès-verbal des
docteurs médecins, le 2 septembre 1833.
82
Ibid.
83
A.D.V., 3U 4 / 638, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide
involontaire et exercice illégal de la médecine », Rapport médical, le 7 mai 1907.
84
Ibid.
85
A.D.D.-S., 2U 212, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Procès-verbal
médical, les 22 et 23 juillet 1852.
86 Ibid.
485

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
plusieurs semaines après le début de l’enquête. De plus, le décès étant ancien, il n’est pas
utile que le médecin expert réalise le plus rapidement possible son examen.
Il convient d’apporter aussi quelques nuances en raison de la méthode choisie pour
établir ses statistiques. Il s’avère parfois difficile de déterminer avec précision l’heure ou le
jour exact du décès. Il est donc apparu plus pertinent de prendre le moment où l’instruction
judiciaire est ouverte comme point de départ du délai. Le début de l’instruction est assimilé
à la déclaration de décès enregistrée auprès de la mairie. En outre, la part d’imprévu
inhérente à toute instruction criminelle peut créer de multiples situations qui faussent
quelque peu la détermination du délai effectif séparant le trépas, ou le début de
l’instruction, de l’examen médico-légal. Le 21 juin 1825, le procureur du roi du Tribunal
de Première Instance de Châtellerault requiert le juge d’instruction d’ouvrir une instruction
relative au décès d’un homme remontant à plus d’un an 87 . L’intérêt du parquet pour ce
décès a été suscité par la déclaration d’un détenu qui affirme que le défunt a été victime
d’un empoisonnement criminel. Le magistrat entame son instruction dès le lendemain et
requiert dès lors deux experts, un médecin et un chimiste 88 . Commence alors une véritable
“chasse au cadavre”. Plusieurs fosses sont ouvertes le 22 juin 89 , puis le 2 juillet 90 , sans
qu’il soit possible de retrouver le bon défunt. Ce dernier est enfin identifié, grâce à une
tabatière et à une clavicule plus courte, le 6 juillet 1825 91 . Lherpinière, le médecin, effectue
donc les prélèvements nécessaires aux analyses chimiques, une dizaine de jours après le
début de l’instruction. Si la bonne fosse avait été ouverte tout de suite, l’examen aurait été
comptabilisé comme ayant été effectué le lendemain. Une telle situation s’est présentée
lors d’une autre affaire, instruite également dans la Vienne en 1838. Le Dr Boynet se rend,
au matin du 16 mars, dans la demeure d’une femme soupçonnée d’infanticide 92 . Une fois
sur place, le corps de l’enfant est retiré de la tombe improvisée dans laquelle il avait été
placé quatre jours plus tôt 93 . L’homme de l’art procède aussitôt à son examen. Le début de
l’enquête et l’autopsie médico-légale ont donc lieu le même jour, bien que le décès
remonte lui à quatre jours.
87
A.D.V., 2U 548, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre par empoisonnement »,
Réquisitoire du procureur du roi, le 21 juin 1825.
88
Ibid., Procès-verbal d’exhumation, le 22 juin 1825.
89
Ibid., Rapport, le 22 juin 1825.
90
Ibid., Procès-verbal d’exhumation, le 2 juillet 1825.
91
Ibid., Procès-verbal constatant l’exhumation de G., le 6 juillet 1825.
92
A.D.V., 2U 1538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport de M.
Boynet, docteur médecin, le 17 mars 1838.
93 Ibid.,
486

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Le cas singulier des victimes qui survivent quelques heures, voire plusieurs jours,
avant de succomber, peut également perturber la répartition. Le 22 juillet 1862, le juge
d’instruction de Châtellerault commet les Drs Lerpinière et Moreau de se transporter à
l’hospice de la ville, pour y examiner le corps d’un homme et pour déterminer si les
blessures qui lui ont été infligées sont responsables de son décès 94 . L’ouverture de
l’instruction et la réalisation de l’autopsie judiciaire ont lieu le même jour, mais le trépas
remonte à la veille, et en l’occurrence à exactement 26 heures 95 . Les Drs Leclerc et
Coulon, domiciliés respectivement à Bressuire et Cerizay, dans les Deux-Sèvres, sont
confrontés à la situation inverse. Le 10 juin 1828, ils se transportent, sur réquisition du
magistrat instructeur, au domicile d’un homme qui avait été victime de coups et blessures
le 3 juin 96 . Dès le lendemain, une enquête sur les circonstances exactes du drame a été
menée, c’est-à-dire quatre jours avant que le blessé ne succombe. Or, lorsque les deux
médecins experts procèdent à l’examen post mortem, il ne s’est écoulé que « quarante
heures environ » 97 depuis le décès, soit moins de deux jours.
En résumé, la complexité et la singularité des circonstances qui accompagnent les
décès criminels, ou du moins suspects, favorisent en quelque sorte le non-respect des 24
heures d’attente depuis le constat du trépas, ainsi que la diligence de l’examen cadavérique
judiciaire. Par conséquent, en raison de l’impossibilité de planifier et de maîtriser les
circonstances de tels décès imprévisibles, les autorités se trouvent incapables de contrôler
l’époque du trépas, et par la même occasion la chronologie des manipulations
cadavériques, en dehors des dissections. Ne pouvant que très légèrement influer sur le
calendrier, les instances dirigeantes focalisent leur attention et leurs restrictions sur les
praticiens des interventions post mortem, plaçant ceux-ci sous surveillance.
94 A.D.V., 2U 1653, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups volontaires ayant
occasionné la mort sans intention de la donner », Commission d’experts, le 22 juillet 1862.
95 Ibid., Procès-verbal de transport des magistrats à l’hospice de Châtellerault, le 22 juillet 1862.
96 A.D.D.-S., 2U 124, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Rapport des
médecins, le 17 juin 1828.
97 Ibid.
487

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
C) Des hommes de l’art sous surveillance
La manipulation des dépouilles mortelles n’est pas une activité permise à tout un
chacun. Parmi les professions qui exposent leurs praticiens à être parfois en contact avec le
cadavre, les hommes de l’art se trouvent soumis à une réglementation très stricte en ce qui
concerne l’usage qu’ils souhaiteraient faire de ce matériau primordial pour la science
médicale. Cependant, la législation ad hoc est à géométrie variable, en fonction toujours de
l’acte qu’il s’agit de réaliser : dissection, embaumement, autopsie privée,
anatomopathologique ou médico-légale. La surveillance à laquelle les médecins sont sujets
se conjugue de plusieurs manières. Outre les questions d’autorisation à obtenir, une
sélection est imposée aux hommes de l’art, tant dans les professionnels autorisés à
effectuer ces examens cadavériques, que dans les dépouilles qui y sont soumises. De plus,
les praticiens des manipulations cadavériques subissent un contrôle visuel direct de leurs
agissements.
1) Autorisations d’autopsier
Les manœuvres cadavériques secrètes sont expressément condamnées par les
autorités. Il n’est pas permis de disposer d’un défunt à sa guise : l’inhumation d’un corps,
son transport et tout autre manipulation sont soumis à autorisation, administrative,
judiciaire ou privée. Les articles 358 à 360 du Code pénal déterminent les amendes
appliquées aux contrevenants n’ayant pas respecté les prescriptions légales en matière de
décès. L’article 358 concerne l’inhumation “sauvage”, c’est-à-dire sans déclaration auprès
de l’état civil et sans permis d’inhumer :
« Ceux qui, sans l’autorisation préalable de l’officier public, dans le cas où elle est
prescrite, auront fait inhumer un individu décédé, seront punis de six jours à deux mois
d’emprisonnement, et d’une amende de seize à cinquante francs, sans préjudice de la
poursuite des crimes dont les auteurs de ce délit pourront être prévenus dans cette
circonstance.
La même peine aura lieu contre ceux qui auront contrevenu de quelque manière que ce soit
à la loi et aux règlements relatifs aux inhumations précipitées » 98 .
L’article 359 s’applique plus spécifiquement aux décès pouvant donner lieu à une affaire
criminelle :
« Quiconque aura recélé ou caché le cadavre d’une personne homicidée ou morte des
suites de coups ou blessures, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et
d’une amende de cinquante à quatre cents francs ; sans préjudice de peines plus graves,
s’il a participé au crime » 99 .
98 Cité dans François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 335.
99 Ibid., pp. 335-336.
488

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Enfin, l’article 360 a trait aux agissements illégaux exercés à l’égard des sépultures :
« Sera puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et de seize francs à deux cents
francs d’amende, quiconque se sera rendu coupable de violation de tombeaux ou de
sépultures, sans préjudice des peines contre les crimes ou délits qui seraient joints à celuici
» 100 .
Gabriel Tourdes met en garde tout praticien qui aurait effectué un examen post mortem,
sans obtenir au préalable l’aval de l’administration ou de la famille, car c’est à ce type de
peine qu’il s’expose : le médecin « ne se laissera pas aller à un zèle scientifique outré, il
ne s’exposera pas surtout, comme on l’a vu, à l’application de l’article 360 du Code pénal
[…] » 101 .
Les autorisations qui accordent le droit aux hommes de l’art et autres savants de
pratiquer des expériences ou des recherches sur des cadavres, sont fonction du cadre dans
lequel la manipulation est effectuée : privé, hospitalier ou judiciaire. La législation relative
aux examens et manipulations cadavériques effectués dans un cadre privé est la moins
développée. Plusieurs explications peuvent être avancées. Tout d’abord, la réglementation
du constat des décès et de l’inhumation impose de facto un certain nombre de restrictions à
l’intervention cadavérique à caractère privé. Les interdictions relatives à la pratique de la
dissection constituent également un frein indirect à d’autres manipulations post mortem.
Enfin, il semble que la rareté de telles activités n’ait pas nécessité la mise en place d’une
législation ad hoc au plan national. Ainsi, les textes réglementaires qui y sont consacrés
émanent exclusivement des instances régionales.
Les instances administratives et policières parisiennes se révèlent encore une fois
précurseurs en la matière, sans toutefois être prolixes. En effet, trois textes semblent avoir
réglementé la pratique de l’examen cadavérique privé durant le XIX e siècle. Le 14
messidor de l’an XII (3 juillet 1804), une première ordonnance du Préfet de police prescrit
que les médecins voulant s’adonner à l’ouverture de cadavres doivent, d’une part, obtenir
100 Gabriel Tourdes, « Cadavre (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1870, 1 ère série, t. 7, pp. 412-413.
101 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 419.
Il semblerait qu’un changement de considération du cadavre s’opère à la fin du XIX e siècle, rendant l’article
360 inapplicable dans certaines circonstances. Philippe Raimbault, dans son article « Le corps humain après
la mort. Quand les juristes jouent au “cadavre exquis”… » indique que, suite à une décision de la Cour de
cassation relative à un prêtre ayant effectué une césarienne post mortem pour baptiser l’enfant, « le délit de
violation de sépulture n’est applicable qu’une fois que le corps a reçu les apprêts funéraires ».
Cf. Philippe Raimbault, « Le corps humain après la mort. Quand les juristes jouent au “cadavre exquis”… »,
Droit et société, Paris, LGDJ, 2RJ, 2005, n°61, p. 834.
489

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’accord de la famille, et d’autre part, en informer l’officier de police 102 . Un arrêté, en date
du 24 septembre 1821, agrémente la précédente ordonnance de l’obligation de faire
constater légalement le décès : « Il ne pourra être procédé, sur la réquisition même des
particuliers, à l’ouverture d’un cadavre qu’après la vérification légale du décès et en
présence de l’officier de santé chargé de constater ledit décès » 103 . Enfin, l’ordonnance du
6 septembre 1839 qui a trait à l’autopsie, au moulage et à l’embaumement stipule, à
l’article 1 er , qu’« il est défendu de procéder au moulage, à l’autopsie, à l’embaumement ou
à la momification des cadavres […] sans qu’il en ait été adressé une déclaration
préalable, au commissaire de police à Paris, et au maire dans les communes rurales » 104 .
Dans les autres localités, les procédures peuvent légèrement différer. Quelques
exemples sont fournis dans le Manuel de technique des autopsies, de Bourneville et
Bricon 105 . Dans la seconde capitale médico-légale française, Lyon, les autopsies privées ou
« autopsies en ville » 106 sont rares et le consentement de la famille est suffisant pour
autoriser leur pratique. La même législation est appliquée à Montpellier. Quant aux
ouvertures cadavériques réalisées à Nantes et à Nancy, seule la constatation officielle du
décès est requise. Il apparaît que la déclaration préalable du décès est l’unique acte officiel
indispensable à la réalisation d’une manipulation cadavérique à titre privé. L’entourage du
défunt étant souvent à l’initiative de l’exécution de ces manipulations cadavériques,
l’autorisation de la famille est accordée de facto. En 1840, un certain Quotard fait part à la
Société de médecine de Poitiers du cas d’un homme qu’il a soigné, mais qui est décédé
subitement au bout d’une dizaine de jours. Devant cette « mort inattendue », la veuve
demande au médecin de réaliser l’ouverture du corps, pour en expliquer les raisons.
Suite à l’instauration de la loi du 15 novembre 1887, appelée « Loi sur la liberté
des funérailles » 107 , un décret d’exécution est rendu le 27 avril 1889 108 . Ce dernier fixe les
102 Ordonnance du Préfet de police du 14 messidor an XII :
Article 6 : « Dans les cas où l’incertitude des caractères d’une maladie aurait empêché d’en
connaître la cause, les médecins et chirurgiens qui, pour les progrès de l’art, désireraient faire l’ouverture
du cadavre, ne pourront y procéder que du consentement de la famille et après avoir prévenu l’officier de
police ».
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 86.
103 Article 1 er de l’arrêté du préfet de la Seine Chabrol, du 24 septembre 1821.
Cité dans Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 93.
104 « Ordonnance concernant le moulage… », art. cit., p. 225.
105 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 20.
106 Ibid.,
107 Xavier Labbée, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Lille, Presses
Universitaires de Lille, 1990, p. 291.
108 R. de Ryckere, « Crémation envisagée au point de vue criminel », Revue des journaux et des sociétés
savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Rey, 1909, t. 24, p. 956.
490

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
règles à suivre dans la constatation des décès, la mise en place des chambres funéraires,
ainsi que les procédures d’inhumation ou d’incinération. Le décret aborde, de plus, la
question de la manipulation cadavérique, relativement au transport du corps et à sa
conservation. L’article 3 a trait précisément à l’embaumement : « Il ne peut être procédé
aux opérations tendant à la conservation des cadavres par l’embaumement ou par tout
autre moyen sans une autorisation du préfet de police dans le ressort de la préfecture, et
du maire partout ailleurs […] » 109 . En outre, l’obtention de cette autorisation est
conditionnée par l’établissement du « rapport d’un médecin assermenté commis pour
vérifier le décès » 110 . En revanche, peu d’éléments sur l’autopsie, hormis à l’article 2 :
« si le décès paraît résulter d’une maladie suspecte, dont la protection de la santé publique
exige la vérification, le préfet peut, sur l’avis conforme écrit et motivé de deux docteurs en
médecine, prescrire toutes les constatations nécessaires et même l’autopsie » 111 .
La lacune législative est comblée trois décennies plus tard. Bien qu’il soit en dehors des
bornes chronologiques de la présente étude, il faut signaler que le texte réglementant de
manière uniforme les autopsies privées en France n’est institué qu’en 1919. Il s’agit, en
l’occurrence, du décret du 15 avril 1919 qui intéresse les inhumations et les sépultures.
L’article 15 précise qu’« il est interdit aux familles de faire procéder à l’autopsie des
cadavres, sans avoir obtenu au préalable l’autorisation du Préfet de Police, à Paris, et du
maire partout ailleurs » 112 .
L’activité cadavérique privée relève très souvent d’une demande de l’entourage et
doit être déclarée auprès des instances administrative et judiciaire, qui en autorisent la
pratique. En revanche, les recherches post mortem en milieu hospitalier sont généralement
initiées par les membres du corps médical. Ils ne doivent alors rendre des comptes qu’à la
famille et à l’administration hospitalière, les instances non médicales n’ayant en réalité
qu’un pouvoir limité dans ce cadre.
Les examens et les recherches effectués sur les individus qui succombent à l’hôpital
ne sont soumis à aucune forme d’autorisation. Ainsi que le résume Gabriel Tourdes, « dans
les hôpitaux, l’autopsie est de droit » 113 . Néanmoins, ainsi qu’il est expliqué infra, un
nombre important de restrictions et de limites sont imposées aux praticiens souhaitant
109
Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique de jurisprudence médicale, préface de Henri Roger,
introduction de Paul Brouardel, Paris, Masson, 1890, p. 182.
110
Ibid.
111
Ibid.
112
Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 89.
113
Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 419.
491

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
s’adonner à l’anatomie pathologique. La traditionnelle liberté des médecins exerçant dans
les hôpitaux et les hospices s’explique notamment par la fonction première de ces
établissements : accueillir les indigents et autres individus désargentés qui n’ont pas les
moyens de fréquenter le cabinet privé d’un médecin. Pour cette raison, les malades qui y
succombent sont d’une certaine façon abandonnés par leur famille qui n’a pas toujours la
possibilité d’offrir des funérailles au défunt. La dépouille est alors laissée aux bons soins
de l’hôpital, qui peut alors en disposer comme elle l’entend avant de le porter en terre. Ce
sont les corps qualifiés de “non réclamés”.
Or, la réclamation de la dépouille constitue la notion fondamentale qui détermine
les activités permises ou non sur le cadavre. En novembre 1841, le Conseil général des
Hospices décide, par arrêté, que « les médecins et chirurgiens des hôpitaux ne pourront
ouvrir les cadavres des personnes réclamées par leur famille qu’autant que les parents
auront délivré par écrit leur consentement » 114 . En voulant aligner le règlement intérieur
des établissements hospitaliers sur la législation des manipulations cadavériques en vigueur
à Paris, le Conseil général des Hospices a suscité la farouche opposition de l’un de ses
membres, Mathieu Orfila 115 , figure de premier ordre du corps médical à cette époque,
notamment dans le domaine de la toxicologie médico-légale. Après en avoir référé au
préfet de la Seine, auquel il expose ses arguments et présente sa démission, Orfila obtient
gain de cause. Le ministre de l’Intérieur, à la suite d’une discussion réalisée à l’Académie
de médecine à ce sujet, refuse de valider l’arrêté du Conseil général des Hospices et
affirme, dans une lettre adressée au préfet de la Seine, que « l’autopsie doit demeurer la
règle dans l’intérêt bien entendu des malades eux-mêmes et de la science » 116 .
Un nouvel arrêté est alors pris par le Conseil général des Hospices, le 6 avril 1842 :
au lieu d’obliger les médecins à obtenir le consentement de la famille pour effectuer un
examen post mortem, il accorde à cette dernière la possibilité de s’opposer à l’acte 117 . Les
hommes de l’art gardent quasiment toute liberté en matière d’autopsie
anatomopathologique. En effet, lorsque le défunt est un indigent sans famille, ou dont cette
dernière ne réclame pas la dépouille, le médecin peut pratiquer une recherche cadavérique
sans difficulté. Dans l’éventualité où le corps du défunt est réclamé par son entourage, si
114
Arrêté du 10 novembre 1841, cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 99.
115
Ibid., p. 100.
116
Ibid., p. 103.
117
Arrêté du Conseil général des Hospices du 6 avril 1842 :
Article 4 : « Les corps réclamés par les familles ne pourront être ouverts lorsqu’elles auront
formellement et spontanément exprimé au directeur de l’établissement le vœu qu’il ne soit pas procédé à leur
autopsie […] ».
Cité dans ibid., p. 104.
492

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
celui-ci ne manifeste pas clairement son opposition à toute manœuvre cadavérique, le
praticien peut tout autant effectuer quelques recherches anatomopathologiques. En outre,
comme le souligne David Le Breton, l’utilisation de son veto à la pratique d’un examen
cadavérique « exige bien entendu une solide connaissance des mœurs médicales » 118 . Les
hommes de l’art peuvent donc profiter de la relative ignorance des étrangers au domaine
médical pour réaliser des autopsies en toute impunité, ignorance qui est à l’origine de
certaines croyances ou certains fantasmes vis-à-vis des activités du corps médical, comme
l’explique la deuxième partie du présent chapitre.
La nécessité d’obtenir une autorisation formelle pour intervenir sur la dépouille
n’apparaît que dans l’éventualité où la famille a fait usage de son droit d’opposition. Un
praticien qui estime la réalisation de l’examen indispensable, pour des raisons de santé
publique ou judiciaires, peut solliciter l’intervention de la commission administrative de
l’établissement. Cette dernière doit alors en référer aux instances compétentes, parquet ou
préfecture, qui seules peuvent contourner le refus des proches et autoriser l’examen post
mortem 119 . Une circulaire du ministère de l’Intérieur, en date du 15 décembre 1899, établit
un règlement général qui s’applique aux établissements de même nature. Le chapitre VII
aborde le sujet de l’autopsie et reprend en substance l’ensemble des prescriptions de
l’arrêté du Conseil général des Hospices :
« Lorsque les corps sont réclamés par les parents, ils leur sont rendus.
Lorsqu’il n’y a pas d’opposition de la part des familles, l’autopsie pourra être
pratiquée dans un but scientifique, sur avis conforme du corps médical […]. Les droits de
l’autorité judiciaire sont, bien entendu réservés, ainsi que ceux de l’autorité
préfectorale » 120 .
Il semble néanmoins que dans la pratique, l’administration hospitalière et les
médecins se montrent un peu plus pondérés ou diplomates. Dans les questionnaires
118
David Le Breton, La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps humain, Paris, Métailié, 1993,
p. 165.
119
Arrêté du Conseil général des Hospices du 6 avril 1842 :
Article 4 : « […] Cette opposition des familles ne sera du reste que sans préjudice du droit réservé à
l’administration de faire procéder à l’autopsie des corps dans les cas où elle serait obligée par l’intérêt
public.
Dans ces diverses circonstances, les chefs de service déclareront par écrit, en marge de l’opposition
des parents quelles sont les causes pour lesquelles ils estiment qu’il doit être procédé à l’autopsie malgré
l’opposition des parents et que les autorisations nécessaires doivent être en conséquence réclamées.
Pour l’obtention de ces autorisations, sur l’avis qui lui en sera immédiatement donné par le chef de
l’établissement il en sera référé par un des membres de la Commission administrative au Procureur de la
République dans les cas où la justice devra en connaître, et pour ce qui intéresse la santé publique à M. le
Préfet de Police chargé de veiller à tout ce qui pourrait y porter atteinte ».
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 105.
120
Circulaire du ministère de l’Intérieur du 15 décembre 1899, chapitre VII, article 43.
Cité dans ibid., p. 121.
493

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
adressés aux hôpitaux poitevins, à la fin des années 1880, par la Direction de l’Assistance
publique, une question a trait au consentement des familles en matière d’autopsies : « Sont-
elles subordonnées à l’autorisation de la famille ? » 121 . L’hôpital de Thouars répond par
l’affirmative (cf. annexe 40).
Il s’avère enfin que si les officiers de police judiciaire peuvent autoriser des
pratiques anatomopathologiques en faisant fi de l’opposition de la famille, l’implication de
l’institution judiciaire dans un décès interrompt ou fait obstacle à toute manipulation
cadavérique non requise par ses représentants. L’injonction, implicite durant tout le XIX e
siècle, est rappelée à l’occasion d’un scandale, déjà mentionné au cours du précédent
chapitre, et dont Gilles de la Tourette est le protagoniste principal. Résumons le
déroulement des événements : au début de l’année 1901, ce praticien réalise, « sur la
demande formelle de la veuve » 122 , l’autopsie d’un sergent de ville accidenté quelque
temps auparavant, et chez qui le traumatisme aurait provoqué une forme d’anorexie. Pour
effectuer des analyses complémentaires, le cerveau est prélevé. La veuve porte ensuite
plainte contre le responsable de l’accident, ce qui incite le parquet à requérir une expertise
médico-légale du défunt. Or, le premier examen a entraîné la destruction de précieux
éléments physiques et, par conséquent, empêche le médecin expert de réaliser certaines
constatations. A l’issu de la discussion, les membres de la Société de médecine légale
décident de confier la question des autopsies pratiquées dans les hôpitaux à une
commission 123 . Trois mois plus tard, celle-ci présente son rapport devant la Société. Elle
fait alors une recommandation pour éviter les éventuels conflits entre autopsie
anatomopathologique et autopsie médico-légale :
« D’autre part, lorsqu’un individu amené dans un hôpital aura été ou sera pendant son
séjour l’objet d’une investigation de la part de l’autorité judiciaire, […] la mention en sera
portée sur la fiche le concernant par l’administration de l’hôpital […], et, en cas de décès,
il ne pourra pas être procédé par le service d’hôpital à son autopsie, sans une autorisation
formelle et précise de cette autorité judiciaire » 124 .
121 A.D.V., 3 Z 184, « Hospice de Loudun. Questionnaire », 1888.
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
122 « Le secret des expertises », Société de médecine légale (séance du 11 février 1901), Revue des journaux
et sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1901, t. 16, p. 316.
123 Ibid., p. 320.
124 « Comment les autopsies sont-elles faites dans les hôpitaux ? Comment devraient-elles être faites ? »,
Société de médecine légale de France (séance du 13 mai 1901), Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1901, 3 ème série, t. 45, p. 539.
494

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Il convient de rappeler qu’en matière d’autopsie médico-légale, le procureur, de la
République, du roi ou impérial selon l’époque, est le seul habilité à demander sa
réalisation 125 . Dans certaines circonstances, ce droit peut être délégué au juge
d’instruction 126 , au juge de paix, à l’officier de gendarmerie, au commissaire de police 127 ,
au maire ou à son adjoint 128 , voire au préfet 129 . Un médecin ne peut, de sa propre initiative,
effectuer un examen cadavérique, sous prétexte qu’il soupçonne une manœuvre criminelle.
Face à un décès suspect, il doit se contenter de faire part de ses doutes quant à la nature du
trépas, et à la rigueur suggérer la pratique d’un examen plus approfondi. La requête est
fréquente lors des constats de décès que les hommes de l’art sont amenés à effectuer, ou à
l’occasion d’une levée de corps qui constitue déjà un acte médico-judiciaire. Charles
Vibert, dans son Précis de médecine légale donne un exemple de certificat de levée de
corps. A l’issue de l’examen du défunt, l’homme de l’art établit les conclusions suivantes :
« Conclusions.-1°) La mort du sieur X est réelle.
2°) Elle remonte à environ 12 ou 24 heures.
3°) Le corps ne porte pas de marques de violences auxquelles on puisse attribuer
la mort.
4°) La cause de celle-ci ne peut être déterminée par l’examen extérieur du
cadavre ; s’il y avait intérêt à la connaître, il serait nécessaire de pratiquer
l’autopsie. » 130
Des suggestions similaires se trouvent dans les dossiers de procédures criminelles
poitevines. Quelques-uns suspendent même leurs investigations médicales dès lors qu’ils
125 Article 43 du Code d’instruction criminelle : « Le procureur de la République se fera accompagner d’une
ou deux personnes présumées, par leur art ou leur profession, capables d’apprécier, la nature et les
circonstances du crime ou du délit ».
Article 44 du Code d’instruction criminelle : « S’il s’agit d’une mort violente, ou d’une mort dont la cause
soit inconnue et suspecte, le procureur de la République se fera assister d’un ou de deux officiers de santé
qui feront leur rapport sur les causes de la mort et sur l’état du cadavre ».
Cité dans Charles Vibert, Précis de médecine légale, introduction de Paul Brouardel, 1 ère éd. 1885, 4 ème éd.
rev. et corr., Paris, Baillière, 1896, p. 68.
126 Article 59 du Code d’instruction criminelle : « Le juge d’instruction, dans tous les cas réputés flagrants
délits, peut faire directement et par lui-même tous les actes attribués au procureur de la République ».
Cité dans Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., p. 197.
127 Article 48 du Code d’instruction criminelle : « Les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les
commissaires généraux de la police recevront les dénonciations des crimes ou délits commis dans les lieux
où ils exercent leurs fonctions habituelles ».
Article 49 du Code d’instruction criminelle : « Dans les cas de flagrant délit, ou dans le cas de réquisition de
la part d’un chef de maison, ils dresseront les procès-verbaux, recevront les déclarations des témoins, feront
les visites et autres actes qui sont, auxdits cas, de la compétence des procureurs de la République, le tout
dans les formes et suivant les règles établies au chapitre des procureurs de la République ».
Cité dans ibid., pp. 196-197.
128 Article 50 du Code d’instruction criminelle : « Les maires, adjoints de maires et les commissaires de
police recevront également des dénonciations et feront les actes énoncés en l’article précédent, en se
conformant aux mêmes règles ».
Cité dans ibid., p. 197.
129 Cf. le chapitre 1 sur les instances judiciaires habilitées à requérir des expertises médico-légales.
130 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 800.
495

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
comprennent que le décès est suspect et soulignent que les recherches adéquates ne
peuvent être réalisées qu’à la demande expresse du procureur. Le Dr Joseph Albert,
médecin à Ménigoute, dans les Deux-Sèvres, est appelé par le maire d’une commune
voisine à venir visiter une femme qui affirme être victime d’un empoisonnement 131 . La
malade décède au bout de quelques heures. L’homme de l’art prélève alors les vomissures
rendues par la défunte à plusieurs reprises, indique que « l’analyse des matières vomies et
une autopsie cadavérique peuvent seules déterminer le genre de mort » 132 , puis fait
remarquer que « l’autopsie n’est faite que sur réquisitoire du procureur du roi » 133 .
Par voie de conséquence, l’entourage du défunt n’est pas non plus en mesure de
faire pratiquer un examen post mortem médico-légal. Comme l’affaire du sergent de ville
autopsié par les internes de Gilles de la Tourette l’illustre, l’ouverture d’une enquête
nécessite de suivre un rituel spécifique : décès, plainte de la famille ou rumeur de crime,
désignation d’un juge d’instruction par le parquet, ouverture de l’instruction et, de manière
simultanée ou consécutive, réquisition d’un expert médico-légal. Ainsi, dans l’éventualité
où la famille suspecte un décès criminel, l’intervention du médecin, appelé de sa propre
initiative, aboutirait à un simple acte d’état civil. En outre, étant généralement impliqué
dans le décès en question, l’entourage est peu enclin à faire procéder un examen médical
de la dépouille 134 . Or, plus encore que dans les décès susceptibles de présenter un intérêt
scientifique ou pouvant s’avérer utiles à la santé publique, les examens cadavériques dans
le cadre judiciaire ne souffrent aucune opposition. Au même titre que l’autorisation de
manipuler un cadavre, les restrictions et autres résistances élevées contre les pratiques post
mortem sont fonction du cadre dans lequel elles s’exercent.
2) Opposition et restrictions
Outre les critères à remplir pour être autorisés à ouvrir un cadavre, réaliser un
moulage mortuaire ou un embaumement, les instances dirigeantes ont déterminé des
limites dans l’entreprise de ces manœuvres cadavériques. Cette limitation se manifeste de
plusieurs manières : en premier lieu, la possibilité, dans une certaine mesure, d’empêcher
l’exécution de l’acte ; en second lieu, la restriction du nombre de manipulations permises,
en fonction du statut du praticien et du nombre de corps pouvant y être soumis.
131
A.D.D.-S., 2U 129, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Rapport
rédigé par M. Albert, le 23 juin 1829.
132
Ibid.
133
Ibid.
134
Sur les réticences de la famille envers la réalisation d’une autopsie médico-légale, cf. la seconde partie du
présent chapitre.
496

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Parmi les diverses interventions effectuées sur un corps privé de vie, celles qui
offrent le plus de possibilité de refus sont les manipulations réalisées dans un cadre
médical, en l’occurrence dans les établissements hospitaliers et les amphithéâtres de
dissection. Il a déjà été spécifié que les corps non réclamés ou abandonnés sont considérés
comme orphelins. Après en avoir usé relativement à leur guise, l’administration
hospitalière ou l’établissement d’enseignement sont tenus de leur donner une sépulture 135 .
En conséquence, seuls les défunts réclamés par leur famille sont susceptibles d’échapper
au scalpel du médecin. Concernant la pratique de la dissection, la réclamation du corps est
de fait synonyme de refus :
« Les cadavres provenant des hôpitaux et hospices sont seuls affectés au service des
amphithéâtres d’anatomie. Toutefois les familles peuvent réclamer, pour les faire enterrer
à leur frais, les corps de leurs parents décédés dans les hôpitaux et hospices » 136 .
Pour les examens et recherches pratiqués dans les hôpitaux, la réclamation du corps n’est
pas suffisante. Il faut que la famille fasse clairement part de son opposition, notamment à
partir de 1842. L’article 4 de l’arrêté du Conseil général des Hospices, du 6 avril 1842,
prescrit que :
« Les corps réclamés par les familles ne pourront être ouverts lorsqu’elles auront
formellement et spontanément exprimé au directeur de l’établissement le vœu qu’il ne soit
pas procédé à leur autopsie. Cette opposition sera immédiatement mentionnée sur le
registre de destination des corps » 137 .
Dans de telles circonstances, l’abstention vaut accord. Un second texte souligne par
ailleurs le caractère volontaire et spontané de l’opposition des familles. Pour se prémunir
peut-être des agissements de directeurs d’établissements trop zélés, la circulaire
ministérielle du 15 juillet 1850, leur fait la recommandation suivante :
« L’administration, en se croyant obligée de respecter le vœu des familles, quant au refus
d’autopsie, est loin de méconnaître les intérêts de la science ; c’est sa volonté formelle, sa
mission et son devoir. Vous devrez donc laisser les familles à leur spontanéité et vous
abstenir de provoquer leur opposition à l’autopsie » 138 .
Il est donc permis de conclure que les oppositions de l’entourage du défunt ne
doivent pas être très nombreuses. Bourneville et Bricon signalent que d’une ville à l’autre
135 L’inhumation, ou plutôt la non-inhumation, des débris de cadavres, résultats peu ragoûtant des dissections
anatomiques, est le motif principal de la suppression des amphithéâtres particuliers.
Cf. D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., pp. 256-284.
La troisième partie du présent chapitre revient plus en détail sur la question du traitement des corps après
l’examen médical.
136 Ordonnance de la Préfecture de police du 25 novembre 1834, article 5.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
137 Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 104.
138 Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., pp. 3-4, note infrapaginale.
497

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
la fréquence des refus est variable : si à Nantes les proches s’opposent fréquemment à la
réalisation d’un examen post mortem, à Nancy et à Bordeaux cela est beaucoup plus
rare 139 . De plus, la prise en considération de l’opposition manifeste des parents, à l’égard
de la pratique d’un examen cadavérique, dépend du respect de la procédure requise en la
matière. Bien que le directeur d’établissement doive spécifier le refus d’autopsie sur le
registre de destination des corps, tel qu’il est stipulé dans l’arrêté d’avril 1842, la seule
déclaration orale de la famille est insuffisante. Une circulaire de l’Assistance publique, en
date du 3 juin 1892, entérine la nécessité d’une déclaration par écrit 140 . Le procédé était,
semble-t-il, déjà en place dans certaines villes, par exemple à Lyon 141 . Enfin, le droit
d’opposition ne peut s’exprimer que durant un laps de temps relativement limité : entre
l’heure du décès et l’heure de l’autopsie. Ainsi que l’indique André Bergé dans son Guide
de l’étudiant à l’hôpital, l’autopsie ne pouvant être réalisée avant 24 heures révolues
depuis le trépas, ce laps de temps est précisément celui dont dispose le famille pour
signifier son objection 142 . La circulaire du ministère de l’Intérieur, en date du 15 décembre
1899, valide par ailleurs ce procédé :
« […] Le décès devant être notifié immédiatement, et, d’autre part, l’autopsie ne pouvant
être pratiquée avant 24 heures à compter du décès, les familles auront le temps nécessaire
pour mettre opposition à l’autopsie, si elles le jugent convenable ; l’opposition est
d’ailleurs recevable tant que l’autopsie n’est pas commencée […] » 143 .
Sans anticiper outre mesure sur les réflexions contenues dans la seconde partie du
présent chapitre, il convient toutefois de signaler que des plaintes ont été déposées, à
l’encontre soit d’un homme de l’art, soit de l’institution hospitalière, par des familles qui se
sont senties offensées par la réalisation d’un examen cadavérique sur leur cher disparu. Les
Archives d’anthropologie criminelle rapportent l’une de ces affaires, sous le titre
provocateur, tel un avertissement, du « Danger des autopsies d’office » 144 . A la veille du
premier conflit mondial, une mère demande réparation auprès des autorités judiciaires, car
la dépouille de sa défunte fille a été « livrée aux expériences médicales malgré qu’elle eût
139 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 27.
140 Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 113.
141 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 27.
142 André Bergé, Guide de l’étudiant à l’hôpital. Examen clinique. Autopsies, Paris, Gauthier-Villards et
Masson, Encyclopédie scientifique des aide-mémoire, s.d., p. 187.
143 Circulaire du ministère de l’Intérieur du 15 décembre 1899, chapitre VII, article 43.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 121.
144 « Le danger des autopsies d’office », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale
et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1913, t. 28, p. 71.
498

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
réclamé le corps de son enfant » 145 . Il n’est malheureusement pas indiqué si la plaignante
avait dûment signifié son refus de tout examen ou recherche post mortem.
Si face à la dissection et l’autopsie anatomopathologique, l’individu, ou plus
fréquemment sa parenté, conserve un droit sur son corps, dans le domaine judiciaire il en
est totalement dépossédé. Il est inutile de citer à nouveau l’ensemble des articles et autres
prescriptions réglementaires qui posent comme exception, à tout refus ou restriction à une
manœuvre cadavérique, une décision de justice 146 . Le droit inaliénable des instances
judiciaires et administratives à requérir de telles expériences suscite chez Philippe
Raimbault la remarque suivante : « l’éventuel refus de certaines pratiques “médico-
légales” sur le cadavre ne trouve pas à s’exprimer, ce qui revient concrètement à nier
toute idée de consentement au nom d’intérêts publics réputés supérieurs » 147 .
Pour autant, d’aucuns ont tenté d’empêcher la réalisation d’examen cadavérique. Le
24 juin 1894, le président de la République Sadi Carnot, en visite à Lyon, reçoit à
l’abdomen un coup de poignard assené par l’anarchiste Caserio. Il succombe quelques
heures seulement après l’attentat. Le maire de Lyon, conscient de la gravité de la situation,
insiste auprès des autorités pour faire pratiquer une autopsie, malgré « les refus d’une
épouse désolée » 148 . Convaincue par les arguments du Dr Ollier, appelé à porter secours au
président juste après l’agression, la veuve se résigne à autoriser l’autopsie 149 , qui sera par
ailleurs ordonnée par le procureur quelques heures plus tard 150 . D’autres ont manifesté leur
désaccord a posteriori. En mai 1823, le sous-préfet de Parthenay sollicite l’avis du préfet
des Deux-Sèvres. Il s’interroge en effet sur les prérogatives du procureur en matière
d’examen cadavérique, notamment sur la question du délai de 24 heures et sur son droit
absolu à faire pratiquer une autopsie 151 . Son interrogation fait suite à une mort accidentelle,
en l’occurrence la noyade d’un enfant survenue le 7 mai, et pour laquelle le procureur du
roi a fait procéder à l’autopsie presque aussitôt. Or, le père, qui n’avait pas été prévenu de
la réalisation de l’examen, a porté plainte contre le magistrat auprès du procureur
145
Ibid.
146
Le Code de procédure pénal, institué en 1958, rappelle à nouveau la prérogative judiciaire en la matière :
« l’article 74 du Code de procédure pénale permet de faire procéder à une autopsie du cadavre sans qu’il
soit possible de s’y opposer ».
Philippe Raimbault, « Le corps humain… », art. cit., p. 829, note infrapaginale.
147
Ibid., p. 830.
148
Alexandre Lacassagne, « L’assassinat du président Carnot », Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, p. 521.
149
Ibid.
150
Ibid., p. 560.
151
A.D.D.-S., 5M 8/2, « Police des cimetières, transport de corps et exhumations », Lettre du sous-préfet de
Parthenay, le 23 mai 1823.
499

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
général 152 . La réponse du préfet est catégorique : le procureur s’est conformé aux codes et
procédures juridiques en vigueur ; la plainte est irrecevable 153 .
Les familles confrontées à un décès subit et/ou suspect sont donc juridiquement
démunies face à la pratique des examens cadavériques judiciaires. Il leur est impossible de
s’y opposer, en dehors d’une objection purement formelle, sans aucune valeur légale. En
outre, il apparaît que refuser l’exécution d’une expertise médico-légale n’est pas vraiment
dans l’intérêt de la famille, ainsi qu’il est expliqué infra.
Menacés de se voir notifier le refus parental de pratiquer un examen post mortem,
les hommes de l’art doivent en outre composer avec quelques restrictions. La première
concerne leur propre personne. Exercer dans un établissement hospitalier ne constitue pas
un sésame à l’exercice des recherches post mortem. Seuls les professeurs de clinique, c’est-
à-dire les professeurs de la Faculté de médecine responsables d’un service de l’hôpital,
ainsi que les médecins et chirurgiens de l’hôpital ou de l’hospice, sont autorisés à effectuer
des recherches cadavériques. Les apprentis médecins, notamment les internes, ne peuvent
s’y adonner qu’en présence de leur supérieur. Ces éléments sont spécifiés dans les articles
2 et 3 de l’arrêté du Conseil général des Hospices, de 1842 154 . Il semble néanmoins qu’ils
ne soient pas toujours respectés. Emile Goubert en fait d’ailleurs le constat : « l’autopsie
est le plus souvent faite par un interne, un externe, voire par un stagiaire, le chef de
service se contentant de venir examiner le résultat du travail ou de se faire apporter les
pièces principales » 155 .
Quant aux recherches anatomiques, celles-ci ont bien sûr lieu sous l’œil des
professeurs et autres chefs des travaux d’anatomie, entre les murs de la Faculté de
médecine et des dépendances dévolues à cet exercice. L’ordonnance du 25 novembre 1834
interdit « d’emporter hors des amphithéâtres d’anatomie des cadavres ou des portions de
cadavre » 156 . Outre un intérêt prophylactique évident, la mesure interdit aux étudiants la
152 Ibid.
153 Ibid., Lettre du préfet des Deux-Sèvres, s.d.
154 Arrêté du Conseil général des Hospices, en date du 6 avril 1842 :
Article 2 : « Il y aura dans chaque établissement une salle destinée exclusivement aux autopsies.
Ces autopsies ne pourront être faites que par le médecin, le chirurgien, ou en sa présence et sous sa
direction immédiate, par ses élèves […] ».
Article 3 : « Les professeurs de clinique et les chirurgiens dans les hôpitaux et hospices pourront
procéder, sauf les cas prévus par l’article suivant, à l’ouverture des corps des personnes décédées dans leurs
divisions respectives, mais ils ne devront pas se livrer aux travaux de dissection ».
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 104.
155 Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., pp. 4-5, note infrapaginale.
156 Ordonnance de la Préfecture de police, en date du 25 novembre 1834, article 11.
500

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
pratique de la dissection sans surveillance, leur signifiant par la même occasion que ce
droit ne leur est conféré que dans l’enceinte de la Faculté ou du laboratoire. A contrario,
aucune restriction particulière n’est proférée à l’endroit des hommes de l’art habilités à
effectuer des autopsies judiciaires. Officiers de santé aussi bien que docteurs en médecine,
inscrits ou non sur les listes officielles d’experts, à partir de 1893, tous sont des médecins
experts potentiels 157 .
La seconde limitation à laquelle les médecins sont confrontés a trait aux défunts. En
dehors des oppositions familiales, les praticiens de l’art de guérir ne peuvent pas examiner
n’importe quel cadavre. Seuls leurs sont accordés les malades décédés dans leur service :
« elles [les autopsies] ne seront jamais pratiquées que sur des sujets décédés dans le
service du médecin ou du chirurgien qui y procédera » 158 . De plus, en fonction de leur
grade au sein de la hiérarchie hospitalière, les médecins ne sont pas autorisés à pratiquer le
même nombre d’autopsies anatomopathologiques. L’ordonnance du 3 décembre 1834,
établie par le Conseil général des Hospices, pour se conformer aux recommandations de
celle émise par la Préfecture de police quelques jours auparavant, fait une distinction entre
les professeurs de clinique et les “simples” médecins et chirurgiens des hôpitaux : les
premiers peuvent examiner tous les malades ayant succombé dans ce même service ; les
autres praticiens ne sont autorisés à effectuer l’autopsie que de la moitié des cadavres du
service dont ils dépendent 159 . L’arrêté du 6 avril 1842 réitère le distinguo, en limitant
encore plus les droits des praticiens de rang inférieur :
« les médecins des hôpitaux et hospices qui ne sont pas professeurs de clinique de la
Faculté de médecine ne pourront, pendant la durée des travaux d’anatomie dans les
amphithéâtres d’anatomie et de dissection, faire l’autopsie que du tiers des personnes
décédées dans leur salle […] » 160 .
Les professeurs de clinique conservent eux le droit d’examiner tous les malades décédés
dans leur service, qu’ils soient non réclamés ou que la famille n’ait pas indiqué son
refus 161 .
La justification de la restriction d’ordre hiérarchique peut être la concurrence des
amphithéâtres de dissection. En effet, les établissements hospitaliers sont les pourvoyeurs
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
157
Cf. les chapitres 1 et 3.
158
Arrêté du Conseil général des Hospices, du 6 avril 1842, article 2.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 104.
159
Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 99.
160
Arrêté du Conseil général des Hospices, du 6 avril 1842, article 5.
Cité dans ibid., p. 105.
161
Arrêté du Conseil général des Hospices, du 6 avril 1842, article 3. Cf. note infrapaginale n°154.
501

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
attitrés de ces lieux d’enseignement. Dans la capitale cette dépendance à susciter quelques
heurts, l’administration hospitalière se montrant parfois rétive au point d’entraîner une
pénurie de cadavres à disséquer 162 . Les autorités ont donc été forcées de prendre des
mesures et d’établir une répartition entre les deux institutions. L’ordonnance de la
Préfecture de police instaurée le 15 octobre 1813, qui supprime les amphithéâtres
particuliers de dissection, impose le transfert à la Faculté de médecine des « corps de
toutes les personnes décédées dans les hôpitaux et hospices » 163 . L’article 7 effectue le
partage, entre les pavillons de la Faculté et l’hôpital de la Pitié, seul établissement à
conserver son amphithéâtre de dissection, comme suit : « les quatre cinquièmes resteront à
la Faculté, le reste appartiendra aux hôpitaux » 164 . Cependant, le conflit entre Faculté et
administration hospitalière a continué, en raison de l’avantage numérique accordé à la
première. Une seconde ordonnance, en date du 11 janvier 1815, a tenté d’équilibrer la
répartition. Pour la Pitié, « tous les cadavres que fournirait l’hôpital de ce nom et celui de
la Salpêtrière, plus cent enfants pris dans l’hospice destiné aux malades de cet âge » 165 .
Quant à la Faculté de médecine, elle aura à sa disposition « les corps de toutes les autres
personnes, décédées, soit dans l’hôpital des enfants, soit dans les hôpitaux et hospices et
prisons » 166 . L’ordonnance préfectorale du 25 novembre 1834 s’abstient, elle, d’instaurer
une quelconque forme de partage. La décision incombe au règlement intérieur des
établissements hospitaliers : « La distribution des cadavres entre l’amphithéâtre des
hôpitaux et les pavillons de la faculté de médecine, aura lieu conformément aux
dispositions d’administration intérieure approuvées par nous » 167 . En reprenant les
prescriptions instaurées par le Conseil général des Hospices dans son arrêté du 6 avril
1842, il apparaît que deux tiers des corps non réclamés étaient potentiellement à la
disposition de la Faculté de médecine.
La relation conflictuelle entre hôpitaux et amphithéâtres de dissection existe dans
des localités plus modestes, quoique à un degré moindre. Les professeurs de l’Ecole de
médecine de Poitiers se plaignent, auprès du préfet, du fait que les cadavres des indigents
sont rarement confiés à leurs élèves 168 . La commission des Hospices prend alors la
162
Marie-José Imbault-Huart, L’école pratique de dissection…, op. cit., p. 237.
163
Ordonnance de la Préfecture de police, du 15 octobre 1813, article 4.
Cité dans D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 277.
164
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 277.
165
Ibid., p. 279.
166
Ibid.
167
Ordonnance de la Préfecture de police, en date du 25 novembre 1834, article 6.
D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
168
Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine…, op. cit., p. 40.
502

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
décision, le 19 janvier 1831, que « les supérieures de chaque hôpital sont tenues de faire
connaître au directeur de l’Ecole les décès survenus dans leur établissement » 169 . Il faut
cependant préciser que la réticence des religieuses ne doit pas être apparentée à une
quelconque jalousie scientifique, mais plutôt à un rejet de ces pratiques, plus ou moins
fantasmées par les profanes.
Afin de clore l’énumération des restrictions auxquelles les médecins qui pratiquent
des manipulations cadavériques sont soumis, il convient de signaler les cadavres desquels
ils ne doivent pas approcher leur scalpel. Le règlement intérieur des établissements de
Poitiers, institué en 1834, contient une objection singulière aux manipulations
cadavériques, qui n’apparaît pas dans ceux qui concernent Paris ou dans les textes à portée
nationale, du moins parmi ceux consultés pour la présente étude. Les dépouilles des
pensionnaires et des employés ne peuvent être sujettes à dissection. L’article 106 donne la
définition du pensionnaire : « sont considérés comme pensionnaires tous ceux qui n’ont été
admis qu’à titre onéreux, c’est-à-dire que moyennant une somme payée, soit en entrant,
soit par jour, soit par année » 170 . En d’autres termes, sont préservés des examens post
mortem ceux qui payent pour les soins qu’ils reçoivent à l’hôpital 171 .
La condition sine que non, pour être autopsié à l’hôpital, est d’y être admis
vivant 172 . Un blessé, ou un malade, qui succombe en chemin, avant son arrivée à l’hôpital,
ne peut être administrativement enregistré comme entrant. Par conséquent, il n’est pas
soumis au règlement de l’établissement, et ne peut être comptabilisé parmi les corps non
réclamés par exemple. Un arrêt de la cour de Lyon, rapporté dans les Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, le confirme : « l’administration de l’hospice ne peut avoir
aucun droit sur le corps des personnes décédées avant d’y avoir été reçues » 173 .
Enfin, l’interdiction de disséquer ou d’autopsier un défunt peut être due à la
confession religieuse à laquelle il appartient. Ainsi, « l’autopsie des Juifs est prohibée »,
car leurs dépouilles sont « réclamé[e]s à l’avance, une fois pour toutes, par le consistoire
169 Ibid.
170 Cité dans Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers…, op. cit., f° 257.
171 L’étude de Micheline Louis-Courvoisier sur l’hôpital de Genève indique que certains pensionnaires de
l’établissement y sont admis non pour être soignés, mais parce qu’ils ne peuvent habiter seuls, en raison d’un
handicap, d’une mauvaise santé chronique ou de leur statut d’orphelin. L’hôpital fait office de lieu
d’assistance et d’accueil plus que de centre de soins.
Cf. Micheline Louis-Courvoisier, Soigner et consoler. La vie quotidienne dans un hôpital à la fin de l’Ancien
Régime (Genève, 1750-1820), Genève, Georg Editeur, Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé,
2000, pp. 25-36.
172 Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 107.
173 « Autopsie des personnes décédées en arrivant à l’hospice », Revue des intérêts professionnels, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1897, 3 ème série, t. 37, p. 205.
503

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
israélite » 174 . Poursuivant leur comparaison des pratiques cadavériques entre les plus
importantes villes françaises, voire européennes, Désiré Bourneville et Paul Bricon
signalent que les autopsies des Israélites sont interdites à Paris, Lyon et Bordeaux. En
revanche, elles sont autorisées à Montpellier, Nantes et Nancy 175 . Ils ajoutent dans une
note, peut-être par souci de discrétion et par égard pour les praticiens qu’ils mentionnent,
qu’à Strasbourg, où les autopsies sont interdites sur les défunts de confession juive, le
professeur d’anatomie pathologique passe régulièrement outre et effectue les examens qu’il
souhaite 176 . Ils concluent que les praticiens devraient suivre cet exemple et ne se
préoccuper que de l’opposition de l’entourage, et non d’une interdiction commune 177 . Mais
encore faut-il pour cela qu’il n’y ait pas de témoins oculaires de l’intervention post
mortem.
3) Regards inquisiteurs
Les examens cadavériques sont fréquemment épiés par l’œil profane. Ce regard
indiscret n’est pas exercé par les mêmes catégories de personnes d’une manipulation post
mortem à une autre. Eu égard à la législation en vigueur et à la conjoncture, les deux
opérations les plus surveillées, par des individus étrangers au corps médical, sont les
autopsies privée et judiciaire.
Concernant l’examen anatomopathologique réalisé hors les murs d’un
établissement hospitalier parisien, deux arrêtés préfectoraux préconisent la présence du
médecin chargé de la vérification des décès. Un premier arrêté du préfet de la Seine, en
date du 24 septembre 1821, enjoint les familles ou les médecins désireux de réaliser une
ouverture cadavérique à faire vérifier légalement le décès, puis à ne pratiquer l’examen
qu’en présence du médecin vérificateur 178 . Un second arrêté de la même préfecture
confirme l’indispensable « présence du médecin chargé de la constatation des décès
174
Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 4, note infrapaginale.
175
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., pp. 29-30.
176
Ibid., p. 29, note infrapaginale n°4.
Il conviendrait d’effectuer une étude plus précise de ce comportement contraire aux règlements municipaux
ou hospitaliers en vigueur. L’attitude du professeur de Strasbourg est-elle exceptionnelle ? Fait-il fi du
règlement uniquement en ce qui concerne les défunts de religion juive, ou contrevient-il aux consignes en
raison de préceptes purement scientifiques, tous les cadavres devant, selon lui, servir les progrès de la
science ? En d’autres termes, est-il permis de considérer son attitude comme une manifestation de son
antisémitisme ? Et qu’en est-il des praticiens de la médecine eux-mêmes juifs ?
177
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 29, note infrapaginale n°4.
178
Arrêté du préfet de la Seine Chabrol, en date du 24 septembre 1821.
Article 1 : « Il ne pourra être procédé, sur la réquisition même des particuliers, à l’ouverture d’un
cadavre qu’après la vérification légale du décès et en présence de l’officier de santé chargé de constater
ledit décès ».
Cité dans Henri Legrand du Saulle, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 93.
504

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
(arrêté du préfet de la Seine du 24 décembre 1824) » 179 . Emile Goubert indique que
l’homme de l’art doit aussi être « assisté de l’officier de police » 180 durant son intervention
sur la dépouille. Paul Brouardel fait également part de la présence policière à cette
expérience : l’autopsie, le moulage et l’embaumement « ne doivent être faites qu’en
présence du commissaire de police ou d’un de ses représentants » 181 . Mais il se presse
d’ajouter qu’en général, il ne se déplace pas. En effet, bien que l’ordonnance du 6
septembre 1839 oblige la déclaration de toute manœuvre post mortem auprès du
commissaire de police ou du maire, il n’est pas stipulé que ces officiers de police judiciaire
doivent y assister 182 . En dehors de la capitale, l’homme de l’art souhaitant intervenir sur la
dépouille mortelle d’un individu « opère sous sa responsabilité » 183 , c’est-à-dire qu’aucun
professionnel assermenté n’est présent. En revanche, les proches peuvent en être
spectateurs. Durant le mois d’août 1835, un nommé Frère, praticien de l’art de guérir dans
le département de la Vienne, est confronté à une épidémie d’angine couënneuse 184 . Après
le décès d’une fillette de 7 ans, le médecin demande aux parents l’autorisation de faire
l’ouverture de son cadavre. Ils acceptent et assistent même à celle-ci 185 .
La situation est à peu près similaire dans les examens médico-légaux. La réalisation
de l’autopsie étant une initiative judiciaire, il est cohérent que les représentants de la justice
y soient expressément conviés. En substance, les articles 43 et 44 du Code d’instruction
criminelle 186 indiquent que le constat des morts suspectes ou violentes est dévolu au
procureur, qui se fait assisté d’un homme de l’art pour les aspects particulièrement
179
Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 2.
180
Ibid.
181
Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 231.
182
Ordonnance de la Préfecture de police de Paris, du 6 septembre 1839.
Article 1 : « A Paris, et dans les autres communes du ressort de la préfecture de police, il est
défendu de procéder au moulage, à l’autopsie, à l’embaumement ou à la momification des cadavres, avant
qu’il se soit écoulé un délai de vingt-quatre heures depuis la déclaration des décès à la mairie, et sans qu’il
en ait été adressé une déclaration préalable, au commissaire de police à Paris, et au maire dans les
communes rurales ».
Article 3 : « Les maires et les commissaires de police devront nous transmettre ces déclarations,
après avoir constaté que l’on s’est conformé aux dispositions de l’art. 1 er ».
Cité dans « Ordonnance concernant le moulage… », art. cit., p. 225.
183
Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 419.
184
L’angine couënneuse, appelée aussi angine diphtérique, est une « inflammation spéciale de la membrane
muqueuse qui tapisse l’isthme du gosier (voile du palais et ses piliers), les amygdales et le pharynx ;
inflammation caractérisée par une exsudation fibrineuse, qui s’étale en couche adhérente à la surface de
cette membrane muqueuse, se reproduit après ablation pendant un temps limité, et possède une grande
tendance à envahir de proche en proche les parties traversées par l’air, les fosses nasales et surtout le larynx
et les bronches ».
Henri Roger, Michel Peter, « Angine diphthérique », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1870, 1 ère série, t. 5, p. 1.
185
A.D.V., 10T 1033, « Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et études médicales présentés à
la Société de médecine », Mémoire sur les épidémies d’angine couënneuse, 1835.
186
Cf. note infrapaginale n°125.
505

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
scientifiques. Quelques auteurs posent ce principe en règle absolue : « l’expert procèdera à
l’autopsie devant un délégué du tribunal » 187 . D’autres, au contraire, mentionnent que « la
présence du magistrat à l’autopsie n’est pas obligatoire » 188 . Il apparaît, en effet, que
l’absence du magistrat instructeur est fréquente dans les affaires criminelles et
correctionnelles poitevines. Sur la totalité des examens cadavériques pratiqués dans un
objectif judiciaire, entre 1795 et 1915, plus d’un quart ont été réalisés en présence d’un
juge d’instruction, d’un procureur ou d’un de leurs suppléants, tant de le département des
Deux-Sèvres (graphique 67) que dans celui de la Vienne (graphique 68). A cela, il est
permis d’ajouter environ 20% d’examens réalisés devant un officier de police judiciaire,
représentant du magistrat, et qui peut être un juge de paix, un maire, un membre des forces
de l’ordre 189 .
187 Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 2.
188 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 409.
189 Il est nécessaire d’apporter quelques précisions sur la méthodologie employée pour établir les chiffres
présentés dans les tableaux 42 et 43 (cf. annexe 20).
Tout d’abord, plusieurs personnes pouvant être présentes à l’examen, chaque catégorie de
spectateurs a été relevé. Cela explique que la somme des examens cadavériques réalisés devant témoins et
celle obtenue avec chaque catégorie d’observateurs soient différentes. Un examen a pu être pratiqué devant
les yeux du juge d’instruction et du maire de la commune.
Ensuite, il n’a pas été tenu compte des individus en tant que tel, mais plutôt de l’institution qu’ils
représentaient. Par conséquent, lorsque le juge d’instruction et le procureur assistaient de concert à l’autopsie
médico-légale, leur présence n’a été comptabilisé qu’une fois, comme une entité « Magistrats ». De même
que le juge de paix, le représentant de la municipalité, le gendarme et l’officier de police peuvent procéder à
l’enquête ensemble, et donc tous assister à l’expertise. Cependant ils ne constituent qu’une entité « Officiers
de police judiciaire ».
Enfin, il est fréquent que le prévenu soit un proche de la victime, notamment dans les cas
d’infanticides. Il a été décidé de faire apparaître les parents présumés meurtriers exclusivement dans la
rubrique « Prévenu/Famille » et de réserver la catégorie « Famille de la victime » pour les proches non
impliqués dans l’affaire, du moins au moment de l’examen.
506

90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Graphique 67 : Témoins présents lors des examens post mortem dans les affaires
Examens
criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
100%
Magistrats Officiers
de police
judiciaire
Greffiers Prévenu /
Famille
507
Famille de
la victime
Autres
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Graphique 68 : Témoins présents lors des examens post mortem dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915).
Examens
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Magistrats Officiers de
police
judiciaire
Greffiers Prévenu /
Famille
Famille de
la victime
Autres
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Témoins
Absence
Présence
Témoins
Absence
Présence
Mais les hommes de loi ne sont pas les seuls à observer les moindres faits et gestes
du médecin expert durant l’autopsie médico-légale. D’autres catégories de personnes
peuvent être présentes à l’examen post mortem, dans des proportions bien moindre
néanmoins. Outre les greffiers qui accompagnent le magistrat, au service duquel ils sont
placés durant l’ensemble de la procédure, et ainsi rédigent les procès-verbaux de constat et

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
autres déclarations, il est possible de rencontrer parmi les témoins de l’expertise le
prévenu, la famille de la victime, voire quelques curieux. La part constituée par le prévenu
ou un membre de sa famille est la plus importante, entre 7 et 9% selon de département
(graphiques 67 et 68). La présence du prévenu à l’examen est parfois l’occasion pour le
magistrat ou son représentant d’étudier ses réactions, les soubresauts émotionnels, preuves
d’un quelconque remords ou d’un sentiment coupable, ou au contraire de noter sa totale
indifférence et son impassibilité. Concernant les proches de la victime, ils représentent les
spectateurs les moins nombreux, à peine 1% des examens cadavériques judiciaires ont été
effectués en leur présence. Quant aux observateurs indépendants de l’affaire, ils n’ont
assisté à l’exécution d’une expertise médico-légale que dans une proportion faible, qui
s’élève à 6% pour les Deux-Sèvres et à 2% pour la Vienne.
Malgré les articles 43 et 44 du Code d’instruction criminelle qui enjoignent au
procureur de constater l’état du corps dans les cas de décès violents ou suspects, avec
l’assistance d’un praticien de l’art de guérir, il apparaît, à la lumière des dossiers de
procédures criminelles poitevines, que l’expert médical effectue ses constatations sans
l’assistance du magistrat. Il convient cependant d’apporter une nuance fondamentale à ces
éléments statistiques. Seuls les témoins dûment nommés peuvent y apparaître. Or, il est
évident que certains observateurs ont pu être omis, les médecins n’indiquant que rarement
les personnes présentes au moment où ils effectuent l’autopsie. Les procès-verbaux des
juges d’instruction, des procureurs ou de leurs délégués le mentionnent plus fréquemment,
mais encore faut-il que les hommes de loi en question aient eux-mêmes assisté à
l’opération.
La surveillance des agissements et manipulations effectuées par les médecins au
cours de l’expertise médico-légale est, par ailleurs, un des arguments avancés en faveur de
l’expertise contradictoire, dont la proposition d’instauration agite médecins et juristes à la
fin du XIX e siècle. En permettant au prévenu de choisir à son tour un médecin qui
assisterait à sa place et en son nom à l’autopsie, il exercerait une forme de surveillance
indirecte sur les observations de l’expert requis par le magistrat instructeur. Or, l’exercice
d’un tel contrôle sur leurs manœuvres a suscité une levée de bouclier au sein du cops
médical, et plus particulièrement médico-légal, qui a cru y voir une mise en cause de son
intégrité, de sa neutralité et de ses compétences 190 . En outre, ouvrir et disséquer les
cadavres à l’abri des regards profanes est un principe ancré dans l’esprit des hommes de
190 Cf. le chapitre 4 de la présente étude.
508

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’art, car, que ce soit à l’hôpital ou à l’amphithéâtre de dissection, la pratique de ces
activités singulières s’effectue dans une relative liberté.
La réalisation des autopsies anatomopathologiques en milieu hospitalier a lieu sans
témoins, du moins ne faisant pas partie des employés de l’établissement : « dans les
hôpitaux, la présence du magistrat et du médecin vérificateur est inutile […] » 191 . Les
règlements insistent d’ailleurs sur la nécessité de cacher l’exercice de ces opérations aux
yeux des malades et de leur entourage. Il est indispensable que les hôpitaux se dotent d’un
espace particulier, dévolu aux manipulations cadavériques, qui peut faire partie d’un
ensemble plus vaste réservé aux défunts : « la salle d’autopsies fait partie des salles des
morts » 192 . L’arrêté du Conseil général des Hospices d’avril 1842 le stipule clairement : « il
y aura dans chaque établissement une salle destinée exclusivement aux autopsies » 193 . La
circulaire du ministère de l’Intérieur qui propose un règlement intérieur type pour les
établissements hospitaliers, reprend ce commandement : « l’autopsie pourra être pratiquée
dans un but scientifique, sur avis conforme du corps médical, à la condition que cette
autopsie soit pratiquée dans une salle aménagée à cet effet et distincte de la salle
mortuaire » 194 . Outre des préoccupations sanitaires, la relégation des défunts, et des
manœuvres qui peuvent leur être infligé, dans une pièce à part, dissimulée aux regards,
répond à une quête de décence et à une volonté de ménagement des malades et des
familles, sur lesquelles la dernière partie du présent chapitre apporte de plus longs
développements.
La disposition des différentes salles de l’hôpital doit prendre en considérations
certains critères 195 . Le lieu réservé aux morts doit être « assez loin des autres services pour
ne pas leur nuire et pour être dissimulé derrière quelques rideaux d’arbres et de
treillages » 196 . Si la recommandation architecturale de Maurice Letulle apparaît difficile à
respecter, notamment pour les bâtiments les plus anciens, les hôpitaux semblent se
conformer, dans la mesure du possible, à la séparation et à la dissimulation des cadavres.
Les réponses des établissements hospitaliers poitevins, aux questions de l’Assistance
191
Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 2.
192
Ibid., p. 3.
193
Arrêté du Conseil général des Hospices, du 6 avril 1842, article 2.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 104.
194
Circulaire du ministère de l’Intérieur du 15 décembre 1899, chapitre VII, article 43.
Cité dans ibid., p. 121.
195
Pour une étude complète des salles dévolues aux autopsies dans les hôpitaux, cf. le chapitre 6.
196
Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903,
p. 13.
509

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
publique relatives à ce sujet, apportent un éclairage. Sur les dix-sept questionnaires
consultés, seuls quatre établissements ne possèdent pas de lieu indépendant où les corps
des défunts sont déposés 197 (cf. annexe 40). Si trois d’entre eux, les hospices de Melle, La
Mothe-Saint-Héray et Saint-Pardoux, déclarent n’avoir consacré aucune salle spécifique à
cet usage, celui de Moncoutant utilise la « salle des passagers », c’est-à-dire celle recevant
les voyageurs indigents, comme dépôt mortuaire 198 . En outre, ils sont tous formels, la
“salle des morts” est totalement éloignée et isolée des “salles des vivants”, et
complètement invisible aux hospitalisés. Quant au lieu des recherches cadavériques, les
trois hôpitaux qui déclarent pratiquer des autopsies affirment qu’elles sont réalisées dans
des salles « suffisamment isolées des salles de malades ou des salles d’opérations » 199 . Ils
affirment également que les salles en question sont « soustraites à la vue des
hospitalisés » 200 .
Pour autant, les dépouilles des malades qui succombent à l’hôpital ne sont pas
absolument dissimulées aux yeux des familles. D’une part, il faut le rappeler, l’inhumation
des corps des malades décédés à l’hôpital n’est pas toujours laissée aux soins de
l’administration : « Toutefois les familles peuvent réclamer, pour les faire enterrer à leur
frais, les corps de leurs parents décédés dans les hôpitaux et hospices » 201 . D’autre part,
même lorsque le transport au cimetière est effectué par les employés de l’hôpital, la famille
peut effectuer une ultime visite à leur proche avant l’ensevelissement, manipulation
funéraire qui consiste à enrouler la dépouille dans un linceul. Les administrations
hospitalières poitevines sont unanimes : « Les parents et amis du défunt [sont] facilement
admis à le visiter avant l’ensevelissement » 202 (cf. annexe 40). Il s’agit donc de la
présentation du corps à la famille et à l’entourage, qui vient se recueillir 203 .
Or, ce droit de regard familial constitue un risque pour les médecins trop zélés, car
toute intervention considérée comme offensante, impudique ou mutilante pourrait leur être
reprochée. Suite au scandale dont Gilles de la Tourette est le principal protagoniste en
1901, la commission de la Société de médecine légale, chargée d’étudier la question des
autopsies à l’hôpital, fait plusieurs propositions. L’une d’elles consiste à accroître la
197
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
198
Ibid., Questionnaire de l’hospice de Moncoutant, 1888.
199
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
200
Ibid.
201
Ordonnance de la Préfecture de police de Paris, en date du 25 novembre 1834, article 5.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
202
A.D.V., 3 Z 184, « Hospice de Loudun. Questionnaire », 1888.
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
203
Philippe Ariès, Images de l’homme devant la mort, Paris, Editions du Seuil, 1983, pp. 118-122 et 247-271.
510

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
surveillance et le contrôle des activités de la salle d’autopsies : l’administration « devra
prendre toutes mesures pour que le personnel employé au service des autopsies remplisse
ses fonctions avec attention et décence » 204 . Néanmoins, la fréquentation des lieux dévolus
aux examens post mortem reste prohibée pour les étrangers au milieu médical. Il est
intéressant de faire le parallèle avec un autre établissement scientifique ouvert au public :
la Morgue. Si la pièce où les corps inconnus sont exposés, dans l’espoir d’identification,
est libre d’accès durant une grande partie de XIX e siècle, la salle où les examens
cadavériques sont effectués demeure interdite aux regards 205 .
A l’inverse des défunts soumis à des recherches anatomopathologiques dans les
hôpitaux, les corps réservés à la dissection disparaissent totalement de la vue des profanes.
Il n’en a pas toujours été ainsi. L’essor de l’anatomie, à partir du XVI e siècle, institue la
dissection comme un véritable spectacle. La bonne société se presse aux leçons publiques
données par les plus illustres anatomistes 206 . Or, la multiplication des amphithéâtres
particuliers de dissection, et les désagréments que cela suppose, d’un point de vue tant
moral qu’hygiénique, oblige les autorités à mettre un terme à cette pratique. A partir de la
fin du XVIII e siècle, l’administration « [croit] devoir exercer une surveillance, qu’elle
avait trop longtemps négligée » 207 . Les mesures relatives aux amphithéâtres de dissection,
qui aboutissent à leur suppression en 1834, font part du désir des instances dirigeantes que
cette activité soit dissimulée. Il est impératif de « tenir toutes les croisées constamment
voilées, à l’aide d’un canevas cloué sur des planches qui [formeront] la hotte en dehors de
ces croisées » 208 . Cette précaution a pour objectif d’« ôter aux voisins la vue des
cadavres » 209 . Cependant, la dissimulation des activités anatomiques n’était pas d’une
grande efficacité : « les fenêtres étaient toujours ouvertes, et les canevas placés au devant
d’elles déchirés ou enlevés » 210 . Au cours du siècle, les recommandations relatives à la
construction des amphithéâtres d’anatomie sont encore strictes. Les mesures d’hygiène
publique se multiplient et les instances dirigeantes des villes les plus peuplées élaborent
204 « Comment les autopsies… », art. cit., p. 539.
205 Cf. l’étude de Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de l’institut
médico-légal ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin,
Université de Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, 3 vol., 911 f°.
206 Cf. sur les leçons d’anatomie, les ouvrages de Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste. Dissection et
invention du corps en Occident, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2003, pp. 239-246, et de
David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 169-223, ainsi que l’article de Dominique Clevenot, « Les
leçons de l’anatomie », Sociétés&Représentations : Le corps à l’épreuve, sous la dir. de Rémi Lenoir et
Myriam Tsikounas, Paris, CREDHESS, avril 1996, n°2, pp. 137-158.
207 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 256.
208 Ibid., pp. 257-258.
209 Ibid., p. 258.
210 Ibid., p. 260.
511

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
une classification des établissements considérés comme insalubres et qui sont consignés
hors de l’enceinte de la commune. Néanmoins, les amphithéâtres de dissection échappent à
l’ostracisme. Ne parvenant donc à les exclure du paysage urbain, les autorités municipales
les dissimulent aux regards avides de sensations fortes et mués par une curiosité morbide :
« A défaut de l’isolement par distance, il faudra au moins les entourer de murs très-
élevés ; les jours pris au dehors seront munis de treillages à mailles serrées ou de volets en
tabatière » 211 .
La dissimulation des dissections au grand public s’établit comme une règle éthique
du corps médical. Les précautions à ce sujet ont perduré bien au-delà du XIX e siècle. La
thèse d’anthropologie d’Emmanuelle Godeau, consacrée au rôle du sexe et de la mort dans
la formation des internes de médecine, apporte des témoignages qui en donnent
confirmation : « Il y avait une règle… éthique, qui existe encore, et qui faisait que les
rideaux doivent être tiré dans la salle de dissection. Pour pas que n’importe qui vienne
regarder » 212 . Or, en restreignant l’accès à la salle de dissection, la leçon d’anatomie est
devenue un authentique rite de passage pour les étudiants en médecine, événement qui
marque leur entrée dans le petit monde privilégié des initiés à la mort 213 . Au même titre
que les cérémonies d’initiation des anciens cultes à mystères de la Grèce antique, la
participation à une dissection ou à une autopsie anatomopathologique aurait pour fonction
de révéler les secrets de la vie et de son pendant inéluctable, la mort.
Les barrières élevées contre la manipulation cadavérique à des fins d’enseignement,
de recherche ou de conservation sont multiples et diverses. Il ressort des développements
ci-dessus que les interdits proclamés ou les conditions émises sont toujours fonction de la
manœuvre en question et des circonstances qui l’entourent. Il est en effet impossible au
législateur de réglementer de manière identique les dissections, pratiquées en nombre par
les étudiants et dans un temps aisé à définir, et les autopsies, ponctuelles et aléatoires car
dépendantes d’un décès douteux ou subit. En outre, s’il est aisé pour un juge d’instruction
de surveiller l’examen médico-légal réalisé par un médecin requis par la justice, quitte à se
faire représenter par un officier de police judiciaire, il est difficilement concevable de
placer un individu assermenté derrière chaque homme de l’art, apprenti médecin, ou savant
211 E. Beaugrand, « Amphithéâtre », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 1 ère série, t. 3, p. 753.
212 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”. Sexe et mort dans la formation des internes en médecine, Paris,
Editions de la Maison des sciences de l’homme, Collection « Ethnologie de la France », 2007, n°29, p. 26.
213 Ibid., pp. 11-52.
512

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
de tout ordre. Dès lors, en dépit des multiples contrôles et conditions que les institutions,
civile, judiciaire et hospitalière tentent d’imposer aux hommes de l’art voulant pratiquer la
dissection, l’autopsie, l’embaumement ou tout autre manœuvre cadavérique, les
agissements de ces praticiens échappent parfois à leur vigilance. Or, l’impunité et la
dissimulation de certaines activités, relatives à la dépouille corporelle, suscitent nombre de
croyances et de fantasmes sur leur pratique.
II) PERCEPTION PROFANE ET PERCEPTION MEDICALE
Il convient à présent de recentrer le propos sur l’objet d’étude, l’autopsie médico-
légale, sans toutefois négliger certaines explications fournies par les autres activités
relatives à la dépouille mortelle. Parmi celles-ci, la dissection et l’autopsie
anatomopathologique apportent les éléments de comparaison les plus pertinents, l’initiative
de leur réalisation étant étrangère à l’homme de la rue. Or, l’autopsie judiciaire est elle
aussi imposée aux justiciables.
La mort est peut-être le seul événement commun à tous les individus. En revanche,
la perception de cette mort, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle d’autrui, ce que Philippe
Ariès nomme « la mort de soi » et « la mort de toi » 214 , est presque individuelle. Chaque
être est mu par ses croyances, ses craintes et ses émotions. Bien qu’ils soient parfois le
reflet et l’émanation des sentiments de l’opinion publique à l’encontre des examens
cadavériques, les règlements et autres textes de loi ne couvrent pas l’ensemble de l’éventail
émotionnel que de tels actes provoquent, et qui s’avère souvent empreint d’ambiguïté et
d’irrationalité.
En outre, les fantasmes et les craintes populaires sont attisés par quelques scandales
qui intensifient la mauvaise réputation de ces manipulations et confortent la communauté
non scientifique dans sa peur et son refus de subir ce genre d’outrage post mortem. De
plus, la réalisation de certaines d’entre elles peuvent être source de désagréments, pour le
défunt comme pour son entourage. Enfin, il importe aussi de s’interroger sur les sentiments
de ceux qui pratiquent les examens cadavériques, c’est-à-dire les médecins. Comment
214 Philippe Ariès, L’homme devant la mort, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 1977, 642 p.
L’ouvrage a été réédité, scindé en deux tomes, dans la collection Points Histoire : Philippe Ariès, L’homme
devant la mort, t. 1 : Le temps des gisants, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1977, 304 p. et Philippe
Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort ensauvagée, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1977,
344 p.
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- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
perçoivent-ils un acte, scientifique il est vrai, mais à l’opposé de leur activité coutumière
qui consiste à visiter et soigner des individus en vie ?
A) Idées fausses et fantasmagorie macabre
La fantasmagorie qui entoure l’examen post mortem s’élabore grâce à un faisceau
de sentiments complexes, parfois contradictoires, émanations de la convergence de peurs
primaires, de croyances assimilées et de préjugés tenaces. La source principale de ces
émotions multiples est le corps, mais un corps en l’occurrence particulier car privé de vie.
Le cadavre, reliquat de la vie d’un individu et symbole de l’avenir inéluctable de ceux qui
l’entourent, suscite des sentiments ambigus où se mêlent respect, peur, dégoût et
fascination. Mais la vague émotionnelle n’atteint pas exclusivement le défunt et sa
dépouille. Les hommes qui portent les mains sur cette dernière sont aussi l’objet d’idées
reçues et de jugements intransigeants.
1) Le respect du cadavre
Les pratiques d’amphithéâtre de dissection provoquent indignation et révolte au
sein de l’opinion publique, même si elles sont absolument infondées et inventées de toutes
pièces par des journalistes en manque de sensationnel. Le scandale dans lequel est
impliqué Gilles de la Tourette en 1901 est révélateur. La presse s’empare de l’histoire du
sergent de ville, dont le cerveau a été retiré et remplacé par un journal, et agrémente celle-
ci de pratiques encore plus irrespectueuses 215 . Probablement indignés par l’utilisation d’un
journal, matérialisation de leur travail, pour combler le vide laissé par l’extraction de
l’encéphale, quelques journalistes n’hésitent pas à fabuler. Les accusations tombent, les
injures pleuvent. Les élucubrations d’une certaine presse laissent entendre que les organes
de plusieurs corps ont été mélangés, au point que la dépouille du gardien de la paix en
contenait plusieurs en double, et même, outrage suprême, que les viscères ont pu pour
l’occasion servir de cendrier 216 . Or, la seconde autopsie, réalisée par le médecin expert,
démontre qu’hormis le journal substitué au cerveau, toutes les autres informations sont
fausses :
« Si des viscères ont été confondus, ils ne figuraient pas en double, comme on l’a dit ; le
cadavre ne renfermait ni bouts de cigarettes, ni tuyaux de pipes, le seul corps étranger
215 « Le secret des expertises », art. cit., p. 316.
216 Ibid., p. 317.
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- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
dont j’ai pu constater la présence était un numéro de journal dont vient de parler M. Gilles
de la Tourette » 217 .
Il semble, à travers cet exemple, que l’opinion publique, obnubilée par le respect de la
dépouille mortelle, regarde comme une profanation tout acte visant à rompre l’intégrité
corporelle. Or, cette profanation ne peut être que totale, les individus étant incapables, du
fait même de la nature de leur activité, de faire preuve du moindre respect à l’égard du
corps.
Le respect dû aux morts, et à leur cadavre, est un sentiment extrêmement puissant et
inébranlable, au point d’entraver parfois les actions de quelques scientifiques. En 1836,
deux médecins de la Vienne, Berthault et son fils, font part à la Société de médecine de
Poitiers de leurs constatations lors d’épidémies d’angine couënneuse 218 . Suite à une
question relative aux résultats fournis par les examens cadavériques, ils avouent ne pas en
avoir réalisé et justifient cette lacune en signalant que « rien ne peut vaincre les préjugés
des paysans sur le respect qu’on doit aux morts » 219 . Bojidar Markovitch indique quant à
lui que « la pensée de l’ultérieure profanation par la main de l’homme est intolérable » 220 .
Il serait aisé, mais erroné, de résumer le respect dû au défunt et surtout à son corps,
à des préoccupations d’ordre religieux ou spirituel. La dissection et autres ouvertures
cadavériques ne sont pas incompatibles avec le dogme chrétien de la résurrection, la
puissance divine assurant au défunt de retrouver son intégrité corporelle. Néanmoins, les
anciennes croyances païennes, profondément ancrées, imposent la sépulture et son
inviolabilité, à chaque défunt, comme condition sine qua non de sa vie éternelle. De plus,
le corps étant une création divine, réceptacle de l’esprit saint, la moindre atteinte à son
intégrité est un sacrilège 221 .
En outre, le caractère sacré que la religion peut conférer au cadavre n’est effectif
qu’à l’issue des rites funéraires. Avant cela, le cadavre oscille entre deux statuts, celui
d’individu et celui de défunt. Mais comme il est impossible d’être à la fois mort et vivant,
le corps sans vie ne peut aucunement bénéficier des protections conférées par l’une ou
217 Ibid.
218 Cf. la note infrapaginale n°184 pour la définition.
219 A.D.V., 10T 1033, « Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et études médicales présentés à
la Société de médecine », Mémoire sur des épidémies d’angine couënneuse, 1836.
220 Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer l’autopsie ; la propagande en sa faveur, thèse pour le doctorat
de médecine, sous la présidence de Chavigny, Faculté de médecine de Strasbourg, Editions universitaires,
1925, n°36, pp. 26-27.
221 Cf. sur la question de la résurrection et de la sacralité du corps Rafael Mandressi, Le regard de
l’anatomiste…, op. cit., pp. 26-35.
515

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’autre position sociétale : « la dépouille mortelle n’est pas protégée en elle-même » 222 .
Cela explique que la cérémonie religieuse n’est effectuée qu’après la réalisation de la
dissection ou de l’autopsie, c’est-à-dire au moment de l’inhumation. Emmanuelle Godeau
démontre que la tradition de faire dire une messe pour les individus disséqués, au moment
où les débris cadavériques sont portés en terre, remonte au XV e siècle 223 . Et Roger Saboly
signale que « s’il n’y a pas de réclamation des familles, la Commission [des Hospices de
Poitiers] donnera son accord à la délivrance des cadavres à l’amphithéâtre, en tout temps,
la cérémonie religieuse ayant lieu après » 224 .
Que penser des exhumations dans une telle situation ? Une exhumation consiste en
« l’extraction d’un cadavre de sa sépulture » 225 . En substance, il s’agit donc de retirer un
défunt de l’endroit où il devait reposer pour l’éternité. Or, il s’avère que ce repos éternel
peut lui être refusé, pour différentes raisons. Edouard Béquet, auteur d’un Traité de l’état
civil, en indique quatre : pour transporter le corps dans un autre cimetière ; pour opérer une
réinhumation, en raison de la conversion de la concession du terrain ; pour effectuer une
autopsie lors d’une enquête criminelle ; enfin, pour renouveler les fosses après le délai
minimal de 5 ans 226 . Pour chacune de ces situations, l’exhumation doit être autorisée par la
municipalité ou la justice 227 . Dans le cas contraire, l’ouverture de la fosse et le retrait de
son occupant constituent une violation de sépulture. Or, bien qu’il soit vain de vouloir
s’opposer à l’exécution d’une exhumation, la décision administrative ou judiciaire étant
prépondérante à celle de la famille, il est intéressant de noter que l’opposition de
l’entourage ne s’exprime jamais. Pour preuve, dans presque 700 affaires criminelles et
correctionnelles poitevines consultées, il n’a été relevé aucune manifestation d’un
quelconque désaccord face à l’exécution d’une exhumation, en vue de réaliser un examen
médico-légal. Cela tend à démontrer qu’en réalité, la sacralité de la dépouille mortelle
découle de croyances plus profanes, d’une certaine morale sociale.
222 Philippe Raimbault, « Le corps humain… », art. cit., p. 834.
223 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 26.
224 Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers…, op. cit., f° 257.
225 Charles Marc, « Exhumation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert
et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 14, p. 186.
226 Edouard Béquet, Traité de l’état civil et des actes qui s’y rattachent, Paris, Berger-Levrault, 1883,
pp. 595-596.
227 Cf. pour les indications légales : Léon Lereboullet, « Exhumation », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1888, 1 ère série,
t. 36, pp. 429-431 ; Gabriel Tourdes, « Cadavre… », art. cit., pp. 412-413.
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- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
S’il est exact que tout individu « croit contempler l’objet de [ses] tendres affections
dans un cadavre inanimé » 228 , il est possible d’affirmer que les préoccupations suscitées
par le sort des défunts relèvent d’une projection. Les appréhensions populaires vis-à-vis du
traitement réservé aux cadavres résultent d’un transfert des propres sentiments des vivants
qui envisagent le défunt comme une représentation de leur futur. Ils projettent leurs peurs
les plus profondes sur la dépouille d’autrui. Au même titre que « tout ce qui touche aux
soins funèbres, aux modalités de la sépulture, à la pompe des obsèques, est plutôt une
consolation pour les vivants qu’un soulagement pour les morts » 229 , les marques de respect
à l’endroit du défunt servent à rassurer ceux qui un jour passeront de vie à trépas.
La question qui préoccupe les savants comme l’opinion publique a trait à la
sensibilité du cadavre. Au XVII e siècle, certains hommes instruits, parmi lesquels se
trouvent des médecins, discutent du corps et de l’âme : sont-ils ou non indivisibles ? Les
partisans de l’indivisibilité, dont la théorisation est attribuée à la médecine juive, estiment
que le corps conserve post mortem une forme de conscience et de sensibilité 230 . Le défunt
perçoit ce qui se déroule autour de lui, entend et surtout ressent les manipulations dont il
est l’objet. Une telle conception de la vie cadavérique, de l’immortalité de l’âme,
permettent au défunt de se manifester par delà la mort, à travers la cruentation par
exemple. Ce phénomène, miraculeux en quelque sorte, voit le défunt désigner son
meurtrier par l’émission de sang dès lors qu’il est mis en présence du criminel 231 . La thèse
de la survivance d’une conscience, et surtout d’une sensibilité du corps, malgré l’arrêt des
fonctions vitales, est une superstition populaire répandue et tenace. Par conséquent, il est
difficile à la famille d’accepter qu’une souffrance supplémentaire soit infligée au défunt. Si
la dépouille demeure sensible, elle est donc capable de percevoir les incisions et donc la
douleur produite par celles-ci. Il est difficile pour l’entourage de différencier « la douleur,
liée à la vie, et la blessure en soi » 232 .
A la manifestation, de rigueur, d’un respect vis-à-vis des défunts, s’ajoute une
revendication de décence. Le souci de voir les dépouilles mortelles traitées avec décence,
consécutif là encore à une identification au défunt, se fonde principalement sur
228
« Cadavre », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 3, p. 175.
229
Extrait des Soins dus aux morts de Saint Augustin, cité dans Rafael Mandressi, Le regard de
l’anatomiste…, op. cit., p. 31.
230
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort…, op. cit., p. 65.
231
Ibid.
232
Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 50.
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- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’appréhension de perdre son humanité, c’est-à-dire les droits inaliénables de chaque
individu qui le différencient de la communauté animale. En 1829, la directrice de l’Hôpital
général de Poitiers fait part de la crainte croissante, parmi les pauvres gens qui ont recours
aux établissements hospitaliers, de voir leur dépouille livrée en pâture aux mains pas
toujours très habiles des hommes de l’art et de leurs étudiants 233 . Les malades
appréhendent d’être utilisé et dépecé comme un vulgaire animal sur un billot de boucher.
L’image du dépeçage de cadavre dans les salles de dissection est alimentée,
notamment durant les trois premières décennies du XIX e siècle, par la découverte de débris
cadavériques abandonnés par quelques “carabins” 234 si avides de connaissances
anatomiques qu’ils apportent de quoi poursuivre leurs recherches chez eux. Dans les villes
les plus importantes qui accueillent de nombreux étudiants, après usage, « des ossements,
des têtes, et autres parties de cadavres [sont] trouvés dans des fosses d’aisance, dans les
égoûts (sic), ou simplement déposés sur la voie publique » 235 . En dépit de leur rareté,
soulignée par l’auteur de l’article traitant de l’assainissement des salles de dissection, ces
découvertes constituent néanmoins une vision d’horreur, en raison de la négation absolue
de l’appartenance à la communauté humaine que constitue un tel dépeçage et, surtout, une
telle désinvolture à se débarrasser des restes d’un individu.
Le même argument est employé pour dénigrer certaines techniques opératoires
utilisées lors d’un examen post mortem ou d’un embaumement. La dernière partie du
présent chapitre revient plus longuement sur la limitation des pratiques par trop mutilantes,
devenue un véritable enjeu pour les savants. Il convient cependant de préciser que l’un des
reproches élevé à l’encontre des techniques d’embaumement s’appuie sur la
déshumanisation qu’elle provoque. Conséquence somme toute paradoxale puisque
l’objectif même d’un embaumement est de permettre à une famille de conserver son cher
disparu avec l’apparence qu’il avait avant le trépas. Jusqu’au procédé mis au point par Jean
Gannal 236 , l’extraction de tous les organes est nécessaire. Or, en retirant les viscères, et
233 Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers…, op. cit., f° 256.
234 Le terme carabin, qui désigne d’une manière presque péjorative un étudiant en médecine, a diverses
étymologies possibles : plusieurs ont une origine militaire, une autre correspond à l’individu chargé de
l’ensevelissement des pestiférés. Toutes font en définitive référence à la mort et au cadavre. Par glissement
sémantique, ce vocable a désigné le soldat qui terrasse ses ennemis, l’apprenti chirurgien qui tue plus qu’il ne
soigne, et enfin l’étudiant en médecine qui doit affronter la mort en salle de dissection.
Cf. la synthèse étymologique présentée dans Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 18.
235 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 282.
236 Cf. chapitre 8.
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- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
notamment le cerveau, qui fait d’un individu un « être moral, intellectuel et religieux » 237 ,
l’embaumement ne conserve qu’une enveloppe et non une personne.
En outre, le traitement que la justice inflige parfois au cadavre, sous couvert de
trouver et de punir le criminel, peut sembler totalement irrévérencieux et inhumain, au
point de provoquer l’indignation de l’opinion publique. En janvier 1900, un huissier en
tournée de recouvrement dans les environs de Guéroulde, petit village de l’Eure, est
victime d’un meurtre. Le maire, puis le juge de paix accompagné d’un médecin, se
déplacent sur les lieux. Le juge ordonne que le corps ne soit en aucun cas touché avant
l’arrivée des magistrats d’Evreux qui, vu l’heure déjà avancée, ne pourront se rendre sur
place que le lendemain. Le cadavre est donc laissé toute la nuit dans le fossé où il a été
trouvé, la tête dans une flaque d’eau, sous une pluie battante, sans même être recouvert. Le
Journal de Rouen qui relate cette affaire mentionne qu’une telle attitude a provoqué « la
profonde consternation des témoins qui ne cachaient pas leur façon de penser » 238 .
L’épreuve ainsi infligée à la dépouille, et par conséquent à sa famille, en raison de
l’application du protocole administratif et judiciaire, peut même durer plusieurs jours. Le
28 novembre 1816, le maire de la commune de Glenais, dans le département des Deux-
Sèvres, est informé de la disparition d’une femme par le mari de cette dernière. Un sabot
ayant été trouvé près de la rivière, le maire fait procéder à des recherches dans le canal. Le
corps de la femme est alors découvert. En raison de l’heure tardive, le cadavre est laissé sur
place. Le chirurgien d’une commune voisine, appelé à venir constater le décès et surtout à
se prononcer sur les circonstances accidentelles ou criminelles de celui-ci, n’arrive sur les
lieux que le 1 er décembre 239 . Durant près de trois jours, la dépouille a donc été laissée au
bord de la rivière. Contrairement à l’affaire de l’infortuné huissier, aucune manifestation
éventuelle de l’opinion publique ne nous est parvenue, ce qui ne signifie pas que celle-ci
n’a pas réagi.
Qu’il ait ou non suscité des réactions populaires, l’abandon du défunt à son triste
sort, sur les lieux où il été découvert, en attendant l’arrivée du magistrat instructeur, est une
procédure courante. Le maire ou le juge de paix hésitent, parfois, à prendre des
responsabilités dans une enquête criminelle. “Abandon” est peut-être un terme excessif, car
si le corps demeure effectivement sur place, il n’est jamais laissé seul : un gendarme, ou un
237 Arlin, Prieur, Notice sur les embaumements. Nouveaux procédés de M. Gannal, Poitiers, 1841, p. 8.
238 « Expertises médico-légales », Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie
normale et pathologique, Lyon, Storck, t. 15, 1900, p. 227.
239 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Mort accidentelle (noyade) », le 28 novembre 1816.
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- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
simple témoin réquisitionné pour l’occasion, est chargé de garder le cadavre. En avril
1834, le maire de Gourgé, petit village des Deux-Sèvres, est appelé à 8h. du soir pour
constater la présence d’un nouveau-né dans un fossé. Ne pouvant effectuer la levée du
cadavre sans avoir déterminé la cause de la mort, le maire se voit dans l’obligation de
laisser le corps sur place et le fait garder par deux hommes durant la nuit 240 . Suivre les
procédures d’enquête et d’instruction, en matière de décès potentiellement criminel, oblige
les divers officiers de police judiciaire à faire subir aux défunts une épreuve que certains
qualifieraient d’indécente.
Enfin, les manipulations cadavériques ayant trait au corps, elles impliquent pour la
plupart une mise à nu complète de ce corps. Anne Carol souligne les difficultés que
rencontrent certains médecins lors de la vérification du décès 241 . Une inspection minutieuse
du corps doit en effet être effectuée. Or, celle-ci nécessite un dévoilement corporel. D’une
part, pour s’assurer de la réalité du trépas : en cas de doute, l’homme de l’art doit effectuer
quelques constatations précises, tel le relâchement des sphincters, voire s’adonner à
quelques expériences. D’autre part, pour vérifier la présence éventuelle de traces de
violence, de lésions symptomatiques d’une maladie contagieuse, de toute marque suspecte.
Mais une telle atteinte à la pudeur de leur proche est parfois difficilement acceptée par
l’entourage 242 . Le XIX e siècle marque un recul de la nudité qui se trouve remiser dans les
arcanes de l’intimité 243 . La pudeur corporelle connaît un essor notable durant cette période,
faisant de la nudité, délibérée ou non, un délit. Se baigner dans une rivière, sans le moindre
vêtement, est prohibé 244 . Mais de telles manifestations de décence ne semblent pas être
observées par les médecins qui s’intéressent aux corps privés de vie.
Dans son étude de la Morgue de Paris, Bruno Bertherat signale que les dépouilles
exposées, en vue d’identification, sont tout d’abord présentées nues 245 . La nudité doit
« faciliter la reconnaissance des corps » 246 , car elle rend visibles les moindres
particularités physiques de l’individu. Néanmoins, le dévoilement n’est pas total, car les
240
A.D.D.-S., 2U 142, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal du
maire de Gourgé, le 15 avril 1834.
241
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 233.
242
Ibid.
243
Philippe Ariès, Georges Duby, (sous la dir. de), Histoire de la vie privée, t. 4 : De la Révolution à la
Grande Guerre, sous la dir. de Michelle Perrot, éd. rev. et complétée, Paris, Editions du Seuil, Points
Histoire, 1999, pp. 408-417.
Jean-Claude Bologne, Histoire de la pudeur, Paris, Hachette Littératures, Pluriel, 1986, pp. 54-61.
244
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 178.
245 Ibid., f° 175.
246 Ibid.
520

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
parties génitales sont dissimulées par un « carré de cuir » 247 . En revanche, en matière
d’autopsie médico-légale, la nudité complète est de rigueur. Dans son traité de médecine
légale, Paul Mahon, même s’il préconise de retirer au défunt ses vêtements « avec les
précautions que la décence exige » afin de ne pas « exposer à la vue certaines parties »,
reconnaît que la complète nudité est parfois nécessaire 248 . En précisant les circonstances
qui requièrent une mise à nu absolue, il apparaît que les « parties » en question sont bien
sûr les organes génitaux : pour l’homme, il s’agit de rechercher des contusions, des hernies
étranglées, des traces d’empoisonnement ; pour la femme, l’examen peut servir à constater
un viol, un avortement, un accouchement, une hémorragie de l’utérus 249 .
Les dossiers de procédures poitevins fournissent de nombreux exemples,
absolument explicites, de dévoilement corporel total. Aux fins de pratiquer l’autopsie d’un
jeune homme de 21 ans, ayant succombé suite à une rixe, les Drs Ferdinand Chevallereau
et Charles Verriet de Litardière se rendent dans la commune de Mazières, département des
Deux-Sèvres, et trouvent le défunt allongé sur un lit, dans une chambre. Pour réaliser
l’examen interne, ils mettent « le cadavre complètement […] à nu » 250 . Cette manière de
procéder est la plus courante : le corps se trouve, ou est transporté, dans un lieu si ce n’est
complètement clos, au moins à l’abri des regards. L’exposition de la nudité est donc
limitée aux seuls médecins experts, parfois accompagnés d’un représentant de l’institution
judiciaire. Il existe cependant des affaires dans lesquelles le corps est publiquement
dénudé. Le 16 juin 1874, le Dr Augry Landonnière, praticien à L’Isle-Jourdain, dans le sud
de la Vienne, est convié par le juge de paix à venir examiner un homme retrouvé sans vie
dans une fontaine située en plein champ 251 . Aussitôt arrivé sur les lieux, le médecin
effectue les premières constatations qui s’attachent aux vêtements, aux mains et au visage
du défunt. Puis, il retire tous les vêtements et « examine le corps dans tous les sens » 252 .
L’homme de l’art a ainsi dénudé entièrement le corps et a réalisé un examen externe
minutieux au milieu d’un champ, à la vue de n’importe quel curieux passant dans les
alentours. Dans certaines occasions, plus rares il faut le souligner, la présence
d’observateurs extérieurs de la mise à nu du défunt est fort probable. Au début de pluviôse
an IV, la commune de Chenay, au sud-est des Deux-Sèvres, est le théâtre d’un double
247
Firmin Maillard, Recherches historiques et critiques sur la Morgue, Paris, Delahays, 1860, p. 24.
248
Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 225.
249
Ibid.
250
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence-Coups et blessures », Rapport médico-légal, le 20 octobre 1886.
251
A.D.V., 3U 4 / 602, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Asphyxie par
immersion », Rapport du médecin, le 16 juin 1874.
252
Ibid.
521

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
meurtre. Deux femmes ont succombé à des blessures produites par un instrument
tranchant, à la poitrine et à la tête pour l’une, au cou pour l’autre 253 . L’officier de santé
Simonet, requis pour l’expertise, se rend sur les lieux du drame accompagné du juge de
paix, de son greffier et d’une « foule considérable de citoyens et de citoyennes » 254 . Pour
faciliter l’exploration des plaies, l’expert médecin « fait déshabiller » 255 les deux victimes.
Or, à la lecture de son rapport, il semble que l’ensemble des personnes citées ait assisté à
l’examen, car il indique qu’avant de commencer l’expertise, il a « reconnu comme tout le
monde » 256 que les corps étaient ceux de Marie L. veuve T. et de Catherine veuve M.
L’examen cadavérique médico-légal dépossède l’individu de sa propre pudeur. Les
exigences médico-judiciaires font là encore voler en éclats les comportements considérés
en toute autre occasion comme relevant de la décence et du respect dû à chaque défunt.
L’impérative découverte du coupable, le rétablissement de la sécurité, l’apaisement d’une
communauté dont le calme a été troublé par un crime, sont autant d’arguments qui
justifient l’outrage subi par la dépouille. En outre, la mise à nu devant des regards de
professionnels, qu’ils soient médicaux, policiers ou judiciaires, et la plupart du temps en
comité restreint, ne suscite pas la même appréhension ou la même indécence qu’une nudité
publique, comme elle peut l’être à la Morgue de Paris. Une telle exposition du corps à des
yeux profanes est beaucoup plus mal perçue, et mal vécue, car elle est source d’une
curiosité érotico-morbide. L’attrait, jugé malsain, pour la présentation des cadavres
inconnus est, en définitive, emblématique des sentiments paradoxaux suscités par le corps
privé de vie, qui oscillent constamment entre attraction et répulsion.
2) Attraction et répulsion
Le corps humain sans vie fascine autant qu’il terrifie, séduit autant qu’il dégoûte.
Le balancement émotionnel perpétuel entre attraction et répulsion, à l’égard du cadavre,
influe sans nul doute sur la perception des manipulations qui peuvent lui être appliqué. La
manifestation la plus fragrante d’un intérêt pour le corps est fournie par les leçons
publiques d’anatomie, mentionnées précédemment, qui font accourir durant les XVII e et
XVIII e siècles les membres les plus aisés de la communauté, au même titre que certaines
représentations théâtrales. L’inconvénient de ces séances publiques est qu’elles sont
253 A.D.D.-S., L 2 ème Supplément U28, « Dossiers de procédures criminelles. Homicides », Rapport médical,
le 11 pluviôse an IV.
254
Ibid.
255
Ibid.
256
Ibid.
522

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
payantes. Par ailleurs, les restrictions imposées à la pratique de l’anatomie mettent fin à la
publicité des dissections. Mais la curiosité en est alors décuplée. Il a déjà été fait mention
des mesures cherchant à limiter la visibilité des dissections à l’extérieur des salles. L’une
des raisons invoquée par les autorités est que « certaines fenêtres, qui donnaient sur des
amphithéâtres, étaient continuellement occupées par les femmes et les jeunes filles du
quartier » 257 .
L’expression d’une telle curiosité féminine pousse immanquablement à en
comprendre la motivation : un intérêt pour l’anatomie, pour la science, ou une recherche de
sensations hors du commun, voire d’émotions voluptueuses ? De même, l’enjeu du
camouflage recommandé par les instances dirigeantes est-il de préserver la population
féminine d’une vision d’horreur ou de l’empêcher d’accéder à une activité que la décence
réprouve ? Des éléments de réponse sont apportés par les autres spectacles corporels qui
sont a contrario accessibles à tout un chacun : les exécutions capitales, la Morgue et les
musées d’anatomie 258 . Les deux premiers lieux d’exposition du corps sont fréquentés par
un public nombreux et hétéroclite. Hommes, femmes et enfants de tous milieux se
précipitent au pied de l’échafaud 259 ou à la porte de la Morgue 260 (cf. illustrations 183 et
184, annexe 52). Les musées d’anatomie, en plein essor à partir du mitan du XIX e siècle 261 ,
sont en revanche moins accessibles car l’entrée est payante (illustration 30), tout comme
l’assistance des dissections publiques devait acheter sa place dans l’amphithéâtre. Comme
l’illustre l’affiche ci-dessous, vantant les merveilles présentées par le Grand Museum
d’anatomie du Dr Sptizner, ces singuliers musées sont mobiles. Les pièces sont exposées
dans les foires, ce qui leur confère une forme de parenté avec les exhibitions de monstres
257
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 258.
258
Le spectacle anatomique populaire ne disparaît pas avec l’interdiction des amphithéâtres particuliers et les
leçons publiques. Les dissections sont alors remplacées par les musées de cires anatomiques. Si nombre de
collections anatomiques, comme indiqué dans le chapitre 3, sont rassemblées à l’attention des étudiants de
médecine et des médecins en exercice, d’autres sont visibles par tout un chacun. Le musée La Specola de
Florence, inauguré en février 1755, est ouvert au grand public.
Encyclopaedia anatomica. Museo La Specola Florence, textes de Monika v. Düring et Marta Poggesi,
photographies de Saulo Bambi, Cologne, Taschen, 2006, p. 46.
259
Cf. la synthèse sur le « Corps supplicié » dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello
(sous la dir. de), Histoire du corps, t. 2 : De la Révolution à la Grande Guerre, sous la dir. d’Alain Corbin,
Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2005, pp. 227-238.
Cf. également Régis Bertrand, Anne Carol (sous la dir. de), L’exécution capitale. Une mort donnée en
spectacle XVI e -XX e siècle, Aix-en-Provence, PUP, Collection « Le temps de l’histoire », 2003, 282 p.
260
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 67-68.
261
David Le Breton consacre quelques pages aux collections anatomiques, et notamment aux musées, dans
La chair à vif…, op. cit., pp. 210-219.
Christiane Py, Cécile Vidart, « Les musées d’anatomie sur les champs de foire », Actes de la recherche en
sciences sociales, novembre 1985, n°60, pp. 3-10.
523

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
dans les foires et fêtes foraines 262 . La différence réside dans le fait que ces derniers
spécimens sont vivants et bien réels.
Source : Hélène Pinet, « Cires anatomiques » in Le corps en morceaux, catalogue du musée d’Orsay,
Paris, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 1990, p. 52.
Illustration 30 : Affiche du Grand Museum d’anatomie du Dr Spitzner pour la foire de Roubaix (1908).
262 Cf. les réflexions de Henri-Jacques Stiker sur la « Nouvelle perception du corps infirme » dans Alain
Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello (sous la dir. de), Histoire du corps, t. 2 : De la
Révolution…, op. cit., pp. 289-291 ainsi que celles de Jean-Jacques Courtine sur « Le corps anormal. Histoire
et anthropologie culturelles de la difformité » dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello
(sous la dir. de), Histoire du corps, t. 3 : Les mutations du regard. Le XX e siècle, sous la dir. de Jean-Jacques
Courtine, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2005, pp. 201-262.
Cf. également Régis Bertrand, Anne Carol (sous la dir. de), Le « monstre » humain. Imaginaire et société,
Aix-en-Provence, PUP, Collection « Le temps de l’histoire », 2005, 214 p., notamment Anne Carol, « Avantpropos
», pp. 5-18 et Anne Carol, « Ordre et désordre des monstres doubles dans les théories et les pratiques
médicales », pp. 119-140.
524

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
L’attrait éveillé par les spectacles anatomiques de l’échafaud, de la Morgue ou du
musée, n’a en réalité rien de scientifique. En ce qui concerne l’exécution capitale, elle
exerce surtout un rôle cathartique, faisant office pour certains d’exutoire de leur propre
violence, au même titre que les exhibitions d’êtres difformes et anormaux rassurent
l’observateur sur sa propre “normalité”. La Morgue et les musées anatomiques remplissent
un besoin différent. Sous couvert de vouloir éduquer la population, et notamment la
jeunesse, de diffuser les préceptes hygiéniques, de prévenir la contamination syphilitique,
ou encore de promouvoir la tempérance, les concepteurs des musées anatomiques usent de
slogans parfois racoleurs pour attirer le chaland 263 . La monstruosité, la maladie exotique, la
sensualité, voire la sexualité, sont plus susceptibles d’attiser la curiosité du passant que la
promesse de voir un muscle bien reproduit ou l’ensemble du réseau nerveux présenté dans
ses moindres détails. Quelques-uns trouvent également dans la contemplation des cadavres
exhibés en vitrine, à la Morgue, un plaisir quasi érotique 264 .
La beauté et la sensualité du cadavre émergent de la rencontre artistique de la mort
et de la sexualité au XVI e siècle. La douleur, la violence et la mort de nombre de saints
martyrs sont érotisées 265 . L’érotisme macabre culmine au XVIII e siècle avec l’imaginaire
sadien et les gestes d’affection, pouvant aller jusqu’au rapprochement sexuel, accomplis
par certains vivants sur les belles dépouilles mortelles de jeunes gens ou de jeunes filles 266 .
Mais, à l’époque où le psychiatre allemand Richard von Krafft-Ebing théorise les
différentes perversions sexuelles 267 , le supplice public des condamnés à mort et
l’exhibition des corps dénudés à la Morgue, spectacles qui favorisent l’expression d’un
voyeurisme malsain, deviennent intolérables. Dès les années 1850, l’exécution capitale se
fait plus discrète : elle n’a plus lieu en place publique, mais à proximité de la prison. Il faut
cependant attendre 1870 pour que la chute du couperet, et donc la décapitation, deviennent
moins visibles. A partir de cette date, l’échafaud sur lequel la guillotine était jusqu’alors
posée, disparaît. Avant de tenir le public à l’écart, décision prise en 1939, une ultime
263
David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 215-216.
264
Bruno Bertherat, « Les visiteurs de la Morgue », L’Histoire, septembre 1994, n°180, p. 20.
265
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort…, op. cit., pp. 79-83.
266
Ibid., pp. 83-90.
267
Richard von Krafft-Ebing publie plusieurs éditions de sa Psychopathia sexualis à la fin des années 1880 et
au début des années 1890. Il distingue huit perversions sexuelles : le sadisme, le masochisme, le fétichisme,
l’exhibitionnisme, l’homosexualité, la pédophilie érotique, la gérontophilie et la zoophilie.
Richard von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis mit besonderer Berücksichtigung der conträren
Sexulempfindung, Stuttgart, Ferdinand Enke, 1894, X-414 p.
Une édition commentée a été publiée en 1950 : Richard von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, édition
refondue par le Dr Albert Moll, traduit de l’allemand par René Lobstein, préface du Dr Pierre Janet, 1 ère éd.
1950, Paris, Pocket, Agora, 1999, 2 t., 387 + 384 p.
525

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
mesure tente de minimiser la publicité des exécutions capitales. Après 1898, le bourreau
actionne sa fatale machinerie avant l’aube, à 5h. du matin 268 .
A peu près en même temps les premières mesures sont prises en ce qui concerne les
cadavres exhibés à la Morgue. Dès juillet 1877, « une décision préfectorale institue que les
corps exposés seront désormais revêtus des habits avec lesquels on les a retrouvés » 269 .
Mais d’aucuns estiment l’abolition de la nudité insuffisante. Ils réclament l’arrêt absolu de
l’exposition publique. A l’origine de la campagne contre le spectacle indécent de
l’exposition des défunts, se trouve Adolphe Guillot. Juge d’instruction au Tribunal de
Première Instance de la Seine 270 , il dénonce l’ouverture publique de la Morgue, dans un
ouvrage intitulé Paris qui souffre. La basse-geôle du Grand-Châtelet et les morgues
modernes, publié en 1887 : « Arrière ces enfants qui viennent pour satisfaire de vicieuses
curiosités, arrière cette foule indiscrète, ces femmes au regard impudique, ces rôdeurs à la
recherche d’une émotion ou d’un crime ! » 271 . La bataille menée par Guillot 272 , très vite
relayée par la presse, ne porte ses fruits qu’au bout de vingt ans. Le 15 mars 1907, un
arrêté du Préfet de police Lépine interdit l’entrée de la Morgue aux curieux 273 :
« Considérant qu’il convient, sauf dans des cas exceptionnels, de donner accès dans la
salle d’exposition des cadavres déposés dans cet établissement, uniquement aux personnes
qui peuvent avoir à fournir un renseignement utile sur l’identité des corps exposés, et
d’écarter ainsi toutes les personnes qui s’y présenteraient dans un intérêt de curiosité » 274 .
Enfin, les musées d’anatomie subissent eux aussi un certain nombre de restrictions
à l’aube du XX e siècle. Les adultes sont les seuls spectateurs autorisés à franchir le seuil
d’une telle exposition. L’affiche de la foire de Roubaix, en 1908, précise que le musée est
« visible pour les adultes (20 ans) hommes et dames » 275 (illustration 30). En outre, des
recommandations ayant trait à la moralité et la décence se multiplient. Les pièces
présentées ne doivent susciter ni répugnance ni obscénité : « des pièces anatomiques seront
268 Régis Bertrand, Anne Carol, « Avant-propos » in Régis Bertrand, Anne Carol (sous la dir. de),
L’exécution capitale…, op. cit., p. 13.
269 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 177.
270 Cf. la petite notice biographique établie par Bruno Bertherat, ibid., vol. 2, f° 519.
271 Cité dans Jean-Luc Hennig, Morgue. Enquête sur le cadavre et ses usages, Paris, Editions Libres-Hallier,
Collection « Illustrations », 1979, p. 24.
272 Sur la campagne visant à fermer la Morgue au public, cf. Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit.,
vol. 1, f° 256-259.
273 « M. Lépine et la Morgue », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de
psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1907, t. 22, p. 442.
274 Arrêté du Préfet de police Lépine, du 15 mars 1907.
Cité dans Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 256.
275 Hélène Pinet, « Cires anatomiques » in Le corps en morceaux, catalogue publié à l’occasion de
l’exposition « Le corps en morceaux » présentée au musée d’Orsay du 5 février au 3 juin 1990, Paris,
Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 1990, p. 52.
526

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
seules exposées ; ces pièces n’offriront aucun caractère répugnant ou de nature à
provoquer de la part des visiteurs des réflexions obscènes ou contraire aux bonnes
mœurs » 276 . Définitivement interdits en 1921 277 , les musées d’anatomie regagnent leurs
lieux de naissance, les Facultés de médecine et autres instituts scientifiques. L’anatomie,
saine ou déformée par la maladie, redevient un privilège réservé à un petit nombre d’élus.
La fermeture de la Morgue à la foule des Parisiens et des touristes renvoie, elle, la
mort et le cadavre dans la sphère privée. Or, ce défunt intime et proche apparaît beaucoup
plus effrayant que le cadavre décapité du criminel ou que le corps de l’inconnu victime
d’une noyade accidentelle dans la Seine.
Le pouvoir conféré au cadavre est double. Guérisseur et protecteur à travers les
reliques et autres facultés attribuées à certains fragments corporels, il présente également
un potentiel de danger en raison de sa décomposition, conception qui connaît un essor
constant à partir de la révolution pasteurienne 278 . Réconfortant pour les familles qui
entretiennent le souvenir de leur cher disparu, à l’aide de sa représentation, réelle ou
figurative la vision du corps sans vie constitue, a contrario, un traumatisme psychologique
pour d’autres. L’éloignement et la dissimulation des corps des individus décédés à l’hôpital
permettent de préserver le moral des autres malades. D’Arcet et Parent-Duchâtelet en font
la remarque : « ces amphithéâtres, lorsqu’ils sont situés dans les hôpitaux, ont des
inconvénients bien plus graves encore sur le physique et le moral des malades » 279 .
Les pratiques funéraires et les attitudes des vivants à l’encontre de leurs défunts
oscillent entre le respect et la peur, entre l’hommage et le rejet. Nombre d’auteurs
soulignent la précipitation des familles à vouloir procéder aux rites qui accompagnent le
trépas, parfois au mépris de l’étincelle de vie qui pourrait encore exister :
« L’ensevelissement trop rapide est un des abus les plus enracinés ; le dernier soupir est à
peine exhalé, que l’on se hâte de procéder à la toilette funèbre » 280 . Certains hommes de
l’art y voient même le désir de se débarrasser rapidement d’un corps qui répugne 281 . La
rapidité des inhumations est indéniable, notamment dans les campagnes et parmi les
276
Directive de la Préfecture de police de Paris donnée aux musées d’anatomie souhaitant s’installer à la foire
de Neuilly en juin 1905. Citée dans Christiane Py, Cécile Vidart, « Les musées d’anatomie… », art. cit.,
p. 10.
277
David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., p. 218.
278
Cf. sur les bienfaits et les dangers relatifs au cadavre Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La
mort…, op. cit., pp. 63-70.
279
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 276.
280
Gabriel Tourdes, « Mort (Médecine légale) », art. cit., p. 589.
281
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., pp. 216-217.
527

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
familles les plus pauvres qui, du fait de l’exiguïté de leur logement, doivent cohabiter avec
un corps dont la décomposition est amorcée. Lors d’une instruction pour assassinat et vol
domestique, menée en avril 1830 par le juge de paix du canton de Mirebeau, département
de la Vienne, un chirurgien est requis pour venir examiner le corps d’une fillette. L’homme
de l’art signale dans son rapport que la fillette est décédée le samedi soir et qu’il a été
procédé à son inhumation dès le dimanche après-midi 282 . Il faut préciser, rapidement car il
en est question plus loin, qu’outre le fait d’éloigner un cadavre nauséabond et putride, la
constatation d’une inhumation précipitée dans les affaires judiciaires peut être motivée par
la dissimulation du corps du délit. Mais, l’étude de Jacques Chiffoleau sur Les hommes, la
mort et la religion dans la région d’Avignon, apporte d’autres éléments d’explication. Il
remarque que « le mort reste généralement peu de temps sous son propre toit […], très
rarement plus d’un jour et d’une nuit » 283 . Selon lui, deux raisons peuvent être avancées,
l’une religieuse et l’autre laïque :
« Il est possible que l’Eglise veuille limiter au maximum le temps entre la mort et la mise
en terre, et en particulier les veillées, parce qu’elle juge que s’y développent des coutumes
incompatibles avec les croyances chrétiennes (festins, danses etc.). Mais il est possible
aussi que la hâte des funérailles vienne des laïcs eux-mêmes. Le corps est enterré au plus
vite, pour des raisons sanitaires évidentes, surtout pendant les chaleurs de l’été […] » 284 .
En tout état de cause, l’exécution hâtive des inhumations a donné lieu à une
régulation légale, abordée plus haut, qui impose d’attendre 24 heures, dès le décès, puis
seulement à partir de sa déclaration officielle à la mairie, avant d’être autorisé à pratiquer
la mise en terre. Mais dans une forte proportion, la rapidité de certaines manœuvres répond
à des exigences où se mêlent pragmatisme et désir de faire prendre au défunt une posture
convenable et apaisée. Gabriel Tourdes décrit, tout en les critiquant, les agissements de
l’entourage, dès le décès survenu :
« on se hâte de procéder à la toilette funèbre, pour éviter la difficulté qui résulterait d’une
rigidité précoce ; les oreillers sont retirés, une paillasse remplace le lit qu’on veut
ménager, un drap est placé sur la figure ; quelle que soit la température extérieure, la
fenêtre est ouverte et un froid subit remplace l’atmosphère tiède de la chambre ; un lien est
passé sous la mâchoire inférieure pour maintenir la bouche fermée, les mains sont
ramenées sur la poitrine et attachées l’une à l’autre ; les paupières sont comprimées » 285 .
282
A.D.V., 2U 1503, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol domestique »,
Rapport du chirurgien, le 12 avril 1830.
283
Jacques Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région
d’Avignon à la fin du Moyen Age (vers 1320-vers 1480), préface de Jacques Le Goff, Rome, Ecole française
de Rome, Collection de l’Ecole française de Rome, 1980, p. 123.
284
Ibid., p. 124.
285
Gabriel Tourdes, « Mort… », art. cit., p. 589.
528

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
L’ouverture des fenêtres, qui favorise le refroidissement et le renouvellement de l’air, ainsi
que le changement de lit, sont des mesures d’ordre sanitaire. La réalisation de la toilette, le
retrait des oreillers, les liens des mains et de la mâchoire, la fermeture forcée des yeux,
sont des procédés qui permettent de contrecarrer la rigidité, puis le relâchement du corps.
Le défunt aura ainsi une attitude décente, bouche et yeux clos, mains jointes.
Les représentants de la justice et les médecins requis comme experts sont aussi les
témoins privilégiés de ces pratiques funéraires. La petite commune de Tourtenay, située à
l’extrême nord-est des Deux-Sèvres, est le théâtre d’un crime crapuleux particulièrement
affreux. Une septuagénaire est retrouvée la tête ensanglantée dans une cave 286 . Après un
premier examen réalisé par le Dr Faure, requis par le capitaine de gendarmerie de
Bressuire, le corps est transporté dans une chambre. C’est dans ce lieu que le juge
d’instruction découvre la défunte, le lendemain, alors que le corps a été déshabillé,
enveloppé d’un drap en ne laissant à découvert que la tête 287 . Une localité qui se trouve à
quelques kilomètres vers l’ouest, Châtillon-sur-Sèvres, avait été le théâtre d’un meurtre
quelque peu similaire en avril 1835. Un homme de 36 ans succombe des suites du coup de
fourche qu’il a reçu à la tête 288 . Lorsque le juge de paix et le médecin expert pénètrent dans
la chambre, le corps de la victime est allongé sur un lit et « recouvert d’un drap » 289 . La
disposition d’une pièce de linge sur la dépouille est mentionnée dans la description de
Gabriel Tourdes. Or, elle ne joue ni un rôle hygiénique, ni un rôle préparatoire à
l’inhumation. Sa motivation est tout autre.
La pompe funèbre fait disparaître le cadavre, tout en rendant la mort encore plus
visible par l’entremise de symboles comme le cercueil, le catafalque et même le poêle,
drap qui masque la bière, mais la rend d’une certaine façon encore plus présente 290 . Tout ce
faste est, néanmoins, réservé aux plus riches, voire aux seuls princes, hormis le cercueil qui
est devenu un objet incontournable de tout enterrement, même s’il n’est que provisoire et
ne sert qu’au transport de la dépouille. Dès lors que le trépas survient, le corps du défunt
est occulté. Recouvrir le cadavre, et surtout le visage, est une pratique très courante et
ancienne : « depuis le XIII e siècle, dans la chrétienté latine,[…] le visage nu du mort est
286
A.D.D.-S., 2U 271, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vols », Rapport du
Dr Faure, le 9 juin 1873.
287
Ibid., Procès-verbal de transport, le 10 juin 1873.
288
A.D.D.-S., 2U 146, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Certificat ou rapport
de Brillanceau, médecin, le 9 avril 1835.
289
Ibid.
290
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 1 : Le temps…, op. cit., pp. 169-172.
529

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
devenu insupportable » 291 . Il convient de distinguer l’ensevelissement, au sens propre du
terme, qui consiste à envelopper le corps dans un drap ou un suaire ensuite cousu 292 , de la
dissimulation, partielle ou complète, du corps sous un drap. Il n’est pas ici question de la
première procédure.
Dans certaines circonstances, le surgissement de la mort dans le paysage sociétal
paraît si violent, si brusque, qu’il est nécessaire de le dissimuler, du moins pour un temps.
En juillet 1852, les Drs Philibert Dusouil et Jean Isaac Drouhet se rendent dans le bourg de
Celles, dans les Deux-Sèvres, accompagnés du procureur de la République et de son
greffier. Le corps sans vie d’un homme y a été découvert, gisant au bord d’un chemin 293 . A
leur arrivée sur les lieux, « à 200 mètres de la route nationale [qui relie] Melle à Niort » 294 ,
le juge de paix, l’adjoint du maire et les gendarmes leur montrent le corps. Il est alors
« recouvert d’un drap » 295 , que les hommes de l’art font retirer. Ces cas répondent, tels des
contre-exemples, à l’abandon indécent du cadavre sous les intempéries, relevé par le
Journal de Rouen et mentionné précédemment. Mais il ne semble pas que l’extension d’un
drap sur le cadavre soit motivée par une volonté de le mettre à l’abri. En effet, la taille du
morceau de tissu employé apparaît parfois très insuffisante pour remplir un tel rôle. Dans
le courant du mois d’octobre 1913, le juge d’instruction de Bressuire est chargé d’enquêter
sur la mort d’une femme, qui s’est écroulée après avoir été touchée par la décharge d’un
fusil dans le dos. Lorsqu’il arrive dans les bois, avec le procureur de la République, un
greffier et un médecin, le magistrat apprend que « par suite de l’enquête du juge de paix le
cadavre a été déplacé » 296 . De plus, « la figure est recouverte d’une serviette blanche » 297 .
La dissimulation du cadavre, et surtout du visage du défunt, semble en
contradiction complète avec certaines pratiques : l’exposition des corps à la Morgue 298 , la
présentation du défunt sur son lit 299 , et dans une autre mesure les exécutions capitales 300 . Et
même lorsque le défunt est dissimulé, la famille n’hésite pas à le découvrir pour le voir une
ultime fois : « on veut voir encore une fois les traits décomposés du parent, de l’ami, du
291 Ibid., p. 169.
292 Ibid., p. 205.
293 A.D.D.-S., 2U 212, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Procès-verbal
médical, les 22 et 23 juillet 1852.
294 Ibid.
295 Ibid.
296 A.D.D.-S., 2U 391, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal de
transport, le 19 octobre 1913.
297 Ibid.
298 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 174-181.
299 Philippe Ariès, Images de l’homme…, op. cit., pp. 118-122.
300 Régis Bertrand, Anne Carol (sous la dir. de), L’exécution capitale…, op. cit., 282 p.
530

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
voisin, et à tour de rôle, à chaque nouvel arrivant, on dénoue les fichus, les mouchoirs, qui
cachent le visage du cadavre » 301 . Peut-être faut-il y voir un rejet de la violence plus que
de la mort. Le corps est ici la matérialisation d’une violence, accidentelle ou criminelle, et
en porte les stigmates. Il est meurtri, sanglant, disloqué, en un mot profané. Il ne fait pas
bonne figure, à l’inverse du défunt qui est préparé pour rejoindre sa dernière demeure, qui
a suivi, ou plus exactement subi, les différentes étapes funéraires. La dissimulation du
visage de celui qui pourrait être qualifié de “mauvais mort”, trouve d’ailleurs un écho chez
les savants qui s’adonnent aux manipulations cadavériques et qui sont abordés plus loin.
Au même titre, et peut-être plus encore que le corps violenté, le corps autopsié est
rejeté, caché. Il ne s’agit pas de la dissimulation enclenchée à l’issu de l’expertise et qui
trouve ses raisons d’être à la fois dans la protection des sensibilités de l’entourage, que
dans une précaution toute judiciaire et une recommandation à caractère purement
scientifique. Seul est pris en considération, en l’occurrence, le corps en cours d’examen
post mortem, c’est-à-dire le corps ouvert, à vif, exhibant des chairs sanguinolentes. La
volonté de cacher un tel spectacle se manifeste principalement lorsque l’exécution de
l’examen est suspendue en raison de l’heure (nuit ou déjeuner) ou parce que la réalisation
d’une seconde expertise est programmée. Les rapports des médecins experts n’offrent que
peu de détail à ce sujet, de même que les autres documents des dossiers d’instruction.
Néanmoins, l’une des affaires d’infanticide du département des Deux-Sèvres lève un coin
du voile sur la question. Le suppléant du juge d’instruction de Parthenay se transporte, le
18 septembre 1858, dans une localité située à la limite nord de sa juridiction, en compagnie
de trois médecins experts 302 . Deux jours auparavant, le corps d’un nouveau-né a été retiré
de la rivière et le Dr Jaurand, l’un des trois hommes de l’art requis, a pratiqué une première
autopsie médico-légale 303 . Informé qu’un magistrat du Tribunal de Première Instance de
Parthenay devait se rendre sur place, le juge de paix confie la dépouille de l’enfant à la
garde de deux hommes 304 . A leur arrivée sur place, les trois praticiens découvrent donc sur
301
Extrait d’un article de Baratier intitulé « Les inhumations au village au point de vue de l’hygiène publique
et privé », et publié dans la Tribune médicale en 1898.
Cité dans Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 237.
302
A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal
d’opération, le 18 septembre 1858.
303
Ibid., Rapport du Dr Jaurand, le 16 septembre 1858.
304
Ibid., Procès-verbal d’opération du juge de paix, le 16 septembre 1858.
531

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
la table, au milieu de la chambre, le corps du nouveau-né « enveloppé d’une serviette teinte
d’une assez grande quantité de sang provenant de l’autopsie pratiquée l’avant-veille » 305 .
L’autopsie offre une vision frontale et brutale de la mort. De plus, selon certains,
c’est une opération sanglante qui peut, si la vue en est imposée à un individu, s’apparenter
à une forme de cruauté. La présence du prévenu à l’autopsie médico-légale est un vestige
d’une pratique ancienne, mentionnée supra, la cruentation. Il s’agit de mettre le meurtrier
supposé en présence de la dépouille de la victime. Si celle-ci se met à saigner cela signifie
qu’elle a reconnu son meurtrier. La confrontation du prévenu avec la victime est critiquée
par certains membres de l’institution judiciaire qui la considère comme « une torture
morale contre laquelle l’humanité proteste et qu’il est presque toujours inutile de mettre
en œuvre » 306 . Si la simple mise en présence du prévenu avec la dépouille de sa victime
présumée est considérée comme cruelle, que penser de sa présence à l’examen
cadavérique ?
Les graphiques 67 et 68, relatifs aux
témoins des autopsies judiciaires
poitevines, ont démontré que le prévenu, ou
un membre de sa famille, assistait à
l’expertise dans moins de 10% des cas. La
part est donc relativement faible. Il est en
effet fréquent que le prévenu ne soit pas
présent durant l’examen. En certaines
occasions, son absence est même spécifiée
quand elle relève d’une requête de sa part
ou d’une exclusion par le magistrat. Le
graphique ci-dessous indique les
proportions d’autopsies pour lesquelles
l’absence du prévenu est clairement
indiquée. Elles avoisinent, pour chaque
département étudié, la part de 5% (graphique 69). Le chiffre paraît extrêmement faible.
Néanmoins, le manque d’informations relatives aux personnes qui se trouvent aux côtés de
l’homme de l’art fausse quelque peu le résultat. Les tableaux 42 et 43 (cf. annexe 20)
305 Ibid., Rapport des médecins, le 18 septembre 1858.
306 « Autopsies légales », Chronique, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1901, 3 ème série, t. 46, p. 571.
532
Graphique 69 : Refus des prévenus
d'assister à l'examen post mortem(affaires
criminelles poitevines 1795-1915).
Examens
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Deux-
Sèvres
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Vienne Départements
Présent/Sans
précision
Exempté

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
montrent, en effet, que dans plus de la moitié des examens pratiqués, aucune indication
n’est fournie au sujet des témoins de l’opération, ce qui laisse augurer que la part des
autopsies judiciaires pratiquées en l’absence du meurtrier présumé est beaucoup plus
élevée.
A la lecture des dossiers de procédures correctionnelles et criminelles du Poitou, il
apparaît que les représentants de la justice ont très tôt accepté d’exempter les prévenus,
faisant montre d’une certaine prévenance à leur endroit. En septembre 1821, le juge
d’instruction de Loudun, dans le département de la Vienne, dirige une procédure relative à
un infanticide. Il requiert le Dr Marquet de pratiquer l’autopsie du nouveau-né découvert
dans une étable. Le magistrat demande alors à la femme qui a avoué être la mère de
l’enfant, et qui est donc soupçonnée de lui avoir également donné la mort, si elle « désire
être présente à l’ouverture du cadavre » 307 . La jeune femme préfère que l’examen soit
effectué « hors de sa présence » 308 . Il peut arriver également que l’absence du prévenu à
l’examen soit consécutive à une décision du magistrat qui ne souhaite pas lui infliger cette
épreuve. C’est de cet élan de pitié dont fait preuve le juge de Châtellerault, en février 1848,
lors d’une instruction sur un infanticide. A l’arrivée du praticien qu’il a appelé pour
réaliser l’examen post mortem, le magistrat fait porter le petit cadavre dans une maison
voisine de celle de la prévenue, car il « répugne à faire procéder [à l’autopsie] devant
l’inculpée dans un moment où elle est faible et souffrante » 309 .
Le dégoût suscité par l’ouverture cadavérique est partagé par certains de ses
témoins qui y ont parfois assisté malgré eux. Un manouvrier de Châtillon-sur-Sèvres en
fait la désagréable expérience à la suite de l’agression d’un jeune homme, en juillet 1890.
Probablement employé à l’hospice de Châtillon, dans le jardin duquel les Drs Brillaud et
Gaboriau procèdent à l’examen cadavérique 310 , l’homme réclame un dédommagement
pour le matériel qu’il a fourni aux médecins experts 311 . En outre, comme pour justifier sa
requête, il ajoute qu’il a été contraint de « rester constamment présent à l’opération », pour
aider les deux praticiens, et que cela « n’a pas présenté rien d’agréable en raison de l’état
307 A.D.V, 2U 543, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal
constatant le corps du délit, le 16 septembre 1821.
308 Ibid.
309 A.D.V., 2U 1585, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
prestation de serment, le 13 février 1848.
310 A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Rapport des Drs
Brillaud et Gaboriau, le 30 juillet 1890.
311 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Meurtre (résidus du dossier de la cour d’assises) », Lettre au juge d’instruction, le 2 août 1890.
533

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
de putréfaction déjà avancé » 312 . D’autres font part de leur appréhension vis-à-vis de
l’opération en demandant à ne pas y assister. Lors d’une enquête relative au décès d’une
fillette de 7 ans, le juge de paix de Gencay, canton de la Vienne, accède à la demande de
l’un des gendarmes qui l’accompagnent, de ne pas assister à l’autopsie 313 . Dans ce dernier
exemple, la jeunesse de la victime a pu également influer sur la requête du gendarme.
Sans aller jusqu’à parler d’un sentiment systématique de dégoût ou de répugnance
au sujet de cet exercice, le peu d’attrait que présente l’autopsie médico-légale, et surtout
l’ouverture cadavérique, semble largement admis. A tel point que la manifestation d’un
quelconque intérêt à son sujet apparaît suspecte. L’examen médico-légal du cadavre peut
même servir de critère aux autorités pour juger du caractère d’un prévenu. Refuser d’être
présent à l’expertise peut signifier le remord, alors que souhaiter y assister, ou rester
impassible durant l’opération, révèle l’insensibilité, la froideur des sentiments et indique
que l’individu en question ne détonnerait pas au sein des « monstres froids » décrits par
Frédéric Chauvaud 314 . Le gendarme qui surveille un homme prévenu d’avoir tué son frère,
en juillet 1866, est désappointé par le « mouvement de curiosité » 315 dont il fait preuve. Le
prévenu, gardé à distance du lieu de l’expertise, souhaite en effet aller jeter un œil à
l’opération. La vue de la victime, en l’occurrence son frère, produit un « certain effet » 316
sur le prévenu qui ne manifeste plus le désir d’y retourner. En revanche, un individu
soupçonné d’avoir assassiné une femme de 70 ans, dans les environs de la commune des
Aubiers, au nord-ouest des Deux-Sèvres, ne « manifeste aucune émotion de la triste
opération à laquelle il assiste » 317 . Absence d’émotion que l’inculpé justifie par sa
familiarité avec « des spectacles de cette nature » 318 , puisqu’il en a déjà observé dans les
hôpitaux.
L’« accoutumance de l’horreur » 319 rend supportable ce qui auparavant ne l’était
pas ou qui, a contrario, ne l’est plus, suite à la disparition des « scènes lugubres, [des]
312 Ibid.
313 A.D.V., 2U 1504, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Autopsie du
cadavre, le 2 mai 1830.
314 Frédéric Chauvaud, Les criminels du Poitou au XIX e siècle. Les monstres, les désespérés et les voleurs, La
Crèche, Geste éditions, Pays d’histoire, 1999, pp. 116-126.
315 A.D.D.-S., 2U 251, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Lettre du juge de
paix, le 12 juillet 1866.
316 Ibid.
317 A.D.D.-S., 2U 259, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal de
constat des lieux, le 3 septembre 1869.
318 Ibid.
319 Frédéric Chauvaud, De Pierre Rivière à Landru, La violence apprivoisée au XIX e siècle, Paris-Turnhout,
Brepols, 1991, p. 236.
534

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
supplices publics, [des] filets de sang qui s’écoulent dans les ruisseaux » 320 . Par
conséquent, toute émotion et toute action non conformes à la norme sociétale, tel se
complaire dans la manipulation des cadavres, apparaissent suspectes.
3) Les hommes de l’art : entre insensibilité et trahison
Le corps médical est soumis à quelques préjugés, fondés soit sur une assimilation
des praticiens de l’art de guérir à d’autres professionnels, soit sur une perception faussée et
partielle de leurs activités ou de leur attitude. En ce qui concerne les médecins qui se
préoccupent des individus après leur décès, deux reproches leur sont adressés plus
particulièrement : tout d’abord, d’être des savants dépourvus de compassion et de
sensibilité à l’encontre du défunt et de son entourage ; ensuite, d’être des “suppôts” de la
justice.
Les médecins du XIX e siècle traînent encore une réputation de savants sourds aux
suppliques de leurs malades, malgré les efforts réalisés en termes de rapprochement,
d’écoute et de considération du patient. Le chirurgien fait figure de parangon
d’indifférence, jusqu’au mitan du XIX e siècle et les balbutiements de l’anesthésie. La
diffusion des techniques permettant d’endormir le malade, et donc de lui éviter la
« douleur chirurgicale » 321 , se heurte à une conception de l’intervention bien ancrée chez
les praticiens de la chirurgie : « le problème était bien en effet d’avoir l’idée d’utiliser
l’éther pour les opérations chirurgicales, d’accepter d’ouvrir un corps en apparence sans
vie, dont les réactions n’étaient plus là pour guider le chirurgien dans son travail » 322 . Le
chirurgien est donc capable d’inciser et d’amputer tout en demeurant imperméable aux cris
de douleur de l’opéré. Mais c’est surtout l’image du professionnel de la mort, indifférent et
impassible, qui le poursuit. Outre leur association dans la transgression d’un tabou,
« déchirer l’alliance » du cosmos en répandant le sang 323 , c’est son attitude détachée qui le
rapproche du boucher, voire du bourreau, similitude reconnue d’ailleurs par certains
médecins. Assistant à l’exécution de l’assassin du président Sadi Carnot, Alexandre
Lacassagne avoue commencer à s’habituer « à cet horrible spectacle » et même
comprendre « l’impassibilité du chirurgien, la cruauté inconsciente du boucher » 324 .
320
Ibid.
321
Roselyne Rey, Histoire de la douleur, Paris, La découverte, Histoire des sciences, 1993, p. 167.
322
Ibid., p. 185.
323 ère ème
David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, 1 éd. 1990, 3 éd., Paris, PUF, Quadrige,
2003, p. 38.
324
Alexandre Lacassagne, « L’assassinat du président… », art. cit., p. 595.
535

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Une confusion entre les diverses professions, en lien avec la mort et les morts, se
crée au sein de l’opinion publique. Bourreaux, bouchers, fossoyeurs, anatomistes, garçons
d’amphithéâtre ou de la Morgue, médecins vérificateurs des décès, médecins experts,
forment un cloaque dangereux et conspirateur. Des alliances se nouent, des activités
moralement répréhensibles se développent et s’organisent, des ententes odieuses brouillent
les signes distinctifs et abolissent tout repère :
« Il arrive même que le personnage du chirurgien se confonde avec celui du bourreau, soit
que les criminels soient exécutés de la façon choisie pour les anatomistes qui les
dissèqueront ensuite, soit que des expériences soient tentées sur des condamnés » 325 .
Bruno Bertherat note qu’un tel « cliché revient souvent : le professionnel de la mort est
décrit comme insensible » 326 . Les garçons de la Morgue, ainsi que leurs collègues évoluant
dans les amphithéâtres de dissection ou les salles des morts des établissements hospitaliers,
sont perçus comme « des êtres pervers » 327 .
Loin de penser que certains comportements sont généralisés, il faut reconnaître que
plusieurs scandales ont fait une très mauvaise presse à ce corps professionnel. L’attitude
désinvolte, ou au moins perçue comme telle par l’opinion publique et les journalistes, du
garçon d’amphithéâtre de l’hôpital Saint-Antoine qui s’est occupé du corps du sergent de
ville après l’autopsie demandée par Gilles de la Tourette, est en ce sens significative. La
substitution d’un journal en lieu et place du cerveau, ainsi que la confusion possible
d’organes de plusieurs corps, conforte la presse dans l’idée que ces hommes font montre de
désintérêt, de laxisme et d’indifférence 328 . Si la campagne calomnieuse lancée à l’endroit
de Gilles de la Tourette et de ses collaborateurs ne repose sur aucun élément tangible et est
agrémentée de révélations mensongères, d’autres scandales de la dissection s’avèrent
fondés sur des comportements délictueux. Au début des années 1810, des garçons
d’amphithéâtres de dissection parisiens s’adonnent à un commerce inhabituel et immoral :
ils vendent de la graisse humaine 329 . Cette substance, qu’ils font passer pour de la graisse
animale, de chien ou de cheval, est principalement vendue à des émailleurs qui l’utilisent
pour accroître l’intensité de leur foyer 330 . Plus que le comportement cupide et indécent, les
325 Marie-Christine Pouchelle, « La prise en charge de la mort : médecine, médecins et chirurgiens devant les
problèmes liés à la mort à la fin du Moyen Age (XIII e -XV e siècles) », Archives européennes de sociologie,
1976, XVII, p. 274.
326 Bruno Bertherat, « Le miasme sans la jonquille. L’odeur du cadavre à la Morgue de Paris au XIX e siècle »
in Anne-Emmanuelle Demartini, Dominique Kalifa (sous la dir. de), Imaginaire et sensibilités au XIX e siècle.
Etudes pour Alain Corbin, Paris, Editions Créaphis, 2005, p. 239.
327 Ibid.
328 « Le secret des expertises », art. cit., pp. 316-317.
329 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 269.
330 Ibid., p. 270.
536

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
autorités sont préoccupés par le risque sanitaire, les corps sur lesquels la graisse était
prélevée provenant des hôpitaux 331 . Néanmoins, la transgression morale n’est pas omise
car, « dans la crainte d’effrayer le public et d’ameuter le peuple, cette affaire [est] traitée à
huis clos » 332 .
Les salles de dissections focalisent toutes les attentions et tous les reproches. Les
étudiants et les enseignants font aussi les frais des réprimandes. En 1821, la directrice de
l’Hôpital général de Poitiers se plaint des élèves de l’Ecole de médecine. Selon elle, ils « se
conduisent de façon indécente et irrespectueuse » avec les cadavres 333 . La légendaire
irrévérence des “carabins” est longuement analysée par Emmanuelle Godeau dans le
premier chapitre de son étude sur la formation des internes de médecine, consacré aux
dissections 334 . Il semble que nombre d’apprentis médecins ont suivi les traces de leurs
prédécesseurs, reproduisant ou développant certains comportements : vocabulaire
déshumanisé, humour noir, utilisation grotesque ou comique de fragments cadavériques,
projection de débris lors de « batailles de bidoche » 335 . Attitudes indécentes et indignes
pour les observateurs extérieurs, mais qui, ainsi qu’il apparaît dans les réflexions
présentées infra, correspondent à un travail de distanciation et de protection de la part des
futurs praticiens.
En revanche, les étudiants du XX e siècle, ont abandonné une des activités prisées
par quelques-uns de leurs ancêtres, et encore en vogue au début du XIX e siècle : le vol de
cadavre 336 . La pénurie de corps disponibles pour l’anatomie, accrue par la multiplication
des amphithéâtres particuliers jusqu’aux années 1810, oblige les professeurs d’anatomie et
leurs élèves à se transformer en détrousseurs de tombes. Certains cimetières parisiens
étaient ainsi régulièrement visités, en pleine nuit. Comme ils peuvent le faire avec certains
fragments prélevés dans les salles de dissection, des étudiants vont également se servir
dans les sépultures, et se débarrassent plus ou moins discrètement des scories
anatomiques 337 . Consciente des désagréments et des risques, tant hygiéniques que moraux,
représentée par l’exhumation illicite des cadavres des cimetières, la Préfecture de police
331
Ibid.
332
Ibid., p. 271.
333
Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine…, op. cit., p. 39.
334
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., pp. 11-52.
335
Ibid., pp. 27-39.
336
Cf. Marie-José Imbault-Huart, L’école pratique de dissection…, op. cit., pp. 226-227.
Cf. également les quelques récits littéraires cités dans Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La
mort…, op. cit., pp. 78-79.
Voir aussi l’article de Pierre Darmon, « Le vol de cadavres et la science (XVII e -XIX e siècle) », L’Histoire,
septembre 1982, n°48, pp. 30-37.
337
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort…, op. cit., p. 78.
537

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
spécifie dans l’ordonnance du 25 novembre 1834, qu’« il ne pourra être pris aucun
cadavre dans les cimetières » 338 . L’image d’un Dr Frankenstein, collectant des morceaux
de cadavres et les assemblant pour former sa créature immonde et disgracieuse, rôde 339 . Le
Dr Frankenstein devient, par conséquent, la figure emblématique du savant amoral,
insensible, prêt à tout sacrifier pour la science 340 .
L’intérêt exclusif des médecins pour la seule science, au mépris de tout autre forme
de compassion, de prévenance à l’égard des malades et de leur famille, est très mal vécu
par ces derniers. La critique est dotant plus virulente qu’il s’agit du praticien, ou de
l’établissement, qui était chargé de soigner l’individu. Bien que l’affaire se soit déroulée
outre-Atlantique, les Annales d’hygiène publique et de médecine légale relate l’attaque à
laquelle est soumise l’administration d’un hôpital new-yorkais. L’épouse d’un patient
décédé dans cet établissement porte plainte, et réclame 125 000 francs de dommages-
intérêts, suite à l’autopsie qui a été réalisée sur son défunt mari 341 . La raison avancée pour
justifier cette plainte est que la réalisation de cette autopsie porte « offense à ses sentiments
d’épouse » 342 . En substance, elle accuse les médecins du Presbyterian Hospital de s’être
montrés insensibles, envers elle et envers son époux décédé.
Quant aux médecins experts, certains comportements apparaissent également
irrévérencieux ou suggèrent une insensibilité manifeste. L’impression surgit notamment
quand les hommes de l’art justifient la suspension de leur expertise par la nécessité de se
sustenter. Deux exemples de ce type sont apparus dans les dossiers d’instruction consultés.
338 Ordonnance de la Préfecture de police de Paris, en date du 25 novembre 1834, article 4.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
339 Frankenstein, personnage imaginé en 1818 par Mary Shelley, décrivant le processus qui l’a conduit à créer
sa créature, se dépeint lui-même comme un savant ne reculant devant aucune action vile et cruelle pour
arriver à ses fins : « L’étude avait pâli ma joue, l’absence d’exercice avait amaigri mon corps. Parfois, au
bord même de la certitude, je n’aboutissais pas ; et pourtant je n’abandonnais pas un espoir que le jour ou
l’heure suivante réaliserait peut-être. L’unique secret que seul je possédais, était l’espoir auquel je m’étais
consacré ; et la lune contemplait mes labeurs nocturnes, tandis que, dans la constance et l’essoufflement de
l’impatience, je poursuivais la nature jusque dans ses cachettes. Qui concevra les horreurs de mon travail
secret, tandis que je tâtonnais, profanant l’humidité des tombeaux, ou torturais l’animal vivant pour animer
l’argile inerte ? […] Je ramassais des ossements dans les charniers, et mes doigts profanes troublaient les
mystères de l’édifice humain. C’était dans une pièce, ou plutôt dans une cellule solitaire, en haut de la
maison, et séparée de tous les autres appartements par une galerie et un escalier, que j’avais établi mon
atelier d’immonde création ; mes yeux sortaient de leurs orbites devant les détails de mon œuvre. La salle de
dissection et l’abattoir me fournissaient une grande partie de mes matériaux ; et maintes fois mon humanité
me faisait me détourner avec écœurement de mon œuvre, au moment même où sous l’aiguillon d’une
curiosité sans cesse croissante, j’étais sur le point d’aboutir ».
Extrait de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne, traduction de Germain d’Hangest, Paris,
Garnier-Flammarion, 1979, p. 116.
340 Cf. l’étude de la figure de Frankenstein et de ses frères d’armes de l’expérimentation scientifique, dans
David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 298-316.
341 « Le droit à l’autopsie », Revue des intérêts professionnels, Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1902, 3 ème série, t. 48, p. 378.
342 Ibid.
538

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Le 6 avril 1831, le Dr Lherpinière est requis pour effectuer l’examen d’un nouveau-né.
Après y avoir procédé et avoir relaté toutes ses constatations au juge d’instruction de
Châtellerault, l’homme de l’art suspend son rapport et « remet au lendemain
l’établissement des conclusions », en raison de l’heure avancée et de son « besoin de
prendre des aliments » 343 . L’heure du déjeuner est le seul argument utilisé par les Drs
Joseph Albert et Louis Ganne pour justifier l’arrêt des investigations, en avril 1841 344 . En
compagnie du juge d’instruction et du procureur du roi, les deux praticiens assistent aux
recherches entreprises dans le cimetière de Pressigny, commune située au nord-est de
l’arrondissement de Parthenay, pour retrouver les restes de deux victimes supposées
d’empoisonnement. La tombe de l’homme a été trouvée sans peine. En revanche, celle de
la femme est plus difficile à localiser. Après l’ouverture d’une première sépulture,
renfermant un autre corps que celui désiré, « les opérations sont suspendues » 345 . La bonne
dépouille ne sera mise au jour qu’après le déjeuner. Néanmoins, il convient de préciser
qu’une telle attitude ne doit pas susciter une réaction outrée de la part de l’opinion
publique. Les familles continuent, en effet, de manger en présence du défunt, et la tradition
du banquet de funérailles est bien ancrée dans les sociétés villageoises 346 . Il n’en apparaît
pas moins surprenant d’utiliser le repas et le besoin de manger comme excuses.
En réalité, les a priori et les critiques émis, vis-à-vis des médecins qui apportent
leur concours aux instances dirigeantes, sont d’une autre nature. Les praticiens chargés de
la vérification des décès, mis en place dans les plus grandes villes du territoire, sont très
mal considérés par la population. Alexandre de Saillet énonce la hiérarchie morale et
sociale qui classe les divers types de praticiens de l’art de guérir, du plus irréprochable au
plus méprisant 347 . Sur les neuf échelons qu’il présente, il classe le médecin vérificateur des
décès au sixième, précisant de manière presque ironique que ces praticiens « font rarement
plus d’une visite à chacun de leurs clients » 348 . La particularité du médecin vérificateur des
décès est en effet qu’il n’intervient qu’une fois le trépas survenu. Pour l’entourage, il peut
343
A.D.V., 2U 1507, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constatation du crime, le 23 avril 1831.
344
A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement »,
Exhumations de Pierre A. et de Renée A. femme A., le 2 avril 1841.
345
Ibid.
346
Michel Vovelle, La mort en Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, Bibliothèque illustrée des
histoires, 2000, pp. 554-556.
347
Alexandre de Saillet, « L’école de médecine de Paris » in Les écoles royales de France, s. l., s. d.,
pp. 287-292.
348 Ibid., p. 289.
539

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
apparaître comme un intrus, un oiseau de mauvais augure qui apporte la confirmation et la
réalité du décès.
De plus, à l’inverse du médecin traitant, son indépendance vis-à-vis de la famille le
rend moins manipulable. Il s’agit par ailleurs de l’un critère utilisé par les promoteurs de la
mise en place des services de vérification des décès :
« Le médecin traitant, dans les villes où il n’existe pas de service de vérification, est
facilement trompé par les parents, lorsqu’il s’agit d’un suicide ou d’un décès criminel. Il
ne se méfie pas et n’ose se livrer à un examen minutieux du corps […] » 349 .
En outre, le “médecin des morts” a l’avantage de ne pas trahir le secret médical lorsqu’il
indique la cause du décès. Il note les éventuels signes suspects sur le bulletin de
constatation des décès et la transmission de la suspicion est dévolue à l’administration
municipale 350 . Selon l’auteur de l’article, si le constat de décès est effectué par le médecin
traitant, en aucun cas ce dernier ne doit prévenir les autorités de son propre chef : « il existe
en effet, dans toute dénonciation, quel qu’en soit le but, un côté répugnant » 351 . Il doit se
contenter de refuser l’établissement du certificat de décès et « conseiller à la famille de
prévenir l’autorité judiciaire » 352 . Cependant, de telles subtilités échappent souvent aux
proches du défunt. Dans leur esprit, le responsable des problèmes judiciaires qu’ils
connaissent est l’homme de l’art, vérificateur officiel des décès ou simple médecin traitant.
Les médecins qui interviennent à l’occasion des procédures correctionnelles et
criminelles sont les cibles privilégiées de ces considérations peu aimables. Comme le fait
justement remarquer Gabriel Tourdes, « la vérification porte sur les causes de la mort, en
même temps que sur sa réalité » 353 . L’homme de l’art doit donc déterminer si le décès est
survenu soit naturellement, des suites d’une maladie, soit volontairement, c’est-à-dire par
suicide, soit accidentellement, ou encore criminellement. De sa déclaration dépend la
poursuite ou l’arrêt de l’enquête administrative, policière, voire judiciaire. En outre, dans
quelques affaires, en contradiction avec les conseils de Dufour à ce sujet, le praticien
s’avère être à l’origine de l’instruction. Hormis quelques rares exemples où le médecin
vient, pour ainsi dire, déposer plainte 354 , l’implication des hommes de l’art dans la
349
Frédéric Dufour, « La constatation des décès en France au point de vue des inhumations prématurées et
des morts criminelles », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1899, 3 ème série,
t. 41, p. 114.
350
Ibid., p. 115.
351
Ibid., p. 114.
352
Ibid.
353
Gabriel Tourdes, « Mort… », art. cit., p. 587.
354
Le 6 mars 1844, Benjamin Bazile Juchault, officier de santé à Vautebis, dans les Deux-Sèvres, ne croit pas
au pseudo-chagrin manifesté par le mari d’une de ses patientes. Prévenu dans la nuit qu’elle se trouvait
indisposée, et pensant à une simple indigestion, l’homme de l’art ne se rend que le matin auprès d’elle. Il la
540

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
dénonciation de crimes éventuels est un peu moins formelle et s’apparente au phénomène
des bruits de village. A la fin octobre 1866, le Dr Pierre Désiré Fruchard, praticien à Saint-
Jouin-sur-Châtillon, est appelé pour donner des soins à une femme ayant accouché 355 . Il
constate que l’enfant, qui a succombé, porte des « traces semblant donner la certitude » 356
que le décès est criminel. Il en rend alors compte au juge de paix, qui prend ensuite les
dispositions adéquates pour entamer une procédure d’instruction 357 .
Dans certaines circonstances, l’homme de l’art n’a même pas besoin de se déplacer
pour informer les autorités, puisqu’il en est lui-même un représentant. Le Dr Charles
Bertrand Desminières, docteur en médecine et maire de Benassais, commune située à
l’ouest de Poitiers, reçoit la déclaration d’un décès, le soir du 26 juin 1887, par le fils du
défunt. Ayant eu connaissance d’une querelle impliquant le défunt, il répond qu’il se
transportera le lendemain matin « pour procéder aux constatations légales concernant les
causes du décès » 358 . L’un de ses confrères, maire de Faye-l’Abbesse, dans les Deux-
Sèvres, est confronté à une situation qui le contraint à passer du statut de médecin traitant à
celui d’officier de police judiciaire. Appelé à venir voir une malade, il soupçonne très vite
un accouchement récent, malgré les dénégations catégoriques de celle-ci. L’examen qu’il
pratique sur sa personne le conforte dans ses soupçons 359 . Le lendemain, il se rend de
nouveau auprès d’elle et, fort de sa fonction de maire, l’interroge sur l’endroit où l’enfant a
été dissimulé et fait quelques recherches infructueuses. Il réitère questions et recherches le
surlendemain, ce qui aboutit à la découverte du petit cadavre dans une douve. Il relate
l’ensemble de ses constatations et les éléments de son enquête dans une lettre adressée au
procureur, afin que ce dernier ordonne une instruction 360 . En résumé, son double statut de
maire et de médecin lui permet à la fois de constater le décès, d’émettre un avis quant à ses
causes et d’entamer une ébauche d’enquête judiciaire.
Rien d’étonnant alors que la population considère que les médecins sont à la solde
de l’autorité judiciaire. En outre, sans abonder complètement dans ce sens, il est vrai
trouve à l’agonie, et devant la rapide dégradation de son état de santé, soupçonne un empoisonnement dont le
mari se serait rendu coupable. Le praticien porte plainte aussitôt auprès du procureur du roi de Parthenay.
A.D.D.-S., 2U 189, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Plainte, le 6
mars 1844.
355 A.D.D.-S., 2U 247, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Déposition de
Fruchard, le 22 octobre 1866.
356 Ibid., Lettre du juge de paix, le 21 octobre 1866.
357 Ibid.
358 A.D.V., 2U 1730, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Procès-verbal du maire de Benassais, le 26 juin 1887.
359 A.D.D.-S., 2U 142, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Lettre du maire de
Faye-l’Abbesse, le 24 mai 1834.
360 Ibid.
541

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
qu’une certaine connivence peut exister entre hommes de l’art et hommes de loi. L’étude
de la réquisition des médecins pour les expertises 361 et l’analyse des balbutiements de la
spécialisation en médecine légale de quelques membres du corps médical 362 , ont mis en
lumière la familiarité et la proximité qui surgissent parfois entre les deux groupes
professionnels. Le magistrat a recours, dans la majorité des expertises médico-légales, au
même praticien, avec qui il peut par ailleurs entretenir des relations extra-judiciaires,
notamment s’ils appartiennent tous deux à des organismes de bienfaisance ou à des
commissions administratives. Enfin, il convient de rappeler qu’au grand dam de certains
théoriciens et praticiens de l’expertise médico-légale, le médecin demeure requis par le
seul représentant de l’institution judiciaire, ce qui tend à renforcer son image de serviteur
de l’accusation 363 . Opinion d’ailleurs partagée par quelques magistrats et qui provoque
l’indignation d’Alexandre Lacassagne, lors de l’allocution d’ouverture qu’il prononce au
II e Congrès de médecine légale :
« Un expert qui croyait avoir le droit de donner des conseils à l’inculpé d’un département
voisin condamné en correctionnelle et allant en appel, ou même de collaborer à la défense
d’un accusé de crime capital en montrant les erreurs commises, s’aperçut plus tard de la
froideur ou de la réserve dont il était l’objet. Un de ses amis en demanda la raison en haut
lieu. On lui répondit : cet expert n’est pas assez “parquetier”, il s’emploie à trop de
besognes, nous voulons d’un expert exclusivement à notre service » 364 .
Il semble qu’à l’instar de l’opinion publique, pas toujours au fait des subtilités du
fonctionnement de la justice, quelques représentants de cette dernière aient oublié, ou plus
exactement voudraient faire oublier, que les médecins experts ne sont en aucun cas des
fonctionnaires de la justice, ils n’en sont que des auxiliaires.
Aux yeux des individus extérieurs aux mondes médical et judiciaire, les médecins
qui pratiquent des examens cadavériques faillent à leur devoir d’hommes de l’art : ils sont
dénués de toute compassion pour le défunt et son entourage, ils se préoccupent plus de la
science que de la santé de leurs malades, ils trahissent le secret médical, ils sont cupides et
vénaux car ils acceptent de se soumettre aux exigences de l’institution judiciaire pour
quelques émoluments. En outre, ils sont responsables, ou plus exactement l’opération
qu’ils réalisent, l’autopsie, est responsable d’un certain nombre de désagréments pour le
défunt et sa famille.
361 Cf. le chapitre 1.
362 Cf. le chapitre 3.
363 Cf. la question de l’indépendance des médecins experts dans le chapitre 4.
364 Alexandre Lacassagne, « Allocution au II e Congrès de médecine légale de langue française (Paris, mai
1912) », sous la présidence d’Alexandre Lacassagne, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine
légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1912, t. 27, p. 666.
542

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
B) Les désagréments de l’autopsie
L’autopsie médico-légale, au même titre que d’autres manipulations post mortem,
suscite un certain nombre de réactions émotionnelles, de croyances, ainsi que des attitudes
de rejet ou de méfiance fondées sur un imaginaire, collectif ou individuel, et une
sensibilité. Mais l’autopsie judiciaire est également à l’origine d’autres désagréments de
nature pragmatique et sociale.
1) Vivre avec la mort
Parmi les diverses contrariétés occasionnées par la réalisation d’un examen
cadavérique, que son but soit médico-judiciaire ou exclusivement scientifique, le retard de
l’inhumation est l’inconvénient le plus pragmatique. Le délai nécessaire à l’exécution de
l’expertise oblige la famille à conserver la dépouille du défunt parfois bien au-delà des 24
heures obligatoires. Il faut attendre que les autorités judiciaires se transportent sur place,
puis que l’expert effectue la tâche qui lui est confiée. Or, une telle promiscuité avec le mort
et la mort, notamment dans les domiciles exigus, n’est pas une situation des plus agréable
pour l’entourage.
La précipitation dont la famille peut faire preuve dans la réalisation de l’inhumation
a été précédemment abordée. Le non-respect des 24 heures, avant toute intervention sur le
corps, est fréquent. La toilette funéraire, l’ensevelissement, l’ouverture des fenêtres, le
changement de lit, constituent des procédés permettant de pallier les inconvénients
physiques du décès : rigidité et putréfaction. Or, d’aucuns estiment que le délai des 24
heures est insuffisant pour s’assurer de la réalité du trépas et ainsi remédier aux
inhumations prématurées. Les archives de la préfecture des Deux-Sèvres renferment une
lettre envoyée par le maire de Champdeniers à ce sujet. Fils d’un médecin de Niort
préoccupé par la question des inhumations précipitées, le maire adresse au préfet un
exemplaire de l’étude que son père a consacré à ce fléau 365 . Il profite de l’occasion pour
émettre le souhait que « la loi proroge le délai de 24 heures » 366 . Nombre d’exemples ont
démontré qu’il s’avère généralement trop court pour juger de la réalité du trépas. Devant la
difficulté de s’assurer que le décès est effectif 367 , la solution préconisée par quelques
auteurs se résume à attendre l’apparition de la putréfaction : « pour éviter l’enterrement
365 A.D.D.-S., 6M 9, « Médecins : rapports de prospection concernant des ouvrages de médecine,
circulaires », Lettre de Pineau (maire de Champdeniers) au préfet des Deux-Sèvres, le 7 août 1817.
366 Ibid.
367 Cf. le chapitre 8.
543

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
d’individus vivants, il ne faut autoriser l’inhumation que lorsque la décomposition
cadavérique est évidente » 368 . Mais, les auteurs sont également conscients que conserver
un corps pendant plusieurs jours présente un grave inconvénient, et même un danger
sanitaire, pour l’entourage. Ils recommandent donc la construction de lieux spécifiques
servant à entreposer les corps jusqu’à l’inhumation :
« pour éviter le séjour prolongé des cadavres dans les familles n’ayant souvent que des
logements fort exigus, l’auteur croit indispensable de construire des chambres mortuaires
publiques, où seraient provisoirement déposés les corps des décédés » 369 .
L’autopsie médico-légale constitue un retard, plus ou moins conséquent, dans le
processus qui fait peu à peu disparaître la dépouille du défunt : l’ensevelissement, la mise
en bière et l’inhumation proprement dite. Dans les dossiers d’instruction des affaires
criminelles et correctionnelles, se trouvent de nombreux exemples qui soulignent la
précipitation des familles à exécuter les divers rites préparatoires à l’inhumation. Lorsque
le médecin expert se présente sur les lieux pour réaliser son examen, il est fréquent qu’il
trouve le corps déjà enveloppé du drap faisant office de linceul, déposé dans le cercueil,
voire déjà mis en terre. Le médecin et l’autopsie judiciaire constituent le grain de sable qui
grippe la machine funèbre. En premier lieu, la mission confiée par la justice oblige
l’homme de l’art à provoquer une rupture dans la procédure funéraire, à suspendre son
déroulement bien défini. Le 16 septembre 1876, le Dr Fruchard, praticien dans les Deux-
Sèvres, est chargé par le juge de paix de constater le décès d’un homme écrasé par la roue
d’une charrette 370 . Alors qu’il pénètre dans la chambre en compagnie du juge de paix, du
greffier de ce dernier et du brigadier de gendarmerie, l’homme de l’art remarque que le
défunt repose sur un lit et a déjà été enseveli 371 . Fruchard est donc contraint de défaire le
drap pour mettre le corps à découvert.
De plus, la procédure médico-légale peut faire ressurgir le cadavre déjà dissimulé
par les objets du cérémonial, le linceul et le cercueil, et ainsi produire une nouvelle
confrontation entre le défunt et ses proches. Jacques Brillaud, médecin à Bressuire, est
obligé de faire rouvrir le cercueil, en vue de prélever certains organes d’une femme qui
aurait pu être empoisonnée. Le 19 octobre 1913, la victime succombe dans un bois, situé
368 G. Lagneau, « Le péril des inhumations précipitées en France, les chambres mortuaires d’attente devant
l’histoire, la législation, la science, l’hygiène et le culte des morts, par B. Gaubert, avocat. Paris, Chevalier-
Marescq, 1895, 1 vol. in-8, 302 p. avec fig. et pl., 3 fr. 50 », Revue des livres, Annales d’hygiène publique et
de médecine légale, Paris, Baillière, 1895, 3 ème série, t. 34, p. 370.
369 Ibid.
370 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence », Rapport médical, le 16 septembre 1876.
371 Ibid.
544

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
près du village de Tillé, à la suite d’un coup de fusil qu’elle a reçu dans le dos 372 . Le
médecin expert procède à un examen minutieux des diverses blessures et affirme que la
mort est consécutive aux lésions provoquées par le coup de feu. 373 Cependant, le magistrat
instructeur émet quelques réserves sur le caractère accidentel du décès. Il s’interroge
notamment sur la possibilité d’une tentative d’empoisonnement qui aurait précédé la mort
par balle. Par conséquent, deux jours plus tard, il commet de nouveau le Dr Brillaud, afin
qu’il effectue un second examen cadavérique focalisé sur d’éventuelles traces
d’empoisonnement 374 . Mais entre temps, les préparatifs de l’inhumation ont été entamés.
Le corps de la défunte est déjà « en bière » 375 . Il n’est en mesure de procéder à l’expertise
qu’« après l’ouverture du cercueil » effectuée 376 . Bien que les pièces du dossier n’en
fassent pas mention, il est possible de supposer que le corps a été retiré du cercueil,
examiné, puis remis dans la bière qui a été de nouveau fermée.
Enfin, l’autopsie contraint la famille à réitérer l’ensemble des étapes qui constituent
le rituel funéraire. Dans de très rares circonstances, l’examen médico-judiciaire suspend la
cérémonie d’enterrement et frôle l’exhumation. Le 30 mars 1819, le juge de paix
d’Argenton-Château, dans les Deux-Sèvres, fait irruption au cimetière, en compagnie d’un
médecin et de son greffier, alors que la « cérémonie religieuse de l’inhumation se
termine » 377 . Il souhaite faire examiner le corps d’un homme qui serait tombé dans la
rivière et s’y serait noyé. Le représentant de la justice de paix demande au curé de
« permettre l’extraction du corps de la fosse » 378 . Le cercueil est par conséquent retiré de
la fosse et ouvert. François Buanes, le médecin convié par le juge de paix, effectue ses
constatations et conclut à la mort par submersion. Dans la mesure où tout autre recherche
est inutile, « rien ne s’oppose à remettre [défunt et cercueil] dans la fosse » 379 .
S’il est permis d’affirmer que l’examen post mortem est une entrave au bon
déroulement du rituel funéraire, qu’en est-il réellement du retard qu’il occasionne dans ce
processus ? Il a été établi au début du présent chapitre que le délai qui sépare le décès de la
réalisation de l’autopsie judiciaire est souvent restreint. Dans une très forte proportion,
372 A.D.D.-S., 2U 391, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Rapport de
Brillaud (1 er rapport), médecin légiste, le 23 octobre 1913.
373 Ibid.
374 Ibid., Ordonnance, le 21 octobre 1913.
375 Ibid., Rapport de Brillaud (2 nd rapport), médecin légiste, le 23 octobre 1913.
376 Ibid.
377 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Mort accidentelle (noyade) », Procès-verbal du juge de paix, le 30 mars 1819.
378 Ibid.
379 Ibid.
545

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’examen est pratiqué soit le jour même du trépas, soit le lendemain (graphiques 65 et 66).
Le retard, consécutif à la réalisation de l’expertise médicale, apparaît somme toute minime.
Le grand-père d’un nouveau-né, mis au monde le 29 novembre 1838 et décédé le
lendemain, est sommé de surseoir à l’ensevelissement par le maire de Saint-Gaudent,
commune située à l’extrême sud-ouest du département de la Vienne 380 . L’examen médico-
légal de l’enfant, impératif en de telles circonstances, est pratiqué le lendemain, c’est-à-
dire le 1 er décembre 381 .
Il demeure que pour certains, quelques heures supplémentaires d’attente
représentent un délai encore trop long. Le Dr Henri Périvier, jeune praticien de Pleumartin,
dans l’arrondissement de Châtellerault, en fait l’expérience lors d’une expertise judiciaire,
au début de l’année 1895. Le 4 janvier, il est requis par le juge de paix de Pleumartin pour
procéder à l’examen post mortem d’un homme décédé des suites de blessures, provoquées
par un coup de fusil reçu le 27 décembre 382 . Quelques jours plus tard, il est interrogé par un
conseiller à la cour d’appel de Poitiers. Devant l’étonnement manifesté par ce dernier, au
sujet de l’extraction de l’ensemble des projectiles qui n’a pas été effectuée, Périvier
reconnaît son omission 383 . Il la justifie de la manière suivante : la famille du défunt,
présente durant l’examen, gêne considérablement l’exécution de l’autopsie et surtout lui
demande de hâter son examen « au vue de l’inhumation déjà préparée » 384 . Or, le décès est
survenu dans la nuit, aux environs de minuit 385 . Quelques heures seulement après le trépas,
la famille a déjà pris les dispositions pour l’inhumation et est prête à se séparer du défunt.
Dans le cas présent, le délai, qui sépare la réalisation des blessures et l’évanouissement du
dernier souffle, a permis à l’entourage de la victime de préparer les funérailles. En
revanche, dans d’autres situations, le trépas est quasi immédiat, aucun signe avant-coureur
ne laisse supposer une fin imminente. Précipiter l’inhumation peut alors servir à dissimuler
un certain nombre d’informations susceptibles d’incommoder, voire d’incriminer la
famille, éléments qui peuvent être mis à jour par l’autopsie judiciaire.
380
A.D.V., 2U 1536, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constat, le 1 er décembre 1837.
381 er
Ibid., Procès-verbal de médecin, le 1 décembre 1837.
382
A.D.V., 2U 1747, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre et tentative de
meurtre », Rapport médical, le 4 janvier 1895.
383
Ibid., Information, le 15 janvier 1895.
384
Ibid.
385
Ibid., Rapport médical, le 4 janvier 1895.
546

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
2) Les révélations de l’autopsie
Quand une mort survient de manière impromptue dans un village, cela attire
toujours quelques curieux qu’il est difficile d’empêcher de parler. Or, dans une petite
communauté, la rumeur 386 se répand très vite, ce qui peut avoir des conséquences
malencontreuses pour la réputation de la famille concernée. La nocivité des bruits qui
courent est particulièrement importante dans les affaires d’empoisonnement, d’infanticide
et de suicide. Dans les trois situations, le médecin expert et son examen cadavérique
constituent une menace pour l’entourage du défunt, ils font office de révélateur d’un
comportement contraire aux règles de la société.
Hormis le parricide 387 , le crime d’empoisonnement est considéré comme l’acte le
plus détestable et le plus répréhensible parmi la typologie criminelle. Il véhicule l’image de
la trahison, de la lâcheté, de la manipulation, de la fourberie, de la préméditation 388 . En
effet, l’utilisation d’une substance toxique pour se débarrasser d’un individu requiert une
certaine proximité, presque une intimité, entre l’empoisonneur et l’empoisonné. La mort
est apportée par celui en qui nous avons toute confiance, qui nous est familier, qui
appartient à notre entourage le plus proche, voire par celui qui nous soigne, nous nourrit,
nous protège et qui devrait, si ce n’est nous aimer, au moins être soucieux de notre sort. En
outre, les fioles de poison ont rythmé la vie politique depuis l’Antiquité, faisant et défaisant
les régimes et les règnes 389 . Cela renforce d’autant plus l’atmosphère de complot et de
trahison qui accompagne cet acte. Enfin, le poison est considéré, à tort, comme l’arme
féminine par excellence en raison, d’une part, du peu de force que nécessite sa
manipulation et, d’autre part, de la perfidie que son emploi présuppose 390 . Par conséquent,
tout soupçon d’empoisonnement conduit les autorités à se tourner, en premier lieu, vers les
proches pour déterminer les responsabilités dans la maladie ou le décès.
Or, dans l’enquête policière et l’instruction judiciaire, le médecin, traitant et/ou
expert, s’avère un allié indispensable. Les constatations et les diagnostics qu’il a pu
effectuer lors de ses visites auprès du malade sont déterminants pour établir la durée des
386 François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIX e
siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2003, pp. 121-123.
387 e
Cf. Sylvie Lapalus, La mort du vieux. Une histoire du parricide au XIX siècle, Paris, Tallandier, 2004,
633 p.
388
Cf. deux synthèses historiques sur le crime d’empoisonnement et ses représentations : Franck Collard, Le
crime de poison au Moyen Age, Paris, PUF, Le nœud gordien, 2003, 303 p. et Frédéric Jacquin, Affaires de
poison. Les crimes et leurs imaginaires au XVIII e siècle, préface de Denis Crouzet, Paris, Belin,
Histoire&Société, 2005, 190 p.
389
Franck Collard, Pouvoir et poison. Histoire d’un crime politique de l’Antiquité à nos jours, Paris, Editions
du Seuil, L’Univers historique, 2007, 357 p.
390
Franck Collard, Le crime de poison…, op. cit., pp. 111-117.
547

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
agissements criminels, les ruses utilisées pour tromper la confiance de la victime et la
vigilance de l’homme de l’art, l’impassibilité devant les souffrances intolérables
provoquées par l’ingestion de la substance toxique, en d’autres termes la cruauté dont le
criminel a fait montre. Le témoignage apporté par les deux praticiens qui ont tenté de
soigner un homme, victime durant plus de deux mois de maux inexplicables, est essentiel
pour le magistrat instructeur. Le 4 juin 1867, Louis André Ganne, médecin à Parthenay,
chef-lieu d’arrondissement des Deux-Sèvres, est appelé auprès d’un homme dont il est le
médecin traitant depuis « les premières années de [sa] carrière », commencée en 1837 391 .
Malgré le traitement et les soins prodigués, l’état de santé du malade s’aggrave, et
l’homme de l’art est de nouveau appelé à son chevet à plusieurs reprises durant le mois de
juillet. Au début du mois d’août, des soupçons quant à la nature criminelle de la maladie se
forment dans l’esprit du médecin. Il demande à l’épouse de conserver les matières vomies,
prétextant une analyse de la bile. Sa requête ne sera jamais satisfaite. Le 10 août, la famille
fait appel à deux autres praticiens, les Dr Chevallereau et Magnier, pour venir apporter
leurs soins. Ganne propose alors de céder la place, mais le malade refuse. L’épouse et le
beau-père de ce dernier tentent, pour leur part, de persuader les deux nouveaux médecins
de visiter et de prodiguer leurs soins au malade. Aucun d’eux n’y consent. Comme un
ultime recours argumentaire pour éloigner le soupçonneux Dr Ganne, la femme du malade
profère des accusations à son endroit et le rend responsable de la dégradation de l’état de
santé de son mari. Le soir même, Ganne est à nouveau appelé, par un autre confrère, le Dr
Morin, lui aussi convié par la famille. Lorsqu’il se transporte sur place, le lendemain matin,
Ganne ne trouve qu’une consultation rédigée par son confrère, « justification pour la
famille » 392 que l’épouse recommande de ne pas égarer. Le Dr Ganne retourne le 12 août
au chevet du patient, mais celui-ci est décédé dans la nuit. La déclaration du (principal)
médecin traitant fait apparaître tous les critères du parfait empoisonnement, du moins dans
la manière dont la situation a été perçue par l’homme de l’art 393 : longue agonie, trahison,
manipulation, fourberie, protagoniste féminin, lâcheté. Par conséquent, être soupçonné
d’avoir fait ingérer un poison à quelqu’un signifie être considéré comme l’un des individus
les plus vils, en rupture avec les valeurs fondamentales de la société. Peu importe que le
crime soit ou non poursuivi et reconnu, le doute persiste.
391
A.D.D.-S., 2U 255, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Déposition
de Ganne, le 14 août 1867.
392
Ibid.
393
Il convient en effet de préciser que les trois prévenus, l’épouse, le beau-père et la domestique du défunt,
ont été acquittés. Repérer les multiples éléments, tant médicaux que comportementaux, qui caractérisent un
empoisonnement ne suffit pas à convaincre un jury.
548

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Les suppositions émises, en matière de grossesse et d’infanticide, par les hommes
de l’art, portent également atteinte à la réputation des familles et aux valeurs acquises en
leur sein par les femmes, ou plus généralement les filles, qui en sont la cible. Cependant, la
déficience morale mise en exergue par de telles accusations est moins décriée, car
imputable à la légèreté des mœurs, à une certaine crédulité de jeunes femmes abusées par
des hommes qui ont profité de leur naïveté et de leur innocence pour les séduire. Ce crime
singulier, car ne pouvant qualifié que les atteintes à la vie des enfants nouveau-nés 394 , est
sévèrement condamné durant une grande partie du XIX e siècle, si ce n’est dans les faits, au
moins dans les textes 395 . Par conséquent, être soupçonné d’avoir commis un infanticide
attire obligatoirement le déshonneur sur soi-même et sa famille. Mais, plus que l’acte de
violence ou d’indifférence, perpétré par la mère dans une grande majorité des cas, ce qui
est reproché à cette dernière, et qui est à l’origine du bruit répandu dans le village, ce sont
ses mœurs légères.
Le médecin expert joue un rôle de premier plan dans le processus de révélation de
l’immoralité d’une jeune femme, et donc d’atteinte à son honneur et à celui de son
entourage familial. La visite de la mère supposée et l’autopsie de l’enfant constituent le
socle de la procédure d’instruction, puis de l’accusation. La chronologie des événements
qui permettent d’ouvrir une instruction pour infanticide est soit déclenchée par le soupçon
de grossesse, soit par le surgissement d’un cadavre de nouveau-né sans parenté établie.
Dans les deux situations, les expertises médico-légales doivent établir plusieurs preuves :
tout d’abord, une corrélation entre la date de l’accouchement et l’état de la dépouille ;
ensuite, une similitude dans la durée de la grossesse et l’âge de l’enfant ; enfin, la viabilité
de ce dernier et l’effectivité de son existence hors du sein de la mère.
Dans un premier cas, le praticien est appelé pour venir examiner une femme
indisposée. Il pose alors le diagnostic d’un accouchement récent. Des recherches sont
effectuées pour retrouver l’enfant et lorsque le corps est enfin découvert, l’autopsie
médico-légale est pratiquée. Le 20 juin 1855, Génie Mascarel, médecin à Châtellerault,
dépose dans le cabinet du juge d’instruction et lui relate le déroulement des événements qui
ont conduit à la découverte du corps d’un nouveau-né dans les latrines de la maison d’arrêt
394 Cf. sur la qualification du crime d’infanticide et les débats juridiques qui l’entourent, l’étude d’Annick
Tillier, Des criminelles au village. Femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), préface d’Alain Corbin,
Rennes, PUR, Histoire, 2001, pp. 23-33.
395 Cf. le chapitre 4 « Le châtiment », de l’ouvrage d’Annick Tillier, ibid., pp. 119-151.
549

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
de cette même ville 396 . Le dimanche précédent, il est appelé pour venir examiner une jeune
femme qui y est incarcérée. Il l’interroge sur sa grossesse, qu’elle nie, mais ne l’examine
pas. Le lendemain, malgré la réitération de ses dénégations, l’homme de l’art effectue une
première visite et constate une grossesse proche du terme. Le mardi, il est de nouveau
appelé car l’accouchement paraît proche. Or, le médecin ne peut que constater que celui-ci
a déjà eu lieu. La femme ayant été trouvée dans les latrines, le médecin émet l’hypothèse
qu’elle ait jeté le petit cadavre dans la fosse d’aisances. Des maçons y effectuent les
recherches et mettent effectivement à jour la dépouille d’un nouveau-né 397 . Les Drs Hilaire
Lerpinière et Jules Mascarel, praticiens à Châtellerault, sont requis par le juge d’instruction
pour procéder à l’autopsie médico-légale 398 . Leur expertise conclut que l’enfant a été
projeté vivant dans les latrines et qu’il a succombé par « défaut de respiration et [par]
l’action délétère des gaz contenus dans l’eau et l’air de la fosse d’aisances » 399 .
Dans un second cas, l’élément initial est le cadavre du nouveau-né. Exposé, le plus
souvent par hasard, aux yeux d’un membre de la communauté villageoise, il oblige les
autorités à se mettre en quête de la femme qui lui a donné le jour. En tenant compte des
rumeurs et autres constats de modification physique et comportementale de telle fille ou de
telle femme, le praticien recherche sur leur corps les marques d’une grossesse et/ou d’un
accouchement. Le 22 mars 1905, le Dr Michiels est convié par le juge de paix du canton de
Chauvigny, dans le département de la Vienne, à venir examiner un fœtus découvert près de
la rivière 400 . Ses investigations lui font conclure à une fausse-couche naturelle. Quelques
jours plus tard, Louis Lhuillier, docteur en médecine à Montmorillon, est requis à son tour
pour réaliser l’autopsie judiciaire du fœtus, et surtout pour examiner la fille Marie S. qui,
après quelques investigations, a reconnu en être la mère 401 . Bien que le médecin expert
conclut lui aussi à un accouchement prématuré, sans aucune manœuvre abortive, et à la
naissance d’un enfant mort-né, la réputation de la fille S. est à présent entachée d’une
grossesse hors mariage. La honte de se retrouver dans une situation que la morale
réprouve, explique d’ailleurs sa tentative pour faire disparaître la preuve de sa faute, le
corps de son enfant.
396
A.D.V., 2U 1627, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Information, le
20 juin 1855.
397
Ibid., Procès-verbal de gendarmerie, le 12 juin 1855.
398
Ibid., Réquisitoire aux Drs Lerpinière et Mascarel, le 12 juin 1855.
399
Ibid.
400
A.D.V., 3U 4 / 636, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Suppression de
part », Rapport médical, le 22 mars 1905.
401 Ibid., Rapport médical, le 28 mars 1905.
550

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
La dernière catégorie de décès pour laquelle le médecin et son examen post mortem
présentent un inconvénient, du point de vue du défunt et de son entourage, est le suicide.
Le meurtre de soi-même est fermement condamné par la religion catholique, dont
l’influence dans les campagnes et les villages français est importante, et qui refuse parfois
une sépulture aux désespérés 402 . La honte provoquée par cette atteinte à la création divine
suscite deux réactions au sein de l’entourage : l’excuse de la folie ou la dissimulation.
Il est relativement fréquent de donner comme motif du suicide l’aliénation mentale,
l’idiotie, la faiblesse d’esprit, en un mot le dérangement du cerveau qui retire à celui qui en
souffre toute faculté de juger la gravité de son geste, et donc le libère de toute
responsabilité à ce sujet 403 . L’état mental du défunt peut être de notoriété publique. Le
suppléant du juge de paix de Thouars, dans les Deux-Sèvres, est informé qu’un homme a
été découvert, la veille, pendu dans une chambre 404 . Il se rend sur place avec un chirurgien,
Jacques Audebert, qui procède à l’examen cadavérique. Le praticien ne relève aucune
trace, hormis celles consécutives à la strangulation. En interrogeant les voisins, le
représentant de la justice de paix apprend que le défunt était « atteint de folie depuis
plusieurs années », et qu’il avait en outre « tenté plusieurs fois de se donner la mort » 405 .
Dans d’autres circonstances, au contraire, la déficience mentale est seulement énoncée par
l’entourage. Les deux gendarmes qui se transportent à la gare de Moussac, commune du
sud-Vienne, se voient expliquer par l’oncle du défunt qu’il avait « depuis quelque temps le
cerveau malade » 406 . La déclaration suffit à expliquer que le jeune homme se soit couché à
plat ventre sur le rail de chemin de fer, pour être ensuite « coupé dans le sens de la
longueur » 407 par le train.
Si le dérangement de l’état mental est plus délicat à prouver, certaine famille
préfère essayer de dissimuler la cause réelle du décès. La manipulation des médecins
traitants par les proches du défunt, parfois pratiquée avec l’assentiment du praticien lui-
même, constitue l’un des arguments des partisans de l’organisation de la vérification des
décès : « le médecin traitant, dans les villes où il n’existe pas de service de vérification, est
402 Sophie Poirey, Droit, suicide, suicidés : Histoire d’une condamnation, thèse pour le doctorat de droit
mention histoire du droit, sous la dir. de Jean Bart, Université de Bourgogne, 1995, f° 130-148.
403 Ibid., f° 139-141.
404 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Suicide (pendaison) », Procès-verbal du suppléant du juge de paix de Thouars, le 16 juin 1825.
405 Ibid.
406 A.D.V., 4M 296, « Rapports bi-décadaires de la gendarmerie. Suicide (train) », Procès-verbal de
gendarmerie, le 27 octobre 1899.
407 Ibid.
551

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
facilement trompé par les parents, lorsqu’il s’agit d’un suicide […] » 408 . Le maire de la
commune de Plaisance, située au sud-est de la Vienne, explique à la gendarmerie comment
une femme et son mari ont essayé de cacher le suicide de leur sœur et belle-sœur
respectives. Le 26 novembre 1888, l’homme vient demander l’autorisation de faire
inhumer sa belle-sœur. Si tout d’abord le maire accède à sa demande, après réflexion, il
estime ce décès « extraordinaire », pour trois raisons : l’état mental déficient de la défunte,
l’intention de mettre fin à ses jours qu’elle avait auparavant manifesté, et surtout l’absence
de toute maladie susceptible de lui avoir été fatale 409 . Le maire se rend donc au domicile de
la défunte et effectue un examen de sa dépouille. A la vue d’une goutte de sang sur la joue,
il ouvre la camisole et constate une plaie au niveau de la gorge. La sœur déclare qu’en
ensevelissant le corps elle a trouvé des ciseaux dans le lit et qu’elle a, par conséquent,
supposé que la défunte s’était « fait du mal » 410 . Ne souhaitant pas être soupçonné d’avoir
attenté à la vie de leur sœur, ou par peur de voir la mémoire de la défunte ternie et la honte
s’abattre sur leur famille, les proches ont préféré camoufler le décès en mort naturelle.
Malheureusement, le maire est lui tenu d’en informer les autorités judiciaires. L’autopsie
réalisée par les Drs Contancin et Lhuillier confirme la thèse du suicide 411 .
En outre, la révélation que le défunt s’est volontairement donné la mort renvoie son
entourage devant sa propre responsabilité et peut faire émerger un sentiment de
culpabilité : les proches n’ont pas pu, ou n’ont pas su, empêcher l’accomplissement de
l’acte de désespoir. Avoir un coupable sur lequel déverser la colère et le chagrin provoqué
par le trépas d’un être cher peut favoriser le travail du deuil, que le responsable soit un
individu dans les cas de crimes, le destin ou la fatalité pour les décès naturels ou
accidentels. Or, en ce qui concerne le suicide, il n’y a pas de coupable extérieur. Le seul
coupable est le défunt lui-même, et donc sa propre famille qui n’a pas décodé les signes
annonciateurs et n’a pu déjouer le plan fatal élaboré par le suicidé. Et une fois encore, le
médecin et l’examen cadavérique peuvent être déterminant dans la qualification du décès :
crime, accident ou suicide ? La brigade de gendarmerie de Poitiers est prévenue qu’un
homme vient d’être découvert sans vie dans une cave. A leur arrivée sur les lieux,
accompagnés du commissaire de police et d’un médecin, les gendarmes constatent que
408 Frédéric Dufour, « La constatation des décès… », art. cit., p. 114.
409 A.D.V., 3U 4 / 616, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide »,
Procès-verbal de gendarmerie, le 28 novembre 1888.
410 Ibid.
411 Ibid., Rapport des médecins, le 27 novembre 1888.
552

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’individu tient dans la « main droite crispée » 412 , un pistolet. Une seconde arme chargée se
trouve entre les jambes du défunt. L’homme de l’art examine le corps et constate la
présence de l’orifice d’entrée d’une balle, « dix centimètres au-dessus de l’oreille
gauche » 413 . Selon lui, le décès ne peut être qu’un suicide. Cependant, en raison des doutes
émis par le commissaire de police, un second examen approfondi est pratiqué le lendemain
par deux médecins. Malgré le trajet quelque peu « extraordinaire » 414 suivi par le
projectile, de haut en bas, les experts médecins ne peuvent démontrer qu’il y a eu crime ; le
suicide demeure donc l’explication médico-légale la plus probable.
L’autopsie médico-légale est un acte susceptible de jeter l’opprobre sur la famille
de l’individu examiné. Elle peut mettre en lumière sa cruauté, son immoralité, son
aveuglement ou son indifférence. En sus, la réalisation de l’acte d’autopsie comporte elle-
même une part de déshonneur, pour l’individu qui y est soumis et pour son entourage, car
en quelque sorte elle l’exclut de la communauté des défunts ordinaires et respectables.
3) L’autopsie, marque infamante
Seules les dépouilles des individus hors normes connaissent le scalpel de
l’anatomiste ou la seringue de l’embaumeur. Au cours des siècles précédents, les
interventions sur les cadavres sont réservées à des êtres à part, ce qui permet ainsi de
préserver des agissements de toute accusation de sacrilège qui pourrait leur être imputé. Le
corps des religieux, déjà considérés comme saints durant leur existence, est dépecé et les
fragments de la dépouille vénérés comme reliques 415 . Parmi ces êtres exceptionnels se
rencontrent aussi les dirigeants, au premier rang desquels les monarques. Leur dépouille,
réceptacle d’une parcelle de divin, peut être soumise à un embaumement, ou à un
dépeçage, opération qui permet un retour plus aisé du corps, lorsque la mort a frappé le
“grand homme” loin de sa patrie 416 . Enfin, l’héroïsme ou l’implication dans la res publica,
la chose publique, peuvent être soulignés par l’examen post mortem auquel quelques
individus d’exception sont soumis. Emmanuel Fureix, s’intéressant au culte mortuaire voué
à certains hommes politiques, fait remarquer que « les autopsies deviennent un indice
412
A.D.V., 4M 298, « Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des suicides. Suicide à l’aide
d’une arme à feu », Procès-verbal de gendarmerie, le 10 septembre 1874.
413
Ibid.
414
Ibid.
415
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 1 : Le temps…, op. cit., pp. 207-208.
416 e
Agostino Paravici Bagliani, « Démembrement et intégrité du corps au XIII siècle », Terrain : Le corps en
morceaux, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme, n°18, mars 1992, en ligne
(http://terrain.revues.org/).
553

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
d’honneur, partagé par les héros et les grands hommes » 417 . Et de donner quelques
exemples à l’appui : « Foy, Lamarque, Suchet, Talma, Manuel et Benjamin Constant furent
ainsi autopsiés sans avoir été victimes de morts violentes ou mystérieuses » 418 . Néanmoins,
hormis ces rares exceptions, les individus sur lesquels sont pratiquées des ouvertures ou
des expériences cadavériques exhalent une “hors-normalité” somme toute moins gratifiante
et dont ils peuvent s’enorgueillir.
L’ouverture cadavérique traîne une mauvaise image car elle concerne
principalement trois catégories d’individus qui, d’une manière ou d’une autre, sont mis au
ban de la communauté : les criminels, les suicidés et les indigents. Les cadavres des
hommes, et parfois des femmes, reconnus coupables d’un crime 419 , ont longtemps
constitué le seul matériau anatomique dont les hommes de l’art disposaient pour réaliser
des dissections et ainsi étudier les mystères du corps humain 420 . Les récits décrivant
comment les anatomistes et autres savants, parfois concurrencés par les peintres et les
sculpteurs 421 , attentent presque au pied de l’échafaud que le bourreau ait effectué sa
besogne, abondent 422 . Les individus qui se rendent coupables de meurtre sur leur propre
personne sont condamnés, en Europe, à un châtiment corporel posthume, durant les
périodes médiévale et moderne. Les dépouilles des suicidés sont soumises à des peines
dégradantes, tel le traînage, jusqu’à l’exécution du châtiment ultime, leur exécution post
mortem 423 . Quant aux pauvres qui tombent malades et succombent dans les hôpitaux, il est
inutile de revenir sur le sort que leur réservent l’administration hospitalière, permettant aux
médecins de leur établissement, ainsi qu’aux enseignants et étudiants de médecine, de
disposer de leurs dépouilles en quasi toute liberté.
417 Emmanuel Fureix, « Sensibilités et politique. L’exemple du culte des morts à l’âge romantique » in Anne-
Emmanuelle Demartini, Dominique Kalifa (sous la dir. de), Imaginaire et sensibilités…, op. cit., p. 141.
418 Ibid.
419 Comme pour accroître la confusion, la nudité imposée aux corps disséqués rappelle celle utilisée,
réellement ou symboliquement, comme châtiment par la justice. Cf. Jean-Claude Bologne, Histoire de la
pudeur, op. cit., pp. 162-175.
420 Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste…, op. cit., p. 176.
421 Les études anatomiques et l’observation de la progression de la décomposition, effectuées par Théodore
Géricault comme travail préparatoire à son Radeau de la Méduse, constituent l’un des exemples les plus
fameux.
Cf. Régis Michel, Géricault. L’invention du réel, Paris, Gallimard, Découvertes, Réunion des Musées
nationaux, 1992, pp. 81-84.
422 Cf. par exemple les pages consacrées au « Condamné à mort, objet licite de dissection et
d’expérimentation » dans David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 240-249.
423 Sur les châtiments et marques infamantes infligés aux corps des suicidés, cf. le chapitre 3 « Les anciennes
peines corporelles et dégradantes pour comportement suicidaire » de l’ouvrage de Lieven Vandekerckhove,
La punition mise à nu. Pénalisation et criminalisation du suicide dans l’Europe médiévale et d’Ancien
Régime, traduit du néerlandais par Josiane Poulin, éd. originale 1985, Louvain-la-Neuve, Bruylant-
Academia, 2004, pp. 43-72, ainsi que Sophie Poirey, Droit, suicide, suicidés…, op. cit., f° 70-75, f° 80-83 et
f° 104-108.
554

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Par conséquent, se crée dans l’imaginaire collectif un amalgame ou une confusion
entre les diverses manipulations cadavériques. L’autopsie s’apparente alors, au mieux à un
dédommagement que la société impose en compensation des aides et secours dont
l’individu a pu bénéficier, au pire à une punition qui entérine symboliquement la
condamnation de l’acte répréhensible commis. Au sein de la hiérarchie sociale, les
individus sur lesquels sont pratiquées les dissections et les autopsies appartiennent au rang
inférieur. Des groupes sociaux, des communautés religieuses, des populations déficientes
et des ethnies ont été également les cibles privilégiées d’expériences médicales et
scientifiques, en raison de leur relégation dans la catégorie des sous-hommes. Des
“spécimens” de peuples colonisés exposés sans aucune pudeur au regard des Européens
conquérants 424 , aux prisonniers des camps nazis laissés aux mains du Dr Mengele aux fins
d’expérimentations et de recherches de toutes sortes 425 , les exemples sont légions. La
« disqualification sociale » 426 de ces communautés autorise les conduites indécentes,
immorales et cruelles.
L’infamie que représentent la dissection et l’autopsie aux yeux de l’opinion
publique suscite quelques réflexions au sein du corps médical, mais également parmi des
organismes que la question peut concerner de manière indirecte. Certaines voix s’élèvent
contre l’idée que l’ouverture cadavérique doit faire figure de punition ou d’argument
dissuasif, car en définitive le résultat est trop néfaste à l’image de l’opération et ne facilite
pas son développement. Fondant leur argumentaire sur l’appréhension d’être soumis au
scalpel de l’anatomiste, certains criminologues proposent d’utiliser l’ouverture
systématique des cadavres des criminels comme arme pour lutter contre la criminalité. Le
risque d’être découpé post mortem dissuaderait les éventuels voleurs, meurtriers et autres
contrevenants aux règles sur lesquelles la société s’appuie. Alexandre Lacassagne use de
ce raisonnement pour faire part de son désir de voir les dépouilles des criminels
obligatoirement mises à la disposition des hommes de l’art :
« Pourquoi les cadavres des décapités et des décédés en prison ne sont-ils pas livrés aux
études anatomiques ? Dans ces derniers temps, les condamnés ont nettement formulé que
leurs corps ne soient pas disséqués 427 . On a fait droit à cette demande. C’est là un tort. Si
424 e e
Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch et al. (sous la dir. de), Zoos humains XIX et XX siècles,
Paris, Editions La Découverte, 2002, 479 p.
425
Cf. la rapide synthèse présentée par David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 250-256, ainsi que les
réflexions de Jean-Jacques Courtine sur la science des monstres dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine,
Georges Vigarello (sous la dir. de), Histoire du corps, t. 3 : Les mutations…, op. cit., pp. 225-242.
426
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 42.
427
Caserio, l’anarchiste qui a poignardé le président de la République Sadi Carnot en 1894, refuse de manière
catégorique que son cadavre soit récupéré par la Faculté de médecine, à l’issue de son exécution. Preuve s’il
555

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
la peur de l’autopsie et des recherches cadavériques pouvaient arrêter un assassin et
empêcher un meurtre d’être commis, il faudrait inscrire dans la loi la nécessité de cette
autopsie et de cette dissection obligatoire » 428 .
Cependant, le vieil argument selon lequel « le criminel – qui a rompu les liens du
contrat social – expie sa faute en servant la science et donc la société » 429 , connaît
quelques détracteurs. La peine supplémentaire que constitue la dissection est décriée par la
Société royale pour l’amélioration des prisons, mise en place en 1819 430 . Selon ses
membres, « en livrant au scalpel des anatomistes, les restes des détenus, on aggravait de
cette manière leur punition ; ce que l’administration n’avait pas le droit de faire » 431 ; cela
outrepasse le pouvoir qui lui est octroyé. En sus de la condamnation et de la sentence
déterminées par la justice, l’administration pénitentiaire prend la décision d’infliger sa
propre punition. En suivant ce même raisonnement, le corps médical demande à la Société
royale des prisons quel crime les indigents, soignés dans les hôpitaux et soumis eux aussi à
l’ouverture cadavérique, ont-ils commis pour être ainsi condamné au châtiment
anatomique ? En effet, pour quelle raison un criminel aurait-il droit à plus d’égard :
« […] on ne put répondre aux observations de la Faculté de médecine, qui demanda si les
pauvres, les voyageurs et les indigents qui meurent dans les hôpitaux, et auxquels la
société n’avait à reprocher que leur indigence, avaient moins de droit aux égards et à la
commisération que les coupables détenus dans les prisons » 432 .
Toute la propagande qui doit favoriser, à la fois, la lutte contre la criminalité et les progrès
scientifiques, s’avère plus préjudiciable aux expérimentations cadavériques que bénéfique.
Elle renforce l’impression que dissection = punition.
en faut que même un meurtrier demeure préoccupé, voire effrayé, par le sort réservé à sa dépouille après
l’accomplissement de la sentence pénale.
Alexandre Lacassagne, « L’assassinat du président… », art. cit., p. 596.
428 Cité dans David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., p. 248.
La source de laquelle les propos de Lacassagne sont extraits n’est malheureusement pas mentionnée.
Néanmoins, il est très probable que ce discours ait été tenu lors de la séance du 13 août 1889 du II e Congrès
international d’anthropologie criminelle. Le compte-rendu du congrès, publié dans les Archives
d’anthropologie criminelle, mentionne en effet qu’Alexandre Lacassagne a émis deux vœux, au cours de
cette séance, validés ensuite à l’unanimité par l’assemblée : « 1° Obtenir des gouvernements un accès plus
facile dans les prisons ; 2° Demander que les cadavres des détenus et des suppliciés soient toujours mis à la
disposition de la science ».
Alexandre Lacassagne, « II e Congrès international d’anthropologie criminelle (Paris, 10-17 août 1889) »,
Archives de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique
criminelle. Législation et droit, Lyon, Storck, 1889, t. 4, p. 545.
429 Dominique Clevenot, « Les leçons… », art. cit., p. 156.
430 Jacques-Guy Petit, Nicole Castan, Claude Faugeron et al., Histoire des galères, bagnes et prisons. XIII e -
XX e siècles. Introduction à l’histoire pénale de la France, préface de Michelle Perrot, Toulouse, Privat,
Bibliothèque historique, 1991, p. 354.
431 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 280.
432 Ibid.
556

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Nombre de débats scientifiques, relayés par quelques décisions judiciaires, tendent
à démontrer que l’assimilation perdure. Bien qu’il demeure condamné moralement et
spirituellement, le suicide ne donne plus lieu, au XIX e siècle, à un simulacre de procès et à
l’exécution d’une sentence 433 . Par conséquent, l’atteinte corporelle à la dépouille d’un
suicidé n’apparaît plus comme un acte anodin, et conserve par la même occasion sa charge
punitive. Lors d’un Congrès de médecine légale, un dénommé Jeannel fait une
communication au cours de laquelle il propose de « consacrer aux études anatomiques les
cadavres des suicidés » 434 . La proposition est rejetée au motif qu’elle constituerait une
« sorte de pénalité infligée à la famille en même temps qu’à la victime même » 435 . Le
désagrément psychologique que représente l’examen post mortem est par ailleurs pris en
considération par quelques représentants de la loi.
Quelques-uns sont conscients que l’ouverture cadavérique représente une
souffrance supplémentaire pour l’entourage. Après la noyade accidentelle d’un enfant, au
début du mois de mai 1823, le procureur du roi fait procéder à une autopsie 436 . Le père de
la victime, « encore plein de douleur », apprend l’exécution de l’examen et porte plainte
auprès du procureur général. Le sous-préfet déplore alors la « nécessité de donner
connaissance [à la famille] d’un acte cruel » 437 . Dans certaines circonstances, la question
du bien fondé de l’autopsie est même posée. Dans l’exemple présent, le maire de la
commune où s’est produit le drame s’interroge sur la validité de l’article 81 du Code
civil 438 , « quand l’accident est connu par toute la ville » 439 : est-il permis de faire pratiquer
un examen cadavérique, « sans le consentement de la famille déjà assez affligée » 440 ? Ne
restant pas sourd à la douleur manifeste des familles, le procureur général Bulot, pour sa
part, adresse aux parquets de la cour de Paris, une circulaire qui a trait aux « Autopsies,
433
Sophie Poirey, Droit, suicide, suicidés…, op. cit., f° 114-122.
434
T. Gallard, « Compte-rendu officiel du Congrès international de médecine légale », Société de médecine
légale de France (séance du 11 novembre 1878), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1879, 3 ème série, t. 1, p. 76.
435
Ibid.
436
A.D.D.-S., 5M 8/2, « Police des cimetières, transport de corps et exhumations », Lettre du sous-préfet de
Parthenay, le 23 mai 1823.
437
Ibid.
438
Article 81 du Code civil : « Lorsqu’il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d’autres
circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l’inhumation qu’après qu’un officier
de police, assisté d’un docteur en médecine ou en chirurgie aura dressé procès-verbal de l’état du cadavre,
et des circonstances y relatives ainsi que des renseignements qu’il aura pu recueillir sur les noms, prénoms,
âge et profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée ».
Cité dans François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 334.
439
A.D.D.-S., 5M 8/2, « Police des cimetières, transport de corps et exhumations », Lettre du sous-préfet de
Parthenay (citation de la lettre du maire), le 23 mai 1823.
440
Ibid.
557

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
confrontations à la Morgue et reconstitution des crimes » 441 . En matière d’autopsie
médico-légale, il préconise la modération :
« L’autopsie qui répugne le plus souvent la famille de la victime, et constitue pour elle une
aggravation de sa douleur, ne doit être ordonnée que dans le cas de nécessité absolue
[…] ; on ne doit en tout cas en user qu’avec la plus grande réserve » 442 .
Si hommes de loi et hommes de l’art s’accordent sur le surcroît de douleur que peut
susciter la réalisation d’un examen post mortem pour la famille du défunt, en revanche leur
avis divergent sur le déshonneur qu’il pourrait véhiculer. Les responsables de la rédaction
des Archives d’anthropologie criminelle laissent transparaître leur mécontentement suite à
la condamnation de l’Assistance publique, consécutive à la plainte d’une mère dont
l’enfant, décédée à l’hôpital, a été soumise à des « expériences médicales malgré qu’elle
eût réclamé le corps » 443 . Le tribunal correctionnel a en effet condamné l’administration
hospitalière à « 2.000 francs de dommages-intérêts et aux dépens pour préjudice
moral » 444 . Or, les auteurs récusent ce motif : « nous ne voyons pas comment une autopsie
peut être regardée comme un acte infamant dont le caractère doit retentir sur la famille de
l’autopsié et être considéré comme un préjudice moral à elle causé » 445 . Selon eux,
l’ouverture cadavérique ne constitue en rien un déshonneur, ni pour l’autopsié, ni pour sa
famille. Mais, en rendant un tel verdict, la première Chambre correctionnelle entérine un
préjugé populaire et fustige la pratique des autopsies et autres manipulations cadavériques.
La considération différente des examens cadavériques, et particulièrement de
l’autopsie, par l’opinion publique et les médecins, repose essentiellement sur la manière
d’appréhender la dépouille mortelle. Là où le profane voit un « objet de crainte,
d’horreur » 446 , qu’il faut fuir, l’homme de l’art voit un pourvoyeur de connaissances, un
matériau indispensable aux progrès des sciences anatomique et anatomopathologique.
Néanmoins, les médecins qui s’adonnent à l’autopsie médico-légale, de gré ou de force,
sont eux aussi susceptibles d’avoir des a priori et des sentiments contradictoires vis-à-vis
de cette pratique.
441
« Autopsies légales », art. cit., p. 571.
442
Ibid.
443
« Le danger des autopsies… », art. cit., p. 71.
444
Ibid.
445
Ibid.
446
François Chaussier, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale,
Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, p. 1.
558

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
C) Des médecins et des morts
Le chapitre précédent a donné lieu à une première approche de la manière dont les
hommes de l’art appréhendent l’autopsie médico-légale, en termes d’implication
financière, de devoir et d’éthique, ainsi que de risque professionnel. Or, peut-être plus que
les autres expertises médicales, l’autopsie véhicule un contenu sensoriel et émotionnel
qu’il est nécessaire de prendre en considération, car elle confronte le médecin à son ennemi
intime : la mort.
1) Un mort ne peut être soigné
Les opérations médico-légales ne constituent pas l’activité première d’un homme
de l’art. Il a été souligné, dans l’introduction du chapitre 4, que les documents
professionnels des médecins, ainsi que les travaux de la Société de médecine de Poitiers,
ne comportent aucun élément de nature médico-judiciaire. Etudiant la médecine légale
dans le département de la Seine Inférieure, Marina Daniel fait le même constat : « Il reste
quasiment impossible d’évaluer le nombre d’expertises réalisées par un médecin au cours
de sa carrière. Presque tous les praticiens n’ont pas conservé de notes de leurs
opérations » 447 . La mort non plus ne fait pas partie des prérogatives du médecin, dans la
mesure où ce dernier ne peut exercer son art, c’est-à-dire apporter des soins, prescrire des
remèdes. Le trépas et la dépouille mortelle font fuir les praticiens de l’art de guérir.
Le cadavre matérialise l’échec du praticien et de ses capacités curatives. Les
médecins sont, par conséquent, peu enclins à être présents au moment du trépas ou dans les
quelques heures qui le suivent. Leur présence durant l’agonie rendrait leur impuissance
encore plus flagrante et les médecins seraient, dans l’esprit de l’entourage, alors
directement associés au décès. Mais plus qu’assister au dernier soupir, les hommes de l’art
esquivent les visites post mortem :
« Un médecin qui ne peut sauver un malade, évite de se trouver chez lui, après qu’il a
rendu son dernier soupir, et tous les praticiens paraissent pénétrés de cet axiome d’un
grand philosophe : Il n’est pas de la civilité qu’un médecin visite un mort » 448 .
La réticence des hommes de l’art, quant à leur association au trépas, a des répercussions
sur la vérification des décès.
447 Marina Daniel, « Les médecins et la pratique de l’expertise en Seine-Inférieure au XIX e siècle » in Claire
Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du Moyen Age au XX e siècle,
actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la justice et les populations, du Moyen
Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec, s. l., Les Presses de
l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, p. 751.
448 J.-B. Monfalcon, « Inhumation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier, et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 25, p. 174.
559

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
En effet, il semble qu’il existe une « répugnance instinctive de nombreux médecins
pour cette tâche » 449 . La vérification des décès est mue par deux objectifs : certifier la mort
administrativement, afin d’autoriser l’inhumation, mais également s’assurer de la réalité du
trépas et éviter une inhumation précipitée, synonyme alors de mort certaine. En ce qui
concerne le premier volet, ainsi que le note Alphonse Devergie, « on comprend la
répugnance du médecin à se rendre post mortem chez une personne qu’il n’a pas pu
guérir » 450 . Quant à l’espoir d’une résurrection, non pas miraculeuse mais médicale, la
rareté des exemples est décourageante et plus préjudiciable que bénéfique à la réputation
du corps médical :
« L’expérience parisienne montre en outre que le vérificateur n’est pas le héros
qu’attendent les familles. Le coût en termes d’image, pour parler notre jargon actuel,
pourrait être bien lourd comparé aux lauriers promis. Débordés, indifférents, les
vérificateurs courent le risque de brader leur art pour de trop rares résurrections, et
pourraient finir par ternir l’image de la profession » 451 .
En conséquence, peu d’hommes de l’art font le déplacement. Ils se « bornent quelquefois à
signer chez eux les feuilles de décès » 452 , sans avoir visité le défunt. Une telle négligence
sert d’arguments aux partisans de la désignation, dans chaque localité, d’un praticien
chargé de ce service singulier. Lors d’une séance de la Société de médecine de Poitiers, un
certain Bonnet formule une requête à ce sujet. Il souhaite qu’un médecin soit préposé à la
vérification des décès et au constat du sexe des nouveau-nés, puisque les médecins ont
pour habitude de donner les « billets de mort » sans effectuer la moindre visite du
défunt 453 .
En outre, passer du statut de médecin traitant à celui de médecin vérificateur des
décès, place l’homme de l’art dans une position inconfortable, voire contraire à la
déontologie. Sur ce point, deux camps s’affrontent. Afin de faciliter l’exécution de cette
besogne, d’aucuns ont suggéré de la confier exclusivement au praticien qui a soigné le
défunt. Déjà au fait de l’historique médical du défunt, et principalement de la pathologie
qui a conduit au décès, il est beaucoup plus aisé au médecin traitant d’établir la cause de la
mort. De plus, il ne risque pas d’être injustement tenu pour responsable de la mort. Tels
sont les arguments développés par Gaillard, au cours de la séance de novembre 1857 de la
449 Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 198.
450 Alphonse Devergie, « Des signes de la mort. Etude de leur cause, appréciation de leur valeur », Annales
d’hygiène publique et de médecine publique, Paris, Baillière, 1874, 2 ème série, t. 41, p. 382.
451 Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 198.
452 Alphonse Devergie, « Des signes de la mort… », art. cit., p. 382.
453 A.D.V., 10T 1032, « Société de médecine. Procès-verbal des séances de la société », Séance du 13 juin
1849.
560

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Société de médecine de Poitiers 454 . Or, c’est précisément parce qu’il connaît le passé
médical du défunt que le médecin traitant ne peut signer le bulletin de vérification de
décès. Indiquer la maladie qui a entraîné la mort reviendrait à trahir le secret
professionnel 455 . Un praticien absolument étranger au défunt et à sa famille ne connaît pas
ce risque. Par ailleurs, son indépendance le met à l’abri de certaines accusations : à
l’inverse du médecin traitant, le praticien qui contrôle les décès ne peut être suspecté
d’avoir voulu camoufler une erreur de diagnostic ou de traitement 456 ; ensuite, il est
impossible qu’il ait participé à une action criminelle 457 ou accédé à la requête de la famille
en rédigeant un certificat de complaisance, substituant une cause de décès respectable, à
une autre plus honteuse 458 .
Pour ces multiples raisons, les hommes de l’art aspirent peu à s’occuper de défunts,
et encore moins d’examens post mortem, opérations qui accentuent ou mettent en lumière
leur ignorance, leur incompétence et leur impuissance. D’autres facteurs peuvent venir
renforcer l’idée que le contact des défunts et leur manipulation sont indignes d’un docteur
en médecine. En premier lieu, « la mort [est] plutôt affaire de femmes » 459 . Ou plus
exactement les attentions prodiguées au corps sans vie, à l’instar de toutes les activités de
soins 460 , sont dévolues en grande majorité aux femmes. La toilette mortuaire et
l’ensevelissement sont effectués par des femmes du village qui ont acquis une certaine
expérience dans cette pratique 461 . L’entourage qui assiste à l’agonie, puis veille le défunt,
est si ce n’est exclusivement, au moins majoritairement féminin 462 . Enfin, dans les
hôpitaux, ce sont les religieuses qui s’occupent de la surveillance des différentes salles :
454 Ibid., Séance de novembre 1857.
455 Gabriel Tourdes, « Mort… », art. cit., p. 587.
456 Paul Brouardel, La responsabilité médicale…, op. cit., p. 231.
457 Gabriel Tourdes, « Mort… », art. cit., p. 587.
458 Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 17.
459 Philippe Ariès, Images de l’homme…, op. cit., p. 110.
460 Jacques Léonard, « Femmes, religion et médecine. Les religieuses qui soignent, en France au XIX e
siècle », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations : Médecins, médecine et société en France aux XVIII e et
XIX e siècles, septembre-octobre 1977, n°5, pp. 887-888.
461 Que ce soit au Moyen Age ou à une époque encore récente, avant que la prise en charge des défunts
incombe aux seules entreprises de pompes funèbres, la toilette mortuaire et l’ensevelissement étaient
effectuées par des femmes de l’entourage plus ou moins proche du trépassé. Cf., pour l’époque médiévale,
Danièle Alexandre-Bidon, « Signes cliniques et protocoles de vérification du décès avant l’inhumation ou
l’ouverture du corps (XII e -XVI e siècle) » in Le corps à l’épreuve. Poisons, remèdes et chirurgie : aspects des
pratiques médicales dans l’Antiquité et au Moyen Age, études réunies par Franck Collard et Evelyne
Samama, actes des tables rondes « Ouvrir les corps. Pratiques chirurgicales, médico-légales et funéraires au
Moyen Age » (mai 1999) et « Remèdes ou poisons ? Pharmaka et venena de l’Antiquité au Moyen Age »
(décembre 1999) organisées par l’UFR des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Reims
Champagne-Ardenne, Langres, Dominique Guéniot éditeur, « Hommes et textes en Champagne », 2002, pp.
147-148 ; pour une époque plus contemporaine, cf. Louis-Vincent Thomas, Rites de mort. Pour la paix des
vivants, Paris, Fayard, 1985, p. 63.
462 Philippe Ariès, Images de l’homme…, op. cit., p. 110.
561

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
elles gardent les malades et gèrent également la salle des morts. Il est inutile de revenir sur
les conflits qui opposent les religieuses aux professeurs et étudiants des Ecoles ou Facultés
de médecine, au sujet de la délivrance des cadavres.
Avec la pratique du masque mortuaire et des cires anatomiques, l’implication des
femmes dans les activités cadavériques franchit un nouveau pallier. L’étude des cires
anatomiques a montré le rôle déterminant que certaines femmes ont pu jouer, dans la
réalisation de ces aides-mémoires. Artistes au départ, certaines ont acquis des
connaissances dignes de véritables anatomistes à l’arrivée 463 . D’autres encore sont des
virtuoses du masque mortuaire, telle Madame Tussaud, auteur notamment d’un masque de
Marat 464 . Malgré tout, la médecine demeure une activité réservée à la gent masculine. Par
conséquent, même si le traitement de la mort et du cadavre semble dévolu aux femmes, il
demeure que seul un homme de l’art est habilité à procéder à une autopsie judiciaire.
L’ultime dégradation que peut constituer l’ouverture cadavérique, aux yeux du
médecin, est qu’il s’agit d’une activité manuelle. Traditionnellement, les praticiens de l’art
de guérir sont divisés en deux catégories : les théoriciens, qui observent et soignent à
distance, en l’occurrence les docteurs en médecine, et les manuels, qui touchent et incisent,
c’est-à-dire les chirurgiens et officiers de santé. Une telle répartition des professionnels
médicaux a, en toute logique, réservé, dans un premier temps, la pratique des autopsies
judiciaires à la seconde catégorie. Néanmoins, les docteurs en médecine sont rapidement
devenus, en matière d’examens post mortem, les interlocuteurs privilégiés des
magistrats 465 . Il demeure que l’utilisation de la main et le contact avec un corps, d’autant
plus avec un corps sans vie, est dégradante pour le médecin et peut s’apparenter à une
souillure. Sans réitérer les réflexions présentées lors de l’étude consacrée au rapport
d’autopsie, et plus particulièrement à l’absence d’illustrations dans ces documents, il
convient tout de même de rappeler que rares sont les ouvrages de médecine légale ou
d’anatomie qui figurent un élément corporel de l’opérateur, et notamment ses mains 466 .
A la lecture du développement ci-dessus, il semble démontré que les médecins sont
réfractaires à la pratique des autopsies médico-légales, et de tout autre manipulation
cadavérique. Or, il convient d’apporter quelques nuances. L’attitude des hommes de l’art à
l’encontre de la dépouille mortelle est somme toute plus complexe. En outre, il serait
463 Cf. le chapitre 3.
464 Emmanuelle Héran, « Le dernier portrait… », art. cit., pp. 32-33.
465 Cf. le chapitre 1, pour une analyse des diplômes des hommes requis comme experts médicaux.
466 Cf. le chapitre 2.
562

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
erroné d’estimer que tous les membres du corps médical répugnent à accomplir une telle
tâche. La consultation des dossiers criminels et correctionnels poitevins, à laquelle peut
s’ajouter celle des constats de suicides et de morts accidentelles, laisse clairement entrevoir
que les praticiens du XIX e siècle ont intégré l’enjeu que représente l’examen médical dans
la construction du témoignage post mortem du défunt.
Durant tout le XIX e siècle, les auteurs ne cessent de marteler que la réalisation d’un
examen cadavérique, exhaustif et minutieux, constitue l’unique procédé capable de fournir
des réponses sur les causes du trépas. En conséquence, lorsqu’il est appelé pour effectuer
une déclaration de décès ou un constat de crime, examen qualifié également de levée de
corps, le médecin doit se prémunir de toute déclaration hâtive et ne relevant pas du cadre
précis de la tâche qui lui est confiée. Il est cependant nécessaire de préciser que la levée de
corps s’intéresse à trois éléments : la réalité du décès, l’époque à laquelle il a eu lieu, et la
présence d’indices laissant penser qu’il s’agit d’une mort violente 467 . Là doit se borner
l’avis du médecin. En aucun cas il ne doit aborder la cause du trépas. Dans le cas contraire,
d’une part, l’homme de l’art outrepasserait son rôle, et d’autre part, il prendrait le risque de
commettre une grave erreur de jugement en choisissant la cause de la mort presque au
hasard 468 . La recommandation faite aux médecins, notamment dans les situations où aucun
indice de mort violente n’est visible, est de préconiser la réalisation d’une autopsie médico-
légale.
Le conseil est inégalement suivi par les praticiens appelés à constater un décès. Par
exemple, le 12 août 1812, un officier de santé de Bressuire est requis par le procureur
impérial aux fins de visiter le corps d’un homme trouvé sans vie sur un chemin 469 . Après
avoir examiné attentivement le défunt, l’officier de santé ne relève « aucune marque ni
aucun autre signe » 470 synonymes de mort violente. Il conclut alors à une mort subite, sans
autre précision. En fait, si dans les affaires judiciaires les médecins s’avèrent prudents,
voire indécis dans leurs déclarations, ils font preuve de plus de confiance, et même d’une
confiance excessive, dans les décès volontaires ou accidentels. Peut-être faut-il y voir une
relation de cause à effet. L’absence de certitude médico-légale oblige l’institution
judiciaire à poursuivre ses investigations et aboutit au procès. A contrario, l’assurance du
467
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1896, p. 69.
468
Ibid., p. 70.
469
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Mort subite », Certificat médical, le 12 août 1812.
470
Ibid.
563

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
praticien quant au caractère non-criminel du décès, confortée par des témoignages et des
éléments matériels divers, clôt l’enquête.
Ainsi, dans quelques affaires de décès suspects, l’homme de l’art est l’instigateur
direct de l’ouverture cadavérique. En septembre 1904, le Dr Nicollas, praticien à
Champdeniers, dans les Deux-Sèvres, est appelé au chevet d’un homme qui a reçu un
certain nombre de coups à la tête. Lors de sa première visite, le 10 septembre, il constate
que le blessé se trouve « dans un coma profond » 471 . Les soins qu’il lui prodigue ne sont
d’aucun effet ; l’homme décède dans la nuit. Nicollas rédige alors le certificat de décès,
mais refuse le permis d’inhumer. En raison de la « nature des plaies », le médecin
« conclut à la nécessité d’une autopsie par un médecin légiste pour déterminer la
cause » 472 du trépas. L’opération est ordonnée par le procureur de la République et réalisée
le jour même par Joseph Breffeil, un médecin de Parthenay 473 .
Si certains suggèrent la tenue d’une autopsie pour obtenir des réponses sur les
causes du décès, examen qui pourrait leur être confié tout comme à l’un de leur confrère,
d’autres, en de rares occasions il faut le reconnaître, réclament le droit de procéder eux-
mêmes à l’exploration corporelle. Revendiquer leur participation à l’examen cadavérique
démontre une certaine appropriation de cet acte médical pourtant marginal, et de son
assimilation aux devoirs qui incombent aux praticiens de l’art de guérir 474 . Lors de l’affaire
de meurtre mentionnée plus haut, dans laquelle le médecin expert a été prié par l’entourage
de hâter son expertise pour permettre les funérailles, l’homme de l’art, peut-être un peu
honteux d’avoir ainsi bâclé son travail, propose de procéder à une nouvelle autopsie 475 . Le
magistrat en charge de l’instruction accède à sa requête et le requiert pour ce second
examen cadavérique 476 .
Quelques-uns, en revanche, n’ont pas la chance ou l’honneur de voir leur demande
satisfaite. Le Dr Tafforin, médecin à Availles, commune de la Vienne, voit ainsi son
autopsie confiée à deux autres praticiens. Au matin du 11 août 1875, ce praticien est convié
par le maire d’Availles à venir secourir un homme porteur de blessures à la tête 477 . Malgré
471 A.D.D.-S., 2U 372, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups mortels », Certificat
médical, le 11 septembre 1904.
472 Ibid.
473 Ibid.
474 Au sujet de l’expertise médico-légale comme devoir du médecin, cf. le chapitre 4.
475 A.D.V., 2U 1747, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre et tentative de
meurtre », Information, le 15 janvier 1895.
476 Ibid., Prestation de serment d’expert, le 15 janvier 1895.
477 A.D.V., 2U 1697, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures ayant
occasionné la mort sans intention de la donner », Rapport du médecin, le 30 août 1875.
564

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
ses recommandations, le blessé est ramené chez lui. Le médecin n’a pas pu effectuer de
seconde visite lui permettant de mieux observer les blessures. Et au maire qui lui demande
un rapport sur celles-ci, Tafforin rétorque qu’il lui « faudrait faire l’autopsie » 478 . Le juge
d’instruction en confie cependant l’exécution à deux médecins de Civray, les Drs Jean-
Baptiste Guillaud et Pierre Médard Autellet 479 .
Il n’existe donc pas de rejet franc et massif de la pratique médicale post mortem,
sous prétexte qu’elle ne concerne pas les vivants, mais les défunts. Cela ne signifie pas
pour autant qu’elle laisse les hommes de l’art insensibles.
2) Des sens à rude épreuve
Les médecins ne sont pas exempts de manifester un certain nombre d’émotions en
face d’un corps sans vie. Leur apparition découle en premier lieu d’une réaction
sensorielle 480 . En conséquence, elles peuvent, d’une part, receler une nature purement
instinctive, et d’autre part, relever d’une construction psychique. Le premier sentiment
exprimé par les hommes de l’art, ils le partagent avec le profane : le dégoût, la répugnance.
Une réflexion sur l’expertise médico-légale laisse parfois sourdre la répulsion qui étreint
les médecins confrontés à « une besogne aussi difficile, aussi délicate que fastidieuse et
dégoûtante » 481 . Une telle aversion, loin d’être occultée ou minimisée par les auteurs, ne
doit pas, selon eux, servir de prétexte. Parmi les « sources d’erreurs que le médecin doit
éviter », et qui « peuvent l’empêcher de porter ses investigations assez loin pour découvrir
la vérité », Desbois mentionne « la répugnance qu’inspirent souvent certaines opérations
médico-légales » 482 . La cause première d’un tel rejet est la décomposition putride. Devoir
plonger les mains dans des chairs en putréfaction ne constitue en rien un exercice
plaisant 483 .
478 Ibid.
479 Ibid., Ordonnance, le 8 septembre 1875.
480 Pour une analyse à la fois historique et anthropologique des cinq sens et de la perception sensorielle, cf.
David Le Breton, La saveur du monde. Une anthropologie des sens, Paris, Métailié, 2006, 452 p.
Cf. également l’étude fondamentale d’Alain Corbin consacrée aux odeurs et à leur rôle sociétal : Alain
Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social XVIII e -XIX e siècles, Paris, Aubier
Montaigne, Collection historique, 1982, VI-334 p.
481 Fr. Ph. Jos. Cambrelin, « Les médecins sont-ils tenus d’obtempérer aux réquisitions qui leur sont adressés
par les officiers de police judiciaire, quand il s’agit de la recherche des preuves d’un crime ou d’un délit »,
Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1840, t. 24, p. 410.
482 Desbois, « De la nécessité d’appeler deux médecins dans les affaires criminelles qui peuvent entraîner la
peine capitale », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1854, 2 ème série, t. 2,
p. 97.
483 Les aspects scientifiques de la putréfaction, les risques et les inconvénients qu’elle présente, ainsi que les
stratagèmes mis en place pour les minimiser, sont abordés dans le chapitre 8.
565

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Le mouvement de recul est d’abord consécutif à une agression olfactive. Avant
même d’être visible, la putréfaction se sent 484 . Nombre de médecins experts font part de
l’odeur nauséabonde qu’ils doivent supporter lors de la réalisation d’une autopsie
judiciaire. Le Dr Paul Reverdit, médecin à Thouars, est chargé par le juge d’instruction du
Tribunal de Première Instance de Bressuire, d’examiner plusieurs pièces anatomiques
prélevées lors de l’autopsie, le 9 février 1841 485 . Lorsque, le 12 février, il retire les organes
du liquide alcoolique dans lequel ils ont été placés, une « odeur infecte [se répand] dans
l’appartement, la cour de la maison et tout le long de la rue » 486 . Son confrère Samuel
Petiteau, exerçant également à Thouars, fait un commentaire similaire lors de l’examen
cadavérique d’un nouveau-né, près de quarante ans plus tard. Le 15 mai 1879, il se
transporte au bourg de Bouillé-Loretz, où lui est confié un paquet formé par une chemise
de femme en grosse toile. Il défait l’enveloppe et découvre alors un cadavre dégageant une
« odeur infecte » 487 . Outre la gêne occasionnée par les effluves cadavériques pendant
l’opération, le médecin en conserve le souvenir sur lui, tel un parfum dont il fait profiter
son entourage : « quels que soient les soins hygiéniques qu’il prenne et les ablutions
désinfectantes qu’il fasse, ses vêtements s’imprègnent d’une odeur caractéristique qui
révolte tous les odorats » 488 . Cependant, une odeur, même des plus insupportable et
rebutante, peut être estompée par la force de l’habitude 489 , au contraire d’autres
désagréments sensoriels offerts par le cadavre.
L’emploi de l’adjectif “infecte”, pour qualifier les émanations s’échappant du corps
en décomposition, n’est pas surprenant car il présente effectivement un danger infectieux.
Le corps qui amorce sa décomposition est une source de bactéries susceptibles de pénétrer
dans l’organisme de celui qui manie le scalpel, soit par l’intermédiaire d’une plaie déjà
présente, soit par une blessure qui se produit au cours de l’examen. L’infection est connue
484
Bruno Bertherat a étudié les exhalaisons de la putréfaction, et particulièrement l’odeur de la Morgue. Cf.
Bruno Bertherat, « Le miasme… », art. cit., pp. 235-244 et Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit.,
vol. 2, f° 374-377.
485
A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Procès-verbal d’autopsie, le 11 février 1841.
486
Ibid., Rapport de M. Reverdit, le 12 février 1841.
487
A.D.D.-S., 2U 288, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du Dr
Petiteau, le 20 mai 1879.
488
Louis Pénard, « Projet de réforme du tarif des frais judiciaires en matière de médecine légale », Société de
médecine légale (séance du 12 février 1877), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris,
Baillière, 1877, 2 ème série, t. 48, p. 114.
489
David Le Breton, Anthropologie du corps…, op. cit., p. 116.
566

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
chez les praticiens du cadavre sous le nom de piqûre anatomique 490 , qu’il s’agisse
effectivement d’une piqûre ou plus généralement d’une coupure. La main est le siège
privilégié de ce type de blessure, car elle est l’unique partie de son corps que l’homme de
l’art met au contact des tissus cadavériques. Il ne s’agit pas de mentionner de nouveau la
symbolique véhiculée par l’usage de la main, ni d’user encore une fois de la comparaison
avec les divers individus qui versent le sang (bourreau, criminel, chirurgien), avec les
interdits, les discriminations et les croyances que cela comporte. La main est appréhendée,
dans ce développement, uniquement en termes de lien physique, de contact tactile entre
l’opérateur et les viscères de l’autopsié.
Du point de vue de la hiérarchie sensorielle, le toucher ne joue qu’un rôle restreint.
Le praticien peut percevoir une fracture. A la palpation du crâne d’un nouveau-né ayant
vécu quelques heures, le Dr Paulin Boudard a une sensation semblable à celle d’un
« paquet de noix que l’on presse » 491 . Le doigt est également un outil utile pour sonder une
plaie. Avant d’ouvrir la boîte crânienne, les officiers de santé Roy et Galletier, appelés par
la justice de paix de Vouillé, département de la Vienne, sondent avec le doigt la plaie qui
se trouve à côté de l’œil droit 492 . Mais là s’arrêtent généralement les observations tactiles.
La vision prend ensuite le relais. Néanmoins, le contact est essentiel à l’examen ; sans lui,
seules des constatations superficielles sont possibles. Les mains permettent de plonger au
plus profond du corps et d’observer les mystères de la mort. Or, cette manipulation renvoie
les hommes de l’art à leur propre mortalité, d’autant plus qu’à chaque instant ils peuvent se
couper, être infectés et donc mourir à leur tour. L’éventualité d’un tel accident hante les
praticiens 493 . Toucher un cadavre revient par conséquent à braver le danger, à jouer une
partie de dés avec la mort.
490
Cf. le chapitre 8.
491
A.D.D.-S., 2U 310, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport médical,
le 27 mars 1885.
492
A.D.V., 2U 547, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et tentative
d’assassinat », Procès-verbal du premier suppléant de la justice de paix, le 18 février 1824.
493
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 43.
Le risque infectieux de la dissection ou de l’autopsie est toujours présent à l’esprit des étudiants et des
praticiens de l’anatomie pathologique ou de la médecine légale. Malgré toutes les précautions prises,
notamment le doublement des gants, certaines dépouilles demeurent potentiellement dangereuses pour
l’opérateur, si elles sont porteuses de maladies, telles les hépatites ou le sida, ou de certains virus.
Cf. Marie-Frédérique Bacqué, Claude Bersay, « Interview de Marie-Christine Dauge, anatomopathologiste »,
Etudes sur la mort, 2002/2, n°121, p. 100.
567

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
L’ouïe est le sens le plus réceptif aux stimuli, le plus perméable aux éléments
extérieurs qui viennent l’agresser 494 . Durant l’autopsie judiciaire, les oreilles du praticien
sont peu mises à contribution. L’individu examiné se mure dans le silence. Un tel mutisme
illustre parfaitement l’expression “un silence de mort”. Il perturbe, inquiète, voire alarme.
Si dans un paysage sonore défini, un bruit particulier ou inhabituel peut être signe de
danger 495 , dans un environnement saturé de bruits divers, l’absence de sonorité est
synonyme de drame, passé ou à venir 496 . Le mutisme de la victime, dont le cadavre hurle la
souffrance et la violence subies, en devient assourdissant. Si la croyance en la conservation
d’une sensibilité, permettant au défunt de percevoir les paroles et les bruits post mortem 497 ,
ou simplement le respect dû au repos du défunt et au deuil de sa famille 498 , imposent le
silence à proximité d’un individu décédé, certains considèrent que rompre le silence est
une nécessité.
La description verbale de l’examen, des constatations faites, remplit tout d’abord
une fonction pratique. Si l’homme de l’art procède en présence de quelqu’un, confrère,
juge, gendarme, simple témoin, cela lui permet de dicter ses observations et ainsi d’avoir
quelques notes qui lui serviront de guide lors de l’établissement de son rapport 499 . De plus,
lorsque l’autopsie est réalisée par plusieurs médecins experts, ils peuvent avoir besoin
d’échanger leur point de vue, de confronter leurs idées. Mais si un seul expert est requis,
les médecins déstabilisés ou oppressés par le silence peuvent trouver un allié parmi les
témoins judiciaires qui assistent à l’expertise. Le magistrat devient un interlocuteur de
494
David Le Breton, Anthropologie du corps…, op. cit., pp. 111-114.
David Le Breton, La saveur du monde…, op. cit., pp. 126-136.
495
Cf. l’analyse des sons de la nuit parisienne dans l’ouvrage de Simone Delattre, Les douze heures noires…,
op. cit., pp. 73-75.
496
Plusieurs contributions au colloque « Accords et à cris. Etudes pluridisciplinaires sur la sonorité »,
organisé par l’Association Shadoc (Association des Doctorants en Sciences Humaines et Arts de l’Université
de Poitiers) les 5 et 6 décembre 2007, abordent ce thème : Philippe Claerhout, François Claerhout,
« Emergence et régulation de la violence dans le paysage sonore pénitentiaire » ; Guillaume Garnier,
« Dormir sur ses deux oreilles. Sommeil et sonorité (1700-1850) » ; Bénédicte Percheron, « Le paysage
sonore en France de 1939 à 1945 : la guerre des bruits ».
Les actes de ce colloque doivent être publiés dans un numéro des Cahiers du GERHICO dans le courant
2009.
497
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort…, op. cit., p. 65.
498
Emmanuelle Godeau relève que les étudiants, qui assistent à leurs premières séances de dissection,
baissent la voix en présence du cadavre, comme par réflexe.
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 40.
Dans sa thèse de sociologie consacrée au travail des pompes funèbres, Julien Bernard souligne également le
souci de discrétion et la lutte contre le moindre bruit qui sous-tend l’attitude et les gestes des croques-morts,
au cours des diverses étapes de leur activité : mise en bière, transport du cercueil, cérémonie.
Julien Bernard, Emotions et rituel dans le travail des pompes funèbres. Contribution à la sociologie des
émotions, thèse de doctorat de sociologie, sous la dir. d’Annie Guédez, Université de Poitiers, 2007,
f° 136-138.
499
Cf. le chapitre 2.
568

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
secours pour l’homme de l’art et permet d’exorciser le malaise que chacun peut
ressentir 500 . En outre, la conversation qui s’instaure entre l’expert et le représentant de la
justice est avantageuse pour ce dernier, car elle lui permet, d’une part, d’avoir de suite un
certain nombre d’éléments précis de l’examen, sans attendre la lecture du rapport, et
d’autre part, d’être en mesure de poser ses questions instantanément à l’expert médecin.
Durant l’autopsie médico-légale d’un nouveau-né, qu’il réalise le 31 décembre 1896,
Edward Périvier, médecin à Civray, est « interpellé » par le juge d’instruction au sujet de la
respiration effective de l’enfant 501 .
Outre le fait de combler le silence, le babillage des protagonistes couvre aussi le
bruit désagréable produit par certains instruments 502 . La scie qui coupe les os du crâne, le
sécateur qui sectionne les côtes, le marteau qui frappe sur le ciseau pour séparer les
vertèbres, la lame de scalpel ou la rugine 503 qui raclent un os pour en retirer la membrane le
reliant au muscle. Tous ces instruments produisent des sons pénibles, de craquements ou
stridents, qui provoquent chez certains auditeurs des réactions presque épidermiques. Il
demeure néanmoins que les manifestations sonores fournissent quelques renseignements
utiles au praticien. Rendu muet, le défunt parvient cependant à se faire entendre par
l’intermédiaire de ses organes. Lerpinière, médecin à Châtellerault, perçoit une
« crépitation manifeste » 504 alors qu’il incise les poumons d’un nouveau-né, en février
1836. Il n’entend pas de « bruit analogue » 505 en incisant la langue, ce qui lui suggère que
l’enfant a respiré. D’autres sujets d’examens cadavériques judiciaires semblent vouloir
faire part de leur douleur, du moins le rédacteur du rapport emploie-t-il une terminologie
exprimant la souffrance. A l’autopsie d’une femme décédée le 7 février 1841, Félix
Guillot, docteur en médecine exerçant dans le Maine-et-Loire et exceptionnellement requis
par le maire d’une commune de l’extrême nord des Deux-Sèvres, constate le mauvais état
du foie 506 . L’organe est hypertrophié, il « présente un état granuleux ou une cirrhose
générale », et enfin, il « crie sous le scalpel » 507 .
500 David Le Breton, La saveur du monde…, op. cit., pp. 138-141.
501 A.D.V., 2U 1751, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constat, le 31 décembre 1896.
502 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 17.
503 Pour une description des instruments employés pour procéder à l’autopsie cf. le chapitre 7.
504 A.D.V., 2U 1524, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal, le
5 février 1836.
505 Ibid.
506 A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Procès-verbal d’autopsie, le 11 février 1841.
507 Ibid.
569

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Parmi les cinq sens dont dispose le médecin expert, le goût est le seul qu’il n’utilise
d’aucune manière durant son opération cadavérique. A l’inverse de son odorat qui peut lui
transmettre certains renseignements, telle l’avancée de la décomposition, la présence
d’alcool dans l’estomac ou d’un poison qui laisse une odeur particulière dans les
viscères 508 , le praticien ne met pas ses propriétés gustatives à contribution. Parmi les
rapports d’expertises et les récits d’autopsies contenus dans les dossiers de procédures
poitevins, aucun exemple de médecin ayant “goûté” un cadavre n’a été trouvé. Avant
l’essor de la chimie et la révolution clinique qui a modifié totalement la manière d’aborder
le malade et la maladie, le test gustatif constitue un procédé d’analyse très usité par les
médecins des époques médiévale et moderne : tels des œnologues, ils observent, sentent et
enfin goûtent l’urine 509 . De même, les remèdes à base de décoction, de poudre ou de
liqueur cadavériques périclitent 510 . Les pratiques gustatives et anthropophages ne sont plus
d’actualité dans l’art de guérir du XIX e siècle 511 .
Pour en finir avec la gustation, bien que les exemples rencontrés ne soient pas
légion, il semble que la pratique de l’autopsie médico-légale n’ait pas d’incidence sur
l’appétit du médecin. Rappelons, pour l’anecdote, l’exemple de ce médecin qui suspend
son expertise, entre-autre, parce qu’il ressent le besoin de se sustenter 512 . En revanche,
quels types de mets servent à assouvir sa faim, bien sûr il ne le précise pas, ce qui est à
déplorer pour l’historien. Certains aliments le dégoûtent-ils ? Sans confession de
praticiens, qui auraient pu en faire mention dans des journaux intimes ou dans d’autres
documents semi-privés et semi-professionnels, il est difficile d’apporter des éléments de
réponse. Cependant, à la lecture de témoignages contemporains, il apparaît que les
508
L’haleine d’un individu qui absorbe du cyanure, un des poisons les plus efficaces, exhale une odeur
d’amande amère.
H. Chouppe, « Cyanhydrique (Acide) (Toxicologie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880, 1 ère série, t. 24, p. 470.
509
François Millepierres, La vie quotidienne des médecins au temps de Molière, Paris, Hachette, Le livre de
poche, 1965, pp. 52-53.
François Lebrun, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux 17 e et 18 e siècles, Paris, Temps
actuels, La passion de l’histoire, 1983, pp. 59-61.
510
David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 118-126.
Pour une description de quelques usages thérapeutiques des sécrétions humaines et d’éléments cadavériques,
cf. par exemple l’ouvrage de Brigitte Rossignol, Médecine et médicaments au XVI e siècle à Lyon, Lyon,
Presses Universitaires de Lyon, 1990, pp. 81-85.
511
L’image du médecin cannibale perdure, du moins dans sa forme symbolique. L’assimilation à de la
boucherie et l’emploi, par les étudiants de médecine, de termes comme “viande” ou “bidoche” pour désigner
les corps qu’ils découpent, permet à Emmanuelle Godeau de conclure que la dissection s’apparente à de
l’anthropophagie.
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., pp. 32-35.
512
A.D.V., 2U 1507, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constatation du crime, le 23 avril 1831.
570

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
aversions alimentaires sont très subjectives. Si d’aucuns répugnent à manger un pavé de
bœuf trop saignant, voire deviennent végétariens 513 , d’autres ne se détournent ni de la
viande, ni des abats 514 dont la ressemblance avec les organes humains sont pourtant
flagrants : le rognon de porc comporte une forte similitude avec le rein humain.
Le dernier sens, la vue, est en réalité le premier pour l’homme de l’art qui procède à
un examen cadavérique judiciaire. “Autopsie” ne signifie-t-il pas “voir de ses propres
yeux” ? 515 La vue est d’une certaine manière le premier outil de l’expert. Avant d’inciser le
cadavre, le médecin le regarde, le scrute. La perception visuelle recèle un paradoxe, car
sens qui comble la distance 516 , il crée entre les individus un rapprochement sans contact,
presque une intimité. Dans la pratique des dissections, les médecins ont cherché des
moyens pour rompre le contact visuel afin d’oublier qu’ils découpaient la dépouille
mortelle d’un individu et ainsi focaliser leur attention sur la tâche qu’ils souhaitaient
effectuer.
La première technique est celle du morcellement. La somme des parties
désassemblées d’un cadavre ne forme pas le tout, c’est-à-dire le corps sans vie d’un
individu. Plusieurs découpages corporels sont utilisés. Il est possible d’user de stratagèmes
pour dissimuler le corps en ne laissant apparaître que la région à étudier. L’attroupement
d’observateurs autour de la table casse l’unité corporelle et fragmente la vue de celui qui se
trouve en arrière 517 . Nombre de tableaux représentant des leçons d’anatomie, dont quelques
exemples sont reproduits dans l’article de Dominique Clevenot 518 , montrent un cadavre
incomplet. Un drap, un morceau de toile, tel un linceul, peut rendre le même service pour
celui qui manie le scalpel et la pince à dissection 519 . Enfin, le dépeçage du corps, c’est-à-
dire sa réduction à l’état de fragments individualisés, autonomes et qui ont chacun leur
propre fonction au sein de l’organisme, permet de se détacher de l’image d’apparence
humaine du cadavre 520 . Outre permettre la dispersion plus facile du corps, le dépeçage
s’avère un procédé employé par le criminel pour déshumaniser la victime, car elle n’est
plus identifiable ; elle devient un puzzle charnel sans nom 521 . Les modèles en cire, qui ne
513 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 36.
514 Marie-Frédérique Bacqué, Claude Bersay, « Interview de Marie-Christine Dauge… », art. cit., p. 103.
515 Cf. l’introduction générale de la présente étude pour l’analyse étymologique et historique du terme
“autopsie”.
516 David Le Breton, Anthropologie du corps…, op. cit., p. 107.
517 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit.,, p. 29.
518 Dominique Clevenot, « Les leçons… », art. cit., pp. 137-158.
519 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 29.
520 Ibid., p. 30.
521 Cf. les réflexions d’Alexandre Lacassagne concernant les motivations qui poussent les meurtriers à
découper leur victime : Alexandre Lacassagne, « Du dépeçage criminel », Archives de l’anthropologie
571

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
présentent qu’un détail anatomique, morcellent également le corps et rendent leur vision
plus supportable, car l’attention se porte sur le fragment et occulte l’ensemble.
La dissimulation du corps disséqué se focalise surtout sur une région corporelle, le
visage, siège de l’identité et des émotions 522 . La perception médicale du corps diffère
beaucoup de la perception profane. La pudeur et la décence vis-à-vis de la dépouille se
déplacent, glissent d’une partie du corps à une autre. La nudité évoquée supra, et
principalement la nudité sexuelle sur laquelle les esprits vertueux concentrent leurs
récriminations, ne force pas des hommes de l’art troublés à détourner les yeux. En
revanche, le « regard de l’anatomiste » 523 fuit le regard de l’“anatomisé”, au même titre
que le bourreau ne peut exécuter sa besogne en regardant la victime dans les yeux.
L’analogie entre le bourreau et les divers professionnels médicaux du cadavre,
soulignée déjà à plusieurs reprises, est fréquente de la part de l’opinion publique. La
comparaison s’appuie essentiellement sur la perception populaire de leur activité, de la
fantasmagorie que chacun véhicule. Ici, le rapprochement est produit par l’attitude même
des intéressés à l’encontre des sujets sur lesquels ils interviennent. « L’échange des
regards » place les deux individus sur un pied d’égalité, souligne leur humanité commune,
et paralyse la main qui ne peut frapper un semblable, un égal. Il est impératif pour le
bourreau d’asseoir sa position d’être supérieur, sa domination, pour agir. Pour cela, « il
faut bander les yeux de la victime, il faut la retourner face contre terre, pour que l’homme
ordinaire qu’est le plus souvent un bourreau puisse “faire son devoir” » 524 .
Thomas Schnalke, analysant les modèles anatomiques en cire, remarque que « la
mort est inscrite dans le regard éteint des visages » 525 (illustrations 178 à 182, cf. annexe
51). Selon lui, l’absence d’étincelle de vie de la face, contrastant avec l’impression
saisissante que les autres éléments modelés semblent animés par une magnifique vitalité,
explique que l’observateur médical fassa montre d’une totale indifférence pour ce « visage
de cire qui n’appelle ni contact ni dialogue » 526 . Plus que de l’indifférence, il apparaît que
l’anatomiste se refuse à croiser un tel regard, en raison précisément de son extinction.
criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle. Législation et droit,
Lyon, Storck, 1888, t. 3, pp. 229-255.
522 Jean-Jacques Courtine, Claudine Haroche, Histoire du visage. Exprimer et taire ses émotions XVI e -début
XIX e siècle, Paris, Rivages, Histoire, 1988, 287 p.
523 L’expression est empruntée à Rafael Mandressi.
Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste…, op. cit., 339 p.
524 Véronique Nahoum-Grappe, « L’échange des regards », Terrain : Le regard, Paris, Ministère de la culture
et Maison des sciences de l’homme, mars 1998, n°30, en ligne (http://terrain.revues.org/).
525 Thomas Schnalke, « Modèles anatomiques… », art. cit., p. 109.
526 Ibid., p. 111.
572

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Dominique Clevenot remarque, à propos des représentations hollandaises des leçons
d’anatomie, réalisées au XVII e siècle, que « l’effacement du visage du mort que l’on a
constaté dans les œuvres précédentes, par une zone d’ombre ou par un bras, n’est donc
pas un simple fait de peinture, il est la transcription picturale d’une pratique effective » 527
(illustrations 185 et 186, cf. annexe 53). Emmanuelle Godeau relève aussi plusieurs
exemples contemporains de dissimulation du visage du mort sous un voile pudique 528 ,
déposé plus certainement pour assurer le confort du médecin que pour préserver la dignité
du défunt.
Cependant, l’usage demeure encore une fois très individualisé. Chaque praticien
procède selon ses propres critères de décence, de gêne, et selon ses capacités d’abstraction
de l’humanité du mort ou de la mortalité de l’humain. Certaines représentations de
dissection, commentées par Dominique Clevenot, exposent d’ailleurs très visiblement le
visage du défunt soumis au scalpel (illustration 187, cf. annexe 53). Alors qu’Emmanuelle
Godeau rapporte le témoignage d’une anatomopathologiste italienne qui, dès lors qu’elle a
terminé « l’indispensable examen médico-légal de la face, […] s’empresse de la recouvrir
jusqu’à la fin de sa tâche » 529 , une confrère française répond par la négative à la question
« Est-ce que vous regardez le visage ? Vous ne le masquez pas ? », et ajoute, comme pour
donner plus de poids à sa réponse, qu’elle « dialogue avec son corps » 530 .
Il semble en effet que les praticiens de l’autopsie, anatomopathologique ou médico-
légale, laissent dans une grande majorité le visage à découvert. L’iconographie qui illustre
La pratique des autopsies de Maurice Letulle 531 , un des seuls ouvrages comportant des
dessins des techniques d’ouverture et d’examen 532 , offre au regard de l’opérateur et du
lecteur un cadavre à visage découvert (illustration 31). En outre, sur quelques illustrations,
les yeux sont, si ce n’est ouverts, au moins mi-clos (illustration 32).
527 Dominique Clevenot, « Les leçons… », art. cit., p. 143.
528 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 31.
529 Emmanuelle Godeau, « Dans un amphithéâtre… La fréquentation des morts dans la formation des
médecins » Terrain : La mort, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme, mars 1993,
n°20, en ligne (http://terrain.revues.org/).
530 Marie-Frédérique Bacqué, Claude Bersay, « Interview de Marie-Christine Dauge… », art. cit., p. 102.
531 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., IV-546 p.
532 Sur les illustrations dans les traités médico-légaux cf. le chapitre 2.
573

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, d’après nature par G. Reignier,
Paris, Naud, 1903, p. 105.
Illustration 31 : Mise à nu de la cage thoracique, visage à découvert.
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies,
d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903, p. 128.
Illustration 32 : Décollement de la plèvre pariétale,
yeux mi-clos.
574
Reproduites d’après nature, comme la page
de titre l’indique, ces images ne laissent pas
de place au doute. Le souci du réalisme qui
anime l’artiste, dont le talent est mis au
service de la science et de la pédagogie, lui
interdit en quelque sorte de transformer ce
qu’il observe, d’adoucir certaines images.
Une illustration, présentée dans un autre
ouvrage de médecine légale, montre
également le cadavre sans masque. Là
encore, la réalité brute est exposée, la
bouche et les yeux sont ouverts 533 .
Quant aux autopsies médico-légales, l’absence de la moindre illustration dans les
rapports d’expertises poitevins, sous forme de dessin ou de photographie, ne facilite pas
l’analyse. Néanmoins, il faut noter qu’aucune indication, de nature à laisser supposer que
le médecin a couvert le visage du défunt, n’est apparue à la consultation des dossiers de
procédure. Le seul artifice, utilisé pour recouvrir le visage, que mentionnent ces
533 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies et de recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris, Octave Doin, 1910, p. 206.

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
documents, est la cage thoracique. Le protocole d’ouverture cadavérique suivi par
l’homme de l’art, ainsi que les circonstances traumatiques, peuvent l’amener à renverser la
partie antérieure du tronc vers le haut, c’est-à-dire sur le visage. Le praticien se crée ainsi,
consciemment ou non, un cache qui dissimule toute la face du défunt. Les Drs Auguste
Verger et Jules Pénard, médecins à Civray dans la Vienne, sont requis en juin 1841 à
l’occasion d’une affaire d’infanticide. Après les constatations externes, les deux experts
incisent les téguments de la poitrine et de l’abdomen, mettent à nu la cage thoracique. Ils
coupent alors les cartilages des côtes et retirent les dernières adhérences tissulaires. Enfin,
« la paroi antérieure du thorax est renversée sur le visage » 534 . Il semblerait en fait très
surprenant que les médecins experts couvrent le visage de la victime d’un morceau de
tissu. A l’inverse des corps dédiés à la dissection qui sont, et doivent demeurer, anonymes,
les dépouilles soumises à une autopsie judiciaire gardent leur statut d’individu.
L’anatomiste dissèque un corps humain lambda, il s’intéresse à la structure et au
fonctionnement de l’organisme. Le médecin expert, lui, se préoccupe d’une individualité,
avec une histoire sui generis. Visualiser le défunt dans son ensemble, et notamment la
partie qui le rend unique, peut faciliter l’individualisation du cas dans l’esprit et la
mémoire de l’homme de l’art. De plus, il est nécessaire que chaque spectateur de l’examen,
juge, gendarme, maire, mais aussi prévenu, soit en mesure de voir le visage et ainsi de
s’assurer de l’identité 535 .
Mais cette dernière ne révèle pas sa présence, durant l’autopsie judiciaire, par le
seul dévoilement du visage. Le nom du défunt ponctue le rapport du médecin, indice de la
difficulté rencontrée par quelques hommes de l’art pour occulter l’individu et se concentrer
sur ses blessures. D’autres, en outre, ont du mal à faire abstraction de leurs sentiments lors
de certaines affaires criminelles.
3) Des sentiments à contenir
Tout individu confronté à la souffrance et à la mort met en place des mécanismes
de défense qui lui permettent de prendre de la distance et ainsi de gérer une situation qui
peut devenir insupportable du fait de sa répétition. Des études sociologiques et historiques
534
A.D.V, 2U 1552, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal, le
13 juin 1841.
535
La dernière partie du présent chapitre et le chapitre 8 reviennent sur le statut particulier du visage dans la
pratique des examens cadavériques, sur les recommandations, les interdictions qui sont faites à son sujet,
ainsi que sur son rôle primordial dans l’identification des défunts anonymes.
575

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
réalisées sur les techniciens de la santé 536 ou de la mort 537 , ont mis en exergue le recul
nécessaire à ces professionnels pour effectuer convenablement et durablement leur métier.
La thèse d’Emmanuelle Godeau, soutenue en 2004 à l’EHESS de Toulouse et publiée dans
une version remaniée en 2007, démontre comment la formation des internes en médecine
déconstruit les tabous traditionnels de la mort et du sexe dans le but, d’une part, de créer
une cohésion entre les membres de l’internat, et d’autre part, pour faire sauter tous les
verrous comportementaux liés au corps, et permettre aux jeunes médecins d’aborder celui
de leurs patients sans gêne ni appréhension. Les recherches consacrées au milieu du
funéraire, dont la thèse de Julien Bernard 538 et les travaux de Sandrine Caroly et Pascale
Trompette 539 , soulignent l’exutoire que représente l’humour. Plaisanter avant et après des
funérailles permet évidemment de dédramatiser une situation, et d’exorciser toutes les
émotions et la tragédie à laquelle les employés de pompes funèbres sont confrontés.
Le savoir et la technicité sont aussi des refuges, des paravents émotionnels. Bruno
Bertherat, au cours d’une réflexion sur la puanteur cadavérique, aborde rapidement ce qu’il
nomme le « cliché » 540 du professionnel de la mort insensible, dont le médecin pâtit. Or, il
considère que « l’insensibilité est la contrepartie d’un savoir universitaire et de sa mise en
pratique » 541 . En d’autres termes, en focalisant son attention sur l’aspect scientifique, sur
l’intellectualisation du sujet qui lui est présenté, que ce dernier soit souffrant ou déjà
trépassé, l’homme de l’art peut parvenir à faire abstraction des sentiments du malade, de sa
famille et bien sûr des siens propres. Emmanuelle Godeau trouve, elle, dans l’utilisation
d’une terminologie uniquement médicale et scientifique, un autre exemple des procédés de
distanciation dont usent les médecins et les étudiants en médecine 542 .
Frédéric Chauvaud fait un constat similaire, en matière de médecine légale : « le
savoir grandissant sur les blessures et les plaies a pour conséquence d’édulcorer la
souffrance et l’horreur par le biais du discours savant. Ainsi les blessures par armes à feu
536
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., 335 p.
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., 301 p.
537
Julien Bernard, Emotions et rituel…, op. cit., 453 f°.
Sandrine Caroly, Pascale Trompette, « En aparté avec les morts… Peur, larmes et rire au travail : les métiers
du funéraire », Terrain : Peurs et menaces, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme,
septembre 2004, n°43, pp. 63-84.
Clara Saraiva, « Le mort maquillé. Funeral directors américains et fossoyeurs portugais », traduit du
portugais par Jean-Yves Durand, Terrain : La mort, op. cit., pp. 97-108, en ligne (http://terrain.revues.org/).
538
Julien Bernard, Emotions et rituel…, op. cit., f° 309-311.
539
Sandrine Caroly, Pascale Trompette, « En aparté avec les morts… », art. cit., pp. 63-84.
540
Bruno Bertherat, « Le miasme… », art. cit., p. 239.
541
Ibid.
542
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 30.
576

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
deviennent l’objet d’un descriptif “neutre” » 543 . Au même titre que le médecin doit bien se
garder de prendre parti pour l’accusation ou pour la défense 544 , il doit se contraindre à
exprimer une neutralité émotionnelle. Tout écart à ce précepte pourrait être extrêmement
préjudiciable à son avis d’expert. Paul Brouardel, partisan chevronné de l’indépendance et
de la neutralité des experts médicaux, met ses confrères en garde contre cet écueil. Pour sa
démonstration, il prend un exemple, celui de l’infanticide :
« On trouve le cadavre d’un nouveau-né. […] Le sentiment public est révolté. […]
Le cadavre est là, le juge, les témoins, l’expert ne voient que lui.
Trois mois plus tard, aux assises, les jurés, les juges, le public ont devant eux une
pauvre fille, séduite, ayant bonne réputation, abandonnée par un individu auquel la justice
ne demande aucun compte ; tout le monde a pitié d’elle […] ; paraît l’expert, il n’est pas,
lui, imprégné des sentiments qui ont envahi les assistants, les magistrats et les jurés ; il est
resté dans la première phase, celle dans laquelle l’indignation contre la criminelle était
universelle ; si dans sa déposition paraît un reflet de ces premières impressions, s’il ne
reste pas absolument sur son terrain scientifique, s’il laisse échapper une épithète
caractérisant l’intensité de la violence commise, […] s’il dit : “Les coups ont été portés
par une main furieuse”, c’est contre lui que se retournera l’indignation. Il doit […] se
garder de toute expression qui trahirait son appréciation personnelle » 545 .
Il semble que certains médecins poitevins, ayant fait office d’expert judiciaire, ne
sont pas parvenus à suivre un tel conseil. Les rapports médico-légaux 546 laissent parfois
transparaître l’émotion ou le sentiment du rédacteur, et par conséquent du médecin expert
qui est, à la fois, l’auteur de l’autopsie et de son récit. L’autopsie judiciaire étant
généralement liée à un acte violent, le vocabulaire émotionnel utilisé concerne soit la
victime, soit l’outrage qu’elle a subi. Le premier groupe lexical rencontré est celui qui
dépeint la compassion. Les hommes de l’art l’expriment grâce à des termes qui traduisent
l’infortune ou la vulnérabilité de la victime. Prosper Marillet, médecin à Saint-Léger dans
la Vienne, est appelé par le maire d’une commune voisine aux fins de constater la cause du
décès d’une enfant d’à peine 3 ans 547 . Après avoir relaté l’état du corps, Marillet donne les
antécédents médicaux de la fillette qu’il a soigné à plusieurs occasions. Il indique
543
Frédéric Chauvaud, « Le corps dans tous ses états », Sociétés&Représentations : Violences, sous la dir. de
Frédéric Chauvaud, Paris, CREDHESS, juin 1998, n°6, pp. 223-224.
544
Cf. le chapitre 4.
545
Paul Brouardel, L’infanticide, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris,
Baillière et fils, 1897, pp. VI-VII.
546
La question de la présence, plus ou moins marquée, des sentiments des médecins experts dans leurs
rapports est également abordée dans le chapitre 2, consacré à l’analyse de ce document singulier.
547
A.D.V., 2U 1707, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport de M.
Marillet, médecin, le 23 février 1879.
577

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
notamment que l’année précédente, il a traité « la pauvre petite malheureuse » 548 pour une
coqueluche.
Le terme “malheureux” apparaît fréquemment sous la plume des médecins experts.
Il peut d’ailleurs qualifier aussi bien la victime que le meurtrier, notamment les mères
infanticides. Cependant, la compassion est généralement suscitée par le défunt, surtout s’il
se trouve en position vulnérable, s’il est plus faible que son bourreau. Le 23 janvier 1858,
les Drs Henry Jourdain et Philibert Dusouil, respectivement praticien à Brioux et à Melle,
dans les Deux-Sèvres, procèdent à l’examen médico-légal du cadavre d’un nouveau-né.
Bien constituée et à terme, pesant 3 kg, la petite fille est venue au monde une dizaine de
jours plus tôt 549 . Après l’avoir étranglée, la mère a enfoui le corps sous de la litière, dans
un toit à moutons 550 . Or, durant les dix jours d’enfouissement, des rats ont « rongé » les
chairs de la « partie postérieure de la jambe et de la cuisse droites » 551 . Ces blessures post
mortem provoquées par les morsures de rats ont probablement affecté les deux experts qui
qualifient l’enfant, pourtant de très bonne constitution, de « frêle créature » 552 .
L’emploi de certaines comparaisons laisse entrevoir une forme de dégoût du
praticien face à un individu déshumanisé par l’agression subie et par le travail de la mort.
Requis le 15 mai 1879 par le juge d’instruction de Bressuire, chef-lieu d’arrondissement
des Deux-Sèvres, Samuel Petiteau, domicilié à Thouars, est chargé d’examiner le cadavre
d’un nouveau-né 553 . Il remarque que le corps est « couvert de cendres de bois et de
mauvais morceaux d’étoffe brûlés » 554 . A l’issue de son expertise complète, il arrive à la
conclusion que le cadavre a « probablement été enfoui dans un four ou plutôt dans un
baquet [contenant] des cendres chaudes en partie incandescentes » 555 . La « cuisson
lente » 556 à laquelle la dépouille a été soumise à eu des conséquences notables sur les
viscères. Le Dr Petiteau observe que le poumon a énormément souffert de la chaleur et,
pour employer une métaphore compréhensible de tout un chacun, indique qu’il est « cuit
comme du pâté » 557 . Un confrère de Niort, le Dr Tournade, ne cache pas la répulsion
548 Ibid.
549 A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins, le 23 janvier 1858.
550 Ibid., Procès-verbal du commissaire de police, le 22 janvier 1858.
551 Ibid., Rapport des médecins, le 23 janvier 1858.
552 Ibid.
553 A.D.D.-S., 2U 288, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Prestation de
serment du Dr Petiteau, le 15 mai 1879.
554 Ibid., Rapport du Dr Petiteau, le 20 mai 1879.
555 Ibid.
556 Ibid.
557 Ibid.
578

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
presque nauséeuse qui s’empare de lui, au cours de l’examen d’une femme ayant reçu un
coup de feu en pleine tête 558 . Décrivant la blessure située à l’arrière de la tête, orifice de
sortie des projectiles de la taille d’un poing environ, le médecin expert constate qu’au fond
se trouve « une bouillie écœurante de matière cérébrale » 559 .
L’implication émotionnelle des hommes de l’art atteint son paroxysme lorsque,
décrivant la violence de l’acte criminel et le calvaire vécu par le défunt avant son trépas,
les experts utilisent un vocabulaire qui exprime l’horreur. Deux médecins de Châtellerault,
Marie Fabien Touchois et Génie Mascarel, aidés d’un confrère de l’Indre-et-Loire, Olivier
Mascarel, se transportent le 1 er septembre 1849 dans la commune des Ormes, à l’extrême
nord du département de la Vienne, pour procéder à l’autopsie d’un couple qui a été
assassiné 560 . Pénétrant dans l’excavation rocheuse où se trouvent les deux corps, les
médecins experts arrivent dans une sorte de chambre, creusée dans le roc, dans laquelle se
trouve un lit au côté duquel repose le corps de la femme. A leur entrée dans cette « espèce
de repaire », les médecins rapportent qu’ils sont « frappés par le plus horrible tableau » et
semblent soulagés de quitter « ce lieu d’horreur » pour poursuivre leurs investigations 561 .
Quant à Jules Mascarel, appelé en octobre 1853 pour examiner les dépouilles d’une femme
et de son fils, il n’hésite pas à qualifier de « violences barbares » les plaies infligées au
crâne de la femme, et conclut que les blessures de la poitrine et de l’estomac, produites par
arme à feu, ont fait succomber le jeune homme dans « d’horribles souffrances » 562 .
Lors de l’étude consacrée au rapport d’autopsie 563 , il a été fait mention de l’emploi
du nom du défunt comme procédé permettant au médecin de garder une relative neutralité.
Qualifier le défunt de victime est un jugement, non une observation scientifique. En
contrepartie, la désignation du mort par son patronyme, parfois par son simple prénom, lui
confère toute la force de son identité et maintient son statut d’individu à part entière. La
distanciation s’avère plus malaisée à établir pour l’homme de l’art. Les nouveau-nés
constituent, de ce point de vue, des autopsiés singuliers. Anonymes car mis à mort à peine
mis au monde, ils n’ont ni identité, ni existence effective. Pour le village, et la postérité, ils
sont “l’enfant de la fille X. ou de la femme Y.”, si toutefois ils ont la chance que leur mère
558
A.D.D.-S., 2U 371, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide volontaire », Rapport
médico-légal, le 12 novembre 1903.
559
Ibid.
560
A.D.V, 2U 1599, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinats », Rapport des
médecins, le 2 septembre 1849.
561
Ibid.
562
A.D.V., 2U 1617, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Parricide et assassinat »,
Rapport du Dr Mascarel, s.d. [le 13 octobre 1853].
563
Cf. le chapitre 2.
579

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
soit connue. Privés brutalement de leur vie future, ils n’ont pas eu droit non plus à une vie
passée. En outre, le taux de mortalité infantile relativement élevé durant le XIX e siècle 564 ,
ainsi que la domination du crime d’infanticide 565 dans les activités médico-judiciaires des
praticiens de l’art de guérir, auraient tendance à banaliser ces décès.
Néanmoins, en raison de leur surnombre parmi les victimes de morts criminelles,
les enfants nouveau-nés représentent la part la plus importante des manifestations
émotionnelles exprimées par les médecins experts. En effet, nombre d’entre eux utilisent
l’expression “petit cadavre” pour désigner l’enfant. Un exemple pris dans chaque
département étudié suffit à l’illustrer. Pour le département de la Vienne, l’affaire se déroule
en avril 1840. Requis par le juge d’instruction de Montmorillon, Antoine Philippe
Delacoux-Deroseaux, médecin de l’hospice de cette même ville, est mis en présence d’un
nouveau-né sur lequel un premier examen a été pratiqué quelques jours auparavant 566 . La
première autopsie ayant altéré le corps, Delacoux-Deroseaux rapporte qu’il a procédé sur
« ce qui reste du petit cadavre » 567 . L’affaire des Deux-Sèvres date du mois d’août 1872 et
se déroule dans les environs de Thénezay. Jean-Baptiste Guillon, médecin dans cette
commune, se rend sur les lieux en compagnie du juge d’instruction, du procureur de la
République, d’un greffier et des gendarmes 568 . En préambule de son rapport, il relate
qu’« introduit dans un toit très obscur », on lui indique l’emplacement où a été enterré le
« petit cadavre » 569 . Plus loin dans le document, il utilise également l’expression « petit
corps » 570 .
L’adjectif “petit” ne correspond en aucune manière à une valeur métrique. Son
utilisation relève de l’affect et suggère la jeunesse, la vulnérabilité, la fragilité et même
l’innocence de l’être. Pour preuve, nombre de praticiens l’emploient indifféremment à
l’endroit des nouveau-nés et des enfants de quelques mois ou quelques années. En
septembre 1824, René Marie Delavau, docteur en médecine à Melle, aidé de Jean
564
D’après un graphique relevé dans l’Histoire de la population française, le taux de mortalité infantile est
d’environ 250‰ en 1800, chute à 170‰ en 1850 et atteint près de 150‰ en 1900.
Jacques Dupâquier (sous la dir. de), Histoire de la population française, t. III : 1789-1914, Paris, PUF, 1988,
p. 290.
565
Dans le corpus consulté pour la présente étude, le nombre d’infanticides et crimes assimilés (suppression
de part, exposition d’enfant, etc.) s’élève à 337 affaires sur un total de 690 dossiers de procédures, soit une
part de près de 49%.
566
A.D.V., 2U 1546, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
médecin, le 7 avril 1840.
567
Ibid., Rapport du médecin, le 13 avril 1840.
568
A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du
médecin expert, le 22 août 1872.
569 Ibid.
570 Ibid.
580

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Gaignepain, chirurgien à Lezay, procède à l’autopsie d’un nouveau-né dont il rédige le
rapport. Décrivant l’examen externe, Delavau indique qu’il s’agit d’un « petit cadavre de
sexe masculin » 571 . Six mois plus tard, le même Delavau est chargé, de concert avec Louis
Marie Modeste Mestayer, de l’examen cadavérique d’une enfant de 6 ans, à l’issue duquel
les médecins experts concluent à la mort par privation de nourriture 572 . Or, le récit de
l’examen externe s’ouvre en des termes similaires : « un petit cadavre de sexe féminin » 573 .
L’exemple du Dr Delavau fait apparaître un facteur important dans l’utilisation
d’un lexique de la sensibilité ou de l’émotion dans les rapports médico-légaux : le réflexe
rédactionnel. Le recours à des termes qui expriment un sentiment, apparu chez le médecin
lors de l’expertise, peut être assimilé au style usité par les hommes de l’art quand ils
rédigent un rapport médico-légal. Il a été noté, lors de l’analyse du rapport d’autopsie, que
pour pallier l’absence de directives rédactionnelles fournies par l’autorité judiciaire,
certains médecins établissent leur propre cadre de transcription de l’expertise 574 . Outre la
forme du rapport, les rubriques qui se présentent toujours de façon identique, les titres qui
sont répétés, quelques médecins experts se créent leur champ lexical médico-légal,
constitué d’expressions qui se retrouvent d’un rapport à l’autre. Il en est de même pour la
terminologie émotionnelle. L’emploi quasi systématique de l’expression “petit cadavre”,
pour désigner le nouveau-né, indique plus une habitude d’écriture et de langage qu’une
quelconque émotion qui aurait submergé l’homme de l’art.
En conséquence, il apparaît que les facteurs influant sur l’expression des sentiments
des experts médico-judiciaires, sont multiples. Tout d’abord, la personnalité de la victime
peut susciter un surcroît de pitié. Son âge, très jeune ou au contraire très avancé, sa
vulnérabilité, font de lui un être sans défense qu’il faut protéger. La personnalité du
meurtrier est, de même, un coefficient multiplicateur de l’émotion. Le lien de parenté avec
sa victime, par exemple, provoque incompréhension et mépris. Un troisième facteur, en
corrélation avec le précédent, est la violence et la cruauté, en particulier si elles sont hors
des standards criminels habituels. Mais, le facteur déterminant est, en réalité, indépendant
du crime lui-même. En effet, la personnalité du médecin, chargé de procéder à l’examen
post mortem, est sans nul doute l’élément qui influence dans une large mesure la rédaction
du rapport d’autopsie. En dépit des efforts qu’ils font pour demeurer neutres, distants,
571
A.D.D.-S., 2U 108, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport médical,
le 24 septembre 1824.
572
A.D.D-S., 2U 110, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Certificat du
médecin Delavau constatant l’opération cadavérique, le 31 mars 1825.
573
Ibid.
574 Cf. le chapitre 2.
581

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
impassibles, délivrés de tout sentiment de répulsion, de compassion ou de haine, les
hommes de l’art sont avant tout des individus sensibles, mus par des croyances, des
émotions, des peurs, voire des pulsions. Or, c’est précisément leur attitude détachée,
l’impression qu’ils se sont accoutumés à cette violence et à cette souffrance qui leur vaut
les plus vives critiques populaires. Bojidar Markovitch remarque que les profanes ont
beaucoup de mal à accepter l’autopsie, « froissés de l’apparente insouciance » de
praticiens qui s’y sont « depuis longtemps acclimatés » 575 .
Les examens cadavériques provoquent des divergences entre l’opinion publique et
les hommes de l’art. La perception profane et la perception médicale de ces actes diffèrent
sur nombre de point. Pour la population, toute intervention sur la dépouille mortelle d’un
individu est ressentie comme un acte mutilant, portant atteinte à sa dignité corporelle. Pour
le corps médical, tout en étant une preuve de son impuissance et de ses échecs, le cadavre
est une source de connaissances et de progrès scientifiques. De plus, les médecins doivent
affronter les préjugés suscités par l’acte, les critiques à leur endroit et leurs propres
sentiments.
En outre, les hommes de l’art se trouvent quelque peu dans l’embarras au sujet des
examens post mortem. Alors que les seules dépouilles confiées à leur scalpel sont celles
des indigents et des criminels, ils doivent parvenir à faire oublier au grand public que
l’ouverture cadavérique n’est en rien un châtiment ou un acte pratiqué dans l’indifférence,
afin de redonner toute sa dignité à l’autopsie. La population dans son ensemble a besoin
d’être rassurée sur le respect dû au défunt. Ainsi, le corps médical s’emploie à mettre en
avant les intérêts de l’examen cadavérique pour faciliter le travail d’acceptation de
l’entourage, intérêts dont celui-ci a, par ailleurs, pleinement conscience pour une large part.
575 Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 27.
582

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
III) EMERGENCE D’UN PROTOCOLE MORAL DE L’AUTOPSIE
Les examens cadavériques n’ont pas bonne presse. Ils pâtissent des peurs et des
croyances populaires relatives à la mort et au cadavre, et qui sont accrues par l’attitude,
réelle ou supposée, de leurs praticiens, ainsi que par la vision partielle et relativement
faussée que le grand public a de l’opération en elle-même. Par conséquent, il est impératif
au corps médical de mettre en place des stratégies qui doivent, soit occulter les aspects
négatifs des manipulations post mortem, soit favoriser les bienfaits et les secours qu’elles
peuvent apporter.
La promotion des examens cadavériques repose sur deux politiques. Il importe, en
premier lieu, de préserver les familles, et les futurs trépassés, en minimisant les atteintes
corporelles visibles ou perceptibles. Les hommes de l’art sont donc tenus de modifier leur
attitude et leurs agissements. En second lieu, les partisans et praticiens de telles opérations
doivent établir un argumentaire pour convaincre l’entourage du défunt, et à terme l’opinion
publique dans son ensemble.
A) Ménager la sensibilité de la famille
La manière de traiter et de manipuler les dépouilles mortelles préoccupe les
autorités dirigeantes. Dès lors que le trépas survient, le corps du défunt doit suivre un
cheminement précis et duquel il est interdit de le faire sortir, sous peine de contrevenir à la
loi. Le traitement du défunt après le dernier soupir, l’ensevelissement, la mise en bière, le
transport au cimetière et l’inhumation doivent correspondre à des critères rigoureux. La
crainte d’une mort, qui ne serait qu’apparente, dicte les agissements adéquats de la famille
qui doit proscrire toute précipitation 576 . Les déplacements post mortem sont codifiés, en
576 Arrêté du Préfet de police Frochot du 21 vendémiaire an IX (13 octobre 1800) :
Article 1 er : « Les personnes qui se trouvent auprès d’un malade au moment de son décès présumé,
éviteront de lui couvrir et envelopper le visage, de le faire enlever de son lit pour le déposer sur un sommier
de paille ou de crin, et de l’exposer à un air trop froid ».
Cité dans Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet…, op. cit., 1852, p. 401.
Circulaire du 25 janvier 1844 : « […] ainsi le corps doit être laissé dans son lit, on doit éviter de le
transporter sur un sommier de paille ou de crin, de l’exposer à un air trop froid, de couvrir et envelopper le
visage. Le corps doit rester dans toutes les conditions de chaleur et d’air susceptibles de faciliter le retour à
la vie. On doit se garder de procéder à l’ensevelissement, à la mise en bière et à toute (sic) autre opération
analogue […] ».
Cité dans Gabriel Tourdes, « Mort… », art. cit., pp. 589-590.
583

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
vue d’éviter quelques désagréments sanitaires 577 ou pour confondre les éventuels actes
délictueux, voire criminels. La mise en terre doit suivre une procédure préparatoire
définie 578 . Quant aux examens scientifiques pratiqués sur les défunts, ils n’échappent ni à
la règle, ni à la réglementation. Les recommandations qui intéressent les diverses étapes de
l’intervention, sa préparation, sa réalisation et son épilogue, ainsi que le comportement des
praticiens, visent notamment à la faire plus aisément accepter par le public.
1) Incisions et extractions
Parmi les différentes manœuvres dont le cadavre peut être l’objet, le législateur a
focalisé son attention sur l’élaboration de certaines d’entre elles, en laissant d’autres, a
contrario, à la libre considération des seuls savants qui s’y adonnent. La dissection
anatomique ne préoccupe nullement les autorités. Le sort de la dépouille soumise au
scalpel de l’anatomiste ne constitue plus une source d’intérêt pour les autorités municipale
ou judiciaire. En revanche, la façon de réaliser un embaumement interpelle ces mêmes
instances, dans la mesure où celle-ci peut représenter une entrave à la détection d’un crime.
En 1846, un premier décret gouvernemental interdit de vendre des préparations contenant
de l’arsenic aux fins d’embaumer les cadavres 579 . Puis, deux ans plus tard, un second
décret défend d’employer d’autres substances toxiques, tel le sublimé corrosif, pour ce
même usage. L’interdiction de l’utilisation de ces produits pour l’embaumement est
motivée par « l’impossibilité qui en [résulte] de pratiquer l’examen médico-légal en cas
d’empoisonnement par ces substances » 580 .
Eu égard aux divers textes réglementaires et législatifs, il apparaît que l’examen le
plus codifié est l’autopsie anatomopathologique pratiquée à l’hôpital. L’exploration des
577
Une circulaire en date du 8 août 1859 indique comment, lors d’un transport de corps entre deux
communes, se prémunir de la putréfaction : un cercueil en chêne, de la poudre désinfectante de sulfate de
zinc et de la sciure de bois, une lame de plomb entourant le corps.
Cité dans Gabriel Tourdes, « Mort… », art. cit., p. 591.
578
Décret du 27 avril 1889, en exécution de la loi sur les funérailles, proclamée le 15 novembre 1887 :
Titre II : Des inhumations
Article 12 : « Les cercueils doivent être déposés dans les fosses et tranchées, à une profondeur de
1m50 au moins ».
Article 13 : « Chaque fosse particulière doit avoir au minimum une largeur de 0m80 au moins, sur
une longueur de 2 mètres. Pour l’inhumation des enfants en bas-âge, les fosses peuvent être réduites à 1
mètre superficiel. Les fosses doivent être distantes entre elles de 0m30 au moins ».
Article 15 : « Dans les inhumations en tranchées, les cercueils doivent être distants les uns des
autres d’un moins 0m20 ».
Cité dans Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique…, op. cit., p. 183.
579
L. Hahn, L. Thomas, « Embaumement », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
de Léon Lereboullet, Paris, Asselin et Masson, 1886, 1 ère série, t. 33, p. 590.
580
Ibid.
584

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
organes constitue le premier élément sur lequel portent leurs recommandations. L’arrêté du
6 avril 1842 institue, tel un commandement, « on se bornera autant que possible à
l’exploration des organes dont l’étude paraît indispensable » 581 . Le règlement général des
hôpitaux présenté par Emile Goubert contient la même préconisation : « L’autopsie devra
se borner aux recherches nécessaires pour reconnaître les causes de la mort » 582 . La
restriction de l’examen à l’organe supposé responsable de la maladie, puis du décès,
s’explique en premier lieu par sa conjoncture. L’homme de l’art qui souhaite découvrir les
causes anatomopathologiques du trépas a un préjugé vis-à-vis de celles-ci. En soignant le
défunt, il a constaté des symptômes, élaboré un diagnostic, administré une thérapeutique,
observé la dégradation de la santé du malade jusqu’à l’issue fatale. Par conséquent, il sait
dans quelle région corporelle chercher l’explication du trépas.
Une telle focalisation de l’attention du praticien sur un viscère, à l’exclusion de tous
les autres, est vivement critiquée par quelques praticiens. Marc Sée, auteur de l’article du
Dictionnaire Dechambre consacré à l’autopsie anatomopathologique, s’élève contre ce
laxisme opératoire : « Quand le sujet dont on veut faire l’autopsie, a succombé à une
maladie connue, ou que l’on a pu observer pendant la vie, on se contente quelquefois
d’examiner l’organe qu’on suppose être le siège de la lésion » 583 . Il s’agit, selon lui, d’une
grave erreur scientifique, notamment lorsque la maladie ou la lésion responsables sont de
nature inconnue. Il indique qu’en occultant les autres organes, l’homme de l’art « perd
ainsi l’occasion de constater des altérations extrêmement intéressantes, se rattachant ou
non à celles qui ont provoqué la mort » 584 . Gustave Roussy et Pierre Ameuille, auteurs
d’un ouvrage sur le Technique des autopsies et des recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre font des remarques identiques. Avec ce qu’ils nomment la « méthode
française », l’autopsie est réalisée à la hâte et ne porte que sur l’organe présumé malade 585 .
Ces auteurs souhaitent hisser au rang de précepte général la notion selon laquelle l’autopsie
doit impérativement être complète 586 .
La seconde explication à l’exploration restreinte des cavités et des organes est la
présentation potentielle à la famille, à l’issue de l’examen. Pour éviter de choquer une
581 Arrêté du Conseil général des Hospices, en date du 6 avril 1842, article 7.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 105.
582 Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 5.
583 Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 412.
584 Ibid.
585 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., pp. 8-9.
586 Ibid., p. 12.
585

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
famille endeuillée, les hommes de l’art doivent s’efforcer de préserver au maximum
l’image que les proches ont conservé du défunt. Emile Goubert justifie la publication de
son ouvrage consacré aux autopsies anatomopathologiques par les divergences techniques
qui les distinguent des autopsies judiciaires. Or, il résume la distinction ainsi : « Dans nos
salles d’hôpitaux, il nous faut respecter le sujet, et à cause du règlement, et parce qu’il
sera souvent visité ultérieurement par la famille » 587 . Si un médecin est autorisé par les
proches à examiner la dépouille de l’un de ses malades, « il doit s’attacher à ne laisser
aucune trace visible de l’opération » 588 . Il convient donc de ne pas multiplier les incisions
qui seraient par trop ostensibles et somme toute inutiles. Pourquoi ouvrir la boîte crânienne
d’un individu qui, durant sa maladie, s’est plaint de douleurs à l’estomac ? De plus, la peau
est le support de l’identité. Le principal argument qui justifie d’exposer les cadavres
déshabillés à la Morgue est que « la nudité des corps met en évidence les caractéristiques
de l’individualité » 589 . Toutes les marques épidermiques, naturelles, professionnelles ou
artificielles, font de l’individu un être unique. Il est donc est impératif que l’opérateur
effectue le moins possible de lacérations dans la toile sur laquelle l’identité est peinte et se
lit.
En conséquence, le médecin qui souhaiterait élargir ses investigations exploratrices
est contraint d’en référer à sa hiérarchie pour en obtenir l’autorisation. Après avoir décrit
par le menu les procédés employés pour réaliser une autopsie anatomopathologique, André
Bergé conclut que là se borne l’examen : « la dissection des autres parties du corps,
notamment des membres ne peut être faite que sous condition » 590 . Il précise ces conditions
dans une note. La poursuite approfondie des recherches doit être approuvée et signée par le
chef de service, puis par le directeur de l’hôpital 591 . Malgré la remarque de Roussy et
Ameuille, qui assurent qu’aucun « règlement ne limite les dimensions et le nombre
d’incisions à pratiquer sur le cadavre » 592 , il semble que nombre de médecins aient intégré
ce précepte.
En outre, certaines parties du corps sont prohibées. Les mains et le visage
constituent les deux principales régions à exclure de l’examen. A cela, deux raisons. Tout
587
Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. XI.
588
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 25.
589
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 175.
590
André Bergé, Guide de l’étudiant…, op. cit., p. 209.
591
Ibid., note infrapaginale.
592
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 310.
586

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
d’abord, ce sont les principaux sièges de l’identité 593 , les parties à découvert que tout un
chacun peut voir et donc reconnaître. Or, c’est précisément leur visibilité qui constitue le
second obstacle à leur dissection. Alors que le corps est habillé, le visage et les mains
demeurent à découvert 594 . Encadrant le visage, le crâne et le cou sont également des
régions à préserver des incisions, en anatomie pathologique. Et, si l’examen de ces parties
est indispensable, les hommes de l’art doivent pratiquer des incisions faciles à dissimuler :
ne pas couper ou raser les cheveux permet, en les coiffant habilement, de masquer
l’incision. Le visage est la région à préserver par excellence : « Dans aucun cas, le visage
ne peut être mutilé » 595 . Les organes de la face ne sont examinés qu’en cas de nécessité
absolue et de préférence en les abordant par derrière, après extraction du cerveau.
Plus étonnant, car il s’agit de la seule partie du corps dissimuler aux yeux d’autrui
en toutes circonstances, Maurice Letulle indique qu’il est strictement interdit de porter le
moindre coup de scalpel à la verge ou aux bourses d’un cadavre soumis à une autopsie
médicale, sauf si les organes uro-génitaux sont liés à la pathologie dont souffrait le
malade 596 . L’auteur ne donne pas de raisons à une telle interdiction. Il est cependant
possible d’avancer deux hypothèses : d’une part, il semble difficile de masquer une telle
mutilation, la reconstitution de l’appareil génital après examen faisant alors appel à des
techniques de chirurgie réparatrice très pointues, que seuls des spécialistes sont en mesure
de maîtriser 597 ; d’autre part, peut-être faut-il y voir une réaction masculine à la peur de la
castration qui explique que des médecins aient besoin d’une absolue nécessité pour porter
atteinte à ce qui fait la particularité de l’individu mâle, au symbole de sa virilité.
593 Cf. les développements concernant la « main mémoire » dans l’article consacré aux mains, dans le
catalogue du musée d’Orsay pour l’exposition « Le corps en morceaux ».
Anne Pingeot, « Mains sculptées » in Le corps en morceaux…, op. cit., pp. 171-172.
Emmanuelle Godeau note que « toutes les parties de la personne humaine ne sont pas aussi facilement
“anatomisables”. Il en est ainsi des visages et des mains ».
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 31.
594 De telles recommandations dictent encore les procédures d’examen d’anatomie pathologique, comme
l’indique l’interview d’un praticien en 2002 : « on doit préserver le visage et les mains, la cicatrice
thoracique sera masquée, souvent par la chemise et la cravate ou le chemisier ».
Marie-Frédérique Bacqué, Claude Bersay, « Interview de Marie-Christine Dauge… », art. cit., p. 101.
595 Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 5.
596 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 134.
597 Les techniques de chirurgie plastique décrites dans le traité d’anatomie de Bourgery ne comportent aucune
indication sur une intervention réparatrice des organes génitaux.
Jean-Marc Bourgery, Claude Bernard, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant l’anatomie
chirurgicale et la médecine opératoire, t. 7 : Anatomie chirurgicale et médecine opératoire avec traités
complémentaires de sclérotomie, ophtalmologie, ténotomie, etc. (deuxième partie), planches par le
professeur-dessinateur-anatomiste Nicolas-Henri Jacob, Paris, L. Guérin Editeur, 1866-1871, 356-LII p. + 77
planches + supplément de planches A à P.
587

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
A contrario, les médecins qui sont appelés pour effectuer une autopsie judiciaire
demeurent les maîtres absolus de leur technique d’examen. Parmi les Considérations
générales sur les autopsies médico-légales, qu’il rassemble pour constituer sa thèse de
doctorat de médecine, Onofre Herrera indique que « le médecin pratique l’opération
comme bon lui semble », en usant du « procédé qu’il estime le plus convenable » 598 . Les
seules restrictions auxquelles il doit se plier lui sont imposées par la science : « Le médecin
désigné et assermenté agit comme il le croit convenable, en se conformant aux préceptes
de la science » 599 . Une telle liberté, quant aux actes et aux techniques mis en œuvre pour
établir les circonstances et les causes du décès est néanmoins critiquée par quelques
admirateurs de la pratique médico-judiciaire d’outre-Rhin extrêmement codifiée.
Alexandre Lacassagne considère que le « Code d’instruction criminelle si formaliste, pour
les magistrats chargés de l’enquête ou de l’instruction d’un crime, laiss[e] trop d’initiative
ou de latitude au médecin expert » 600 . Ce dernier jouit d’une liberté absolue : « Celui-ci
procède à un examen ou fait une autopsie comme il l’entend. L’ordre, la méthode si
indispensables en ces sortes d’opérations ne sont pas imposées (sic) » 601 .
L’autopsie médico-légale fait notamment figure d’exception au sujet de
l’interdiction de toucher à la face. Nécessité faisant loi, le visage peut être l’objet
d’incisions, de dénudations, actes extrêmement mutilants. En effet, les blessures
éventuelles que la victime peut porter à la face doivent donner lieu à une dissection
minutieuse, au même titre que toute blessure située à un autre endroit du corps. Les Drs
Moreau et Barrilleau, praticiens à Poitiers, procèdent à un examen en profondeur des
diverses lacérations qu’un homme a reçues sur le côté gauche du visage au moyen d’un
couteau 602 . Quatre plaies le défigurent : trois, peu importantes, se situent au sourcil, à la
paupière et à la lèvre supérieure ; la quatrième en revanche est une grande balafre qui court
de l’os de la pommette au maxillaire inférieur 603 . Afin d’observer les dégâts provoqués par
la lacération de la joue, les deux médecins experts ont « détaché les parties molles
supérieurement et inférieurement jusqu’à la clavicule » 604 . L’opération a entraîné une
598 Onofre Herrera, Considérations générales sur les autopsies médico-légales, thèse pour le doctorat de
médecine, sous la présidence de Balthazard, Faculté de médecine de Paris, Jouve, 1920, n°532, p. 17.
599 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 421.
600 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, 1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm.,
Lyon, Storck, 1900, p. VII.
601 Ibid.
602 A.D.V., 2U 141, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Procès-verbal des
docteurs médecins, le 2 septembre 1833.
603 Ibid.
604 Ibid.
588

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
destruction totale de la moitié du visage du défunt. En juillet 1852, les Drs Philibert
Dusouil et Jean Isaac Drouhet doivent examiner un homme qui porte de multiples
blessures sur le visage, produites « à l’aide d’un instrument contondant agissant avec assez
de violence » 605 . La victime a plusieurs plaies et des fractures au niveau des yeux, du nez,
des lèvres et du menton. Pour s’en assurer et en apprécier la gravité, les médecins
pratiquent une « incision cruciale sur le front », commencent par mettre à nu les os du
front et des orbites et achèvent l’exploration par le maxillaire inférieur 606 .
Même dans l’éventualité où la tête ne présente aucune lésion à explorer, l’examen
médico-légal peut s’avérer mutilant, en raison des techniques employées pour ouvrir la
boîte crânienne, la cavité buccale et le cou. La plupart des auteurs recommandent, avant
toute incision du cuir chevelu, de couper ou de raser les cheveux 607 . Outre le fait de
pouvoir aisément constater la présence d’une blessure, cela permet aussi d’éviter que le
scalpel s’émousse en passant sur les cheveux 608 . Puis, le médecin pratique une incision soit
cruciale, soit circulaire, selon les ouvrages spécialisés. La première se compose de deux
incisions qui se croisent sur le sommet du crâne, l’une allant de la racine du nez à la partie
postérieure du cou, l’autre reliant les oreilles 609 . Quatre lambeaux tégumentaires sont ainsi
créés. La seconde procédure commence au-dessus des sourcils, se prolonge sur le côté de
la tête et s’achève au-dessous de la protubérance occipitale 610 . Qu’il choisisse l’un ou
l’autre procédé, le médecin expert imprime de manière visible et indélébile le visage du
défunt, l’absence de chevelure empêchant par ailleurs toute possibilité de dissimulation
ultérieure. Certains médecins usent également de manœuvres qui altèrent inéluctablement
la face. Le 31 juillet 1843, le Dr Chebron, médecin à Niort, effectue l’examen médico-légal
du cadavre d’un nouveau-né. Une première autopsie a été pratiquée la veille par un autre
expert 611 . Lors de la description des incisions et des explorations effectuées par son
confrère, Chebron signale que la cavité buccale et ses annexes ne semblent avoir été
605
A.D.D.-S., 2U 212, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Procès-verbal
médical, les 22 et 23 juillet 1852.
606
Ibid.
607
Cf. par exemple, Charles Marc, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, traduction de
Taschenbuch für gerichtliche Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen Leichenöffnungen de Theodor
Rose, Paris, Duminil-Lesueur et Crochard, 1808, p. 19 ; Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1,
p. 104 ; Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 413.
608
Thomas Harris, Manuel d’autopsies ou méthode de pratiquer les examens cadavériques au point de vue
clinique et médico-légal, traduit de l’anglais par H. Surmont, Bruxelles, Manceaux, 1888, p. 60.
609
M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, p. 96.
610
« Cadavre », art. cit., pp. 176-177.
611
A.D.D.-S., 2U 185, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
rapport du Dr Lamontagne, le 30 juillet 1843.
589

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
soumises à aucun examen 612 . L’homme de l’art y procède alors. Pour accéder plus
facilement aux organes de la bouche, il effectue une incision qui part de chaque
commissure des lèvres et rejoint l’articulation de la mâchoire 613 . Autrement dit, il fend les
joues dans toute leur étendue et défigure le nouveau-né.
Il convient cependant de nuancer la liberté d’exécution absolue du médecin expert.
En posant un certain nombre de questions très précises sur les circonstances et la cause du
décès, le juge d’instruction influence en quelque sorte la réalisation de l’examen médico-
légal. En novembre 1884, le juge d’instruction de Bressuire, arrondissement du nord Deux-
Sèvres, commet les Drs Foucart, Brillaud et Lecointre pour examiner un homme atteint en
pleine poitrine par un coup de feu. L’ordonnance du juge demande tout particulièrement
d’examiner les blessures, d’en expliquer la nature et d’indiquer quelle est la cause des
plaies et du décès 614 . Ainsi guidés dans leur expertise, les trois médecins experts focalisent
leur attention sur la blessure thoracique, la disséquant pour en suivre le trajet à travers les
chairs, et ne jettent aucun regard à l’abdomen ou à la tête 615 .
En outre, l’autonomie d’action accordée au praticien médico-légal s’explique par la
relative absence de confrontation visuelle, entre la dépouille et la famille du défunt, après
la réalisation de l’autopsie. Propriété de la justice qui pourrait avoir encore besoin de le
solliciter, notamment pour une contre-expertise, le corps autopsié est généralement
enveloppé d’un linceul sur lequel des scellés sont apposés, puis placé dans un cercueil et
inhumé, sans que la famille ait la possibilité d’y porter le moindre regard. Néanmoins, des
nuances doivent être de nouveau indiquées. En s’intéressant plus attentivement au
traitement des dépouilles à l’issue de l’autopsie judiciaire, il apparaît que l’entourage du
défunt peut prendre en charge le processus funéraire : récupération de la dépouille, mise en
bière, inhumation. Le 18 avril 1839, le procureur du roi de Melle, arrondissement du sud
des Deux-Sèvres, est informé que lé dépouille d’un nouveau-né a été découvert dans un
trou situé dans un mur 616 . Après les constatations d’usage effectuées sur place, le magistrat
confie le corps à un médecin qui effectue l’expertise cadavérique. A l’issue de cet examen,
612
Ibid., Procès-verbal de rapport du Dr Chebron, le 31 juillet 1843.
613
Ibid.
614
A.D.D.-S., 2U 309, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Ordonnance à
trois médecins, le 3 novembre 1884.
615 ème
Ibid., 2 rapport des Drs Brillaud, Lecointre et Foucart, le 5 novembre 1884.
616
A.D.D.-S., 2U 170, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
transport, le 18 avril 1839.
590

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
le procureur remet le corps au père de la prévenue, c’est-à-dire au grand-père de l’enfant,
et lui demande de faire procéder à son inhumation 617 .
De plus, des voix s’élèvent au sein du corps médico-légal. Le fait que la famille ne
voit pas toujours le corps après l’autopsie, n’autorise pas les hommes de l’art requis
comme experts à faire n’importe quoi lors de l’examen. François Chaussier s’insurge, dès
les années 1820, contre les procédés employés jusqu’à présent, par ses confrères, pour
effectuer les autopsies médico-légales. Selon lui, il est impossible d’imaginer que les
« recherches d’un homme sage et sensible » puissent laisser le cadavre « ainsi déformé,
altéré, ensanglanté dans toutes ses parties » 618 . Quelques années auparavant, Paul Mahon
s’était lui aussi élevé contre certaines procédures opératoires. Il recommande de ne pas
prolonger inutilement la partie de l’incision qui divise le front, car il en « résulte toujours
un spectacle hideux et dégoûtant » 619 .
Quant à la technique d’ouverture de la cavité buccale, elle est vivement décriée par
François Chaussier, et donc par Renard à qui Chaussier a fourni le travail qui lui tient lieu
de thèse 620 . L’un des illustres théoriciens de la pratique cadavérique judiciaire considère
que la section des joues est une « manière longue
et grossière » 621 qui a pour inconvénient d’altérer
les rapports des différents organes à examiner, en
sus d’être mutilante. Il préconise, par conséquent,
un autre procédé. Il consiste à réaliser une
première incision verticale qui fend la lèvre
inférieure, divise le menton en son milieu,
continue sur la longueur du cou et s’arrête au
niveau du sternum. Une seconde incision est
ensuite effectuée en suivant le maxillaire
inférieur 622 (illustration 33). L’atteinte au visage
est ainsi de moindre importance.
617
Ibid.
618
François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit., p. 20.
619
Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 234.
620
Cf. le chapitre 3.
621
M. Renard, « Considérations médico-légales… », op. cit., p. 111.
622 Ibid.
591
Source : François Chaussier, Recueil de
mémoires…, 1824, p. 505.
Illustration 33 : Incisions pour l’ouverture de
la bouche et du cou.

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Le second point sur lequel la réglementation est stricte concerne le prélèvement
éventuel d’organes. Si en matière de dissection, il est prohibé « d’emporter hors des
amphithéâtres d’anatomie des cadavres ou des portions de cadavre » 623 , il n’est pas
défendu de procéder à un prélèvement qui demeurerait dans l’enceinte de la Faculté ou de
l’amphithéâtre. Les extractions viscérales sont, au contraire, extrêmement surveillées dans
les établissements hospitaliers. L’arrêté du 6 avril 1842, institué par le Conseil général des
Hospices, indique qu’« aucune partie des corps ne pourra être emportée » 624 . La circulaire
du 12 février 1868, réactualisée par les textes du 6 mars 1869 et du 20 janvier 1900, établit
la « procédure permettant aux chefs de service de prélever certains organes après
autopsie » 625 . L’homme de l’art qui souhaite effectuer le prélèvement d’un organe doit en
faire la demande et obtenir l’autorisation de l’administration : « On peut sortir de l’hôpital,
même ostensiblement, des pièces quelconques si l’on s’est muni d’un bon du directeur » 626 .
Hors les murs de l’hôpital, le prélèvement et la conservation de pièces anatomiques
ou anatomopathologiques sont également soumis à autorisation. Gabriel Tourdes signale
que « le médecin n’a droit de conserver des fœtus présentant des monstruosités,
conservation utile à la science, qu’en vertu d’une autorisation du maire ou du préfet de
police à Paris » 627 . En revanche, l’enjeu judiciaire fait encore une fois exception à la règle.
Si l’article 7 de l’arrêté du 6 avril 1842 interdit les prélèvements, il n’en précise pas moins
que la règle ne s’applique pas aux examens ordonnés par les représentants de la justice :
« Aucune partie des corps ne pourra être emportée, sauf toutefois le cas où, l’autopsie
ayant été demandée par ordre du Procureur de la République ou de M. le Préfet de Police,
ainsi qu’il est dit à l’article 4, le praticien jugerait la représentation d’organes nécessaire
dans les investigations ultérieures » 628 .
Le médecin qui réalise un examen post mortem sur demande judiciaire ou administrative,
en raison de la suspicion qui pèse sur le trépas, est en droit de faire tous les prélèvements
d’organes qu’il estime nécessaire, en vue d’analyses ou d’expériences plus approfondies :
« Le prélèvement des pièces que l’expert doit transporter et examiner lui-même au
laboratoire (fragments des viscères pour examen histologique, etc., vêtements avec taches,
623 Ordonnance de la Préfecture de police de Paris, en date du 25 novembre 1834, article 11.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
624 Arrêté du Conseil général des Hospices, 6 avril 1842, article 7.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 105.
625 Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 119.
626 Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 5, note infrapaginale.
627 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 371.
628 Arrêté du Conseil général des Hospices, 6 avril 1842, article 7.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., pp. 105-106.
592

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
instruments tachés, etc.) n’est soumis à aucune formalité, l’examen n’étant ici que la
continuation de la mission que l’expert remplit sous la foi du serment […] » 629 .
Le Dr Jaurand, médecin à Airvault dans les Deux-Sèvres, est requis pour examiner le
corps d’une fillette de 26 mois, supposée décédée à la suite de mauvais traitements. Les
circonstances et les témoignages laissent penser qu’un empoisonnement a pu être perpétré.
Bien que lui-même ait la « conviction » qu’il ne s’agit pas d’un empoisonnement, il a cru
bon de « faire remettre au parquet les organes contenus dans le ventre pour les
analyser » 630 . Alors qu’il agissait sur réquisition du juge de paix, le médecin a pris
l’initiative de retirer les viscères abdominaux pour les transmettre au procureur, afin que ce
dernier puisse, s’il le juge nécessaire, faire réaliser une expertise chimique.
A travers ce tour d’horizon des restrictions opératoires émises par les instances
hospitalières ou administratives, en réponse ou par anticipation de réactions des familles
des défunts, il ressort que la procédure utilisée pour réaliser une autopsie médicale est la
plus encadrée. Néanmoins, les prescriptions officielles peuvent être aisément contournées.
En raison de leur aspect autrement plus public, les recommandations qui ont trait au
traitement de la dépouille après l’examen sont plus strictes.
2) Reconstitution et dissimulation
Qu’advient-il du corps après son passage entre les mains et surtout sous le scalpel
de l’anatomiste, de l’adepte d’anatomie pathologique ou du praticien de la médecine
légale ? La mise en lumière forcée de ces pratiques, au travers de certains scandales, laisse
entrevoir les manières de tables de dissection. Les insultes proférées en 1901, à l’endroit de
Gilles de la Tourette et de ses collaborateurs, à l’occasion de l’autopsie du gardien de la
paix, ont pour origine le traitement que la dépouille a subi à l’issue de l’ouverture 631 . En
laissant de côté les informations délirantes, comme l’introduction de divers corps étrangers
dans les cavités, cette affaire permet d’avoir quelques indications sur les manœuvres
effectuées sur les corps examinés dans les hôpitaux. Les organes ne pouvant être conservés
sans autorisation, ils sont remis dans leurs cavités respectives. Les garçons d’amphithéâtre
sont accusés d’avoir interverti les viscères de plusieurs cadavres 632 . La reconstitution du
corps ne semble indispensable que pour les défunts dont la dépouille est restituée à la
629 Léon Thoinot, L’autopsie médico-légale, Paris, Baillière, 1910, pp. 100-101.
630 A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide involontaire », Rapport médical, le 23 mars 1872.
631 « Le secret des expertises », art. cit., p. 316.
632 Ibid., p. 317.
593

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
famille. Le manuel de « Technique des autopsies et des recherches anatomo-pathologiques
à l’amphithéâtre », de Roussy et Ameuille, préconise la « reconstitution et [la] toilette du
cadavre après l’autopsie » 633 . Les organes sont replacés « pêle-mêle » dans les cavités, les
incisions sont refermées, le corps est lavé et séché, et enfin habillé 634 . Toutes ces
précautions doivent évidemment permettre de « ménager la famille », mais surtout servir à
« éviter les campagnes contre les pratiques de l’autopsie » 635 .
Dans la pratique médico-légale, la préservation des susceptibilités et des sensibilités
familiales sont presque secondaires. Les recommandations relatives au traitement
“postopératoire” du corps ne se fondent pas sur la présentation à la famille. Plus
exactement, les médecins experts n’ont pas à la prendre en considération, car elle ne doit
pas avoir lieu. En effet, même si le corps est restitué à la famille, pour les funérailles et
l’inhumation, la dépouille demeure la propriété de l’institution judiciaire, qui peut à tout
moment décider d’en disposer à nouveau. Par conséquent, le corps est généralement placé
dans un linceul, sur lequel l’autorité en présence appose des scellés, puis déposé dans un
cercueil, parfois également scellé. La dépouille est alors soit rendue à l’entourage, soit les
autorités municipale ou judiciaire font elles-même procéder à l’inhumation. Le 10 octobre
1834, un meunier découvre le cadavre d’un nouveau-né dans l’écluse de son moulin. Il
prévient le juge de paix de Secondigny, canton des Deux-Sèvres, qui se transporte sur les
lieux avec un greffier, des gendarmes et un chirurgien 636 . Le magistrat de la justice de paix
requiert l’homme de l’art de procéder à l’examen, puis, celui-ci achevé, fait envelopper le
corps dans un linge qui est cousu 637 . Il appose sur la couture, à deux endroits différents,
son sceau et charge le meunier d’effectuer l’inhumation au cimetière de Secondigny 638 .
De plus, les prescriptions techniques et opératoires relatives à la remise en place des
organes, à la suture des incisions, en un mot à la reconstitution du corps, sont avant tout
motivées par des préoccupations d’ordre scientifique. Les auteurs qui font cette
recommandation ont tous la même justification : une contre-expertise peut toujours être
demandée. Qu’ils aient écrit au début du XIX e siècle, comme Renard 639 utilisant les
réflexions de François Chaussier, ou à la toute fin de ce siècle, tel Gabriel Tourdes, les
auteurs sont unanimes : « L’autopsie terminée, les organes sont remis en place, les cavités
633
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 308.
634
Ibid., pp. 308-310.
635
Ibid., p. 310.
636
A.D.D.-S., 2U 144, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal du
juge de paix, le 10 octobre 1834.
637
Ibid.
638
Ibid.
639
M. Renard, « Considérations médico-légales… », op. cit., p. 125.
594

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
sont refermées, la peau est recousue ; une nouvelle expertise doit être possible » 640 . Leur
examen achevé, les deux experts médicaux, requis par le premier suppléant du juge de paix
de Thouars, ont replacé dans la cage thoracique les organes qu’ils en avaient extraits, et
suturé l’incision cruciale de la poitrine. Cela est précisé par le second examen, réalisé
quelques jours plus tard sur demande du juge d’instruction 641 .
Néanmoins, certaines contre-expertises réalisées dans les départements du Poitou,
apportent quelques doutes quant au respect effectif de ce conseil. Le Dr Chebron, praticien
à Niort, doit procéder à l’examen cadavérique d’un nouveau-né, en juillet 1843. Lorsque le
corps de l’enfant lui est présenté, il constate de suite que les diverses incisions pratiquées
pour la première autopsie n’ont pas été refermées. L’absence de sutures est clairement
mentionnée par l’une des indications du médecin expert. Avant de commencer ses propres
constatations, Chebron signale qu’il a « cousu les parois de l’abdomen, du thorax et le cuir
chevelu » et lavé le corps 642 . Cependant, sa description suggère que les viscères,
notamment le cerveau et les poumons, ont été remis en place à la fin du premier examen 643 .
D’autres contre-expertises révèlent que certains médecins experts ne se donnent pas cette
peine. Le 13 avril 1840, Antoine Philippe Delacoux-Deroseaux fait ouvrir la « boîte de
bois fermée et cachetée » 644 dans laquelle un nouveau-né a été inhumé, à la suite de la
réalisation de l’autopsie le 7 avril 645 . Outre la béance des incisions non refermées, l’homme
de l’art constate que manquent « en totalité ou en partie les principaux organes cérébraux,
respiratoires, circulatoires, digestifs » 646 . Une telle lacune l’oblige à signaler que son
expertise ne pourra, en voie de conséquence, « être qu’imparfaite » 647 .
Comment expliquer un tel laxisme de la part de certains médecins experts ? La
quasi-certitude que la famille ne sera pas en mesure de poser les yeux sur leur œuvre
médico-légale, peut être une première raison. Néanmoins, il est difficilement concevable
qu’un praticien ait une idée précise de la suite des événements cadavériques. Il ne peut en
aucun cas être assuré que la famille ne récupèrera pas le corps, notamment si l’expertise
conclut que la mort n’est pas criminelle. Il apparaît, en effet, que dans les procédures
640 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 417.
641 A.D.D.-S., 2U 112, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des deux
médecins, le 17 novembre 1825.
642 A.D.D.-S., 2U 185, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal du
rapport du Dr Chebron, le 31 juillet 1843.
643 Ibid.
644 A.D.V., 2U 1546, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin, le 13 avril 1840.
645 Ibid., Procès-verbal du médecin, le 7 avril 1840.
646 Ibid., Rapport du médecin, le 13 avril 1840.
647 Ibid.
595

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
aboutissant à un non-lieu, ainsi que lors d’enquêtes pour suicide ou mort accidentelle 648 , le
corps est laissé à la famille dans une très large majorité des cas. Les Drs Contancin et
Lhuillier effectuent, eux, une autopsie complète sur une sexagénaire qui pourrait avoir été
assassinée. Ils arrivent cependant à la conclusion que la défunte s’est en réalité elle-même
infligée les blessures qu’elle porte au cou 649 . L’instruction est interrompue, le décès étant
consécutif à un suicide. Le procureur autorise alors la famille à procéder à l’inhumation,
qui avait été suspendue, en raison des doutes émis par le maire 650 . Une seconde explication
semble plus pertinente pour interpréter cette omission : l’inexpérience des hommes de l’art.
Au cours des chapitres précédents, il a été souligné que les médecins requis comme experts
manquaient de connaissances et/ou d’expériences en matière de médecine légale. Il
apparaît, en effet, que les autopsies qui offrent à la contre-expertise des cavités non
suturées et parfois vidées de leurs organes, constituent la première et même l’unique œuvre
cadavérique du praticien qui en est l’artisan.
Les corps soumis à une autopsie judiciaire ne sont pas les seuls sur lesquels la
famille n’a pas droit de regard, à l’issue de l’examen. Or, les cadavres non réclamés des
hôpitaux, ou ceux soumis à la dissection, doivent avoir droit aux mêmes égards que les
dépouilles restituées à leurs proches. Le sort réservé aux corps après leur utilisation par les
hommes de l’art préoccupe les autorités durant plusieurs décennies, et atteint son apogée
durant le premier tiers du XIX e siècle. Les directives ad hoc sont données tant par des
règlements locaux que par des textes législatifs émis par le gouvernement. Pour la plupart,
les mesures prescrites répondent à une préoccupation sanitaire : éviter la conservation ou la
dispersion sauvage de restes corporels putrides. En janvier 1782, un chirurgien de l’hospice
général de Poitiers dépose une requête auprès de l’administration de cet établissement. Il
souhaite disposer de cadavres pour son enseignement. Il lui est alors octroyé deux corps
masculins par an, à la condition qu’il fournisse à chaque dépouille un cercueil et une
sépulture 651 . L’arrêté du Directoire, en date du 3 vendémiaire an VII (24 septembre 1798),
commande à tous ceux qui dispensent des leçons d’anatomie, « de désigner les lieux où
seront déposés les débris des corps dont [ils ont] fait usage, sous peine d’être privé[s], à
648
Il faut cependant noter que dans les situations de suicide et d’accident, l’ouverture cadavérique est
extrêmement rare : le médecin, si toutefois il est fait appel à lui, se contente d’un examen externe du corps.
649
A.D.V., 3U 4 / 616, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Homicide »,
Rapport des médecins, le 27 novembre 1888.
650
Ibid., Procès-verbal de gendarmerie, le 28 novembre 1888.
651
Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres chirurgiens de Poitiers », Mémoires de la Société des
Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, J. Lévrier et G. Bonamy, 1919, 3 ème série, t. 10, année 1918, p. 250.
596

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
l’avenir, de cette distribution, dans le cas où [ils] ne les aurai[ent] pas fait porter aux lieux
de sépulture » 652 . Le Préfet de police Dubois rédige une ordonnance, en vendémiaire an
XII, relative aux amphithéâtres de dissection de la capitale. Puis, il nomme une
commission afin de compléter cette ordonnance. L’une des recommandations faite par les
commissionnaires concerne les débris cadavériques. Il convient, selon eux, « d’exiger que
les débris [soient] enlevés tous les jours des amphithéâtres » 653 .
Malgré l’engagement pris par les individus autorisés à ouvrir une salle de
dissection, les fragments ne sont transportés au cimetière « que tous les dix ou douze
jours » 654 . De nouvelles mesures sont donc prises, au sujet des lieux de dissection et des
hôpitaux. L’ordonnance du Préfet de police du 15 octobre 1813 stipule que « les débris
seront portés soigneusement au cimetière » 655 . Enfin, l’ordonnance de la Préfecture de
police, datée du 25 novembre 1834, indique que les matériaux servant aux dissections dans
les pavillons de la Faculté de médecine et dans le seul amphithéâtre autorisé à Paris,
doivent être « portés soigneusement au cimetière Mont-Parnasse (sic) pour y être enterrés
dans la partie affectée aux hospices » 656 . Dans les villes de moindre importance des ordres
similaires sont donnés aux praticiens des examens post mortem. La commission
administrative des Hospices de Poitiers décide, en 1821, que la présence d’un médecin de
l’hôpital est obligatoire durant l’exercice anatomique des étudiants, et que celui-ci doit
veiller à l’inhumation des dépouilles 657 . La fin du siècle marque un changement dans le
traitement des déchets corporels des hôpitaux : ils ne sont plus livrés à la terre, mais aux
flammes. En pleine campagne de promotion de la crémation, les partisans de ce mode de
funérailles proposent d’utiliser les débris de cadavres disséqués et les déchets opératoires
pour perfectionner la technique crématoire 658 . Après quelques refus 659 , le procédé est
finalement adopté. L’incinérateur installé au cimetière parisien du Père Lachaise, en 1889,
consume en priorité des débris anatomiques ou médicaux, comme des embryons 660 .
652
Arrêté du Directoire du 3 vendémiaire an VII (24 septembre 1798), article 3.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 538.
653
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 258.
654
Ibid., p. 259.
655
Ibid., p. 277.
656
Ordonnance du Préfet de police, en date du 25 novembre 1834, article 8.
Cité dans D. Dalloz, Répertoire méthodique…, op. cit., p. 548.
657
Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine…, op. cit., p. 39.
658
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 248.
659
En 1881, le Ministre de l’Intérieur rejette par exemple la demande du préfet de la Seine de faire incinérer
les débris cadavériques provenant des amphithéâtres de dissection. Cf. « La crémation », Chronique, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1881, 3 ème série, t. 5, p. 571.
660
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 248.
597

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Avec la diminution, et même la disparition, des salles de dissection, concentrées à
partir de la fin des années 1830 dans les lieux d’enseignement, les autorités focalisent leur
attention sur la manière dont le transport des débris est effectué. Il apparaît alors une
préoccupation d’ordre moral, une recherche de décence dans la manipulation “post-
opératoire” des cadavres. A l’instar des exigences relatives à l’éloignement des salles de
dissections et au camouflage de leurs fenêtres, les recommandations ont toujours le même
objectif : masquer à la vue des profanes les corps écorchés, lacérés et dépecés. Pour
rassurer la directrice de l’Hôpital général de Poitiers et garantir, par la même occasion, aux
étudiants de l’Ecole de médecine d’obtenir un nombre suffisant de corps pour leurs
exercices anatomiques, la Commission des Hospices prend une décision, le 19 janvier
1831 : la délivrance des cadavres et la surveillance du laboratoire d’anatomie sont confiées
à un médecin de l’hôpital qui, en contrepartie, doit faire conduire les restes corporels au
cimetière, « soigneusement ramassés et déposés dans un cercueil » 661 .
Il semble pourtant que la recommandation des administrateurs de l’établissement
n’ait pas été respectée, notamment par les enseignants de l’Ecole de médecine. La
directrice de l’Hôpital général de Poitiers fait part du mauvais état du « corbillard dans
lequel on transporte les morts », au point que les passants peuvent « voir les cadavres
sauter dans cette charrette » 662 . La vision d’horreur des monceaux de débris cadavériques
est de nouveau dénoncée dans une « protestation des administrateurs auprès du directeur
de l’Ecole de médecine » 663 , en date du 17 décembre 1838. La Commission se plaint, en
effet, de la manière dont les corps sont traités après leur utilisation en salle de dissection,
« jetés dans le corbillard enveloppés seulement d’une toile d’emballage » 664 . Elle ordonne,
par conséquent, que les corps soient reconstitués après l’exercice anatomique, qu’ils soient
enveloppés dans un linceul et déposés dans un cercueil 665 , et ainsi totalement dissimulés à
la vue des éventuels passants.
La dissimulation des cadavres pendant leur ultime voyage n’est pas exclusivement
réservée aux dépouilles qui ont été examinées et ouvertes. Dans l’étude qu’il a consacrée à
la Morgue de Paris, Bruno Bertherat décrit le matériel utilisé pour le transport des corps.
Les défunts non reconnus et non réclamés par les familles sont enveloppés dans une toile,
déposés dans un cercueil, lui-même placé dans une charrette, puis, à partir des années
661 Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine…, op. cit., p. 40.
662 Lettre de sœur Saint-Bernard, directrice de l’Hôpital général de Poitiers, le 20 juillet 1833.
Cité dans Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers…, op. cit., f° 258 et annexe 37.
663 Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers…, op. cit., f° 258.
664 Ibid.
665 Ibid.
598

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
1830, dans une voiture à cheval 666 . Les pratiques hospitalières poitevines des années 1880
fournissent également des éléments de comparaison. Malgré l’imprécision de certaines
réponses à la question « Comment se pratique le transport des corps ? », il semble que les
administrations hospitalières veillent à ce que les corps soient dissimulés, par un
« brancard fermé », « dans une bière », ou encore grâce à un « cache recouvert » 667 (cf.
annexe 40). En revanche, l’attribution d’un cercueil particulier pour inhumer chaque
personne décédée à l’hôpital ne semble pas avérée. Plusieurs établissements hospitaliers
font procéder au transport des dépouilles par brancard, ce qui suggère que le corps est
probablement enterré dans un simple linceul. D’autres, tel l’hospice de Thouars, disposent
d’une « bière spéciale à ce service », 668 ce qui laisse entendre qu’elle ne sert qu’au
transport et n’est pas mise en terre (cf. annexe 40). L’hypothèse est par ailleurs confirmée
par la description de quelques exhumations. En mai 1851, les Drs Ledain et Bouchet,
praticiens à Parthenay, assistent à l’exhumation d’un nouveau-né, décédé trois semaines
auparavant à l’hospice de cette ville, et dont ils doivent effectuer l’examen médico-légal 669 .
Le fossoyeur retire la terre de l’endroit désigné par le domestique de l’hospice qui a réalisé
l’inhumation 670 . Il en extrait alors le corps, « enveloppé d’un linge attaché avec plusieurs
épingles » 671 . L’enfant a donc été déposé en pleine terre, sans bière.
En outre, l’invisibilité des cadavres peut bénéficier des avantages fournis par
l’obscurité. Le transport nocturne des corps est préconisé. L’ordonnance du Préfet de
police du 15 octobre 1813, indique que, tant le transport des défunts entre l’hospice et les
salles de dissection, que celui des débris cadavériques, doivent avoir lieu « entre neuf et dix
heures du soir » 672 . A la Morgue de Paris, les translations cadavériques sont également
effectuées durant la nuit 673 . Cependant, des arrêtés de 1871 et 1882 stipulent d’effectuer le
transport aux premières lumières de l’aube, entre 6 et 7h. du matin, voire en plein jour, à
9h. 674 . Ainsi, le transport des cadavres déposés à la Morgue cesse d’être une activité
666
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 337.
667
A.D.V., 3 Z 184, « Hospice de Loudun. Questionnaire », 1888.
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
668
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
669
A.D.D.-S., 2U 208, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins, le 24 mai 1851.
670
Ibid., Procès-verbal d’exhumation, le 24 mai 1851.
671
Ibid., Rapport des médecins, le 24 mai 1851.
672
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 278.
673
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 338.
674 Ibid.
599

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
nocturne. Faut-il y voir une volonté de réhabiliter cet acte, en ne l’assimilant plus aux
autres occupations répréhensibles ou peu ragoûtantes qu’abritent la nuit 675 ?
La volonté hospitalière de dissimuler les cadavres et la mort, aux malades et à leurs
familles, impose un aménagement particulier des établissements. Maurice Letulle décrit de
manière très précise la disposition idéale des lieux consacrés aux défunts et à leur étude, au
sein de l’hôpital. Outre l’éloignement et la mise en place de protection visuelle, éléments
mentionnés précédemment, le « pavillon des morts » doit être relié aux autres pavillons de
l’hôpital par un réseau de « galeries souterraines », que les porteurs des « civières
caractéristiques » empruntent pour transférer les défunts du service où ils ont succombé au
dépôt mortuaire 676 . L’aménagement du « pavillon des morts » doit également suivre un
plan particulier. La salle d’autopsie doit impérativement être isolée de la salle d’exposition
des dépouilles et de la salle d’attente des familles 677 . L’éloignement permet de préserver
l’entourage des pénibles émanations sonores et olfactives produites par l’opération,
soulignées supra. En outre, l’antichambre juxtaposée à la salle d’autopsie joue le rôle de
zone de sûreté. Grâce à sa porte distincte, elle permet aux opérateurs d’entrer et de sortir du
pavillon sans avoir à emprunter la porte d’entrée, par laquelle arrivent les familles, ce qui
évite à ces dernières « la vue des médecins et des élèves quittant la salle d’autopsie » 678 .
L’autopsie judiciaire est parfois volontairement dissimulée aux yeux de la famille,
au propre comme au figuré. Mais dans ce cas précis, la préservation des proches est-elle la
raison première de cette décision ? Certains magistrats écartent l’entourage par souci de
décence et pour leur éviter une vision désagréable, accédant parfois à la demande des
proches eux-mêmes, ainsi qu’il a été noté dans la première partie du présent chapitre.
D’autres, en revanche, semblent vouloir écarter des témoins gênants qui pourraient, soit
entraver la bonne marche de l’examen, soit rompre le secret de l’instruction par la suite. Le
procureur de la République de Parthenay, chef-lieu des Deux-Sèvres, se transporte le 22
août 1905 sur la commune de Neuvy-Bouin. Il est accompagné par le Dr Breffeil. Arrivés
au domicile de la victime, le magistrat et le médecin expert trouvent le défunt sur un lit,
« gardé par plusieurs personnes » 679 . Avant de faire procéder à l’examen par le Dr
675
Cf. les réflexions de Simone Delattre sur les travailleurs de la nuit parisienne (chiffonnier, vidangeur,
balayeur) qui rôdent et suscitent soupçon et mépris : Simone Delattre, Les douze heures noires…, op. cit.,
pp. 218-246.
676
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 14.
677
Ibid., p. 17.
678
Ibid., p. 18.
679
A.D.D.-S., 2U 375, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups mortels », Procès-verbal
de constat, le 22 août 1905.
600

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
Breffeil, le procureur invite les parents et amis présents « à se retirer dans une habitation
voisine » 680 .
Il s’avère, en outre, que dans certaines circonstances, le représentant de la justice
omet de prévenir la famille de la réalisation de l’autopsie, ce qui déclenche de vives
réactions de la part de l’entourage. La plainte déposée contre le procureur du roi de
Parthenay, par un père dont l’enfant s’est accidentellement noyé en mai 1823, met en
évidence que le magistrat a fait procéder à l’examen cadavérique, sans avoir pris soin au
préalable de le mentionner aux parents 681 . Sans aller jusqu’à dire que le magistrat a
souhaité cacher l’opération, il a au moins fait l’erreur d’oublier d’en tenir informé les
proches. S’il est vrai qu’aucune objection légale ne peut être élevée contre la réalisation de
l’autopsie judiciaire, les magistrats doivent, au même titre que les médecins, ménager la
sensibilité et la douleur de la famille. En faisant procéder à l’examen à l’insu des proches,
le juge prend le risque de les braquer et de voir leur attitude hostile devenir un obstacle à
l’avancée de son instruction.
Le ménagement de la famille par la justice amène quelques-uns de ses représentants
à considérer que l’autopsie ne doit pas être un acte systématique. Une circulaire du
procureur général, adressée aux parquets de la cour de Paris, stipule que l’autopsie
judiciaire doit être usitée avec parcimonie 682 . Mais, il semble que les hommes de loi
poitevins ont depuis longtemps intégré ce précepte. Il ressort de la consultation des
archives ayant trait aux constats de suicides et d’accidents, que l’autopsie complète, c’est-
à-dire avec exploration des organes internes, est exceptionnelle. Sur les 218 morts
volontaires ou accidentelles pour lesquelles un homme de l’art a été sollicité, seulement 13
autopsies ont été effectuées, soit à peine 6% des cas 683 . Les autorités se contentent souvent
680
Ibid.
681
A.D.D.-S., 5M 8/2, « Police des cimetières, transport de corps et exhumations », Lettre du sous-préfet de
Parthenay, le 23 mai 1823.
682
« Autopsies légales », art. cit., p. 571.
683 ème
A.D.D.-S., L 2 Supplément U 223, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de
procédures correctionnelles », an VII ; 6M 8, « Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de
gendarmerie, correspondance », 1805-1845 ; 2U 93, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Suppression d’enfant », juillet 1820 ; 2U 119, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Assassinat », janvier 1827 ; 2U 258, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat »,
septembre 1868 ; 2U 260, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Avortement », novembre
1869 ; 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles », an IX-
1828 et 1876-1889 ; 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures
correctionnelles », 1873-1893.
A.D.V., L Supplément 423, 424, 426, 431, 433, 435, « Tribunal correctionnel de Poitiers. Dossiers de
procédures », an IV-an VIII ; L Supplément 444, « Tribunal correctionnel de Poitiers. Affaires à non-lieu »,
an VIII ; 4M 293-296, « Rapports bi-décadaires de la gendarmerie », 1840, 1852, 18676, 1899 ; 4M 298,
« Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des suicides », 1830-1897 ; 2U 1699, « Dossiers de
601

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
des témoignages et des éléments matériels, ainsi que de l’absence de traces de violences
extérieures, pour établir leur procès-verbal d’enquête. Les affaires criminelles ne donnent
pas obligatoirement lieu à une ouverture cadavérique. Certaines morts ne laissent aucun
doute quant à la nature de leur cause. Le magistrat, avec l’aval de l’expert, juge alors qu’un
examen externe du corps, et notamment des blessures, peut être suffisant. Le 18 juillet
1854, entre minuit et 1h. du matin, les Drs Anselme Jamet et Jacques Pierre Gilles de la
Tourette sont appelés au chevet d’un homme dont le côté droit de la tête a été emporté par
un coup de feu, projetant des débris d’os et de la matière cérébrale jusqu’au plafond 684 .
Requis par la suite comme experts par le juge d’instruction, les deux praticiens examinent
plus attentivement les blessures, affirment que le coup de feu a entraîné le trépas, et par
conséquent qu’il « est inutile de procéder à l’autopsie » 685 , ce à quoi le magistrat consent.
En somme, magistrats et médecins doivent ménager l’entourage du défunt, même
dans un cadre judiciaire dans lequel elle a peu, voire aucun, recours. Au lieu d’agir à l’insu
ou en désaccord avec la famille, il est préférable d’essayer de la convaincre du bénéfice
que présente l’examen cadavérique.
B) Recherches dans l’intérêt des familles
Les heurts entre le corps médical et les familles des individus trépassés ont lieu
principalement à l’occasion d’examens post mortem demandés lorsque le décès a lieu
subitement, ou suite à une maladie peu connue, voire non-identifiée. Parmi les diverses
catégories de manipulations cadavériques, la dissection anatomique et l’embaumement ne
peuvent entraîner aucun conflit avec l’entourage du défunt. En raison de l’abandon de la
dépouille ou de l’absence de parents pour la première. Eu égard au fait que la famille est à
l’origine de la réalisation de l’acte de conservation post mortem pour la seconde. Seul le
praticien souhaitant procéder à l’autopsie, anatomopathologique ou médico-légale, peut se
voir opposer une fin de non-recevoir. Par conséquent, l’argumentaire élaboré pour
convaincre les proches du défunt, et par extension le grand public, se fonde sur les intérêts
particuliers que l’opération peut présenter.
procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », août 1876 ; 3U 4 / 588, 602, 604, 607, 608, 616, 617,
635, 642, 649, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures », 1849-1914.
684
A.D.V., 2U 1624, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
médecins, s.d. [le 18 juillet 1854].
685
Ibid., Constat des lieux, le 18 juillet 1854.
602

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
1) Convaincre l’opinion
Les hommes de l’art qui veulent s’adonner à l’ouverture cadavérique, trouvent dans
la littérature ad hoc un certain nombre de conseils pour obtenir, dans les meilleures
conditions, l’aval de l’entourage du défunt. La première recommandation donnée aux
médecins concerne l’attitude qu’ils doivent adopter. Il est impératif que les hommes de
l’art parviennent à vaincre les réticences des proches avec le moins de brutalité possible, en
respectant leur chagrin, mais également leurs croyances et leurs craintes. Gabriel Tourdes
résume la posture du médecin de la manière suivante : « l’autorisation de la famille est
nécessaire pour que l’autopsie puisse avoir lieu ; le médecin usera de sa juste influence
pour l’obtenir ; mais, il ne se laissera pas aller à un zèle scientifique outré » 686 . Les
directeurs des hôpitaux reçoivent même des directives ministérielles à ce sujet. A la suite
des débats relatifs au droit des familles à autoriser ou refuser un examen cadavérique en
milieu hospitalier, abordés dans la première partie du présent chapitre, la législation donne
la possibilité aux parents de s’y opposer. Or, dans de telles conditions, la circulaire du 15
juillet 1850 conseille tout de même aux responsables d’établissements de tenter de
persuader la famille :
« Il est même à propos que vous vous efforciez, au besoin, d’exercer sur leur détermination
une légitime influence, en leur faisant comprendre que les investigations médicales sont
autant dans leur propre intérêt et dans celui de l’humanité et de la science. Insister avec
mesure, mais sans rien exiger, ni imposer, sera souvent le moyen de vaincre des
résistances, et de faire prévaloir les conseils de la raison » 687 .
Plus que les intérêts scientifiques ou sociétaux, les hommes de l’art doivent donc
mettre en avant les bénéfices que l’examen cadavérique peut procurer au défunt ou à sa
famille. Les arguments usités pour convaincre les futurs individus examinés sont au
nombre de deux : réalité de la mort et identification. Le premier stratagème consiste à
utiliser une des peurs primales les plus profondément ancrées dans l’inconscient : être
enterré vivant 688 . Au cours des XVII e et XVIII e siècles, les légendes concernant des
personnes inhumées alors qu’elles étaient encore en vie se multiplient 689 . Or, une telle
phobie peut être mise à profit pour promouvoir l’ouverture cadavérique. Si d’aucuns
craignent, de la même manière, d’être découpé vivant 690 , les médecins peuvent arguer
686 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 419.
687 Citée dans Emile Goubert, Manuel de l’art…, op. cit., p. 4, note infrapaginale.
688 La peur d’être autopsié vivant pourrait être un frein à l’obtention de l’accord familial ou individuel, mais
l’argument de la vérification de la réalité du décès doit là encore lever toutes les réticences et hésitations.
689 Sur la mort apparente, cf. le chapitre 8.
690 Le développement de la greffe d’organes et les progrès des systèmes permettant le maintien artificiel de la
vie ont accru les craintes populaires en matière de dissection et d’ouverture d’individus encore en vie.
603

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
qu’avant de donner le premier coup de scalpel, l’homme de l’art doit s’assurer du trépas 691 ,
alors que l’inhumation est souvent pratiquée sans qu’un médecin ait confirmé le décès.
Certains, persuadés que l’autopsie est le moyen le plus sûr pour parer à l’éventualité d’une
inhumation prématurée, en font eux-mêmes la requête. Philippe Ariès note que, dans les
testaments, « quand on précise au XVIII e siècle, qu’il y aura ouverture, si on n’allègue pas
quelque autre raison, la décision paraît inspirée par la peur d’être enterré vivant » 692 .
Dufour fait un constat similaire au XIX e siècle : « N’a-t-on pas vu des esprits puissants,
[…], être affligées de cette crainte et inscrire dans leur testament l’obligation de faire
autopsier leur corps avant l’inhumation ! » 693 .
Le deuxième avantage de l’autopsie que les médecins peuvent mettre en lumière,
est qu’elle favorise l’identification des cadavres inconnus. Une des autres angoisses qui
taraude chaque individu, est de quitter le monde des vivants dans l’indifférence et
l’anonymat le plus total, notamment dans les grandes villes où il se sent perdu dans la
masse, même si cette angoisse est, selon Richard Cobb, sans fondement 694 . A la Morgue de
Paris, lieu privilégié de l’exposition des défunts sans nom, l’examen cadavérique permet
leur identification. En effet, l’autopsie n’est pas une manipulation uniquement destructrice
du cadavre, elle peut aussi être réparatrice 695 . Les corps mutilés, dépecés, déformés sont
soumis à un traitement particulier qui leur redonne une apparence plus humaine. De
nombreuses techniques sont employées, notamment pour reconstituer les visages abîmés
par la décomposition ou un séjour prolongé dans l’eau 696 . Si pour le défunt l’autopsie peut
aider à son identification, elle présente pour la famille un second intérêt : la reconstruction
corporelle et la restitution d’une dépouille dont l’apparence est la plus proche possible de
celle de leur parent. De ce fait, l’autopsie remplit une fonction similaire à l’embaumement,
permettre à l’entourage de conserver une image agréable de leur cher disparu.
Cf. les réflexions de J. Savatier, « Les prélèvements d’organes après décès » in Problèmes juridiques,
médicaux et sociaux de la mort : diagnostic de la mort, prélèvements d’organes, suicide, euthanasie, travaux
de l’Institut des sciences criminelles de Poitiers, journée d’études du 6 mars 1979, sous la présidence de M. le
doyen Fournier, Editions Cujas, 1979, vol. 1, pp. 31-33.
Cf. également le problème de la définition de la mort dans le chapitre consacré aux « Prélèvements et
transplantations d’organes » dans David Le Breton, La chair à vif…, op. cit., pp. 270-273.
691 Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 27.
692 Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort…, op. cit., p. 72.
693 Frédéric Dufour, « La constatation des décès… », art. cit., p. 101.
694 Richard Cobb, La mort est dans Paris…, op. cit., p. 91.
695 Timothy Harding, Romano La Harpe, « L’autopsie : violence ou réparation ? » in Le corps violenté. Du
geste à la parole, études réunies et présentées par Michel Porret, Genève, Droz, 1998, pp. 287-292.
696 Cf. le chapitre 8 dans lequel sont abordés les procédés permettant de “reconstruire” le visage déformé par
les altérations morbides, en vue d’identification de l’individu.
604

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
L’un des intérêts de l’autopsie, mis en avant par le corps médical, ne concerne que
les proches du défunt. Le risque épidémique et la contagion placent l’examen
anatomopathologique au premier rang des procédés servant à la protection de la
communauté. Alors, « la volonté de l’individu s’efface devant les intérêts urgents de la
prophylaxie sociale » 697 . Mais, sans que le danger plane sur l’ensemble de la population,
certaines pathologies demeurent une menace pour le cercle familial. Par conséquent, être
soumis à une étude de la marche et des développements de la maladie est « le dernier, le
plus capital service qu’un homme rend à ceux qui lui étaient chers » 698 . Les descendants
ont, en effet, fort à gagner à prendre connaissance des éventuelles « tares organiques, les
lésions transmissibles » 699 , c’est-à-dire des maladies héréditaires dont leurs parents
auraient souffert, voire auxquelles ils auraient succombé. Bojidar Markovitch affirme
également que, dans « l’intérêt familial », il est indispensable que « les autopsies
deviennent une chose habituelle » 700 . La réalisation quasi automatique d’un examen
cadavérique permet à une famille de se constituer ce qu’il nomme des « archives
sanitaires » 701 .
Enfin, le meilleur moyen de convaincre la communauté des profanes de la nécessité
des autopsies et de lui faire accepter l’opération, est de montrer l’exemple. Désiré
Bourneville et Paul Bricon, déplorent les multiples obstacles auxquels la pratique
anatomopathologique doit faire face, les « entraves administratives » 702 , les croyances
religieuses, les réticences morales et philosophiques. Or, « pour obtenir la vulgarisation de
l’autopsie », il est impératif, selon eux, que « les médecins prêchent l’exemple en
demandant que leur autopsie soit faite » 703 . Le monde médical doit aussi payer son tribut à
la science, en fournissant des matériaux indispensables à ses avancées, c’est-à-dire les
dépouilles mortelles des hommes de l’art. Quelques savants, à l’image d’Alexandre
Lacassagne, n’hésitent pas à mentionner dans leur testament qu’ils souhaitent être
autopsiés, afin que leur cadavre serve à l’instruction des étudiants 704 . Mais plus que le don
effectif de leur corps à la science, les médecins doivent surtout s’employer à faire la
publicité de ce legs auprès de la communauté des non-initiés 705 . Les hommes de l’art ayant
697
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 7.
698
Ibid., p. 9.
699
Ibid.
700
Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 18.
701
Ibid.
702
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 3.
703
Ibid., p. 25.
704
Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 29.
705 Ibid.
605

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
pris cette initiative peuvent alors s’en servir comme argument pour démontrer qu’ils sont
intimement persuadés de l’intérêt de l’autopsie et qu’ils y contribue(ro)nt personnellement.
En définitive, le médecin qui souhaite procéder à un examen post mortem doit faire
preuve, face au mourant et à son entourage, d’un peu de psychologie. L’homme de l’art
doit être capable de déterminer quel argument aura le plus de poids et parviendra à
remporter l’adhésion de l’intéressé et de ses proches. En réalité, le corps médical n’est que
très rarement confronté à des refus catégoriques et définitifs. La famille, car c’est
généralement elle qui pose le plus de difficultés, a surtout besoin d’être rassurée. Lors de
l’assassinat du président Carnot en 1894, la justice n’est pas de suite impliquée dans
l’affaire. Le maire de Lyon prend d’abord en main la direction des opérations 706 . Lui-
même médecin, il sait quelles informations essentielles, recèle l’examen cadavérique. Il
suggère donc qu’il y soit procédé, mais il doit pour cela obtenir l’accord de « l’épouse
désolée » 707 . Le médecin appelé pour porter secours au président,
« M. Ollier, dont l’autorité scientifique est si haute, [use] de toute son influence auprès de
M me Carnot. La veuve éplorée [cède] à des instances si pressantes et [accorde]
l’autorisation, à la condition que cette autopsie [soit] partielle, limitée à la région blessée
[…] » 708 .
Comme le souligne un pathologiste contemporain, « quand l’acte et l’utilité de l’autopsie
sont bien expliqués à la famille, les cliniciens, vraiment intéressés par cette demande
d’autopsie essuient rarement des refus » 709 . En outre, la famille a bien souvent conscience
des intérêts, généraux ou personnels, qui sont en jeu, au point de ne manifester aucune
opposition à la réalisation d’une autopsie, voire d’en requérir une de son propre chef.
2) Une opinion convaincue
A plusieurs reprises au cours de ce chapitre, il a été fait état des avantages que
l’entourage sait tirer des manipulations effectuées sur les dépouilles de leur proche.
Certaines attitudes contredisent la soi-disant indignation dont l’entourage ferait preuve
devant l’ouverture cadavérique, mettent à mal le respect de l’intégrité corporelle que la
famille est supposée revendiquer à l’endroit du défunt, suggèrent même que les proches
regardent leurs propres intérêts et désirs comme supérieurs à ceux du disparu. La
précipitation avec laquelle un certain nombre de familles se débarrassent de l’encombrante
et putride dépouille, contrevenant notamment aux procédures administratives en vigueur en
706
Alexandre Lacassagne, « L’assassinat du président… », art. cit., p. 521.
707
Ibid.
708
Ibid.
709
Marie-Frédérique Bacqué, Claude Bersay, « Interview de Marie-Christine Dauge… », art. cit., p. 99.
606

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
la matière, est un exemple manifeste. Les raisons qui poussent des parents à faire réaliser
un masque mortuaire, à faire établir un dernier portrait, pictural ou photographique, voire à
faire pratiquer l’embaumement de leur cher disparu, sont mues par des sentiments somme
toute très égoïstes : il s’agit uniquement de garder un souvenir d’eux 710 . Or, le prix à payer
pour acquérir un tel palliatif à leur chagrin, peut être corporellement très coûteux. En effet,
les procédés utilisés pour le moulage et l’embaumement peuvent s’avérer aussi mutilants
qu’une dissection et provoquer une altération irréparable de la dépouille, notamment du
visage. Au sujet du masque mortuaire, Emmanuelle Héran indique que « si elle est mal
faite, l’opération altère le cadavre, à cause du poids et de la chaleur du plâtre » 711 . Et de
citer les propos de l’un des amis de Verlaine qui a assisté à la réalisation du moulage du
visage du poète : « un moulage offre en raccourci toutes les hideurs d’une dissection ou
d’une exhumation » 712 .
En fait, la mutilation et l’atteinte à la dignité du défunt n’ont que peu à voir avec le
refus ou l’acceptation de l’opération cadavérique par la famille. Effectuant une
comparaison entre l’autopsie clinique, c’est-à-dire anatomopathologique, et l’autopsie
médico-légale, Henri Péquignot ne cache pas son étonnement devant le paradoxe que
suscite cette dernière. Alors que l’autopsie judiciaire est bien plus « destructrice » que sa
petite sœur scientifique, elle ne provoque aucune opposition 713 . La consultation des
dossiers de procédures criminelles et correctionnelles appuie cette assertion. En effet, sur
un corpus qui s’élève à 690 affaires, un seul veto flagrant de la famille du défunt, à
l’encontre de l’examen, a été relevé.
En janvier 1878, le juge d’instruction de l’arrondissement de Montmorillon,
département de la Vienne, se transporte, en compagnie du procureur de la République, de
son greffier, et du Dr Ducellier, au domicile d’une femme accusée d’infanticide 714 . A la
demande du magistrat, l’inculpée retire d’une paillasse un paquet contenant le corps de son
enfant. Après les premières constatations, le juge précise au médecin la mission qui lui est
confiée, et notamment la détermination des causes du décès 715 . Comprenant qu’une
autopsie est sur le point d’être effectué, l’inculpée complète ses aveux et explique qu’elle a
710
Emmanuelle Héran, « Le dernier portrait… », art. cit., p. 81.
711
Ibid., p. 80.
712
Ibid., p. 82.
713
Henri Péquignot, « L’autopsie clinique », Cahiers Laënnec, décembre 1965, n°4, pp. 8-9.
714
A.D.V., 2U 1703, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constat des lieux, le 23 janvier 1878.
715 Ibid.
607

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
« étouffé à l’aide d’un mouchoir l’enfant qui criait depuis quelques instants » 716 . Elle
demande alors de ne « pas procéder aux opérations auxquelles se prépare le médecin » 717 .
Le vœu de la mère criminelle peut être interprété comme la manifestation d’une
quelconque douleur de voir son enfant subir de telles mutilations, et donc comme
l’expression de sentiments envers l’enfant qu’elle a mis au monde. Mais, il est tout à fait
envisageable de considérer que sa requête est motivée par la peur de voir mises en lumière
la violence et la cruauté dont elle a fait preuve pour se débarrasser d’un petit être non
désiré.
En fait, dans une affaire de mort criminelle, l’opposition de la famille pourrait
sembler suspecte. Le refus de l’entourage, face à la réalisation d’une autopsie du défunt,
peut suggérer aux représentants de la justice que celui-ci a peut-être eu un rôle déterminant
dans le trépas. Des parents qui n’ont en revanche aucune responsabilité dans le décès sont
plus préoccupés par la recherche de la vérité et surtout du coupable que par l’intégrité
corporelle de leur proche. La dépouille mortelle devient, alors, un des outils essentiels du
fonctionnement de la justice criminelle. Les intérêts de la société, la paix communautaire,
la démonstration de la toute puissance et de la légitimité du pouvoir en place sont
prépondérants, au détriment parfois des droits de la victime. Dans les procédures pénales
relatives à des crimes ayant abouti à la mort d’un individu, il se produit un glissement du
statut de victime, du défunt, la victime d’origine, à sa famille, la victime qui peut obtenir
réparation. Ainsi, la victime effective du meurtre devient presque secondaire. Utilisée par
l’institution judiciaire pour justifier son action, elle ne peut en aucun cas bénéficier du
châtiment qui est infligé au coupable. Il s’agit de la seule victime de crime qui soit encore
exclue du processus judiciaire, comme l’était toute victime dans le droit pénal de la fin du
Moyen Age jusqu’à la Révolution. Durant cette période, « la finalité du droit pénal » est
« la poursuite et le châtiment des délinquants et criminels en tout genre, bien plus que la
consolation de l’homme ou de la femme qui a subi préjudice d’un consort » 718 .
La violence ou la soudaineté du décès font parfois accepter l’inacceptable à la
famille : un ultime outrage, une dernière atteinte à la dignité du défunt. L’incompréhension
face au décès pousse même des familles à demander elles-mêmes un examen post mortem,
qui a été défini, dans la première partie de ce chapitre, sous le nom d’autopsie privée. Les
716 Ibid.
717 Ibid.
718 Eric Wenzel, « Quelle place pour la victime dans l’ancien droit pénal ? » in Benoît Garnot (sous la dir.
de), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, actes du colloque de Dijon (7-8 octobre 1999) organisé par le
Centre d’études historiques sur la criminalité et les déviances de l’Université de Bourgogne, Rennes, PUR,
Histoire, 2000, p. 21.
608

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
mémoires de la Société de médecine de Poitiers relatent l’un de ces examens sollicités par
les proches du défunt, et dont il a été déjà fait mention précédemment. En 1840, le Dr
Quotard traite un homme atteint d’une affection catarrhale 719 des bronches. L’homme
décède subitement au bout d’une dizaine de jours. La veuve « ne peut pas se rendre à la
raison de cette mort inattendue » 720 . Elle demande au médecin de réaliser l’ouverture du
corps, pour en expliquer les raisons. L’homme de l’art découvre alors que le défunt a
succombé à une rupture du ventricule gauche du cœur.
Les demandes d’autopsies par la famille peuvent avoir une origine moins
désintéressée, ne pas être consécutives au seul traumatisme d’un trépas brutal et
impromptu. L’un des arguments les plus efficaces, qui lève toutes les réticences à
l’encontre de l’examen cadavérique, est l’argent. Une autopsie peut être utile lors d’un
litige sur le paiement d’une assurance-vie. Le versement aux héritiers de l’assurance peut,
en effet, être contesté s’il existe un soupçon de suicide ou de crime. Dans ces
circonstances, l’examen cadavérique est seul capable de prouver que « la mort est naturelle
et rend valable la revendication » 721 des descendants du défunt. L’héritage est aussi au
cœur de ce que les traités de médecine légale nomment la question de la survie. Il ne s’agit
pas ici du maintien de la vie, de la lutte contre la mort, mais de la détermination de celui
qui, en décédant le dernier, succède juridiquement à sa parenté. Gabriel Tourdes résume le
problème juridique posé par la survie :
« Le dernier survivant de toute une famille éteinte dans la même catastrophe est saisi,
avant sa mort, des droits que lui transmettent les prémourants ; ces droits, fixés un seul
instant en sa personne, passent à ses héritiers au moment même où il succombe. C’est aux
héritiers à démontrer la survie de celui dont ils revendiquent la succession. Peu importe le
temps pendant lequel la vie a duré après le décès des prémourants ; si le fait est bien
établi, un instant suffit pour assurer les droits de celui dont l’existence s’est éteinte la
dernière » 722 .
Les recherches médico-légales sur la datation de la mort et la marche de la décomposition
sont essentielles pour résoudre de tels problèmes de succession.
Mais le facteur pécuniaire n’influence pas uniquement les familles aisées en
matière de réalisation d’autopsies. Les foyers démunis peuvent également trouver un
719 Le catarrhe est l’inflammation d’une muqueuse qui entraîne « l’augmentation plus ou moins considérable
d’une sécrétion sans altération appréciable du tissu qui en est le siège ».
Cf. Brochin, « Catarrhe », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 13, p. 214.
720 A.D.V., 10T 1033, « Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et études médicales présentés à
la Société de médecine », Observation d’un cas de mort subite survenue par suite de la rupture du ventricule
gauche du cœur, 1840.
721 Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 18.
722 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale…, op. cit., p. 459.
609

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
avantage financier à cette opération. Avant de devenir des lieux d’enseignement pour les
jeunes médecins et des centres d’émulation scientifique, les hospices et les hôpitaux sont
des établissements qui accueillent et soignent les indigents. Or, leur mission ne s’arrête pas
au seuil de la mort. La salle des morts de ces établissements reçoit notamment les indigents
décédés dont l’entourage ne peut régler les frais de l’enterrement. Les procès-verbaux
relatifs aux constats de décès accidentels ou de suicides, qui ont eu lieu dans les
départements des Deux-Sèvres et de la Vienne, en donnent quelques exemples. Le juge de
paix du canton de Thouars est informé, le 23 janvier 1816, qu’un homme a été trouvé sans
vie dans un fossé 723 . Il se rend sur les lieux accompagné de Jacques Audebert, chirurgien.
L’individu est reconnu, des témoins, dont son épouse, sont interrogés par le représentant de
la justice de paix. L’homme de l’art examine le corps et estime que le décès est dû à une
« apoplexie produite par le froid et l’ivresse » 724 . La cause du décès étant naturelle,
l’enquête s’arrête là. Le juge de paix prend une dernière décision néanmoins. En raison de
« l’indigence notoire » 725 du défunt, il fait transporter sa dépouille à l’hôpital pour qu’il
soit procédé à l’inhumation. Les anonymes sont également pris en charge par les services
hospitaliers. Le 9 août 1820, un homme est découvert pendu à un arbre, le long d’un
ruisseau 726 . Le maire de la commune de Saint-Jacques, théâtre de cette macabre
découverte, se transporte sur place avec les gendarmes et le même praticien, Jacques
Audebert. Le cadavre est détaché, puis transporté au domicile du maire, l’obscurité rendant
l’examen sur place impossible. L’homme de l’art ne constate aucune trace de violence
apparente et conclut à la mort par suspension. Le maire prend alors la décision de faire
« conduire le cadavre à l’hôpital de Thouars pour être inhumé » 727 .
Or, comme il a été longuement expliqué plus haut, les établissements hospitaliers
sont les pourvoyeurs privilégiés des amphithéâtres de dissection et des salles d’autopsies.
Bien que les règlements, postérieurs à 1840, stipulent que seuls les individus décédés après
leur arrivée à l’hôpital sont susceptibles d’être examinés 728 , il est tout à fait envisageable
723
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Apoplexie », Procès-verbal du juge de paix, le 23 janvier 1816.
724
Ibid.
725
Ibid.
726
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Suspension », Procès-verbal du maire, le 9 août 1820.
727
Ibid.
728
Arrêté du Conseil général des Hospices du 6 avril 1842 :
Article 5 : « Les médecins des hôpitaux et hospices qui ne sont pas professeurs de clinique de la
Faculté de médecine ne pourront, pendant la durée des travaux d’anatomie dans les amphithéâtres
d’anatomie et de dissection, faire l’autopsie que du tiers des personnes décédées dans leur salle, en se
conformant toutefois, pour les corps réclamés, aux dispositions de l’article précédent ».
610

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
que cette restriction n’ait pas toujours été respectée par les praticiens, notamment durant le
premier tiers du XIX e siècle. Mais, en échange d’une sépulture décente, il semble que les
familles sont prêtes à accepter un tel sacrifice. La conception de l’examen cadavérique
comme passage obligé qui permet au défunt d’être inhumé convenablement, est encore
plus évidente et prégnante au sein des familles pauvres, dont l’un des membres, malade, est
soigné à l’hospice. La mort est un événement qui s’avère trop onéreux pour certains
parents démunis. Ainsi, les familles qui n’ont pas les moyens d’offrir des funérailles et une
sépulture à leurs mourants abandonnent leur corps aux bons soins des hôpitaux. Or, les
proches ont pleinement conscience que les dépouilles non réclamées sont celles qui servent
en priorité aux dissections et aux recherches anatomopathologiques. Mais ils savent aussi
qu’en échange du service rendu à la science et à l’enseignement, les administrations
hospitalières sont tenues de donner une sépulture aux défunts. Il est d’ailleurs possible que
certains praticiens hospitaliers, intrigués par un cas singulier ou inexplicable, aient usé,
voire abusé, de cet argument pour convaincre la famille de ne pas récupérer la dépouille
mortelle. Bojidar Markovitch considère que l’aspect financier est un facteur essentiel dans
la promotion de la pratique de l’autopsie. Outre le fait que l’opération « ne doit pas être
onéreuse pour les familles qui sont sérieusement obérées par les frais des funérailles » 729 ,
il suggère que les éventuels frais entraînés par l’autopsie incombent à la collectivité, que sa
pratique devienne un véritable « service public » 730 .
Les réticences de l’entourage vis-à-vis de la pratique de recherches post mortem,
qui peuvent donner lieu à une ouverture cadavérique, s’étiolent dès lors qu’un certain
nombre de facteurs entrent en jeu. Le respect des défunts et la préservation de leur intégrité
corporelle peuvent vite apparaître comme négligeables pour des familles dévastées qui
souhaitent garder une image, réelle ou virtuelle, du défunt, pour des parents voulant obtenir
justice et voir punir le coupable, ou encore pour des proches incapables de couvrir les frais
de l’enterrement. Le défunt n’ayant plus la possibilité de s’exprimer, ce sont ses proches, et
parfois la communauté tout entière, qui décident quel sera le sort réservé à sa dépouille.
Cité dans Roger Brocas, Le droit d’autopsie…, op. cit., p. 105.
A la fin du siècle, un arrêt de la Cour de Lyon réitère la recommandation aux administrations hospitalières,
de veiller à limiter les examens cadavériques aux seuls individus qui auront effectivement succombé à
l’hôpital. Les malades ou les blessés décédés, avant leur enregistrement auprès de l’administration, ne
peuvent être considérés comme pris en charge par les services de l’établissement ; celui-ci ne peut donc
alléguer d’aucune prérogative à leur sujet.
« Autopsie des personnes décédées… », art. cit., p. 205.
729 Bojidar Markovitch, Nécessité de pratiquer…, op. cit., p. 29.
730 Ibid.
611

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
L’autopsie a-t-elle vraiment besoin qu’une promotion soit effectuée en sa faveur
auprès de l’opinion publique ? La littérature médicale et médico-légale expose les
objections et les appréhensions que suscite l’intervention. Les réflexions qu’elle contient se
focalisent sur l’attitude des acteurs de l’examen, le médecin bien sûr, mais également les
manipulateurs du cadavre. La meilleure publicité en faveur de l’autopsie est que
l’intervention doit demeurer quasi invisible aux yeux des profanes. Outre l’éloignement
des familles durant la réalisation de l’opération, ses stigmates doivent impérativement être
minimisés et dissimulés. La recommandation des auteurs peut être résumée ainsi : ce que la
famille ne sait pas et ne voit pas, ne peut la faire souffrir.
De plus, il ressort que l’argumentaire établi par le corps médical, pour lever les
dernières objections familiales, s’attache surtout à mettre en avant les intérêts que les
survivants peuvent retirer de l’examen cadavérique, et occulte généralement le défunt lui-
même. Le grand public est prêt à accepter n’importe quelle intervention sur la dépouille
mortelle, même s’il s’agit de l’un de ses parents, dès lors que l’opération lui sera, d’une
manière ou d’une autre, bénéfique. Ainsi, alors que l’autopsie médico-légale ne provoque
aucune opposition, en raison de son implication dans le processus qui doit aboutir au
châtiment du coupable, l’autopsie anatomopathologique soulève nombre d’objections. Les
enjeux scientifiques, les nécessaires progrès de la médecine, devant permettre aux hommes
de l’art de venir en aide aux malades, n’ont que peu de poids auprès de la communauté
profane qui a parfois du mal à en percevoir les effets, et donc les bienfaits.
**
*
Dès lors que les médecins et autres savants ont souhaité ouvrir quelques cadavres,
de manière systématique, selon le vœu de Xavier Bichat 731 , ils se sont trouvés confrontés à
un certain nombre de réglementations, de restrictions, d’interdits, de critiques, émis par les
autorités, en écho souvent de réactions d’hostilité populaires. Si les questions d’hygiène
publique servent de prime abord de justification, très vite apparaissent d’autres motifs
moins pragmatiques, fondés sur des croyances, des émotions et des fantasmes liés au corps
et/ou à la mort. Les préoccupations du corps médical se heurtent aux sentiments et aux
appréhensions de l’opinion publique. Alors que le premier ambitionne de faire progresser
les sciences médicales, dans l’espoir de mieux soigner et donc de guérir les malades, la
seconde est obnubilée par le manque de respect dont peuvent faire preuve les
731 Michel Foucault, Naissance de la clinique, 1 ère éd. 1963, 4 ème éd., Paris, PUF, Quadrige, 1994, p. 149.
612

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
professionnels de la médecine à l’égard des défunts. Plus que la profanation corporelle, la
population s’offusque de l’irrévérence des hommes de l’art qui n’hésitent pas à disposer à
leur guise de la dépouille mortelle, sous couvert d’intérêts collectifs, sans tenir aucun
compte des volontés du défunt ou de son entourage.
Plus que tout autre manipulation cadavérique, l’autopsie met en exergue
l’ambiguïté des sentiments populaires envers les morts et leurs cadavres. Le manque de
respect et l’indécence reprochés aux médecins sont contrebalancés par la précipitation dont
certains font montre pour se débarrasser d’un défunt devenu encombrant pour cause de
promiscuité. Le déshonneur d’être soumis au scalpel de l’anatomiste s’oppose aux
traitements honorifiques accordés à certains grands personnages nationaux après leur
trépas : autopsie, embaumement, démembrement. L’outrage post mortem de la science ne
souffre aucune opposition dans le cadre judiciaire. Enfin, l’homme de l’art considéré
comme insensible, devient un acteur parfois primordial du processus judiciaire qui doit
aboutir à la découverte, et à la condamnation, du meurtrier.
En outre, il est possible de percevoir des divergences sociales dans la manière dont
le public envisage l’examen cadavérique. Les milieux modestes acceptent plus facilement,
et fatalement, la manipulation post mortem que les milieux aisés. En effet, outre une
familiarité et une proximité physique plus grandes avec les défunts pour les premiers, la
table de dissection constitue à leurs yeux un passage obligé entre la paillasse de l’hospice
et la tombe. Par conséquent, pour les milieux sociaux plus fortunés, être soumis à des
recherches cadavériques représente un déshonneur, car leur dépouille est ni plus ni moins
traitée comme celle des indigents 732 .
Pour le grand public, relayé par les autorités dans certaines circonstances, l’examen
cadavérique doit demeurer un acte exceptionnel, qui soit s’attache à la rareté du défunt, soit
fait office de dernier recours. Il ne peut être pratiqué que s’il présente un intérêt pour les
vivants : justice ou vengeance, indemnités, héritage, prévention de certaines maladies. Les
accidents mortels ne donnent pas systématiquement lieu à un examen post mortem, en
raison de leur absence d’enjeu juridique : hormis les accidents provoqués par un tiers, il
n’y a aucun coupable à punir. Dans la mesure où les témoignages ou les éléments matériels
confirment le décès accidentel, le corps n’est pas touché. Or, érigée au rang d’activité
inhabituelle, le caractère magique et fantasmagorique de l’autopsie est renforcée.
732 Sur la question d’une utilisation acceptable de certains corps par la science en raison de leur statut
d’inférieur, cf. la très intéressante analyse de Grégoire Chamayou sur les « corps vils » : Les corps vils.
Expérimenter sur les êtres humains aux XVIII e et XIX e siècles, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond / La
Découverte, 2008, 422 p.
613

- Chapitre 5. Prescription, perception, promotion -
L’attitude du corps médical accentue un tel état d’esprit. En effet, pour éviter de
choquer le public profane, et ainsi échapper à d’éventuelles campagnes d’oppositions, les
médecins cherchent à arborer une posture décente, tant dans leur propre attitude que dans
l’intervention elle-même. Le mot d’ordre est alors la dissimulation. Pour ne pas offenser la
famille, les praticiens doivent cacher les stigmates de leurs agissements : les incisions
doivent être invisibles, les dépouilles et ce qu’il en reste doivent être transportés
discrètement, les opérations doivent être effectuées à l’abri des regards et des oreilles.
Apparaît alors un autre fantasme populaire : si les médecins deviennent maîtres dans l’art
de la dissimulation anatomique, rien ne les empêche de s’adonner à des examens
cadavériques en toute liberté, sans l’aval du défunt ou de sa famille 733 . En cherchant, d’une
part à préserver les sensibilités populaires et familiales, et d’autre part à combattre la
curiosité malsaine et morbide de la population pour certains spectacles (exécution capitale,
exposition à la Morgue, exhibition de monstres de foires, musées d’anatomie), les autorités
et les chantres de la moralité ont relégué les manipulations corporelles post mortem parmi
les privilèges accordés à une poignée d’élus. Mise en pleine lumière par les anatomistes
qui ont révélé les secrets du corps, par l’entremise de leçons publiques jusqu’à l’aube du
XIX e siècle, la dépouille mortelle a regagné l’obscurité des salles de dissection ou
d’autopsie, conférant de nouveau à l’exercice anatomique ou “autoptique” un caractère
d’initiation durant laquelle les participants se voient accorder la révélation de certains
mystères 734 .
733 Certaines polémiques, voire scandales médicaux, du début du XXI e siècle, font resurgir régulièrement les
questions de prérogatives des médecins, de dignité des défunts, de respect du corps. A l’été 2005, plus de 300
fœtus sont découverts dans les sous-sols de l’hôpital parisien Saint-Vincent-de-Paul. La révélation de
l’affaire provoque une vive émotion populaire, et surtout la colère et l’indignation des familles dont beaucoup
pensaient que le corps de leur enfant avait été incinéré. Une enquête de l’IGAS (Inspection Générale des
Affaires Sociales), demandée par le ministère de la Santé, révèle un deuxième scandale de stockage de
fœtus : l’hôpital Saint-Antoine en conserve également plus de 300 dans son laboratoire de fœtopathologie.
Après enquête, il s’avère que si certains spécimens sont gardés à cause de leur intérêt pédagogique et
scientifique, d’autres ne le sont qu’en raison du retard pris par le service sur la réalisation des examens.
Pour un résumé de l’affaire, cf. l’article d’Estelle Saget, « Hôpital. Nouvelle affaire de fœtus », publié sur le
site de L’Express le 31 octobre 2006 (http://www.lexpress.fr).
734 La problématique de l’accès du grand public aux secrets de l’anatomie humaine resurgit régulièrement, tel
le diable de sa boîte, posant la même inlassable question : pourquoi est-il acceptable que des cadavres soient
disséqués par les étudiants en médecine, que des pièces anatomiques soient conservées par des laboratoires
de pathologie, et abjecte ou malsain que l’individu lambda puisse observer des corps, préparés et exposés
pour montrer leur composition anatomique ? La polémique suscitée par l’exposition d’art anatomique du
professeur Gunther Von Hagens, « Body Wolrds. The original exhibition of real human bodies », inaugurée à
la fin des années 1990, pose de nouveau la question. L’anatomiste allemand a mis au point un procédé,
appelé plastination, qui permet de conserver les cadavres en remplaçant les fluides par de l’acétone, puis par
une matière plastique.
Cf. Jocelyne Saint-Arnaud, « L’exposition de Gunter Von Hagens : Le monde du corps 2 », Frontières,
printemps 2007, vol. 19, n°2, p. 76, en ligne (http://www.erudit.org).
614

Conclusion
- Deuxième partie. Contraintes et libertés protocolaires -
Parmi les multiples manipulations corporelles et les divers actes cadavériques
effectués au nom de la science, de la communauté, ou simplement pour soulager son
chagrin, voire satisfaire un culte posthume, l’autopsie médico-légale apparaît singulière. Si
elle partage nombre d’éléments et de caractéristiques des autres interventions post mortem,
s’il est aisé de la rapprocher de la dissection anatomique, de l’embaumement, et de manière
encore plus évidente de son équivalent scientifique, l’autopsie anatomopathologique, il
demeure que ses caractéristiques propres lui procurent une identité très marquée. Celle-ci
se distingue de ses “consœurs” en raison de deux facteurs.
En premier lieu, l’autopsie judiciaire se caractérise par un investissement, tant
professionnel que personnel, de la part de l’homme de l’art qui est chargé de sa réalisation.
L’opération constitue, pour lui, une prise de risque et le confronte à divers dangers. Afin de
minimiser l’impact de l’expertise pour laquelle le médecin est requis, ce dernier doit
parvenir à maintenir un équilibre entre une implication profonde dans l’acte judiciaire et
une prise de distance. Il est apparu que les effets de l’examen cadavérique judiciaire sur le
praticien de l’art de guérir, en tant qu’individu et en tant que professionnel, sont de
plusieurs natures. D’un point de vue purement matériel, la participation d’un médecin à
une expertise judiciaire constitue un investissement financier. Cependant, même si les
revendications corporatistes concernant la réévaluation des tarifs alloués aux experts sont
vives et tenaces, les individualités expertales demeurent muettes à ce sujet.
La raison de cette discrétion trouve son explication dans le fait que la manifestation
d’un mécontentement d’ordre financier s’avèrerait extrêmement préjudiciable à l’homme
de l’art. En effet, le deuxième danger auquel le médecin est confronté concerne en réalité
la communauté savante dans son ensemble. L’homme de l’art est le représentant d’un
corps professionnel dont l’activité s’appuie sur des préceptes et une déontologie 1 . Les
agissements du médecin expert doivent impérativement demeurer conformes à la
conception que l’opinion publique et les membres du corps médical se font du praticien de
l’art de guérir, sous peine d’entacher l’image et la réputation de l’ensemble de ces
professionnels. Or, le désintéressement financier, le dévouement et l’indépendance font
1 L’élaboration d’une déontologie commune et reconnue de tous est une des conditions sine qua non de la
constitution d’un corps professionnel. Cf. Pierre Guillaume « Modalités et enjeux de la
professionnalisation », in Pierre Guillaume (sous la dir. de), La professionnalisation des classes moyennes,
Talence, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996, p. 9.
615

- Deuxième partie. Contraintes et libertés protocolaires -
partie des concepts déontologiques mis en avant par la communauté médicale et, par
conséquent, intégrés par la population comme qualités indispensables du médecin.
Enfin, le praticien qui s’implique dans une expertise judiciaire prend un risque à
titre personnel. Outre, une implication émotionnelle et sensitive fortes, consécutive au
facteur macabre et violent de l’acte, la publicité qui entoure l’instruction d’une affaire, puis
son jugement, peut avoir des conséquences inattendues. Si un médecin peut ressortir grandi
du tribunal, en raison de l’excellence de sa démonstration médico-légale 2 , et donc voir sa
clientèle décuplée, il peut également être affaibli par les critiques et les doutes émis sur ses
compétences, attaques qui pourraient faire fuir les patients. De plus, ces derniers peuvent
montrer une certaine réticence à consulter un praticien qui, selon eux, travaille pour la
justice.
L’implication de l’institution judiciaire constitue effectivement le second
particularisme de l’autopsie médico-légale. Requis et rémunérés par la justice, les
médecins experts sont victimes d’une certaine méfiance manifestée par le public à leur
encontre. Leur rôle souvent déterminant dans la révélation de secrets de famille, telle une
grossesse, une moralité défaillante ou une mésentente entre certains de ses membres, porte
l’opinion publique à les voir, d’une part comme des traîtres à leurs propres préceptes
déontologiques, et d’autre part, comme des individus à la solde de la justice.
Le fait d’agir au nom de l’institution judiciaire, sur ordre d’un magistrat, confère
d’ailleurs une liberté d’action à l’opérateur, sans nul autre équivalent au sein des
manipulations cadavériques. Les médecins experts exécutent l’examen post mortem
comme ils l’entendent, selon des techniques opératoires qui leur semblent les plus
conformes aux critères de la science et les plus susceptibles de répondre aux attentes du
magistrat. Ainsi, aucune restriction relative aux recherches médico-légales et à
d’éventuelles expériences ne sont élevées. Des actes considérés comme trop mutilants ou
seulement superflus dans des examens anatomopathologiques sont, au contraire, tolérés en
médecine légale. Le protocole réglementaire imposé aux dissections, aux embaumements
et autres autopsies privées ou hospitalières, est également épargné aux praticiens de
l’autopsie judiciaire : aucun délai d’attente ne doit être respecté, aucune autorisation
familiale ne doit être obtenue, aucune déclaration administrative n’est de facto nécessaire.
2 Sur les “ténors” médico-légaux du prétoire et la disgrâce dont certains ont été victimes, cf. Pierre Darmon,
Médecins et assassins à la Belle époque. La médicalisation du crime, Paris, Editions du Seuil, 1989,
pp. 211-271.
616

- Deuxième partie. Contraintes et libertés protocolaires -
Néanmoins, une telle absence d’interdits en matière de technicité opératoire est
compensée par une omniprésence de l’institution judiciaire durant l’expertise. Outre les
questions qui orientent les recherches, et parfois les conclusions de l’expert, le magistrat a
la possibilité de garder le contrôle de l’expertise médico-légale et de ses suites. Sa présence
au cours de l’examen cadavérique, soit un contrôle de visu de l’acte scientifique, lui donne
un certain ascendant. De plus, il reste seul maître de l’utilisation des informations mises au
jour par l’autopsie, ainsi que de la décision finale à l’issue du procès. Même si ses
déclarations peuvent influencer le verdict, le médecin expert n’apporte qu’un avis à la
justice. Or, c’est précisément sa mise à l’écart dans la décision qui accorde au médecin une
certaine impunité. Un praticien de l’art de guérir peut être considéré comme responsable si
son diagnostic ou son traitement ont eu des conséquences néfastes. En revanche, un
médecin requis par la justice ne peut officiellement être tenu pour responsable d’une
sentence trop sévère, voire d’une erreur judiciaire.
Il a été souligné que, officieusement, les choses étaient bien différentes et que
l’opinion publique pouvait être très critique envers les médecins œuvrant au nom de
l’autorité. De manière paradoxale, l’acte qu’ils pratiquent est, lui, moins soumis aux
critiques et oppositions populaires. L’impossibilité de contester son exécution est bien sûr
à prendre en considération. Cependant, il apparaît que les enjeux et les intérêts que
représente l’autopsie médico-légale la rendent tout à fait acceptable aux yeux des
profanes : le désir de vengeance, d’obtenir justice, ainsi qu’un dédommagement, la volonté
de connaître la vérité et le responsable du décès, peuvent s’avérer plus puissants que toute
réticence affective.
Mais les particularités consécutives au facteur judiciaire dépassent largement la
manière dont l’autopsie est perçue ou ressentie. Les conditions matérielles dans lesquelles
les hommes de l’art doivent intervenir sont elles aussi fortement déterminées par le
processus judiciaire.
617

Troisième partie
LES CONDITIONS D’EXERCICE DE
L’AUTOPSIE JUDICIAIRE :
SAVOIR S’ADAPTER A SON
ENVIRONNEMENT

Introduction
- Troisième partie. Les conditions d’exercice de l’autopsie judiciaire -
Dans sa volonté d’établir un véritable statut professionnel du médecin expert,
assorti d’une formation tant théorique que pratique, la littérature médico-légale fourmille
de réflexions et d’arguments qui visent à démontrer les carences des médecins experts des
petites localités. Si certains auteurs ne se montrent pas très complaisants envers leurs
confrères qu’ils accusent d’incompétence, voire d’outrepasser leurs devoirs et leurs droits
d’hommes de l’art, ils reconnaissent néanmoins que les conditions matérielles auxquelles
ces praticiens sont confrontés constituent une entrave à la bonne marche de l’expertise.
Les travaux historiques et anthropologiques qui se sont attachés à l’étude des
activités cadavériques des médecins se sont focalisés, d’une part, sur l’implication de
l’exercice anatomique dans l’évolution des fondements doctrinaires de la pratique
médicale 1 , et d’autre part, sur les récriminations élevées à l’encontre des praticiens qui
s’adonnent à cette besogne 2 . Les pouvoirs publics, l’opinion populaire et quelques
membres de la communauté savante s’insurgent contre les comportements des praticiens
qui fréquentent les amphithéâtres ou les salles de dissection : vol de cadavre, dispersion
sauvage des débris cadavériques, attitudes immorales et indécentes vis-à-vis des défunts.
Mais ils s’indignent aussi des conditions de travail et des locaux : insalubrité, foyers
d’infection, puanteur. En revanche, le point de vue des professionnels qui évoluent dans
ces espaces mortifères et côtoient physiquement les cadavres a été peu développé.
L’exercice de l’autopsie médico-légale est dépendant d’une décision judiciaire.
Sans ordonnance ou demande formelle d’un représentant de l’institution judiciaire,
l’examen ne peut être réalisé. Le scalpel du médecin expert est suspendu à la plume du
magistrat. En outre, à l’inverse des examens post mortem réglementés, codifiés,
temporellement et topographiquement maîtrisés par les hommes de l’art, l’autopsie
judiciaire contient une part d’urgence et d’improvisation consécutive à son intégration au
sein du processus d’instruction criminelle. La question qui découle de ce constat est de
savoir comment et dans quelle mesure ce facteur influence-t-il les conditions matérielles
1 Cf. par exemple l’ouvrage de Rafael Mandressi sur “l’invention” de la recherche anatomique comme socle
de la médecine : Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste. Dissection et invention du corps en Occident,
Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2003, 339 p.
Voir également le travail mené par Marie-José Imbault-Huard sur l’école de dissection : Marie-José Imbault-
Huard, L’école pratique de dissection de Paris de 1750 à 1822 ou l’influence du concept de médecine
pratique et de médecine d’observation dans l’enseignement médico-chirurgical au XVIII e siècle et au début
du XIX e siècle, thèse de doctorat, sous la dir. de P. Huard, Université Paris I, 1973, VI-370 p.
2 David Le Breton, La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps humain, Paris, Métailié, 1993,
pp. 113-168.
621

- Troisième partie. Les conditions d’exercice de l’autopsie judiciaire -
dans lesquelles les médecins réalisent leur expertise ? L’imprévisibilité des procédures
judiciaires en matière de décès violents ou suspects laisse-t-elle suffisamment de marge de
manœuvre aux médecins pour tenter de rassembler des dispositions en adéquation avec les
préceptes édictés par la littérature spécialisée ? Ou au contraire, ne les contraint-elle pas à
faire fi de certaines recommandations et à procéder à l’examen cadavérique dans des
conditions indignes, dangereuses, voire incompatibles avec l’exécution convenable d’un tel
acte ?
L’objectif de la présente partie est donc de mettre en lumière les situations
matérielles auxquelles les médecins experts ordinaires sont confrontés et qui bien souvent
sont peu conformes aux recommandations des spécialistes de la médecine légale.
Les conditions de la pratique “autoptique” sont analysées à travers trois éléments
qui parfois sont liés ou se recoupent. Tout d’abord, les lieux dans lesquels les examens sont
réalisés : l’impossible centralisation des crimes contre les individus entraîne le recours à
des espaces plus ou moins adaptés à l’activité cadavérique, et cela alors qu’il existe des
espaces dévolus à l’exercice médical. Ensuite, l’équipement dont dispose le médecin pour
exécuter la mission qui lui est confiée. Enfin, les désagréments et les périls que
représentent l’étude d’un cadavre en voie de décomposition, situation peu agréable dont
certains ont néanmoins su tirer avantage pour faire avancer la science médico-légale.
622

Chapitre 6
THEATRES DE L’AUTOPSIE JUDICIAIRE
Les préoccupations hygiénistes qui se développent, dès le début du XIX e siècle, en
matière d’ouvertures cadavériques de masse, mettent en exergue l’impossibilité de
pratiquer ce genre d’activité médicale dans n’importe quel lieu. Les restrictions qui
frappent le fonctionnement des amphithéâtres de dissection, jusqu’à leur fermeture au
milieu des années 1830, les interdictions auxquelles les apprentis anatomistes doivent se
plier, notamment en ce qui concerne la dissection “à domicile”, le soulignent 1 . Des
impératifs similaires, auxquels il faut adjoindre le ménagement des familles et des malades,
régissent la réalisation des examens post mortem en milieu hospitalier : l’opération est
effectuée dans un lieu particulier, à l’écart et à l’abri des regards. En matière d’autopsie
judiciaire, aucun texte réglementaire ne désigne un lieu dévolu, uniquement et
spécifiquement, à l’exercice. La question est donc de savoir où ces examens cadavériques
sont effectués ?
L’urgence de l’instruction et l’éparpillement topographique des corps à examiner
entraînent la multiplication des théâtres de l’autopsie médico-légale. En outre, ces deux
facteurs nécessitent, de la part du médecin expert, une grande capacité d’adaptation.
Malgré les nombreuses descriptions du lieu d’examen idéal proposées par la littérature
spécialisée, il est indéniable que la majorité des examens cadavériques judiciaires est
pratiquée dans des endroits qui sont loin de répondre aux critères. Les éléments constitutifs
d’un lieu conforme à l’exercice sont de facto mis en évidence par les multiples
améliorations proposées, puis apportées à ce lieu idoine. Néanmoins, au sein des divers
théâtres de l’autopsie médico-légale existe un ensemble singulier, qui se trouve à mi-
chemin entre le lieu inadapté et le local conforme aux exigences de la science et de
l’hygiène : les établissements hospitaliers.
1 Cf. le chapitre 5.
623

I) LE LOCAL IDEAL
- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Parmi les conseils et les recommandations prodigués aux potentiels experts en
matière d’autopsie judiciaire, il est fréquemment spécifié que l’opération doit être
pratiquée dans un « endroit commode à l’autopsie » 2 , dans un lieu convenable. Mais quels
sont les éléments qui constituent le lieu propice à l’examen cadavérique ? Mathieu Orfila 3
et François Chaussier 4 consacrent quelques lignes à l’endroit choisi pour héberger
l’opération. Les critères qui, selon eux, définissent le lieu approprié sont l’espace, l’air, la
lumière et le support du corps.
Les aménagements qui ont pour objectif l’amélioration des salles d’autopsies,
notamment dans des structures vouées à la pratique de la médecine légale, telle la Morgue
de Paris, se focalisent alors sur ces facteurs : l’apport d’une luminosité suffisante tout en
préservant la confidentialité de l’exercice ; l’élimination d’un air vicié et son
renouvellement par un air sain ; l’évacuation des liquides sanguinolents et putrides qui se
répandent sur la table et s’écoulent sur le sol.
Nombre de membres du corps médical, préoccupés par la question, ont également
souhaité diffuser à plus grande échelle les améliorations préconisées pour la Morgue de
Paris. Ils ont tenté d’instituer au sein des maisons mortuaires, établissements à caractère en
premier lieu sanitaire, des salles aménagées pour l’exécution des examens cadavériques.
A) Faire la lumière sur l’autopsie
Pour un exercice qui consiste à “voir de ses propres yeux”, à constater de visu les
blessures, les lésions et autres anomalies pathologiques qui ont précipité le décès d’un
individu, la luminosité est primordiale. De nombreux d’auteurs soulignent l’importance de
la lumière et de la visibilité comme condition sine qua non de la réalisation d’un examen
cadavérique de qualité. La faible luminosité procurée par les chandelles et l’insuffisante
diffusion des sources de lumière artificielle, telles les lampes à pétrole et le gaz d’éclairage,
2 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, p. 104.
3 Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1821-1823, t. 1, p. 518.
4 François Chaussier, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale,
Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, p. 26.
624

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
en raison de leur délicate maniabilité et/ou de leur dangerosité potentielle 5 , obligent les
médecins à privilégier la lumière naturelle. Cette dernière est d’ailleurs préférable à tout
autre : « En général, l’autopsie doit être finie en une séance et à la lumière du jour » 6 .
Or, pour faire pénétrer la lumière naturelle dans une pièce, il est nécessaire que
celle-ci soit pourvue d’un nombre suffisant d’ouvertures sur l’extérieur. A l’occasion d’un
rapport qu’il adresse au Préfet de police en 1832, Alphonse Devergie liste les divers
défauts de la Morgue de Paris, et notamment de la salle où sont pratiquées les autopsies
judiciaires. Outre l’exiguïté de la pièce, il mentionne qu’elle n’a pas « assez de jour » 7 .
L’apport de lumière par une ou plusieurs fenêtres devient alors une préoccupation majeure
des concepteurs et des utilisateurs des salles de dissection et d’autopsie. Lors de la
réalisation d’un projet sur la construction d’un cimetière pour une grande ville, en réponse
à un concours lancé par l’Académie d’architecture, D’Arcet propose à un jeune architecte
d’inclure dans son plan une salle d’exhumation et d’autopsie 8 . Dans le descriptif très
détaillé et précis qu’il fait de la salle, D’Arcet indique que celle-ci est pourvue de
« grandes fenêtres placées de manière à bien éclairer la table » 9 .
Mais, un facteur vient perturber la réalisation de salles d’autopsies dont un ou
plusieurs murs seraient entièrement constitués de vitres : il est impératif que l’intérieur de
la pièce, et par conséquent les actes qui y sont effectués, demeure dissimulé aux regards
des curieux 10 . Gabriel Tourdes en fait dûment la recommandation, dans son Traité de
médecine légale : « le médecin doit se procurer un local aussi clair […] que possible, à
l’abri des curieux » 11 . Maurice Letulle prend en considération ce paramètre, dans la
description qu’il donne du modèle de la salle d’autopsie. Afin d’obtenir un éclairage
parfait, la lumière doit pénétrer par la façade nord, « vitrée dans toute son étendue jusqu’au
plafond », lui-même vitré 12 . Or, la face nord est précisément celle qui doit donner sur une
5 Pour une présentation rapide des diverses sources de lumière et de leur développement, cf. les réflexions de
Jacques Léonard, Archives du corps. La santé au XIX e siècle, Rennes, Ouest-France, De mémoire d’homme :
l’histoire, 1986, pp. 223-231.
6 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 423.
7 Alphonse Devergie, « Rapport à M. le Préfet de Police, sur les inconvénients attachés aux dispositions
actuelles de la Morgue ; propositions tendantes à les faire disparaître ; description d’une Morgue modèle »,
Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1832, t. 7, p. 80.
8 D’Arcet, « Projet pour la construction d’une salle d’exhumation et d’autopsie », Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Gabon, 1830, t. 3, p. 16.
9 Ibid., p. 18.
10 Cf. le chapitre 5.
11 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, p. 412.
12 Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903,
p. 17.
625

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
cour ou un jardin, et ainsi être à l’opposé de l’entrée et hors de la vue des malades ou de
leurs familles.
L’ensemble de la pièce ne pouvant baigner dans une vive lumière, il a fallu
focaliser l’attention et les aménagements sur l’élément central de la salle et de l’examen,
c’est-à-dire la table et le cadavre qu’elle supporte. Si de nombreuses améliorations ont été
apportées à la table d’autopsie, abordées plus loin dans le développement, l’une d’elles à
pour objectif d’accroître la visibilité des éléments corporels. En effet, Alphonse Devergie
préconise d’utiliser une table « mobile sur son axe, afin de pouvoir diriger vers la fenêtre,
tel ou tel point du cadavre, pour l’éclairer mieux » 13 . D’aucuns préfèrent déplacer le point
d’origine de la lumière plutôt que la table. Un éclairage par le dessus est de loin le plus
efficace. Il remédie à plusieurs désagréments de l’éclairage venant de côté : contrairement
à ce dernier, il ne varie pas au cours de la journée, en raison du déplacement du soleil, et il
ne produit pas de zone d’ombre sur l’objet examiné. L’installation de verrières nécessite,
d’une part, que la disposition du bâtiment s’y prête et, d’autre part, un emplacement
particulier de la salle d’autopsie. Il est en effet impératif qu’il n’y ait pas de combles et que
le plafond de la pièce corresponde directement au toit. De telles conditions expliquent que
dans la Morgue de Paris, alors que la salle d’exposition des cadavres dispose d’un
éclairage zénithal, puisqu’elle n’est pas surmontée par les combles, les autres pièces, dont
la salle d’autopsie, conservent de simples fenêtres comme unique source de lumière 14 .
L’une des propositions faites par Paul Brouardel, dans les rapports qu’il adresse au
garde des Sceaux entre juillet et novembre 1878 au sujet des modifications à apporter à la
Morgue de Paris, a trait à l’éclairage disponible dans la salle d’autopsie. Deux solutions
sont préconisées pour accroître la qualité de la luminosité. En premier lieu, « un vitrage
supérieur laissant tomber la lumière du jour directement sur la table » 15 . La seconde
amélioration souhaitée par Brouardel, reprise par Lutaud dans l’article « Obitoires-
Morgues » du Dictionnaire Dechambre, est l’installation de l’éclairage au gaz : « Au-
dessus de la table, il faut un système d’éclairage au gaz suffisant pour que l’expert ne soit
pas forcé d’interrompre une autopsie, si la lumière du jour vient à manquer » 16 . Le futur
directeur de la Morgue de Paris n’est pas le seul à recommander la mise en place de ce type
13 Alphonse Devergie, « Rapport à M. le Préfet… », art. cit., p. 87.
14 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal
ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université de
Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, vol. 1, f° 169.
15 Ibid., vol. 2, f° 587.
16 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880, 2 ème série, t. 14, p. 52.
626

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
de matériel. Bourneville et Bricon suggèrent eux aussi de disposer des appareils
d’éclairage au-dessus de la table d’examen 17 . Les avancées techniques en matière de
lumière artificielle, notamment grâce au gaz de houille 18 , permettent de repousser les
frontières de l’obscurité. A l’inverse des vitres, l’éclairage artificiel peut être aménagé dans
n’importe quelle pièce, car il n’a pas besoin d’un accès direct sur l’extérieur. Il est donc
plus facile de faire projeter sa lumière à la verticale de la table.
Gabriel Tourdes, qui pourtant privilégie la réalisation de tout examen cadavérique à
la lumière naturelle, reconnaît néanmoins que « le gaz et la lampe au magnésium
permettent aussi les explorations » 19 . La remarque du maître strasbourgeois de la médecine
légale, datée de la fin des années 1860, suggère en outre que les médecins ont employé un
autre moyen pour apporter la lumière sur leur opération. Au lieu de faire pivoter la table et
le corps vers la source de clarté, ou de faire construire de grandes
verrières au plafond, il peut être plus aisé de déplacer la lumière
elle-même, grâce aux lampes dont de nombreux modèles sont mis
au point durant le XIX e siècle 20 . L’éclairage portatif pour la
pratique médicale devient d’ailleurs un sujet de réflexion, d’une
part, pour les hommes de l’art, et d’autre part, pour les artisans qui
construisent les instruments médico-chirurgicaux. La maniabilité
des lampes portatives représente l’enjeu principal. En 1877, un
nouveau modèle de lanterne d’éclairage médical mis au point par
Collin, fournisseur en matériel médical, semble contourner
l’ensemble des inconvénients des autres lampes (illustration 34) 21 .
627
Source : Journal de médecine et de
chirurgie, 1877, t. 48, n°10 445, p. 84.
Illustration 34 : Lanterne d’éclairage
médical (années 1870).
L’amélioration la plus significative réside dans l’alimentation de la mèche par une
« éponge légèrement humectée » 22 , et non par un liquide. Ainsi, la lampe peut être
manipulée dans tous les sens sans que le liquide ne s’échappe. Ses autres qualités sont une
17 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique des autopsies, Paris, Delahaye et
Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, p. 48.
18 Jacques Léonard, Archives du corps…, op. cit., pp. 227-230.
19 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 423.
20 Jacques Léonard en présente quelques modèles dans les Archives du corps…, op. cit., pp. 225-227.
21 « Lanterne d’éclairage médical », Appareils et instruments nouveaux, Journal de médecine et de chirurgie
pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1877, t. 48, n°10 445, pp. 83-84.
22 Ibid., p. 84.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
flamme protégée ainsi qu’un système de miroir et de lentille qui augmente sa puissance de
luminosité.
Avec le développement et l’amélioration des appareils d’éclairage artificiel,
l’autopsie est alors réalisable la nuit, voire dans un lieu complètement clos dans lequel
aucun rayon de soleil ne pénètre, même en pleine journée. Se pose alors un autre problème,
celui de l’aération de la salle. Les fenêtres présentent en effet l’avantage d’apporter lumière
et air frais dans la pièce.
B) Besoin d’air
La nocivité d’un milieu saturé par les miasmes qu’exhale le corps des malades,
agonisants des suites de leur contagion par un mal aérien, est communément admise 23 .
Bien avant les travaux de Pasteur sur les modalités de la contagion par les microbes et
autres vibrions malsains, les hommes de l’art estiment que respirer auprès d’un mourant ou
d’un mort présente un certain danger. En matière d’examen cadavérique, la menace est
double. Outre un risque de contagion par une maladie épidémique, dont le mode de
propagation fait débat au sein de la communauté scientifique jusqu’à la première moitié du
XIX e siècle 24 , l’opérateur est exposé à des émanations putrides dont la dangerosité se
confond avec la pénibilité olfactive 25 . Le renouvellement de l’air, c’est-à-dire le
remplacement d’un air vicié et irrespirable par un air frais et sain, constitue l’un des
principaux conseils prodigués, depuis le XVII e siècle 26 , et perpétué par les hygiénistes du
XIX e siècle.
Plusieurs procédés sont proposés par les auteurs pour purifier l’atmosphère dans
laquelle les anatomistes et les médecins experts exercent leur science. Les méthodes
actives de la purification et de l’assainissement des pièces par l’intermédiaire de produits
chimiques donnant lieu à une étude particulière 27 , il s’agit pour le moment d’aborder les
techniques qui se contentent de ventiler la pièce, de chasser l’air malsain et non de le
désinfecter. La première méthode peut être qualifiée, en empruntant l’expression de Bruno
23
Georges Vigarello, Le sain et le malsain. Santé et mieux-être depuis le Moyen Age, Paris, Editions du
Seuil, L’Univers historique, 1993, pp. 58-60.
24
Jean-Charles Sournia, Histoire de la médecine, Paris, La Découverte, Histoire des sciences, 1992,
pp. 226-229.
25
La deuxième partie du chapitre 8 est consacrée aux désagréments de la décomposition putride et aux
moyens mis en œuvre pour les minimiser, voire les enrayer.
26
Cf. les réflexions de Georges Vigarello sur les premiers aménagements et les bienfaits du renouvellement
de l’air dans Le sain…, op. cit., pp. 176-181.
27 Cf. le chapitre 8.
628

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Bertherat, de « ventilation naturelle » 28 . Ainsi que le préconise François Chaussier, il
convient en premier lieu « d’établir un courant d’air dans le local où [l’homme de l’art]
opère » 29 . Pour cela, il lui suffit d’ouvrir les fenêtres de la salle. La nouvelle Morgue de
Paris, construite en 1804, prend cette donnée en considération, car le nombre d’ouvertures
est fortement accru dès sa conception 30 . A ce sujet, Emile Goubert précise que les salles de
dissection ou d’autopsie doivent être « aérées par des fenêtres élevées et en regard » 31 .
Une disposition en vis-à-vis des ouvertures permet évidemment de produire un courant
d’air efficace qui emporte à l’extérieur les exhalaisons désagréables, voire nocives.
D’aucuns recommandent même de pratiquer l’examen en plein air. La réalisation de
l’autopsie dans un « espace libre et à ciel ouvert » 32 est particulièrement indiquée si la
décomposition a atteint un stade avancé, ce qui est souvent le cas dans les autopsies après
exhumation. Pour cela, une salle d’autopsie donnant directement sur une cour ou un jardin
présente un avantage certain. Lutaud utilise cet argument dans l’exposé des améliorations à
apporter à la Morgue de Paris, publié en 1880 dans le Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales :
« La disposition actuelle de la Morgue de Paris permettrait d’utiliser une petite cour,
voisine de la salle d’autopsie actuelle, pour y pratiquer toutes les opérations qui répandent
une odeur trop désagréable ou des émanations nuisibles. Il est en effet quelquefois
dangereux de faire dans un espace clos certaines autopsies de cadavres sortis de l’eau en
putréfaction ou exhumés après un long séjour en terre. Il faut donc ouvrir ces cadavres
presque en plein air ; en protégeant par un vitrage cette petite cour, on aurait un
emplacement favorable à ces opérations particulièrement nuisibles » 33 .
Pour intensifier la circulation de l’air, des dispositifs caloriques sont également
conseillés. L’action de tels appareils repose sur le même principe : créer un appel d’air
grâce à la chaleur. La mise en application de ce principe est relativement simple : « un
poêle, qu’il sera bon de faire allumer l’été même, activera, dans les amphithéâtres
d’autopsie, le renouvellement de l’air » 34 . Les réflexions ayant trait à l’assainissement des
salles de dissections, ainsi que celles relatives à l’amélioration du système d’aération de la
Morgue de Paris, en décrivent le fonctionnement et l’action. Dans les modifications qu’ils
souhaitent apporter aux amphithéâtres de dissection, D’Arcet et Parent-Duchâtelet
28 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 346.
29 François Chaussier, Recueil…, op. cit, p. 27.
30 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 346-347.
31 Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses applications à l’anatomie
pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première partie, Paris, Germer Baillière, 1867, p. 6.
32 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies et de recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris, Octave Doin, 1910, p. 28.
33 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 54.
34 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 6.
629

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
suggèrent qu’un appareil de chauffage, installé à la base d’une cheminée, serve de
fourneau d’appel, aspire l’air de la pièce qui est ensuite rejeté par la cheminée à
l’extérieur : « Il est évident qu’en allumant du feu dans le fourneau de la chaudière, dans
le poêle ou sous l’étuve, on établit un courant ascensionnel dans la grande cheminée, ce
qui attire l’air […] » 35 . Pour faciliter le travail de l’homme de l’art, penché sur un corps
dont il respire directement les exhalaisons, D’Arcet met au point une table de dissection
qui sert en quelque sorte de point d’entrée à la cheminée d’appel. Le dessus de cette table
est « percé de trous nombreux » alors que l’intérieur de celle-ci est « mis en
communication avec un canal souterrain » 36 . D’Arcet en explique le fonctionnement de la
façon suivante :
« en allumant du feu dans le fourneau […] on établit un courant ascensionnel dans la
grande cheminée, ce qui attire l’air contenu dans le canal souterrain et dans l’intérieur de
la table de dissection, d’où il suit que l’air de la salle est entraîné vers le cadavre placé sur
la table de dissection, et que cet air, après avoir entouré le corps, passe par les trous du
couvercle de cette table, pour aller, à travers le pied de la table et le canal souterrain,
satisfaire à l’appel de la grande cheminée » 37 .
Ainsi, au lieu de remonter aux narines de l’opérateur, les émanations sont attirées vers le
bas et aussitôt évacuées.
Devergie veut appliquer le système de ventilation à la Morgue parisienne. A la tête
de l’établissement depuis un couple d’années, il rédige un rapport destiné au préfet de
Police, pour démontrer les insuffisances du bâtiment et faire des propositions
d’aménagements 38 . Une cheminée est ainsi installée sur le toit donnant sur la Seine. Elle
est reliée à un poêle, placé dans le lavoir, et dont un tuyau aboutit à la salle d’exposition
des cadavres 39 . Quelques années plus tard, deux nouvelles cheminées sont construites,
l’une pour la salle d’exposition, l’autre pour la salle des morts. Mais des préoccupations
esthétiques, historiques (et touristiques ?) poussent la préfecture de la Seine à contrecarrer
les plans de Devergie. Alors que ce dernier réclame des cheminées très hautes, celles qui
sont finalement installées ne dépassent pas le toit 40 . L’inconvénient de cette installation est
immédiatement perçu : « l’odeur infecte de la salle des morts se répandait sur le quai, et
les passants venaient en faire l’observation à la Morgue » 41 . Il faut noter que les
35
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence et de l’assainissement des salles de dissection », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, p. 316.
36
Ibid.
37
Ibid.
38
Alphonse Devergie, « Rapport à M. le Préfet… », art. cit., pp. 75-97.
39
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 350.
40
Ibid., vol. 2, f° 351-352.
41
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 45.
630

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
aménagements souhaités et mis en place par Alphonse Devergie n’intéressent que la salle
d’exposition, ainsi que la salle des morts où les corps reconnus, ou ne pouvant plus être
exhibés, sont transférés. En revanche, aucune modification de la ventilation de la salle
d’autopsie n’est demandée 42 . La raison en est probablement que, contrairement aux deux
autres salles, les cadavres ne “stagnent” pas dans la salle d’autopsie, ils n’y font qu’un
cours séjour.
L’évacuation de l’air nauséabond et vicié de la salle de dissection, ou de la pièce où
se pratique l’autopsie, s’avère délicate et souvent inefficace. En définitive, la ventilation ne
fait que pousser un peu plus loin les miasmes qui s’échappent du corps. Si pour l’opérateur
le système présente un intérêt certain, les désagréments et le danger demeurent pour
l’environnement extérieur qui reçoit les exhalaisons. Des recherches sur la désinfection des
salles sont donc effectuées, afin de remédier à ce problème 43 . En outre, les émanations
volatiles ne constituent pas la seule source de pollution déplaisante ou nocive. Les fluides
qui s’échappent du corps doivent également être canalisés et évacués. La structure de la
table sur laquelle repose la dépouille à autopsier est essentielle.
C) La table d’autopsie : supporter le corps et évacuer les déchets
Les recommandations concernant le matériel sur lequel est placé le corps pour
l’examen s’attachent à deux préoccupations : le confort de l’opérateur et la récupération
des liquides sanguinolents répandus lors de l’ouverture et de l’exploration des organes.
1) Commodité d’exercice
François Chaussier conseille d’utiliser une « table longue, étroite, solidement fixée
et à hauteur d’appui » 44 . Sa recommandation vise à faciliter le travail du médecin. Une
table suffisamment longue permet de soutenir convenablement l’ensemble du corps : la tête
ou les pieds ne dépassent pas et le praticien n’est pas contraint de bouger la dépouille pour
examiner l’une ou l’autre extrémité. Une table étroite permet à l’homme de l’art d’opérer
au plus près du corps, et cela des deux côtés de la table. De plus, il peut facilement se
déplacer autour du cadavre. En outre, il est nécessaire que la table ne soit ni branlante ni
bancale, afin d’assurer au médecin la maîtrise de ses gestes : un léger mouvement de la
table, lors de l’incision d’un tissu ou de la fracturation de la boîte crânienne, pourrait avoir
42
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 351.
43
Cf. le chapitre 8.
44
François Chaussier, Recueil…, op. cit, p. 26.
631

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
des conséquences désastreuses. Enfin, la hauteur convenable de la table, ni trop basse ni
trop élevée, offre à l’opérateur une bonne distance d’observation, ainsi qu’une position
corporelle confortable.
Dans la masse des améliorations souhaitées puis conférées à la table d’examen
cadavérique, durant le XIX e siècle, peu ont trait au bien-être opératoire du médecin. Il a
déjà été indiqué, lors de l’étude de l’éclairage des salles d’autopsie, qu’Alphonse Devergie
réclame l’utilisation d’une table « mobile sur son axe » 45 , pour pouvoir diriger la partie
examinée vers la source de lumière. La description de la Morgue, réalisée par Devergie en
1878, mentionne effectivement une table qui pivote sur un axe central 46 . Les rapports
rédigés la même année par Paul Brouardel, en vue de réviser les installations de la Morgue,
abordent la question de la table d’autopsie. Lui aussi préconise une table « tournante » 47 .
Cependant l’objectif de Brouardel est probablement différent. Autorisé depuis quelques
mois à organiser des cours pratiques de médecine légale à la Morgue, il se préoccupe des
conditions dans lesquelles ces leçons sont données, et notamment la vision que les dizaines
d’étudiants peuvent avoir de l’opération 48 . Une table capable de pivoter peut faciliter la
visibilité des lésions et des manipulations réalisées par le médecin. L’hypothèse est
confirmée par la description de la salle d’autopsie dont devraient disposer, selon
Bourneville et Bricon, les « Instituts anatomo-pathologiques » 49 , établissements qui
serviraient à l’enseignement de cette science : la table d’autopsie, « mobile sur un axe
vertical », est entourée de gradins 50 . La question qui peut se poser avec les tables mobiles
est celle de leur stabilité. Aucune indication, favorable ou défavorable, n’a été trouvée à ce
sujet.
La seconde modification qui semble avoir été apportée à la table d’autopsie, pour le
confort de l’homme de l’art, est l’arrondissement des angles 51 . Une telle précaution permet
au praticien d’éviter de se faire trop mal, s’il heurte malencontreusement le bord de la table
en évoluant autour durant son examen. Il est possible de considérer cette petite
modification comme une résurgence de l’ancienne forme des tables de dissection qui
étaient généralement ovales, en raison de la configuration des amphithéâtres au centre
45
Alphonse Devergie, « Rapport à M. le Préfet… », art. cit., p. 87.
46
Alphonse Devergie, « La Morgue de Paris. Sa description, son service, son système hygiénique. – De
l’autopsie judiciaire, comparée à l’autopsie pathologique », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1878, 2 ème série, t. 49, p. 62.
47
Cité dans Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 587.
48
Sur la mise en place d’un enseignement pratique de la médecine légale, cf. le chapitre 3.
49
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 47.
50
Ibid., p. 48.
51
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 553.
632

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
desquels elles étaient disposées (illustrations 188 et 189, cf. annexe 54). D’ailleurs, l’auteur
de l’article « Dissection » ne note-t-il pas qu’il est « avantageux de rendre [les tables]
ovales » 52 ? Une telle précision étant absente des autres sources consultées, il est permis de
supposer que les tables mentionnées sont de forme rectangulaire, supposition appuyée par
les rares illustrations à disposition (illustrations 35, 36 et 37).
Source : Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, pl. 2.
Illustration 35 : Table de dissection de D’Arcet, vue de dessus (années 1830).
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies,
dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud,
1903, p. 19.
Illustration 36 : Table à autopsie (années 1900).
52 « Dissection », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
sl. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 6, p. 75.
633

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie…, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 330.
Illustration 37 : Table à dissection à pied central en ardoise de Mathieu (années 1900).
Les autres aménagements ou recommandations relatifs à la table utilisée pour
pratiquer une ouverture cadavérique, s’attachent dans une forte proportion à la question
sanitaire et aux possibilités de récupération et d’évacuation des déchets liquides.
2) Bois, pierre ou métal ?
Le choix du matériau dans lequel la table est construite est essentiel. Il doit avoir
deux qualités principales : d’une part, il doit être imperméable aux fluides qui s’écoulent,
et donc facile à nettoyer ; d’autre part, il ne doit pas être susceptible de s’altérer au contact
de ces mêmes fluides ou par les nettoyages fréquents. Le bois, qui risque d’absorber les
liquides et dont le décapage est par conséquent impossible, serait donc à proscrire 53 .
Néanmoins, d’aucuns mentionnent la possibilité de l’utiliser : D’Arcet l’indique comme
matériau éventuel de sa table de dissection 54 .
Différents matériaux, semblant remplir les conditions requises, ont eu les faveurs
des auteurs au cours du XIX e siècle. Ils peuvent être répartis en deux catégories : d’un côté,
les roches, de l’autre, les métaux ou alliages métalliques. Les roches utilisées pour
construire des tables adaptées à l’ouverture cadavérique sont le marbre, la pierre et
l’ardoise. Les tables de la Morgue de Paris sont, dès 1804, en marbre noir 55 . Emile Goubert
indique que parmi les tables d’autopsies installées dans les amphithéâtres, nombre d’entre
53 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 340.
54 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 316.
55 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 551.
En ce qui concerne les tables de la salle d’exposition, la couleur noire présente l’avantage de faire ressortir
les corps et d’accroître leur visibilité derrière la vitrine.
634

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
elles sont en pierre 56 . Enfin, la dernière roche mentionnée dans la littérature spécialisée est
l’ardoise. Dans le projet de réforme qu’il prépare pour la Morgue parisienne, Paul
Brouardel souhaite installer « une table en ardoise » 57 . Le marbre et l’ardoise semblent les
matières les plus satisfaisantes. Ils sont en effet indiqués durant une longue période. En
1885, le manuel de Bourneville et Bricon signale encore des tables construites dans ce
matériau 58 . Quant à l’ardoise, le catalogue d’instruments de la Maison Mathieu, en propose
toujours à la vente en 1907 59 .
Les métaux ou alliages métalliques constituent le second groupe de matériaux
employés à la fabrication des tables de dissection : D’Arcet propose d’utiliser la fonte pour
son modèle 60 ; la table d’autopsie employée à la Morgue de Paris, à partir des années 1860,
est en plomb à présent, avec un pied en fer 61 ; à côté des modèles en pierre, Emile Goubert
indique qu’il existe, dans les amphithéâtres, des tables en fer 62 ; enfin, Bourneville et
Bricon signalent que les tables peuvent être fabriquées en cuivre étamé ou en étain 63 . S’ils
répondent également aux critères, les métaux ont un défaut en comparaison des roches. La
plupart d’entre eux s’altèrent au contact de l’eau et/ou de l’air : le fer et la fonte rouillent ;
le cuivre étamé se couvre de vert-de-gris, si la couche d’étain qui le protège est entamée.
De telles questions se posent également au sujet des billots, les socles pleins ou creusés,
placés à divers endroits sous le corps durant l’examen. L’utilisation de ces objets rend
divers services. Elle permet de surélever une partie du corps, pour en rendre l’exploration
plus aisée : glisser sous le ventre, par exemple, le billot facilite l’examen de la colonne
vertébrale 64 . Le billot maintient aussi la tête en place, durant l’ouverture du crâne
(illustration 38), l’exploration du cou (illustration 39) ou de la cavité buccale (illustration
40). S’intéressant au matériel nécessaire à la bonne réalisation d’une dissection, un des
contributeurs au Dictionnaire abrégé des sciences médicales indique qu’il est utile de
disposer de « billots de bois de différentes grosseurs » 65 . Goubert mentionne également la
56
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 6.
57
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 52.
58
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 48.
59
Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, orthopédie, prothèse, physiologie, anthropologie,
coutellerie fine, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 330.
60
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 316.
61
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 552.
62
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 6.
63
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 48.
64
M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, p. 93.
65
« Dissection », art. cit., p. 75.
635

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
présence de « morceaux de bois, nommés billots » 66 dans les salles d’autopsie. Ces objets
sont donc généralement en bois. Or, ainsi qu’il a été souligné précédemment, le bois
présente plusieurs inconvénients. Maurice Letulle donne une description précise de ces
supports et en profite pour émettre quelques critiques à leur sujet. Les trois billots qu’il
conseille d’avoir sous la main, durant une autopsie, doivent faire 45 à 50 cm de long sur 15
à 18 cm de haut 67 . Ils peuvent être en bois ou en métal, matériaux comportant chacun des
défauts : le bois s’use, ce qui représente un risque d’égratignure pour les mains de
l’opérateur ou de ses assistants, et il est difficile à désinfecter ; le métal, que ce soit de la
fonte ou du fer, est lourd, rouille et peut abîmer la table sur laquelle l’objet est posé 68 .
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris,
Naud, 1903, pp. 381 et 118.
Illustration 38 : Billot placé sous la tête Illustration 39 : Billot placé sous la tête
(mise à nu de la calotte crânienne). (libération du plancher buccal).
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier,
Paris, Naud, 1903, p. 20.
Illustration 40 : Billot placé sous la tête (amputation du voile du palais).
66 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 6.
67 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 38.
68 Ibid.
636

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Ce panorama des matériaux employés pour la fabrication des tables servant à la
dissection ou à l’autopsie, ne constitue en aucun cas une liste exhaustive. Si certains
matériaux proposés ont pu être omis, car ils n’ont pas été rencontrés au cours des lectures
effectuées pour la présente étude, il ressort cependant des exemples ci-dessus que tous
répondent aux deux impératifs mentionnés plus haut : être à la fois imperméable et
imputrescible. En outre, les roches et les métaux présentent également l’avantage de
favoriser l’écoulement des fluides, car ils sont lisses, contrairement au bois qui peut offrir
des aspérités constituant autant d’obstacles à une évacuation correcte et efficace.
3) « La maîtrise des flux » 69
La maîtrise de l’écoulement des fluides cadavériques, produits de l’autopsie, est un
des enjeux majeurs de la propreté des théâtres de l’opération. Contrairement aux déchets
solides, faciles à récupérer et donc à éliminer, les déchets liquides échappent au médecin
qui pratique une ouverture cadavérique. Bruno Bertherat rapporte que, malgré ses
améliorations, consécutives à son déménagement en 1864, la Morgue de Paris conserve des
lacunes en matière d’évacuation des fluides :
« Quelques heures après une autopsie, le sol demeure parsemé de “flaques de matières
grasses et sanguinolentes” qui continuent de s’échapper du cadavre : “le sol n’a point assez
de pente, le caniveau d’écoulement est à peine tracé dans la pierre, et l’on patauge dans des
liquides cadavériques” » 70 .
Dans les amphithéâtres de dissection, le nettoyage du sol souillé par les fluides
sanguinolents et les matières putrides, s’avère également délicat. La solution la plus
simple, et ne demandant pas de modification des bâtiments, consiste à répandre une
substance absorbante qu’il suffit ensuite de balayer : « Le sol sera recouvert d’une couche
mince de sable fin, de sciure de bois, de tannée, etc., ce qui facilite le balayage,
l’enlèvement des débris […] » 71 .
Dans ce combat hygiénique contre les souillures liées aux fluides corporels, la table
de dissection joue un rôle essentiel pour canaliser les écoulements. Les modifications
apportées à cet objet ont deux visées : empêcher que les liquides s’en échappent et diriger
leur évacuation. Le modèle mis au point par D’Arcet répond à de tels impératifs
69 e e
Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social XVIII -XIX siècles, Paris,
Flammarion, Champs, 1986, p. 143.
70
Edmond Douay, Le suicide ou la mort volontaire, Paris, Décembre-Alonnier, 1870, chapitre V, p. 5, cité
dans Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 558.
71
E. Beaugrand, « Amphithéâtre », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 1 ère série, t. 3, p. 754.
637

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
(illustration 41). Les nombreux trous qui en percent le plateau supérieur pour la ventilation,
permettent également aux liquides divers de s’écouler, « sans salir et sans encombrer le
pied de la table » 72 . Mais, afin d’éviter que les fluides corporels se déversent dans le
conduit de ventilation, D’Arcet dispose « immédiatement au dessous (sic) de son
couvercle, une caisse en cuivre étamé » 73 . Percée uniquement dans sa partie supérieure, la
caisse est plus profonde à l’autre extrémité. En raison de l’inclinaison, les liquides sont
forcés de s’écouler vers l’extrémité inférieure où est placé un tuyau de vidange qui aboutit
dans un seau 74 . Bien que la table construite par D’Arcet semble peu utilisée 75 , elle fait
office de référence en matière d’éléments composant une table d’autopsie convenable.
Source : Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, pl. 2.
Illustration 41 : Table de dissection de D’Arcet, vue en coupe (années 1830).
Les modèles décrits par les différents auteurs sont plus simples, mais reprennent le
concept défendu par D’Arcet. L’évacuation des liquides grâce à des trous percés aux
extrémités du plateau supérieur n’est pas une amélioration dont D’Arcet peut s’octroyer la
paternité. En effet, la table en marbre noir utilisée à la Morgue de Paris, nouvellement
installée sur le quai du Marché-Neuf en 1804, « comporte deux trous à ses extrémités » 76 .
En revanche, la table élaborée par D’Arcet met en exergue le souci de diriger l’écoulement,
72
D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 318.
73
Ibid.
74
Ibid.
75
Alphonse Devergie, qui souhaite adopter ce modèle de tables pour la salle d’exposition de la Morgue
parisienne, remarque que pour en diminuer le coût, il conviendrait de construire « leur double fond en bois
goudronné » et non en cuivre étamé. Cf. Alphonse Devergie, « Rapport à M. le Préfet… », art. cit., p. 83.
Devergie parvient à faire installer l’un de ces modèles dans la salle d’autopsie à la fin des années 1860. Mais
son emploi est suspendu en raison du courant d’air constant qui, en hiver, refroidit trop les mains de
l’opérateur. Cf. Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 553.
76
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 551.
638

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
pour ainsi en garder une totale maîtrise. L’inclinaison de son modèle centralise tous les
liquides en un seul point d’évacuation. Des exemplaires différents utilisent un autre
procédé. Emile Goubert décrit les tables qu’il rencontre dans les salles d’autopsies, au
milieu des années 1860 : « Ces tables sont percées, en leur milieu, de trous destinés à
l’écoulement des liquides morbides » 77 . L’évacuation est donc centrale.
Se pose alors la question du moyen le plus efficace pour faire parvenir les fluides
jusqu’aux trous. La solution de D’Arcet est inadaptable car malcommode pour le médecin :
opérer sur une table plus haute à l’une de ses extrémités présenterait nombre
d’inconvénients, tant techniques que physiques. En revanche, l’utilisation du principe de la
gravité a, elle, été adaptée. Deux camps s’affrontent : la table convexe, à évacuation
périphérique (illustration 42), et la table concave, à écoulement central (illustration 36). En
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies,
dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903, p. 21.
Illustration 42 : Table à autopsie, plan et coupe
(années 1900).
639
effet, la surface de la table doit avoir
une forme particulière en fonction de
l’emplacement des orifices, et
inversement. Soit il s’agit de diriger les
fluides vers le centre de la table, le
plateau sera alors concave ; soit il s’agit
de les éloigner du corps et de les faire
couler sur les bords de la table, le
plateau devra en conséquence être
convexe.
Il semble que ce dernier modèle remporte plus souvent les suffrages des praticiens,
probablement du fait que les fluides sont écartés du cadavre au lieu de passer sous lui, ce
qui ne donne pas l’impression que le corps “baigne” dans les liquides sanguinolents,
nauséabonds et putrides. La table présentée dans l’ouvrage de Maurice Letulle
(illustrations 36 et 42) correspond à la description faite une quinzaine d’années plus tôt par
Paul Brouardel, dans ses propositions d’aménagement de la Morgue de Paris :
77 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 6.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
« Il faudrait une table en ardoise, tournante, légèrement convexe, entourée d’une rigole
circulaire, dans laquelle se collectent les liquides sortant du cadavre. Des orifices latéraux
nombreux les conduisent dans des tubes qui se réunissent au pied de la table […] » 78 .
De même pour le modèle conseillé par Bourneville et Bricon en 1885 : la table doit
posséder des bords surélevés, comporter « une légère pente convergente du centre vers la
périphérie » qui est parcourue par une rigole percée de plusieurs trous qui conduisent les
liquides à une canalisation creusée dans le pied central de la table 79 .
Malgré toutes les modifications et améliorations apportées aux tables de dissection
et d’autopsie, il est nécessaire de faire appel à un élément extérieur pour faciliter
l’évacuation des fluides cadavériques, ainsi que le lavage : l’eau. Cet élément naturel joue
un rôle essentiel dans la question de la désinfection et de la lutte contre la putréfaction 80 .
Pour le moment il s’agit d’aborder l’eau par la problématique de sa présence et de son
évacuation dans la salle d’autopsie. Pour de nombreuses raisons, il est nécessaire que
l’homme de l’art ait de l’eau, et si possible en quantité suffisante, pour pratiquer
l’ouverture cadavérique. L’eau sert en premier lieu à laver les organes extraits, les
instruments, les mains de l’opérateur, le corps avant et/ou après les recherches, la table.
Elle peut également être employée pour quelques expériences, telle l’immersion des
poumons de nouveau-nés 81 .
Alphonse Devergie souhaite qu’un « robinet placé au voisinage de la table » soit
installé dans la salle d’autopsie 82 . La description que Firmin Maillard donne de la Morgue
parisienne en 1860, confirme la présence d’un point d’eau dans la salle de dissection : une
fontaine 83 . Après son installation sur le quai de l’Archevêché, la salle d’autopsie de la
Morgue dispose d’un « bassin, équipé d’un robinet, fournissant de l’eau en abondance » 84 .
A l’instar des autres aménagements qu’il envisage au sein de l’établissement parisien,
l’alimentation en eau donne lieu à un commentaire de Paul Brouardel :
« Au-dessus de la table, il faut des conduits terminés par des tubes en caoutchouc amenant
en abondance l’eau propre sur le cadavre, de façon que l’expert pût constamment, sans
transporter les pièces, les examiner, les soumettre à un lavage sur place » 85 .
78
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 52.
79
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 48.
80
Cf. le chapitre 8.
81
Cf. dans le chapitre 8, la partie consacré aux complications engendrées par la décomposition.
82
Alphonse Devergie, « Rapport à M. le Préfet… », art. cit., p. 87.
83
Firmin Maillard, Recherches historiques et critiques sur la Morgue, Paris, Delahays, 1860, p. 30.
84
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 553.
85
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 52.
640

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Les souhaits du futur directeur de l’établissement ne semblent pas avoir été exaucé. La
Morgue connaît une mutation d’importance à l’aube du XX e siècle. A partir de 1903 elle
prend le titre d’Institut de médecine légale et de psychiatrie 86 . Ce nouveau statut requiert
un nouveau bâtiment. L’un des projets est présenté par Louis Dausset et Georges
Lemarchand 87 . En vue probablement de démontrer l’atout de leur projet, ils s’attachent
notamment à mettre en évidence les mauvaises conditions d’hygiène que propose la
Morgue actuelle : organes et mains des médecins sont lavés dans les mêmes baquets, et
donc certainement la même eau 88 . Si l’acheminement de l’eau dans la salle d’autopsie est
parfois abordé par les auteurs de médecine légale, son corollaire, l’évacuation, est rarement
mentionnée. Dans sa proposition de modification de la Morgue, Paul Brouardel indique
que les fluides recueillis par les trous de la table finiraient dans un caniveau 89 . Sans entrer
dans les détails architecturaux largement développés par Bruno Bertherat au sujet du
« drainage » 90 des eaux de la Morgue de Paris, il convient seulement de préciser que celle-
ci ne possède pas, avant son déménagement de 1864 91 , de raccordement direct à un
égout 92 .
Bien qu’elle ne réponde pas toujours aux desiderata des théoriciens de la médecine
légale et de l’hygiène, la Morgue de Paris apparaît comme l’un des lieux les plus propices
pour être le théâtre des autopsies médico-légales. Les amphithéâtres de dissection des
Facultés ou Ecoles de médecine, les salles des morts des établissements hospitaliers, ainsi
qu’il est précisé plus loin, offrent également un lieu plus ou moins satisfaisant. Mais de tels
lieux mortuaires ne sont pas présents sur l’ensemble du territoire national. D’aucuns ont
alors cherché à mettre en place, dans la majorité des localités, des endroits dévolus aux
défunts qui seraient capables de faire office de salle d’autopsie.
86
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 624.
87
Louis Dausset, Georges Lemarchand, Rapport sur la reconstruction de la Morgue et la création d’un
institut médico-légal, Paris, Imprimerie municipale, 1908, 234 p.
88
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 651.
89
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 52.
90
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 339-346.
91
Ibid., vol. 2, f° 343.
92
Georges Vigarello indique que les travaux relatifs à la construction du tout-à-l’égout dans la capitale
débutent en 1860. Cela explique qu’aucune évacuation directe des déchets de la Morgue ne soit possible
avant le second tiers du XIX e siècle.
Cf. Georges Vigarello, Le sain…, op. cit., p. 245.
641

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
D) La solution : le dépôt mortuaire 93
Le corps médical, et particulièrement les membres qui exercent dans les campagnes
profondes ou dans les quartiers les plus populaires des grandes villes, est partisan de la
construction de maisons ou dépôts mortuaires, appelés également obitoires, lieux dans
lesquels les dépouilles des défunts seraient placées jusqu’au moment de l’inhumation. De
telles structures doivent répondre à plusieurs objectifs, variables selon la zone où elles sont
installées.
La première mission remplie par un dépôt mortuaire est hygiénique. Il sépare morts
et vivants, mettant fin à la promiscuité macabre et douloureuse subie par nombre de
familles, obligées de cohabiter avec le défunt jusqu’à l’heure de l’inhumation :
« les familles pauvres pourraient faire transporter en attendant l’inhumation, les corps des
personnes décédées, ce qui éviterait à des familles, souvent composées de cinq, six ou huit
personnes et n’ayant comme habitation qu’une seule pièce, de rester pendant vingt-quatre
et quelquefois quarante-huit heures en contact avec un corps inanimé dont la
décomposition peut engendrer des éléments morbides » 94 .
En outre, la mise à l’écart des cadavres peut répondre à une nécessité prophylactique, en
cas de maladies contagieuses et d’épidémies. Sont concernées, par la possibilité d’éloigner
la dépouille d’un parent de leur domicile, les familles rurales et les familles très modestes
habitant les quartiers pauvres des grandes villes.
Dans un deuxième temps, le dépôt mortuaire joue un rôle qui peut être qualifié
d’humanitaire, dans la mesure où il peut prévenir les inhumations précipitées, et par
conséquent limiter les risques d’enterrer un “pseudo-défunt”. L’absence de service de
vérification des décès, dans une majorité de localités françaises, à laquelle il faut adjoindre
la difficulté à s’assurer de la réalité du trépas 95 , favorise la croyance en de possibles
inhumations prématurées et donc meurtrières. Le transport du corps dans un bâtiment
particulier, à l’écart des vivants, permet de conserver la dépouille jusqu’à ce que le seul
signe confirmant le trépas soit apparu, en l’occurrence le début de la putréfaction 96 . De ce
point de vue, disposer d’une maison mortuaire peut présenter un intérêt pour les villes et
villages qui n’ont pas organisé un système fiable de vérification des décès.
93
Pour une synthèse historique des campagnes visant à instaurer les maisons mortuaires, cf. Anne Carol, Les
médecins et la mort : XIX e -XX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2004, pp. 199-214.
94
« Maisons mortuaires d’attente », Revue des journaux français et étrangers, Annales d’hygiène publique et
de médecine légale, Paris, Baillière, 1883, 3 ème série, t. 10, p. 107.
95
Cf. les chapitres 5 et 8 pour une analyse des procédés et des observations employées dans le constat de
décès.
96
Alfred Lamouroux, « Création des maisons mortuaires à Paris », Variétés, Annales d’hygiène publique et
de médecine légale, Paris, Baillière, 1881, 3 ème série, t. 5, pp. 66-67.
642

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Enfin, le dépôt mortuaire peut rendre service à la pratique médico-légale, s’il est
convenablement aménagé. Adhérant à l’opinion de Josat, partisan de la construction de
maisons mortuaires, Gabriel Tourdes reprend l’argumentaire de celui-ci dans son Traité de
médecine légale. L’un des arguments utilisés a trait au monde judiciaire : « Citons
l’opinion de M. Josat, qui expose ainsi les avantages des asiles mortuaires, […] utiles à la
justice sûre de retrouver en un lieu désigné pour un temps connu, le corps qui a pu être la
victime d’une violence ou d’un crime » 97 .
Le dépôt mortuaire doit, en quelque sorte, faire office d’antichambre du cimetière.
D’ailleurs, pour les nombreux projets développés dans les années 1830-1860, « un tel lieu
se situe dans la proximité immédiate du cimetière » 98 . Mais plus qu’un lieu de
conservation, le dépôt mortuaire doit pouvoir servir de lieu d’examen cadavérique. Si à
l’origine, ces lieux ont pour vocation de permettre de retarder l’inhumation jusqu’à
l’apparition de la tache verte de l’abdomen, stigmate incontestable de la décomposition
cadavérique, d’aucuns estiment surtout qu’ils « offriraient un cadre plus propice que le
domicile aux expériences compliquées de réanimation en cas de mort apparente » 99 . Il
apparaît, en outre, que certaines manipulations ou expériences visant à s’assurer du trépas,
ne peuvent s’effectuer qu’à l’abri des regards et peuvent nécessiter un matériel particulier.
La simple chambre funéraire initialement souhaitée devient, dans l’esprit de ses
concepteurs, un lieu médicalisé.
Déjà en 1830, D’Arcet soulignait les avantages et les services que pourrait rendre
une salle d’exhumation et d’autopsie intégrée à un cimetière 100 . Bien que son propos soit
de fournir une pièce adaptée à l’examen des corps exhumés, son exposé démontre l’utilité
de tels lieux pour l’ensemble des ouvertures cadavériques. Cet élément est intégré à
quelques projets de maisons mortuaires. Anne Carol rapporte la description du monument
imaginé par un certain Dr Kaufmann, en 1851 :
« outre une grande salle d’observation divisée en cellules, le bâtiment comprendrait une
salle pour isoler les corps dont la décomposition est avérée et qui attendent l’enterrement,
ainsi qu’une salle de “ranimation” et un amphithéâtre de dissection » 101 .
Parmi les figures de la médecine légale, nombre déplorent l’absence de local adéquat mis à
la disposition des médecins experts, en particulier dans les petites communes et les
campagnes. Or, selon ces praticiens renommés de la médecine judiciaire, un lieu dévolu au
97
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 374.
98
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 201.
99
Ibid., pp. 199-200.
100
D’Arcet, « Projet… », art. cit., pp. 16-23.
101
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., p. 202.
643

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
dépôt des défunts, en perspective de l’enterrement, constituerait un endroit tout à fait
acceptable :
« Il est à regretter que dans nos cimetières, il n’y ait pas une chambre d’autopsie, comme il
en existe une dans les obitoires de l’Allemagne ; cette annexe à la maison des morts y rend
des services non-seulement à la médecine légale, mais encore à la science dont elle facilite
les explorations pour les cas ordinaires » 102 .
Deux décennies après la publication du point de vue du maître de l’école médico-légale de
Strasbourg, Gabriel Tourdes, Henry Coutagne, représentant quant à lui l’école lyonnaise,
fait une annonce similaire :
« Il est urgent que la justice garantisse au médecin appelé à faire une autopsie un local
suffisamment aménagé dans ce but. Nous pensons que le problème serait résolu d’une
façon aussi simple qu’efficace par l’adoption d’une mesure déjà appliquée dans divers
pays de l’Europe, entre autres en Allemagne et en Autriche : c’est obligation pour toute
commune d’avoir un bâtiment consacré aux dépôts mortuaires qui serait le plus
naturellement annexé au cimetière » 103 .
Dans un souci de clarté, Coutagne précise sa pensée et expose plus longuement ses
souhaits en matière de maison mortuaire capable de servir l’exercice médico-légal :
« la maison mortuaire, construite avant tout dans de bonnes conditions d’éclairage, avec
des matériaux communs et des murs et des revêtements du sol faciles à nettoyer se
composerait de deux pièces : la première, servant de salle d’autopsie, serait munie dans ce
but d’une table spéciale, de conduites d’eau et de tablettes de zinc adossées aux fenêtres
sur lesquelles les examens des organes et même quelques recherches microscopiques
urgentes pourraient être faites » 104 .
Malgré les démarches effectuées après des autorités locales, ainsi que les régulières
propositions relatives à la vérification des décès et l’instauration de dépôts mortuaires, tout
au long du XIX e siècle, comme le montre la consultation des Annales d’hygiène publique
et de médecine légale, les décisions positives sont peu nombreuses. En 1904, l’un des
contributeurs aux Archives d’anthropologie criminelle, « déplore l’installation
rudimentaire, ridicule, tout à fait insuffisante, on pourrait dire dangereusement
insuffisante, dont l’infortuné expert doit se contenter à la campagne » 105 . Il ajoute que le
remède est pourtant simple : « Tout simplement décider que l’autopsie sera dorénavant
pratiquée au chef-lieu d’arrondissement dans une salle spécialement aménagée pour cet
102 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 425.
103 Henry Coutagne, « L’exercice de la médecine judiciaire en France. Ses conditions actuelles et les
réformes nécessaires à son fonctionnement », Archives de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales.
Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle. Législation et droit, Lyon, Storck, 1886, t. 1, pp. 51-52.
104 Ibid., p. 52.
105 Paul Hervé, « Médecine légale et médecins légistes », Archives d’anthropologie criminelle, de
criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1904, t. 19, p. 888.
644

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
usage » 106 . Sa remarque laisse entendre que les maisons mortuaires ont été faiblement
diffusées. Octave du Mesnil impute ce retard aux services de vérification des décès,
organisés dans les villes qui précisément seraient susceptibles de recourir à ce type
d’établissements pour des raisons sanitaires : « en France, dans nos grandes villes tout au
moins (où les besoins de l’hygiène réclament surtout la création des maisons mortuaires),
l’organisation du service de la vérification des décès donne toute sécurité aux
familles » 107 . En outre, même quand des dépôts ont été mis en place, ils ne répondent pas
aux attentes médico-légales.
Il semble en effet que, des deux conceptions du dépôt mortuaire qui se développent
de façon concomitante, la visée médico-légale ait été écartée. La divergence entre les
partisans du “dépôt mortuaire-médico-légal” et ceux du “dépôt mortuaire-hygiéniste”
apparaît déjà dans le choix de l’emplacement du bâtiment au sein de la localité. Les
adeptes du modèle hygiéniste estiment plus judicieux, et plus conforme aux mœurs
populaires, de l’installer à proximité du lieu de culte et non du lieu de sépulture. Pour la
capitale, ils préconisent d’« établir ces monuments dans le centre même des quartiers » 108 ,
en raison principalement de l’éloignement des cimetières, victimes d’un ostracisme urbain
à la fin du XVIII e siècle, mais réabsorbés dans les années 1850 par l’extension
géographique de Paris qui a annexé les communes environnantes 109 . De plus, il leur semble
rédhibitoire pour les familles de prévoir une salle d’autopsie. En novembre 1880, Alfred
Lamouroux présente, devant le conseil municipal de Paris, un rapport relatif à
l’instauration de maisons mortuaires dans cette ville. Afin « que ces maisons mortuaires
rendent tous les services qu’on en peut attendre et pour habituer la population à leur
usage » 110 , il recommande d’éviter « tout ce qui peut frapper l’imagination des parents,
comme l’adjonction de salles d’autopsie ou de cabinets d’anatomie » 111 . En outre, de telles
salles ne seraient d’aucune utilité à Paris, d’une part, en raison de l’existence de la Morgue
qui remplit ce rôle et, d’autre part, parce que l’autopsie inspire à la population « une
répugnance invincible » 112 .
106
Ibid.
107
Octave du Mesnil, « De la création des maisons ou dépôts mortuaires de Paris », Société de médecine
publique (séance du 22 octobre 1879), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1879, 3 ème série, t. 2, pp. 517-518.
108
Alfred Lamouroux, « Création des maisons… », art. cit., p. 74.
109
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort ensauvagée, Paris, Editions du Seuil, Points
Histoire, 1977, p. 248.
110
Alfred Lamouroux, « Création des maisons… », art. cit., p. 77.
111 Ibid., p. 78.
112 Ibid., p. 74.
645

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Or, en favorisant la mission hygiénique de ces pénultièmes demeures des défunts,
aux dépens de leur caractère médico-judiciaire, leur instauration dans les régions où elles
auraient été les plus profitables a été fortement compromis. Devant limiter la promiscuité
entre les familles et leurs parents décédés, les dépôts mortuaires intéressent en premier lieu
les villes dans lesquelles la densité de population est élevée. Par conséquent, les zones
rurales ne sont pas concernées. Mais, il s’avère que se sont précisément ces dernières qui
manquent de lieux propices à la pratique des examens post mortem. Les villes importantes
possèdent au mieux une morgue, une Faculté ou une Ecole de médecine, et même celles de
taille modeste disposent d’un établissement hospitalier pouvant accueillir l’opération. Bien
que paradoxale, cette conception est pourtant reprise par Gabriel Tourdes : « Une salle de
dépôt, la loge du gardien : voilà tout ce qui est nécessaire à la campagne. Dans les villes,
on y ajoutera une chambre de secours et une salle d’autopsie » 113 . Or, s’intéressant aux
lieux des examens cadavériques quelques pages plus loin, Tourdes indique à demi-mots le
service que pourrait rendre un tel local :
« le corps est transporté […] dans le local où se fera l’autopsie. En ville, à l’amphithéâtre
de l’hospice, à la morgue, ou dans une salle annexée aux établissements anatomiques
d’une Faculté ou d’une école de médecine. […] A la campagne, le médecin doit se
procurer un local aussi clair, aussi aéré que possible, à l’abri des curieux » 114 .
Face à cette lacune, les médecins requis pour pratiquer les autopsies médico-légales, se
trouvent dans l’obligation de dénicher un lieu répondant au mieux aux critères du local
idéal en matière de luminosité, d’aération, de salubrité, de discrétion et de confort
opératoire. Dans l’urgence, certaines concessions et une part d’improvisation s’avèrent
nécessaires.
113 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., pp. 374-375.
114 Ibid., pp. 411-412.
646

II) LES LIEUX UTILISES
- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Le propre de la mort subite est de survenir de manière impromptue, dans n’importe
quelle circonstance et dans n’importe quel lieu. L’implication d’autrui dans le décès
multiplie-t-elle les lieux de trépas insolites et leur diversité ? Cela semble peu probable, et
là n’est pas le propos. En revanche, la soudaineté et/ou la violence d’un décès, c’est-à-dire
sa potentialité criminelle, décuple les endroits susceptibles de servir de salle d’autopsie.
Les nombreux décès sur la voie publique, les difficultés rencontrées pour transporter
rapidement et sûrement la dépouille, ainsi que la nécessaire rapidité avec laquelle
l’instruction doit être menée, accroissent de facto les types de locaux désignés pour
héberger le corps et son exploration.
A) Typologie des espaces
Dans son Manuel criminel des juges de paix, François Duverger 115 précise que le
choix du lieu de l’autopsie incombe au seul homme de l’art : « Ce sera lui [le médecin]
encore qui désignera le local le plus propice pour le dépôt du cadavre ; qui fera disposer
les lieux de la manière la plus convenable » 116 . Dans la pratique, la désignation de l’endroit
où l’examen doit se dérouler est influencée par des facteurs extérieurs, indépendants de la
volonté du médecin expert : les conditions climatiques, les décisions antérieures des
officiers de police judiciaire quant au déplacement de la dépouille, les ordres du magistrat
instructeur, l’éloignement géographique, la réticence populaire, peuvent contrecarrer les
plans du médecin. Les dossiers de procédures criminelles établis dans les départements des
Deux-Sèvres et de la Vienne, ont fait apparaître une grande diversité d’endroits ayant servi
aux examens cadavériques. A partir de leur consultation, une typologie des lieux
d’autopsie a pu être élaborée. Elle comprend quatre catégories qui renferment à la fois des
endroits couverts, voire clos, et des lieux découverts.
115 François Duverger est un magistrat poitevin – juge d’instruction auprès du tribunal de Niort, puis
président de chambre honoraire à la cour d’appel de Poitiers – qui jouit d’une certaine renommée au plan
national grâce aux deux manuels qu’il a publiés : Manuel criminel des juges de paix considérés comme
officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur de la République et comme délégués du juge
d’instruction, 1 ère éd. 1835, 5 ème éd. rev. et mise au courant de la législation et de la jurisprudence, Paris,
Marchal et Billard, 1876, 464 p. ; Manuel des juges d’instruction, 1 ère éd. 1839-1840, 2 ème éd. rev. et augm.,
Niort, Robin, 1844, 3 t., 450 + 541 + 515 p.
116 François Duverger, Manuel criminel…, op. cit., pp. 286-287.
647

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
1) Lieux de vie privés
Le premier groupe correspond aux « Lieux de vie privés ». Sous cette appellation se
rencontre une grande diversité de sites. Tout d’abord, les lieux d’habitation, que ce soit une
chambre particulière ou la pièce principale du domicile. A leur tête se trouve bien sûr la
maison du défunt. Louis Placide Favre, chirurgien à Mareuil, en Vendée, se transporte le 8
décembre 1815 au domicile d’une femme qui aurait été assassinée par son époux. Le corps
a déjà été mis en bière. Le cercueil est placé au milieu de la chambre. L’homme de l’art
défait alors le suaire et procède à l’examen sur place 117 . Cet exemple indique que dans
certaines affaires, le domicile de la victime peut également être celui du meurtrier, si les
deux individus ont un lien de parenté. La situation est notamment fréquente en matière
d’infanticide.
Le domicile d’un représentant de la municipalité ou de l’administration locale peut
aussi être utilisé : le membre en question est présent au moment où débute l’enquête et
propose sa demeure pour la réalisation de l’examen. Informé le 3 mai 1878 que le corps
d’un nouveau-né a été trouvé dans une mare, les gendarmes d’Argenton-Château,
commune du nord des Deux-Sèvres, se transporte sur les lieux. A leur arrivée, ils
apprennent que le corps a été porté au domicile de l’adjoint du maire. En effet, l’homme
qui a découvert l’enfant est le frère de l’adjoint. Devant sa macabre découverte, il prévient
aussitôt son frère qui, en raison de l’heure avancée, décide de transporter le corps à son
domicile 118 . C’est dans ce même lieu que le médecin expert, Ernest Michel, réalise
l’examen cadavérique le lendemain 119 .
L’autopsie peut, en outre, être pratiquée dans la maison la plus proche de l’endroit
où le cops a été trouvé ou dans une maison voisine : il s’agit alors du domicile d’un
individu qui n’a aucun lien apparent avec l’affaire. Le 11 août 1835, le maire du Vigean,
dans la Vienne, est prévenu qu’un nouveau-né a été vu « surnageant dans un étang » 120 . Il
ordonne que le corps soit retiré de l’eau et transporté chez un voisin, où il se rend le
lendemain accompagné des deux médecins chargés de faire l’autopsie 121 .
117
A.D.V., 2U 537, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre volontaire avec
préméditation », Procès-verbaux d’information, le 2 janvier 1816.
118
A.D.D.-S., 2U 285, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
gendarmerie, le 4 mai 1878.
119
Ibid., Rapport du Dr Michel, le 4 mai 1878.
120
A.D.V., 2U 1521, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
maire du Vigean, le 12 août 1835.
121 Ibid.
648

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
A ces lieux de vie abrités, il convient d’ajouter les lieux annexes à l’habitation, qui
ont pour particularité d’être à découvert : la cour et le jardin. Les Drs Pierre Jaurand et
Louis Ganne, respectivement médecins à Airvault et à Parthenay, dans le département des
Deux-Sèvres, sont requis pour examiner un homme présumé victime d’un
empoisonnement. Arrivés au domicile du défunt avec les magistrats, les deux médecins
experts observent que le corps de l’homme se trouve encore sur le « lit enveloppé de
couvertures » 122 . Pour en faire l’examen médico-légal, ils font transporter la dépouille dans
la cour de la maison 123 . C’est également Louis Ganne qui est chargé de l’autopsie d’un
nouveau-né, au bourg de La Peyratte, en juillet 1866. Lorsqu’il arrive sur place
accompagné du maire de la commune, il est conduit dans un jardin où le petit cadavre a été
inhumé, « à gauche à 65 mètres de la porte » 124 . Après l’extraction du corps, l’homme de
l’art le porte plus loin, « à l’entrée du jardin » 125 , pour procéder à son expertise.
Enfin, de façon beaucoup plus rare, des autopsies sont réalisées dans des lieux de
sociabilités comme un hôtel, une auberge, une gare et même des établissements de culte. A
la fois lieux de vie, de rencontre et de travail, il a été décidé de les intégrer aux « Lieux de
vie privés » en raison des activités d’échanges et de loisirs qui s’y déroulent 126 . De plus, la
part des individus qui travaillent effectivement dans de tels endroits, et donc l’occupent sur
le long terme, est restreinte en comparaison du nombre de personnes qui ne font que
transiter, y demeurent quelques heures, puis en partent. En avril 1831, le cadavre d’un
nouveau-né est trouvé dans une mare située sur la commune de Lapuge, département de la
Vienne. Le juge d’instruction de Châtellerault se rend sur place. Il fait alors porter le corps
à l’hôtel Saint-Hélois pour le mettre à l’abri de la publicité 127 . Ce n’est qu’à l’issu de son
transport dans ce « lieu de sûreté » 128 que le Dr Lherpinière peut entamer son examen.
Présent sur les lieux du drame, Joseph Frogier, chirurgien à Passavant dans le Maine-et-
Loire, est chargé d’expertiser le corps d’une femme trouvée la figure ensanglantée 129 .
122
A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’autopsie, le 21 avril 1865.
123
Ibid.
124
A.D.D.-S., 2U 251, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité »,
Procès-verbal de l’autopsie de l’enfant, le 16 juillet 1866.
125
Ibid.
126
La gare devient un lieu de sociabilité par l’installation de boutiques et l’ouverture du “Café de la gare”.
Cf. Philippe Réveillé, Les débuts du chemin de fer dans la Vienne (1833-1878), mémoire de maîtrise, sous la
dir. de J. Vallette, Université de Poitiers, 1987, f°60.
127
A.D.V., 2U 1507, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constatation de crime, le 23 avril 1831.
128
Ibid.
129
A.D.D.-S., 2U 103, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Rapport du sieur
Frogier chirurgien à Passavant, le 10 mai 1823.
649

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Après un premier examen cadavérique sur les lieux, la dépouille est transportée, sur ordre
du suppléant du juge de paix du canton d’Argenton-Château, dans une « chambre de
l’abbaye de Ferrières » 130 . La gare connaît son lot d’examens cadavériques en raison des
accidents mortels qui se produisent sur les voies. Le Dr Louis Lecointre, médecin à
Bressuire, chef-lieu d’arrondissement des Deux-Sèvres, est requis le 19 novembre 1889,
aux fins de pratiquer l’examen d’un jeune homme écrasé par un train 131 . Accompagné du
procureur de la République, du juge d’instruction et du chef de gare, il se rend dans la salle
d’attente de la gare où le corps hautement mutilé a été transporté grâce à un brancard 132 .
2) Lieux de travail privés
La deuxième catégorie regroupe les « Lieux de travail privés ». Bien que souvent
proches des lieux d’habitation, ces bâtiments et ces terrains sont dévolus à une activité
professionnelle. Parmi les endroits consacrés au travail qui ont été malgré eux le théâtre
d’examens post mortem, se trouvent les granges, les hangars, les moulins, les étables, etc.
Le 13 décembre 1886, les Drs Ferdinand Chevallereau et Alexandre Rousseau, praticiens
de Parthenay, se rendent sur le territoire de la commune de Gourgé pour visiter le corps
d’un individu découvert sans vie sur la route. Le Dr Chevallereau réalise seul le constat sur
les lieux, et devant sa conclusion en faveur d’un décès criminel, le juge d’instruction
ordonne le transport de la dépouille au domicile de la victime 133 . Une fois sur place, le
corps est « déposé sur des planches dans la grange » 134 , où les deux médecins effectuent
leurs constatations. Les Drs Pierre Doucet et Jacques Pierre Gilles de la Tourette doivent,
quant à eux, réaliser l’autopsie d’un nouveau-né dans un moulin. En février 1817, le corps
de l’enfant est découvert dans un fossé. Le maire de Ranton, commune de l’extrême nord-
ouest de la Vienne, est prévenu. Il se rend sur les lieux, constate le fait, et informe le
procureur du roi de Loudun. Bien qu’il indique dans son procès-verbal, ne rien avoir
touché 135 , le réquisitoire du procureur signale que le maire a ordonné le dépôt du petit
130
Ibid., Procès-verbal rédigé par le suppléant du juge de paix d’Argenton-Château, le 10 mai 1823.
131
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence », Rapport médical, le 27 novembre 1889.
132
Ibid.
133
A.D.D.-S., 2U 315, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vol », Rapport
médico-légal, le 26 janvier 1887.
134
Ibid.
135
A.D.V., 2U 538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
maire, le 9 février 1817.
650

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
cadavre dans un lieu plus sûr, en l’occurrence un moulin 136 , dans lequel les deux médecins
requis comme experts procèdent à l’ouverture 137 .
Les champs et les carrières, également considérés comme des lieux de travail
privés, accueillent la réalisation d’autopsies médico-légales. Le 8 juillet 1834, le juge de
paix de Moncoutant, canton des Deux-Sèvres, se rend à Clessé avec Jacques Chevalier,
chirurgien de son état. Il interroge deux témoins qui déclarent avoir trouvé un nouveau-né
entre le lit et le mur 138 . En raison de l’état avancé de la putréfaction et de l’« odeur
infecte » qu’il dégage, l’enfant a été déposé dans le grenier d’une chambre isolée de la
maison 139 . Le représentant de la justice de paix demande à voir le corps qui est alors porté
« dans l’entrée d’un grand champ, à l’ombre d’un pommier tout près de la maison » 140 .
C’est à cet endroit que l’expert procède à l’examen cadavérique.
3) Lieux publics
Le troisième type de lieux d’examens comprend les « Lieux publics ». Ils peuvent
être découpés en deux sous-ensembles. Tout d’abord, ceux à découvert. Il s’agit, en très
grande majorité, de l’endroit où le cadavre a été trouvé : le bois, le bord d’une rivière ou
d’un étang, un taillis. Le 30 mai 1835, le Dr Boffinet se transporte dans un bois situé sur la
commune de Brux, au sud-ouest de la Vienne. Un cadavre de nouveau-né vient d’y être
mis au jour 141 . Sur place, l’homme de l’art débute son expertise par la description des
lieux, puis détaille les linges qui entouraient le petit cadavre, et enfin dépeint l’état de la
dépouille 142 .
Le second sous-ensemble comprend les bâtiments publics, c’est-à-dire ceux qui
abritent une administration ou une institution. Font partie de cette catégorie, la mairie, le
local de la justice de paix, les diverses pièces qui composent un palais de justice (greffe du
tribunal, cabinet du juge, salle des avocats), la caserne de gendarmerie, les lieux de
détention ainsi que l’école communale. Les maisons municipales abritent fréquemment des
examens cadavériques. Celle de Bouin, commune du sud Deux-Sèvres, est choisie pour
recevoir le corps d’un nouveau-né en février 1861. Le 24 février exactement, les Drs
136 Ibid., Réquisitoire du procureur du roi, le 10 février 1817.
137 Ibid., Procès-verbal du juge d’instruction de l’arrondissement de Loudun, le 11 février 1817.
138 A.D.D.-S., 2U 143, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal du
juge de paix, le 8 juillet 1834.
139 Ibid.
140 Ibid.
141 A.D.V., 2U 1520, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
médecin, le 30 mai 1835.
142 Ibid.
651

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Philibert Dusouil et Théodore Léonard Giraud sont conviés à une enquête judiciaire
relative à la naissance et au décès d’un enfant 143 . A leur arrivée au domicile de la mère
présumée, ils sont mis en présence du cadavre qui repose sur le sol d’un « cellier obscur »,
au milieu d’une mare de sang 144 . Une fois les premières constatations effectuées, les deux
experts font transporter le cadavre à la mairie, afin de poursuivre leurs investigations 145 .
Pratiquées à la demande de l’institution judiciaire, les autopsies médico-légales mettent
également à contribution les locaux de celle-ci. Le juge d’instruction de Civray,
arrondissement de la Vienne, est chargé d’enquêter sur les circonstances du décès d’un
nouveau-né, suite à la découverte de son cadavre dans un tas de cendres 146 . Après avoir
effectué les constatations d’usage, le magistrat saisit le fœtus qu’il remet au maréchal des
logis à qui il ordonne de porter le corps « au greffe de Civray » 147 . Le lendemain, Pierre
Médard Autellet, médecin dans cette localité, se rend au palais de justice pour faire
l’examen post mortem 148 .
Au sein des lieux dits publics, il existe un endroit à part. A la fois lieu de circulation
populaire et terrain appartenant à la municipalité, le cimetière peut être classé dans les
deux sous-ensembles précédents. Les lieux de sépulture accueillent nombre d’examens
cadavériques. Endroit dévolu par excellence aux défunts, l’enceinte des cimetières ne sert
étonnamment, ou au contraire logiquement, que lors des autopsies effectuées après
exhumation. L’examen peut se dérouler au bord de la fosse, à découvert. Le 20 février
1814, le juge d’instruction de Civray se rend à La Chapelle-Bâton, accompagné d’un
officier de santé requis comme expert 149 . Le magistrat s’informe auprès du maire de la
commune du possible assassinat dont l’une de ses administrées aurait été victime. Le maire
conduit alors les diverses personnes présentes au cimetière de la commune où la défunte a
été inhumée. La fosse indiquée par le sacristain est couverte d’une tombe en pierre. Après
avoir retiré celle-ci ainsi que la terre, le cercueil est extrait de la fosse et placé sur la tombe.
L’officier de santé procède sur place à son expertise 150 . Mais, dans d’autres exemples, le
cercueil est transporté dans un endroit abrité, voire dans un local situé à l’intérieur de
143
A.D.D.-S., 2U 239, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport médical,
le 25 février 1861.
144
Ibid.
145
Ibid.
146
A.D.V., 2U 1671, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
transport judiciaire, le 6 mars 1867.
147
Ibid.
148
Ibid., Rapport sur l’autopsie du cadavre de l’enfant, le 7 mars 1867.
149
A.D.V., 2U 536, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Procès-verbal de
transport, le 20 février 1814.
150 Ibid.
652

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
l’enceinte. Brethonneau, chirurgien à Mirebeau, dans la Vienne, est mandé par le juge de
paix pour assister à une exhumation au matin du 12 avril 1830 151 . A l’issue de
l’exhumation, il doit réaliser l’examen d’un enfant qui aurait subi des violences
responsables de son décès. Le cercueil est « retiré sans secousses » de la fosse, puis déposé
« doucement sur la pelouse », dans un endroit abrité où l’homme de l’art achève son
examen 152 .
4) Lieux médicalisés
L’ultime catégorie d’endroits qui ont pu héberger des examens post mortem, se
compose de ce qu’il est permis de qualifier de « Lieux médicalisés ». Ce groupe étant
l’objet d’une analyse particulière plus loin dans ce chapitre, il s’agit ici de lister rapidement
ces divers emplacements. Le plus fréquemment rencontré est l’hospice ou l’hôpital.
Plusieurs endroits au sein de l’établissement sont susceptibles de servir à la pratique des
autopsies : la salle des morts, un cabanon situé à l’extérieur du bâtiment où les malades
reçoivent des soins, l’amphithéâtre et, à la fin du XIX e siècle, la salle d’autopsies.
Quelques rares médecins experts apportent du travail chez eux. Ils réalisent l’examen pour
lequel ils ont été appelés dans leur propre cabinet médical. S’il est exact qu’une pièce de
leur domicile est réservée à la pratique de leur art, il est en revanche permis de l’exclure
des « Lieux de vie privés ». En effet, le cabinet du médecin est susceptible de fournir, si ce
n’est une pièce correspondant aux critères de la salle d’autopsie convenable, au moins un
matériel idoine. Enfin, la ville de Poitiers fait figure d’exception, en matière de lieux
médicalisés capables d’accueillir les examens cadavériques demandés par la justice
poitevine. Depuis le début du XIX e siècle, la préfecture de la Vienne est le siège d’une
Ecole de médecine. Or, cette dernière propose diverses salles pouvant servir à l’autopsie :
un amphithéâtre d’anatomie, un cabinet personnel de médecin ou encore un cabinet situé
dans la cour de l’Ecole.
La présentation qui précède démontre que les endroits qui accueillent les examens
cadavériques dans le Poitou sont multiples et variés. Néanmoins, leurs proportions sont très
inégales. Il convient à présent d’indiquer comment ils se répartissent et de comprendre
quels facteurs peuvent influer sur le choix du lieu de l’examen.
151 A.D.V., 2U 1503, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat et vol domestique »,
Rapport du chirurgien, le 12 avril 1830.
152 Ibid.
653

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
B) La répartition des lieux de l’autopsie
1) Indications méthodologiques
Comme la plupart des éléments circonstanciels de la pratique des autopsies médico-
légales, le lieu de l’opération peut être difficile à identifier. Une large majorité de rapports
d’expertise n’en fait pas mention. En
revanche, d’autres documents du dossier
d’instruction sont susceptibles d’apporter
un éclairage sur ce point : le procès-verbal
du magistrat se révèle souvent très
instructif à ce sujet, mais celui de l’officier
de police judiciaire qui a débuté l’enquête
peut également fournir des renseignements
utiles. Ainsi, pour établir la répartition des
différents lieux utilisés lors des examens
19%
Graphique 71 : Indication du lieu de
l'examen post mortem dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915).
81%
654
cadavériques, n’ont été pris en compte
que les lieux clairement indiqués,
auxquels il a été possible d’ajouter
quelques endroits déduits de la lecture
des diverses pièces du dossier. Sur
l’ensemble des examens post mortem
réalisés au cours des affaires criminelles
et correctionnelles poitevines (tableaux
45 et 46, cf. annexe 21), l’indication du
lieu d’examen apparaît dans 76% des cas
pour le département des Deux-Sèvres (graphique 70) et atteint 81% des examens dans la
Vienne (graphique 71).
Indication
Ignore
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
Graphique 70 : Indication du lieu de
l'examen post mortem dans les affaires
criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Avant de présenter et d’analyser la manière dont les multiples théâtres de l’autopsie
judiciaire se répartissent, il importe de donner une précision quant à la règle définie pour
établir les statistiques. Un même examen cadavérique peut comporter un changement de
lieu. Dans cette situation, seul l’endroit où l’ouverture cadavérique a été effectuée est pris
en considération. Le Dr Thévenard, médecin à Chauvigny dans le département de la
Vienne, se rend sur les lieux où un enfant nouveau-né a été découvert. Le corps se trouve
24%
76%
Indication
Ignore
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
dans une fosse remplie d’eau 153 . Il l’en retire et procède à la description de son état. Puis, il
le fait porter chez un cabaretier de la commune voisine, afin de poursuivre son expertise en
pratiquant l’examen des organes internes 154 . Seule la maison du cabaretier a été
comptabilisée comme lieu d’examen. En revanche, lorsque l’expertise est effectuée en
plusieurs fois, les deux endroits ont été relevés : l’examen externe est effectué sur place par
un expert, puis le corps est transporté dans un autre lieu pour que l’ouverture soit pratiquée
par d’autres médecins experts. Par exemple, le 19 novembre 1839, le Dr Bernard, praticien
à Saint-Loup dans les Deux-Sèvres, rapporte au procureur du roi de Parthenay qu’il a été
requis le matin, pour constater la nature du décès d’un homme découvert dans un bois.
Après l’examen sur place, le maire et l’homme de l’art déposent le corps dans les
bâtiments de la mairie 155 . Le lendemain, les deux médecins de Parthenay accompagnant le
magistrat se transportent dans la « servitude dépendante de l’habitation du maire » 156 . Ils y
réalisent l’autopsie, de concert avec le premier médecin. Les deux endroits ont donc été
distingués lors du relevé.
2) Des examens en majorité « privés » ou « publics »
En appliquant cette méthodologie, les quatre catégories de lieux d’examens
cadavériques se répartissent comme suit. Dans les deux départements étudiés, plus de la
moitié des examens post mortem se déroulent dans des lieux de vie. La part est quasiment
identique : 53% pour les Deux-Sèvres (graphique 72) et 52% pour la Vienne (graphique
73).
153
A.D.V., 2U 1546, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
médecin, le 7 avril 1840.
154
Ibid.
155
A.D.D.-S., 2U 172, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal de
transport, le 19 novembre 1839.
156
Ibid., Procès-verbal de transport, le 20 novembre 1839.
655

21%
- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Graphique 72 : Répartition des lieux d'examens
post mortem (affaires criminelles des Deux-
Sèvres, 1795-1915).
13%
13%
53%
Lieux de vie privés
Lieux de travail privés
Lieux publics
Lieux médicalisés
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
22%
Graphique 73 : Répartition des lieux d'examens
post mortem (affaires criminelles de la Vienne,
1795-1915).
18%
656
52%
Lieux de vie privés
Lieux de travail privés
Lieux publics
Lieux médicalisés
8%
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
La forte représentation de cette catégorie a plusieurs explications. En premier lieu, les
décès surviennent fréquemment au domicile de la victime, ou à proximité. De plus,
lorsqu’un individu est trouvé sans vie ou blessé sur la voie publique, il est courant qu’il
soit porté à son domicile, dans la mesure où il est identifié. Le 19 juillet 1860, le juge
d’instruction de Niort, préfecture des Deux-Sèvres, est informé qu’un homme a été
découvert dans un jardin de Romagne, couvert de blessures et à l’agonie 157 . En route vers
le lieu du drame, le magistrat rencontre le Dr Fontant qui ramène le défunt à Niort, à son
domicile. Appelé pour porter secours au blessé, l’homme de l’art a constaté le décès et
s’est chargé de transporter le défunt dans l’appartement de ce dernier 158 . C’est dans ce lieu
qu’il procède le lendemain à l’examen judiciaire avec un confrère, le Dr Eymer 159 . Le
157
A.D.D.-S., 2U 237, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal de
constat, le 19 juillet 1860.
158
Ibid.
159
Ibid., Procès-verbal de constatation par les médecins, le 20 juillet 1860.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
maintien ou le retour du corps dans sa propre habitation, après le décès, correspond à la
veille traditionnelle du défunt par ses proches, qui lui rendent une dernière visite chez lui.
Un autre élément peut expliquer la forte part de la catégorie des « Lieux de vie
privés ». Il est possible que l’établissement de ces chiffres soient légèrement faussés par le
manque de précision des documents consultés. En effet, s’il est exact que le défunt se
trouve déposé sur un lit, dans une chambre ou la pièce principale de la maison, au moment
où les médecins experts sont mis en sa présence, cela ne signifie pas pour autant qu’ils
pratiquent nécessairement leur expertise dans ce même lieu. Or, en l’absence d’indication
contraire formelle, ce lieu est le seul qui puisse être recensé. En effet, nombre d’exemples
mentionnent un autre lieu d’examen, voire ne font qu’indiquer le transport de la dépouille
dans un lieu jugé plus propice, sans plus de précision quant à la nature de celui-ci. Les Drs
Noirmand, Martineau et Gilles de la Tourette s’introduisent, le 14 mars 1841, dans une
« chambre basse » dans laquelle repose, étendue sur un lit, la dépouille mortelle d’un
homme de 36 ans 160 . Les constatations extérieures effectuées, les médecins experts font
transporter le corps « dans un lieu plus convenable » 161 , sans le nommer précisément.
A l’inverse, il est tout à fait probable que dans certaines situations, le corps ait été
déplacé sans qu’il en soit fait mention. Ce nouveau lieu éventuel demeure alors inconnu et
est remplacé, dans les statistiques, par le lieu initial. Quelques indices laissent cependant
deviner qu’un déplacement du corps a pu être effectué. Le 25 mai 1898, le juge
d’instruction de Poitiers se rend au domicile d’un individu qui serait victime d’un meurtre.
Il trouve le défunt couché sur un lit, recouvert d’un drap 162 . Il constate alors que l’homme
porte plusieurs plaies. Le médecin expert qui pratique l’exploration du thorax, afin de
constater les dégâts provoqués par l’arme, ne fait aucune remarque relative à un
déplacement du corps 163 . Il est pourtant difficile d’envisager que l’ouverture ait été réalisée
sur le lit.
Le deuxième groupe géographique le plus important concerne les « Lieux publics ».
Ils représentent un peu plus de 20% des lieux d’examens cadavériques dans les deux
départements (graphiques 72 et 73). Leur part relativement élevée s’explique, dans un
160
A.D.V., 2U 1552, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures qui ont
occasionné la mort », Procès-verbal des médecins, le 14 mars 1841.
161
Ibid.
162
A.D.V., 2U 1753, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », Procès-verbal de
constat, le 25 mai 1898.
163
Ibid., Rapport du Dr Brossard, le 20 juin 1898.
657

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
premier temps, par le nombre conséquent d’individus découverts, sans vie, sur ce qui est
communément nommée la “voie publique”, c’est-à-dire au bord d’un chemin, à la lisière
d’un bois, ou encore bercé par les flots d’une rivière. La présence de cadavres en de tels
lieux est consécutive, soit à une mauvaise rencontre, à un guet-apens, soit à une tentative
pour dissimuler le crime. Or, si aucune circonstance particulière n’oblige les autorités à
déplacer le corps, il est fréquent qu’un médecin vienne sur ce qui est, en usant d’une
expression anachronique, la scène de crime. Il réalise ainsi un examen cadavérique sur
place, parfois complété par un second dans un autre lieu. Au sein des endroits publics, ces
lieux non protégés représentent une large majorité, près de 60% dans les deux
départements (graphiques 74 et 75).
Graphique 74 : Répartition des lieux d'examens couverts et découverts
(affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915).
Examens
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Lieux de vie
privés
Lieux de travail
privés
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Lieux publics Lieux
médicalisés
658
Couvert / clos
A découvert
Lieux
Graphique 75 : Répartition des lieux d'examens couverts et découverts
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
Examens
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Lieux de vie
privés
Lieux de travail
privés
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Lieux publics Lieux
médicalisés
Lieux
Couvert / clos
A découvert

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
En outre, parmi les lieux « A découvert », ceux considérés comme publics sont très
largement majoritaires. Ils représentent 57% des endroits découverts utilisés pour pratiquer
un examen cadavérique dans le département des Deux-Sèvres (graphique 76), et atteignent
même une part de 67% dans la Vienne (graphique 77). Sur l’ensemble des lieux
d’examens, leur part demeure toujours élevée, plus de 10% (graphiques 78 et 79).
57%
Graphique 76 : Répartition des lieux d'examens
post mortem à découvert (affaires criminelles
des Deux-Sèvres, 1795-1915).
2%
25%
16%
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
judiciaire qui s’occupe des premières
constatations à choisir, d’une part, la
commune qu’il représente, et d’autre
part, le local de son administration.
Par exemple, le 15 mai 1827, les
gendarmes et les gardes forestiers
informent le premier suppléant du
juge de paix de Vouillé que la
présence d’un cheval errant a
entraîné la découverte d’un corps. Le
Lieux de vie privés
Lieux de travail
privés
Lieux publics
Lieux médicalisés
67%
659
La deuxième place des
endroits publics retenus comme
lieux d’examen, est également due
au nombre élevé de bâtiments
administratifs, municipaux ou
judiciaires désignés pour accueillir
l’opération. L’absence d’habitation
à proximité, et donc la nécessité de
transporter le corps, incitent
généralement l’officier de police
Graphique 77 : Répartition des lieux d'examens
post mortem à découvert (affaires criminelles de
la Vienne, 1795-1915).
0%
23%
magistrat se transporte sur les lieux avec un officier de santé. En raison de la pluie,
l’examen ne peut être réalisé sur place. Le corps est alors transporté à Vouillé, dans le local
de l’auditoire de la justice de paix 164 . Il est en effet possible que, devant obligatoirement
faire déplacer le corps, les représentants de la justice préfèrent utiliser un lieu qui leur est
familier, en quelque sorte officiel, plutôt que de réquisitionner le domicile d’un particulier.
164 A.D.V., 2U 551, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Procès-verbal du
premier suppléant de la justice de paix, le 15 mai 1827.
10%
Sources : ADV, L, L Supplément,
2U, 3U4.
Lieux de vie privés
Lieux de travail
privés
Lieux publics
Lieux médicalisés

Graphique 78 : Part des lieux publics à
découvert (affaires criminelles
des Deux-Sèvres, 1795-1915).
12%
88%
- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
660
Graphique 79 : Part des lieux publics à
découvert (affaires criminelles
13% de la Vienne, 1795-1915).
87%
Autres lieux
d'examens
Lieux publics
découverts
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
En outre, le choix d’un bâtiment public peut s’effectuer par défaut. Lorsque
l’individu est inconnu ou qu’il est étranger au pays, il est impossible de le porter à son
domicile. En conséquence, les responsables de l’enquête sont contraints de recourir à un
autre lieu, et pour les raisons citées ci-dessus, ils utilisent la mairie, le local de la justice de
paix ou le palais de justice. La commune de Saint-Varent, dans le département des Deux-
Sèvres, est le théâtre d’un affrontement entre militaires et villageois, en août 1815. Le
maire, qui a tenté en vain de s’interposer, est prévenu qu’un homme gît dans un pré 165 .
L’individu a le visage et le ventre couvert de sang, mais il est encore en vie. Le maire fait
appeler un chirurgien, Martin Michel Nepveu, qui ne peut que constater le décès 166 .
L’homme a été identifié : il s’agit d’un soldat de l’armée royale de Saint-Sauveur, une
commune de la Vienne. D’ailleurs, la nuit étant tombée, le corps est porté dans la chambre
de la justice de paix où l’homme de l’art procède à l’examen des blessures 167 .
De plus, l’utilisation d’un bâtiment public, parfois assez éloigné du lieu du crime,
est influencée par la maniabilité du corps. Il apparaît que sur l’ensemble des examens post
mortem pratiqués dans un lieu public couvert, soit un total de 55 (tableaux 45 et 46, cf.
annexe 21), 44 d’entre eux ont trait à un infanticide, c’est-à-dire à un nouveau-né, plus aisé
à transporter qu’un corps d’adulte ou même d’enfant. Les Drs Desaintvis et Delacoux
Desroseau, praticiens à Montmorillon, accompagnent le suppléant du juge d’instruction sur
les lieux où un nouveau-né pourrait être dissimulé 168 . Sur les indications de la prévenue, le
petit cadavre est effectivement retiré d’un tas de fumier. Les deux experts demandent que
165
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Provocation par cris séditieux ou d’une autre manière à assassinat », Procès-verbal du maire, le 27 août 1815.
166
Ibid.
167
Ibid.
168
A.D.V., 2U 1520, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
transport sur les lieux, le 7 juin 1835.
Autres lieux
d'examens
Lieux publics
découverts
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1,
3U4.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
le corps soit transporté à Montmorillon pour être soumis à un examen approfondi 169 .
Quelques jours plus tard, les deux médecins se rendent dans la Chambre du Conseil du
palais de justice de Montmorillon pour y réaliser l’expertise demandée 170 .
Enfin, faire procéder à l’examen cadavérique dans une salle de la mairie ou du
palais de justice permet d’éviter des déplacements superflus qui ralentissent d’autant
l’instruction. Si le magistrat n’a pas réussi à requérir et à se faire accompagné de suite par
l’expert de son choix, il peut décider de centraliser les démarches dans un seul lieu, en
l’occurrence son propre lieu d’exercice. Ainsi, après avoir fait porter le corps au palais de
justice, il convoque le médecin dans son cabinet, l’informe de la mission qui lui est
confiée, lui fait prêter serment et assiste à l’examen sans le moindre temps mort. Il s’agit
de la chronologie suivie par la procédure d’expertise judiciaire, dans une affaire
d’infanticide en janvier 1884, dans l’arrondissement de Bressuire. Le procureur de la
République, informé par la gendarmerie d’Argenton l’Eglise, se transporte dans la
commune de Bouillé-Loretz 171 . Il saisit le corps de l’enfant, le place dans une caisse en
bois et le transporte à Bressuire 172 . Le lendemain, le juge d’instruction commet le Dr
Alfred Brillaud de venir au palais de justice pour effectuer l’autopsie judiciaire de l’enfant.
Il lui précise alors les termes de son examen et lui fait prêter serment 173 . Puis, le juge remet
au médecin expert la caisse contenant le petit corps que ce dernier examine sans
attendre 174 .
Pour achever l’analyse des lieux publics, il convient de faire une remarque. Les
multiples facteurs qui incitent les représentants de la justice à privilégier un bâtiment
municipal ou judiciaire ont été mis en évidence. Dans de telles circonstances, cela signifie
qu’ils acceptent de voir procéder à un examen cadavérique dans leurs locaux. Or, une
condition imposée par le maire de Poitiers, à un maître chirurgien qui souhaite instaurer un
enseignement de cette discipline, laisse entrevoir les réticences des représentants des
pouvoirs publics face à l’utilisation de tels bâtiments pour des opérations cadavériques. En
1781, Jacques Henry Le Chasseux dépose requête auprès du maire : il demande à disposer
de la salle de séance du Conseil municipal pour procéder aux examens de ses élèves en
chirurgie. Le maire accepte, à la seule condition que cette salle ne soit le théâtre d’aucune
169
Ibid.
170
Ibid., Autopsie du cadavre de l’enfant, le 13 juin 1835.
171
A.D.D.-S., 2U 305, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal du
procureur de la République, le 26 janvier 1884.
172
Ibid.
173
Ibid., Ordonnance à un médecin, le 27 janvier 1884.
174
Ibid., Rapport du Dr Brillaud, le 27 janvier 1884.
661

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
dissection anatomique 175 . Le contexte judiciaire fait-il disparaître toutes les réticences et
sauter toutes les réserves ? Très probablement. La nécessité de préserver l’enquête et les
pièces matérielles peut lever certaines barrières.
3) Opérer sur un lieu de travail
Des deux catégories restantes de lieux d’examens, seules les « Lieux de travail
privés » sont analysés, une étude particulière étant consacrée plus loin aux « Lieux
médicalisés ». Il importe toutefois de préciser ici les faibles différences qui existent entre
les deux départements du Poitou. Si dans les Deux-Sèvres, la part des lieux de travail est
égale à celle des lieux médicalisés, 13% (graphique 72), dans la Vienne, la part des lieux
médicalisés est deux fois plus importante que celle des lieux de travail, soit 18% pour les
premiers, contre 8% pour les seconds (graphique 73). Au sein même de la catégorie des
« Lieux de travail privés », un déséquilibre existe. Une très large majorité de ces endroits
sont couverts ou clos : leur part atteint environ 75% des lieux de travail dans les deux
départements (graphiques 74 et 75).
Il s’agit en effet, pour la plupart, de granges ou de hangars qui offrent plusieurs
avantages. Tout d’abord, il s’agit d’un lieu, à l’abri des intempéries, et parfois des regards.
Lorsqu’un corps est découvert dans un lieu dégagé, le magistrat et/ou le médecin expert
peuvent souhaiter un endroit plus convenable, ou plus dissimulé, pour l’examen post
mortem. Bien qu’aucune précision justificative ne soit fournie, le transport de la dépouille
d’une femme, découverte dans un pré sur la commune de Charrais, est effectué. Le 23
octobre 1847, les Drs Iszenard et Brossard, tous deux enseignants à l’Ecole de médecine de
Poitiers, se rendent sur les lieux, sur réquisition du juge d’instruction 176 . Après avoir
constaté la position du corps et les blessures qu’il porte, les deux experts font transporter la
dépouille jusqu’à la « maison la plus voisine » 177 , où un hangar est mis à leur
disposition 178 .
L’exemple ci-dessus fait apparaître un autre atout des lieux de travail. Il ne s’agit
pas d’un lieu d’habitation et ils peuvent être choisis pour éviter d’effectuer une opération
désagréable et polluante, dans un lieu de vie. Le 7 août 1911, Jules Etienne Corbin,
175
Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres chirurgiens de Poitiers », Mémoires de la Société des
Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, J. Lévrier et G. Bonamy, 1919, 3 ème série, t. 10, année 1918, pp. 248-249.
176
A.D.V., 2U 1586, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
docteurs médecins, le 24 octobre 1847.
177
Ibid.
178
Ibid., Procès-verbal de transport sur les lieux et de constat, le 23 octobre 1847.
662

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
médecin à Niort, se rend dans la commune de François pour examiner un homme décédé
suite aux coups qui lui aurait été porté. 179 La veille, lorsqu’un autre médecin a constaté le
décès, le défunt se trouvait étendu sur un lit dans une chambre 180 . Mais, pour procéder à
l’autopsie, le cadavre est apporté « dans une grange près de la maison d’habitation » 181 .
Enfin, le désir de préserver la famille ou d’éviter de souiller le logement de la
victime, n’est parfois en rien dans le choix du lieu de l’autopsie. La désignation d’un
endroit habituellement réservé à une activité professionnelle peut résulter d’une recherche
de confort pour l’opération. La pièce dans laquelle le corps du nouveau-né a été déposé ne
convient pas aux deux médecins experts chargés de son autopsie. A la mi-juin 1841, les
Drs Auguste Verger et Julien Pénard, praticiens à Civray dans le département de la Vienne,
arrivent au village de La Verrière. Le cadavre d’un nouveau-né a été découvert dans une
mare 182 . Le corps a été transporté dans une chambre, mais les médecins trouvent la pièce
« très sombre » et préfèrent donc utilisé un « petit hangar » pour réaliser l’examen 183 .
A l’issue de ces développements, il ressort que le type du lieu d’examen
cadavérique, dans les affaires criminelles et correctionnelles poitevines, est un endroit
privé couvert ou clos, en d’autres termes une habitation particulière. Qu’il ait été le lieu du
drame ou non, le logement de la victime accueille une ultime fois son habitant avant qu’il
ne rejoigne sa dernière demeure. L’impossibilité matérielle et temporelle de transporter le
corps dans un autre endroit explique que les médecins préfèrent, ou sont contraints, de
pratiquer sur place. De plus, contrairement à la prescription de Duverger indiquée plus
haut, le lieu où se déroule l’examen n’est pas toujours désigné par l’homme de l’art.
Prenant part à l’instruction plus tardivement, ne pouvant dans certains cas se déplacer sur
les lieux du drame, le transport du corps, et donc le choix d’une salle d’autopsie de fortune,
est déjà effectué. Si d’aucuns parviennent à obtenir un local plus approprié, d’autres
doivent s’adapter et tenter d’aménager le lieu choisi pour qu’il réponde au mieux aux
critères de la salle d’autopsie idéale.
179
A.D.D.-S., 2U 385, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Rapport du médecin
légiste, le 16 août 1911.
180
Ibid., Constatation médicale de la mort de la victime, le 6 août 1911.
181
Ibid., Rapport du médecin légiste, le 16 août 1911.
182
A.D.V., 2U 1552, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal, le
13 juin 1841.
183 Ibid.
663

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
C) Trouver un local convenable
La littérature médico-légale se montre très critique envers les conditions matérielles
dans lesquelles les autopsies judiciaires sont réalisées, dans les petites villes et les
campagnes. Charles Vibert, collaborateur de Paul Brouardel à Paris, les qualifie même de
« défectueuses » 184 . Selon lui, les praticiens sont obligés d’effectuer leur expertise dans un
« local tout à fait insuffisant, […] d’improviser une table », sans eau à leur disposition 185 .
Il conseille donc aux médecins experts de tenter de convaincre les autorités des risques que
représente une autopsie pratiquée dans de telles conditions, en termes de fiabilité des
conclusions, et ainsi obtenir le transport du corps dans un lieu propice à ce genre
d’opération 186 . En quelque sorte, Vibert fait une recommandation diamétralement inverse à
celle de Duverger. Si le premier suggère aux médecins experts d’influencer les magistrats,
quant au lieu que ces derniers ont choisi pour héberger l’examen cadavérique, le second
indique aux magistrats que seul le médecin est en mesure de désigner l’endroit susceptible
de l’accueillir 187 . Il semble que dans les faits, les deux camps fassent preuve d’une certaine
souplesse sur ce point. Tout en gardant à l’esprit que certaines requêtes peuvent être tues
dans les documents officiels du dossier de procédure, les transports du cadavre dans un lieu
plus convenable à l’exercice d’autopsie, sur demande du médecin expert, ont été satisfaits.
A quelles contraintes ou à quels désagréments les hommes de l’art sont-ils confrontés en
matière de lieux d’examens, et quels aménagements effectuent-ils pour obtenir le local ou
l’espace le plus convenable possible ?
1) Sortir de l’ombre
Le premier critère qui compose le lieu adéquat est la luminosité. L’absence de
lumière extérieure est un motif pour suspendre l’examen, car les éventuelles fenêtres de la
pièce ne pourront faire pénétrer l’éclairage indispensable aux observations. Il est fréquent
que le médecin expert demande à reporter son examen au lendemain matin, en raison du
déclin de la luminosité naturelle. Le 27 juillet 1886, à 6h30 du soir, le juge d’instruction de
Niort est informé qu’un assassinat vient d’être commis à proximité de l’hôpital 188 . Il se
184
Charles Vibert, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, Supplément,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1886, t. 40, p. 71.
185
Ibid.
186
Ibid.
187
François Duverger, Manuel criminel…, op. cit., pp. 286-287.
188
A.D.D.-S., 2U 313, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal de
constat, le 27 juillet 1886.
664

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
rend sur les lieux et fait quérir des médecins. Les deux hommes de l’art n’arrivent sur place
qu’après 8h. Ils font les constatations extérieures, mais signalent qu’il va être difficile de
« procéder à l’autopsie car la lumière du jour va faire défaut » 189 . Le juge d’instruction
repousse l’examen approfondi du cadavre au lendemain. La nécessité d’opérer à la lumière
du jour n’est cependant pas partagée par tous les médecins experts. D’aucuns estiment que
l’éclairage artificiel est tout à fait satisfaisant, même s’ils sont en minorité. Le Dr Dusouil,
médecin à Melle dans les Deux-Sèvres, indique que l’autopsie d’un homme ayant reçu des
coups lors d’une rixe, est effectuée à la « lueur de deux chandelles », car la nuit est
tombée 190 . Un confrère de Châtellerault se montre encore plus péremptoire, quant à la
possibilité de réaliser une autopsie à la lumière artificielle. Le 13 février 1848, le juge
d’instruction de Châtellerault se rend sur le territoire de la commune de Doussay pour
instruire une affaire d’infanticide. Le soir arrivé, le magistrat s’inquiète de la réalisation
prochaine de l’autopsie, d’autant plus que le médecin de Châtellerault qu’il a requis
comme second expert n’est toujours pas sur place 191 . Celui-ci arrive enfin, et affirme qu’il
peut « très bien faire l’autopsie à la lumière ». L’assurance du Dr Lerpinière à travailler
sous un éclairage artificiel est, en outre, motivée par son désir de « procéder de suite à
l’opération », car il se trouve dans l’obligation de retourner à Châtellerault 192 .
La lumière est un enjeu essentiel dans la pratique des examens cadavériques. Il
apparaît que le choix du lieu où le médecin expert s’adonne à l’ouverture cadavérique
judiciaire, est subordonné à la luminosité qui y est disponible. Certains médecins experts
mentionnent ce facteur pour expliquer l’utilisation de tel ou tel endroit. Le 17 mai 1838, les
Drs Orillard et Moreau, médecins à Poitiers, assistent à l’exhumation de la dépouille d’une
femme décédée en février, et dont le trépas pourrait être criminel 193 . Le cercueil étant
dégagé et extrait de la tombe, il est porté dans une « grange bien éclairée » 194 . De même,
en juillet 1852, deux médecins experts de Melle précisent que le corps de l’homme, trouvé
sans vie sur le bord d’un chemin, est porté chez un aubergiste qui a « mis à [leur]
disposition un hangar bien éclairé » 195 . Donner des informations sur la nature de l’endroit
189
Ibid.
190
A.D.D.-S., 2U 292, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort sans intention de la donner », Rapport médical, le 25 janvier 1880.
191
A.D.V., 2U 1585, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
prestation de serment, le 13 février 1848.
192
Ibid.
193
A.D.V., 2U 1538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
docteurs médecins Orillard et Moreau, le 17 mai 1838.
194
Ibid.
195
A.D.D.-S., 2U 212, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Procès-verbal
médical, les 22-23 juillet 1852.
665

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
où l’examen a été réalisé, et notamment sur la qualité de la lumière, est peut-être aussi le
moyen, pour les médecins experts, de se prémunir d’éventuelles attaques et de mises en
cause de leurs observations. Un éclairage insuffisant peut entraîner de mauvaises
constatations et, donc, une mauvaise expertise médico-légale.
L’une des images employées pour dénoncer les conditions d’expertise déplorables,
dans les campagnes ou les petites villes, est l’absence de luminosité. Georges Morache,
dans l’ouvrage qu’il consacre à l’exercice et à l’enseignement de la médecine légale,
souligne que les situations les plus insatisfaisantes se rencontrent dans les campagnes : le
médecin expert opère généralement dans une « chambre obscure » 196 . L’obscurité qui
règne dans la grande majorité des habitations de campagnes persiste durant une grande
partie du siècle 197 . Par conséquent, les médecins appelés à effectuer des examens
cadavériques dans ce genre d’endroit sont à la recherche du moindre rai de lumière
disponible. A la fin du mois d’avril 1898, Edouard Gaud, docteur en médecine exerçant à
Melle, est requis pour examiner le corps d’une femme retrouvée sans signe de vie dans son
lit 198 . Pour réaliser ses constatations dans les meilleures conditions de visibilité possibles,
le corps est retiré du lit et « placé sur une table près de la fenêtre » 199 . Il s’agit d’une
astuce assez similaire à celle mise en place à la Morgue de Paris : utiliser une table mobile
sur son axe central a pour objectif de mettre le corps au maximum dans la lumière.
Dans d’autres circonstances, la luminosité pénétrant dans la pièce est insuffisante ;
les médecins experts décident de transporter la dépouille dans un endroit mieux éclairé.
Louis Marcel Litardière, médecin à Lussac-les-Châteaux, et son confrère Evariste Bellot,
exerçant lui à Morthemer, sont requis en octobre 1855 par le procureur impérial de
Montmorillon, arrondissement de la Vienne. Ils sont priés de l’accompagner à la laiterie de
La Chapelle-Morthemer pour procéder à l’examen post mortem d’un homme qui aurait
reçu plusieurs décharges de fusil 200 . Le corps se trouve dans un petit appartement derrière
la cuisine 201 . Mais celui-ci n’est ni « assez vaste ni assez éclairé » 202 pour donner lieu à
l’expertise. Le corps est alors transporté dans un salon qui communique avec la cuisine 203 .
196
Georges Morache, La médecine légale, son exercice et son enseignement, Paris, Baillière, 1880, p. 11.
197
Jacques Léonard, Archives du corps…, op. cit., p. 223.
198
A.D.D.-S., 2U 372, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vol », Rapport du
Dr Gaud, le 15 mai 1898.
199
Ibid., Procès-verbal d’état des lieux, le 25 avril 1898.
200
A.D.V., 2U 1629, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », Rapport des
médecins, le 13 octobre 1855.
201
Ibid., Procès-verbal de constat, le 12 octobre 1855.
202
Ibid., le 13 octobre 1855.
203
Ibid, Procès-verbal de constat, le 12 octobre 1855.
666

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Pour un motif semblable, le Dr Dusouil souhaite que le cadavre du jeune homme qu’il doit
autopsier, et qui se trouve dans une « chambre mal éclairée » 204 , soit déplacé. Le procureur
accède à sa demande et fait porter le corps dans un « appartement plus éclairé » 205 , en
l’occurrence une maison voisine 206 .
Bien qu’ils n’en fassent pas mention,
il est permis de considérer certains
déplacements du corps comme consécutifs à
la recherche d’une meilleure luminosité.
Porter la dépouille à l’extérieur, c’est-à-dire
à l’air libre, pour pratiquer l’examen
cadavérique, dénote une forme de quête de
clarté. Olivier Mascarel, médecin à La
Haye-Descartes, ainsi que Marie Fabien
Touchois et Génie Mascarel, tous deux
médecins à Châtellerault, sont requis pour
examiner un couple de vieillards, semble-t-il
assassiné. Le 1 er septembre 1849, les trois
experts sont introduits dans l’excavation rocheuse dans laquelle vivait le couple 207 . Après
les constatations relatives à l’état extérieur des corps, ceux-ci sont portés à l’extérieur, à
l’air libre, pour l’examen interne 208 . Environ un examen post mortem sur cinq est réalisé à
découvert, dans le Poitou (graphique 80).
Parmi ceux-ci, il faut se rappeler qu’une grande majorité correspond aux constats
effectués sur les lieux mêmes de la découverte du corps (graphiques 76 et 77). Cependant,
les parts des expertises réalisées dans des lieux de vie ou de travail non couverts, ne sont
pas négligeables : elles représentent 41% des examens pratiqués dans un endroit découvert,
en Deux-Sèvres (graphique 76), et 33% de ceux effectués dans la Vienne (graphique 77).
Mais, il est vrai que sur la totalité des autopsies, leur part demeure faible. Pour ne prendre
que l’exemple des « Lieux de vie privés », les endroits découverts atteignent péniblement
les 10% (graphiques 74 et 75). Les médecins experts semblent donc satisfaits des lieux
204
A.D.D.-S., 2U 172, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal du
médecin, le 23 décembre 1839.
205
Ibid.
206
Ibid., Procès-verbal de constat du crime et de constat des lieux, le 23 décembre 1839.
207
A.D.V., 2U 1599, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinats », Rapport des
médecins, le 2 septembre 1849.
208 Ibid.
667
Graphique 80 : Répartition des lieux
d'examens post mortem couverts et
découverts (affaires criminelles du
Examens Poitou, 1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
Couvert / clos
20%
A découvert
10%
0%
Deux-
Sèvres
Vienne Départements
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
relativement clos dans lesquels ils pratiquent les autopsies judiciaires, du moins en ce qui
concerne leur luminosité. Mais les ouvertures qui procurent l’éclairage sont-elles
également suffisantes pour l’aération ?
2) Ventilation, discrétion ou pollution : un dilemme aérien
L’élimination des émanations cadavériques nauséabondes et potentiellement
dangereuses, constitue le deuxième critère du local idéal. Les médecins experts poitevins
se trouvent, à ce sujet, confrontés à un dilemme : soit ils opèrent dans un endroit totalement
clos, saturé d’odeurs et de miasmes morbides ; soit ils exécutent leur tâche dans un lieu
ouvert, voire découvert, dans lequel l’air peut être renouvelé, mais moins discret.
Reprenant sa condamnation des modalités d’expertises médico-légales dans les villages,
Georges Morache affirme que l’homme de l’art qui y pratique un examen cadavérique
« doit se contenter alors d’un hangar ou de quelque appentis ouvert à tous les vents et à
toutes les curiosités » 209 .
La question de la ventilation de la pièce, au cours de l’autopsie, ne semble pas
préoccuper outre mesure les médecins experts. Les dossiers de procédures contiennent peu
d’indices laissant supposer qu’ils ont cherché à favoriser la circulation de l’air. Si le
déplacement de la dépouille d’un lieu clos à un lieu ouvert peut en être une manifestation,
il convient de rappeler qu’une large proportion des examens se déroule dans des lieux
d’habitation fermés, ou presque. Il semble que seule une chaleur excessive suscite un désir
d’aération chez les médecins experts. Les Drs Ganne et Ledain sont requis par le juge
d’instruction du tribunal de Parthenay, à la mi-août 1867, pour une affaire
d’empoisonnement. Ils l’accompagnent alors au domicile du défunt, qu’ils découvrent dans
une chambre, allongé sur un lit 210 . Les deux experts médecins font remarquer au magistrat
qu’il est « à peu près impossible de pratiquer commodément l’autopsie dans
l’appartement » et sont autorisés à le porter dehors, dans un pré qui se trouve en face de la
maison 211 . Dans son procès-verbal, le juge d’instruction précise que ce qui rend la maison
incommode à la pratique de l’expertise, aux yeux des médecins, c’est la chaleur 212 . Or, la
circulation de l’air est un moyen efficace de faire baisser la température ambiante et de
209 Georges Morache, « L’expertise et le choix des experts », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1900, 3 ème série, t. 43, pp. 334-335.
210 A.D.D.-S., 2U 255, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procès-
verbal d’autopsie, le 13 août 1867.
211 Ibid.
212 Ibid.
668

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
rendre l’atmosphère moins étouffante. Les Drs Ganne et Ledain préfèrent donc opérer « en
plein air, sous les arbres » 213 .
Il faut peut-être considérer la réalisation des autopsies médico-légales dans un lieu
clos comme une tentative manifeste des hommes de l’art, et des autres protagonistes de
l’expertise, pour limiter la diffusion du parfum cadavérique, odeur si singulière et parfois
difficilement soutenable 214 . Si le médecin opère à l’air libre, ou dans un lieu ouvert, les
émanations s’échappent et vont empester les environs du lieu de l’examen. Dans un endroit
fermé, le risque de répandre les fragrances cadavériques est plus restreint, mais celles-ci
stagnent plus longtemps dans un seul espace. En d’autres termes, soit le médecin expert
favorise l’élimination de l’air nauséabond à la circonférence du corps et fait par conséquent
profiter le voisinage des senteurs post mortem, soit il en restreint la diffusion au loin et
pollue de manière durable, au mieux la seule pièce employée pour l’expertise, au pire toute
l’habitation. La Morgue de Paris, ainsi qu’il est mentionné plus haut, est confrontée à une
situation similaire : la ventilation des salles d’autopsies répand une odeur infecte sur les
quais alentours.
Néanmoins, en raison de sa nature volatile, l’odeur est le produit de l’autopsie le
plus difficile à circonscrire. Malgré toutes les précautions prises par les hommes de l’art, il
leur est parfois impossible de maintenir les odeurs cadavériques dans le lieu de l’examen.
Le 12 février 1841, le Dr Paul François Reverdit, exerçant à Thouars, dans les Deux-
Sèvres, est chargé de constater les causes du décès d’une femme, survenu le 7 février 215 . A
son arrivée dans la commune qui a été le théâtre de ce drame, le médecin expert rencontre
le Dr Félix Guillot, confrère qui a effectué l’autopsie le 9 février 216 . Ce dernier indique
qu’il a prélevé ce qu’il estime être les « principales pièces de l’autopsie c’est-à-dire
l’estomac, deux côtes et un poumon » 217 . Elles sont conservées dans des vases emplis d’un
liquide alcoolique, qui ont été déposés au domicile du secrétaire de mairie. Le Dr Reverdit
explique que dès l’instant où il les a ouverts, « une odeur infecte s’est répandue dans
l’appartement, dans la cour de la maison et tout le long de la rue » 218 .
213 Ibid.
214 Le chapitre 8 revient sur cette question en étudiant les procédés et les produits utilisés pour lutter contre la
pollution olfactive lors des examens post mortem.
215 A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Rapport de M. Reverdit, le 12 février 1841.
216 Ibid., Procès-verbal d’autopsie, le 11 février 1841.
217 Ibid., Rapport de M. Reverdit, le 12 février 1841.
218 Ibid.
669

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
3) D’infortunées tables de fortune
Si la question de l’aération semble peu préoccuper les médecins experts du Poitou,
du moins les documents de la procédure d’instruction en font-ils peu écho, l’obtention d’un
support sur lequel disposé la dépouille, et ainsi opérer confortablement, est en revanche
récurrente. Il faut cependant se garder de croire que l’indication de la surface sur laquelle
l’examen s’est déroulé est systématique. A l’image des autres informations qui constituent
l’environnement matériel des autopsies, la mention de l’utilisation d’une table ou de tout
autre support, est absente d’un très grand nombre de rapport d’expertise, et n’apparaît pas
non plus dans les autres documents. Le médecin expert peut demeurer vague à ce sujet.
Après l’exhumation de la dépouille d’une femme qu’ils font porter dans une « grange bien
éclairée », les Drs Orillard et Moreau notent juste que le cercueil est placé « sur un appui
convenablement élevé », sans autre précision quant à la nature ce celui-ci 219 .
Sur la totalité des examens
cadavériques consultés, une minorité laisse
entrevoir le support qui a permis au
médecin expert de surélever le corps pour
effectuer ses observations dans une position
convenable (tableaux 47 et 48, cf. annexe
22). Un peu moins de 20% des examens
pratiqués dans les Deux-Sèvres et moins de
10% de ceux réalisés dans le département
voisin, fournissent des précisions à ce sujet
(graphique 81). Outre l’absence effective de
la mention d’un quelconque matériel ayant
accueilli le corps pour l’autopsie, il faut
préciser que la faiblesse de ces chiffres est
également imputable aux constats accomplis sur les lieux où le cadavre a été découvert. Or,
dans ces circonstances, l’homme de l’art pratique généralement son examen sans trop
déplacer le cadavre, du moins celui-ci est-il laissé à terre. Le 13 décembre 1886, les Drs
Ferdinand Chevallereau et Alexandre Rousseau, médecins exerçant à Parthenay, se
transportent sur la commune de Gourgé pour examiner le corps d’un homme gisant sur la
219 A.D.V., 2U 1538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
docteurs médecins Orillard et Moreau, le 17 mai 1838.
670
Graphique 81 : Mention de l'utilisation
d'un support pour l'examen post mortem
(affaires criminelles poitevines, 1795-1915).
Examens
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Deux-
Sèvres
Vienne
Départements
Pas d'incation
Indication d'un support
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
route de Parthenay 220 . L’un des deux experts médecins a procédé à une première visite, sur
les lieux mêmes où le corps sans vie a été trouvé. Il fait le récit de la position du cadavre,
ainsi que des constatations qu’il a pu faire sur son état extérieur : au moment de son arrivée
sur place, la dépouille se trouve à 2 mètres d’un fossé rempli d’eau, duquel elle a été retirée
par un gendarme le matin même 221 . C’est donc au bord de ce fossé, sur le sol, que l’homme
de l’art procède à l’examen.
En sus des constats post mortem effectués sur les lieux, il s’avère que certaines
autopsies sont réalisées en totalité par terre. La commune du Vigean, dans le département
de la Vienne, est le théâtre d’un crime sordide en août 1880. A son domicile, une femme de
72 ans, de frêle constitution, a été violemment frappée à la tête et au thorax, ce qui lui
aurait été fatal, selon les deux premiers médecins experts requis par la justice de paix 222 . Le
magistrat de Montmorillon, chargé de l’instruction, fait appel à un troisième expert, le Dr
Ponteil, pour qu’il procède une seconde autopsie. A son arrivée, l’homme de l’art découvre
le corps allongé sur le lit où il avait été déposé la veille. Pour réaliser son expertise, le
praticien « transporte le cadavre sur le parquet avec un homme de la localité » 223 . Les
autopsies judiciaires pratiquées à genoux sont-elles fréquentes ? Il est difficile de l’estimer,
mais cela semble peu probable. En effet, bien qu’il n’en fasse aucune mention, il est tout à
fait possible d’imaginer qu’un médecin faisant office d’expert judiciaire, ait trouvé un
support sur lequel déposer la dépouille à une hauteur convenable. Les quelques exemples
qui donnent des précisions à ce sujet, sont suffisants pour entrevoir que les médecins
experts savent généralement trouver une solution.
220
A.D.D.-S., 2U 315, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vol », Rapport
médico-légal, le 26 janvier 1887.
221
Ibid.
222
A.D.V., 2U 1712, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre », Rapport des
médecins, le 15 août 1880.
223
Ibid., Rapport des médecins, le 23 août 1880.
671

Il est, en effet, impossible à
l’expert de transporter avec lui une
table d’autopsie ou de dissection
proches de celles précédemment
décrites. Par conséquent, hormis les
autopsies pratiquées dans les
« Lieux médicalisés » et dont il est
question infra, toutes les autres sont
effectuées sur des tables de fortune,
improvisées par l’homme de l’art en
fonction de ce qu’il a sous la main.
- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Dans une forte majorité, qui demeure relative en raison de données de départ
numériquement restreintes, les autopsies médico-légales sont réalisées sur une table
commune, faisant partie du mobilier classique d’une habitation. Ce meuble représente 67%
des supports employés lors des examens cadavériques pratiqués dans les Deux-Sèvres
(graphique 82) et 71% de ceux utilisés dans la Vienne (graphique 83). D’autres pièces du
mobilier sont parfois utilisées, mais dans des proportions bien moindres : 13% dans le
département de la Vienne (graphique 83), et seulement 3% dans les Deux-Sèvres
(graphique 82). Lors de l’examen d’un homme d’une quarantaine d’années, dont le décès
serait imputable à des coups de fourche, le médecin expert de Loudun, chef-lieu
d’arrondissement de la Vienne, fait déposer le corps sur un buffet au centre de
l’appartement 224 .
23%
Graphique 82 : Supports utilisés lors des
examens post mortem (affaires criminelles des
Deux-Sèvres, 1795-1915).
224 A.D.V., 2U 1688, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Rapport du médecin, le 28 juillet 1872.
672
3% 7%
67%
Table
Planches et tréteaux
Autre meuble
Table de dissection
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

13%
- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Graphique 83 : Supports utilisés lors des
examens post mortem (affaires criminelles de la
Vienne, 1795-1915).
3%
13%
71%
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
Table
Planches et tréteaux
Autre meuble
Table de dissection
Le plus souvent il s’agit de la table qui se trouve dans la pièce principale de la
demeure, en l’occurrence la table sur laquelle la famille partage le repas, la table sur
laquelle ils sont préparés, c’est-à-dire la table de la cuisine. Le juge d’instruction du
tribunal de Loudun se rend dans le village de Chalmont pour enquêter sur un présumé
infanticide, en mars 1876. Accompagné du Dr Jamet, médecin à Loudun, le magistrat
pénètre dans la cuisine où aurait eu lieu l’accouchement 225 . Le cadavre de l’enfant,
retrouvé dans les latrines, est apporté et « déposé sur une table dans cette même
cuisine » 226 . L’homme de l’art procède alors à l’examen cadavérique. Selon Thomas
Harris, dont le Manuel d’autopsies est traduit de l’anglais et publié en 1888, les tables de
cuisine ordinaires sont celles qui conviennent le mieux à l’exercice 227 . Mais, il ajoute qu’à
défaut, notamment dans les demeures très modestes qui en seraient dépourvues, « une
porte enlevée de ses gonds et supportée aux deux extrémités par une caisse ou une chaise
fait une bonne table » 228 .
Plusieurs représentants de la médecine légale française font une remarque similaire.
François Chaussier, au début du XIX e siècle, note que dans les campagnes, il est rare que le
médecin expert dispose d’une table convenable. Par conséquent, il conseille d’utiliser une
ou deux planches supportées par des tréteaux ou des tonneaux 229 . Georges Morache,
225
A.D.V., 2U 1698, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Constat des
lieux, le 7 mars 1876.
226
Ibid.
227
Thomas Harris, Manuel d’autopsies ou méthode de pratiquer les examens cadavériques au point de vue
clinique et médico-légal, traduit de l’anglais par H. Surmont, Bruxelles, Manceaux, 1888, p. 3.
228
Ibid.
229 François Chaussier, Recueil…, op. cit, p. 27.
673

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
quelque peu virulent vis-à-vis des conditions déplorables dans lesquelles les examens post
mortem sont généralement effectués dans les villages reculés, n’hésite pas à incriminer la
population : « on en est parfois réduit à opérer dans un cimetière, sur le bord d’une fosse,
car, bien entendu, aucun voisin n’a voulu prêter de table » 230 . Morache s’est-il souvent
retrouvé confronté à de telles situations au point de faire preuve d’une certaine amertume ?
Ou sa remarque a-t-elle pour objectif d’appuyer ses revendications quant à l’amélioration
des expertises judiciaires ? Au vu de quelques affaires criminelles poitevines, la seconde
hypothèse apparaît plus probable. Le 3 septembre 1840, le Dr Joseph Albert, chirurgien à
l’hospice civil de Parthenay, est requis pour constater un infanticide 231 . Arrivé au domicile
de la prévenue, le médecin se fait remettre le corps de l’enfant, enveloppé dans un tablier et
une chemise de femme. Il le dépose sur une petite table prêtée par une voisine, pour
l’examiner 232 .
A la lecture des dossiers de procédures correctionnelles et criminelles poitevins, il
ressort qu’un certain nombre d’autopsies est effectivement pratiqué sur des tables de
substitution. La part des supports compris sous l’expression générique « Planches et
tréteaux », s’élève à 23% dans le département des Deux-Sèvres (graphique 82) et atteint
13% dans la Vienne (graphique 83). Parmi les affaires concernées se trouve un
empoisonnement dont la commune de Montperron, dans les Deux-Sèvres, est le théâtre en
juin 1829. Un docteur en médecine de Ménigoute, Joseph Albert, est requis par le
procureur du roi aux fins de prélever les divers organes qui seraient susceptibles de
présenter des traces de poison 233 . Pour s’exécuter, Albert fait porter le corps de la supposée
victime, du lit où il repose, à « deux larges planches appuyées sur deux tréteaux » 234 .
Gabriel Tourdes, en faisant un tel constat, semble plaindre les médecins experts de
campagne qui travaillent dans ces circonstances : « Le médecin, à la campagne surtout,
doit improviser un local […]. Souvent il opère au grand air, et une table faite à la hâte
avec des planches posées sur des tréteaux à une hauteur convenable, reçoit le cadavre
[…] » 235 . Cependant, il est permis de comprendre l’utilisation d’une table “bricolée” d’une
autre manière. Au lieu de la considérer comme la manifestation d’une improvisation ou
d’une quelconque précipitation qui a pu échapper à l’homme de l’art, il est possible de
230
Georges Morache, « L’expertise… », art. cit., p. 335.
231
A.D.D.-S., 2U 175, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport médical,
le 3 septembre 1840.
232
Ibid.
233
A.D.D.-S., 2U 129, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
rédigé par le procureur du roi, le 24 juin 1829.
234
Ibid.
235
Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 425.
674

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
l’envisager comme la volonté de préserver le mobilier domestique. D’aucuns ont peut-être
préféré utiliser de simples planches, du fait que l’autopsie souille et détériore le support qui
accueille le cadavre. Plusieurs indices, trouvés dans les dossiers d’assises ou dans les
sources imprimées, corroborent une telle supposition.
Dénonçant, lui aussi, le décalage matériel qui peut exister entre les autopsies
médico-légales pratiquées dans des établissements équipés et dans des villages dépourvus
de structures adéquates, Henry Coutagne déplore l’utilisation des locaux municipaux
comme salle d’examen. Outre l’absence d’aménagement idoine, Coutagne souligne que
l’opération est nuisible aux meubles :
« le corps est transporté tant bien que mal (il n’y a presque nulle part, dans les campagnes,
de civières spéciales), dans un bâtiment communal tel que la mairie, la gendarmerie, la
maison école, et l’autopsie se pratique dans une des salles où naturellement rien n’est
aménagé dans ce but, détériorant le mobilier […] » 236 .
La requête d’un maire d’une commune de la Vienne, au nom d’un de ses administrés,
laisse penser qu’une table ordinaire servant à un examen cadavérique, est perdue. Le 19
janvier 1895, le maire de Vicq dresse un état des sommes dues par l’institution judiciaire à
plusieurs citoyens, pour les objets qu’ils ont fournis lors d’une expertise médico-légale. Le
document indique qu’en raison de la mise à disposition d’une table, un certain Eugène D.
doit percevoir 4 francs 237 . S’agit-il d’un dédommagement suite au prêt de la table, qui
nécessite alors un entretien, ou d’un remboursement de la valeur totale du meuble, du fait
que celui-ci devient inutilisable après l’ouverture cadavérique ? Il est impossible de le
préciser. Mais ce qu’il faut retenir de cet exemple est que dans l’une ou l’autre des
situations, la table a subi une détérioration qui nécessite d’être indemnisée.
Les dégâts mobiliers provoqués par l’ouverture cadavérique sont, en outre, mis en
évidence par certaines prescriptions de la littérature médico-légale, ou par quelques actions
des médecins experts lors de leur examen. Pour ce qu’ils nomment les « autopsies en
ville », c’est-à-dire les examens réalisés au domicile du défunt et non dans un
établissement hospitalier, Bourneville et Bricon recommandent de se munir de « taffetas
gommé, de makintosh (sic) 238 ou d’une toile en caoutchouc » 239 , protection qui doit être
236 Henry Coutagne, « L’exercice… », art. cit., pp. 50-51.
237 A.D.V., 2U 1747, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre et tentative de
meurtre », Etat des sommes dues à divers pour l’exhumation et la fourniture d’objets lors de l’autopsie, le 19
janvier 1895.
238 Le tissu doit son nom à son concepteur, MacIntosh, qui a mis au point les premiers tissus imperméables
dans les années 1820. Il imprègne des toiles de coton avec un mélange de caoutchouc et de térébenthine. Cf.
Maurice Daumas (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. III : L’expansion du machinisme, par
675

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
glissée entre le corps et la table. Les médecins experts poitevins ne disposent pas de ce
genre de matière imperméable. Cependant, d’autres moyens de protection peuvent être
employés. Deux techniques sont décrites dans les récits d’autopsies des affaires poitevines.
En premier lieu, l’homme de l’art fait couvrir la table par d’autres planches. Le 21 avril
1865, Pierre Jaurand et Louis Ganne, respectivement médecins à Airvault et Parthenay,
dans les Deux-Sèvres, sont requis pour faire l’autopsie d’un homme qui aurait été victime
d’un empoisonnement 240 . Le corps est allongé sur le lit, recouvert de couvertures. Pour
l’examiner convenablement, ils le font porter dans la cour de la maison et déposé « sur une
table recouverte de planches ordinaires » 241 .
La seconde protection utilisée consiste en un simple morceau de tissu. Le Dr
Thiaudière, praticien à Lussac-les-Châteaux, commune de la Vienne, est convié par le juge
de paix à l’accompagner pour constater un infanticide, en janvier 1876 242 . Le corps qui lui
est remis se trouve enveloppé dans un « jupon ordinaire » 243 . Le médecin remarque que le
tissu porte des « traces insignifiantes de sang » 244 . Il s’empresse alors de préciser que s’il
est à présent « maculé de sang », c’est que le praticien a été contraint de « mettre le jupon
sous le corps pour préserver la table », aucune autre pièce de linge n’ayant pu lui être
fournie 245 . Sans aller jusqu’à considérer ce procédé comme une pratique systématique, une
telle remarque tend à suggérer que les médecins experts essayent, chaque fois que cela est
possible, de déposer ce genre de protection entre la dépouille mortelle et le support. Il est
permis de penser, par exemple, que si le corps est recouvert d’un drap, voire déjà enseveli,
le morceau de linge peut être utilisé à cet effet par le médecin expert. De même, lors d’une
exhumation, le corps peut être laissé sur le suaire. Néanmoins, en aucun cas il ne faut
regarder la procédure comme une règle. Nombre d’autopsies judiciaires poitevines la
contredisent. En mars 1837, le Dr Orillard, médecin à Poitiers, est chargé de procéder à
l’autopsie d’un nouveau-né. Il se rend au cimetière où le corps a été inhumé, assiste à
Marguerite Dubuisson, Jean-Baptiste Ache, Maurice Audin et al., introduction de Maurice Daumas, Paris,
PUF, 1968, p. 559.
239
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., pp. 67-68.
240
A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’autopsie, le 21 avril 1865.
241
Ibid.
242
A.D.V., 2U 1698, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du Dr
Thiaudière, le 26 janvier 1876.
243 Ibid.
244 Ibid.
245 Ibid.
676

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
l’exhumation et fait porter le cercueil dans une grange 246 . Celui-ci est ouvert, le suaire
décousu, le cadavre retiré de la bière et déposé sur une planche 247 . Le linceul n’est donc
pas utilisé comme protection. L’expert a peut-être estimé qu’il n’était pas nécessaire de
préserver une simple planche des dégradations et des souillures de l’autopsie.
Si un certain nombre d’indications relatives à la table d’examen, ou à ce qui en fait
office, sont disséminées dans les dossiers d’instruction. En revanche tout ce qui concerne
l’évacuation des déchets et des liquides cadavériques est tu. Les renseignements en matière
de lavage et de désinfection du corps avant l’ouverture, notamment lorsque la
décomposition est avancée, sont relativement nombreux 248 . Quelques informations sur le
traitement “post-autopsie” de la dépouille sont également présentes 249 . Par contre, tout ce
qui a trait à un nettoyage du local est absent. La mention d’un seau ou d’un autre récipient
empli d’eau est fréquente. Il est évident que le liquide est utilisé, soit pour laver les
viscères en vue de leur examen, soit pour servir à la réalisation d’expériences, telle
l’immersion des poumons des nouveau-nés pour constater si l’air qui aurait pu être inspiré
les fait flotter. La remise en état de l’endroit qui a accueilli l’examen post mortem, que ce
soit la chambre du défunt, la salle de la mairie, une grange ou même un champ, échappe
totalement à l’historien. Qui s’en occupe ? Le médecin, la famille s’il s’agit d’un examen à
domicile, un employé de la municipalité lorsque l’acte s’est déroulé dans un bâtiment ou
un lieu qui lui appartient ? Quels sont les techniques et les produits employés ? Existent-ils
des similitudes avec des lieux qui génèrent ou reçoivent des déchets biologiques : hôpitaux,
boucheries et autres lieux d’abattages, lieux d’aisance, cimetières 250 ?
Les décisions et les agissements du médecin expert, concernant l’endroit qui
accueille le cadavre, sont toujours liés à un ajustement en fonction des circonstances
246
A.D.V., 2U 1529, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide, homicide par
imprudence », Rapport du médecin commis pour constater l’état du cadavre, le 12 mars 1837.
247
Ibid.
248
Cf. le chapitre 8.
249
Cf. le chapitre 5.
250
De telles questions se posent également pour les scènes de crime. Le développement des techniques
d’analyse des théâtres criminels ont donné lieu à quelques études historiques. Des travaux sur la topographie
judiciaire ont été publiés, parmi lesquels Michel Porret, « Le topographe judiciaire »,
Sociétés&Représentations : Violences, sous la dir. de Frédéric Chauvaud, Paris, CREDHESS, juin 1998, n°6,
pp. 191-209 ; Virginie Berger, « Les plans de l’enquête dans la seconde moitié du XIX e siècle »,
Sociétés&Représentations : La justice en images, sous la dir. de Frédéric Chauvaud, avec la collaboration de
Solange Vernois, Paris, CREDHESS, octobre 2004, n°18, pp. 97-107 ; Marina Daniel, « Découverte du
crime et besoins de l’enquête. Le dessin judiciaire en Seine-Inférieure au XIX e siècle », ibid., pp. 109-122.
Michel Porret a également publié une étude consacrée au rôle de la scène de crime et à la manière dont la
justice en use : Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertises judiciaires à Genève (XVIII e -
XIX e siècle), Montréal, Presses Universitaires de Montréal, Collection « Socius », 2008, 288 p.
677

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
rencontrées, de l’environnement dans lequel l’examen est effectué. L’adaptation est le
maître mot de la plupart des autopsies judiciaires. Ne pouvant obtenir des conditions
matérielles optimales, en adéquation avec les prescriptions littéraires qui définissent le lieu
propice à l’exécution d’un examen cadavérique, les hommes de l’art doivent parvenir à
aménager au mieux le local dont ils disposent. Certaines situations ont sans aucun doute
rendu la réalisation de l’acte délicate, inconfortable, peut-être au point d’empêcher le
médecin expert d’effectuer une autopsie conforme à la science. Néanmoins, il semble que
les praticiens poitevins de l’expertise judiciaire s’en soient accommodés. Il est même
permis de considérer que les critiques et les revendications manifestées à l’encontre des
“autopsies judiciaires sauvages”, c’est-à-dire réalisées dans des lieux non-dévolus à
l’exercice cadavérique, ne visent pas, au final, à améliorer les conditions de travail des
médecins experts de campagnes. Les requêtes quant à la création d’un local adapté dans
chaque arrondissement, ou comme le souhaite Alphonse Devergie dans chaque
cimetière 251 , sont presque des prétextes. En effet, les problèmes soulevés par les auteurs en
termes d’évacuation et de renouvellement de l’air, d’assainissement du lieu de l’examen,
de l’utilisation d’une table à la fois confortable et hygiénique, ne sont pertinents que pour
les endroits qui seraient régulièrement utilisés pour la pratique des autopsies. Or, à la
lumière des développements précédents, rares sont les lieux qui abritent deux fois ce type
d’activité. Par conséquent, ces doléances concernent uniquement les salles qui servent déjà
de manière systématique à la réalisation d’ouvertures cadavériques, et dont l’aménagement
est obsolète ou ne correspond plus aux critères du local idéal. En outre, en rénovant les
bâtiments considérés comme appropriés à la pratique “autoptique”, leur image d’unique
lieu susceptible d’abriter l’examen est renforcée. En 1914, Etienne Martin use toujours de
ces mêmes arguments pour justifier la centralisation des autopsies médico-légales dans un
« Institut aménagé » 252 comme celui de Lyon :
« Aujourd’hui, avec les camions automobiles, on peut, en l’espace de très peu de temps,
amener d’assez loin à l’Institut, les cadavres qui doivent être soumis à une expertise
médico-légale. Au lieu d’opérer, dans des conditions déplorables, sur le plancher d’une
grange ou sur une table de cabaret, l’expert pourrait faire ses constatations à loisir, être
entouré des aides qui lui sont utiles, de tous les instruments nécessaires » 253 .
Entre la chambre obscure et incommode du défunt, et la salle d’autopsie de la Morgue ou
de l’Institut médico-légal, il existe des lieux intermédiaires qui, sans être exclusivement
251 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit, t. 1, p. 127.
252 Etienne Martin, « L’Institut de médecine légale de Lyon », Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 12.
253 Ibid.
678

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
destinés à recevoir les dépouilles devant être autopsiées, peuvent fournir aux hommes de
l’art des conditions plus satisfaisantes, puisqu’ils abritent des activités médicales.
III) LES STRUCTURES MEDICALISEES
Les communes qui offrent des endroits impropres à l’exécution des examens et des
ouvertures cadavériques judiciaires, sont régulièrement opposées à celles capables de
fournir aux médecins experts des lieux compatibles avec cet exercice. Ainsi Henry
Coutagne dresse-t-il le tableau suivant :
« Je laisse de côté les grandes villes où les établissements universitaires, les Morgues et les
hôpitaux peuvent fournir des aides et des locaux à peu près suffisants ; mais dans les
petites villes et surtout à la campagne on n’a à sa disposition rien de semblable » 254 .
En Poitou, nombre de villes disposent d’un établissement hospitalier. Répondent-ils aux
attentes des médecins experts ? Sont-ils souvent sollicités, et de manière constante durant
le siècle ? Et qu’en est-il de l’Ecole de médecine de Poitiers ? A-t-elle une quelconque
influence, joue-t-elle un rôle attractif sur les autopsies médico-légales des alentours ?
A) Place et rôle des lieux médicalisés
Au sein des espaces utilisés pour héberger les examens cadavériques judiciaires, le
local médicalisé occupe l’un des derniers rangs. Avant-dernier dans le département de la
Vienne, avec 18% des examens post mortem (graphique 73), sa part chute même à 13%
dans les Deux-Sèvres (graphique 72), ce qui le place en dernier. Les divers endroits
regroupés sous l’appellation de « Lieux médicalisés » ont été précédemment indiqués. Ils
sont au nombre de trois : le cabinet du médecin, l’Ecole de médecine de Poitiers et
l’établissement hospitalier.
Quelques rares expertises médico-légales se déroulent directement au domicile de
l’homme de l’art requis. Un tel choix répond généralement à une urgence ou à une
commodité. Le 8 novembre 1850, le juge d’instruction de Châtellerault, arrondissement de
la Vienne, accompagné du procureur de la République, du commissaire de police et d’un
greffier, se rend sur les lieux de la découverte d’un cadavre de nouveau-né 255 . Sur place
l’attend le Dr Ménard, médecin de Châtellerault, appelé pour procéder à l’expertise. Les
254 Henry Coutagne, « L’exercice… », art. cit., p. 50.
255 A.D.V., 2U 1602, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
transport et de constat, le 8 novembre 1850.
679

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
premières constatations externes effectuées, l’homme de l’art fait observer que l’examen
est impossible sur les lieux : d’une part, il n’y a pas d’habitation alentour où opérer, et
d’autre part, la nuit est proche 256 . Le magistrat ordonne alors de porter le petit corps au
domicile de l’expert médecin, chez qui les autorités judiciaires se déplacent le lendemain
pour assister à l’examen 257 . La désignation du cabinet privé du médecin comme lieu
d’expertise, dans une affaire d’infanticide instruite deux ans plus tard, répond à une
motivation de nature différente. Stéphane de Morineau et Delphin Napoléon Bonnet, tous
deux médecins à Poitiers, se rendent au bourg de Ligugé le 9 novembre 1852 258 . Ils doivent
examiner les restes d’un nouveau-né, jeté dans les latrines d’une maison en février. La
dépouille, très altérée par son séjour dans un tel milieu, est transportée à Poitiers. Le 11
novembre, les deux praticiens se retrouvent chez l’un d’eux et tentent de déterminer l’âge
du fœtus grâce à des spécimens de squelettes appartenant à un des experts 259 . Il n’est pas
préciser si le propriétaire du lieu d’examen et le propriétaire de la collection anatomique
sont une seule et même personne. Il est cependant permis de le penser. En effet, il est fort
probable qu’en constatant l’état du cadavre, les deux médecins experts aient décidé de
l’examiner dans l’endroit où ils auraient les éléments comparatifs à disposition. Eu égard à
sa représentativité très faible, ainsi qu’à l’absence totale d’informations pouvant aider à en
cerner l’agencement, le cabinet de l’homme de l’art n’est pas pris en considération dans la
présente étude. Les développements se focalisent donc sur les deux autres « Lieux
médicalisés ».
256 Ibid.
257 Ibid.
258 A.D.V., 2U 1613, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport des
docteurs médecins, le 12 novembre 1852.
259 Ibid.
680

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
1) Les établissements hospitaliers
L’hospice ou l’hôpital 260 constitue le lieu médicalisé qui accueille le plus
d’autopsies médico-légales. Au cours de ses réflexions sur l’expertise judiciaire et sur les
modifications nécessaires à son amélioration, Georges Morache fait plusieurs remarques
concernant les établissements hospitaliers. Il souligne, notamment, que les administrations
hospitalières sont en général peu enclines à prêter leurs locaux, pour la réalisation
d’autopsies judiciaires :
« Si l’administration le permet, on transporte le cadavre à la salle mortuaire de l’hôpital
du lieu ; mais ladite administration est souvent peu disposée à tolérer ce transport, et on le
conçoit facilement. Une opération de ce genre trouble les habitudes de l’hôpital, est une
cause d’infection, de travail supplémentaire […] » 261 .
Les statistiques semblent corroborer la déclaration de Morache, mais la faible part des
locaux médicalisés, comme lieu de l’examen cadavérique, peut être analysée d’une autre
manière. Toutes les communes poitevines, que ce soit un chef-lieu de canton ou un simple
lieu-dit, sont potentiellement des théâtres de crime. En revanche, ces localités ne possèdent
pas toutes un établissement hospitalier. Seules les plus importantes en sont pourvues 262 . Par
conséquent, si le magistrat ou le médecin expert souhaitent procéder à l’autopsie dans un
hôpital, un déplacement dans ce lieu plus ou moins éloigné est nécessaire. Outre, les
contraintes et les précautions liées aux préceptes de la science, le transfert du cadavre dans
une autre ville requiert un moyen de transport convenable et des conditions de voyage
satisfaisantes, tant en matière de météorologie, qu’au point de vue de l’état des axes de
circulation. Des routes difficilement praticables rebuteront les plus enthousiastes.
L’amélioration des moyens de déplacement, en termes de vitesse et de conditions de
transport, ainsi que leur diversification, pourraient faciliter l’acheminement des corps à
autopsier jusqu’à un établissement hospitalier.
260
Pour une synthèse historique cf. Jean Imbert (sous la dir. de), Histoire des hôpitaux en France, Toulouse,
Privat, 1982, 559 p.
261
Georges Morache, « L’expertise… », art. cit., p. 334.
262 e
Au début du XX siècle, 11 villes du département de la Vienne disposent au moins d’un hospice ou d’un
hôpital. Hormis l’une de ces localités, toutes sont chef-lieux de canton, d’arrondissement et même
préfecture : Adriers, Château-Larcher, Châtellerault, Chauvigny, Civray, L’Isle-Jourdain, Loudun, Lusignan,
Mirebeau, Montmorillon, Poitiers. Le recensement des communes possédant un établissement hospitalier,
présenté dans la brochure sur le patrimoine hospitalier de la Vienne, correspond à celle établie à partir des
documents déposés aux archives départementales.
Cf. Jacques Ariès, Gérard Guilhemsans, Patrimoine hospitalier de la Vienne, Poitiers, Société française
d’histoire des hôpitaux, 1996, pp. 21-23.
A.D.V., 1X 13, « Hospice d’Adriers » ; 1X 15, « Hospice de Château-Larcher » ; 1X 22, « Hospice de
Châtellerault » ; 1X 28, « Hôpital-hospice de Chauvigny » ; 1X 33, « Hôpital-hospice de Civray » ; 1X 35,
« Hôpital-hospice de L’Isle-Jourdain » ; 1X 43, « Hospice et hôpital de Loudun » ; 1X 52, « Hôpital et
hospice de Lusignan » ; 1X 58, « Hôpital-hospice de Mirebeau » ; 1X 68, « Hôpital-hospice de
Montmorillon » ; 1X 85, « Hospices de Poitiers ».
681

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Avec le découpage chronologique établi pour des études statistiques précédentes,
regroupant deux ou trois décennies, il apparaît que le nombre d’examens effectués dans des
locaux médicalisés est en augmentation, à partir des années 1850 (tableau 49, cf. annexe
23). Sur les deux graphiques ci-contre, il est visible que leur part, inférieure à 10% jusqu’à
la fin des années 1840, se maintient à près de 20% pendant la seconde moitié du siècle,
dans le département des Deux-Sèvres (graphique 84), et oscille entre 20% et 30% dans le
département de la Vienne (graphique 85). En d’autres termes, à partir du mitan du XIX e
siècle, deux à trois fois plus d’examens cadavériques demandés par la justice sont réalisés
dans un lieu habituellement dévolu à l’exercice de l’art de guérir. Si l’augmentation est
notable, la part des locaux médicalisés demeure cependant restreinte.
Graphique 84 : Répartition chronologique de
la part des lieux médicalisés au sein des lieux
d'examens post mortem (affaires criminelles
Examens des Deux-Sèvres, 1795-1915).
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795- 1820- 1850- 1870- 1890-
1819 1849 1869 1889 1915
Sources : ADDS, L 2 ème supplément
U, 2U, 3U1, 3U4.
Années
Autres lieux
Lieux médicalisés
682
Graphique 85 : Répartition chronologique de
la part des lieux médicalisés au sein des lieux
d'examens post mortem (affaires criminelles de
la Vienne, 1795-1915).
Examens
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1795-
1819
1820-
1849
1850-
1869
1870-
1889
Sources : ADV, L, L Supplément,
2U, 3U4.
1890-
1915
Années
Autres lieux
Lieux médicalisés
De plus, il s’avère que parmi les examens réalisés dans les lieux médicalisés, seule
une minorité a nécessité le transport du cadavre d’une commune à une autre. En effet, en
comparant le lieu du crime et le lieu de l’examen, il apparaît que les autopsies effectuées
dans l’établissement hospitalier d’une localité, ont trait à des décès qui se sont produits sur
le territoire de cette même commune (tableau 50, cf. annexe 23) 263 . Hormis pour les
263 Il existe un cas particulier, celui des individus blessés qui sont transportés à l’hôpital pour y être soignés,
et y décèdent. L’examen cadavérique est alors pratiqué dans cet établissement. Même dans l’éventualité où
l’agression a été perpétrée dans une autre commune, il est considéré qu’il n’y a pas eu de transport de la
commune du crime à la commune d’examen. En effet, le choix du lieu médicalisé ne relève pas d’un choix

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- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
décennies 1850 et 1860, les défunts examinés dans un espace médicalisé des Deux-Sèvres
n’ont majoritairement pas franchi les frontières communales (graphique 86). Un constat
similaire peut être fait pour le département de la Vienne, en notant cependant qu’un
équilibre s’amorce, à partir des années 1870, et s’installe durant les deux dernières
décennies de la période (graphique 87).
Graphique 86 : Répartition chronologique des
utilisations de lieux médicalisés situés dans une
commune distincte de celle du crime (affaires
criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915).
Examens
1795-
1819
1820-
1849
Communes différentes
Mêmes communes
1850-
1869
1870-
1889
1890-
1915 Années
Sources : ADDS, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
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Graphique 87 : Répartition chronologique des
utilisations de lieux médicalisés situés dans
une commune distincte de celle du crime
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
Examens
1795-
1819
1820-
1849
Communes différentes
Mêmes communes
1850-
1869
1870-
1889
Sources : ADV, L, L Supplément, 2U, 3U4.
1890-
1915
Les explications qui peuvent être avancées sont de plusieurs natures : financière,
matérielle et scientifique. Il est permis de considérer que les conditions de circulation,
encore peu satisfaisantes à la fin du siècle, sont un premier frein au recours systématique à
la translation des dépouilles mortelles 264 . Ensuite, même lorsque les déplacements sont
aisés et rapides, notamment avec le développement du réseau ferroviaire poitevin 265 , ceux-
médico-légal à proprement parler, mais d’un choix thérapeutique. L’expertise est, en réalité, effectuée sur les
lieux du décès.
264 Cf. « Le désenclavement des campagnes » quelque peu tardif dans certaines régions, grâce aux routes et le
réseau ferré, dans Georges Duby, Armand Wallon (sous la dir. de), Histoire de la France rurale, t. 3 :
Apogée et crise de la civilisation paysanne de 1789 à 1914, par Maurice Agulhon, Gabriel Désert et Robert
Specklin, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1976, pp. 167-171.
265 Dans le département de la Vienne, l’installation des grandes lignes de chemin de fer, traversant le
département du nord au sud et d’est en ouest, a lieu entre 1845 et 1868 : le tronçon poitevin de la ligne Paris-
Bordeaux est inauguré en 1853, Poitiers est relié à La Rochelle en 1863, et à Limoges en 1868.
Cf. Philippe Réveillé, Les débuts du chemin…, op. cit., non paginé.
En ce qui concerne le département voisin, les Deux-Sèvres, la gare de Niort est inaugurée en 1856. Elle relie
alors les deux préfectures poitevines. L’année suivante, c’est au tour de la ligne Niort-La Rochelle d’être
ouverte. Puis, en 1868, une ligne Cholet-Bressuire-Niort traverse le département du nord au sud. Durant les
deux décennies suivantes, le réseau ferré deux-sévrien s’étoffe. Les principales localités du département sont
Années

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
ci ont un coût qui n’est pas négligeable 266 . L’institution judiciaire engage des frais dans
toute procédure d’instruction. Si le procès aboutit à la condamnation de l’inculpé, ce
dernier doit régler l’ensemble des dépenses consécutives à l’enquête. Dans le cas contraire,
les frais restent à la charge de la justice 267 . Il a été indiqué précédemment que la question
financière pouvait expliquer une certaine retenue en matière de réquisition d’experts
médecins 268 . De la même manière, le parquet cherche donc à limiter les dépenses relatives
aux déplacements. A l’automne 1905, la ville de Niort est le théâtre d’un crime passionnel
qui connaît un retentissement médiatique et populaire notable. Le 1 er octobre 1905, une
chanteuse du cabaret L’Eldorado est abattue par son ancien amant, dans les coulisses de
l’établissement, alors que le public se trouve dans la salle 269 . Le juge d’instruction ayant
été prévenu peu de temps avant minuit, l’examen cadavérique n’est effectué que le
lendemain matin par le médecin expert 270 . L’autopsie se déroule à l’hôpital de Niort. Le
transport du cadavre du lieu du crime au lieu de l’examen a coûté 4 francs, ainsi que
l’indique l’état des frais 271 . Cette somme apparaît élevée si on la compare aux indemnités
de déplacements perçues par les médecins experts : selon le décret de novembre 1893, 20
ou 40 centimes du kilomètre, en fonction du mode de transport emprunté 272 .
En outre, le déplacement du cadavre doit faire face à une question d’ordre
pragmatique. La taille du corps a transporté, et donc sa maniabilité, sont à prendre en
considération. Il est plus facile de convoyer, dans une charrette ou par le train, une petite
caisse renfermant le corps d’un nouveau-né, qu’un cercueil provisoire contentant la
reliées entre elles, ainsi qu’avec des communes des départements voisins. En outre, pour parfaire le maillage
par rails, les lignes de chemin fer d’intérêt général sont complétées par les lignes de tramways.
Cf. Maurice Pacher, Maïnig Le Bacquer, Petite histoire du train en Deux-Sèvres, Niort, Conseil général des
Deux-Sèvres, 2004, pp. 14 et 54 ; Pierre Marsault, Laurent Morin, La Compagnie des tramways
départementaux des Deux-Sèvres, La Crèche, Geste Editions, 2005, p. 11.
266 Le transport des pièces à conviction, notamment de la dépouille mortelle, est réglementé par l’article 9 du
décret du 18 juin 1811 : « Les procédures ou les effets pouvant servir à conviction ou à décharge, seront
transportés par les gendarmes chargés de la conduite des prévenus et accusés.
Si, à raison du poids ou du volume, ces objets ne peuvent être transportés par les gendarmes, ils le
seront, d’après un ordre par écrit du magistrat qui ordonnera le transport, soit par les messageries, soit par
les entrepreneurs de transports ou convois militaires, soit par toute autre voie plus économique, sauf les
précautions convenables pour la sûreté des objets. »
Cité dans François Duverger, Manuel des juges d’instruction, 1 ère éd. 1839-1840, 2 ème éd. rev. et augm.,
Niort, Robin, 1844, t. 3, p. 336.
267 Hélène Crespin, Les frais de justice au XIX e siècle, mémoire de DEA d’histoire du droit, de l’économie et
de la société, sous la dir. de Jean Hilaire, Université Panthéon-Assas (Paris 2), LGDJ, Histoire du droit, 1995,
pp. 57-67.
268 Cf. le chapitre 4.
269 A.D.D.-S., 2U 376, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », Procès-verbal de
transport, le 1 er octobre 1905.
270 Ibid., Ordonnance à médecin, le 2 octobre 1905.
271 Ibid., des frais.
272 Cf. l’étude des honoraires et dédommagements des experts judiciaires dans le chapitre 4.
684

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
dépouille d’un homme adulte. L’exemple suivant illustre parfaitement la facilité avec
laquelle un petit cadavre peut être manipulé et déplacé. En raison de l’arrivée de la nuit, le
juge d’instruction de Poitiers estime préférable de renvoyer au lendemain la suite de
l’expertise médico-légale à laquelle le Dr Barrilleau doit se livrer 273 . Le corps du nouveau-
né qui a été retiré d’une rivière, sur la commune de Migné, est alors placé dans un panier
rempli de paille, puis conduit en voiture par le médecin qui le dépose dans son cabinet à
l’Ecole de médecine de Poitiers 274 . Dans les Deux-Sèvres, sur 5 corps transportés dans une
autre commune afin d’être examinés dans un local médicalisé, 4 sont des nouveau-nés. Le
rapport est de 6 dépouilles sur 7 dans le département voisin (tableau 50, cf. annexe 23). Il
s’agit donc d’une très forte proportion d’enfants nouveau-nés.
Enfin, un dernier obstacle peut expliquer le nombre restreint de dépouilles
transportées jusqu’à un hôpital, pour y être soumises à l’examen médico-légal : les
prescriptions et précautions imposées par la science à ce sujet. Il convient de procéder à la
translation du corps en tenant compte de quelques règles élémentaires en vue de prévenir la
formation de nouvelles blessures et la perte de certains fluides qui pourraient s’être
épanchés. Au début du XIX e siècle, confrontés à des moyens de circulation qui rendent le
transport quelque peu chaotique, les auteurs émettent certaines réticences au sujet du
déplacement de la dépouille. Par conséquent, ils donnent des conseils très précis aux
médecins experts qui souhaiteraient procéder à ce transport. En premier lieu, l’homme de
l’art doit boucher « avec soin les ouvertures par où peuvent s’écouler les liquides dont il
est important de faire l’analyse » 275 . Puis, il fait placer le corps sur une civière, ou à défaut
sur de la paille dans une voiture, en prenant soin de maintenir la tête « fixée de manière à
rendre les mouvements moins sensibles » 276 . De plus, il est impératif que le trajet s’effectue
au pas et sans secousses. Les auteurs estiment, en effet, qu’un mouvement trop brusque
peu « déranger l’état des diverses parties » 277 . Enfin, il est préférable que le transport du
corps ait lieu sous la surveillance du médecin pour, d’une part, s’assurer que « dans cette
opération rien ne puisse l’endommager ou en augmenter les lésions » 278 , et d’autre part,
prendre note des éventuels accidents qui se produiraient au cours de la translation. Même si
les recommandations perdent en rigueur au fil des années, les ouvrages qui abordent la
273
A.D.V., 2U 1528, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
transport, le 6 décembre 1836.
274
Ibid.
275
Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 521.
276
Ibid.
277
« Cadavre », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 3, p. 182.
278
Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 521.
685

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
question, à la fin du siècle, font encore mention des « précautions convenables » avec
lesquelles le transport du corps doit être effectué 279 . Ainsi, sans nier absolument l’existence
de transports de cadavres, dès le début de la période étudiée 280 , il est permis de penser que
de telles exigences scientifiques, accentuées par des conditions de circulation difficiles, ont
fait obstacle à certaines translations de la dépouille jusqu’à un lieu médicalisé. D’aucuns
ont pu renoncer au déplacement du corps, sur une distance relativement importante, en
raison des risques trop grands qu’il présentait ou de la vigilance qu’il nécessitait.
Les adultes victimes d’une mort violente ou suspecte, et dont le corps est examiné
par le médecin expert dans un hôpital, étaient pour la plupart encore en vie quand ils ont
franchi le seuil de l’établissement. Cela signifie que l’individu transporté est un blessé ou
un malade, et non un défunt. Outre le fait que le transport inter-communal n’apparaît pas
dans les statistiques, il est évident que les conditions matérielles du déplacement sont
également tout autres : un blessé peut être en mesure de voyager assis ou capable de
marcher. Enfin, l’admission d’une présumée victime de crime dans un établissement de
soins ne relève pas obligatoirement d’une décision judiciaire. Au printemps 1894, une
femme se présente au cabinet du Dr Emile Charles Foucart, médecin à Oyron dans les
Deux-Sèvres 281 . Elle déclare avoir été battue par son époux et souhaite être admise à
l’hospice. L’homme de l’art lui donne alors un billet sur lequel il demande au maire
d’autoriser son admission. La femme décède des suites du développement d’un « érysipèle
phlegmoneux », consécutif aux coups reçus au visage, ainsi que l’indiquent les deux
médecins experts qui ont procédé à l’autopsie dans les locaux de l’hospice 282 .
Fort est de constater que les structures médicalisées ne centralisent pas les examens
cadavériques judiciaires poitevins. Même si un recours plus fréquent s’amorce au mitan du
siècle, il demeure faible et dépend encore souvent de conjonctures favorables. Il convient
de revenir sur la différence de répartition entre les deux départements. La part des lieux
médicalisés stagnent à environ 20% en Deux-Sèvres (graphique 84), alors qu’elle parvient
à dépasser les 30%, dans la Vienne, à la fin de la période étudiée (graphique 85). Il apparaît
279 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 411.
280 En décembre 1812, le juge de paix de Thouars, canton du nord des Deux-Sèvres, est informé par le maire
de la commune de Monbrun que le corps d’un nouveau-né a été découvert dans un cellier. Arrivé sur les
lieux, le représentant de la justice de paix apprend le maire a fait transporter le corps à Thouars. En effet,
aucun homme de l’art des localités voisines sollicité n’a voulu se rendre sur place, en raison de l’état des
chemins rendu dangereux par les conditions météorologiques.
A.D.D.-S., 2U 66, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal rédigé
par le juge de paix, le 16 décembre 1812.
281 A.D.D.S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Coups et blessures », Procès-verbal d’information, le 1 er mai 1894.
282 Ibid., Rapport médical, le 1 er mai 1894.
686

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
d’ailleurs, que dans ce dernier département, un nombre plus important d’examens
cadavériques sont effectués dans les lieux médicalisés (graphiques 86 et 87). Le chiffre peu
élevé de la période 1890-1915 n’est pas significatif, car il est provoqué par une lacune
archivistique qui fausse le résultat 283 . Quels peuvent être les facteurs susceptibles
d’expliquer une plus grande utilisation, dans la Vienne, des bâtiments où est pratiqué l’art
de guérir ? Il semble que l’Ecole de médecine de Poitiers ne soit pas étrangère au
phénomène.
2) L’Ecole de médecine de Poitiers
La ville de Poitiers, et de manière plus large le département de la Vienne, dispose
d’une institution médicale qui fait défaut dans le département voisin, un lieu de formation
pour les futurs hommes de l’art. L’Ecole de médecine de Poitiers, dès sa création en 1806
jusqu’à une époque bien postérieure à la limite chronologique de la présente étude, se
trouve physiquement attachée au principal hôpital de la ville, l’Hôtel-Dieu. L’Ecole de
médecine est une entité immatérielle qui utilise les bâtiments de l’hôpital pour exister.
Outre l’usage de la salle de dissection de l’hôpital jusqu’aux années 1840 284 , les locaux
hospitaliers sont également réquisitionnés pour dispenser les cours 285 . En janvier 1807, la
commission administrative de l’Hôtel-Dieu attribue le local de la lingerie pour faire office
de salle de cours 286 . De plus, il existe un lien humain étroit entre les deux institutions. Une
grande majorité des enseignants qui forment les étudiants poitevins sont également
praticiens à l’Hôtel-Dieu 287 . Par conséquent, les autopsies judiciaires pratiquées au sein de
ce dernier, ainsi que celles effectuées dans les bâtiments de l’Ecole de médecine construits
dans la seconde moitié du XIX e siècle, ont été comptabilisés ensemble. Le total s’élève à
une vingtaine d’examens cadavériques, soit presque la moitié des autopsies réalisées dans
les locaux médicalisés, dans ce département (tableau 49, cf. annexe 23).
283 Les dossiers d’assises postérieurs à 1900 ne sont pas conservés aux archives départementales de la
Vienne. Les chiffres présentés sont extraits des dossiers du tribunal correctionnel de Montmorillon.
284 P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers (1432-1932). Passé et présent,
Poitiers, Imprimerie moderne, Nicolas, Renault et Compagnie, 1932, p. 344.
285 Ibid., p. 341.
286 Roger Saboly, Les hôpitaux de Poitiers au XIX e siècle, thèse pour le doctorat de Troisième cycle
d’Histoire du droit des institutions et des faits économiques et sociaux, sous la dir. du professeur R.
Szramkiewicz, Université de Poitiers, 1981, f° 56.
287 Cf. les éléments biographiques relatifs aux divers professeurs de l’Ecole de médecine de Poitiers dans P.
Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université…, op. cit., pp. 347-351 et pp. 506-519.
687

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Le choix du site de l’Ecole de médecine, comme lieu de l’examen post mortem,
relève de deux cheminements différents dans la procédure d’instruction ayant chacun leur
motivation. Dans la première situation, l’homme de l’art requis par le magistrat s’avère
être professeur à l’Ecole de médecine et/ou praticien à l’Hôtel-Dieu. Son affiliation à
l’établissement pousse logiquement le médecin expert à faire porter le corps dans ces
locaux qu’il connaît bien. La raison de ce choix est donc précisément le bâtiment en lui-
même. Dans la commune de Saint-Cyr, localité située à l’extrême nord-est de
l’arrondissement de Poitiers, une jeune femme est soupçonnée d’avoir donné la mort à son
enfant nouveau-né. Le juge de paix, sur demande du procureur de la République, se rend
sur les lieux et enjoint la mère présumée de lui indiquer l’endroit où le corps est enterré 288 .
Le petit cadavre est mis au jour. Le Dr Brossard, professeur à l’Ecole de médecine de
Poitiers, envoyé sur place par commission du parquet, effectue les premières constatations
avec un confrère de Dissais 289 . Souhaitant procéder à l’autopsie afin de « pouvoir se
prononcer en toute connaissance de cause », le Dr Brossard déclare qu’il est
« indispensable de faire conduire [le corps] à l’Hôtel-Dieu de Poitiers » 290 .
En revanche, dans le second scénario rencontré, ce n’est pas véritablement le local
qui prime. Le magistrat se déplace sans expert médical. Pour faire procéder à l’autopsie, le
représentant de l’autorité judiciaire fait porter le corps jusqu’à l’Ecole de médecine ou
l’Hôtel-Dieu, car il souhaite en confier l’exécution à l’un des professeurs. L’élément qui
importe au magistrat, est plus l’homme de l’art que l’endroit où ce dernier opère. Le 18
janvier 1863, le corps d’un nouveau-né est repêché dans un ruisseau près du village de
Moulinet, à côté de Poitiers. D’abord déposé à la maison commune de Migné, sur ordre du
maire de cette localité 291 , la dépouille est ensuite transportée à l’amphithéâtre de l’Hôtel-
Dieu à la demande du suppléant du juge d’instruction 292 . Les deux médecins requis comme
experts, les Drs Bonnet et Brossard, tous deux professeurs de l’Ecole de médecine, se
rendent alors dans cette salle pour effectuer leur expertise en présence des magistrats 293 .
Les deux processus qui ont entraîné la réalisation de l’examen dans une salle de
l’Hôtel-Dieu ou de l’Ecole sont distincts. Néanmoins, il existe un dénominateur commun :
288
A.D.V., 2U 1744, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Information de
M. le juge de paix de Saint-George et plan des lieux, le 11 mars 1894.
289
Ibid.
290
Ibid.
291
A.D.V., 2U 1656, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
gendarmerie (découverte du cadavre), le 18 janvier 1863.
292
Ibid., Procès-verbal de transport à l’Hôtel-Dieu et de prestation de serment des médecins, le 19 janvier
1863.
293
Ibid., Procès-verbal d’autopsie, le 20 janvier 1863.
688

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
dans les deux situations, les médecins choisis pour procéder à l’expertise médico-légale,
exercent à l’Hôtel-Dieu et/ou enseignent à l’Ecole de médecine. Pour le magistrat, il s’agit
plus, en définitive, de désigner un homme de l’art qu’il sait apte à remplir la mission, soit
en raison de la discipline qu’il enseigne, soit du fait de son poste élevé au sein de la
hiérarchie médicale du premier établissement hospitalier du département 294 . L’utilisation
des locaux appartenant à l’une ou l’autre des institutions est consécutive à ce choix
d’experts médecins, et par là-même semble secondaire.
L’attraction de l’Ecole de médecine comme lieu d’examen cadavérique est, en fait,
très restreinte. Tout d’abord, dans la continuité des réflexions qui précèdent, la plupart des
praticiens qui se penchent, à la demande d’un magistrat, sur un cadavre dans
l’amphithéâtre de l’Ecole ou dans la salle de dissection de l’hôpital, appartiennent à l’un ou
l’autre des établissements. Sur les 22 examens post mortem pratiqués dans ces locaux,
seuls 3 ont été réalisés par des médecins extérieurs aux établissements (tableau 51, cf.
annexe 23). Ensuite, le rayon d’action de l’Ecole, ou plus exactement son champ
d’attraction, se limite à l’arrondissement de Poitiers, et intéresse en priorité cette même
ville, puisqu’elle y est installée. Sur l’ensemble des autopsies judiciaires réalisées dans ses
bâtiments, 13 résultent d’un décès qui s’est produit sur le territoire de la commune de
Poitiers. Les 9 autres examens cadavériques concernent des affaires d’une autre localité
(tableau 51, cf. annexe 23). Et parmi ces derniers, 2 seulement sont extérieurs à
l’arrondissement de Poitiers et dépendent, par conséquent, d’une autre juridiction
d’instance. De la même manière, les sollicitations en provenance des autorités judiciaires
deux-sévriennes sont rarissimes 295 .
Au total, si la présence de l’Ecole de médecine, attachée physiquement et
humainement à l’Hôtel-Dieu, explique la petite hausse de l’utilisation des lieux médicalisés
pour procéder aux autopsies médico-légales, dans la Vienne des années 1890-1915, son
influence reste géographiquement limitée. A la vieille du premier conflit mondial, le
recours aux membres du corps professoral par les magistrats des arrondissements voisins
est insignifiant. Le tribunal correctionnel de Montmorillon, seule juridiction d’instance
dont les dossiers de procédures postérieurs à 1900 sont conservés, maintient ses victimes
294
Cf. le chapitre 3 pour l’analyse des facteurs qui confèrent à un médecin le statut d’autorité médico-légale,
dans une localité ou une région donnée.
295
Au cours de l’analyse des figures d’autorités médico-légales, dans le chapitre 3, il est indiqué les
modalités et la fréquence du recours aux lumières de médecins experts extra-départementaux. De telles
consultations sont peu nombreuses et intéressent généralement des analyses chimiques. En outre, il s’avère
que si les magistrats et médecins des Deux-Sèvres sollicitent en de très rares occasions les maîtres parisiens
de la médecine légale, ils ne font pas plus souvent appel à leurs confrères poitevins.
689

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
de meurtres éloignées de l’Ecole et de ses enseignants. Il est possible de considérer une
telle résistance, volontaire ou inconsciente, de la part des magistrats de l’arrondissement de
Montmorillon, comme une tentative pour garder la maîtrise de l’instruction et, en
l’occurrence, de l’expertise médico-légale. En effet, ainsi qu’il a été souligné dans un
chapitre précédent 296 , nombre de magistrats s’attachent un ou deux médecins experts
“officieux”, qu’ils requièrent pour chaque examen post mortem. Une certaine confiance,
renforcée par l’instauration d’une routine due au renouvellement des collaborations, guide
le représentant de l’institution judiciaire dans le choix du médecin expert. L’homme de loi
a pour habitude de recourir à tel homme de l’art ; pourquoi ferait-il appel à un autre expert,
qui est peut-être le plus compétent du fait de ses fonctions au sein de l’Ecole de médecine,
mais qu’il ne connaît pas personnellement ?
La faible et lente progression des locaux médicalisés, en tant qu’espaces accueillant
les autopsies médico-légales durant le XIX e siècle, suscite une autre interrogation. Si des
moyens de circulation insuffisants et insatisfaisants, ainsi que la volonté des instances
judiciaires de maintenir un minimum de contrôle sur l’expertise, peuvent l’expliquer, des
installations hospitalières, n’apportant pas des conditions d’exercice plus conformes à la
science médico-légale et à l’hygiène qu’une simple maison particulière, ne peuvent-elles
pas être également en cause ?
296 Cf. le chapitre 3.
690

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
B) Des structures adaptées ?
Gabriel Tourdes, auteur de l’article du Dictionnaire Dechambre dédié à l’autopsie
médico-légale, consacre quelques réflexions aux préparatifs de l’examen cadavérique. Il
donne notamment, ainsi qu’il a déjà été précisé, quelques indications concernant le lieu de
l’opération. Selon lui, « dans une grande ville, l’amphithéâtre des hôpitaux où sont réunis
tous les moyens d’exploration, est le local le plus convenable » 297 . Sa remarque soulève
quelques questions. Premièrement, les établissements hospitaliers des grandes villes sont-
ils les seuls à posséder un amphithéâtre ? Et si oui, dans les hôpitaux de localités plus
réduites, sur quels autres dispositifs les opérateurs peuvent-ils se rabattre ? Ensuite, les
établissements hospitaliers constituent-ils effectivement un lieu, si ce n’est approprié et
adapté, du moins convenable à la pratique des autopsies judiciaires ?
1) De l’amphithéâtre de dissection au cabanon de jardin
Grâce aux indications trouvées dans les dossiers de procédures criminelles et
correctionnelles, complétées par les réponses des hôpitaux aux questionnaires envoyés par
la Direction de l’Assistance publique en 1888, il est possible d’appréhender les différentes
salles dont disposent quelques-uns des établissements hospitaliers poitevins (cf. annexe
41). Seul un petit nombre d’hôpitaux possèdent un local destiné plus précisément à
l’examen cadavérique. Six établissements indiquent la présence d’une salle d’autopsie,
local ad hoc par excellence. Il s’agit de ceux de Niort, Saint-Maixent, Thouars,
Châtellerault, Loudun et Lusignan. Les premières mentions d’examens post mortem
judiciaires effectués dans ces salles n’apparaissent que dans les années 1860, en
l’occurrence à Loudun et Lusignan. A la lecture des dossiers d’instruction antérieurs à cette
époque, il semble que les autopsies sont jusqu’alors pratiquées dans les salles des malades.
De même pour l’hôpital de Châtellerault jusqu’aux années 1870, ainsi que pour ceux de
Thouars et Saint-Maixent jusqu’aux années 1880.
Quant à l’établissement de Niort, il fait figure d’exception. En effet, il fait partie
des établissements qui détiennent un amphithéâtre, c’est-à-dire une pièce servant à la
démonstration et à l’exposition de cas pathologiques intéressant, destinés à la formation
des jeunes praticiens et des étudiants. L’emploi de ce lieu est fréquent pour les affaires
criminelles se déroulant dans les environs de la préfecture deux-sévrienne, et remonte aux
297 Gabriel Tourdes, « Autopsie… », art. cit., p. 425.
691

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
années 1840. D’autres établissements en font usage : celui de Châtellerault au milieu des
années 1880, et surtout ceux de Poitiers à partir des années 1850. Les dossiers de
procédures criminelles et correctionnelles de la Vienne mentionnent tantôt l’amphithéâtre
de l’Ecole de médecine, tantôt celui de l’Hôtel-Dieu. Or, il s’agit en réalité d’un seul et
même bâtiment. En 1847, un terrain voisin de l’Hôtel-Dieu est acheté par les professeurs
de l’Ecole de médecine pour y édifier un amphithéâtre de dissection 298 . Les deux
institutions deviennent indissociables et se confondent dans les esprits. Au point que dans
un même dossier, les deux désignations sont utilisées d’un document à l’autre. Lors d’une
affaire d’infanticide, en février 1861, à l’issue des premières constatations sur place, le
juge d’instruction fait transporter le corps « à l’amphithéâtre de l’Ecole de médecine » 299 .
Or, en préambule de leur rapport d’autopsie, les Drs Paulin Pingault et Romuald Brossard,
tous deux professeurs dans cette même Ecole, relatent que le cadavre a été transporté à
« l’amphithéâtre de l’Hôtel-Dieu de Poitiers » 300 , où ils procèdent à l’expertise.
Avant la construction de l’amphithéâtre, l’Ecole de médecine et l’Hôtel-Dieu
disposent de simples salles de dissection qui, bien qu’ils n’en soient pas fait mention dans
les dossiers consultés, pourraient accueillir des autopsies judiciaires. L’année suivant sa
création, soit en 1807, un local est attribué à l’Ecole de médecine pour servir aux activités
anatomiques, avec l’aval de la municipalité. Il s’agit d’une maison située dans le jardin
botanique 301 . Il semble qu’ensuite les exercices d’anatomie aient eu lieu dans la salle de
dissection de l’Hôtel-Dieu, du moins jusqu’à l’édification de l’amphithéâtre. Dans
l’historique de l’Ecole de médecine, dressé par le Dr Veluet pour l’ouvrage collectif
consacré à l’Université de Poitiers, il est précisé que lors de sa transformation en Ecole
préparatoire de médecine, en 1841, l’Ecole se compose d’un jardin botanique et de la salle
de dissection de l’Hôtel-Dieu 302 . Parmi les autres établissements hospitaliers, seul celui de
Niort possède une salle de dissection. Mais il convient de rappeler que la pratique des
dissections est, si ce n’est officiellement prohibée, du moins écartée des hôpitaux 303 . Il est
donc probable que, même si certains actes d’anatomie y sont effectués, peu
d’établissements disposent d’un lieu nommé “salle de dissection”.
298
P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université…, op. cit., pp. 344-345.
299
A.D.V., 2U 1647, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
transport de justice, le 18 février 1861.
300
Ibid., Rapport des médecins, autopsie, le 18 février 1861.
301
Roger Saboly, Les hôpitaux…, op. cit., f° 56.
302
P. Boissonnade (sous la dir. de), Histoire de l’Université…, op. cit., p. 344.
303 Cf. le chapitre 5.
692

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
La dénomination employée dans les divers documents consultés peut d’ailleurs être
trompeuse. Outre la confusion entre l’Ecole de médecine et l’Hôtel-Dieu, il est fort
probable que des magistrats, voire des médecins, aient employé “salle d’autopsie” pour ce
qui n’était qu’une pièce réservée au dépôt des défunts, ou un banal local isolé des salles
des malades. La plupart des hôpitaux disposent d’un lieu réservé au dépôt des cadavres,
désigné sous diverses appellations : salle des morts, chambre ou dépôt mortuaire. Parmi les
questionnaires de l’Assistance publique consultés, trois établissements mentionnent
l’absence d’un dépôt mortuaire : Melle, La Mothe-Saint-Héray et Saint-Pardoux (cf.
annexe 41). Quant aux établissements pour lesquels aucune indication n’apparaît dans les
archives consultées, il est permis de penser qu’ils en disposent également, notamment dans
les chefs-lieux d’arrondissement comme Châtellerault, Civray et bien sûr Poitiers.
Quelques dossiers criminels précisent que l’examen s’est déroulé dans un cabanon situé
dans la cour ou le jardin de l’hôpital (cf. annexe 41). Or, en reprenant les réponses aux
questionnaires de la Direction de l’Assistance publique, il apparaît que dans les
établissements hospitaliers d’Argenton-Château, de Faye-l’Abbesse et d’Oiron, le dépôt
mortuaire est précisément un local placé en dehors du bâtiment principal servant aux soins
(cf. annexe 40).
En outre, si les salles mortuaires et autres cabanons indépendants ont accueilli des
recherches cadavériques, leur vocation à abriter des autopsies médico-légales est en
revanche discutable. Le 9 juillet 1868, les Drs Jaurand et Ganne se rendent dans le cabinet
du juge d’instruction de Parthenay, qui les a requis pour effectuer l’autopsie d’un nouveau-
né 304 . Une boîte en bois blanc, contenant le petit cadavre, leur est remise. Ils la portent
alors « sous un hangar situé dans un des jardins de l’hôpital » 305 . En conséquence, les
locaux disposés dans le jardin ou la cour de l’hôpital peuvent s’apparenter aux divers lieux
insolites généralement utilisés pour réaliser les autopsies médico-légales. Dans son étude
consacrée aux hôpitaux de Poitiers, Roger Saboly décrit les diverses salles qui composent
l’Hôtel-Dieu et indique la présence d’une « salle des morts » 306 . Cette citation n’est pas
anecdotique, elle s’accompagne d’un commentaire : l’inspecteur général qui contrôle les
bâtiments de l’Hôtel-Dieu, en 1859, signale le « mauvais état de la “salle des morts” » 307 .
304
A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et complicité »,
Rapport de médecin, le 9 juillet 1868.
305
Ibid.
306
Roger Saboly, Les hôpitaux…, op. cit., f° 231.
307 Ibid.
693

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
L’établissement poitevin ne semble offrir que de médiocres conditions de conservation
pour les défunts, et de travail pour les praticiens des examens post mortem.
2) Critères hospitaliers et critères “autoptiques”
Les dépôts mortuaires des hôpitaux ne constituent pas la préoccupation première
des administrations, au point que leur entretien, leur mise en conformité vis-à-vis des
exigences hygiéniques dont les établissements sont régulièrement l’objet, ou encore leur
prise en compte des requêtes morales et émotionnelles, sont longtemps omis. La vétusté de
ces salles est largement décriée 308 , et cela à plusieurs reprises durant le XIX e siècle. Pour
mettre en exergue les améliorations apportées au dépôt mortuaire de l’Hôtel-Dieu de Paris,
Bouchardat rappelle, en 1837, les conditions dans lesquelles étaient entreposées les
dépouilles auparavant : outre la proximité d’une salle de malades, par laquelle les corps des
défunts devaient d’ailleurs passer, la cave qui faisait office de chambre mortuaire ne
disposait que de « quelques mauvaises tables en pierre » en nombre trop limité, ce qui
entraînait le dépôt des autres corps directement sur le sol 309 . Selon l’auteur, le nouveau
local répond totalement aux exigences sanitaires et offre toute la décence requise. La
nouvelle salle des morts de l’Hôtel-Dieu de Paris est une « longue et large pièce tenue avec
la plus grande propreté, dallée en pavés de liais » 310 . De plus, la proximité de la Seine et la
disposition de plusieurs robinets permettent de maintenir la salle à une température peu
élevée. La présence d’une alimentation en eau courante, dans le dépôt mortuaire, facilite
également l’évacuation des éventuelles liquides putrides épanchés et présente un intérêt
certain pour l’homme de l’art qui souhaite y effectuer un examen cadavérique. Cependant,
de telles installations font défaut dans nombre d’établissements. Malgré les demandes
renouvelées et insistantes du corps médical, à la fin des années 1830, les hôpitaux de
Poitiers ne possèdent pas, encore au milieu des années 1850, d’une alimentation en eau
courante 311 . L’eau est fournie par des puits et par des canaux qui acheminent celle des
rivières avoisinantes jusqu’aux hôpitaux 312 .
Bouchardat signale que la salle d’autopsies de l’Hôtel-Dieu de Paris est également
équipée d’un système de robinetterie. Pour cette pièce en particulier, le dispositif est un
308 Anne Carol, Les médecins…, op. cit., pp. 242-243.
309 A. Bouchardat, « Mémoire sur l’hygiène et la statistique des hôpitaux de Paris », Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1837, t. 18, p. 328.
310 Ibid.
311 Roger Saboly, Les hôpitaux…, op. cit., f° 237.
312 Ibid.
694

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
gage de salubrité, mais répond également à un besoin de l’exercice “autoptique” qui
nécessite de nombreux lavages et parfois des expériences hydrostatiques. Concernant les
hôpitaux poitevins, les trois établissements qui indiquent disposer d’une pièce dévolue aux
autopsies, affirment la salubrité de celle-ci (cf. annexe 40). Si d’une part, l’assertion peut
être mise en doute, car il est peu probable qu’une administration aurait mis en lumière ses
manquements aux règles de l’hygiène, d’autre part, cette réponse n’apporte aucune
information relative aux procédés qui assurent l’entretien et l’assainissement de la salle
d’autopsie. Le rapport rédigé par une commission chargée de réfléchir à la construction des
hôpitaux, publié au début des années 1880, laisse entrevoir que les dispositifs employés
dans la majorité des hôpitaux français, jusqu’à cette époque et probablement après, sont
loin de correspondre aux critères sanitaires et scientifiques. Ces derniers sont semblables
aux recommandations indiquées précédemment, lors de la description du lieu d’examen
cadavérique idéal. La salle d’autopsie doit disposer d’un
« système d’irrigation commode placé au-dessus de la table, et [d’un] écoulement facile
pour les eaux à l’aide d’un tuyau à inflexion siphoïde[, ainsi que d’une] « vasque de pierre
avec son robinet, pour laver à grande eau les pièces anatomiques, et d’un lavabo pour les
médecins » 313 .
Il est inutile d’indiquer de nouveau l’importance que recèle la table sur laquelle est
pratiqué l’examen cadavérique. Là encore, les hôpitaux ne semblent pas disposer de
supports satisfaisants pour accueillir les défunts et, éventuellement, les pratiques
cadavériques. Bouchardat signale des tables en pierre, en nombre insuffisant, pour l’ancien
dépôt mortuaire de l’Hôtel-Dieu de Paris 314 . Elles sont remplacées par des tables mobiles,
doublées d’étain, et sont au nombre de vingt 315 . La salle d’autopsie est, elle, pourvue de
trois tables de dissection recouvertes de plaques de cuivre 316 . Le rapport présenté par
Rochard ne donne pas d’indication sur les tables de la salle des morts, mais stipule de
disposer deux tables de dissection dans la salle d’autopsie 317 . La forme de la table
d’examen, le matériau qui la compose, les systèmes d’évacuation qui y sont aménagés
préoccupent les utilisateurs de ce matériel. Mais ce qui importe surtout aux yeux des
hommes de l’art, c’est de pouvoir déposer chaque dépouille sur une table, et ainsi éviter de
laisser des corps à terre ou de faire cohabiter plusieurs défunts sur une même table.
313 J. Rochard, « Rapport sur la construction des hôpitaux », Société de médecine publique, Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1883, 3 ème série, t. 9, p. 438.
314 A. Bouchardat, « Mémoire sur l’hygiène… », art. cit., p. 328.
315 Ibid.
316 Ibid.
317 J. Rochard, « Rapport… », art. cit., p. 438.
695

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
Au XIX e siècle, le processus d’individualisation s’applique à de nombreux lieux et
concerne vivants comme défunts. Le lit privé ou hospitalier, la tombe, la table d’exposition
à la Morgue, ne sont plus collectifs 318 . Les corps ne sont plus entassés les uns sur les
autres ; chacun a droit à un espace délimité. La mise en place de ces territoires
individualisés et personnels répond notamment à des exigences d’identification.
L’installation des dépouilles sur des dalles, placées côte à côte, rend la reconnaissance plus
aisée, en comparaison de l’amas de corps enchevêtrés qu’offrait la basse-geôle, l’ancienne
Morgue de Paris 319 . De même pour les fosses des cimetières : l’inhumation parallèle
remplace l’inhumation superposée. Avec l’instauration du décret du 23 prairial an XII (12
juin 1804), même les pauvres qui n’ont droit qu’à la fosse commune sont inhumés les uns à
côté des autres dans la tranchée 320 .
Ce principe est également mis en pratique dans les hôpitaux. La description de
Bouchardat, relative à la salle des morts de l’Hôtel-Dieu de Paris, précise que sur la
vingtaine de tables, « longues de six pieds sur vingt pouces », les cadavres sont déposés
séparément 321 . En outre, la numérotation des lits, et l’attribution de ce même numéro au
malade qui l’occupe, facilite l’identification et tente d’obvier à toute confusion. La pratique
doit perdurer au-delà du trépas et pénétrer la salle d’autopsie. Emile Goubert en fait la
recommandation dans son Manuel de l’art des autopsies : « une table ne sera occupée que
par un seul sujet ; le nom de la salle, ainsi que le numéro du lit qui avait reçu le malade, se
trouvent, en regard, écrits à la craie sur un tableau noir, ou bien ils ont été marqués sur le
bras » 322 . Pourtant, certains événements malencontreux laissent entrevoir une tout autre
réalité. Les explications apportées par Gilles de la Tourette, pour justifier le déroulement
d’une autopsie qu’il a fait réaliser à l’hôpital Saint-Antoine, et qui pourrait être appelé “Le
scandale du cerveau dérobé”, en offrent un exemple. L’affaire, dont les détails ont déjà
donné lieu à des développements 323 , indique les quelques dysfonctionnements des salles
d’autopsie et les difficultés matérielles que les médecins ou leurs assistants rencontrent
dans l’exercice cadavérique. Elle met plus précisément en lumière l’impossible
individualisation des corps autopsiés :
« Le jour où l’autopsie fut pratiquée, plusieurs cadavres étaient examinés sur la même
table d’autopsie ; on sait qu’à Saint-Antoine il n’existe que trois tables pour tous les
318
Cf. l’étude que Bruno Bertherat consacre au « désentassement » de la Morgue de Paris : Bruno Bertherat,
La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 332-335.
319
Ibid., vol. 1, f° 164.
320
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2, op. cit., p. 226.
321
A. Bouchardat, « Mémoire sur l’hygiène… », art. cit., p. 328.
322
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 6.
323
Cf. l’étude des conséquences liées à la publicité des expertises médico-légales dans le chapitre 4.
696

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
services. Des viscères ont pu ainsi être confondus et attribués à des corps auxquels ils
n’appartenaient pas » 324 .
Georges Morache résume en une formule lapidaire ce qui vient d’être expliqué, au
sujet des dépôts mortuaires des hôpitaux : « Quelques mal aménagés que soient ces locaux
dans les hospices des villes moyennes, leur utilisation est encore le cas le plus heureux
pour l’expert médical […] » 325 . Pourtant, ils demeurent peu employés par les médecins
experts, durant le XIX e siècle, et la pertinence de l’exercice d’une activité cadavérique
médico-légale dans les établissements hospitaliers suscite encore des argumentaires durant
le siècle suivant 326 .
3) La morgue : parangon du lieu d’autopsie ?
La Morgue de Paris fait figure d’exemple et de lieu d’expérimentation pour les
dispositifs devant améliorer les lieux des activités post mortem médico-judiciaires. Bien
qu’il s’agisse du principal bâtiment dévolu à la réception et à l’examen cadavériques, ses
structures sont parfois loin de satisfaire les critères matériels nécessaires à la réalisation
d’une autopsie dans les meilleures conditions. La salle d’autopsie de la Morgue n’est pas
considérée comme le parangon du lieu d’examen cadavérique. Durant une grande partie du
XIX e siècle, jusqu’à la mise en place des aménagements demandés par Paul Brouardel, les
installations qui assurent la ventilation et l’éclairage de la pièce restent peu satisfaisantes.
Les déclinaisons provinciales de la Morgue de Paris souffrent également de
quelques inadaptations. Alors que le bâtiment parisien est installé sur les quais, son
équivalent lyonnais est directement installé sur l’eau (illustration 190, cf. annexe 55). La
morgue de Lyon est en réalité un bateau amarré sur le Rhône, soumis aux inondations et
aux dégâts que le fleuve en crue lui fait régulièrement subir 327 . De plus, la salle d’autopsie
324 « Le secret des expertises », Société de médecine légale (séance du 11 février 1901), Revue des journaux
et sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1901, t. 16, p. 316.
325 Georges Morache, « L’expertise… », art. cit., p. 334.
326 Cf. par exemple les réflexions de Pierre Michaux, « La médecine légale, auxiliaire indispensable de la
justice pénale », Bulletin de médecine légale et de toxicologie médicale, Lyon, janvier 1964, n°1, pp. 5-11,
ainsi que celles de Kastner, sur l’intérêt de faire héberger l’Institut Médico-Légal de Lyon par un
établissement hospitalier, « Le centre médico-légal régional », Bulletin de médecine légale et de toxicologie
médicale, Lyon, mai-juin 1968, n°3, p. 139.
327 Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement. Naissance et développement d’une science sociale
en France à la fin du XIX e siècle. Autour des Archives d’anthropologie criminelle d’Alexandre Lacassagne,
doctorat en histoire contemporaine, sous la dir. de Michelle Perrot, Université Paris VII, 1988, p. 161.
697

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
est trop petite et ne peut accueillir qu’un nombre réduit d’étudiants 328 . Nommé à la chaire
de médecine légale, Alexandre Lacassagne fait part des inconvénients et des insuffisances
du « bateau-morgue » 329 . Il rédige, dès 1881, un mémoire dans lequel il démontre la
nécessité d’établir une nouvelle morgue à Lyon 330 . Ses doléances ne sont pas entendues,
malgré des propositions renouvelées, avant la première décennie du XX e siècle 331 . Seule la
destruction complète du bateau-morgue, lors d’une montée nocturne des eaux du Rhône, a
permis l’installation de l’Institut médico-légal sur la terre ferme, à côté de la Faculté de
médecine. Celui-ci dispose de tous les aménagements réclamés par Lacassagne deux
décennies plus tôt 332 . Dans son étude de la médecine légale en Seine-Inférieure, Marina
Daniel met également en exergue les imperfections de la morgue de Rouen :
« En 1857, le Docteur Desbois et son confrère le Docteur Pouchet, responsables du service
de secours aux noyés et aux asphyxiés, réclamèrent diverses modifications, comme
l’aération des salles, l’installation d’un lit en pierre pour la pratique de l’autopsie et la
construction d’un caniveau pour conduire les eaux sanguinolentes à la rivière » 333 .
* *
*
Il ressort donc que, même si les lieux d’examens “sauvages”, tels la chambre du
défunt, une grange ou le local de la municipalité, confrontent le médecin expert à des
contraintes immédiates en termes de luminosité et d’aération, les inconvénients inhérents à
ces lieux insolites et inappropriés s’avèrent moins gênants que ceux rencontrés dans les
salles ad hoc. En effet, la répétition des examens cadavériques dans ces dernières amplifie
les désagréments, car ils s’accumulent d’une autopsie à l’autre : une mauvaise évacuation
des déchets organiques, la stagnation des miasmes putrides de la première opération, sont
aggravées par la seconde, puis par toutes les suivantes. A l’inverse, l’unique autopsie
réalisée dans une maison particulière constitue un problème sanitaire rapidement éliminé, à
l’issue de l’examen.
328
Etienne Martin, « L’Institut de médecine… », art. cit., p. 14.
329
Ibid.
330
Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement…, op. cit., p. 161.
331
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 229-230.
332
Etienne Martin, « L’Institut de médecine… », art. cit., p. 14.
333 e
Marina Daniel, « Les médecins et la pratique de l’expertise en Seine-Inférieure au XIX siècle » in Claire
Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du Moyen Age au XX e siècle,
actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la justice et les populations, du Moyen
Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec, s. l., Les Presses de
l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, p. 753.
698

- Chapitre 6. Théâtres de l’autopsie judiciaire-
En outre, les morgues et autres dépôts mortuaires, notamment ceux installés dans
les hôpitaux, s’ils répondent à peu près convenablement aux exigences de la réception et de
l’exposition des défunts, ne sont généralement pas adaptés à la pratique de l’autopsie.
Ainsi que le fait remarquer Georges Morache, l’expert médical « n’y trouvera aucun
matériel, pas d’instruments surtout, ou de vieux couteaux et une mauvaise scie ébréchée,
rien qui soit en concordance avec la précision d’une autopsie judiciaire » 334 . Or, si un
médecin peut parvenir à s’adapter à l’environnement dans lequel il effectue l’expertise, et
même improviser un support, il lui est beaucoup plus difficile d’autopsier sans les
instruments adéquats.
334 Georges Morache, « L’expertise… », art. cit., p. 334.
699

Chapitre 7
LA “BOITE A OUTILS” DU MEDECIN EXPERT
Le premier instrument de l’homme de l’art est son doigt, ou par extension sa main 1 .
Elle est à l’origine de chaque observation superficielle ou profonde du corps. Grâce à elle,
le médecin parvient à atteindre et à connaître les parties corporelles dissimulées. La main
palpe, sous-pèse, dessine les contours et la disposition des organes parfois inaccessibles à
la vue. Cependant, dans son exploration, la main de l’opérateur rencontre des obstacles que
seuls des instruments sont susceptibles de lui faire franchir : l’épiderme, les muscles, les
os, les membranes, c’est-à-dire les divers éléments qui entourent et protègent les viscères.
En raison de la nature singulière de ces diverses protections, de leur forme, de leur
disposition vis-à-vis des autres organes, les « agents mécaniques » qui permettent de les
retirer sont multiples 2 . A chaque acte de chirurgie correspond un instrument idoine,
généralement mis au point pour cette manœuvre opératoire et pour elle seule.
Contrairement à la vision chirurgicale qui se focalise directement sur la partie à
réséquer, à inciser, à amputer ou à suturer, et exclut presque les autres régions corporelles,
l’examen cadavérique judiciaire requiert une exploration quasi complète de la dépouille.
La procédure nécessite de s’intéresser d’abord à l’ensemble, puis au détail. Il est donc
indispensable que l’homme de l’art dispose d’objets qui lui permettent d’effectuer toutes
ses observations. De quels instruments se compose la panoplie du médecin expert ? En
raison du caractère corporellement exhaustif de l’autopsie, le matériel nécessaire à sa
pratique connaît-il une croissance exponentielle et constante ou, a contrario, le nombre et
le type d’instruments sont-ils volontairement limités ? De même, des instruments dont
l’action est spécialisée, sont-ils si ce n’est inventé, du moins adapté à la procédure de
l’autopsie médico-légale ? Quant aux accessoires ordinaires du médecin expert, sont-ils
renouvelés, améliorés voire abandonnés au profit des précédents ?
Afin d’appréhender le contenu de la trousse du praticien de l’examen cadavérique,
il convient, en premier lieu, de décrire les diverses grandes familles d’instruments qui
doivent, à en croire la littérature médico-légale, orchestrer la marche de l’autopsie. Puis,
une analyse historico-technique permet d’aborder les améliorations apportées aux
1 « Instrument », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.
l. [Paris], Panckoucke, 1824, t. 10, p. 117.
2 Ibid., p. 116.
701

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
principaux instruments, tant en termes de formes que de matériaux, ainsi que les inventions
mises au point et les accessoires devenus obsolètes. Enfin, ayant pris connaissance des
rôles, des agissements et des évolutions éventuelles de chacun, il est nécessaire d’étudier
plus précisément les instruments utilisés par les médecins experts poitevins.
I) LA PANOPLIE DU PARFAIT MEDECIN EXPERT
A l’image de l’artisan ou de l’artiste, le médecin expert doit se munir d’un certain
nombre “d’outils” pour effectuer correctement la mission qui lui est confiée. D’aucuns,
soucieux de fournir les renseignements les plus précis en la matière, ont effectué un
recensement quasi exhaustif des instruments essentiels à l’examen cadavérique. Si à travers
ces multiples catalogues établis par différents auteurs, tout au long de la période, il est
possible de dégager des catégories d’instruments pérennes, quelques variations matérielles
sont également détectables.
Les ethnologues qui se sont intéressés aux outils et à leur utilisation, ont établi des
classifications fondées sur les différents mouvements nécessaires à leur action et, par
conséquent, au contact qui se produit entre l’instrument et l’objet qu’il rencontre. André
Leroi-Gourhan distingue trois types de contact, auxquels correspond pour chacun un
mouvement spécifique : lorsque le mouvement a lieu avant le contact, il y a
« percussion » ; à l’inverse, quand le contact précède le mouvement, et se poursuit à
travers l’objet, il s’agit d’une « percussion posée » ou « pression » ; enfin, si comme
précédemment, le contact se produit avant le mouvement, mais que le point de contact se
déplace sur l’objet, c’est une « percussion frottée » ou « frottement » 3 . En outre, chaque
contact se subdivise en fonction de la surface qu’il occupe sur l’objet. Les zones de contact
sont également au nombre de trois : un point, une ligne et une surface diffuse 4 . Ainsi, le
couteau et le ciseau sont mus par une pression linéaire, l’aiguille par une pression
punctiforme, le marteau par une percussion diffuse, la scie par un frottement punctiforme 5 .
Bien qu’instructive pour analyser les instruments employés lors de l’autopsie
judiciaire, la classification ci-dessus n’est pas pertinente pour la présente étude. Elle
3 André-G. Haudricourt, « La technologie culturelle. Essai de méthodologie » in Jean Poirier (sous la dir. de),
Ethnologie générale, Paris, Gallimard, Encyclopédie de la Pléiade, 1968, p. 757.
Bernard Koechlin, « Réalité gestuelle des sociétés humaines » in Jean Poirier (sous la dir. de), Histoire des
mœurs, t. 2 : Modes et modèles, Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1991, p. 228.
4 André-G. Haudricourt, « La technologie culturelle… », art. cit., pp. 757-758.
5 Cf. le petit tableau récapitulatif qui croise le mouvement et la zone de contact, dans ibid., p. 758.
702

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
rassemble, dans un même groupe, des outils somme toute très différents, dont l’action et
l’utilisation au cours de l’examen sont très éloignées. L’emploi du couteau n’a aucun point
commun avec celui du ciseau. En conséquence, une répartition des instruments en fonction
de leur mode d’action sur les tissus, du rôle qu’ils remplissent ou de l’objet qu’ils
intéressent, a semblé plus appropriée.
A) Instruments pour inciser et sectionner
Lorsque les auteurs consacrent quelques lignes de leurs réflexions à faire
l’inventaire des instruments nécessaires à l’exécution d’une autopsie judiciaire, le matériel
généralement indiqué en premier est celui qui sert aux incisions et aux sections, c’est-à-
dire la famille des couteaux et celle des ciseaux. Ces instruments servent à « diviser les
parties molles » du corps, en l’occurrence les téguments, les muscles, les tendons et les
cartilages 6 . Employés tant dans la mise à nu des organes, que dans leur extraction et leur
exploration détaillée, ce sont des objets indispensables à l’examen cadavérique.
1) Couteaux, bistouris et scalpels
La catégorie des couteaux est certainement celle qui compte le plus de modèles
disponibles, en termes de formes et de dimensions. Sont regroupés sous cette appellation,
les instruments composés d’une lame aiguisée montée sur un manche. Il s’agit souvent de
la famille d’instruments pour laquelle les auteurs indiquent le plus grand nombre de
spécimens, d’une part en raison des modèles différents qu’ils conseillent, et d’autre part du
fait que certains d’entre eux sont indiqués au pluriel, ce qui suggère que l’homme de l’art
doit disposer de plusieurs exemplaires du même instrument (cf. annexe 42). Les couteaux
peuvent être divisés en trois sous-catégories : le couteau proprement dit, le bistouri et le
scalpel. Les facteurs qui permettent de les distinguer sont parfois emprunts d’une certaine
subtilité qui peut échapper aux praticiens. Le couteau est considéré comme un bistouri de
grande dimension (illustration 43) : « instrument tranchant dont on se sert en chirurgie
pour diviser les parties molles, et qui ne diffère du bistouri que parce qu’il est
ordinairement plus grand […] » 7 . Dans une réciprocité complète, le bistouri est décrit
comme étant un couteau de taille réduite (illustration 44) : « instrument tranchant le plus
communément employé en chirurgie ; sorte de petit couteau composé d’une lame et d’un
6
« Couteau », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1822, t. 5, p. 170.
7
Jules Cloquet, « Couteau », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris,
Béchet Jeune, 1823, t. 6, p. 155.
703

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
manche » 8 . La question qui se pose est alors de savoir où s’arrête le bistouri et où
commence le couteau. Polaillon, auteur de l’article « Bistouri » dans le Dictionnaire
Dechambre, apporte la solution :
« on appelle bistouri une sorte de petit couteau dont la lame, de dimensions très-variables,
peut atteindre jusqu’à 8 ou 9 centimètres de longueur. Lorsque la lame dépasse cette
longueur maximum, l’instrument perd son nom de bistouri pour prendre celui de couteau à
amputation » 9 .
Source : Dictionnaire des sciences médicales, Source : Dictionnaire des sciences médicales,
1813, t. 7, pl. I. 1812, t. 3, p. 151.
Illustration 43 : Couteaux de grande dimension Illustration 44 : Bistouris (années 1810).
(années 1810).
8
Delpech, « Bistouri », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, p. 146.
9
Polaillon, « Bistouri », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1868, 1 ère série, t. 9, p. 543.
704

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Quant au scalpel, il se définit par les circonstances de son usage. Poursuivant la
description des divers modèles de bistouris, Polaillon signale, de manière très lapidaire,
que « quand il sert aux dissections anatomiques, il prend ordinairement le nom de
scalpel » 10 . En d’autres termes, le bistouri opère les vivants alors que le scalpel dissèque
les morts. Tout examen post mortem doit donc s’effectuer à l’aide du scalpel. Pourtant,
certains théoriciens de la médecine légale estiment qu’il n’existe aucune différence entre
les deux termes, au point de les employer l’un pour l’autre. D’aucuns n’indiquent-ils pas, à
l’instar de Devergie en 1837, de se munir de bistouris droits et de bistouris convexes pour
pratiquer une autopsie médico-légale 11 ? Or, il s’avère qu’en raison de la nature du sujet
sur lequel il est porté, le scalpel présente des singularités qui le distinguent clairement du
bistouri.
D’abord la mobilité de la lame, ou plus exactement sa non-mobilité. Ce signe
distinctif est fréquemment mis en avant par les lexicographes médicaux
des années 1810-1830. L’auteur de l’article « Bistouri » du Dictionnaire
abrégé des sciences médicales rappelle qu’il ne faut pas confondre le
bistouri, « composé d’une lame et d’un manche mobiles », avec des
instruments « ayant la lame immobile sur le manche », parmi lesquels se
trouve le scalpel 12 . La lame du premier se replie dans le manche : « Le
mode d’assemblage des deux pièces du bistouri, est communément un
clou rond à tête ou à rosette, qui permet à la lame de ployer sur la
châsse, et de se cacher entre les jumelles de cette dernière […] » 13
(illustration 44). Le scalpel dispose, lui, d’une lame fixe (illustration 45).
Quelques décennies plus tard, la pratique et l’expérience aidant, les
modèles de bistouris et de scalpels ne se distinguent plus par le facteur
de la mobilité de la lame. En effet, l’article « Bistouri » du Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales mentionne des modèles à lame
fixe sur un manche plein et d’autres à lame escamotable dans le
Source : Jean-Marc
Bourgery, Traité complet de
l’anatomie, 1837, t. 6, pl. 55.
Illustration 45 : Scalpel
(années 1830).
10
Ibid., p. 544.
11
Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, p. 104.
12
« Bistouri », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 3, p. 5.
13 Delpech, « Bistouri », art. cit., p. 146.
705

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
manche 14 . De plus, dans un souci de gain de place et d’économie, des bistouris 15 et des
scalpels démontables 16 ont été mis au point (illustration 46). Néanmoins, aucun spécimen
de scalpel à lame flexible n’a été signalé dans la littérature ad hoc ou présenté dans les
catalogues d’instruments médicaux. Cette incapacité du scalpel réside dans la forme de son
manche, seule véritable singularité de cet instrument qui le distingue ostensiblement du
bistouri.
Source : Henry Galante, Catalogue illustré …,
Paris, p. 25.
Illustration 46 : Bistouri démontable de
Galante (années 1880).
706
Les bistouris fabriqués au
cours du XIX e siècle ont un manche
droit, c’est-à-dire que le côté du
tranchant et celui du dos de la lame
sont rectilignes. L’extrémité du
manche existe sous deux formes. Il
peut se terminer par une sorte de
protubérance, plus ou moins
prononcée, permettant un bon
maintien de l’instrument (illustration
44). Le dernier doigt de l’opérateur
vient prendre appui contre la butée et
empêche ainsi le bistouri de glisser dans la main. Cette forme est encore utilisée dans la
seconde moitié du siècle, ainsi que le montre l’illustration d’un nouveau bistouri présenté
dans le Dictionnaire Dechambre (illustration 47). La consultation de catalogues
d’instruments postérieurs à 1880 17 , suggère que ce manche de bistouri est peu à peu
abandonné, au profit de l’autre forme. Cette dernière consiste en une extrémité tout
simplement arrondie. Les modèles de bistouris construits par les Anglais présentent cette
disposition dès le début du siècle (illustration 44, fig. 3). Les couteliers français se sont
peut-être inspirés de leurs homologues d’outre-Manche pour élaborer de nouveaux
exemplaires de l’instrument. Aucun élément pouvant l’affirmer n’a pu être tiré des sources
consultées. Toujours est-il que les catalogues d’instruments médicaux et chirurgicaux
14
Polaillon, « Bistouri », art. cit., p. 543.
15
Ibid., p. 544.
16
H. Chrétien, « Scalpel », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879, 3 ème série, t. 7, p. 194.
17
Henry Galante, Catalogue illustré des instruments de chirurgie, appareils de prothèse, orthopédie,
bandages, etc., Paris, 1885, 218 p.
P. Natton, Instruments et appareils de l’art médical, Paris, Grandrémy, 1900, 302 p.
Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, orthopédie, prothèse, physiologie, anthropologie, coutellerie
fine, 15 ème éd., Paris, 1907, 484 p.

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
proposent de nombreux modèles de bistouris avec un manche droit et dont l’extrémité est
arrondie (illustration 48).
Source : Dictionnaire
encyclopédique des
sciences médicales, 1868,
1 ère série, t. 9, p. 546.
Illustration 47 : Bistouri
(années 1860).
707
Il convient de préciser que quelques
bistouris pourvus de lames courbes
nécessitent des manches capables
d’accueillir cette lame singulière
(illustration 44, fig. 5 et 6).
L’extrémité du manche embrasse donc
cette courbe, mais la partie haute
recevant le talon de la lame demeure
droite. De plus, les deux côtés du
manche sont parallèles et suivent la
même ligne d’incurvation. Dans la
circonstance, il s’agit de répondre à
une exigence purement fonctionnelle.
La forme du manche est déterminée
par celle de la lame qui doit pouvoir
s’y ranger sans inconvénient. Or, dans
le cas du scalpel, les impératifs sont
tout autres. La configuration si
particulière du manche des scalpels est
dictée par l’usage que les praticiens
ont souhaité pouvoir faire de celui-ci.
Chrétien, auteur de l’entrée
« Scalpel » pour le Dictionnaire
encyclopédique des sciences
médicales, en donne la description
(illustration 45) :
« il est plat ou à peu près sur ses bords, qui correspondent aux faces latérales de la lame,
mais va diminuant d’épaisseur vers son extrémité. Ses bords s’écartent un peu en
s’éloignant du talon, puis se rapprochent plus loin, pour s’écarter de nouveau l’un de
l’autre, au niveau de son extrémité coupée carrément » 18 .
18 H. Chrétien, « Scalpel », art. cit., p. 194.
Source : Mathieu,
Fabrique
d’instruments, 15 ème
éd., Paris, 1907, p. 52.
Illustration 48 :
Bistouri de Mathieu
(année 1900).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Même si l’incurvation du manche s’atténue à la fin du XIX e siècle (illustration 49), elle
demeure notable. En outre, cette forme de manche, qui s’incurve puis s’élargit à son
extrémité tout en s’amincissant, devient indissociable de l’instrument lui-même, au point
que d’aucuns s’abstiennent de toute description et se bornent à préciser que le manche se
termine à la manière du scalpel. Ainsi, lors de la présentation d’un nouveau modèle
démontable, le catalogue de Charrière indique que la lame se fixe « très-solidement et
promptement sur un manche à deux valves, comme celles d’un bistouri, mais terminées
comme celle (sic) d’un scalpel » 19 (illustration 50). Grâce à cette extrémité plus large et
plus mince, l’homme de l’art peut diviser des tissus sans les couper, ou il peut s’en servir
pour décoller certaines membranes : par exemple, lors de l’examen du crâne, les
membranes qui entourent le cerveau sont séparées de la calotte crânienne à laquelle elles
adhèrent, au lieu d’être incisées 20 . Une telle pratique est bien sûr inenvisageable sur un
individu vivant. Par conséquent, les bistouris ne requièrent pas d’être pourvus d’un manche
semblable.
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, p. 35.
Illustration 49 : Scalpel (années 1900).
Source : J. Charrière, Note accompagnée de planches représentant les instruments nouveaux…,
1863, pl. I.
Illustration 50 : Scalpel de Charrière (années 1860).
Le scalpel ou le bistouri sont employés pour toutes les incisions, dissections et
divisions des tissus mous du corps. Néanmoins ils peuvent s’avérer trop faibles et trop
réduits pour certaines opérations. Pour cette raison, les listes d’instruments nécessaires à
19 J. Charrière, Note accompagnée de planches représentant les instruments nouveaux et particulièrement les
instruments de dissection et ceux qui, d’un usage de chaque jour, peuvent être placés dans les trousses, Paris,
1863, p. 11.
20 H. Chrétien, « Scalpel », art. cit., p. 194.
708

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
l’autopsie contiennent également quelques couteaux pour couper les tissus plus résistants.
Si les inventaires des premières décennies indiquent un « couteau droit, fort et bien
tranchant » 21 , puisé parmi les nombreux couteaux à amputation utilisés en chirurgie
(illustration 43), ceux de la fin du XIX e siècle emploient les appellations de « couteau à
cartilage », voire de « couteau à autopsie » (cf. annexe 42). Ces instruments, composés
d’un manche solide sur lequel est fixée une lame forte, le plus souvent droite et assez
longue, sont utilisés pour « couper les cartilages et même les os à l’aide d’un marteau » 22
(illustration 51). Enfin, un dernier modèle de couteau singulier peut apparaître sous la
plume des auteurs. Mahon le décrit comme un « couteau à lame aplatie » dont l’utilisation
permet d’effectuer des coupes très minces dans le cerveau 23 . En raison de son usage
singulier et exclusif, l’instrument en question est ensuite désigné sous le nom de « couteau
à cerveau » dans de nombreux écrits (cf. annexe 42). Sa forme caractéristique, une lame
droite, fine et très grande (illustration 52), le rend inadapté à toute autre utilisation.
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies…, 1867, p. 27.
Illustration 51 : Couteau à autopsie (années 1860).
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 4.
Illustration 52 : Couteau à cerveau de Mathieu (années 1900).
Le scalpel, ou le bistouri, auquel est adjoint un couteau à lame plus forte et un autre
pourvu lui d’une grande lame fine, permettent d’effectuer la quasi-totalité des incisions.
Cependant, dans certaines circonstances, les instruments de la catégorie des couteaux ne
peuvent être employés. Un autre type de matériel est alors nécessaire : les ciseaux.
21 Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1821-1823, t. 1, p. 518.
22 Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses applications à l’anatomie
pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première partie, Paris, Germer Baillière, 1867, p. 28.
23 Paul Mahon, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1807, t. 2, p. 225.
709

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
2) Deux lames valent mieux qu’une
Les ciseaux sont constitués de « deux lames tranchantes entrecroisées, mobiles sur
un axe et qui divisent les corps que l’on place entre elles » 24 . Ils mesurent généralement 5
pouces de long 25 , soit à peu près 15 cm, et se composent de trois parties : les lames,
l’entablure où se trouve le pivot qui maintient rapprocher les deux parties et permet en
même temps leur mouvement, et enfin les branches, terminées
chacune par un anneau, en vue d’actionner l’instrument
(illustration 53). Les lames sont taillées en biseau sur leurs
faces opposées ou extérieures, c’est-à-dire celles qui ne sont
pas en contact 26 . Les biseaux glissent l’un sur l’autre et
sectionnent les tissus qu’ils trouvent sur leur chemin. En outre,
pour accroître leur efficacité, il est nécessaire que les lames
soient « inclinées l’une vers l’autre depuis la base jusqu’à la
pointe » 27 : les tranchants se frottent lorsque l’instrument se
ferme et ainsi coupent plus convenablement. Cette disposition
permet de pallier l’un des principaux désagréments provoqués
par l’usure et l’utilisation fréquente de cet objet :
« la vis à l’aide de laquelle sont articulées les deux branches
de ces instruments finit toujours par se desserrer, et, pour
que l’instrument continue à couper, on est obligé de presser
les deux lames l’une contre l’autre, pour empêcher l’objet
qu’on veut couper de passer entre les lames s’il est mince,
ou l’instrument de se tordre si le corps à inciser est
volumineux » 28 .
Or, si la vis ne maintient plus les deux branches parfaitement rapportées, les lames
s’écartent et au lieu de sectionner les tissus, elles les écrasent ou les déchirent 29 .
L’extrémité mousse des lames doit également renforcer la puissance et la solidité de celles-
ci : « sans cette forme, il serait difficile que le tranchant conservât toute sa finesse et sa
solidité » 30 . Pour l’auteur de cette remarque, il ne s’agit en aucun cas de préserver viscères,
24
« Ciseaux », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, p. 329.
25
Delpech, « Ciseaux », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, p. 264.
26
Ibid., p. 263.
27
« Ciseaux », art. cit., p. 330.
28
J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 5.
29
« Ciseaux », art. cit., p. 330.
30
Delpech, « Ciseaux », art. cit., p. 266.
710
Source : Emile Goubert,
Manuel de l’art des
autopsies cadavériques,
1867, p. 9.
Illustration 53 : Paire de
ciseaux droits (années
1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
membranes, muscles et autres vaisseaux d’éventuelles lésions produites par les pointes
aiguës des ciseaux 31 . Pourtant ce facteur n’est pas négligeable et présente un certain
avantage sur les instruments à lame unique généralement pointus. Ainsi, il est possible de
guider l’instrument dans une région, de le faire passer le long d’un organe sans risquer de
léser ce dernier.
L’emploi des ciseaux pour diviser les différentes parties molles, en lieu et place de
la lame du couteau ou du scalpel, répond effectivement à deux exigences pratiques et
techniques. La réalisation d’une incision ou d’une section complète d’un tissu à l’aide
d’une lame nécessite la tension de celui-ci, ainsi qu’un point d’appui :
« Pour être soumises à l’action du bistouri, les parties molles ont besoin d’être tendues et
appuyées ; la tension et le point d’appui sont inutiles dans l’emploi des ciseaux : ces
derniers peuvent donc être employés dans des cas où l’usage du premier serait difficile et
son action inexacte, dans tous les cas d’isolement, plus ou moins complet des parties à
diviser, et où l’on ne pourra leur procurer ni tension ni point d’appui » 32 .
En outre, en agissant à la fois par au-dessus et par en-dessous de la partie à couper, les
ciseaux l’isolent des autres organes ou tissus environnants ; ils évitent tout risque de
solution de continuité fortuite et dommageable pour l’examen.
Les lames des ciseaux peuvent avoir des formes diverses et variées, en fonction de
l’opération à laquelle l’instrument est destiné. La chirurgie use notamment de
« nombreuses variétés [de ciseaux] en rapport avec la multiplicité des services qu’ils sont
appelés à rendre » 33 . En ce qui concerne la pratique des autopsies, les auteurs d’ouvrages
médico-légaux restreignent souvent la liste à deux ou trois exemplaires de formes
différentes (cf. annexe 42). La première paire de ciseaux correspond à l’objet d’usage
commun, des ciseaux ordinaires à lames droites (illustration 53). Ils peuvent notamment
servir à couper les cheveux, en vue de l’examen de la cavité crânienne, ou pour couper le
fil lors de l’apposition des sutures achevant l’examen cadavérique. Lorsque aucune
précision n’accompagne la mention de l’instrument, comme c’est le cas dans les listes de
Bricheteau, Orfila, Devergie, Tourdes, Vibert et Harris (cf. annexe 42), il est permis de
supposer qu’il s’agit de ciseaux droits. Cependant, si « la position des anneaux des ciseaux
droits et la rectitude de l’instrument deviennent gênans (sic) » 34 , les médecins doivent
31 Ibid.
32 Ibid., p. 268.
33 Ch. Sarazin, « Ciseaux », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1867, t. 7, p. 745.
34 Delpech, « Ciseaux », art. cit., p. 267.
711

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
avoir recours à des modèles courbés 35 . La courbure, disposée sur le plat (illustration 54) ou
sur le côté (illustration 55), « ne détourne guère que la pointe de la direction du reste de
l’instrument » 36 . Parmi les listes d’instruments qui mentionnent des ciseaux courbes, peu
précisent la forme de l’incurvation, à l’image de celle de Paul Mahon 37 . Quelques rares
auteurs en donnent parfois la direction. Marc Sée préconise l’utilisation d’une paire de
ciseaux courbés sur le plat 38 , tandis que Roussy et Ameuille préfèrent recommander des
petits ciseaux boutonnés courbés suivant les bords 39 .
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme, 1837, t. 6, pl. 17.
Illustration 54 : Paire de ciseaux courbés Illustration 55 : Paire de ciseaux
sur le plat (années 1830). sur le côté (années 1830).
35 Il existe également des ciseaux coudés. Contrairement aux ciseaux courbes, dont l’incurvation ne concerne
que l’extrémité des lames, les ciseaux coudés sont composés de lames droites qui forment un angle plus ou
moins important avec les branches des anneaux. L’angle peut être formé sur les faces ou sur les bords de
l’instrument. Avec les ciseaux coudés, les lames peuvent être portées entièrement et parallèlement à la région
à diviser, sans que la main de l’opérateur entrave leur action.
Leur utilisation lors d’une autopsie médico-légale n’a été suggérée par aucun auteur consulté.
Cf. ibid. et Gillette, « Ciseau et ciseaux », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1876, 1 ère série, t. 17, p. 573.
36 Delpech, « Ciseaux », art. cit., p. 267.
37 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 224.
38 Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 412.
39 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies et de recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris, Octave Doin, 1910, p. 43.
712

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Comme pour les couteaux, dont certains modèles plus grands et muni d’une lame
très solide sont capables de couper des tissus plus résistants, des paires de ciseaux
particulières peuvent être employées à la section des cartilages et de certains os. François
Chaussier mentionne, dans son inventaire des multiples instruments indispensables à la
pratique “autoptique”, une paire de ciseaux à lames courtes et fortes (cf. annexe 42). Il en
recommande l’utilisation pour la section des côtes et des os du crâne, dans les examens
post mortem d’enfants 40 . Mais, pour l’auteur de l’article « Ciseaux » du Dictionnaire
Dechambre, « lorsque l’instrument est pourvu de lames très-courtes, très-puissantes,
destinées à sectionner les parties dures, et que les branches postérieures ne sont pas
munies d’anneaux, il prend le nom de cisaille » 41 . Outre une dénomination propre, les
instruments utilisés pour la section et l’examen des tissus osseux font partie d’un groupe
distinct au sein de la panoplie du médecin expert.
B) “Tomber sur un os”
Les différents tissus mous de l’organisme, fibres musculaires, vaisseaux,
téguments, nerfs, membranes, et même cartilages, peuvent tous être divisés par incision ou
section. Un seul instrument, le scalpel ou la paire de ciseaux, est donc porté sur un très
grand nombre d’organes. A l’inverse, l’examen du tissu osseux peut requérir de multiples
genres d’instruments, qui ont chacun une action spécifique sur l’objet avec lequel ils sont
mis en contact. Le groupe des instruments employés pour les parties osseuses se divise en
quatre sous-catégories : ceux qui sectionnent, ceux qui scient, ceux qui fendent et ceux qui
raclent.
1) Cisailles et sécateurs
Les instruments qui agissent par section sur l’os ont une parenté très étroite avec les
ciseaux. Les cisailles et les sécateurs sont constitués de deux lames courtes et très fortes,
montées sur des branches solides et maintenues par un pivot ou une vis (illustration 56). Il
est parfois difficile de distinguer les deux instruments. Les descriptions et illustrations
fournies par la littérature médico-légale ne permettent pas toujours une délimitation
franche et définitive. Emile Goubert, à l’issue de la présentation des multiples instruments
qui peuvent servir à la section des côtes, résume son propos en indiquant que « ces divers
40 François Chaussier, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale,
Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, p. 29.
41 Gillette, « Ciseau et ciseaux », art. cit., p. 572.
713

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
instruments ressemblent plus ou moins à un sécateur » 42 . Dans la pratique médico-légale,
les cisailles sont peu usitées et ne font pas partie, du moins sous cette appellation, du
matériel indispensable à l’exécution d’une ouverture cadavérique, inventorié par les
auteurs (cf. annexe 42). En revanche, le sécateur est fréquemment cité : les listes de
Devergie, Tourdes, Bourneville et Bricon, Vibert, Letulle, ainsi que celle de Roussy et
Ameuille, en font la mention. En raison de l’utilisation quasi exclusive de cet instrument
pour la section de la cage thoracique, les auteurs emploient parfois le terme savant de
« costotome » pour le désigner (illustration 57) 43 . En effet, étymologiquement il signifie
“couper les côtes”. Mais hormis son nom, rien ne le distingue d’un sécateur ordinaire
utilisé par d’autres professions, notamment les jardiniers. L’ouvrage de Bourneville et
Bricon 44 , de même que les écrits de Charles Vibert 45 , ne recommandent-ils pas l’emploi
d’un « sécateur ordinaire de jardinier » à la place du costotome médical ? Si les sécateurs
ou costotomes servent uniquement à sectionner les côtes et les cartilages costaux de la
cavité thoracique, la division de ceux-ci peut aussi être réalisée grâce à l’action des dents
d’une scie.
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, 1867, pp. 31-32 et 30.
Illustration 56 : Cisailles à vis ou à pivot (années 1860). Illustration 57 : Costotome (années 1860).
42 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 33.
43 La désignation savante et de plus en plus restrictive des instruments donne lieu à une analyse particulière
dans la troisième partie de cette étude sur le matériel de l’autopsie.
44 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique des autopsies, Paris, Delahaye et
Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, p. 66.
45 Charles Vibert, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, Supplément,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1886, t. 40, p. 70.
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- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
2) Instruments à lame dentée
La famille des scies regroupe des instruments divers, dont le seul point commun
réside dans la disposition de la lame : elle est pourvue de dents. En chirurgie, cet
instrument de forme et de dimension variées sert aux amputations, aux résections ou à la
trépanation : ces opérations consistent à couper complètement l’os, à retirer une partie
osseuse nécrosée ou une excroissance, et à perforer le crâne. En matière de médecine
légale, le recours à une ou plusieurs scies est nécessaire pour l’examen du thorax, de la
boîte crânienne et de la colonne vertébrale. Les différents modèles d’objets à lame dentée
peuvent être regroupés en trois catégories : les scies en forme de couteau, les scies à arbre
et les trépans.
La scie droite en couteau, appelé également “scie à dos mobile”, est désignée ainsi
car elle présente des similitudes de conformation avec les couteaux. Il s’agit simplement
d’une lame montée sur un manche (illustration 58). L’auteur de l’article « Scie » du
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales donne une description à la fois simple
et précise de ce genre de scie : « un long couteau dont le tranchant de la lame est remplacé
par des dentelures et dont le dos est surmonté par une tige creuse en acier » 46 . La tige de
métal qui couvre une grande partie du dos du feuillet, nom par lequel est désignée la lame
d’une scie, est « destinée à donner du poids à l’instrument » 47 et à renforcer la solidité de
la lame. Mais pour faciliter la progression du feuillet, quand il atteint une certaine
profondeur dans la section de l’os, la tige est mobile et peut, par un système de charnière
visible sur l’illustration extraite du Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, être remontée à la perpendiculaire (illustration 59).
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme, 1837, t. 6, pl. 55.
Illustration 58 : Scie à dos mobile (années 1830).
46 E. Spillmann, « Scie », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 3 ème série, t. 7, p. 647.
47 Eric Rochard, « Scie », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond
Jaccoud, Paris, Baillière, 1882, t. 32, p. 594.
715

Source : Nouveau
dictionnaire de médecine et
chirurgie pratiques, 1882, t.
32, p. 594.
Illustration 59 : Scie à dos
mobile (années 1880).
- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Pour les sections des parties osseuses plus
volumineuses ou résistantes, la scie à arbre est préférable.
Elle se compose de trois éléments : le feuillet, l’arbre et le
manche (illustration 60). Le feuillet est une lame de métal
plate, longue d’environ un pied, soit une trentaine de
centimètres, et large de 13 à 14 lignes, environ 3 cm 48 . Les
deux extrémités de la lame sont fixées sur les deux branches
de l’arbre, élément qui singularise l’instrument : « L’arbre
est une tige [qui] constitue la charpente de l’instrument. Elle
est coudée à angle droit à ses deux extrémités et ces deux
parties repliées forment les branches de la scie ». Enfin,
l’une des branches porte un manche qui permet de tenir et de
mouvoir l’objet. L’arbre procure solidité et fermeté au
feuillet qui est tenu à ses deux extrémités. De plus, il permet
à l’homme de l’art de tenir l’instrument à deux mains et ainsi
d’impulser plus de force et d’assurance à son mouvement
(illustration 60).
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme, 1837, t. 6, pl. 55.
Illustration 60 : Scie à arbre (années 1830).
Outre leur puissance supérieure, les scies à arbre disposent d’un autre avantage vis-
à-vis des scies à dos : les feuillets sont démontables et, par conséquent, facilement
remplaçables. En effet, grâce à des systèmes d’attaches par encoches ou par vis, selon les
modèles, l’opérateur qui aurait brisé ou endommagé la lame est en mesure de la démonter
48 M. P., « Scie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris,
Panckoucke, 1820, t. 50, p. 158.
716

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
et de placer un autre feuillet. A condition, bien sûr, de disposer d’un exemplaire de
rechange. En revanche, les scies à dos sont constituées de lames fixes sur le manche qui,
d’après les illustrations trouvées dans les diverses sources consultées, ne sont pas
susceptibles d’être séparés. Pourtant, à la lecture des listes qui répertorient les instruments
dont un médecin doit disposer pour effectuer une autopsie, il semble que la scie à dos est
plébiscitée par nombre d’auteurs (cf. annexe 42). Il est vrai que la majorité des inventaires
ne spécifient pas le type d’instrument recommandé. D’aucuns indiquent simplement
l’emploi d’une ou plusieurs scies, comme Paul Mahon, Bricheteau François Chaussier,
Alphonse Devergie, Emile Goubert, Bourneville et Bricon, Charles Vibert, ou Thomas
Harris (cf. annexe 42). D’autres, comme Gabriel Tourdes, se contentent d’indiquer que le
premier modèle doit être une « grande scie » et le second une « scie à main » 49 . Mais dès
lors que des précisions sont apportées sur le genre de scie conseillé, il s’agit d’une scie à
dos mobile et non d’une scie à arbre. Marc Sée préconise, par exemple, de se munir d’une
grande et d’une petite scie à main, à dos mobile 50 . Le volume et l’encombrement
représentés par une scie à arbre peut-il être en cause ? Il semble surtout que la
configuration de la scie à arbre ne soit pas adaptée aux opérations d’un examen
cadavérique.
Les trépans, la troisième catégorie de scies chirurgicales, sont eux aussi peu
mentionnés dans les listes d’instruments utiles à l’autopsie. Seuls François Chaussier et
Mathieu Orfila indiquent ce modèle de lames dentées (cf. annexe 42). La disposition de la
lame constitue la singularité du trépan. Au lieu d’être droite elle est circulaire, et son action
sur l’os est semblable à celle d’un emporte-pièce : elle découpe une rondelle osseuse. La
lame, appelée couronne, a la forme d’un cylindre ou d’un cône creux et mesure environ 3
cm de haut. Le diamètre de la couronne peut varier entre 13 et 22 mm dans le premier tiers
du XIX e siècle 51 , mais ne dépasse pas 15 mm à la fin des années 1880 52 . La couronne peut
avoir deux aspects : biseautée ou lisse. Le premier modèle est décrit par Percy et Laurent
dans le Dictionnaire des sciences médicales, en 1821 : « lisse intérieurement, la couronne
est surmontée, extérieurement de petits tranchans (sic) terminés par une pointe bien
49
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 426.
50
Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », art. cit., p. 412.
51
Percy, Laurent, « Trépan », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et
al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 55, p. 536.
52
A. Poulet, « Trépan », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond
Jaccoud, Paris, Baillière, 1888, t. 36, p. 159.
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- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
acérée, un peu oblique de haut en bas et de droite à gauche » 53
(illustration 61). Le second modèle de couronne, beaucoup plus
simple, présente une lame lisse, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur,
terminée par des dents 54 (illustration 62). La couronne de trépan,
quelle que soit sa configuration, présente en son centre une « tige
pointue […] de forme pyramidale » 55 (illustration 61). Celle-ci
permet, d’une part, de maintenir l’instrument en place, d’empêcher
la couronne de dévier ou de glisser, et sert, d’autre part, de point
d’appui durant la mise en mouvement de l’instrument.
Cette dernière est réalisée grâce à la présence d’un manche
sur lequel est fixée la couronne. Le trépan anglais, ou tréphine,
possède un manche composé d’une branche verticale surmontée
par une poignée perpendiculaire (illustration 63) 56 . Le trépan
proprement dit, dispose d’un manche appelé « arbre du trépan […]
qui ressemble à un vilebrequin, espèce d’outil employé très-
fréquemment en menuiserie » 57 (illustration 64). L’arbre du trépan,
à l’instar de celui de la scie, est recourbé. A l’opposé de la
couronne se trouve la palette : cette rondelle, plate ou bombée,
permet à l’individu qui manipule le trépan de prendre appui avec le
front, le menton ou la main 58 . Entre la palette et la couronne est disposée une poignée grâce
à laquelle l’opérateur peut imprimer à la lame une rotation régulière et sans trop d’effort,
en raison de sa position excentrée 59 . L’aisance et la régularité du mouvement de la
couronne sont les facteurs qui rendent l’emploi du trépan à arbre préférable à celui de la
tréphine. En effet, saisissant l’instrument par sa seule poignée horizontale, il est impossible
au médecin de lui faire imprimer un tour complet. A mi-chemin, l’homme de l’art est
contraint d’arrêter le mouvement pour reprendre la poignée et poursuivre sa rotation. La
couronne de la tréphine ne peut agir que par à-coups. Cependant, pour une ouverture
53 Percy, Laurent, « Trépan », art. cit., p. 536.
54 « Trépan », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1826, t. 15, p. 195.
55 Percy, Laurent, « Trépan », art. cit., p. 536.
56 Murat, « Tréphine », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris, Béchet
Jeune, 1828, t. 20, p. 502.
57 Murat, « Trépan », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris, Béchet
Jeune, 1828, t. 20, p. 491.
58 A. Poulet, « Trépan », art. cit., p. 159.
59 « Trépan », art. cit., p. 197.
718
Source : Jean-
Marc Bourgery,
Traité complet de
l’anatomie de
l’homme, 1837, t.
6, pl. 53.
Illustration 61 :
Couronne de
trépan avec
tranchants
extérieurs (années
1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
cadavérique, l’argument perd de sa pertinence, d’autant que le trépan, il faut le rappeler, est
rarement indiqué dans les listes d’instruments préconisés pour les examens post mortem.
Source : Nouveau dictionnaire de
médecine et chirurgie pratiques,
1888, t. 36, p. 158.
Illustration 62 : Couronne de
trépan lisse (années 1880).
Source : Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, 1888, t. 36, p. 158.
Illustration 64 : Trépan à arbre, ancien modèle.
719
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité
complet de l’anatomie de l’homme, 1837,
pl. 53.
Illustration 63 : Trépan anglais ou
tréphine (années 1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
3) Instruments à percussion
En sus des instruments qui
sectionnent ou scient, les hommes de l’art
peuvent faire usage d’un autre genre
d’objets pour diviser et séparer les parties
osseuses. Il s’agit des différents instruments
qui percutent rapidement et fortement l’os,
et ainsi le fendent : le ciseau, la gouge et le
marteau. Là encore ces “outils” sont
empruntés à la menuiserie et au travail du
bois 60 . Le ciseau, également désigné sous le
nom de “coin” ou de “ciseau burin” par les
auteurs (cf. annexe 42), est constitué d’une
tige de métal aplatie, taillée en biseau à une
extrémité pour former le tranchant 61
(illustration 65). La gouge, appelée « ciseau
concave » 62 par quelques auteurs au début
de la période, présente « un tranchant demi-
circulaire en forme de gouttière
longitudinale » 63 (illustration 66). La lame, qu’elle soit droite ou concave, doit être solide
sans être trop épaisse, car dans le cas contraire, celle-ci se briserait ou écraserait l’os au
lieu de le fendre. La terminaison en biseau permet précisément de maintenir sa solidité tout
en lui procurant de la finesse dans son tranchant.
Le manche du ciseau ou de la gouge doit avoir une configuration qui permette une
prise en main ferme et sûre. De nombreux modèles sont taillés à pans 64 , c’est-à-dire qu’ils
sont en forme de polyèdres (illustration 67). D’autres, complètement arrondi, offre
cependant une bonne prise en main grâce à leur volume et aux stries dessinées sur le
60
Delpech, « Ciseau », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, p. 262.
61
« Ciseau », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, p. 328.
62
Jean-Marc Bourgery, Claude Bernard, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant l’anatomie
chirurgicale et la médecine opératoire, t. 6 : Anatomie chirurgicale et médecine opératoire avec traités
complémentaires de sclérotomie, ophtalmologie, ténotomie, etc. (première partie), planches par le
professeur-dessinateur-anatomiste Nicolas-Henri Jacob, Paris, L. Guérin Editeur, planche 55.
63
Gillette, « Ciseau et ciseaux », art. cit., p. 569.
64 Delpech, « Ciseau », art. cit., p. 263.
720
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité complet de
l’anatomie de l’homme, 1837, t. 6, pl. 55.
Illustration 65 : Ciseau Illustration 66 : Gouge
(années 1830). ou ciseau concave
(années 1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
manche qui empêchent la main de glisser (illustration 68). En outre, il est aussi impératif
que le manche soit résistant et assez large, afin de pouvoir sans risques le frapper avec un
marteau ou un maillet. Pour cette raison, l’extrémité du manche est généralement aplatie
(illustration 69), voire plus large, ce qui lui donne l’apparence d’une palette (illustration
67). Si dans certaines circonstances, ces instruments peuvent être maniés seuls, notamment
la gouge 65 , leur utilisation requiert le plus souvent l’emploi d’un marteau. Les inventaires
d’instruments d’autopsie le désignent sous le nom de « marteau » ou de « maillet » (cf.
annexe 42). Rien ne le distingue de l’outil employé dans nombre de métiers (illustration
70). En revanche, il ne faut pas le confondre avec le « marteau à crochet » 66 ou le
« marteau à autopsie » 67 , deuxième genre d’instrument employé pour fendre les parties
osseuses.
Source : Mathieu, Fabrique Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques,
d’instruments, 15 ème éd., 1867, p. 43.
Paris, 1907, p. 83.
Illustration 67 : Ciseau burin Illustration 68 : Illustration 69 : Illustration 70 :
ordinaire avec manche taillé Ciseau à manche Ciseau avec un Maillet
à pans (années 1900). rond strié manche à l’extrémité (années 1860).
(années 1860). aplatie (années 1860).
65 Gillette, « Ciseau et ciseaux », art. cit., p. 569.
66 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 10.
67 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1837, 3 ème éd entièrement refondue,
avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-
Firmin Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer Baillière, 1852, t. 2, p. 560.
721

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
L’instrument désigné ainsi a deux caractéristiques. En premier lieu, la forme
particulière de sa tête, « volumineuse et pesante [qui a] à une extrémité un bord mince,
aplati et arrondi » 68 (illustration 71). Ce bord aigu agit comme le tranchant biseauté du
ciseau, lorsque l’homme de l’art frappe l’objet avec ce côté du marteau. Manœuvré
convenablement, il doit produire une mince rupture, notamment dans les os plats de la
boîte crânienne sur lesquels le marteau est généralement employé. L’autre face de la tête
du marteau est plane, ce qui permet de l’utiliser comme un maillet classique pour frapper
un ciseau, une gouge ou tout autre instrument. La seconde originalité du marteau à autopsie
réside dans la présence d’un crochet au bout de son manche. Son « axe est perpendiculaire
à la tête du marteau » 69 (illustration 71). Ainsi, pour enlever la calotte crânienne fendue à
l’aide du marteau, l’homme de l’art saisit la tête de l’instrument, « le manche situé entre
l’index et le médius » 70 , et exerce un mouvement de traction horizontale avec le crochet. La
main de l’opérateur se trouve donc toujours dans une position perpendiculaire au crochet,
ce qui rend la manipulation plus aisée.
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, 1867, p. 37.
Illustration 71 : Marteau à autopsie avec crochet (années 1860).
Il existe un instrument présentant quelques ressemblances avec le marteau à crochet
et qui est cité dans les listes de Gabriel Tourdes : la hachette 71 . Comme le marteau, la
hachette est constituée d’une tête fixée sur un manche (illustration 72). L’une des faces est
triangulaire et se termine par un bord mince et aigu. A l’inverse du marteau, l’autre face de
la tête n’est pas plane, mais est formée d’un tranchant convexe et parallèle au manche,
68
« Cadavre », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 3, p. 177.
69
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 36.
70
Ibid., p. 41.
71
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, p. 412.
722

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
semblable à la lame d’une hache. Quant au manche, il ne porte pas de crochet à son
extrémité. Hormis dans les inventaires dressés par Tourdes, la hachette n’apparaît pas sous
la plume des auteurs qui s’intéressent à la pratique de l’autopsie médico-légale ou
anatomopathologique (cf. annexe 42). Il est permis de supposer qu’elle est peu employée et
que les médecins lui substituent le marteau à crochet ou le ciseau pour fendre les parties
osseuses.
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, 1867, p. 40.
Illustration 72 : Hachette anatomique de Bichat (années 1860).
4) La rugine
La division des parties les plus résistantes du corps, en l’occurrence les tissus
osseux, peut s’effectuer à l’aide d’instruments qui les sectionnent, les scient ou les fendent.
Mais avant d’user de l’un de ces instruments, il est nécessaire de préparer l’os en retirant le
périoste, la membrane qui relie l’os au muscle 72 . L’opération est effectuée avec une rugine.
Ce petit objet se divise en trois éléments : une épaisse plaque en métal dont les bords,
taillés en biseau, sont un peu tranchants ; une tige, en métal également, sur laquelle est
fixée la plaque par sa face inférieure ; enfin, un manche dans lequel est insérée la tige 73 . La
plaque à bords tranchants peut avoir diverses formes : quadrilatère, triangulaire, arrondie
(illustration 73). La rugine agit par raclement ; elle rabote la surface de l’os. En chirurgie,
elle sert évidemment à éliminer le périoste, et peut également être utilisée pour retirer une
portion osseuse malade 74 . En matière d’examen cadavérique médico-légal, son usage se
limite au raclement du périoste. Or, bien que nombre d’auteurs la fassent apparaître dans
leur recensement du matériel d’autopsie (cf. annexe 42), la rugine est un instrument
secondaire qui peut facilement être remplacé par un petit ciseau ou la lame du scalpel.
72 Retterer, « Périoste (Anatomie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. de
Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 2 ème série, t. 23, p. 133.
73 M. P., « Rugine », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1821, t. 49, p. 186.
74 Ibid.
723

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
L’homme de l’art qui s’adonne à l’exercice cadavérique recours nécessairement à
divers instruments tranchants, pour effectuer les solutions de continuité et autres sections
difficilement exécutables à la main. Ses doigts ne lui permettent effectivement que de tenir
ou d’explorer les tissus divisés. Cependant, pour de telles opérations, il peut aussi avoir
recours à des instruments qui se substituent à sa propre main.
Source : Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme, 1837, t. 6, pl. 53.
Illustration 73 : Rugines de formes quadrilatère et triangulaire (années 1830).
C) Instruments d’exploration
Dans les listes d’instruments constituées par les auteurs qui abordent le matériel de
l’examen post mortem, les objets qui facilitent l’exploration des cavités et des organes sont
rassemblés en deux catégories : d’un côté ceux qui écartent et/ou maintiennent, de l’autre
ceux qui sondent.
1) Pinces et crochets
La main de l’opérateur peut s’avérer trop grande, trop large pour pénétrer à travers
les chairs et atteindre la région qui doit être tenue durant une incision. L’élément
anatomique peut, en outre, être mince, fragile, lisse, et donc difficile à tenir entre les
724

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
doigts 75 . De plus, la proximité d’une lame tranchante auprès de la main du praticien
constitue un risque de blessures, danger potentiel de l’exercice “autoptique” 76 . Ces
différents facteurs rendent indispensable l’emploi d’instruments servant à saisir ou écarter
les membranes, les muscles et autres tissus. Ils constituent une famille importante au sein
des listes d’instruments. Rares sont les auteurs qui ne mentionnent au moins l’un de ces
spécimens (cf. annexe 43).
Parmi ce groupe d’instruments, le plus essentiel
est la pince. Les pinces chirurgicales, qui prennent de
multiples formes, ont chacune une action bien précise.
Néanmoins, toutes se composent de deux branches dont
les extrémités, qui s’adaptent parfaitement, permettent de
saisir un objet 77 . En matière d’examen cadavérique, les
pinces ad hoc sont appelées, en toute logique, « pinces
anatomiques ou pinces à dissection » 78 . Elles disposent
de deux branches soudées à une extrémité pour former le
talon, partie aplatie et arrondie (illustration 74). L’autre
extrémité des branches est effilée et pourvue, sur sa face
interne, de traits de lime qui assurent la prise : ce sont les
mors 79 . Les deux branches, naturellement écartées
« l’une de l’autre par leur propre ressort, […] se
joignent à leur extrémité en les serrant avec les
doigts » 80 .
Bien que nombre d’auteurs indiquent seulement
l’utilisation de « pinces » (cf. annexe 43), il est fort probable qu’ils entendent mentionner
les pinces à dissection. A contrario, d’aucuns fournissent plus de détails et préconisent
l’emploi de pinces à disséquer de différentes grandeurs, capables de saisir, plus ou moins
fortement, des tissus d’épaisseur variable. Gabriel Tourdes, par exemple, recommande de
75
Armand Desprès, « Pinces », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1880, t. 28, p. 25.
76
Sur les piqûres anatomiques, cf. le chapitre 8.
77
« Pinces », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1825, t. 13, p. 67.
78
Patissier, « Pinces », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1820, t. 42, p. 458.
79 Armand Desprès, « Pinces », art. cit., p. 25.
80 Patissier, « Pinces », art. cit., p. 458.
725
Source : Jean-Marc
Bourgery, Traité complet
de l’anatomie de l’homme,
1837, t. 6, pl. 17.
Illustration 74 : Pinces à
dissection, profil et face
(années 1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
disposer d’une pince de grande dimension 81 . La boîte à autopsie, décrite par Maurice
Letulle, contient « une pince à dissection moyenne » et « une pince à dissection forte » 82 .
Comme de nombreux objets médicaux et chirurgicaux, il existe des modèles de pinces à
dissection de dimensions différentes. L’ouvrage d’Emile Goubert en présente trois
exemplaires : une petite, une moyenne et une grande (illustration 75). Selon le
Dictionnaire des sciences médicales, la pince à disséquer de taille moyenne mesure 4
pouces, c’est-à-dire une dizaine de centimètres, et les plus grandes 10 à 12 pouces, soit de
27 à 32 cm. 83
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, 1867, p. 9.
Illustration 75 : Pinces a dissection de petite, moyenne et grande dimensions (années 1860).
D’autres modèles de pinces peuvent apparaître parmi le matériel servant aux
autopsies. La pince à os, ou davier de Farabeuf 84 , dont les mors sont pourvus de dents
suffisamment aiguës et solides pour saisir fermement un os (illustration 76). La pince de
81
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
82
Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903,
p. 32.
83
Patissier, « Pinces », art. cit., p. 458.
84
Thomas Harris, Manuel d’autopsies ou méthode de pratiquer les examens cadavériques au point de vue
clinique et médico-légal, traduit de l’anglais par H. Surmont, Bruxelles, Manceaux, 1888, p. 2.
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 32.
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 48.
726

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Kocher qui, par un ingénieux système de croisement des branches, maintient les mors
rapprochés en permanence (illustration 77). L’écartement des extrémités a lieu uniquement
lorsque l’homme de l’art presse les deux branches, ce qui lui permet de « saisir les parties
longuement et sans effort » 85 . Mais la grande majorité des inventaires se limitent aux
pinces à dissection. Un deuxième groupe complète la famille des instruments qualifiés
d’“écartants”. Il s’agit des crochets, érignes et autres écarteurs.
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, Source : Mathieu, Fabrique d’instruments
1903, p. 35. 15 ème éd., Paris, 1907, p. 70.
Illustration 76 : Davier de Farabeuf (années 1900). Illustration 77 : Pince de Kocher (années 1900).
Les crochets constituent un ensemble d’instruments chirurgicaux et anatomiques
très large. Ils se composent d’une tige métallique, montée sur un manche, et dont
l’extrémité, recourbée vers le corps de l’instrument, est soit pointue, soit mousse 86 . Les
crochets ont de multiples usages : ils servent à extraire le fœtus, en vie ou mort-né, à faire
saillir les vaisseaux en dehors d’une incision pour faciliter leur ligature 87 . Parmi le vaste
éventail que représente la famille des crochets, se trouvent les érignes, modèles
généralement recommandés par les auteurs (cf. annexe 43). Il s’agit d’un instrument d’une
quinzaine de centimètres de long, constitué d’une tige métallique terminée par une ou deux
85
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 44.
86
Delpech, « Crochet », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1813, t. 7, p. 399.
87
« Crochet », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1822, t. 5, p. 277.
727

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
griffes acérées, et fixée à un manche 88 (illustration 78). La courbure de la griffe, plus ou
moins prononcée, permet de traverser et de maintenir des tissus d’épaisseur variée 89 . Grâce
à cet instrument,
« les anatomistes et les chirurgiens [sont en
mesure de] retenir, soulever et écarter les
organes ou parties d’organes qu’ils se
préparent à disséquer ou qu’ils se proposent
d’isoler ou d’enlever. Les parties se trouvent
ainsi fixées, n’échappent pas au bistouri et ne
gênent plus l’opérateur » 90 .
Certaines situations nécessitent que l’objet ne
provoque pas de lésions en écartant l’organe ou le
tissu qui gêne. Pour cela, des érignes à pointe
mousse sont disponibles : une petite boule, placée
à l’extrémité de la griffe, limite alors sa capacité
de pénétration 91 . Enfin, des écarteurs, pouvant
également être intégré à la famille des crochets,
complètent parfois la panoplie du médecin expert.
Il existe de nombreuses sortes d’écarteurs, de
formes très variées (illustrations 79 et 80).
Comme les érignes, ils sont mousses ou pointus.
Cependant ils semblent moins susceptibles de
provoquer une lésion importante, à l’inverse du crochet en forme d’hameçon dont sont
pourvues les érignes.
88
Petit, « Erigne », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris,
Panckoucke, 1815, t. 13, p. 184.
89
Ch. Sarazin, « Airigne », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1887, t. 1, p. 483.
90
L. Hahn, « Erignes », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. de Léon
Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 1 ère série, t. 35, p. 452.
91
Ch. Sarazin, « Airigne », art. cit., p. 483.
728
Source : Nouveau dictionnaire de
médecine et chirurgie pratiques, 1872,
t. 10, p. 281.
Illustration 78 : Erignes simple et
double à manche (années 1870).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 68.
Illustration 79 : Ecarteurs doubles d’Ollier (années 1900).
Source : H. Collin, Petit arsenal chirurgical illustré à l’usage des infirmières, Paris, 1914, p. 44.
Illustration 80 : Doubles crochets écarteurs de Farabeuf (années 1910).
Le dernier instrument utilisé pour écarter des éléments
organiques, l’élévatoire, aurait pu être abordé avec le matériel
du tissu osseux. En effet, il est employé pour « relever les
pièces d’os enfoncées » 92 . Dans la pratique médico-légale, il
sert exclusivement pour « relever le crâne » 93 , c’est-à-dire
séparer la calotte crânienne après sa section. Il remplit la
même fonction que le crochet situé à l’extrémité du manche
du marteau à autopsie. L’élévatoire est une tige métallique
longue de 6 à 8 pouces 94 , soit 16 à 22 cm environ. Les deux
extrémités nommées branches, sont aplaties, recourbées
chacune dans une direction opposée, et présentent sur leur
concavité des rainures transversales qui empêchent
l’instrument de déraper sur l’os (illustration 81). La courbure
92
« Elévatoire », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
s.l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 6, p. 319.
93
Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 224.
94
Rullier, « Elévatoire », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1815, t. 11, p. 429.
729
Source : Nouveau
dictionnaire de médecine et
chirurgie pratiques, 1888,
t. 36, p. 163.
Illustration 81 : Elévatoire
(années 1880).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
des deux branches n’est pas identique : l’une d’elles a l’aspect d’un crochet et l’autre celui
d’un levier. Il est donc fort probable que l’instrument que Gabriel Tourdes désigne sous le
nom de « levier à crochet » 95 soit un élévatoire (cf. annexe 43).
L’élévatoire, au même titre que les pinces ou les érignes, ne se substitue à la main
de l’opérateur pour tenir et écarter certains organes ou tissus, que si cela est indispensable.
D’autres instruments remplacent à la fois le doigt et l’œil du médecin, car ils explorent des
régions inaccessibles, tant par le toucher que par la vue.
2) Sonder les abîmes corporels
Avant de porter le scalpel à l’intérieur d’une
cavité, à proximité d’une plaie ou à la surface d’un
organe pouvant contenir un liquide, le médecin peut
avoir besoin de recourir à diverses sortes
instruments qui ont la capacité de sonder. Dans les
listes fournies par la littérature médico-légale, trois
catégories d’instruments de ce type sont indiquées :
les bougies, les stylets et les sondes (cf. annexe 43).
Les bougies, dont seul François Chaussier fait
mention, sont des petites tiges lisses, flexibles, le plus souvent pleines 96 . Leur extrémité
peut se terminer en pointe ou par un bouton « olivaire » (illustration 82). Les bougies
servent généralement à explorer l’urètre, le conduit qui permet l’expulsion de l’urine 97 .
Fabriquées à l’origine en cire, ces petits cylindres ont été nommés “bougies” par analogie
avec les modèles à brûler 98 . Ensuite, les matériaux servant à leur fabrication ont varié.
Chaussier recommande des bougies « pleines et élastiques » 99 . Il doit s’agir des modèles en
gomme élastique : « Ces bougies sont faites d’un tissu de soie très-fin enduit d’un mélange
d’huile de lin et de caoutchouc et le plus souvent d’huile de lin seule épaissie par la
cuisson 100 ». Mais il existe également des bougies en plomb ou en étain 101 . Lorsqu’elles
95
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
96
Cullerier, « Bougie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, p. 267.
97
Voillemier, « Bougies (Chirurgie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 1 ère série, t. 10, pp. 280-289.
98
Cullerier, « Bougie », art. cit., p. 267.
99 François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 32.
100 Voillemier, « Bougies… », art. cit., p. 282.
101 Ibid., p. 285.
730
Source : Dictionnaire
encyclopédique des sciences
médicales, 1869, 1 ère série, t. 10,
p. 283.
Illustration 82 : Bougies
années 1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
sont fabriquées dans un métal plus résistant tel que l’or, l’argent ou l’acier, les bougies
prennent plutôt le nom de “stylet” 102 .
En effet, comme les bougies, les stylets sont de
fines tiges flexibles (illustration 83). Elles offrent
cependant moins de souplesse que leurs cousines en cire,
gomme ou plomb. L’extrémité est mousse et peut même se
terminer par un petit renflement en forme de bouton 103 .
Ainsi, le stylet peut être employé pour évaluer la
profondeur des plaies sans risquer d’accroître la lésion. En
outre, ils peuvent servir de mandrin aux bougies ou aux
sondes que leur souplesse rend difficiles à introduire. Le
terme de “mandrin” est d’ailleurs employé par certains
médecins pour désigner le stylet : Roussy et Ameuille
préconisent l’utilisation de « mandrins métalliques assez
minces et souples » 104 au cours de l’autopsie. Le vocable
employé par certains hommes de l’art peut d’ailleurs porter
à confusion car, comme le fait remarquer le Dictionnaire
Dechambre, « la distinction n’est pas toujours nette entre
la sonde et le stylet » 105 . En effet, le nom de “sonde” a
également été donné à des instruments servant à estimer le
degré et la profondeur de la pénétration d’une plaie. Seules
la taille et la grosseur de l’objet semblent permettre de les
différencier.
Les sondes qui ont une conformation identique à celle des stylets sont en principe
plus longues : une sonde peut mesurer jusqu’à 18 pouces, soit plus de 48 cm 106 . Mince et
droite, comme le stylet, sa grande taille nécessite cependant que le diamètre de la sonde
soit plus large, pour lui offrir un minimum de solidité. La sonde brisée est le modèle le plus
grand (illustration 84). Composée de deux parties égales qui se vissent l’une sur l’autre,
elle est utilisée pour « explorer les plaies très-profondes de l’épaisseur des membres, ou
102
M. G., « Stylet », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris,
Panckoucke, 1821, t. 53, p. 71.
103
Dechambre, « Stylet », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1883, 3 ère série, t. 12, p. 471.
104
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 48.
105
Dechambre, « Stylet », art. cit., p. 471.
106
Mérat, « Sondes », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1821, t. 52, p. 149.
731
Source : Dictionnaire des
sciences médicales, 1821, t. 52,
planche.
Illustration 83 : Stylet (années
1820).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
pénétrant dans les cavités » 107 . Mais dans les listes d’instruments de l’autopsie, ce sont
deux autres modèles qui sont le plus souvent citées : la sonde urétrale ou vésicale et la
sonde cannelée.
Source : Dictionnaire des sciences médicales, 1821, t. 52, planche.
Illustration 84 : Sonde brisée (années 1820).
La sonde urétro-vésicale, appelée également cathéter, « sorte de tuyau cylindrique,
est destiné[e], comme son nom l’indique, à être porté[e] dans la vessie à travers le canal
de l’urètre pour donner issu à l’urine ou à d’autres liquides retenus dans ce viscère » 108 .
Lorsqu’elle est solide, fabriquée en argent par exemple, la sonde est recourbée dans
environ un tiers de sa surface 109 , afin de suivre le canal jusqu’à la vessie (illustration 85).
Flexible, en gomme élastique ou caoutchouc, elle est droite (illustration 86). L’extrémité
des divers modèles de sondes urétrales est pourvue d’un ou deux orifices de « forme
elliptique destin[és] à donner passage à l’urine » 110 .
107 Ibid.
108 Murat, « Sonde », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris, Béchet
Jeune, 1827, t. 19, p. 384.
109 Ibid., p. 385.
110 Ibid., pp. 384-385.
732

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Dictionnaire des sciences
médicales, 1821, t. 52, planche.
Illustration 85 : Sonde urétro-vésicale (années 1820).
Source : Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie
pratiques, 1882, t. 33, p. 316.
Illustration 86 : Sonde en caoutchouc vulcanisé
(années 1880).
La sonde cannelée est une sonde d’un genre
particulier. Elle se compose d’une tige métallique droite,
lisse et polie, « terminée par une plaque fendue dans son
milieu, pourvue d’une rainure ou cannelure sur une des
faces, avec ou sans cul-de-sac à l’autre extrémité » 111
(illustration 87). Il existe des sondes cannelées de diverses
dimensions, mais sa longueur est en moyenne de 6 pouces,
un peu de plus de 16 cm 112 . Maurice Letulle préconise, par
exemple, de disposer de deux sondes cannelées, une
moyenne et une forte, c’est-à-dire de plus grande
dimension 113 . Si comme les instruments de la même famille,
elle est employée pour explorer les plaies, sa configuration
singulière permet également de l’utiliser comme guide
mousse pour le scalpel. En effet, l’homme de l’art peut être
contraint d’introduire une lame tranchante et pointue dans
111
Mérat, « Sondes », art. cit., p. 148.
112
« Sonde », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., s.l.
[Paris], Panckoucke, 1826, t. 14, p. 359.
113
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 32.
733
Source : Dictionnaire des
sciences médicales,
1821, t. 52, planche.
Illustration 87 : Sonde
cannelée (années 1820).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
une cavité étroite, dans une plaie ou sur une membrane recouvrant un organe. Cependant, il
est impératif qu’il préserve de toute solution de continuité malencontreuse les environs de
la région qu’il souhaite inciser. Pour cela, il utilise la sonde cannelée. Il place la lame du
scalpel dans la rainure et peut introduire l’instrument sans risque jusqu’à l’endroit désiré.
Dans d’autres circonstances, il dispose le dos du scalpel dans la cannelure et peut alors
inciser en neutralisant la pointe de son instrument (illustration 88).
Source : Maurice Letulle, La pratique
des autopsies, 1903, p. 388.
Illustration 88 : Usage de la sonde
cannelée lors de l’incision de la duremère.
734
La panoplie du médecin expert
comprend, d’une part, des instruments qui
mettent à nu les régions à examiner en
produisant des incisions, des sections et
autres divisions ; d’autre part, des
instruments qui facilitent la mise en
lumière de ces zones corporelles, car ils
aident à tenir les tissus qui environnent la
partie à explorer, écartent les tissus
obstruant la vision, voire sondent les
recoins inaccessibles. En sus de ce
matériel, les hommes de l’art peuvent se
munir d’objets qui jouent un rôle apparemment secondaire dans la procédure d’ouverture
cadavérique, mais qui s’avèrent d’importance pour l’examen dans son ensemble.
D) Le matériel complémentaire
Les listes d’instruments comportent un nombre varié, et irrégulier, d’objets annexes
à l’examen cadavérique. Ceux-ci doivent permettre à l’opérateur de prendre diverses
mensurations, d’observer avec plus de précisions certains détails, d’injecter de l’air ou un
liquide dans un conduit ou une cavité, à l’inverse de les ponctionner, de déposer des
fragments cadavériques, d’effectuer des expériences, de poser des ligatures et des sutures,
et enfin de faire disparaître les traces de l’examen.
1) Prendre des mesures
Les appareils de mesure, recommandés par les auteurs, concernent la taille et le
poids. En vue de prendre les diverses dimensions cadavériques, les hommes de l’art ont
recours à des règles et à des compas. Le modèle de règle classique se compose d’une

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
simple plaque de métal graduée, appelé « mètre », « double-décimètre en cuivre », ou
encore « mètre rigide », selon l’auteur (cf. annexe 43). Pour prendre les mensurations avec
plus de précisions et de sûreté, les hommes de l’art peuvent employer le « mécomètre »,
dont la paternité est octroyée à François Chaussier. Gabriel Tourdes, qui le recommande
dans son inventaire d’instruments de l’autopsie, en fait mention sous l’appellation de
« mécomètre de Chaussier » 114 . De même que Mathieu Orfila lorsqu’il reprend la
description de l’objet, énoncée dans la thèse de Lecieux sur l’infanticide 115 :
« instrument inventé par Chaussier, et composé d’une règle en bois ou tige carrée, longue
d’un mètre, divisée sur deux côtés opposés en décimètres, etc. ; une lame de cuivre qui est
arrêtée à une extrémité de cette tige, donne un point fixe ; il y a en outre un curseur de
même forme et de même métal qui glisse sur la tige, et que l’on peut à volonté écarter et
rapprocher du point fixe, et même arrêter au moyen d’une vis ; on peut avoir par ce moyen
la longueur du corps que l’on mesure, et la division exacte en centimètres, millimètres,
etc. » 116 .
Le mécomètre de Chaussier (illustration 89), en raison de sa longueur d’un mètre, offre la
possibilité de prendre de grandes mensurations, et notamment la taille du fœtus.
Cependant, de facto, c’est un instrument encombrant. Des modèles de tailles réduites, entre
20 et 25 cm, ont été élaborés (illustration 90). De tels instruments sont alors désignés sous
une nouvelle appellation, « compas-glissière » 117 ou « compas d’épaisseur à coulisse » 118 ,
qui parfois peut porter à confusion. En effet, d’autres appareils de mesure d’une tout autre
configuration, et dont il est question plus loin, sont nommés “compas”. Avant d’aborder
ces derniers, il faut noter que des versions de règles souples, nommées « mètre en ruban »,
sont également disponibles (illustration 91). Outre un gain de place, les mètres à ruban
présentent l’avantage de pouvoir mesurer des surfaces arrondies.
114 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
115 A. Lecieux, « Considérations médico-légales sur l’infanticide » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné
et J. J. Germ. Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, pp. 3-80.
116 Mathieu Orfila, Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 4 ème éd. revue, corr. et considérablement
augm., contenant en entier le Traité des exhumations juridiques d’Orfila et Lesueur, Paris, Labé, 1848, t. 2,
p. 45, note infrapaginale.
117 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 32.
118 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 455.
735

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : François Chaussier, Recueil de mémoires…,
1824, p. 511.
Illustration 89 : Mécomètre de Chaussier (années 1820).
Les diverses règles graduées sont inutilisables pour certaines mensurations, les
diamètres ou les mesures sur des surfaces non planes, par exemple. Les auteurs conseillent
alors de se munir d’un instrument particulier appartenant à la famille des compas.
Employés notamment dans les professions utilisant les mesures topographiques, le compas
est un objet composé de deux branches identiques, fixées l’une à l’autre par une extrémité,
au moyen d’une charnière qui permet de les écarter et de les rapprocher à volonté. Hormis
Gabriel Tourdes qui mentionne le « compas ordinaire » dans ses deux inventaires 119 , les
auteurs conseillent le compas d’épaisseur (cf. annexe 43). La singularité du « compas
119 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 412.
736
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments,
15 ème éd., Paris, 1907, p. 455.
Illustration 90 : Compas d’épaisseur à
coulisse de Mathieu (années 1900).
Source : Emile Goubert, Manuel
de l’art des autopsies
cadavériques, 1867, p. 11.
Illustration 91 : Mètre en ruban
(années 1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
d’épaisseur est [d’être] composé de deux branches courbées à leur partie antérieure » 120
(illustration 92). Une telle configuration permet d’effectuer avec une précision accrue les
mensurations crâniennes des nouveau-nés, au point que le nom de « crâniomètre » se
substitue à celui de « compas d’épaisseur » sous les plumes de Bourneville et Bricon 121 . La
représentation d’un crâniomètre, dans le manuel d’Emile Goubert, légitime la confusion
des terminologies (illustration 93). L’ouvrage de Bourneville et Bricon est également le
seul à mentionner un autre appareil de mensuration singulier : le pelvimètre (cf. annexe
43). L’objet est utilisé « pour mesurer le diamètre antéro-postérieur du détroit abdominal
du bassin » 122 . Il s’agit donc d’un instrument employé exclusivement dans l’art des
accouchements, pour mesurer la profondeur du bassin (illustration 94).
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments, Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des
15 ème éd., Paris, 1907, p. 455. autopsies cadavériques, 1867, p. 18.
Illustration 92 : Compas de Broca (années 1900). Illustration 93 : Compas crâniomètre
(années 1860).
120
Gardien, « Pelvimètre », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et
al., Paris, Panckoucke, 1819, t. 40, p. 106.
121
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 66.
122
Gardien, « Pelvimètre », art. cit., p. 105.
737
Source : Dictionnaire
encyclopédique des sciences
médicales, 1886, 2 ème série, t. 22,
p. 409.
Illustration 94 : Pelvimètre de
Crouzat (années 1880).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Outre les longueurs et les diamètres, l’homme de l’art pratiquant un examen
cadavérique doit pouvoir effectuer des pesées. Par conséquent, nombre d’auteurs
indiquent, dans leur liste d’instruments, une balance et des poids (cf. annexe 43). Celle-ci
est employée pour peser les organes, voire le corps entier dans le cas des enfants nouveau-
nés. Pour ces derniers, des appareils de mesure simplifiés sont d’ailleurs mis au point. En
1880, le Journal de médecine et de chirurgie pratiques présente une balance élaborée par
un certain Jeannel. L’appareil est une balance « romaine réduite à une simple règle plate
inflexible, en bois » 123 . La règle, posée sur une table, supporte à son extrémité le panier ou
le berceau dans lequel l’enfant est placé. Un poids mobile glisse sur la règle graduée pour
indiquer le poids du panier (illustration 95). Dans un numéro ultérieur, il s’agit d’un pèse-
bébés sans poids : l’enfant est placé sur un plateau qui actionne le mécanisme sur lequel il
est posé et fait apparaître le poids sur un cadran (illustration 96) 124 . Durant le XIX e siècle,
seuls les nouveau-nés sont susceptibles d’être pesés. Avec les listes établies au début du
XX e siècle, il semble que les adultes aussi sont soumis à cette mesure : les inventaires de
Letulle 125 , puis de Roussy et Ameuille 126 , indiquent dans ce but l’utilisation d’une « grande
bascule ».
Source : Journal de médecine et de chirurgie Source : Journal de médecine et de chirurgie
pratiques, 1880, t. 51, n°11 478, p. 322. pratiques, 1884, t. 55, n° 12 510, p. 35.
Illustration 95 : Balance métrique pour Illustration 96 : Pèse-bébés (années 1880).
nouveau-né (années 1880).
123 « Balance métrique pour peser les nouveau-nés », Appareils et instruments nouveaux, Journal de
médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1880, t. 51, n°11 478,
p. 321.
124 « Nouveau pèse-bébés », Appareils et instruments nouveaux, Journal de médecine et de chirurgie
pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1884, t. 55, n° 12 510, pp. 34-35.
125 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 37.
126 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 50.
738

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
2) Scruter et insuffler
En sus des instruments porteurs d’une graduation, l’homme de l’art a recours à des
lentilles grossissantes pour ses constatations. Plus rares que pour les instruments de
mesure, les mentions d’appareils optiques concernent deux objets. En premier lieu la
loupe, dont Emile Goubert reproduit un modèle dans son ouvrage (illustration 97). Elle
permet de grossir certains détails des blessures ou lésions pathologiques par exemple. Dans
l’éventualité où la loupe est insuffisante, le médecin se tourne vers le microscope portatif
(illustration 98). Celui-ci permet d’effectuer des constatations histologiques, c’est-à-dire
d’étudier la structure des tissus, ainsi que des analyses complémentaires qui sortent du
cadre strict de l’examen cadavérique pour basculer dans celui de l’expérimentation : ce
sont l’observation de taches de sang ou de sperme. Quelques expériences font néanmoins
partie intégrante de l’autopsie et nécessitent de disposer du matériel adéquat.
Source : Emile Goubert, Manuel
de l’art des autopsies
cadavériques, 1867, p. 11.
Illustration 97 : Loupe (années
1860).
Les auteurs conseillent de se munir d’un « tube
à insuffler » ou « insufflateur » (cf. annexe 44). Ce tube
métallique, pourvu ou non d’un robinet (illustration
99), permet d’introduire de l’air dans un organe creux,
ou dans un conduit tel qu’un vaisseau 127 . La dilatation
par l’air offre une meilleure vision de l’état de certains
éléments viscéraux. L’insufflation des poumons,
notamment, peut révéler une pathologie respiratoire 128 .
Pour l’introduction de liquide, il est recommandé aux
praticiens de se doter de seringues. Grâce à elles, l’homme de l’art peut injecter un liquide
coloré dans un vaisseau et ainsi déterminer lesquels sont intéressés par une plaie 129 . A
contrario, il peut en user pour ponctionner un fluide épanché, puisque la majorité des
seringues peuvent injecter comme aspirer 130 . Le trocart, la pipette et les canules en
caoutchouc servent également à évacuer un liquide. Le trocart est un « poinçon d’acier
terminé en pointe triangulaire et renfermée dans une canule d’argent, dont on se sert pour
faire les ponctions » 131 (illustration 100).
127 François Chaussier, Recueil…, op. cit., pp. 33-34.
128 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., pp. 55-56.
129 François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 33.
130 A. Spillmann, « Seringues », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1881, 3 ème série, t. 9, p. 363.
131 M. P., « Trocart », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1821, t. 56, p. 53.
739

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Henry Galante, Catalogue illustré Source : Nouveau dictionnaire de médecine et
des instruments, Paris, 1885, p. 8. chirurgie pratiques, 1884, t. 36, p. 194.
Illustration 98 : Microscope (années 1880). Illustration 100 : Trocart (années 1880).
La réalisation des expériences en lien avec l’examen cadavérique contraint les
hommes de l’art à se procurer certains produits. Il peut s’agir tout simplement d’eau, froide
ou chaude (cf. annexe 44), qui est utilisée pour vérifier la présence d’air dans les poumons
des nouveau-nés, expérience appelée docimasie pulmonaire hydrostatique 132 . Il a été
signalé que les seringues sont susceptibles d’être utilisées pour injecter un liquide coloré. Il
est donc nécessaire que, parmi le matériel d’examen, le médecin possède un tel liquide.
Charles Marc 133 et Alphonse Devergie 134 indiquent la présence d’encre ou d’un autre
liquide coloré dans leur inventaire du matériel d’examen cadavérique. Outre les deux
usages énoncés par Bruno Bertherat dans sa thèse sur la Morgue de Paris, l’injection dans
les vaisseaux et le marquage des blessures 135 , il convient d’en indiquer d’autres. Tout
d’abord, la révélation des fissures et fractures osseuses. Charles Marc préconise de frotter
les os du crâne avec de l’encre pour éviter de confondre les sutures crâniennes avec des
132
Cf. l’analyse des complications engendrées par la décomposition dans le chapitre 8.
133
Charles Marc, « Cadavre », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et
al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, p. 421.
134
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., 1837, t. 1, p. 104.
135 e
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal
ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université de
Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, vol. 2, f° 550.
740
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art
des autopsies cadavériques, 1867, p. 55.
Illustration 99 : Tube à insuffler muni
d’un robinet (années 1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
fissures 136 . Joseph Briand, en mettant cette pratique entre les mains d’Alphonse Devergie,
précise que s’il s’agit d’une fêlure, après avoir essuyé l’os, l’encre aura pénétré dans
l’interstice 137 . L’encre peut également servir à tracer une ligne conductrice pour l’incision.
Bien qu’il n’en fasse pas mention dans son inventaire du matériel de l’autopsie, Maurice
Letulle préconise d’utiliser de l’encre ou de la craie pour matérialiser la ligne à suivre en
vue d’ouvrir la boîte crânienne 138 . La panoplie du médecin expérimentateur s’achève avec
quelques produits chimiques et réactifs comme l’acide nitrique et le papier de tournesol 139 ,
que mentionne Gabriel Tourdes 140 .
3) Rendre le corps (presque) dans l’état où on l’a trouvé
A l’issue de l’ensemble de ses
constatations et de ses analyses, l’homme de
l’art doit être en mesure de refermer toutes les
incisions qu’il a pratiqué et de faire disparaître
au mieux son intervention. Dans cette
perspective, il lui est conseillé de se munir
d’un matériel de suture, c’est-à-dire
d’aiguilles et de fil. Les aiguilles chirurgicales
servent « à coudre, à piquer, à faire des
sutures, à porter des ligatures et des
sétons » 141 . Chaque acte opératoire dispose d’une aiguille idoine. Les inventaires
d’instruments consultés répertorient plusieurs sortes d’aiguilles (cf. annexe 45). Les
aiguilles courbes, de diverses dimensions (illustration 101), sont généralement utilisées
pour poser des ligatures au cours de l’exploration corporelle 142 . La ligature d’un vaisseau,
des extrémités de l’estomac, des intestins empêche l’écoulement des liquides que
136
Charles Marc, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, traduction de Taschenbuch für gerichtliche
Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen Leichenöffnungen de Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et
Crochard, 1808, p. 21.
137 ère ème
Joseph Briand, Ernest Chaudé, Manuel complet de médecine légale, 1 éd. 1821, 5 éd., contenant un
Traité élémentaire de chimie légale par H. Gaultier de Claudry, Paris, Neuhaus, 1852, p. 377.
138
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 382.
139
Le papier de tournesol est une bande de papier imprégnée de teinture de tournesol additionnée d’acide
sulfurique et qui réagit lorsqu’elle est plongée dans un liquide contenant certaines substances.
Cf. L. Hahn, « Papiers réactifs », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1884, 2 ème série, t. 20, p. 461.
140
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
141
Larrey, « Aiguilles », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1812, t. 1, p. 206.
142
François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 34.
741
Source : J. Charrière, Note accompagnée
de planches représentant les instruments
nouveaux …, 1863, pl. 1.
Illustration 101 : Aiguilles courbes de
différentes dimensions et courbures
(années 1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
contiennent ces organes. La courbure des aiguilles permet de les faire passer plus aisément
autour du vaisseau ou du canal, sans risquer de piquer un viscère ou un vaisseau alentour.
Les aiguilles fortes et droites, ou à pointe légèrement recourbée, sont, elles, destinées à
suturer les incisions de l’examen (illustration 102). Ces objets doivent être assez solides
pour traverser plusieurs couches tissulaires, et suffisamment grands pour y faire passer un
fil de gros diamètre. Par conséquent, d’aucuns recommandent d’utiliser de banales
aiguilles d’emballeurs 143 .
Source : Emile Goubert, Manuel
de l’art des autopsies
cadavériques, 1867, p. 11.
Illustration 102 : Aiguille forte et
droite (années 1860).
742
L’ultime matériel dont un médecin
se munit lorsqu’il réalise un examen post
mortem doit lui permettre d’absorber les
liquides et de nettoyer la dépouille : des
éponges, des linges, de l’eau. Il a été
précisé, au cours de l’étude des lieux de
l’autopsie, que l’une des préoccupations premières des praticiens de l’examen cadavérique
est la récupération des fluides épanchés sur le corps et à côté de lui. La disposition de linge
sous le cadavre peut éviter la dispersion de ces substances. Quant aux éponges, leur
utilisation est plus interne qu’externe. En effet, des liquides peuvent s’épancher dans une
cavité. Avec l’éponge, l’homme de l’art absorbe le fluide, ce qui lui permet, en premier
lieu, de le recueillir puis de l’exprimer dans un récipient pour en déterminer la nature et la
quantité, et en second lieu, d’observer plus précisément l’état de la cavité qui le
contenait 144 . La capacité d’absorption des éponges est de très loin supérieure à celle
d’autres matières comme la mousse, le coton, ou la gaze 145 .
L’énoncé descriptif qui précède a permis de prendre connaissance, si ce n’est de
l’ensemble, au moins d’une grande partie des instruments et objets employés par les
médecins durant une autopsie. Mais ce matériel est tout sauf figé. Sur une période aussi
longue que la chronologie retenue, il est évident que le nécessaire d’autopsie judiciaire
connaît quelques évolutions. Outre des recherches menées pour améliorer les instruments
de base, la science médico-légale œuvre pour se doter d’un nouveau matériel, qui lui serait
presque exclusif, au risque, ou dans la perspective, d’abandonner d’autres objets.
143 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 429.
144 François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 34.
145 « Les éponges en chirurgie », Mélanges scientifiques, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à
l’usage des médecins praticiens, Paris, Daix, 1895, t. 66, n°16 586, pp. 871-873.

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
II) L’EVOLUTION TECHNIQUE DU MATERIEL D’AUTOPSIE
Les hommes de l’art, qui les premiers se sont intéressés à la réalisation des
ouvertures cadavériques judiciaires, ont d’abord pioché dans le matériel de chirurgie ou de
dissection anatomique, pour constituer leur trousse de médecins experts. Cependant,
l’outillage chirurgical et anatomique a rapidement montré ses lacunes, ses incompatibilités
avec la pratique médico-légale.
L’adéquation du matériel à l’opération implique parfois une collaboration entre
utilisateurs et fabricants de l’instrument, les seconds s’efforçant de répondre aux
commandes et aux exigences des premiers. N’en déplaise aux auteurs de l’article
« Instrument » du Dictionnaire des sciences médicales, car ils estiment vaine toute
tentative de suggestion auprès des couteliers, « qui ont leur amour-propre, et qui
dédaigneraient [leurs] avis » 146 , nombre d’instruments sont modifiés ou inventés de toutes
pièces sur l’initiative d’un homme de l’art se tournant vers l’artisan pour la réalisation.
L’insistance de certains hommes de l’art a peut-être eu raison des réticences des couteliers
au fil des années. Quelques représentants de la corporation proposent même leurs services
au corps médical. Dans la préface du catalogue de 1907, les repreneurs de la maison
Mathieu tiennent à rappeler
« à Messieurs les chirurgiens et à Messieurs les Internes des hôpitaux, qu’ils trouveront en
[eux] des auxiliaires dévoués pour l’exécution des nouveaux modèles qu’ils voudraient
faire construire et qu’ils auront toujours libre accès dans [leurs] ateliers pour surveiller
l’exécution de ces modèles » 147 .
Il est indéniable que les deux corporations ont travaillé ensemble à l’amélioration
du matériel médical et chirurgical. A la fin des années 1870, le Journal de médecine et de
chirurgie pratiques présente un nouveau modèle de scie, utilisé avec succès par Ollier et
« construit pour lui par M. Collin » 148 . Ce dernier a collaboré avec de multiples savants
pour la fabrication de nouveaux instruments de chirurgie. Il réalise une « bougie en acier
nickelé » pour le Dr Amussat 149 , produit un nouvel exemplaire d’aiguille, selon le vœu du
146 Percy, Laurent, « Instrument », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 25, p. 426.
147 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. III.
148 « Scie mécanique de M. Ollier », Appareils et instruments nouveaux, Journal de médecine et de chirurgie
pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1879, t. 50, n°11 279, p. 519.
149 « Bougies métalliques », Appareils et instruments nouveaux, Journal de médecine et de chirurgie
pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1877, t. 48, n°10 558, p. 328.
743

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Dr Reverdin 150 , et « construit sur les indications de M. le docteur Poulet » 151 , un trépan
quelque peu modifié. Pour aboutir, la coopération fabricant-praticien nécessite que le
savant et l’artisan disposent d’un langage commun et acquièrent, par conséquent, quelques
savoirs techniques de l’autre métier :
« […] nous pensons qu’il ne serait pas sans utilité qu’ils [les chirurgiens] fussent assez
initiés dans l’art du coutelier, pour en parler le langage, et pouvoir en apprécier le travail,
afin d’en obtenir des instruments propres à remplir le but qu’ils se proposent dans les
opérations. […] Mais s’il est utile au chirurgien d’avoir des connaissances dans l’art de
faire les instruments, il est indispensable au coutelier artiste de connaître les opérations de
chirurgie, d’y assister souvent, afin de pénétrer le but et l’intention des opérateurs » 152 .
Chacun doit avoir conscience des limites et des contraintes de l’autre profession, afin de
répondre au mieux à ses besoins ou de ne pas formuler des requêtes impossibles à
contenter.
Parmi les fabricants d’instruments, d’aucuns ont, semble-t-il, suivi le conseil. Le
fils de Charrière, l’un des plus célèbres fabricants d’instruments de chirurgie de la capitale,
prend la suite de son père. A-t-il entamé des études médicales ou seulement voulu parfaire
ses connaissances en la matière ? Toujours est-il qu’il a lui-même réalisé des dissections,
comme il le suggère lors de la mention des plaintes renouvelées des anatomistes au sujet de
l’usure rapide des scalpels : « Dans le peu de dissections que nous avons faites autrefois,
nous avons pu par nous-mêmes apprécier la justesse de leurs réclamations » 153 . Grâce à
leur savoir médico-chirurgical théorique et pratique, les artisans couteliers seraient même
en mesure de proposer, de leur propre initiative, de nouveaux modèles d’instruments. Plus
que des artisans, les fabricants peuvent s'octroyer le titre d’inventeur. Au début des années
1850, Charrière 154 soumet à l’Académie des sciences « un nouveau modèle de ciseaux qu’il
recommande aux chirurgiens » 155 .
150 « Aiguille du Dr Jacques Reverdin », Appareils et instruments nouveaux, Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1880, t. 51, n°11 607, p. 553.
151 « Trépan à point d’appui périphérique du docteur Poulet », Appareils et instruments nouveaux, Journal de
médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1881, t. 52, n°11 797,
p. 323.
152 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., pp. 421-422.
153 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 11.
154 Il semble qu’il s’agisse de Charrière père car, dans une note de son catalogue, J. Charrière signale que son
père a reçu de nombreuses récompenses lors des Expositions de l’industrie, entre 1834 et 1851.
Ibid., p. 3, note infraginale.
155 « Académie des sciences. Ciseaux », Sociétés savantes, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à
l’usage des médecins praticiens, Paris, Crapelet, 1852, t. 23, n°4504, p. 271.
744

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
A) Modifications apportées aux principaux instruments
Outre inventer un matériel inédit, les fabricants et les utilisateurs des instruments
cherchent également à perfectionner ceux déjà employés, mais dont l’usage n’apporte pas
pleine satisfaction. Le principe, défendu par la majorité des savants qui œuvrent à
l’amélioration de l’équipement médical, est que la perfection passe par la simplification :
« Pierre-Joseph Desault, en s’emparant du sceptre de la chirurgie, sentit la nécessité d’une
réforme dans les instrumens (sic), et s’attacha particulièrement à les amener au plus grand
degré de simplicité possible, persuadé qu’elle est le terme le plus voisin de la
perfection » 156 .
En introduction de la présentation des nouveaux modèles qu’il a mis au point, Charrière
fait la liste des objectifs qui ont guidé ses expérimentations : « Simplifier le mécanisme des
instruments, réduire leur volume, rendre leur entretien plus facile, augmenter leur solidité,
diminuer leur prix de revient, telles sont les différentes questions qui nous ont surtout
préoccupé […] » 157 . Quant aux attentes des médecins, Gustave Roussy et Pierre Ameuille
précisent les trois qualités que doivent posséder les instruments de l’autopsie : ils doivent
être faciles à stériliser, faciles à aiguiser et boutonnés, c’est-à-dire mousses 158 . Les trois
impératifs ainsi désignés rassemblent les divers éléments techniques qui focalisent les
attentions des praticiens de l’exercice cadavérique : en premier lieu, la forme de l’objet,
tant de sa lame que de sa prise en main ; ensuite, les systèmes de fixation ; enfin, les
matériaux utilisés.
1) Optimiser l’efficacité par la forme
Les modifications apportées aux instruments concernent d’abord la forme des lames
dans l’espoir d’accroître l’efficacité de leur action. Il existe une multitude de bistouris et de
scalpels munis de lames de formes variées. Plus la lame est singulière, plus l’emploi de
l’instrument est limité. Les bistouris à lame recourbée, dont le tranchant est placé sur la
partie concave, comme ceux inventés par Cooper ou Pott, ne sont utilisés que pour
effectuer le débridement des hernies 159 (illustration 44, fig. 5 et 6). Durant le siècle, deux
types de lames retiennent particulièrement les attentions : les lames droites et les lames
convexes. La lame droite est la plus commune, mais les modèles fabriqués au début du
siècle sont loin de remporter les suffrages des hommes qui en usent. Avec un tranchant et
156 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 419.
157 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 3.
158 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 40.
159 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 16.
745

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
un dos extrêmement rectilignes, qui lui confèrent l’aspect d’une « pyramide régulière » 160
(illustration 44, fig. 1), seule l’extrémité de l’instrument est généralement utilisée. Le reste
du tranchant n’est pas mis en action lors des incisions, puisque l’instrument ne peut être
tenu absolument à l’horizontal durant l’intervention. Or, la largeur de la pointe de la lame
étant très réduite, elle est fragile, « sujette à s’émousser » 161 , voire à se briser. Les
praticiens donnent alors leur préférence aux lames convexes.
Delpech souligne que cette disposition a d’abord
été utilisée pour la fabrication des scalpels, puis appliquée
aux bistouris. Il fournit alors une description précise de
cette lame qui permet à « cette espèce de bistouri [d’être]
peut-être la plus utile » 162 (illustration 103) :
« la convexité règne sur le tranchant de la lame, en
sorte qu’en supposant à cette dernière une ligne axuelle
passant par le milieu de sa largeur, le tranchant
formerait une portion de cercle qui couperait cette ligne
vers la pointe seulement, et qui, par l’autre extrémité, se
prolongerait en décrivant une courbe plus douce » 163 .
L’avantage de cette lame est qu’une plus grande étendue de
son tranchant est utilisée lors de l’incision. De plus, la
partie du tranchant le plus souvent mise à contribution est
rejetée vers le milieu de la lame, c’est-à-dire à l’endroit où
celle-ci est la plus large et donc la plus solide 164 .
Néanmoins, la lame convexe offre un inconvénient : elle a
une « pointe trop peu prononcée, ce qui empêche de
commencer l’incision par ponction » 165 . En outre, les
bistouris convexes fabriqués par les couteliers français, au début du siècle, ne répondent
pas vraiment à la description donnée ci-dessus. La courbure imprimée à la lame ne
concerne que son extrémité, rendant ainsi le tranchant rectiligne sur les deux tiers de sa
longueur (illustration 43, fig. 6). De plus, le dos de la lame étant lui-même droit ou
concave, la convexité du tranchant est prolongée de façon excessive et devient alors trop
douce. Ensuite, la pointe du bistouri est rejetée vers l’arrière, ce qui rend son utilisation
160
Delpech, « Bistouri », art. cit., p. 147.
161
Polaillon, « Bistouri », art. cit., p. 545.
162
Delpech, « Bistouri », art. cit., p. 147.
163
Ibid.
164
Polaillon, « Bistouri », art. cit., p. 546.
165 Ibid.
746
Source : Jean-Marc Bourgery,
Traité complet de l’anatomie de
l’homme, 1837, t. 6, pl. 17.
Illustration 103 : Bistouri
convexe (années 1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
malaisée 166 . Delpech déplore que les artisans français n’aient pas pris exemple sur les
couteliers anglais. Selon lui, ces derniers fabriquent des instruments convexes bien
supérieurs qui disposent de plusieurs avantages. En premier lieu, la courbure s’étend sur la
totalité de la lame et est beaucoup plus prononcée à proximité de la pointe (illustration 44,
fig. 3). Ensuite, la légère courbure du dos permet d’obtenir une pointe suffisamment aiguë
et disposée à peu près au milieu de la largeur de la lame. Enfin, « la lame est évidée, ce qui
fait régner une arête près du dos, et donne beaucoup plus de corps à celui-ci et à toute la
lame » 167 .
Si au moment où est dressé ce bilan peu flatteur des
bistouris proposés en France, les auteurs manifestent une
préférence pour les lames convexes, leurs successeurs
écrivant durant le dernier tiers du XIX e siècle, adoptent une
posture contraire. A la fin des années 1870, H. Chrétien
signale que la « courbure exagérée » du tranchant des
scalpels à lame convexe, lui a toujours parue incommode,
et que ceux qui pratiquent régulièrement la dissection
anatomique « préfèrent de beaucoup les lames dites
droites » 168 . Cependant, entre les années 1810 et 1870, la
lame “droite” a subi d’importantes modifications, et si le
qualificatif demeure, le modèle proposé à la fin du siècle se
révèle très différent. Au milieu des années 1830, le Traité
complet de l’anatomie de Bourgery présente un bistouri
droit dont la lame préfigure les améliorations qui vont lui
être apportées : « le dos et le tranchant, à partir du talon,
se réunissent à l’extrémité de la lame en une pointe aiguë après avoir décrit une légère
courbure » 169 (illustration 104). La partie antérieure de la lame est incurvée de chaque côté,
mais le reste du tranchant demeure globalement rectiligne.
En revanche, l’un des modèles de bistouri de Charrière, fabriqué dans les années
1850, prolonge la courbure sur toute la longueur de la lame 170 (illustration 105). De plus,
166
Delpech, « Bistouri », art. cit., p. 147.
167
Ibid., p. 148.
168
H. Chrétien, « Scalpel », art. cit., pp. 193-194.
169
Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant la médecine opératoire, t. 6 :
Iconographie d’anatomie chirurgicale et de médecine opératoire, 1 ère division, planches lithographiées par
Nicolas-Henri Jacob, Paris, Delaunay, 1837, p. 70.
747
Source : Jean-Marc Bourgery,
Traité complet de l’anatomie de
l’homme, 1837, t. 6, pl. 17.
Illustration 104 : Bistouri droit
(années 1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
cet instrument présente une autre originalité : le tranchant et le dos suivent des courbures
identiques, ce qui forme une « pointe ogivale » 171 placée exactement au centre de la lame.
Malgré cette modification, il demeure que seule l’extrémité de la lame, partie la plus
étroite, est employée. La région postérieure ne servant pas, il est apparu inutile aux yeux de
certains de la rendre tranchante. Forts de ces constatations, d’aucuns ont alors mis au point
une nouvelle lame dont le tranchant est raccourci, alors que le talon est, lui, allongé
(illustration 47). En réduisant l’étendue du tranchant sur une lame qui garde sa longueur
habituelle, la partie la plus large de la lame se trouve décalée vers la pointe. Ainsi,
l’homme de l’art use de la partie la plus solide du bistouri pour pratiquer les incisions. En
outre, l’allongement du talon présente un second avantage : « cette disposition permet de
Source : Cl. Bernard, Ch.
Huette, Spécimen des
instruments de chirurgie
modèles Charrière, 1854, pl. I.
Illustration 105 : Bistouri droit
de Charrière (années 1850).
saisir la lame elle-même par son talon, et de manier
l’instrument avec plus de sûreté » 172 .
Le bistouri droit utilisé à la fin du XIX e siècle est
un savant mélange de plusieurs instruments. Ainsi que le
souligne l’auteur de l’article « Bistouri » du Dictionnaire
Dechambre, les modifications successives subies par
l’objet ont permis de conjuguer les avantages de chacun et
de faire disparaître leurs inconvénients les plus nocifs à la
pratique 173 . Ce modèle semble apporté entière satisfaction.
En effet, au début du XX e siècle, les bistouris droits
proposés par le catalogue de Mathieu présentent une lame
très similaire à celle décrite trois décennies plus tôt
(illustration 48). Cependant, d’autres types de bistouris, et
notamment le modèle à lame convexe, continuent d’être
fabriqués pour des opérations spécifiques. Le catalogue de
Mathieu en offre par exemple sept différents : droit,
convexe, effilé, mousse, boutonné, “de Chassaignac”, “de
Trélat” 174 . Instrument à lame tranchante, essentiel à
l’homme de l’art qui s’adonne à la chirurgie, le modèle
170
Cl. Bernard, Ch. Huette, Spécimen des instruments de chirurgie modèles Charrière, extrait du Précis
iconographique de médecine opératoire, Paris, Méquignon-Marvis, 1854, planche I.
171
Polaillon, « Bistouri », art. cit., p. 546.
172
Ibid.
173
Ibid.
174
Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 65.
748

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
élémentaire des bistouris a évolué de manière flagrante durant le XIX e siècle. D’autres
composants du matériel médico-chirurgical ont également connu quelques évolutions
notables, toujours dans un souci de recherche d’efficacité et de simplicité
Les lames de scie donnent lieu à quelques améliorations au cours du XIX e siècle,
d’abord dans leur forme. La scie à arbre, la plus usitée en chirurgie puisqu’elle permet de
réaliser les résections et les amputations, est peu employée pour les examens cadavériques.
Pour les interventions post mortem, les praticiens utilisent en règle générale des lames
droites montées sur un manche. Le Dr Mérat a, par exemple, mis au point une scie
« propre à scier tous les os dans les ouvertures cadavériques » 175 , et qui présente
l’avantage d’être pliable, donc facilement transportable (illustration 106). Un modèle de
scie s’impose dans les années 1820 et 1830 176 , comme l’instrument privilégié pour les
sections osseuses : la scie à dos mobile (illustration 58). Cependant, certains utilisateurs
considèrent que l’objet présente quelques inconvénients non négligeables : « La scie à dos
mobile est trop flexible et trop légère ; elle ne présente pas assez de solidité ; elle se casse
et s’écaille facilement » 177 .
Source : Dictionnaire des sciences médicales, 1819, t. 38, planche 4.
Illustration 106 : Scie droite pliable de Mérat (années 1810).
175 Bricheteau, « Ouverture (Cadavérique) », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1819, t. 38, planche 4.
176 La naissance de ce modèle de scie n’a pu être fixée précisément. La scie à dos mobile n’est pas décrite au
cours de l’article consacré à ces instruments dans le Dictionnaire des sciences médicales, publié en 1820. Cf.
M. P., « Scie », art. cit., pp. 157-160.
En revanche, l’article « Scie » du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, publié en 1835, la
mentionne, et le Traité complet de l’anatomie de l’homme de Jean-Marc Bourgery, en donne une illustration
en 1837. Cf. Ph. F. Blandin, « Scie », Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir.
d’Andral, Bégin, Blandin et al., Paris, Méquignon-Marvis et Baillière, 1835, t. 14, pp. 553-554 ; Jean-Marc
Bourgery, Traité complet…, op. cit., planche 55.
177 Eric Rochard, « Scie », art. cit., p. 594.
749

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Malgré la tige métallique surmontant la lame, et dont la présence doit renforcer
l’instrument, il semble que le gain de volume, « sa seule qualité » 178 , a lieu au détriment de
sa résistance et de sa puissance. Il convient de se demander si cette remarque peut
s’appliquer à l’ensemble des scies à dos mobile, fabriquées au cours du XIX e siècle, ou si
son auteur ne se réfère pas à un seul spécimen, en l’occurrence celui qui illustre son propos
(illustration 59). Il est permis de penser que l’auteur de l’article a pu, pour étayer son
affirmation, choisir l’exemplaire de scie à dos mobile le plus fragile et ne pas mentionner
les versions plus solides. En effet, en comparant l’instrument présenté dans le Nouveau
dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques avec celui, plus ancien, qui figure dans
le traité d’anatomie de Bourgery (illustration 58), la lame du premier modèle apparaît plus
étroite, et par conséquent plus fragile. La forme triangulaire de la scie présentée par
Bourgery offre une plus grande largeur à la base de la lame, ce qui la rend plus résistante.
A l’inverse, le talon de la lame de l’autre modèle ne paraît pas beaucoup plus large que son
extrémité, ce qui confère à la lame une apparence régulière et effilée.
Source : Cl. Bernard, Ch.
Huette, Spécimen des
instruments de chirurgie
modèles Charrière, 1854, pl. V.
Illustration 107 : Scie à dos
mobile de Charrière (années
1850).
178 Ibid.
179 Jean-Marc Bourgery, Traité complet…, op. cit., planche 55.
Il faut noter que les deux versions de la scie à dos
mobile présentées ci-dessus, sont réalisées par Charrière.
En effet, sur les planches contenues dans l’ouvrage de
Bourgery, il est précisé que les dessins figurent les
« instruments de la fabrique de M. Charrière » 179 . Quant
à l’illustration du Nouveau dictionnaire de médecine et
de chirurgie pratiques, le nom de l’artisan est indiqué sur
la lame (illustration 59). Une autre scie à dos mobile,
fabriquée par Charrière dans les années 1850, n’offre pas
non plus la souplesse reprochée dans les années 1880
(illustration 107). En l’absence d’informations et
d’illustrations relatives aux scies à dos mobile fabriquées
entre les années 1860 et les années 1880, il convient de
rester prudent. Une ébauche d’explication peut cependant
être énoncée : en cherchant à renouveler sans cesse ses
productions, le fabricant parisien a affaibli son
instrument. En outre, Charrière ne propose qu’un modèle
de scie à dos mobile, alors qu’il fabrique des scies à
750

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
arbres de deux tailles différentes, une « petite » et une « ordinaire » 180 .
Là réside la principale avancée des fabriques du dernier tiers du XIX e siècle. Elles
produisent plusieurs versions de la scie à dos mobile. Le catalogue de Galante, en 1885, en
propose trois modèles, une petite, une moyenne et une grande, sans plus de précisions 181 .
Le catalogue de Natton, qui en figure cinq modèles, indique la longueur de chacun : la plus
petite mesure 22 cm et la plus grande 42 cm 182 . Mais plus que dans la longueur de la lame,
leur solidité réside dans la largeur de celle-ci. D’une part, les modèles présentés dans les
catalogues de fabricants comme Natton 183 ou Mathieu 184 , montrent une scie dont la lame
est presque aussi large que le manche (illustration 108). Les anciennes versions offrent, en
revanche, un manche dépassant de beaucoup la lame. D’autre part, sans aller jusqu’à dire
que cette dernière conserve une largeur égale sur la totalité de sa longueur, il apparaît que
le rétrécissement à son extrémité est moins marqué. Et cela se constate même dans les
exemplaires de taille réduite. Les petites scies à dos mobile fabriquées au début du XX e
siècle reprennent la forme des lames des années 1830, avec une base aussi large que le
manche et une extrémité plus étroite (illustration 109). Ainsi, l’homme de l’art est assuré
de pouvoir sectionner l’os sans difficulté et sans risque d’une manœuvre malencontreuse
consécutive à la souplesse ou à la vulnérabilité de la lame de son instrument. Mais la
valeur des scies, que ce soient les versions à dos mobile, à arbre ou les trépans, réside
également dans la qualité des dents dont sont pourvues leurs lames.
Source : P. Natton, Instruments et appareils de l’art médical, Paris, Grandrémy, 1900, p. 11.
Illustration 108 : Scie à dos mobile de Natton (années 1900).
180
Cl. Bernard, Ch. Huette, Spécimen des instruments…, op. cit., p. IV et planche IV.
181
Henry Galante, Catalogue illustré…, op. cit., p. 3.
182
P. Natton, Instruments et appareils…, op. cit., p. 11.
183
Ibid.
184
Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 6.
751

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Henri Dutar, Instruments et appareils. Chirurgie et médecine, Paris, 1909, p. 92.
Illustration 109 : Petite scie à dos mobile de Dutar (années 1900).
Pour les modèles de scies à dos mobile et à arbre, soumises à un mouvement de va-
et-vient, les dentelures de la lame doivent avoir une position et une orientation bien
précises, en vue d’accroître leur efficacité :
« [les dents sont] faites à la lime et tournées de manière qu’elles paraissent se jeter
alternativement en dehors et former deux lignes parallèles, ce qui donne beaucoup de voie
à l’instrument, et fait qu’il passe avec beaucoup de facilité et sans s’arrêter » 185 .
Une autre description des dents de la lame de scie, rapportée dans un dictionnaire médical
édité quelques décennies plus tard, indique une orientation supplémentaire de celles-ci :
elles « sont faites à la lime, dirigées vers la branche antérieure et déjetées alternativement
à droite et à gauche, de façon à former des lignes parallèles qui, en agissant sur l’os, y
creusent ce qu’on appelle la voie de la scie » 186 . Ainsi, outre une inclinaison latérale, les
dents sont dirigées vers l’avant, et agissent sur l’os lors de la poussée de l’instrument. La
disposition des dents sur la lame améliore l’efficacité de l’objet, mais n’apporte aucune
sécurité à son emploi.
Un autre inconvénient, souligné par les utilisateurs
d’instruments à lame dentée, est qu’il existe toujours un
risque de porter trop profondément l’objet, et par
conséquent, d’altérer les tissus sous-jacents, telles les
méninges dans le cas de la section de la calotte
crânienne 187 . L’opérateur doit avoir soin d’arrêter la
division dès lors qu’il a franchi l’épaisseur de l’os. Mais, le
manipulateur de la scie peut avoir des difficultés à retenir
son geste à l’instant précis où la scie dépasse la partie
osseuse. Par mesure de sécurité, d’aucuns au mis au point
185 M. P., « Scie », art. cit., p. 158.
186 Eric Rochard, « Scie », art. cit., p. 593.
187 M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, op. cit., p. 97.
752
Source : Jean-Marc Bourgery,
Traité complet de l’anatomie de
l’homme, 1837, t. 6, pl. 53.
Illustration 110 : Curseur à
fixer sur la couronne du trépan
(années 1830).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
des systèmes qui limitent l’avancée de la lame. Les trépans sont les premiers instruments à
en bénéficier. Un petit objet, dont la paternité est attribuée par plusieurs sources à
Charrière 188 , doit être fixé sur la couronne pour limiter l’avancée de cette dernière, grâce à
son bourrelet 189 (illustration 110). Au vu de l’illustration publiée en 1888 dans le Nouveau
dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, l’objet n’a pas subi de modification
significative depuis les années 1830 (illustration 62). Il s’agit toujours d’un « petit curseur
annulaire mousse qui se moule exactement sur la couronne et qu’une vis de pression […]
permet d’élever ou d’abaisser à volonté » 190 . Le principe d’un curseur mobile qui empêche
la lame d’aller plus loin, a été repris par Mathieu pour l’adapter à une scie droite classique
(illustration 111). Les trois encoches pratiquées dans la largeur de la lame permettent de
faire monter ou descendre le guide à volonté. Pourvue de cette modification, la scie perd
son statut d’instrument classique et bascule dans le groupe du matériel spécialisé, car elle
ne peut être employée qu’à la section du crâne, ainsi que le stipule sa dénomination dans le
catalogue : « scie graduée avec guide de Mathieu pour enlever la calotte crânienne » 191 .
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 6.
Illustration 111 : Scie graduée avec guide de Mathieu (années 1900).
Pour d’autres objets, les variations apportées à leur forme sont considérables, au
point que seule leur utilisation permet de les rapprocher des anciens modèles. Les rugines
imaginées et utilisées par Ollier, pour débarrasser l’os de son périoste, ne ressemblent en
rien aux rugines habituellement décrites. Elles sont constituées d’une plaque biseautée
fixée par une de ses faces à une tige (illustration 73). Dans les modèles d’Ollier, « la tige
s’aplatit en forme de petite pelle taillée en biseau à son extrémité » 192 , ce qui donne à
l’objet une forte ressemblance avec le ciseau (illustration 112).
188 A. Poulet, « Trépan », art. cit., p. 159.
189 « Trépan », art. cit., p. 196.
190 A. Poulet, « Trépan », art. cit., p. 159.
191 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 6.
192 Amédée Dechambre, « Rugination. Rugines », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous
la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1876, 3 ème série, t. 5, p. 588.
753

Source : Nouveau dictionnaire de
médecine et de chirurgie pratiques,
1882, t. 31, p. 174.
Illustration 112 : Rugines d’Ollier
(années 1882).
- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Si les utilisateurs et les fabricants
d’instruments de chirurgie et de dissection ont
focalisé leur efforts pour améliorer les lames, c’est-à-
dire la partie qui agit, ils n’ont pas omis de porter leur
attention sur les manches, l’élément qui fait agir
l’objet. Une bonne prise en main assure la maîtrise et
garantit une action volontaire. Pour les manches aussi
les inventeurs sont mus par la recherche de
l’efficacité, mêlée à la simplicité. Dans l’article
« Instrument » du Dictionnaire des sciences
médicales, de vives critiques sont élevées contre les
objets trop sculptés : « Nous condamnons ces vains
ornements d’or, d’argent, etc., qui ne sont qu’une
surcharge embarrassante » 193 . Les savants des
siècles précédents ont eu tendance à confondre “objets d’intervention” et “objets
d’ornementation”. Procédant à un petit historique du matériel de chirurgie, Percy et
Laurent déplorent qu’au XVI e siècle, Ambroise Paré ait cédé à « l’influence de la mode
d’alors » 194 . Celui qui est considéré comme le fondateur de la chirurgie moderne,
s’intéresse à « la perfection des instruments de chirurgie, et [sent] le besoin de leur donner
des formes plus commodes » 195 . Pourtant, il fait « sculpter et charger d’ornemens (sic) les
manches des instrumens (sic) dont il se [sert] » 196 .
La sobriété du nécessaire médical est déjà bien intégrée par les fabricants, au début
du XIX e siècle. Les couteaux, les bistouris, les scies, les pinces, les ciseaux-burins et autres
gouges possèdent des manches sans fioritures. Cependant, cette partie demande encore
quelques améliorations relatives à une prise en main solide et assurée de l’objet. Les
manches d’instruments comme le couteau, la scie, le ciseau ou la gouge, doivent avoir une
conformation particulière, car la force que leur utilisation nécessite peut être amoindrie par
leur tendance à glisser dans la main de l’opérateur. Pour remédier à cet inconvénient, les
fabricants ont centré leur attention sur deux facteurs : d’une part, donner au manche une
forme qui facilite son maintien et sa mise en œuvre, et d’autre part, lui offrir une surface
moins lisse.
193 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 426.
194 Ibid., p. 418.
195 Ibid.
196 Ibid.
754

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Les manches des couteaux présentés dans le Dictionnaire des sciences médicales,
au début des années 1810, sont « à pans », c’est-à-dire de forme carrée, car « s’il[s]
étai[en]t rond[s], il[s] pourrai[en]t glisser ou tourner dans la main » 197 (illustration 43).
Cependant, la rectitude et les arêtes du manche peuvent le rendre inconfortable pour
l’utilisateur. Les couteaux de la seconde moitié du XIX e siècle présentent des manches qui,
en étant toujours à pans 198 , ont une forme générale plus arrondie et des arêtes moins
marquées (illustration 113). De plus, grâce à une extrémité élargie et épaissie, le manche
est bien placé dans le creux de la main. Les mêmes remarques peuvent être formulées
concernant les scies. Le modèle pliable de Mérat offre un manche rectiligne et sans
beaucoup de prise (illustration 106). Les scies de Charrière, présentées dans le Traité
complet de l’anatomie de l’homme de Bourgery, sont pourvues de manches arrondis et
légèrement incurvés, sur lesquels la main s’adapte absolument (illustrations 58 et 60).
Thomas Harris, dans la traduction de son Manuel d’autopsies publiée en 1888,
recommande l’emploi d’une scie pourvue d’un manche courbe, car les « manches droits
sont incommodes » 199 .
Source : Cl. Bernard, Ch. Huette, Spécimen des instruments de chirurgie modèles Charrière, 1854, pl. III.
Illustration 113 : Couteau de Charrière (années 1850).
La courbure du manche donne une position plus confortable au manipulateur, car
elle provoque un fléchissement du poignet qui permet à l’épaule d’être plus horizontale et
au bras d’être plus près du corps. Ensuite, la partie large du manche venant s’appuyer dans
le talon de la main, l’opérateur peut imprimer plus de puissance à son mouvement. Une
telle disposition s’est imposée comme la meilleure forme pour les manches des scies à
main, puisque les exemplaires fabriqués à l’aube du XX e siècle l’adoptent toujours
(illustration 108). Le volume du manche est aussi primordial, dès lors que l’homme de l’art
doit l’employer avec une certaine force. Alors que le ciseau ou la gouge classiques
197
Mouton, « Couteau », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al.,
Paris, Panckoucke, 1813, t. 7, p. 229.
198
H. Chrétien, « Couteaux à opérations », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879, 1 ère série, t. 22, p. 86.
199
Thomas Harris, Manuel d’autopsies…, op. cit., p. 2.
755

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
présentent un corps uniforme et relativement mince (illustrations 65 et 69), la gouge du
docteur Legouest dispose d’un manche court et dont l’extrémité bombée permet une prise
en main solide (illustration 114). L’objet possède cette forme particulière, qui rappelle
celle des rugines d’Ollier (illustration 112), parce qu’il est manœuvré à la seule force du
bras et non grâce à un maillet.
756
Quant aux instruments qui ne
requièrent pas de la force mais de la fermeté,
les améliorations apportées au manche
concernent leur surface plus que leur volume
ou leur forme. Une surface trop lisse empêche
d’assurer la prise. Par conséquent, les pinces à
dissection sont très tôt pourvues de « petites
inégalités transversales » 200 , qui permettent
aux doigts “d’accrocher” (illustration 74). L’idée est reprise pour nombre d’objets : ciseau,
gouge, couteau, scie, marteau. Leurs manches présentent soit des rainures, soit un
quadrillage de stries (illustrations 56, 60, 68, 71, 72 et 113). Cependant, les impératifs liés
à l’hygiène et à l’asepsie, qui ritualisent et dictent le comportement des praticiens dans les
dernières décennies du XIX e siècle, remettent en cause la réalisation de tels manches. Les
aspérités du quadrillage sont presque impossibles à nettoyer correctement 201 . En outre, aux
dires de certains utilisateurs, les « stries obliques tracées jadis sur les instruments » ont
l’inconvénient de « froisser l’épiderme » 202 , c’est-à-dire de laisser leur empreinte dans la
paume et sur les doigts de l’opérateur. Une nouvelle amélioration, apportée par certains
fabricants, parmi lesquels Collin, permet de pallier ce désagrément. Les manches des
instruments les plus volumineux et dont l’emploi nécessite un peu de force, ont une surface
« creusée de dépressions transversales assurant la fixité de la main » 203 . C’est le cas du
maillet par exemple (illustration 115). Chaque doigt se place dans un des creux et assure
ainsi la prise.
200 Patissier, « Pinces », art. cit., p. 458.
201 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 30.
202 Ibid.
203 Ibid.
Source : Nouveau dictionnaire de
médecine et de chirurgie pratiques,
1882, t. 31, 179.
Illustration 114 : Gouge coudée de
Legouest (années 1880).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, p. 35.
Illustration 115 : Maillet avec dépressions pour les doigts (années 1900).
La seule préoccupation des artisans et des utilisateurs en ce qui concerne les
instruments de volume réduit, demandant peu de force et beaucoup de précision dans leur
usage, s’attache à la solidité de leur manche. Le matériel pliable peut être sujet à une telle
faiblesse : « Les pièces qui la [la châsse des bistouris] composent seront assez larges pour
renfermer la lame toute entière, et assez épaisses partout pour résister aux efforts qu’elles
ont de temps en temps à soutenir » 204 . Mais la solidité des manches, et donc l’utilisation de
l’objet en toute sécurité, dépendent de deux autres facteurs sur lesquels l’attention des
couteliers s’est également portée : les systèmes de fixation et les matériaux employés.
2) Solidité et démontage : les systèmes de fixation
L’immobilité des lames constitue un enjeu essentiel de la construction des
instruments qui se démontent, se plient ou se meuvent grâce à un pivot. Au début du siècle,
les bistouris à lame repliable possèdent des attaches qui ont l’inconvénient de s’user
rapidement et de prendre du jeu :
« Le mode d’assemblage des deux pièces du bistouri, est communément un clou rond à tête
ou à rosette, qui permet à la lame de ployer sur la châsse, et de se cacher entre les jumelles
de cette dernière ; une queue prolongée au-delà du talon de la lame, et terminée par deux
ailes ou par un marteau, vient battre derrière la châsse et arrêter le lame au degré complet
d’ouverture. Il résulte de ce mode le léger inconvénient qu’au bout de quelque temps le
clou se relâche et la lame joue un peu trop librement » 205 .
En outre, l’espace existant entre les deux jumelles, dans lequel vient se placer la lame, rend
l’instrument trop flexible aux yeux de certains utilisateurs qui, par conséquent, préfèrent
les bistouris à lame fixe 206 . Le fabricant d’instruments Mathieu est parvenu à supprimer ces
204 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 426.
205 Delpech, « Bistouri », art. cit., p. 146.
206 Ch. Sarazin, « Bistouri », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1866, t. 5, p. 128.
757

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
deux désagréments, avec son modèle de bistouri « à valves métalliques pivotantes » 207
(illustration 116). Alors que pour les anciens spécimens la lame pivotait autour d’un axe
pour se loger dans le manche, pour le modèle de Mathieu, les deux côtés du manche – les
valves en question – se séparent, s’écartent, pivotent et viennent se placer de part et d’autre
de la lame. Ainsi, lorsque la lame est déployée, les deux parties du manche sont
absolument rassemblées. Cependant, il ne s’agit pas d’une complète découverte de la part
du fabricant, mais plutôt d’une adaptation. Les lancettes, ces petits instruments utilisés
pour les saignées, sont construites avec des manches semblables depuis des décennies :
« petit instrument de chirurgie, composé d’une lame à deux tranchans (sic), mobile sur une
chasse formée de deux petites plaques d’écaille ou de corne, également mobiles » 208
(illustration 117).
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie,
15 ème éd., Paris, 1907, p. 52.
Illustration 116 : Bistouri pliable à valves
métalliques de Mathieu (années 1900).
Mathieu n’est pas le premier à emprunter ce système. Quelques années auparavant,
Charrière s’en est inspiré pour fabriquer un manche de bistouri démontable. En parallèle
des modifications apportées au système permettant d’escamoter la lame du bistouri dans le
manche, les savants et les artisans cherchent des moyens qui faciliteraient le démontage de
l’instrument. L’enjeu est double : d’une part, faciliter le nettoyage de l’objet ; d’autre part,
permettre de retirer la lame pour en placer une autre de forme différente ou simplement de
la remplacer par une neuve si elle est usagée. Ces objectifs, Charrière tentent de les remplir
dans les années 1860, quand il propose de nouveaux modèles de lames et de manches
interchangeables, ne nécessitant pas une manipulation trop complexe. Le manche
207 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 52.
208 J. B. Monfalcon, « Lancette », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir d’Adelon, Alibert, Barbier
et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 27, p. 220.
758
Source : Henri Dutar,
Instruments et appareils.
Chirurgie et médecine,
Paris, 1909, p. 60.
Illustration 117 : Lancette
de Dutar (années 1900).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
démontable de Charrière se compose de deux valves de tailles différentes, rassemblées à
l’une de leur extrémité par un clou. Le côté long porte un tenon qui se glisse dans le trou
situé au bout du côté court, ce qui maintient les deux faces du manche assemblées
(illustration 118). Les talons des lames portent en leur milieu, une « échancrure dans
laquelle on engage le clou qui sert à maintenir les deux côtés du manche » 209 . Un trou est
réalisé à leur extrémité. S’y insère le clou disposé sur la face interne du manche, ce qui
empêche tout mouvement des lames.
Source : J. Charrière, Note accompagnée Source : Journal de médecine et de chirurgie pratiques
de planches représentant les instruments 1888, t. 59, n°13 761, p. 82.
nouveaux 1863, pl. 1.
Illustration 118 : Scalpel de Charrière, Illustration 119 : Bistouris démontables de Mathieu
position démontée (années 1860). (années 1880).
D’autres versions de manches démontables, présentés par Galante et Mathieu dans
les années 1880, sont des adaptations du système précédent. Le bistouri démontant de
Galante présente trois échancrures sur le talon (illustration 46). Les deux découpes
supérieures sont disposées de chaque côté du talon. Outre la rotation, elles ont l’avantage
de bloquer solidement la lame. Cependant, c’est grâce à la troisième échancrure, pratiquée
dans la longueur et non en travers du talon, que la lame ne bouge plus. Quant aux deux
209 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 8.
759

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
nouveaux exemplaires de Mathieu, « le manche et la lame se trouvent fixés en faisant
entrer le têton (sic) d’une des côtes dans l’entre-deux de l’autre » 210 (illustration119).
Mais plus que les instruments pliables, ce sont les instruments à deux branches qui
retiennent l’attention et l’ingéniosité des artisans et des médecins. La fixation des paires de
ciseaux est particulièrement vulnérable, en raison de l’action répétée des branches.
Charrière en fait le constat : « la vis à l’aide de laquelle sont articulées les deux branches
de ces instruments finit toujours par se desserrer » 211 . L’artisan est d’autant plus prompt à
formuler des critiques qu’il propose, dans les années 1850-1860, un autre système
d’articulation dont il pourvoit ses paires de ciseaux et les autres instruments à deux
branches de son catalogue. Il remplace la vis par un tenon, rivé sur une des branches, et qui
s’insère dans le trou pratiqué sur l’autre branche 212 . Le Journal de médecine et de chirurgie
pratiques, rapportant la modification, indique que « le principal avantage de cette
disposition consiste surtout en ce que les branches, qui sont unies entre elles par un corps
fixe et rivé, ne s’écartent plus lorsque l’instrument vient à se fatiguer » 213 . La rédaction du
journal, en vue d’objectivité, porte à la connaissance du lectorat que réclamation a été porté
par plusieurs couteliers « contre la communication de M. Charrière, affirmant que cette
modification était connue dans la coutellerie depuis longues années, et qu’elle n’offrait
point les avantages qu’on prétendait aujourd’hui lui trouver » 214 . Relativement à la
seconde remarque, même si l’articulation par tenon n’est pas parfaite, au même titre que
celle à vis, il demeure qu’elle perdure dans la fabrique d’instruments de chirurgie : tant le
catalogue de Galante dans les années 1880 215 , que ceux de Natton 216 et de Mathieu 217 dans
les années 1900, proposent des paires de ciseaux à tenon.
Un dernier impératif doit être pris en considération, par les fabricants
d’instruments, au sujet des fixations : « aucun instrument ne doit présenter à sa surface
d’aspérité rugueuse (vis, branches des ciseaux, articulation du costotome…) » 218 . Une telle
condition doit permettre de limiter les risques de blessures, tant des tissus avec lesquels ils
sont mis en contact lors de l’intervention, que des mains de l’opérateur. Une vis trop
210
« Nouveaux manches d’instruments », Appareils et instruments nouveaux, Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Daix, 1888, t. 59, n°13 761, p. 82.
211
J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 5.
212
Ibid.
213
« Académie des sciences. Ciseaux », art. cit., p. 272.
214
Ibid.
215
Henry Galante, Catalogue illustré…, op. cit., p. 23.
216
P. Natton, Instruments et appareils…, op. cit., p. 8.
217
Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 66.
218
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 30.
760

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
proéminente, abîmée par les resserrages répétés, peut présenter des arêtes tranchantes. Par
conséquent, les artisans tentent de diminuer le nombre et le volume des systèmes d’attache
des différents instruments. Entre les deux modèles de scie à arbre de Charrière, présentés
dans le traité d’anatomie de Bourgery en 1837 pour le premier 219 , et dans le Nouveau
dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques en 1882 pour le second 220 , les fixations
qui maintiennent la lame ont subi quelques modifications. Dans la version des années
1830, le feuillet est tenu par des vis ou des écrous qui fixent ses deux extrémités à chaque
branche de l’arbre (illustration 60). Une mollette, disposée sur la branche antérieure,
permet ensuite de tendre ou de détendre le feuillet. Dans le modèle des années 1880, les vis
ont disparu et c’est grâce à des tenons que la lame est ajustée sur les branches (illustration
120) :
« La branche antérieure […] présente à son extrémité inférieure une échancrure dans
laquelle passe un tenon qui est fixé au feuillet. La branche postérieure est percée
inférieurement d’un orifice quadrangulaire dans lequel s’engage une petite pièce d’acier
qui reçoit d’un côté le feuillet fixé par un tenon et qui de l’autre présente un pas de
vis » 221 .
Le maintien complet de la lame est effectué au moyen d’une mollette de vissage qui
« rapproche ou éloigne la petite pièce d’acier et à son tour tend ou détend le feuillet » 222 .
Ainsi, en remplaçant le système de vis ou d’écrous par de simples tenons, Charrière
supprime des saillies pouvant présenter des irrégularités dangereuses et qui, à force d’être
manœuvrées, peuvent s’affaiblir. De plus, ces modalités d’attache simplifiées facilitent le
changement du feuillet qui peut alors s’effectuer plus rapidement.
Source : Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, 1882, t. 32, p. 593.
Illustration 120 : Scie à arbre (années 1880).
219 Jean-Marc Bourgery, Traité complet…, op. cit., planche 55.
220 Eric Rochard, « Scie », art. cit., p. 593.
221 Ibid.
222 Ibid.
761

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Parfaire les systèmes d’articulation et de fixation des instruments, en vue de rendre
plus aisé leur démontage, vise un autre objectif, celui d’améliorer leur nettoyage. Alors
qu’il tente de démontrer la supériorité de son modèle à tenon, Charrière souligne que le
« second inconvénient » des instruments à deux branches maintenus par une vis, est que
« ne pouvant pas être nettoyés dans leur articulation, la rouille finit par s’en emparer, et
par altérer ainsi les lames et le jeu de l’articulation » 223 . Le procédé du tenon et de la
mortaise proposé par Charrière, permet de séparer les deux branches, grâce à l’écartement
maximum de ces dernières. L’argument est également mis en avant par Mathieu lors de la
promotion de ses « nouveaux manches d’instruments » : « Ces deux nouveaux manches
présentent, sur les précédents les avantages suivants : 1° Nettoyage et désinfection faciles
tant de la lame que de l’intérieur du manche » 224 . Mais, le perfectionnement d’un
instrument peut aussi en compliquer l’entretien. Des aiguilles à chas mobiles sont mises au
point pour faciliter les sutures et les ligatures. L’instrument « se compose d’une aiguille
longue montée sur un manche et ayant un chas mobile. La partie mobile qui ferme le chas
est une tige d’acier courant dans une rainure et mue par un bouton latéral » 225 (illustration
121). En contrepartie de l’avantage technique qu’elles procurent, les aiguilles de ce type
« sont d’un nettoyage beaucoup plus délicat, plus difficile que celui d’une aiguille
ordinaire, parce qu’ils sont plus ou moins volumineux et compliqués » 226 . Les techniques
de nettoyage employées sont inefficaces, en raison des irrégularités, des crêtes et des creux
qu’offre le mécanisme, ou elles dégradent l’objet : « L’action de la température élevée,
l’action même de l’eau qui bout, altère les pointes, détrempe les aiguilles, détériore les
manches » 227 . Dans ces conditions, les matériaux employés pour leur fabrication
deviennent aussi un facteur de l’amélioration des instruments de chirurgie.
Source : de médecine et de chirurgie pratiques, 1892, t. 63, n°15 353, p. 851.
Illustration 121 : Aiguille à chas mobile (années 1890).
223 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 5.
224 « Nouveaux manches d’instruments », art. cit., p. 81.
225 Lucas-Championnière, « Sur les instruments utilisés pour les sutures », Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Daix, 1892, t. 63, n°15 353, p. 850.
226 Ibid., p. 849.
227 Ibid.
762

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
3) Le choix des matériaux
Les réflexions qui s’attachent aux matériaux dans lesquels est construit
l’équipement médico-chirurgical répondent à une double préoccupation : d’une part, avoir
les qualités requises pour effectuer l’acte auquel l’objet est destiné ; d’autre part, être
suffisamment solides pour empêcher une détérioration trop rapide, consécutive à l’usage et
à l’entretien de ce matériel.
Pour les instruments qui incisent, sectionnent, scient, fendent ou raclent, leur
efficacité d’action réside dans les vertus de la lame, des branches ou de la plaque biseautée.
Maurice Letulle les résume ainsi : « une lame solide, bien trempée, dont le tranchant est
affilé et ne craint pas le repassage » 228 . Le métal dans lequel sont découpées les lames
tranchantes doit être suffisamment résistant pour supporter les aiguisages réguliers et
présenter un fil parfait, sans aucune irrégularité, tout en étant assez malléable pour ne pas
se briser ou se fendre au moindre choc. L’acier, alliage de fer et de carbone présente ces
caractéristiques, à condition d’être correctement produit puis travaillé. La fabrication de
l’acier est connue depuis l’Antiquité 229 et il entre dans la composition des célèbres lames
“de Damas” confectionnées à l’époque médiévale 230 . Cependant, ce n’est que depuis le
milieu du XVIII e siècle que l’acier est produit en masse en Europe. 231 . Il existe trois sortes
d’acier, dont la qualité varie en fonction du processus utilisé pour l’obtenir. L’acier naturel
est le résultat de la décarburation de la fonte, c’est-à-dire de l’abaissement du taux de
carbone qui, mêlé au fer, donne la fonte. Le procédé inverse, la recarburation du fer,
produit l’acier cémenté. Enfin, en portant à haute température de l’acier cémenté dans un
creuset spécial, celui-ci entre en fusion et devient de l’acier fondu 232 . C’est ce dernier qui
offre le plus de qualités pour les « instruments qui exigent dureté et poli, un grain parfait,
l’absence de “pailles” » 233 . Outre les outils de précision et le matériel d’horlogerie, il
s’avère idéal pour la fabrication des instruments de chirurgie 234 . Le Dictionnaire des
228
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 30.
229
Pierre Routhier, Voyage au monde du métal. Inventions et aventures, Paris, Belin, Regards sur la science,
1999, p. 114.
230
Les épées damassées ou de Damas ont une structure centrale composée de barres qui alternent des lames
de fer et des lames d’acier, et d’une autre barre d’acier qui forme le tranchant.
Cf. l’explication de leur fabrication dans ibid., p. 115.
231
Maurice Daumas (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. III : L’expansion du machinisme,
par Marguerite Dubuisson, Jean-Baptiste Ache, Maurice Audin et al., introduction de Maurice Daumas,
Paris, PUF, 1968, p. 600.
232
Denis Woronoff, L’industrie sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, préface d’Ernest
Labrousse, Paris, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1984, pp. 349-350.
233
Ibid., p. 350.
234 Ibid.
763

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
sciences médicales, par l’intermédiaire de la plume de Percy et Laurent, en vante les
propriétés, bien supérieures à celles des autres aciers produits :
« […] il convient de toujours choisir le meilleur acier pour la confection de ceux [les
instruments] qui sont destinés à diviser nos tissus. Celui d’Angleterre, connu sous le nom
d’acier fondu, est préférable aux aciers de Suède, d’Allemagne et du Dauphiné, quoique
bons d’ailleurs, mais qui n’ont ni le grain assez fin, ni le corps et l’étoffe assez lians (sic),
pour fournir un tranchant à la fois subtil, doux et solide » 235 .
L’acier fondu, mis au point par un Anglais au milieu du XVIII e siècle, est fabriqué
exclusivement outre-Manche, ce qui place les fabricants français dans une situation de
dépendance vis-à-vis des aciéries anglaises. Or, les conflits qui opposent les deux nations à
l’aube du XIX e siècle, interrompent de facto les échanges commerciaux. Les recherches en
matière de sidérurgie sont alors vivement encouragées, par l’Etat français comme par des
sociétés savantes. En 1807, la Société d’encouragement par exemple, met au concours la
question de la production massive d’acier fondu, à prix modique 236 . L’auteur de l’article
« Bistouri » du Dictionnaire abrégé des sciences médicales affirme, non sans une pointe de
fierté patriotique, que l’industrie française est parvenue à obtenir des aciers qui « ne cèdent
en rien aux aciers anglais » 237 . Il cite alors les instruments fabriqués par le renommé Sir-
Henry, fournisseur de l’Ecole de médecine de Paris en ce début de XIX e siècle : ses
instruments, dont l’acier imite « celui des fameuses lames de Damas », sont « susceptibles
de recevoir un aussi beau poli que les autres » et possèdent un « tranchant si dur qu’il
entame le fer avec la plus grande facilité » 238 .
En sus de la procédure d’obtention de l’acier, matière semi-brute avec laquelle sont
fabriquées les lames de couteaux, de bistouris ou les branches de ciseaux, ce qui importe
c’est la manière dont le métal est ensuite travaillé par le coutelier. La majorité des auteurs
qui s’attachent à décrire les instruments incisants, sciants, sectionnants ou raclants,
stipulent que le métal employé pour leur fabrication doit être de l’acier trempé. Le principe
de la trempe est également connu depuis l’Antiquité 239 . Combinée au phénomène de recuit,
elle permet au métal d’acquérir les qualités requises 240 . L’acier trempé est produit en
portant le métal à une très haute température, puis en le refroidissant rapidement, par
235
Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 421.
236
Denis Woronoff, L’industrie sidérurgique…, op. cit., p. 360.
237
« Bistouri », art. cit., p. 11.
238
Ibid.
239
Pierre Routhier, Voyage au monde…, op. cit., p. 114.
240
Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 425.
764

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
immersion dans un liquide 241 . Le procédé de chauffage intense suivi d’un refroidissement
accroît la dureté du métal, mais en contrepartie lui retire de sa souplesse 242 . Pour retrouver
l’élasticité nécessaire à l’acquisition d’un tranchant solide, sans pour autant qu’il
s’ébrèche, le métal est recuit : il est à nouveau chauffé pour être porté à la température
correspondant à la dureté souhaitée 243 . La durée et la puissance du recuit sont fonction de
l’usage auquel l’acier est destiné. Un rasoir, une hache, un couteau ou une scie ne
requièrent pas des aciers identiques. Or, pour désigner le recuit ad hoc, les artisans utilisent
les nuances de couleur par lesquelles passe le métal, du jaune pâle pour les lancettes au
bleu noir pour les scies 244 .
Les écrits médicaux qui s’intéressent à la question entrent très rarement dans de
telles considérations. Les auteurs se contentent d’indiquer que les lames des instruments
sont en acier. Au mieux précisent-ils que celui-ci est trempé. Les informations relatives à
une modification éventuelle de la fabrication des tranchants, échappent le plus souvent au
chercheur. Les rares indications trouvées concernent le feuillet de la scie à arbre. En 1820,
le Dictionnaire des sciences médicales précise que la lame est constituée d’un « morceau
d’acier battu à froid quand il est presque entièrement construit, afin qu’en resserrant par
cette pratique les pores de l’acier, il devienne plus élastique » 245 . Le procédé, décrit en
1882 par le Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques pour façonner le
feuillet de la scie à arbre, est quelque peu différent : « une lame d’acier trempé et recuit
jusqu’au bleu » 246 . Les fabricants sont également peu prolixes sur les méthodes
d’élaboration de leurs produits. Les catalogues d’instruments consultés ne fournissent
aucune précision quant aux procédés et autres secrets de fabrication de leur matériel
médico-chirurgical. Les avis, préfaces et autres textes introductifs qui ouvrent certains
d’entre eux n’en font pas mention. Charrière est un des rares à fournir des précisions sur le
sujet, indications qui ont pour principal objectif de démontrer la supériorité des lames qu’il
emploie.
Les utilisateurs de scalpels se plaignent de la fragilité et de « l’usure rapide des
tranchants » 247 . Outre la mise au point de modèles à deux lames et démontables, Charrière
se propose de leur fournir du matériel de bonne qualité. Pour cela, il s’intéresse à la
241
L. Grandeau, « Acier. Aciération », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. de
Raige-Delorme et Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1864, 1 ère série, t. 1, p. 549.
242
Ibid., p. 551.
243
Ibid., p. 552.
244
Ibid.
245
M. P., « Scie », art. cit., p. 158.
246
Eric Rochard, « Scie », art. cit., p. 593.
247
J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 11.
765

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
fabrication de la plaque d’acier dans laquelle sont découpées les lames. Selon ses dires,
jusqu’à présent, celles-ci « sont forgées à l’extrémité d’une barre d’acier, qu’on […]
élargit avec le marteau afin de faire le tranchant » 248 . Il estime que « les lames fabriquées
de cette manière ne sont pas de qualité irréprochable, car les fibres conservent bien leur
sens longitudinal, mais le sens tranversal est modifié par le martelage » 249 . Son procédé
pallie cet inconvénient. Charrière fait fabriquer des plaques d’acier fondu dont la largeur
correspond exactement à la longueur des lames. Dans la mesure où l’étirement du métal se
produit dans le sens des fibres, ces dernières seront toujours transversales dans les lames
découpées, « c’est-à-dire dans le sens où il faut le plus de résistance » 250 . De plus, les
lames ainsi obtenues ne nécessitent pas d’être beaucoup travaillées ; elles conservent toute
leur solidité 251 .
Si les artisans couteliers parviennent à obtenir des tranchants fins, solides et
résistants au repassage régulier sur la pierre à aiguiser, ils demeurent confronter au
problème de leur détérioration, consécutive à la formation de la rouille. Les modifications
des systèmes de fixation sont une des réponses apportées à ce problème. Les recherches sur
les matériaux utilisés en sont une autre. Au début des années 1840, Charrière propose une
solution qui n’a semble-t-il pas été appliquée par la suite, malgré « les espérances que ce
procédé fait concevoir » 252 . Il consiste à recouvrir les instruments d’une mince couche
d’or, d’argent ou de platine. Charrière assure que ceux-ci conservent tranchant et solidité.
De plus, ils résistent à l’action de la rouille, même en étant « abandonnés dans les chairs
putréfiées et dans la sanie pendant plusieurs jours » 253 . Est-ce l’augmentation du prix, que
Charrière estime pourtant minime, qui freinent les artisans et les praticiens ? Ou est-ce
l’impossibilité d’aiguiser ces lames sans obligatoirement retirer la couche d’or ou d’argent,
ce qui de fait supprime la protection contre la rouille ? Toujours est-il que l’acier trempé à
nu demeure le plus souvent employé pour fabriquer les lames tranchantes. En revanche, les
instruments servant à sonder, explorer ou encore insuffler, disposent d’un éventail plus
large de matériaux.
Les corps des pinces, des gouges et burins, des sondes, des érignes, des scies à
arbres, des tubes à insuffler, sont construits dans divers matériaux durant le XIX e siècle. Le
248 Ibid., p. 12.
249 Ibid.
250 Ibid.
251 Ibid.
252 « Instruments de chirurgie dorés, argentés ou platinisés par le procédé de M. de Ruoltz », Sociétés
savantes, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des praticiens, Paris, Schneider et
Langrand, t. 13, n°2402, p. 184.
253 Ibid.
766

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
fer, encore utilisé dans les années 1820, disparaît peu à peu au profit de l’acier qui, lui, à
l’avantage d’allier souplesse et solidité. La scie décrite dans un dictionnaire médical, en
1820, est pourvue d’un arbre « ordinairement de fer » 254 , alors que celle présentée dans un
autre dictionnaire, en 1882, dispose d’une « tige d’acier » 255 . Cependant, il ne s’agit pas du
métal usité pour les lames, puisque les propriétés recherchées sont différentes. L’acier
fondu n’est pas adapté aux objets nécessitant l’emploi de la force ou dont la fabrication
requiert la soudure. Les aciers naturel et cémenté, rassemblés sous l’appellation d’acier
ordinaire, offrent ces qualités 256 .
D’autres métaux entrent dans la fabrication des instruments de chirurgie et
d’anatomie au cours du XIX e siècle. Deux d’entre eux deviennent notamment des
alternatives à l’acier. Le premier est le maillechort. Introduit en France au début des années
1820 par Maillot et Chorier, qui ont fusionné leurs patronymes pour le nommer, cet alliage
se compose de cuivre, de nickel et de zinc 257 . Le catalogue des nouveaux modèles
d’instruments de Charrière propose, par exemple, d’acquérir un « chalumeau en
maillechort pour insuffler » 258 . A la toute fin du siècle, Victor Trémont fabrique en
maillechort divers objets tels que sondes, seringues et trocarts 259 . Cependant, du fait de sa
haute teneur en cuivre, l’alliage se couvre, non pas de rouille, mais de vert-de-gris. En
revanche, l’un de ses composants, le nickel, offre l’avantage d’être inoxydable. Cette
propriété en fait la seconde alternative à l’acier. Il ne s’agit pas d’un substitut au sens
propre du terme. Le nickel, élément identifié au XVIII e siècle 260 , est généralement employé
pour recouvrir l’acier en vue de le protéger de la rouille 261 . Parmi le nécessaire de
l’autopsie, ce sont principalement les paires de ciseaux et les pinces qui sont nickelées 262 .
Quant aux sondes et aux stylets, leur nécessaire souplesse fait recourir à d’autres
métaux. Si l’acier peut être employé, la trempe à laquelle il est soumis doit être modérée,
afin que l’instrument garde toute la flexibilité voulue. Les rédacteurs des articles de
dictionnaires qui leur sont consacrés, le stipulent : l’acier employé doit être « peu
254 M. P., « Scie », art. cit., p. 157.
255 Eric Rochard, « Scie », art. cit., p. 593.
256 L. Grandeau, « Acier. Aciération », art. cit., p. 553.
257 Pierre Routhier, Voyage au monde…, op. cit., p. 105.
258 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 12.
259 Victor Trémont, Instruments de chirurgie. Appareils orthopédiques, Paris, Grandrémy, 1899, p. 18.
260 Pierre Routhier, Voyage au monde…, op. cit., p. 25.
261 Il ne faut pas confondre l’acier recouvert de nickel, qui produit des objets dits “nickelés”, avec l’acier
mêlé à du nickel, qui permet d’obtenir du matériel en acier dit “inoxydable” ou simplement en “inox”. Cf.
ibid., p. 118.
262 Victor Trémont, Instruments de chirurgie…, op. cit., p. 18.
767

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
trempé » 263 . L’argent, l’or ou le platine, métaux à la fois souples et inoxydables, offrent les
qualités recherchées pour ces différents objets. Seul le premier perdure véritablement dans
la fabrication des instruments de chirurgie. L’emploi de l’or et du platine se raréfie. Les
catalogues des fabricants n’en font pas mention quand ils proposent des exemplaires dans
différents matériaux. Présentant l’ensemble des « Instruments divers pour trousses », le
catalogue de Gendron offre la possibilité de choisir, pour certains, entre trois métaux :
l’acier, le maillechort et l’argent 264 . Mais l’innovation la plus notable pour les instruments
sondants réside dans l’utilisation du caoutchouc vulcanisé. Le caoutchouc entre depuis
longtemps dans la fabrication de certains objets médicaux 265 : la gomme élastique, qui sert
pour certaines sondes urétrales, se compose de tissu recouvert de couches de
caoutchouc 266 . Cependant, le caoutchouc “pur” est fragile et se « détériore […] sous
l’action des corps gras » 267 . Le caoutchouc vulcanisé, a contrario, « est plus élastique »,
« a une plus grande force de cohésion » et s’altère moins aisément 268 . Mis au point par
Goodyear entre 1839 et 1844, la vulcanisation consiste à additionner du souffre au
caoutchouc, afin d’accroître sa solidité, au point de le rendre absolument dur si la quantité
de soufre est importante 269 . Au début des années 1880, Robert Jamin indique que les
« sondes molles », sont distinctes des autres « sondes flexibles » parce qu’elles sont
« exclusivement fabriquées en caoutchouc vulcanisé ou caoutchouc rouge » 270 .
L’usage de ce produit est en pleine expansion à la fin du XIX e siècle. Ses
applications médicales se multiplient et se diversifient. Outre les sondes, le caoutchouc
vulcanisé peut également servir à fabriquer des manches. Dans leur Technique des
autopsies, Roussy et Ameuille recommandent d’employer des couteaux pourvus de
manche en « fibre vulcanisée », c’est-à-dire dans un matériau capable de supporter
263
M., G., « Stylet », art. cit., p. 71.
264
F. Gendron, Catalogue général illustré, chirurgie herniaire, orthopédie, prothèses, Bordeaux, 1889, p. 33.
265
Le caoutchouc est introduit en Europe par La Contamine et Bouguer, savants qui dirigent une expédition
en Amérique du Sud en 1736.
Cf. Maurice Daumas (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. IV : Les techniques de la
civilisation industrielle. Energie et matériaux, par Maurice Daumas, Jules Guéron, Alexandre Ion Herléa et
al., introduction de Maurice Daumas, dessins de Bernard Breloy, Paris, PUF, 1978, p. 559.
266
« Sonde », art. cit., pp. 360-361.
267
Amédée Dechambre, « Caoutchouc (Emploi médico-chirurgical) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 12,
p. 248.
268
Ibid.
269
A. Delpech, « Caoutchouc (Fabrication) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 12, p. 246.
270
Robert Jamin, « Sondes », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1882, t. 33, p. 315.
768

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
l’ébullition 271 . La question du nettoyage et de la résistance à un entretien répété, est la
principale préoccupation qui guide les utilisateurs, et par conséquent les fabricants, au sujet
des matières utilisées pour les manches d’instruments. Parmi les nombreux matériaux
employés à l’élaboration des manches de bistouris, de scalpels ou de scies, tous ne
présentent pas les mêmes qualités, ou plus exactement les mêmes défauts. Ces derniers ont
été identifiés :
« L’écaille est ce qu’il y a de mieux pour faire la chasse des bistouris, la nacre n’a pas
assez de souplesse, les bois sont trop fragiles, et l’ivoire a le grand défaut d’attirer la
rouille sur la lame, à cause de l’huile âcre dont il est imprégné » 272 .
Les matériaux inadéquats sont, si ce n’est totalement abandonnés, au moins utilisés avec
parcimonie. L’ivoire, par exemple, est réservé aux « scalpels de luxe » 273 . L’écaille, ainsi
que la corne 274 , appelée également “buffle”, sont les matières de prédilection des fabricants
de bistouris durant une grande partie du XIX e siècle. Le catalogue de Trémont, en 1899,
propose toujours des modèles de bistouris à manches en écaille 275 . Le bois demeure aussi
utilisé durant toute la période, mais principalement pour les manches pleins. L’ébène est
particulièrement usitée, en raison de sa dureté 276 . Les scalpels fabriqués par Natton 277 , les
modèles de Dutar 278 , l’ensemble des instruments tranchants ou dentés de Mathieu 279 , sont
munis de manches en ébène.
Mais, les préceptes hygiéniques et antiseptiques, en plein essor à la fin de cette
période, poussent les médecins à délaisser peu à peu les manches d’écaille et de buffle, au
profit des versions tout en métal. Les différentes méthodes de désinfection des instruments,
que ce soit pour la pratique chirurgicale ou anatomique, ont la fâcheuse tendance à
détériorer la plupart des matériaux usités pour fabriquer les manches : le bois, l’écaille et la
corne, pour ne citer que les plus courants, ne résistent pas à l’exposition à une très haute
température, au feu ou à la vapeur d’eau, ni à l’immersion dans de l’eau bouillante ou dans
271 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 41.
272 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 426.
273 H. Chrétien, « Scalpel », art. cit., p. 194.
274 Absente de l’énumération donnée par Percy et Laurent, la corne est aussi employée à la même période.
Henry, dans son Précis descriptif sur les instruments de chirurgie anciens et modernes, en 1825, fait
également la critique et l’éloge des matières servant à la fabrication des manches : il indique que l’écaille et
la corne sont les meilleurs matériaux.
Cité dans Marie-José Lamothe, André Velter, Les outils du corps, photographies originales de Jean Marquis,
Paris, Messidor, 1984, p. 240.
275 Victor Trémont, Instruments de chirurgie…, op. cit., p. 18.
276 Planchon, « Ebène », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1885, 1 ère série, t. 32, p. 4.
277 P. Natton, Instruments et appareils…, op. cit., p. 11.
278 Henri Dutar, Instruments et appareils. Chirurgie et médecine, Paris, 1909, p. 91.
279 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., pp. 4-6.
769

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
divers produits chimiques 280 . Maurice Letulle en fait la remarque, de manière indirecte,
lorsqu’il critique les boîtes d’autopsies. Faites en bois, leur « stérilisation par la chaleur
est impossible » 281 . D’autant plus quand l’intérieur est garni d’une plaque de bois, creusée
pour recevoir exactement chaque objet. Certains fabricants proposent des boîtes dont
l’intérieur est recouvert de peau : c’est le cas de Victor Trémont dont le nécessaire pour
autopsie est présenté dans une boîte en chêne « garnie peau » 282 . Le chêne est l’un des bois
les plus couramment utilisés pour contenir les instruments, mais le noyer et l’acajou sont
aussi employés, et cela jusqu’à la fin de la période. Des catalogues d’instruments, à la
veille de la Première Guerre Mondiale, en offrent toujours à la vente 283 , au grand dam de
Letulle. Selon lui, de telles boîtes doivent être remplacées par le « modèle moderne » 284 en
métal, pourvu de chevalets, également métalliques, sur lesquels se fixent les instruments,
eux aussi « entièrement en métal » 285 (illustration 122).
280
Wurtz, Bourges, « Désinfection », Pratique médico-chirurgicale, sous le dir. d’E. Brissaud, A. Pinard et
P. Reclus, Paris, Masson, 1907, pp. 479-484.
281
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 29.
282
Victor Trémont, Instruments de chirurgie…, op. cit., p. 3.
283
Les boîtes à autopsies fabriquées par la société qui succède à la maison Mathieu, ainsi que par Bruneau,
sont en chêne.
Mathieu (Ancienne Maison), Fabrique d’instruments de chirurgie. Mobilier aseptique pour hôpitaux.
Stérilisation. Anthropologie, physiologie, orthopédie, prothèse, bandages, Paris, 1912, p. 7.
Michel Bruneau, Catalogue illustré d’instruments de chirurgie, Paris, 1913, p. 222.
284
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 29.
285 Ibid., p. 30.
770
Source : Maurice
Letulle, La pratique
des autopsies, 1903,
pp. 31 et 33.
Illustration 122 :
Boîte à autopsie en
métal de Collin
(années 1900).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Bien qu’ils continuent de construire des nécessaires d’autopsies en bois, ainsi que
des instruments avec manche d’ébène ou de buffle, les fabricants d’instruments ont
pleinement conscience de l’attrait croissant des praticiens pour le métal. Parmi les
catalogues consultés, celui de Victor Trémont, en 1899, est le premier à proposer le métal
comme matière alternative à l’écaille ou au buffle pour les manches de bistouris 286 . Tous
les catalogues qui lui sont postérieurs font de même, en étendant l’utilisation à l’ensemble
du matériel, dont les scies. Pour celles-ci, la solidité du métal permet, d’ailleurs, de
construire des manches bien moins volumineux, car évidés (illustration 123).
Source : Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
15 ème éd., Paris, 1907, p. 6.
Illustration 123 : Scie à
dos mobile avec manche en
métal de Mathieu (années
1900).
Le matériel médico-chirurgical, et en particulier
les instruments consacrés à l’anatomie et à la médecine
légale, a donc subi un certain nombre de modifications au
cours du XIX e siècle. Cependant, il apparaît que
l’instrument considéré comme l’“outil” premier du
médecin expert, le scalpel, évolue assez peu. Les formes
de sa lame et de son manche demeurent similaires. Les
dispositions singulières de sa lame servent même à
l’amélioration d’autres objets. Les perfectionnements
dont il bénéficie ne lui sont en rien spécifiques. Les
systèmes de fixation, qui permettent de démonter et
d’ajuster différentes lames sur un même manche,
concernent au premier chef les bistouris. Pour les
scalpels, il s’agit d’un détournement. En outre, la
tradition du scalpel à lame fixe, en raison de la forme
évasée et affinée du manche de l’instrument, s’oppose
quelque peu à l’usage de cette innovation pour leur
fabrication. En conséquence, la seule modification
notable pour cet instrument concerne les matériaux
utilisés lors de son élaboration. Mais si le principal
instrument de la pratique “autoptique” évolue peu, cela
ne signifie pas pour autant que la panoplie du médecin expert est exempte d’innovations
matérielles.
286 Victor Trémont, Instruments de chirurgie…, op. cit., p. 18.
771

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
B) Apparition d’un matériel spécialisé
L’évolution du matériel employé pour l’exercice de l’autopsie médico-légale
répond à des exigences techniques et scientifiques. La rigueur et la prudence que nécessite
l’examen cadavérique judiciaire, mettent en évidence les inconvénients et les déficiences
des instruments traditionnels de l’intervention corporelle, que ce soit en matière de
chirurgie ou de dissection. François Chaussier avise ses confrères et les lecteurs contre
l’éventualité de réaliser l’acte médico-légal suivant la « pratique ordinaire » de l’ouverture
cadavérique, c’est-à-dire muni d’un simple scalpel, et d’une scie ou d’un marteau pour le
crâne 287 . Selon lui, dans de telles circonstances, le médecin expert ne remplirait pas sa
mission avec la « circonspection et la décence exigée » 288 . Ses constatations ne lui
permettraient pas d’aboutir à des conclusions satisfaisantes et exactes. Pour se faire,
l’homme de l’art doit se pourvoir d’une variété d’objets très spécifiques, qui remplissent
chacun un rôle particulier. Or, lorsque le matériel classique n’offre pas l’instrument
satisfaisant, il convient de l’inventer.
1) Modalités d’appellation
Durant le XIX e siècle, les médecins et les fabricants d’instruments créent de
nouveaux accessoires pour faciliter la réalisation de l’autopsie, judiciaire comme
scientifique, ou garantir l’adéquation de son exécution avec les préceptes de la discipline.
La dénomination des instruments, en vue de les distinguer, d’indiquer leurs spécificités
ainsi que leurs spécialités d’usage, prend diverses formes au cours de la période étudiée. La
construction la plus simple de l’appellation consiste à juxtaposer le nom générique de
l’instrument 289 , soit avec le patronyme de son concepteur, soit avec l’organe auquel il est
destiné, soit avec l’action qu’il doit remplir : ce sont, par exemple, le ciseau de Brunetti, la
rugine courbe de Farabeuf, le couteau à cerveau, le couteau à cartilages, la pince à
disséquer, le tube à insuffler (cf. annexes 42, 43 et 44). Dans le premier tiers du XIX e
siècle, un second procédé de désignation se développe. La base à partir de laquelle est
élaboré le nom de l’objet n’est plus la famille instrumentale à laquelle il appartient, mais
l’organe sur lequel il intervient. Un suffixe est ajouté au nom du viscère pour préciser
l’action de l’instrument. Pour les objets qui sont utilisés durant l’autopsie, le plus usité est
287
François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 28.
288
Ibid.
289
La désignation de l’instrument par l’indication de sa forme ou de sa taille n’entre pas dans ces
considérations. Les ciseaux droits ou le bistouri convexe, même si leur utilisation est préférable pour tel ou
tel acte, demeurent des instruments dont l’usage est trop varié pour considérer que l’ajout du qualificatif
révèle une spécialité opératoire.
772

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
le suffixe “tome”, qui signifie “couper”. Ainsi, dans les listes d’instruments élaborées par
les auteurs d’ouvrages de médecine légale et dans les catalogues de fabricants, apparaissent
des objets comme le costotome, le rachitome, l’entérotome, le bronchiotome, l’ostéotome,
le myélotome, le périostome (cf. annexe 42), pour n’en citer que quelques-uns. Si leur
appellation désigne clairement leur usage, en revanche elle n’offre aucune précision sur la
configuration de ces différents objets, et donc sur leur manière d’agir.
Dans un premier temps, la déclinaison du nom de l’élément organique concerné –
les côtes, le canal rachidien, les intestins ou les bronches – dispense de toute précision.
Cependant, la multiplication des modèles employés pour une même opération et qui, par
voie de conséquence, sont désignés par le même vocable, crée une certaine confusion. Un
même nom peut désigner des objets de natures très différentes. Par souci de clarté, et face à
la variété des spécimens fabriqués, d’aucuns appliquent les anciens procédés de
distinction : juxtaposition du nom générique de l’objet, ajout du nom de son inventeur,
précision de sa configuration, et toutes les combinaisons que ces informations permettent.
Le rachitome compte parmi les instruments spécialisés qui disposent d’un éventail très
large de modèles. Il existe, notamment, la scie rachitome, le couteau rachitome à
épaulement, le rachitome d’Amussat, le couteau rachitome de Weiss 290 .
Si l’auteur qui intègre le rachitome à son inventaire d’instruments d’autopsie
n’apporte pas quelques précisions à son sujet, le lecteur peut se méprendre. Dans leur
Manuel de technique des autopsies, Désiré Magloire Bourneville et Paul Bricon
recommandent de se munir d’une « scie rachitome ou de préférence [d’un] rachitome
d’Amussat » 291 . A contrario, dans l’article consacré à l’autopsie anatomopathologique qu’il
rédige pour le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Marc Sée conseille de
disposer d’un rachitome 292 , sans préciser la nature de l’instrument. L’indication n’est
fournie qu’au cours de la description de l’examen du canal rachidien, puisque l’auteur
signale que l’on peut se servir « des divers rachitomes ou scies qui ont été imaginés dans
ce but » 293 . Marc Sée fait donc référence à un rachitome à lame de scie.
Les auteurs usent du terme de “rachitome” seul, pour désigner l’objet qu’ils
estiment le plus satisfaisant pour l’exercice, ou qui, du moins, est le plus attaché à cet acte.
Après avoir décrit et rejeté les autres formes de rachitomes, Emile Goubert précise qu’il
290 E. Spillmann, « Rachitomes », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série, t. 1, pp. 700-701.
291 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 66.
292 Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », art. cit., p. 412.
293 Ibid., p. 415.
773

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
« existe deux scies-rachitomes, ou rachitomes proprement dits » 294 , ce qui sous-entend que
dans son esprit et dans sa pratique, le mot désigne avant tout une scie. Sous la plume de
Charles Vibert, “rachitome” ne s’applique pas à un objet pourvu d’une lame dentée. Pour
mettre au jour la moelle épinière, il préconise d’utiliser un « rachitome ou un ciseau
ordinaire » 295 . Il est vain de supposer que la chronologie des inventions de ces divers
instruments peut influer sur la désignation de l’un d’eux par le seul mot de “rachitome”. Le
développement du rachitome d’Amussat, que Maurice Letulle nomme le « rachitome
ordinaire », car il s’agit d’un genre de ciseau, et celui de la scie à double lame, sont à peu
près contemporains : ils datent des décennies 1820-1830. Le Précis descriptif sur les
instruments de chirurgie anciens et modernes, publié par Henry en 1825, donne une
représentation du rachitome d’Amussat 296 . Et dans la première édition de son traité de
médecine légale, en 1837, Alphonse Devergie mentionne la « scie à deux lames » 297 pour
l’ouverture du rachis. Le choix de la terminologie découle donc de la praxis de chacun,
d’où une possible confusion à la lecture.
2) Les instruments spécialisés : variations sur le même thème
Il convient à présent d’étudier plus en détail la conformation de quelques-uns de ces
instruments spécialisés. L’élaboration d’un instrument, dont l’usage est restreint à une
seule procédure opératoire, consiste souvent à modifier un objet existant pour l’adapter aux
exigences techniques, voire à prendre un instrument employé jusque-là pour un acte et à
l’utiliser pour un autre. L’entérotome et le bronchiotome ne sont que des variétés de
ciseaux. Le premier, imaginé et utilisé par Jules Cloquet au début des années 1820 298 , sert à
diviser l’intestin dans toute sa longueur, opération difficile à réaliser avec un scalpel ou
une paire de ciseaux ordinaire. La particularité de cet instrument réside dans sa branche
inférieure, un peu plus grande que l’autre, mousse et surtout « recourbée de manière à
former un crochet » 299 (illustration 124). C’est cette branche qui est introduite dans le canal
intestinal et qui permet la progression de l’objet : son extrémité arrondie évite toute
perforation et lésion de l’organe, tandis que le crochet retient la paroi intestinale, empêche
le tissu de glisser, ce qui permet à l’instrument de rester en place et d’agir
294
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 45.
295
Charles Vibert, « Autopsie », art. cit., p. 75.
296
Cité dans Marie-José Lamothe, André Velter, Les outils…, op. cit., p. 242.
297
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., 1837, t. 1, p. 106.
298
Murat, « Entérotome », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris,
Béchet Jeune, 1823, t. 8, p. 126.
299
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 104.
774

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
convenablement 300 . Le bronchiotome, objet rarement mentionné parmi les listes
d’instruments servant aux sections (cf. annexe 42), mais qui peut être indiqué dans la
description des procédures cadavériques 301 , est aussi une variation de la paire de ciseaux. A
l’instar de l’entérotome, l’originalité et l’intérêt du bronchiotome sont fournis par la
configuration de ses branches. Le bronchiotome d’Axenfeld dispose de lames très courtes
et fines parfaitement adaptées à l’étroitesse des bronches (illustration 125). La plus longue
des branches, qui est « mousse et cylindrique », est introduite « dans l’orifice béant, tandis
qu’on coupe en avançant avec la branche la plus courte » 302 .
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie,
15 ème éd., Paris, 1907, p. 5.
Illustration 124 : Entérotome de
Mathieu (années 1900).
300 Murat, « Entérotome », art. cit., p. 126.
301 Emile Goubert, qui ne fait aucune allusion au bronchiotome lors de la présentation des instruments
indispensables à la pratique de l’autopsie, vante pourtant ses mérites au moment où il aborde la question de
l’exploration des poumons.
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 59.
302 Ibid.
775
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art
des autopsies cadavériques, 1867, p. 59.
Illustration 125 : Bronchiotome (années
1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Avant de pouvoir observer les poumons ou le cœur, l’homme de l’art doit retirer la
gangue de protection qui les couvre, la cage thoracique. L’ancienne manœuvre qui consiste
à renverser chaque côte vers l’extérieur pour les briser est vivement critiquée 303 . Outre la
confusion et les erreurs pouvant résulter de fractures ainsi provoquées, une telle pratique
offre l’inconvénient de produire des pointes osseuses acérées et des esquilles qui sont
autant de risques de blessures pour le médecin 304 . Par conséquent, durant la première
moitié du XIX e siècle, les auteurs recommandent d’effectuer la section des côtes ou des
cartilages costaux au moyen d’une scie ou d’un fort couteau. Mais à partir de la fin de la
première moitié du XIX e siècle, un autre instrument fait son apparition entre les mains de
l’opérateur : le costotome, nom savant du sécateur ou de la cisaille (illustration 57). Parmi
les ouvrages d’anatomie, d’anatomie pathologique et de médecine légale consultés, l’une
des premières mentions de cet instrument date de la décennie 1840. Dans la troisième
édition de ses Eléments de pathologie générale, Auguste Chomel indique l’emploi d’un
« costotome ou sécateur » pour couper les côtes 305 . A partir du mitan du XIX e siècle, le
costotome, ou son équivalent le sécateur, est nommé dans la plupart des inventaires du
matériel d’autopsie et sont intégrés aux nécessaires d’autopsies constitués par les
fabricants. L’objet présente l’avantage d’éviter toute atteinte aux tissus sous-jacents,
précaution parfois difficile à réaliser avec la scie : « Alors on scie toutes les côtes, excepté
la première, en ayant soin de les soulever à mesure qu’on les coupe, pour ne pas intéresser
les poumons » 306 .
Pour faciliter la division des côtes par le trait de scie, certains praticiens ont mis au
point des instruments dont la disposition les rendent plus aptes à effectuer l’opération.
Bricheteau, dans l’article « Ouverture (Cadavérique) » qu’il a rédigé pour le Dictionnaire
des sciences médicales, présente un exemplaire de scie de son invention 307 . Il s’agit d’une
scie droite, à manche, dont la lame convexe facilite l’action de l’instrument sur la cage
thoracique qui offre elle-même une courbure (illustration 126). Pour éviter de porter trop
profondément la lame, son extrémité est dépourvue de dents. Ainsi, l’homme de l’art doit
déplacer fréquemment l’instrument, car il ne peut poursuivre la section sur la partie voisine
en usant de toute la longueur de la lame. La scie à lame convexe a cependant été remplacée
par nombre de praticiens par le costotome, pour la raison évoquée plus haut. Néanmoins, la
303
François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 15.
304
Cf. l’étude des piqûres anatomiques dans le chapitre 8.
305 ère ème
Auguste-François Chomel, Eléments de pathologie générale, 1 éd. 1817, 3 éd. augm., Paris, Masson,
1841, p. 549.
306
Mathieu Orfila, Traité de médecine…, op. cit., t. 2, p. 51.
307
Bricheteau, « Ouverture (Cadavérique) », art. cit., planche 4.
776

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
lame dentée convexe ne disparaît pas des catalogues d’instruments ni de la pratique des
ouvertures cadavériques. Elle change juste d’attribution et se porte sur la colonne
vertébrale.
Source : Dictionnaire des sciences médicales, 1819, t. 38, planche 4.
Illustration 126 : Scie à lame convexe (années 1810).
Parmi les nombreux spécimens de rachitomes, élaborés pour aider à examiner le
canal médullaire, se trouvent des scies courbes. Le modèle simple est une scie à dos mobile
ordinaire dont la lame est légèrement courbe (illustration 127). La différence, non
négligeable, qui distingue cette nouvelle version de scie courbe du modèle de Bricheteau,
est qu’elle possède des dents sur toute la longueur de sa lame. L’homme de l’art peut donc
se servir de l’extrémité pour effectuer une section restreinte et précise. La division doit être
pratiquée des deux côtés des apophyses épineuses des vertèbres. Pour permettre une
division simultanée à droite et à gauche, Charrière construit une scie-rachitome double
(illustration 128) :
« sur le même manche viennent se fixer deux scies courbes et parallèles ; les deux scies
sont séparées l’une de l’autre par un intervalle minimum d’un centimètre, intervalle qui
peut s’augmenter d’un centimètre au moyen d’un mécanisme très-simple (sic) » 308 .
Afin d’assurer une prise et une action plus assurées, l’une des lames est pourvue d’une
poignée verticale, ce qui « permet de manier l’instrument avec les deux mains » 309 . Enfin,
pour éviter une progression trop profonde des lames, « chaque scie est montée sur une
lame mousse que les dents ne dépassent pas d’une largeur suffisante pour intéresser les
organes du canal médullaire » 310 .
308
E. Spillmann, « Rachitomes », art. cit., p. 700.
309
Ibid.
310
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 46.
777

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, 1867, pp. 44 et 46.
Illustration 127 : Scie rachitome (années 1860). Illustration 128 : Scie rachitome double (années 1860).
La deuxième catégorie de rachitomes fabriqués et modifiés au cours du XIX e siècle,
s’inspire du ciseau : une lame forte et tranchante sur laquelle l’homme de l’art frappe avec
un maillet pour fendre l’os. Le ciseau, la gouge ou une forte lame tronquée de couteau sont
très tôt signalés comme pouvant servir à l’ouverture du canal rachidien, en complément
parfois de la scie 311 . Un nombre important de ciseaux-rachitomes ont été mis au point.
Seuls quelques-uns, les plus souvent cités ou les plus originaux du point de vue de leur
forme, sont présentés ici. La version la plus simple est le « rachitome-burin, à épaulement,
taillé en lime » 312 (illustration 129). C’est cet épaulement qui le différencie du ciseau
ordinaire, car l’empêche de « pénétrer trop avant sous l’effort du marteau » 313 .
L’instrument nommé “rachitome d’Amussat” s’apparente à un objet mentionné par
François Chaussier ou Mathieu Orfila (cf. annexe 42), un couteau à lame tronquée et forte
qu’il est possible de frapper. Il se compose d’un « tranchant de quatre centimètres de
longueur, [qui] est aussi séparé de la plane par un épaulement » 314 (illustration 130). Le
manche, au lieu d’être à la verticale du tranchant, est placé sur la même ligne que celui-ci,
311 M. Renard, « Considérations médico-légales… », art. cit., p. 94.
312 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 44.
313 E. Spillmann, « Rachitomes », art. cit., p. 700.
314 Ibid.
778

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
ce qui confère à l’objet « la forme générale d’une petite hachette » 315 . De plus, la légère
courbure du manche permet à l’homme de l’art de confortablement tenir l’instrument
incliné (illustration 131). Des modèles similaires, dont la seule originalité est d’avoir une
lame plus longue pouvant aller jusqu’à 25 cm, sont proposés 316 . Loin d’être une
amélioration, le couteau rachitome de Weiss offre cependant une particularité intéressante :
« L’extrémité de la lame porte une arête en pointe saillante qui s’implante dans les os pour
empêcher l’instrument de glisser » 317 . Une disposition semblable se trouve sur le rachitome
de Brunetti. Ce ciseau possède un tranchant oblique dont le côté le plus court est surmonté
d’une « tige conductrice mousse » (illustration 132) servant de guide à l’instrument
lorsqu’elle est engagée sous les lames vertébrales 318 , comme l’illustre le dessin ci-contre
(illustration 133).
Illustration 129 : Rachitome à épaulement
(années 1860).
315 Ibid.
316 Ibid.
317 Ibid.
318 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 429.
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des
autopsies cadavériques, 1867, p. 44 et 46.
779
Illustration 130 : Rachitome d’Amussat
(années 1860).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, p. 429.
Illustration 131 : Section des lames vertébrales
avec le rachitome d’Amussat.
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, p. 430.
Illustration 133 : Section des lames vertébrales
avec le rachitome de Brunetti.
Une dernière famille de rachitomes, plus restreinte, est constituée de modèles
singuliers de cisailles. Emile Goubert cite deux exemples de cisailles-rachitomes : celles de
Magendie et celles de Ludovic Hirschfeld. Les premières sont constituées d’une « lame
mousse, courbe et plus longue » 319 , qui est introduit sous la lame de l’apophyse épineuse,
donc directement dans le canal médullaire. La seconde lame, plus courte, est pourvue
d’une double articulation avec sa branche, qui lui permet d’être largement ouverte et de
procéder à la section (illustration 134). Quant aux cisailles d’Hirschfeld, bien que disposant
de lames de moindre grandeur, leur configuration est à peu près identique. Cependant, au
lieu de glisser l’une contre l’autre à la manière de ciseaux, les deux branches s’imbriquent
l’une dans l’autre (illustration 135) :
319 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 43.
780
Source : Maurice Letulle,
La pratique des
autopsies, 1903, p. 35.
Illustration 132 :
Rachitome de Brunetti
(années 1900).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
« Cette cisaille se compose d’une branche, terminée par une extrémité mousse, laquelle est
relevée à angle obtus et munie d’une fenêtre dont les bords sont dentelés pour prévenir les
glissements ; dans cette fenêtre pénètre une lame taillée en rondache et adaptée à
l’extrémité d’une autre branche, à laquelle elle se relie par une double articulation » 320 .
Cet instrument est particulièrement utile pour agrandir une ouverture effectuée d’abord au
ciseau-rachitome, et cela sans produire de secousses 321 .
Illustration 134 : Cisailles de
Magendie (années 1860).
En sus ces multiples variations sur le même thème instrumental, il existe quelques
objets originaux, difficiles à rapprocher d’une famille d’instruments. Le myélotome
mentionné dans l’inventaire de Maurice Letulle (cf. annexe 42), appelé également
médullotome, dispose d’une lame aiguisée comme les couteaux ou les scalpels, mais là
s’arrêtent leurs points communs. L’objet sert à « sectionner le bulbe [rachidien] au moment
de l’extraction de l’encéphale » 322 . Imaginé également par Hirschfeld, le médullotome « se
compose d’une tige d’acier qui, par l’une de ses extrémités, est enchâssée dans un manche,
et, par l’autre, s’articule avec un des bords d’une petite lame rectangulaire. Les trois
320
E. Spillmann, « Rachitomes », art. cit., p. 700.
321
Ibid., p. 701.
322
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 37.
Illustration 135 : Cisailles de Hirschfeld (années 1860).
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des
autopsies cadavériques, 1867, pp. 40 et 45.
781

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
autres bords de cette même lame sont libres et tranchants » 323 (illustration 136). Le levier
installé sur la tige, juste à côté du manche, permet d’incliner la plaque coupante. Sa
longueur et l’articulation de sa lame aident, d’une part, à porter l’instrument loin à
l’intérieur de la boîte crânienne et ainsi à faire une coupe très basse sur la moelle. D’autre
part, elles permettent de pratiquer des sections perpendiculaires et non obliques, comme
avec le scalpel 324 .
Source : Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, 1867, p. 329.
Illustration 136 : Médullotome de Hirschfeld (années 1860).
Durant le XIX e siècle, la multiplication des instruments spécialisés, qui ne
s’emploient que pour un acte particulier, ou qui sont susceptibles d’être utilisés sur un seul
organe, crée de nouvelles familles d’instruments et donc une nouvelle répartition de ceux-
ci. Au lieu d’avoir d’un côté les scies et de l’autre l’ensemble des ciseaux et des gouges,
certains modèles sont groupés sous l’appellation de “rachitome” en raison de leur emploi
exclusif pour l’examen du canal rachidien. Si la dénomination semble de prime abord
avantageuse, elle s’avère souvent défectueuse au final. La complication de la terminologie
brouille les cartes. Les fabricants, les concepteurs et les auteurs sont contraints de définir le
matériel qu’ils mentionnent sous peine de demeurer abscons pour le lecteur. De plus, si
l’apparition d’instruments à usage restreint et spécifique complique la désignation du
matériel médico-chirurgical, elle n’améliore pas nécessairement la pratique et les résultats
des examens non plus.
323 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 329.
324 Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », art. cit., p. 417.
782

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
C) Disparition d’instruments obsolètes ou sans intérêt réel
L’étude des théories et des innovations scientifiques a mis en évidence que s’il
existe des processus d’acceptation et d’intégration d’une donnée, il existe également des
mécanismes de rejet 325 . En s’inspirant de ces réflexions, il apparaît que le matériel médico-
chirurgical est soumis principalement à deux phénomènes de rejet : le refus et l’abandon 326 .
Les oppositions élevées vis-à-vis d’un instrument nouveau procèdent d’un double
facteur : l’objet proposé ne répond pas aux critères techniques de l’époque ou il est trop
éloigné des habitudes opératoires. Des travaux ethnologiques, parmi lesquels ceux d’André
Leroi-Gourhan 327 , ont mis en exergue que la diffusion d’une technique ou d’une invention
requiert la capacité du groupe récepteur à assimiler cette nouveauté. Or, si les savoirs et les
savoirs-faire dont disposent ce groupe, sont trop éloignés de ceux indispensables à la mise
en pratique de la découverte proposée, celle-ci est rejetée 328 . L’article « Instrument » du
Dictionnaire abrégé des sciences médicales, remarque qu’un homme de l’art privilégie
« toujours les instruments ordinaires, ceux dont l’usage lui est le plus familier » 329 . Il est
donc réfractaire à la nouveauté matérielle, notamment s’il ne la maîtrise pas.
1) Des attitudes réfractaires
A la toute fin des années 1870, le Journal de médecine et de chirurgie pratiques
présente un modèle de scie mécanique élaboré par Ollier (illustration 137). Si l’article
vante les mérites de cet appareil, « qui tourne avec une grande rapidité, coupe l’os avec
une facilité merveilleuse, en lamelles » 330 , il demeure dubitatif quant à sa large diffusion. Il
commence la présentation en précisant qu’il s’agit d’un « instrument que [ses] lecteurs
emploieront peu » 331 , puis ajoute, à l’issue de la description, « qu’une pareille machine n’a
guère sa place que dans un hôpital et dans une clinique très importante » 332 . En outre,
l’article pointe de manière très ostensible et virulente, les risques que présente l’usage de
cette scie, tant pour l’opéré que pour les opérateurs : « on est effrayé à la pensée des
désastres que peut causer une échappée de la scie. Le membre d’un patient serait tranché
325
Isabelle Stengers, Judith Schlanger, Les concepts scientifiques. Invention et pouvoir, Paris, Gallimard,
Collection Folio/Essais, 1991, pp. 101-131.
326
Ibid., p. 127.
327
André Leroi-Gourhan, Milieu et techniques, Paris, Albin Michel, Sciences d’aujourd’hui, 1973, 475 p.
328
Sur le principe de la diffusion des savoirs cf. les réflexions du chapitre 3.
329
« Instrument », art. cit., p. 117.
330
« Scie mécanique de M. Ollier », art. cit., p. 519.
331 Ibid., p. 517.
332 Ibid., p. 519.
783

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
d’un coup, et les doigts des aides subiraient le même sort » 333 . L’absence de sécurité dans
la disposition de l’instrument le rend peu attractif. Mais le rejet est aussi suscité par le fait
que sa manipulation est très différente de celle des scies classiques. Avec un appareil
mécanique, devenant ensuite électrique, le médecin ne contrôle plus la vitesse des dents, il
ne peut influer que sur leur direction. Il n’est pas à l’origine du mouvement. Il peut, par
conséquent, avoir l’impression de ne pas le maîtriser. Pour se faire, l’homme de l’art doit
intégrer les nouvelles sensations produites par la section mécanique ou électrique de l’os,
ce qui requiert un apprentissage. Cette nécessaire formation peut alors rebuter les
praticiens.
Source : de médecine et de chirurgie pratiques, 1879, t. 50, n°11 279, p. 517.
Illustration 137 : Scie mécanique d’Ollier (années 1870).
D’aucuns estiment que la complexité de certains instruments n’est en aucun cas la
preuve de son intérêt et d’une quelconque avancée technique, bien au contraire. A mesure
qu’une science avance et progresse, que sa pratique se rapproche de la « perfection », les
instruments dont elle use sont « moins compliqués dans leur construction, agissent avec
plus de sûreté, produisent les effets calculés avec plus d’exactitude » 334 . Les savants qui
ont recours à des « machines compliquées construites exprès pour chaque
circonstance » 335 , tentent vainement de pallier leur ignorance et leur incompétence. Les
auteurs de l’article « Instrument » du Dictionnaire des sciences médicales, font d’ailleurs
remarquer que l’émulation matérielle ne sert qu’à ensevelir les connaissances lacunaires
sous une profusion instrumentale :
333 Ibid.
334 « Instrument », art. cit., p. 116.
335 Ibid., p. 117.
784

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
« On remarque, aux diverses époques de la chirurgie, que moins elle était avancée, plus on
y trouve de ces machines et moyens mécaniques, devant, selon le faux calcul de leurs
auteurs, prêter à la main une habileté qu’elle n’avait pu encore acquérir » 336 .
Par conséquent, lorsque surgit un nouvel instrument, si, d’une part, son usage s’avère trop
compliqué et que, d’autre part, il n’apporte pas l’amélioration escomptée, voire offre plus
des risques que de bénéfices, il est écarté.
C’est la condamnation que formule l’un des contributeurs du Dictionnaire
Dechambre au sujet des modèles de scies mécaniques de Heine, de Charrière et de Martin.
Hasard du calendrier éditorial, Spillmann énonce une critique similaire à celle émise, la
même année, dans le Journal de médecine et de chirurgie pratiques envers la scie d’Ollier.
Après une rapide description, l’auteur signale que « malgré leur merveilleux mécanisme,
[ces instruments] n’entreront jamais dans la pratique habituelle » 337 . Selon lui, « ces scies
sont difficiles à manier et […], même avec une très-grande (sic) habitude, les chirurgiens
qui les emploient sont exposés à dépasser le but qu’ils se proposent » 338 . Mais, outre la
complexité de leur mise en œuvre, Spillmann met en évidence deux autres inconvénients
dont souffrent beaucoup d’instruments offrant une nouveauté ou une amélioration : ils sont
coûteux et d’un entretien difficile 339 .
Nombre de représentants du corps médical mettent en garde les « jeunes
praticiens » contre « l’attrait brillant de l’invention » 340 . Au lieu d’aller « s’égarer dans
[les] routes incertaines » de la nouveauté, les hommes de l’art doivent préférer les « succès
assurés et non moins glorieux, quoique dus à des moyens connus ». 341 En d’autres termes,
quand un instrument et une technique remplissent leur rôle et obtiennent des résultats
satisfaisants, pourquoi les remplacer ? L’éventualité de l’abandon est une part inhérente de
la vie du matériel employé par les médecins et les chirurgiens. En premier lieu intégrés,
l’instrument et la procédure opératoire qu’il figure, peuvent être exclus dans un second
temps : la raison de leur mise à l’écart est soit l’échec, soit le désaveu, soit le
remplacement 342 . En matière d’instruments de l’autopsie, les critiques nées sous la plume
des théoriciens et des praticiens de l’exercice, mêlent très souvent les trois facteurs.
336 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 415.
337 E. Spillmann, « Scie », art. cit., p. 652.
338 Ibid.
339 Ibid.
340 Percy, Laurent, « Instrument », art. cit., p. 420.
341 Ibid.
342 Isabelle Stengers, Judith Schlanger, Les concepts scientifiques…, op. cit., p. 127.
785

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
2) Procédures d’abandon
Un objet jugé inutile est désavoué et, de facto, remplacé. En fonction de la méthode
d’examen préconisé, un instrument s’avère ou non utile, et peut donc être vanté. Thomas
Harris précise qu’il ne fait pas référence au « couteau à cerveau spécial », puisque ce
dernier est « inutile pour la méthode recommandée » 343 . Dans cet exemple, l’utilité du
matériel en question dépend du procédé d’examen usité, et par conséquent, son “non-
emploi” ne lui retire en rien sa valeur dans l’absolu. En revanche, certains instruments
semblent perdre tout intérêt aux yeux des hommes de l’art. Fréquemment cité, dans la
première moitié du XIX e siècle, dans les inventaires d’instruments indispensables à
l’examen cadavérique, l’élévatoire en disparaît ensuite (cf. annexe 43). Utilisé pour relever
les parties osseuses, une portion du crâne découpée avec le trépan ou la calotte entièrement
sciée, il peut aisément être remplacé par le crochet du marteau, un ciseau, une forte pince.
Du reste, les boîtes d’autopsies, composées par les fabricants d’instruments, ne contiennent
pas d’élévatoire et proposent à sa place le marteau à
crochet (cf. annexe 42).
La substitution d’un objet à un autre est récurrente
dans la littérature médico-légale ou anatomopathologique
traitant de l’autopsie. Le manuel de Bourneville et Bricon
n’est pas avare de critiques et de commentaires vis-à-vis du
matériel disponible pour l’exercice. Outre une remarque
sur le sécateur ordinaire de jardinier, « préférable à tous les
costotomes » 344 , les auteurs blâment le couteau à cerveau
fabriqué par les artisans français, car ils le considèrent
« trop long » 345 . De même, le couteau à autopsie des boîtes
d’instruments françaises ne leur convient pas (illustration
51) ; ils lui préfèrent le couteau de Virchow. Ce modèle
dispose d’un bout arrondi, d’une pointe très rapprochée du
dos qui est épais et d’une lame large dont la courbure est
très prononcée du côté du tranchant (illustration 138).
Gustave Roussy et Pierre Ameuille se montrent également
critiques envers les boîtes d’autopsies qui contiennent,
343 Thomas Harris, Manuel d’autopsies…, op. cit., p. 4.
344 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit.,, p. 66.
345 Ibid., p. 65.
786
Source : Désiré Magloire
Bourneville, Paul Bricon,
Manuel de technique des
autopsies, 1885, p. 70.
Illustration 138 : Couteau de
Virchow (années 1880).

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
selon eux, des instruments obsolètes et inutiles 346 . L’entérotome figure parmi les objets qui
doivent être abandonnés, en l’occurrence au profit d’une autre paire de ciseaux. Il s’agit de
grands ciseaux boutonnés, à lames assez minces, dont une branche est tranchante alors que
l’autre est boutonnée à plat 347 .
D’autres instruments cessent d’être utilisés, car ils ont fait la preuve de leur
inefficacité, de leur incommodité, voire de leur dangerosité. A l’occasion de la présentation
des diverses techniques d’ouverture du canal rachidien, Emile Goubert mentionne des
instruments et des procédures dont il précise qu’ils ne sont pas mis en pratique, ou même
qu’ils ont été abandonnés. Les cisailles de Magendie (illustration 134) sont « délaissées
aujourd’hui » 348 . De même que la gouge ou le burin, associé au maillet, et le rachitome-
burin à épaulement qui, parce qu’ils sont « peu commode[s], […] ne sont guère employés
de nos jours » 349 . Bourneville et Bricon font un commentaire encore plus péremptoire vis-
à-vis des cisailles d’Hirschfeld (illustration 135). Ils estiment que celles-ci ne sont « guère
utilisables » 350 et lui préfèrent la scie-rachitome ou le rachitome d’Amussat.
Les processus d’intégration ou de rejet d’une innovation technique reposent sur des
facteurs liés aux savoirs constitutifs de la discipline, aux procédés usités pour son exercice,
ainsi qu’aux habitudes acquises par les hommes de l’art durant leur pratique individuelle.
Mais des éléments extérieurs à l’univers scientifique peuvent également influer sur le
matériel employé. La promotion autour d’un nouveau modèle d’instrument peut focaliser
l’attention du public médical sur l’objet en question, en dépit du peu d’intérêt ou de la
relative avancée qu’il présente. A contrario, une innovation matérielle peut être passée
sous silence, ne pas avoir droit aux honneurs de la presse médicale ou des sociétés
savantes, alors qu’elle constitue un notable progrès technique. Il serait pertinent d’étudier
dans quelle mesure les couteliers et autres fabricants d’instruments de chirurgie peuvent
influencer la composition du nécessaire des hommes de l’art. L’offre matérielle
conditionne-t-elle la pratique opératoire ? Dans les catalogues, la proposition de nouveaux
instruments, la disparition ou le maintien des anciens modèles, correspondent-ils aux
manœuvres médico-chirurgicales en vigueur à l’époque ? Des enjeux économiques,
d’éventuelles connivences entre les artisans et les membres du corps médical ne jouent-ils
pas un rôle ?
346
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 40.
347
Ibid., p. 44.
348
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 43.
349
Ibid., p. 44.
350
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 66, note infrapaginale.
787

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Quelques allusions trouvées dans la littérature médicale suggèrent de répondre par
l’affirmative à la première question. En sus des critiques qu’ils promulguent contre un
certain nombre d’instruments habituellement employés pour l’examen post mortem,
Bourneville et Bricon jugent « inutile d’acheter des boîtes d’autopsies » 351 . En d’autres
termes, le contenu des trousses proposées par les fabricants ne les satisfait pas. Roussy et
Ameuille font une remarque similaire, dans leur ouvrage consacré à la Technique des
autopsies. Les boîtes d’autopsies comprenant des instruments inutiles, il est nécessaire,
selon eux, d’en modifier la composition 352 . Enfin, au cours d’une étude sur le matériel de
sutures, Lucas-Championnière observe que, malgré leur abandon par la plupart des
praticiens, les aiguilles ordinaires demeurent présentes dans les nécessaires de chirurgie
vendus :
« Beaucoup de chirurgiens ont, pour ainsi dire, abandonné l’emploi des aiguilles
proprement dites, des aiguilles mobiles et s’adaptant sur une pince ou sur un porteaiguille.
Toutefois, beaucoup les utilisent encore et, sans passer toutes les variétés en
revue, on notera les faits suivants : L’aiguille ordinaire aplatie et affilée
perpendiculairement à la courbure, est toujours dans toutes les trousses et dans toutes les
boîtes » 353 .
L’évolution et l’innovation instrumentales répondent à différents enjeux pratiques :
en premier lieu, la simplicité de la mise en œuvre de l’objet, critère généralement lié au
confort de l’utilisation ; ensuite, la solidité de l’instrument qui, couplée avec une prise en
main assurée et ferme, garantissent une action efficace ; enfin, la résistance et la
conformité de l’objet face à un entretien fréquent, et principalement à sa désinfection.
De plus, il ressort de l’étude des inventaires d’instruments, qu’ils soient établis par
la littérature ad hoc ou proposés par les fabricants, que le nécessaire de l’autopsie médico-
légale ou anatomopathologique est peu à peu réformé par l’apparition des instruments
spécialisés. Mais la question qui demeure difficile à trancher est de savoir si la technique
fait l’instrument ou si l’instrument fait la technique. La création d’un nouvel objet répond-
elle à un manque, à une attente technique ? Des instruments comme l’entérotome ou le
rachitome de Brunetti tendent à le faire croire. A l’inverse, l’existence de l’objet entraîne-t-
elle l’adoption d’une technique différente ? L’emploi du sécateur à la place de la scie, pour
sectionner les côtes, peut être considéré comme l’emprunt d’un matériel, au départ étranger
à la pratique médicale, mais qui s’avère absolument adapté, ce qui change alors la
351 Ibid., p. 65, note infrapaginale.
352 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 40.
353 Lucas-Championnière, « Sur les instruments… », art. cit., p. 855.
788

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
procédure d’ouverture de la cage thoracique. De même, la scie convexe employée
auparavant pour la section des côtes est plus efficace pour ouvrir le canal rachidien. Dans
la pratique médico-légale, il semble que ce soit plutôt la seconde situation qui prévale. La
procédure d’examen choisit par l’homme de l’art dépend du matériel dont il dispose.
En outre, il serait erroné de présumer que l’intégralité des instruments préconisés
apparaît dans chaque inventaire matériel dressé par les auteurs d’ouvrages médico-légaux.
En effet, chaque théoricien de l’autopsie établit sa propre liste d’instruments, en adéquation
avec les techniques opératoires et les observations qu’il recommande. De même, il est
illusoire d’imaginer que les praticiens de l’art de guérir poitevins sont en possession d’un
éventail aussi varié d’instruments.
III) AUTOPSIER AVEC SEULEMENT UN BISTOURI
Dans la littérature médico-légale cohabitent deux genres de publications : d’une
part, les ouvrages centrés sur les seules indications de nature scientifique, dont l’objectif
est d’exposer l’ensemble des certitudes et incertitudes relatives à telle situation médico-
légale ; d’autre part, les écrits qui, s’ils ne négligent pas les théories médicales en vigueur,
s’emploient également à fournir au lecteur des indications d’ordre beaucoup plus
pragmatique. Parmi ces dernières, la présentation du contenu de la trousse du médecin
expert, que d’aucuns estimeraient anecdotique, s’avère fondamentale. En effet, un médecin
mal équipé pourrait être dans l’incapacité d’effectuer un examen conforme aux critères de
la science. Par conséquent, il convient d’analyser plus précisément les inventaires matériels
élaborés par ces divers auteurs, d’en étudier la composition et le mécanisme de
construction. Ensuite, il est nécessaire de mettre en perspective les listes en question avec
l’équipement utilisé effectivement par les médecins experts.
A) Des listes d’instruments personnalisées
1) Le nombre requis
Les écrits dont l’objet est précisément la pratique “autoptique”, font émerger des
divergences, entre leurs auteurs, en matière d’instruments utiles à l’exécution de l’examen.
La première dissension est d’ordre numérique. Alors que certains estiment que la panoplie
du médecin expert ne requiert pas pléthore d’objets 354 , d’autres, comme Gabriel Tourdes,
354 Thomas Harris, Manuel d’autopsies…, op. cit., p. 1.
789

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
tout en reconnaissant qu’« avec un scalpel et une scie on peut tout ouvrir », soulignent que
les exigences inhérentes à l’autopsie judiciaire impliquent un « arsenal médico-légal que
l’on ne doit pas craindre de compliquer » 355 . L’homme de l’art qui se livre à la réalisation
d’un tel examen post mortem ne peut, en effet, se contenter de disséquer. Il doit pouvoir
« diviser les os et les parties molles, détacher, préparer, suivre le trajet des blessures,
injecter, insuffler, mesurer, peser, recueillir, voir à la loupe et au microscope » 356 .
Le nombre d’instruments recommandés varie donc d’un auteur à l’autre. Des listes
peuvent être relativement succinctes, à l’image de celle de Bricheteau en 1819 357 , ou a
contrario très détaillées et étendues, telle celle de Maurice Letulle en 1903 358 (cf. annexes
42 à 45). Il est vain de tenter de dégager un modèle chronologique concernant la taille des
inventaires matériels. Des listes élaborées pourtant à une même période peuvent présenter
un décalage quantitatif important en termes d’objets conseillés. Dans la première édition de
son traité de médecine légale, publié entre 1821 et 1823, Mathieu Orfila recommande, pour
les seules incisions et sections, quatre objets différents : un scalpel, un couteau droit, fort et
bien tranchant, un couteau mince et flexible, ainsi que des ciseaux 359 . L’auteur de l’article
« Cadavre » du Dictionnaire abrégé de sciences médicales, édité également en 1821,
n’indique que le scalpel pour pratiquer ces solutions de continuité 360 (cf. annexe 42). De
même, les inventaires du début du XIX e siècle ne sont pas nécessairement les plus
restreints, et vice versa. Le catalogue d’instruments constitué par François Chaussier, en
1824 361 , est largement aussi volumineux que celui de Gabriel Tourdes en 1867 362 : ils
comportent chacun une quarantaine d’objets différents (cf. annexes 42 à 45), total qui
pourrait être accru en tenant compte d’une précaution suggérée par différents auteurs.
En effet, il est souvent préconisé de disposer de plusieurs exemplaires de certains
instruments. Paul Mahon conseille de se munir de scalpels, de scies, de pinces, de crochets,
de sondes ; Orfila indique que l’homme de l’art doit avoir des scalpels, des érignes, des
pinces, des bougies, des sondes, des stylets ; quant à Vibert, pour n’en citer que quelques-
uns, il estime préférable de posséder plusieurs scalpels, couteaux à autopsie et pinces à
dissection (cf. annexes 42 et 43). La multiplication de certains modèles d’instruments
répond à plusieurs exigences techniques. En premier lieu, avoir deux ou trois scalpels
355
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
356
Ibid.
357
Bricheteau, « Ouverture (Cadavérique) », art. cit., p. 556.
358
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., pp. 30-32.
359
Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 518.
360
« Cadavre », art. cit., p. 183.
361
François Chaussier, Recueil…, op. cit., pp. 28-34.
362
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., pp. 425-426.
790

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
permet de prévenir les désagréments liés à l’usure de l’objet. Si durant l’opération, la lame
s’émousse, voire se brise, le médecin demeure capable de poursuivre son examen. François
Chaussier en fait rapidement la remarque au début de son inventaire. Il recommande au
médecin expert de posséder un modèle de couteau droit, mais ajoute qu’il est « prudent
d’avoir toujours deux couteaux semblables pour suppléer l’un à l’autre » 363 . En second
lieu, certains instruments sont à usage unique, du moins pendant une même opération : une
sonde qui aurait permis d’évacuer un liquide quelconque, ne peut être utilisée pour vider
une autre cavité sous peine de souiller le fluide qui pourrait être soumis à analyse. Enfin,
l’emploi du pluriel pour désigner certains instruments ne signifie pas autant que l’homme
de l’art est tenu de rassembler plusieurs modèles identiques de l’objet. D’aucuns précisent
qu’il est avantageux de détenir un même instrument dans des dimensions variables, par
exemple des couteaux à autopsie munis de lames de taille différente, comme le suggèrent
Bourneville et Bricon 364 (cf. annexe 42). Mais la variation peut aussi concerner la forme de
l’objet. François Chaussier indique trois sortes de scalpels dans sa liste : un scalpel droit et
à dos, un autre à deux tranchants et un dernier semblable à une petite serpe 365 . Or, la forme
et la dimension des objets conseillés constituent la deuxième divergence visible entre les
différents inventaires.
2) Un matériel en adéquation avec la technique opératoire
Un praticien de l’art de guérir, chargé de réaliser un examen post mortem pour la
justice, doit se garder de penser qu’il effectue une banale ouverture cadavérique. Par
conséquent, il doit détenir les instruments adéquats, ceux qui lui permettront de procéder à
une exploration conforme aux préceptes de la science médico-légale. Les techniques
d’examen préconisées par la littérature pouvant varier d’un auteur à l’autre, il est inévitable
que le matériel utilisé diffère quelque peu aussi.
La comparaison des listes d’instruments fait apparaître des singularités matérielles
chez quelques auteurs qui ne trouvent une explication que dans les procédures d’examens
décrites et, donc, recommandées. L’inventaire de François Chaussier comporte une
tréphine ou un arbre de trépan (cf. annexe 42). Cette mention résulte d’un procédé
d’ouverture de la boîte crânienne atypique. La section des os de la tête, à l’aide de la scie,
363 François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 29.
364 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 65.
365 François Chaussier, Recueil…, op. cit., p. 29.
791

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
présentant un risque d’atteinte des méninges et du cerveau 366 , il préconise d’effectuer au
préalable une petite opération. Avec la couronne de trépan, l’homme de l’art pratique
quatre orifices dans le crâne (illustration 139). Puis, à l’aide d’un couteau à lame mince et
flexible, introduit par les différents trous de trépan, les méninges sont délicatement
décollées de la calotte crânienne. Une fois les éventuelles adhérences supprimées, le crâne
est scié circulairement 367 .
Source : François Chaussier, Recueil de mémoires, 1824, p. 507.
Illustration 139 : Ouverture de la boîte crânienne avec le trépan et la scie.
En outre, la procédure opératoire devant s’adapter aux circonstances, être modifiée
en présence d’une blessure par exemple, plusieurs auteurs intègrent cette possibilité dans la
composition de la trousse du médecin expert. Divers modèles d’instruments qui peuvent
être utilisés pour une seule et même action cohabitent. La scie et le marteau sont
susceptibles d’être employés, l’un et l’autre, pour l’ouverture du crâne (illustrations 140 et
141). Les deux objets apparaissent ensemble dans nombre de listes d’instrument,
notamment celles de Devergie, de Goubert, de Sée, ou encore de Tourdes (cf. annexe 42).
Cependant, la conjoncture opératoire, la nécessité de procéder à telle constatation, ou les
circonstances du décès guident le choix de l’instrument à utiliser :
« Cette section devra être faite avec la scie, toutes les fois qu’il importera de constater
exactement l’état des os du crâne, comme dans les cas où l’on soupçonne une fracture, ou
s’il s’agit de tumeurs ayant perforé ces os, d’ulcères syphilitiques ou autres. Sinon, on
pourra se servir d’une manière plus expéditive du marteau à autopsie » 368 .
366
M. Renard, « Considérations médico-légales… », art. cit., p. 97.
367
Ibid., p. 98.
368
Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », art. cit., p. 414.
792

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
De même, Chaussier substitue, pour la division des côtes, un scalpel à lame courbée en
forme de serpe à la scie. Dans les situations classiques, sans complication particulière, il
indique de scier les côtes et le sternum, pour ensuite renverser la partie antérieure de la
cage thoracique sur l’abdomen 369 . En revanche, si la poitrine présente une plaie, ou si des
côtes sont fracturées, la procédure diverge. Après avoir mis à nu la cage thoracique,
l’homme de l’art coupe avec la scie les côtes du côté non blessé, puis, avec le scalpel en
forme de serpe, il divise les cartilages qui relient ces mêmes côtes au sternum 370 . Ainsi, ce
dernier demeure en place pendant l’examen de cette partie du thorax, ce qui permet de
préserver la région lésée jusqu’à sa propre ouverture.
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, pp. 382 et 384.
Illustration 140 : Ouverture de la boîte Illustration 141 : Ouverture de la boîte
crânienne au marteau. crânienne à la scie.
L’apparition ou la disparition d’un instrument, au sein d’un inventaire, sont
également des indices de l’évolution des pratiques opératoires. Avec des inventaires qui
s’échelonnent sur l’ensemble du XIX e siècle, il est possible de noter l’émergence
d’instruments nouveaux et spécialisés, ou a contrario d’observer l’abandon de certains
objets auxquels un autre instrument est suppléé. La constatation est d’autant plus
significative qu’il s’agit de listes élaborées par un même auteur, à des époques différentes.
Les deux inventaires proposés par Gabriel Tourdes, en 1867 et 1896, comportent quelques
nuances instrumentales qui se répercutent, par conséquent, sur les procédures d’examen
décrites ensuite par le maître de la médecine légale strasbourgeoise. Dans la liste
d’instrument qu’il établit pour l’article « Autopsie » du Dictionnaire Dechambre, Tourdes
369 M. Renard, « Considérations médico-légales… », art. cit., p. 105.
370 Ibid., p. 107.
793

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
mentionne le costotome 371 . Puis, expliquant le procédé d’ouverture du thorax, il indique
que « pour mieux dégager les poumons », l’opérateur doit « couper successivement les
côtes au moyen du costotome » 372 . Mais, trois décennies plus tard, dans le Traité de
médecine légale qu’il publie avec Edmond Metzquer, aucune mention du costotome 373 . Les
seules techniques préconisées, pour l’ouverture du thorax, consistent à couper les cartilages
costaux ou à scier les côtes 374 . L’omission du costotome, et donc l’absence de son
utilisation pour la mise au jour des organes thoraciques, peut être envisagée sous deux
angles : soit les auteurs n’ont pas voulu noyer le lecteur sous une présentation exhaustive
des procédés opératoires, soit ils estiment que la technique du costotome ne constitue pas
la méthode la plus sûre. Toujours est-il que ce procédé est tu, ce qui signifie qu’un médecin
voulant s’inspirer de la lecture de cet ouvrage pour parfaire sa pratique d’autopsie,
n’utilisera pas le costotome.
Si les listes d’instruments apportent des indications quant aux procédures d’examen
utilisées par les auteurs, elles peuvent également être trompeuses. En effet, quelques-uns
indiquent du matériel auquel ils ne font ensuite aucune allusion dans leur descriptif
opératoire. Mathieu Orfila, à l’instar de François Chaussier dont il s’inspire beaucoup pour
la procédure d’examen cadavérique, cite le trépan parmi les instruments à détenir lors
d’une autopsie 375 . Mais durant l’explication de l’ouverture du crâne, Orfila ne mentionne à
aucun moment l’emploi du trépan : il scie directement la calotte crânienne sans décoller, au
préalable, les méninges 376 . Peut-être est-ce pour éviter ce genre de méprise et d’oubli,
auxquels risque d’être confronté un auteur immergé dans la mise par écrit de sa pratique et
des conseils qui lui semblent essentiels, que d’aucuns préfèrent ne pas composer de liste
d’instrument.
Dans nombre d’ouvrages généraux de médecine légale, et même dans quelques
travaux consacrés particulièrement à l’examen cadavérique, les auteurs ne fournissent pas
d’inventaire des accessoires indispensables au médecin pour exécuter sa tâche expertale.
Le matériel ad hoc apparaît au fur et à mesure de la présentation des méthodes
d’exploration et des constatations à effectuer. Léon Thoinot publie une étude sur l’autopsie
médico-légale, en 1910. Au sujet des instruments à employer il se limite à quelques
remarques générales :
371
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
372
Ibid., p. 428.
373
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 412.
374
Ibid., p. 414.
375
Mathieu Orfila, Traité de médecine…, op. cit., t. 2, p. 45.
376 Ibid., p. 48.
794

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
« Les instruments que nous employons ne diffèrent en rien de ceux qui sont en usage pour
les autopsies dans les hôpitaux ; nous remplaçons seulement le costotome ordinaire trop
faible par le costotome puissant des vétérinaires, et pour la section du crâne nous utilisons
la scie de boucher à grande lame droite » 377 .
Alexandre Lacassagne, dans son Vade-mecum du médecin expert, conçu pourtant comme
un aide-mémoire médico-légal apportant un maximum de conseils pratiques aux médecins
confrontés aux différentes expertises médicales, se contente de recommander de disposer
d’une « boîte à autopsie » 378 .
3) Les boîtes à autopsie
Les boîtes à autopsie sont à la médecine légale ce que les trousses sont à la
chirurgie : un étui ou une petite caisse qui contient les instruments les plus courants
permettant la pratique d’une grande partie des actes opératoires. Les maisons de coutellerie
spécialisées dans les instruments de chirurgie et autres matériels médicaux, établissent des
nécessaires d’autopsie dont les médecins peuvent faire l’acquisition et ainsi être assurés de
détenir les principaux, si ce n’est tous les instruments indispensables à la réalisation d’un
examen cadavérique judiciaire. Les auteurs semblent partagés au sujet de ces panoplies
d’autopsie déjà constituées. Certains les estiment tout à fait convenables. Marc Sée
considère que les objets « qui suffisent à une simple ouverture de cadavre » sont « réunis
dans la boîte dite à autopsie » 379 . D’autres en revanche n’y trouvent pas d’intérêt notable et
préconisent d’acheter séparément les divers instruments 380 . Désiré Bourneville et Paul
Bricon, qui comptent parmi ceux-ci, sont déçus par le contenu des boîtes proposées, car il
ne répond pas à leurs exigences matérielles.
Durant des décennies, l’anatomie a été la pourvoyeuse essentielle de la médecine
légale en termes d’instruments. Chomel, dans ses Eléments de pathologie générale, fait
remarquer que les divers instruments dont il est impératif de se munir, pour l’ouverture
cadavérique, sont identiques à ceux utilisés lors de la dissection 381 . Les catalogues des
fabricants d’instruments médico-chirurgicaux ne contiennent pas systématiquement de
matériel employé dans les dissections ou les autopsies. Et lorsqu’ils en proposent, la
distinction est souvent très mince. Nombre de catalogues répertorient sous une rubrique
377 Léon Thoinot, L’autopsie médico-légale, Paris, Baillière, 1910, p. 66.
378 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, Lyon, Storck, 1892, p. 38.
379 Marc Sée, « Autopsie (Anatomie) », art. cit., p. 412.
380 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 65.
381 Auguste-François Chomel, Eléments de pathologie générale, Paris, Crochard, 1817, p. 443, note
infrapaginale.
795

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
commune, nommée « Dissection-Autopsie » ou « Anatomie-Autopsies », l’ensemble du
matériel qui peut être employé pour l’une ou l’autre des activités. Inventoriant les
instruments qui composent son nouvel étui à dissection anatomique, le catalogue de
Charrière, publié en 1863, se limite à indiquer qu’il fabrique « d’après les mêmes
principes, des étuis pour les autopsies », et qui plus est dans une simple note
infrapaginale 382 . Cependant, du fait qu’en usant d’un matériel différent, la science médico-
légale cherche à prendre ses distances avec l’anatomie, et même avec l’anatomie
pathologique dont les recherches cadavériques présentent pourtant de notables similitudes,
les fabricants élaborent des nécessaires d’instruments dont le contenu doit correspondre à
un acte opératoire spécifique ou à une activité particulière : la “boîte à autopsie”, la “boîte
à dissection”, la “trousse d’élève”, la “trousse de médecin”, la “trousse pour chirurgien de
l’armée”.
A l’image des inventaires instrumentaux établis par les auteurs d’ouvrages médico-
légaux, la composition des trousses varie en fonction du fournisseur. De plus, les modèles
proposés par un fabricant peuvent comporter plus ou moins d’instruments. Le catalogue de
Mathieu offre à la vente, cinq versions de la trousse de médecin se présentant sous la forme
d’un étui pliant, et trois versions en boîte métallique 383 . Chacune renferme un nécessaire
différent qui permet au praticien d’exercer un type précis d’actes médicaux. Bien choisir sa
trousse de médecin ou de chirurgien, peut alors devenir un enjeu pour l’homme de l’art qui
veut être en mesure de répondre aux attentes judiciaires en matière d’expertise.
B) Une panoplie onéreuse
La grande majorité des médecins n’étant que rarement requis, il est compréhensible
que ces praticiens n’envisagent pas d’investir dans un matériel particulier qu’ils n’utilisent
jamais dans l’exercice quotidien de leur art. Seuls les médecins décrits précédemment
comme des experts officieux de l’institution judiciaire 384 , peuvent entrevoir un intérêt dans
cet investissement. Dans une telle circonstance, la fréquence de leurs réquisitions, et donc
de l’utilisation de leur panoplie médico-légale, entraîne une usure plus rapide de cette
dernière : au mieux la lame du scalpel s’émousse et il convient de la faire aiguiser, au pire
elle s’altère ou se brise et il faut changer l’instrument.
382 J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 12, note infrapaginale.
383 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., pp. 55-59.
384 Cf. le chapitre 3 sur les autorités médico-légales locales.
796

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Une facture découverte dans les archives de l’Ecole de médecine de Poitiers
apporte quelques indications à ce sujet. Il s’agit d’une facture produite par un coutelier de
Poitiers, un certain Berthon, en 1850. En janvier, l’Ecole donne six scalpels à aiguiser. Le
« repassage » est facturé à hauteur de 10 centimes par instrument, soit 60 centimes 385 .
Puis, en fin d’année, l’établissement achète trois boîtes de scalpels pour un montant de
2,25 francs 386 . Le nombre de pièces comprises dans chaque boîte n’est pas précisé, mais il
est intéressant de mettre cette somme en perspective avec les honoraires privés perçus par
les médecins. Un praticien de province demande, selon Jacques Léonard, entre 50 centimes
et 1 franc par visite, en fonction de la catégorie socioprofessionnelle du patient 387 . Si un
médecin souhaite faire l’acquisition d’une boîte de scalpels, il devra engager la quasi-
totalité du montant reçu lors d’une visite rendue à un malade. En outre, si l’homme de l’art
veut acheter un nécessaire fabriqué par un coutelier de la capitale, l’investissement devient
alors exorbitant.
Un médecin qui désire acquérir une trousse ou une boîte d’autopsie peut choisir
parmi les divers modèles proposés dans les catalogues. Ceux-ci sont plus ou moins
complets, et par conséquent plus ou moins chers. Dans le catalogue de Galante, en 1885,
une boîte d’instruments voués à l’autopsie coûte entre 53 francs pour le modèle le plus
simple 388 , et 150 francs pour le plus complet 389 . Il s’agit donc d’un investissement
considérable pour le praticien, dépenses qu’il ne peut même pas espérer compenser par les
honoraires que la justice pourrait lui allouer en échange de son concours. Durant plus de
huit décennies, les médecins experts sont payés selon les mêmes tarifs, établis en 1811 : ils
reçoivent 3 francs pour une simple visite et 5 francs s’ils pratiquent une ouverture
cadavérique 390 . Ainsi, pour s’offrir le modèle de luxe de la boîte d’autopsie proposé par
Galante, il faut que l’homme de l’art réalise 50 visites ou 30 autopsies. Or, rares sont les
médecins qui réussissent à atteindre de tels chiffres dans leur carrière d’expert, et dans
l’éventualité où ils y parviennent, les examens se répartissent sur plus de 30 ans 391 . Cela
signifie qu’un praticien qui achète une boîte d’autopsie ne peut escompter amortir son
385 A.D.V., 10T 1030, « Ecole de médecine. Budget : budget des recettes et dépenses ; compte de gestion du
directeur ; factures », Facture de Berthon (coutelier bandagiste à Poitiers), 1850.
386 Ibid.
387 Jacques Léonard, Les médecins de l’ouest au XIX e siècle, thèse de doctorat, Université Lille III, 1978, t. 2,
p. 559.
388 Cf. les annexes 42 à 45 pour avoir le détail des instruments contenus dans ses deux versions de boîte
d’autopsie.
389 Henry Galante, Catalogue illustré…, op. cit., pp. 4-5.
390 Cf. le chapitre 4 dont la première partie est consacrée à l’étude des honoraires des expertises.
391 Cf. le chapitre 3.
797

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
achat qu’à la fin de sa carrière, en espérant qu’aucun des objets n’ait besoin d’être
renouvelé suite à sa détérioration ou à sa casse.
Après la réévaluation des tarifs des expertises médicales en 1893, le médecin
perçoit 8 francs par visite et de 15 à 35 francs par autopsie, selon le cas. En 1900, pour
s’offrir le modèle complet du catalogue de Natton dont le prix s’élève à 94,20 francs 392 , le
praticien doit être requis une douzaine de fois pour une visite, ou faire entre 3 et 6
autopsies. Mais le contenu détaillé de la boîte signale quelques lacunes instrumentales non
négligeables, notamment pour sonder (cf. annexes 42 à 45). Le modèle de la « boîte
portative pour autopsie judiciaire » 393 de Mathieu, décrit dans le catalogue de 1907, est
plus conforme aux exigences des spécialistes de médecine légale. Cependant, cette
tentative de répondre au mieux aux attentes des praticiens a un coût : 193 francs. Pour en
devenir détenteur, l’homme de l’art doit effectuer 25 visites médico-légales, ou réaliser de
5 à 13 autopsies. Si proportionnellement, le prix des boîtes d’autopsies s’est moins accru
que le montant des honoraires touchés par les médecins experts, l’achat du modèle de
Mathieu demeure une dépense élevée pour un praticien qui n’en fera peut-être usage
qu’une fois l’an. Or, si la boîte portative de Mathieu est onéreuse, que dire de celle de
Collin qui est encore plus complète et qui a les faveurs de Maurice Letulle ? La liste
d’instruments fournie par l’auteur de la Pratique des autopsies est, en effet, l’inventaire de
la boîte construite par Collin, ainsi que les gravures sur plusieurs instruments le laissent
apparaître (illustration 122). Cette boîte renferme plus d’objets que le modèle fabriqué par
Mathieu, parmi lesquels un compas-glissière, plusieurs couteaux, différentes paires de
ciseaux, le rachitome de Brunetti, des pinces et des écarteurs supplémentaires (cf. annexes
42 à 45). Le prix n’est pas mentionné, mais il est fort probable qu’il soit bien plus élevé
que la boîte de Mathieu. Par conséquent, même si le modèle de nécessaire à autopsie
conseillé par Letulle assure l’homme de l’art de détenir tous les instruments essentiels à la
pratique d’un examen cadavérique, un nombre très restreint de membres du corps médical
ont dû en faire l’acquisition.
Les innovations mises au point par les fabricants d’instruments médicaux et
chirurgicaux ont eu quelques répercussions pécuniaires, parfois favorables aux hommes de
l’art. La création d’instruments à lame démontable, dont il a été question supra, offre la
possibilité au médecin d’« avoir un grand nombre d’instruments alors qu’il n’est besoin
392 P. Natton, Instruments et appareils…, op. cit., p. 12.
393 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 11.
798

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
d’acquérir qu’un petit nombre de manches » 394 , voire de n’acheter que des lames nouvelles
lorsque les anciennes sont émoussées ou cassées. Cherchant à fournir un nombre suffisant
d’instruments, tout en limitant la taille de la trousse et en préservant la modicité de son
prix 395 , le fabricant Charrière met au point un manche universel pour les diverses lames de
scalpels, les érignes, les grattoirs, etc. Le catalogue propose ensuite des étuis contenant « 6
lames de scalpel variées de grandeur ou de forme » 396 (illustration 142). Ainsi, en achetant
un seul manche, l’homme de l’art dispose en réalité de six instruments.
Source : J. Charrière, Note
accompagnée de planches
représentant les instruments
nouveaux, 1863, pl. 1.
Illustration 142 : Etui de lames de
scalpel de Charrière (années 1860).
799
D’autres améliorations peuvent en
revanche augmenter le prix de l’objet. Comme il
a été signalé précédemment, l’obsession de la
solidité de l’objet, à laquelle s’ajoute la
préoccupation sanitaire, favorisent les recherches
relatives aux matériaux utilisés pour fabriquer les
manches. En bois, en ivoire ou en corne, ils se
fragilisent au fil des utilisations et les fixations
qui maintiennent la lame deviennent instables. En
outre, certains de ces matériaux ne résistent pas
au traitement fréquent auquel l’instrument est
soumis, en vue de le nettoyer et le désinfecter. Le
métal, utilisé auparavant uniquement pour
confectionner les lames, est alors employé pour les manches. Cependant, ce matériau
accroît de manière notable le prix de l’objet. Pour nombre d’instruments, le catalogue de
Mathieu offre le choix entre une version avec manche en ébène et une version en métal.
L’écart de prix entre les deux modèles n’est pas négligeable : la scie à dos mobile de taille
moyenne, avec un manche en ébène, est vendue 6 francs, contre 9 francs pour la version en
métal 397 (illustration 123). Pour certains objets, le prix varie du simple au double, voire
plus, en fonction du modèle : le simple scalpel avec manche en ébène coûte 1 franc, alors
que le prix de sa version métallique est vendue 2,50 francs 398 .
Les fabricants d’instruments médicaux, il faut le rappeler, travaillent souvent en
étroite collaboration avec les praticiens des diverses sciences médicales. Les modifications
394
J. Charrière, Note accompagnée…, op. cit., p. 8.
395
Ibid., p. 11.
396
Ibid., p. 12.
397
Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 6.
398 Ibid., p. 4.

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
qu’ils font subir à leur matériel répondent fréquemment à une attente des utilisateurs. Avec
la restriction opératoire de certains instruments, avec l’apparition d’objets très spécifiques,
qui ont pour but de remplir une mission précise et qu’il est difficile d’employer à une tout
autre intervention, l’établissement de trousses destinées à telle pratique ou tel praticien
semble une continuité naturelle. Outre les multiples « trousses de médecin », « trousses
d’urgence », « trousses de poche », et autres « boîtes aseptiques pour chirurgie », l’homme
de l’art a le choix entre des étuis de dissection et même entre plusieurs modèles de boîtes à
autopsie. Mathieu propose, par exemple, un nécessaire pour les dissections, une boîte
d’autopsie adoptée par les hôpitaux de Paris et une boîte portative pour autopsie
judiciaire 399 . Un médecin qui désire acquérir du matériel propre à l’examen cadavérique
peut alors se contenter de la trousse de dissection, dont le contenu est succinct, mais qui
n’est pas trop onéreuse : une demi-douzaine de scalpels, une pince à dissection, une sonde
cannelée, une érigne et une paire de ciseaux, rangés dans une boîte métallique, pour un
montant de 31,25 francs 400 (illustration 143). A contrario, par sécurité, il peut préférer se
munir d’une boîte renfermant la panoplie quasi complète de l’autopsie. Si les modèles
hospitalier et judiciaire de la boîte d’autopsie comportent de petites divergences
matérielles, comme un plus grand nombre de couteaux pour la version hospitalière ou des
scies différentes (cf. annexes 42 à 45), la distinction majeure réside dans leur prix
respectif : 112,50 francs pour la première 401 , contre 193 francs pour la seconde 402 . Un si
grand écart est imputable, d’une part, aux matériaux dans lesquels les instruments sont
construits : les manches des instruments de la boîte des hôpitaux sont en ébène et ceux de
la boîte judiciaire en métal. D’autre part, la « boîte en chêne avec serrure, plaque et
poignée » 403 qui permet de qualifier de « portative » le modèle judiciaire, coûte à elle seule
54 francs, alors que la simple boîte en chêne de la version hospitalière, ne vaut que 26
francs 404 .
399
Ibid., pp. 10-11.
400
Ibid., p. 10.
401
Ibid.
402
Ibid., p. 11.
403
Ibid.
404
Ibid., p. 10.
800

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 10.
Illustration 143 : Trousse à dissection en métal de Mathieu (années 1900).
A titre comparatif, il convient de présenter quelques trousses de médecin, et autres
nécessaires de chirurgie, que les hommes de l’art peuvent commander chez les mêmes
fabricants. Pour leur pratique quotidienne, les médecins ont besoin de quelques instruments
leur permettant d’effectuer certaines interventions de médecine, et même des petites
opérations de chirurgie : inciser un abcès, sonder une plaie, la recoudre. Là encore, le prix
d’une trousse de médecin est très variable, en fonction de ce qu’elle contient. L’un des
premiers modèles de trousse médicale du catalogue de Galante (illustration 144) contient
un matériel réduit au strict minimum : un rasoir, trois bistouris, deux paires de ciseaux, une
sonde cannelée, une sonde pour homme et une pour femme, trois stylets, une spatule, une
pince à artères, une pince à pansement et un porte-pierre 405 . Son prix s’élève à 35,50
francs, ce qui demeure abordable. Le catalogue de Mathieu offre lui aussi un large choix de
trousses, cela a déjà été signalé. Le modèle pliant de base (illustration 145), un peu plus
fourni que celui de Galante, coûte 66,25 francs 406 . A l’autre extrémité, la « trousse à quatre
compartiments » (illustration 146), mieux pourvue en termes de bistouris notamment, vaut
227,50 francs 407 (cf. annexe 42).
405 Henry Galante, Catalogue illustré…, op. cit., p. 26.
406 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 55.
407 Ibid., p. 57.
801

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Henry Galante, Catalogue illustré des instruments, 1885, p. 26.
Illustration 144 : Trousse médicale de Galante (années 1880).
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 55.
Illustration 145 : Trousse médicale porte feuilles de Mathieu (années 1900).
802

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 57.
Illustration 146 : Trousse médiale à quatre compartiments de Mathieu (années 1900).
Cependant, en comparant ces différents étuis avec les inventaires d’instruments
établis par les auteurs ou avec le contenu des boîtes dites “à autopsie”, il ressort qu’ils sont
parfois loin de correspondre aux critères. Les instruments qui font particulièrement défaut
sont évidemment ceux consacrés aux parties osseuses, scie, ciseau, gouge, costotome, ainsi
que les objets très spécialisés tels l’entérotome, le couteau à cerveau ou le couteau à
cartilages. Les trousses de chirurgie peuvent combler certaines lacunes matérielles. Le
modèle complet de la boîte de poche pour petite chirurgie, mis en place par Mathieu
(illustration 147), comporte une scie à manche, une rugine de Farabeuf (cf. annexes 42 à
45), mais son prix est extrêmement élevé puisqu’il atteint 241,25 francs 408 .
Tous les praticiens ne peuvent se permettre un tel achat. Avec des prix aussi élevés,
seuls des établissements, hôpitaux ou écoles, sont susceptibles d’avoir les fonds suffisants
pour acheter une boîte à autopsie, les individus ayant déjà dû investir une somme parfois
conséquente dans leur trousse personnelle de médecin. Ainsi, dans l’éventualité où ils
seraient requis pour exécuter une autopsie judiciaire, ils doivent s’accommoder du seul
contenu de leur trousse médicale. Au mieux peuvent-ils suivre indirectement le conseil de
Bourneville et Bricon, peu favorables à la boîte d’autopsie et qui, rappelons-le,
408 Ibid., p. 61.
803

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
recommandent d’acheter les instruments idoines séparément 409 . L’homme de l’art peut en
effet se munir d’un ou deux instruments indispensables à l’examen cadavérique, sans avoir
recours à la boîte complète d’autopsie. Et si toutefois il ne disposait pas de l’instrument
adéquat, il devra faire preuve d’imagination et d’improvisation.
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 61.
Illustration 147 : Boîte de poche pour petite chirurgie de Mathieu (années 1900).
C) Une trousse de médecin en guise de boîte d’autopsie
1) Evocations matérielles dans les dossiers de procédures
Le matériel effectif employé lors des autopsies médico-légales est difficile à cerner
dans sa globalité. Si certains objets surgissent au détour d’une description, d’un
commentaire, aucun médecin expert ne procède à l’inventaire des instruments qu’il a
utilisés au cours de son examen, et encore moins au recensement du matériel en sa
possession et dont il pourrait de fait se servir. Sur l’ensemble du corpus des procédures
criminelles et correctionnelles, un relevé systématique des indications matérielles démontre
que plus de la moitié des affaires judiciaires avec examen cadavérique ne font aucune
mention d’un quelconque instrument médical, que ce dernier soit mis à contribution ou, au
contraire, qu’il fasse défaut au praticien. Sur les 324 affaires deux-sévriennes comportant
au moins un examen post mortem, 158 font mention d’au moins un objet, ce qui représente
49% des affaires. Ce pourcentage chute à 39% dans le département de la Vienne, car sur
319 affaires, seules 126 indiquent l’utilisation d’un objet précis. De plus, comme pour
beaucoup d’informations relatives à l’exercice d’autopsie, les indications concernant le
matériel de l’expert, sont souvent extraites non pas du rapport médical, mais d’un autre
document du dossier d’instruction.
409 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 65.
804

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Il est vrai, a priori, qu’il n’y a pas un grand intérêt à ce que l’homme de l’art
fournisse le contenu de sa trousse et fasse la liste des divers instruments dont il a dû se
servir pour remplir sa mission d’expertise. Pourtant, cet intérêt existe, eu égard aux
pratiques de l’autopsie et à sa bonne réalisation technique. Des manipulations et des
procédures sont proscrites par les préceptes de la médecine légale, et avoir des détails sur
les instruments utilisés peut s’avérer important, voire déterminant. Connaître le matériel
mis en action permet de savoir si l’expert n’a pas fait une erreur d’interprétation liée aux
techniques d’ouverture et de dissection qu’il aurait employées. Si le médecin expert relève
des lésions traumatiques sur le cerveau, et qu’il a procédé à l’ouverture du crâne à l’aide du
marteau, il est permis de penser que les chocs produits par l’instrument percutant la calotte
crânienne peuvent en être à l’origine. En revanche, si l’homme de l’art a usé d’une scie,
source d’aucun ébranlement susceptible d’endommager la masse encéphalique, la moindre
altération serait consécutive à un traumatisme antérieur à l’examen.
Inclure dans le rapport d’autopsie la liste des objets détenus ou non par le médecin,
ne ferait que rallonger inutilement le document. Or, la rédaction du rapport médico-légal
est réfléchie. Elle répond à une construction intellectuelle qui doit mener le lecteur à
l’objectif final, les conclusions 410 . L’homme de l’art doit se garder d’y introduire le
moindre élément superflu et donc perturbateur. Par voie de conséquence, aucune mention
de matériel n’est fortuite ou gratuite. La référence à un instrument, que ce soit par rapport à
son utilisation ou à sa non-utilisation, est toujours liée à l’action, à la manipulation
effectuée et décrite dans le rapport. Dans nombre de rapports, le médecin expert indique
que les poumons crépitent sous le scalpel, qu’ils gagnent le fond du vase, ou encore qu’il
« enlève le bord libre du maxillaire inférieur par un coup de ciseaux » 411 .
Mais une évocation restrictive du matériel de l’autopsie, en raison de ce précepte,
comporte un inconvénient pour le chercheur. Elle crée un déséquilibre au sein des
catégories d’instruments. Certaines sont sur-représentées alors que d’autres n’apparaissent
quasiment jamais. Les objets les plus souvent cités sont, sans nul doute, les seaux, vases,
bocaux, pots et autres récipients, utilisés pour déposer les organes prélevés ou s’adonner à
quelques expériences hydrostatiques. Ils apparaissent dans les deux tiers des affaires au
cours desquelles il est fait référence à un instrument. Pour les affaires des Deux-Sèvres,
seules 50 mentions sur 158 ne comportent pas ce genre d’ustensile, et dans la Vienne, le
410 Cf. le chapitre 2.
411 A.D.D.-S., 2U 329, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des Drs
Alfred Brillaud et Louis Lecointre, le 15 mai 1891.
805

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
rapport est de 40 indications sur un total de 126. Requis pour examiner la dépouille d’un
nouveau-né dissimulé dans un cellier, le Dr Barrilleau prélève les poumons et les plonge
dans un « vase plein d’eau » 412 , pour déterminer s’ils ont ou non respiré. Utilisés pour
réaliser des expériences immédiates, les récipients permettent aussi de conserver des
viscères et liquides prélevés aux fins d’analyses ultérieures. Le 1 er février 1850, deux
médecins et un pharmacien de Niort sont conviés à assister à l’exhumation d’une fillette de
6 ans qui aurait été empoisonnée par son père. Après l’examen des organes de la tête et du
thorax, les médecins experts s’intéressent aux viscères abdominaux. Ils prélèvent alors
plusieurs d’entre eux, le foie, la rate, les reins, les intestins, l’estomac ainsi qu’une portion
de muscles, et les répartissent dans divers bocaux et flacons 413 .
Ensuite, viennent les instruments qui servent aux incisions, aux sections et à la
division des parties osseuses. Parmi eux, les mentions les plus fréquentes concernent
l’“outil” premier du médecin expert, celui sans lequel il ne peut rien faire, le scalpel,
auquel il est parfois substitué un bistouri ou un couteau. Eugène Lemardelay, médecin à
Cholet dans le Maine-et-Loire, requis par le juge d’instruction de cette même ville sur
commission rogatoire de son confrère de Bressuire, doit procéder à l’autopsie d’un
nouveau-né 414 . Au cours de l’examen des organes de la respiration, l’homme de l’art
précise que les poumons sont « coupés par morceaux à l’aide du scalpel » 415 . Quant aux os
du crâne, leur division est effectuée grâce à « deux coupes pratiquées avec des
ciseaux » 416 . De manière moins fréquente sont nommés des objets employés pour
l’exploration : pince, sonde cannelée ou en caoutchouc, stylet. Par exemple, les Drs
Marquet et Gilles de la Tourette usent de ce dernier instrument pour évaluer la profondeur
d’une blessure qu’un individu porte au niveau de l’œil droit. Ils indiquent que la plaie a
permis de « faire pénétrer le stylet jusqu’au sommet de la cavité orbitaire » 417 . Enfin, il est
possible de découvrir, au sein du dossier de procédure, un petit nombre de références à des
appareils de mesure, tels la balance ou les compas, voire à un instrument spécialisé. Chargé
d’examiner le cadavre d’un enfant nouveau-né, Charles Moreau, médecin à Châtellerault
412 A.D.V., 2U 549, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du Dr
Barrilleau, le 21 août 1826.
413 A.D.D.-S., 2U 204, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Rapport
des experts qui ont procédé à l’exhumation et à l’autopsie, le 3 février 1850.
414 A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Nomination
d’experts. Serment, le 17 septembre 1868.
415 A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du Dr
Lemardelay, le 17 septembre 1868.
416 Ibid.
417 A.D.V., 2U 1515, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Coups et blessures ayant
entraîné la mort », Procès-verbal d’autopsie, le 15 août 1833.
806

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
dans la Vienne, donne avec précision les dimensions des divers diamètres crâniens,
mesures qu’il a obtenu « à l’aide d’un compas d’épaisseur » 418 .
2) Le matériel des établissements hospitaliers ou d’enseignement
Bien que d’aucuns s’astreignent à énumérer dans le détail la panoplie du médecin
expert, à indiquer avec force arguments les instruments appropriés et indispensables à la
pratique “autoptique”, quelques contributeurs à la production littéraire médico-légale sont
également conscients qu’il est difficile à bon nombre de médecins experts de disposer
réellement d’un tel arsenal. Outre la question de l’investissement financier, les distances et
les déplacements inhérents à l’exercice médico-légal empêchent l’homme de l’art de
toujours posséder l’ensemble de ces instruments. Charles Vibert, chef des travaux du
laboratoire de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris 419 , et collaborateur de
Paul Brouardel, fait preuve de lucidité à ce sujet. A la suite de l’énumération des
instruments dont doit se munir le médecin expert, Vibert remarque que, « dans la pratique
médico-légale », ce dernier ne « peut pas toujours disposer d’un outillage aussi
complet » 420 . Lorsque l’homme de l’art est notamment contraint de « se transporter à une
grande distance, il ne peut emporter tous les instruments indiqués » 421 . Par conséquent, il
lui faut procéder à une sélection, exclure ceux qu’il estime inutiles en fonction du cas qui
se présente à lui, et bien sûr abandonner les appareils intransportables ou volumineux : la
longueur du mécomètre de Chaussier, un mètre, rend l’objet encombrant.
A la lumière de ce constat, il pourrait être avancé que nombre de transports du
corps dans un établissement médical, morgue, Ecole ou Faculté de médecine, hôpital, sont
motivés par l’espoir d’avoir à portée de main la totalité du matériel nécessaire. La Morgue
de Paris, qui accueille de manière accrue les réalisations d’autopsies judiciaires au cours du
XIX e siècle, au point de s’ériger comme lieu exclusif de cet exercice en prenant le nom
d’Institut médico-légal à l’aube du XX e siècle 422 , dispose évidemment du matériel
approprié dans sa salle d’autopsie. A la fin des années 1870, son directeur, Alphonse
Devergie, dresse l’inventaire des objets disponibles dans cette pièce : des balances de
précision, divers récipients, deux seringues, et bien sûr un modèle de la « boîte à autopsie
418
A.D.V., 2U 1674, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
docteur, le 1 er mai 1868.
419
Daniel Jordell, Catalogue général de la librairie française, Paris, Jordell, 1918, t. 26, p. 824.
420
Charles Vibert, « Autopsie », art. cit., p. 71.
421
Ibid.
422
Cf. la thèse de Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., 3 vol., 911 f°.
807

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
très complète, fournie par M. Mathieu, coutelier » 423 . Mais il semble que cette situation,
idéale pour le praticien, n’existe pas auparavant. Bruno Bertherat constate que dans
l’ancienne Morgue, celle du quai du Marché-Neuf, abandonnée pour celle du quai de
l’Archevêché au milieu des années 1860, la description de la salle d’autopsie ne mentionne
que la table d’examen. La présence d’aucun instrument n’est suggérée 424 . Sa conclusion est
la suivante : « Ce matériel n’est pas encore installé ou bien les autorités comptent sur les
médecins légistes pour amener leurs propres instruments » 425 . Dans cette dernière
hypothèse, le médecin expert parisien se trouve dans une situation absolument identique à
celle rencontrée par ses confrères de province ; il doit transporter son matériel d’autopsie.
Les Facultés et Ecoles de médecine, en raison de l’enseignement anatomique
qu’elles dispensent, sont obligées de se pourvoir en instruments de dissection. Lors de son
installation en 1806, l’Ecole de médecine de Poitiers investit plus de 1550 francs en
matériel 426 . L’établissement a notamment fait l’acquisition de deux boîtes de scalpels,
d’une scie à amputation, d’une seringue à injection avec des tubes, de ciseaux et d’un
maillet 427 . Ces instruments nécessitent un entretien et parfois un renouvellement. La
facture du coutelier Berthon indique que l’Ecole détient au moins, en 1850, plusieurs
boîtes de scalpels, une scie et une seringue 428 . Le matériel dont sont munis les hôpitaux
semblent, en revanche, ne pas convenir à l’exercice cadavérique, du moins si on en croit
Georges Morache. Poursuivant sa campagne en faveur de l’amélioration des conditions
d’expertise, il formule quelques critiques à l’égard des établissements hospitaliers, comme
cela a été relevé précédemment lors de l’étude des lieux hébergeant les autopsies. Il avertit
ses confrères que, dans les « hospices des villes moyennes », un médecin ne « trouvera
aucun matériel, pas d’instruments surtout, ou de vieux couteaux et une mauvaise scie
ébréchée, rien qui soit en concordance avec la précision d’une autopsie judiciaire » 429 .
Bien qu’il soit permis de considérer que Morache a dû quelque peu noircir le tableau, il
faut aussi garder à l’esprit que ces établissements, au XIX e siècle, sont avant tout des lieux
423
Alphonse Devergie, « La Morgue de Paris. Sa description, son service, son système hygiénique. – De
l’autopsie judiciaire, comparée à l’autopsie pathologique », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1878, 2 ème série, t. 49, p. 62.
424
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 551.
425
Ibid.
426
Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine de Poitiers à ses débuts (1806-1854), extrait des Archives médicochirurgicales
du Poitou, Poitiers, Société française d’Imprimerie et de Librairie, 1908, p. 22.
427
Ibid.
428
A.D.V., 10T 1030, « Ecole de médecine. Budget : budget des recettes et dépenses ; compte de gestion du
directeur ; factures », Facture de Berthon (coutelier bandagiste à Poitiers), 1850.
429
Georges Morache, « L’expertise et le choix des experts », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1900, 3 ème série, t. 43, p. 334.
808

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
destinés à héberger les indigents et les malades désargentés. Il est par conséquent
envisageable que certains ne détiennent qu’un matériel chirurgical rudimentaire et
impropre à la pratique d’une autopsie.
En outre, si les structures médicales, que ce soit une Ecole ou un hôpital, sont en
mesure de fournir au médecin expert les instruments et les appareils essentiels à l’examen
cadavérique, l’argument n’est pas explicitement utilisé pour justifier le transport de la
dépouille dans un tel lieu. La défaillance matérielle de l’homme de l’art n’est jamais
employée pour alléguer une demande de transport, ou plus exactement, quand les
instruments ad hoc lui font effectivement défaut, le praticien ne suggère pas de faire porter
le corps dans une de ces institutions. Le 2 janvier 1868, un praticien de Châtillon-sur-
Sèvre, dans les Deux-Sèvres, est requis par le juge de paix pour venir constater le décès
d’une femme trouvée morte et dont le corps porte des traces suspectes 430 . Après un examen
externe minutieux, l’homme de l’art informe le représentant de la justice de paix qu’une
« visite plus scrupuleuse doit avoir lieu », mais qu’en l’occurrence, il ne dispose pas du
matériel qui lui permettrait de procéder à l’autopsie 431 . Le lendemain, le même médecin
retourne sur place et réalise l’examen en question, aidé d’un confrère de Bressuire 432 .
Même lorsque le médecin requis comme expert perd sa trousse, il ne fait pas appel
aux ressources éventuelles de l’hôpital. Le 5 août 1836, le Dr Dusouil est victime d’une
petite mésaventure. Appelé pour effectuer l’examen d’un nouveau-né, dont la dépouille a
été aperçue au fonds d’un puits abandonné, dans un bois, le praticien se rend sur les lieux.
Peut-être a-t-il voulu constater de visu la présence du petit cadavre au fonds, les
circonstances demeurent obscures, mais toujours est-il que la « trousse du docteur est
tombée dans le puits » 433 . N’ayant pu l’en extraire, et en raison de l’éloignement de toute
habitation, le médecin est contraint de reporter son examen et le procureur demande que le
corps soit déposé au greffe du tribunal 434 . Aucune précision sur un autre lieu que celui où
la dépouille est transportée n’est ensuite donnée, ce qui laisse supposer que l’autopsie s’est
déroulée au palais de justice. Il est alors permis de considérer que le médecin expert a
rassemblé une nouvelle collection d’instruments pour effectuer sa mission. En a-t-il acheté
de nouveaux, les a-t-il emprunté à un confrère ? Ou alors a-t-il utilisé le matériel qu’il
430
A.D.D.-S., 2U 255, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures volontaires
ayant occasionné la mort », Rapport du Dr Brillanceau, le 2 janvier 1868.
431
Ibid.
432
Ibid., Rapport de Brillanceau et Brillaud, le 3 janvier 1868.
433
A.D.D.-S., 2U 159, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal
constatant le crime, le 5 août 1836.
434
Ibid., Procès-verbal médical, le 5 août 1836.
809

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
destine aux vivants, c’est-à-dire les instruments qui constituent l’arsenal de tout praticien
de l’art de guérir et d’opérer ? Le mystère demeure entier et porte à s’interroger de manière
plus précise sur le contenu de ces trousses.
3) Des lacunes révélatrices
A l’époque où la médecine légale en était encore à ses balbutiements, l’ouverture
cadavérique était souvent réservée aux maîtres en chirurgie et autres chirurgiens-barbiers,
seuls détenteurs d’instruments capables d’inciser les chairs. Auteur d’une étude sur la
communauté des chirurgiens de Poitiers, Pierre Rambaud énonce l’« outillage spécial »
dont ces praticiens doivent se munir : canules en argent, couteau courbe, bec de corbin, 5 à
10 lancettes 435 . Des étuis contenant des bistouris, des sondes, des scies, des trépans et une
seringue sont également disponibles 436 . Cependant, Rambaud note que rares sont les
praticiens qui détiennent un matériel aussi varié et complet. Dans son ouvrage sur la Vie
quotidienne du médecin de province au XIX e siècle, Jacques Léonard s’intéresse aussi au
contenu de la trousse du praticien médical. Contrairement à ses prédécesseurs, l’homme de
l’art du XIX e siècle est à la fois médecin et chirurgien. Sa sacoche contient donc quelques
“armes” du chirurgien. La trousse portative du chirurgien comporte, selon Jacques
Léonard, deux catégories d’objets : des « outils de petite chirurgie et d’usage fréquent, à
côté d’instruments inquiétants faisant penser à des opérations importantes et
périlleuses » 437 . Dans le premier groupe, il fait entrer les daviers, les pinces et crochets, le
scarificateur, la lancette, les sondes et bougies, les aiguilles et le fil de lin, le cathéter, le
bistouri, les forceps. Dans le second, il inclut les couteaux et scies à amputation, les
trocarts, les brise-pierres, les lithotomes et tenettes, le trépan 438 . Il s’interroge alors sur la
réelle utilisation des instruments de ce deuxième groupe, précisant que « jusqu’en 1850, ce
genre de grande intervention chirurgicale semble rare en province » 439 . Or, il apparaît
qu’en ce qui concerne l’autopsie judiciaire, plusieurs d’entre eux sont tout à fait bienvenus,
notamment les couteaux et les scies.
L’obtention de l’énumération exhaustive des instruments auxquels le médecin à
recours durant l’autopsie s’avérant utopique, il faut alors aborder la question par un angle
435 Pierre Rambaud, « La communauté des maîtres chirurgiens de Poitiers », Mémoires de la Société des
Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, J. Lévrier et G. Bonamy, 1919, 3 ème série, t. 10, année 1918, pp. 317-318.
436 Ibid., p. 318, note infrapaginale.
437 Jacques Léonard, La vie quotidienne du médecin de province au XIX e siècle, Paris, Hachette littérature,
1977, p. 78.
438 Ibid., pp. 78-79.
439 Ibid., p. 79.
810

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
d’approche opposé. Quels sont les objets qui font défaut aux praticiens et comment
parviennent-ils à pallier ce manque ? L’absence de matériel approprié est une excuse
valable pour décliner, à contrecœur ou avec une pointe de soulagement, la réquisition
judiciaire 440 . Le 17 avril 1888, un commandant de gendarmerie envoie un télégramme au
procureur de la République de Parthenay. Il demande à ce dernier de venir accompagner du
« médecin légiste ordinaire de Parthenay », le médecin de Thénezay à qui aurait pu être
confié l’examen cadavérique ne disposant pas du « nécessaire pour l’autopsie » 441 . En
1830, un certain Fournier use du même argument auprès du juge de paix du canton de
Montreuil-Bellay, commune du Maine-et-Loire. Le 3 mars, ce dernier est informé qu’un
cadavre a été aperçu dans le Thouet, rivière qui traverse les départements du Maine-et-
Loire et des Deux-Sèvres 442 . Il se rend sur place et examine lui-même le corps retiré de
l’eau. L’homme de l’art qu’il a sollicité pour cette tâche, Fournier, a en effet répondu qu’il
ne pouvait accepter la mission, « faute d’instruments de chirurgie » 443 .
Si pour certains c’est l’ensemble de leur trousse médicale qui fait défaut, d’autres
indiquent avoir manqué d’un instrument ou d’un appareil précis, absence qui a alors eu des
répercussions sur l’examen effectué. Les deux catégories d’objets signalées comme faisant
défaut sont, d’une part, les instruments servant aux parties osseuses, notamment pour
ouvrir le crâne, et d’autre part, les appareils de mesure. Les instruments dont les médecins
experts sont parfois dépourvus sont donc les appareils les plus volumineux, impossibles à
faire entrer dans leur trousse, ou qu’ils n’utilisent pas dans la pratique quotidienne de leur
art. Les Drs Auguste Verger et Julien Pénard, praticiens à Civray dans la Vienne, sont
conviés par le procureur du roi pour procéder à une expertise. Le corps d’un nouveau-né a
été découvert flottant dans une mare. Au matin du 13 juin 1841, les deux experts se rendent
dans la chambre où le corps est déposé, puis le font transporter dans un hangar pour
l’examiner 444 . Après les constatations externes, les médecins procèdent à l’ouverture du
thorax et de l’abdomen. Ils coupent les cartilages costaux, mais sont contraints de laisser
les clavicules intactes, ne possédant « pas de scie pour les couper » 445 .
440
Sur la question du refus de réquisition cf. le chapitre 1 pour les aspects juridiques et le chapitre 4 pour
l’énumération des divers arguments utilisés par les médecins concernés.
441
A.D.D-S., 2U 234, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Télégramme du
commandant de gendarmerie, le 17 avril 1888.
442
A.D.D.-S., 2U 132, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vols », Transport
pour constater l’état du cadavre, le 3 mars 1830.
443
Ibid.
444
A.D.V., 2U 1552, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal, le
13 juin 1841.
445 Ibid.
811

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
Malgré leur lacune matérielle, les deux médecins experts sont parvenus à effectuer
un examen complet. D’autres en revanche se trouvent limités dans leur exploration
cadavérique. Alors qu’il se rend auprès d’un malade, Urbain Pallu, officier de santé à
Chauvigny, commune de la Vienne, est appelé par le juge de paix pour venir examiner la
dépouille d’un nouveau-né retirée de la rivière 446 . Souhaitant arriver rapidement auprès de
son patient, et bien qu’il n’ait avec lui « qu’un bistouri » 447 , il répond sans attendre à la
requête du juge de paix. Il procède à l’examen des organes thoraciques, mais précise a
posteriori qu’il n’a pas été en mesure d’observer le cerveau, puisqu’il ne disposait « pas
des instruments pour l’opération » 448 . Pour le Dr Carré, c’est une balance qui lui fait
défaut. En janvier 1890, ce médecin de Saint-Maixent est chargé des expertises médicales
relatives à une affaire d’avortement. Il doit, entre autres choses, déterminer l’âge du fœtus
et s’il porte des traces 449 . Au cours du récit de l’examen externe, l’homme de l’art signale
qu’il n’a pas pesé le corps puisqu’il n’avait pas de balance 450 .
L’aveu formulé par un médecin expert au sujet d’un instrument absent lui permet
de justifier l’examen partiel qu’il a réalisé et, ainsi, de parer les éventuels reproches qui
pourraient lui être fait à ce sujet. En outre, il peut justifier une erreur d’observation ou
nuancer une conclusion en usant de ce même argument. Près d’un mois après avoir
effectué l’examen d’une femme dont le décès ne serait pas naturel, le chirurgien Louis
Placide Favre comparaît devant le juge d’instruction 451 . Il relate que le 8 décembre 1815 il
a été requis pour venir examiner la défunte peut-être assassinée par son mari 452 . Il décrit ce
qu’il a pu observer et finit son récit en indiquant que plusieurs vaisseaux de la dure-mère,
une des méninges recouvrant le cerveau, étaient rompus 453 . Il s’empresse alors de préciser
que la rupture peut, en réalité, avoir été provoquée par le « mauvais outil dont [il a été]
obligé de se servir à défaut d’une scie » 454 . Par cette précision technique, l’homme de l’art
souhaite informer le magistrat que les lésions intracrâniennes ne sont peut-être pas
446 A.D.V., 2U 1500, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
juge de paix, le 17 février 1828.
447 Ibid., Information, le 5 mars 1828.
448 Ibid.
449 A.D.D.-S., 2U 324, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Avortement », Ordonnance, le
23 janvier 1890.
450 Ibid., Rapport du Dr Carré, le 28 janvier 1890.
451 A.D.V., 2U 537, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre volontaire avec
préméditation », Procès-verbaux d’informations, le 2 janvier 1816.
452 Ibid., Procès-verbal de gendarmerie, le 8 décembre 1815.
453 Ibid.
454 Ibid.
812

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
consécutives à des coups portés ante mortem, mais à ceux infligés au crâne lors de
l’autopsie.
Cet exemple démontre également que lorsqu’il manque un instrument au médecin
expert, ce dernier doit alors improviser, se rabattre sur le matériel plus ou moins
satisfaisant dont il dispose, voire solliciter les personnes présentes. La substitution d’un
objet à un autre est un des facteurs de l’évolution d’une science et des techniques qu’elles
utilisent. La disparition de certains instruments, devenus inadaptés, impropres, ou
simplement inutiles à l’examen, au profit d’un matériel plus sûr et conforme aux préceptes
de la sciencce, a été abordée précédemment. La substitution dont il est ici question répond
à une préoccupation plus pragmatique que scientifique. Quelques auteurs de travaux sur
l’autopsie judiciaire n’hésitent d’ailleurs pas à fournir des alternatives matérielles aux
médecins peu au fait de l’exercice. Charles Vibert propose de remplacer le costotome,
instrument somme toute précieux pour l’autopsie médico-légale, mais qui trouve peu
d’applications en dehors de cette dernière, par un « sécateur ordinaire de jardinier » 455 . Le
recours au sécateur est une pratique courante et largement acceptée. Dans un ouvrage
publié l’année précédente, Bourneville et Bricon précisent que cet outil est même
« préférable à tous les costotomes » 456 . Et déjà dans la troisième édition de ses Eléments de
pathologie générale, Auguste Chomel indique l’emploi du costotome ou du sécateur pour
procéder à la section des côtes 457 . Il n’est donc pas surprenant qu’en novembre 1884, les
Drs Foucart, Lecointre et Brillaud usent de cet instrument de substitution pour couper les
côtes, afin de suivre le trajet de la balle qu’un homme a reçu en pleine poitrine 458 .
La manifestation la plus fragrante d’une improvisation matérielle, durant la
réalisation de l’examen cadavérique, s’affiche au travers des récipients mis à contribution
par les médecins experts pour recevoir les différents organes et fluides. Fragiles et/ou
encombrants, ils sont le plus souvent sélectionnés sur place. A côté des contenants
classiques, vases, bocaux et autres seaux, dont l’utilisation recèle une certaine neutralité,
les médecins ont recours à des objets de la vie courante, destinés plus à l’art culinaire qu’à
l’art médical. Deux praticiens de Saint-Maixent, Angèle Ramire Orry et Alexandre Ardy,
sont requis en février 1825 pour effectuer l’autopsie d’un nouveau-né 459 . A l’ouverture du
455 Charles Vibert, « Autopsie », art. cit., p. 70.
456 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 65.
457 Auguste-François Chomel, Eléments de pathologie…, op. cit., 1841, p. 548.
458 A.D.D.-S., 2U 309, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », 2 ème rapport des
Drs Brillaud, Lecointre et Foucart, le 5 novembre 1884.
459 A.D.D.-S., 2U 109, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Interrogatoire
devant le juge de paix, le 7 février 1825.
813

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
crâne, les médecins constatent que le cerveau se trouve dans un état très avancé de
putréfaction, au point de se répandre dans toute l’étendue de l’« assiette » dans laquelle ils
le déposent 460 . Si l’utilisation de l’assiette en question est limitée au temps de l’examen,
d’autres réquisitions d’ustensiles s’inscrivent dans la durée. Félix Guillot, médecin dans le
Maine-et-Loire, est appelé par le maire de Saint-Martin-de-Sauzay, commune située à
l’extrême nord des Deux-Sèvres, pour déterminer les causes du décès d’une femme 461 . Le
lendemain, le même homme de l’art est à nouveau requis par le juge d’instruction du
tribunal de Bressuire, pour effectuer des analyses sur différents organes prélevés, avec un
confrère de Thouars 462 . En vue de les préserver d’une décomposition trop rapide, les
viscères sont plongés dans un « liquide alcoolique » 463 , contenu dans une « soupière en
terre vernie noire » 464 . Leur conservation n’étant pas jugée utile, les pièces anatomiques
sont ensuite mises en terre 465 . Les organes ont-ils été enterrés dans la soupière ou ont-ils
été déposés seuls, dans la bière déjà inhumée ? Et dans la seconde éventualité, la soupière
a-t-elle été restituée à son propriétaire ? Aucune précision à ce sujet ne figure dans le
dossier d’instruction, mais cet exemple laisse supposer que, au même titre que pour les
médecins experts, l’autopsie médico-légale peut représenter une dépense pour des témoins
fortuits de l’acte.
Le 8 mai 1878, le juge de paix de Saint-Varent, canton des Deux-Sèvres, sollicite
deux médecins, l’un exerçant dans cette même commune, l’autre à Bressuire. Il leur
demande de procéder à l’examen post mortem d’un homme qui aurait succombé suite à un
traitement prescrit par un guérisseur 466 . Mathurin Biais de Laterrière et Camille Dupuis
arrivent au domicile du défunt où les attend le représentant de la justice de paix. Ce dernier
fait alors transporter la dépouille sous un hangar 467 . Aux deux hommes qu’il requiert pour
déplacer le corps, le juge de paix demande également de « fournir aux hommes de l’art les
objets nécessaires à leur opération » 468 . Les objets en question ne sont pas nommés. Outre,
très certainement, des planches, des seaux d’eau, du linge, il est possible que les deux
460 Ibid., Procès-verbal des médecins, le 7 février 1825.
461 A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Coups et blessures ayant
occasionné la mort », Procès-verbal d’autopsie, le 11 février 1841.
462 Ibid., Procès-verbal de transport sur les lieux, le 12 février 1841.
463 Ibid., Rapport de M. Reverdit, le 12 février 1841.
464 Ibid., Procès-verbal de transport sur les lieux, le 12 février 1841.
465 Ibid., Rapport de M. Reverdit, le 12 février 1841.
466 A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence et exercice illégal de la médecine », Procès-verbal de transport et de constat, le 8
mai 1878.
467 Ibid.
468 Ibid.
814

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
médecins aient demandé quelques instruments plus essentiels à l’opération comme le
suggèrent d’autres exemples. A l’issue de l’autopsie d’un jeune homme décédé des suites
de plusieurs coups de couteau 469 , un manouvrier de Châtillon-sur-Sèvre, dans les Deux-
Sèvres, vient réclamer un « salaire » auprès du juge de paix, pour avoir assisté les deux
médecins experts 470 . Il a, en outre, « fourni des objets dont ils ont eu besoin », un seau, de
l’eau, mais surtout un « bras de scie » 471 .
* *
*
L’analyse des instruments usités dans l’exécution des autopsies met en exergue
plusieurs phénomènes. Tout d’abord, la composition des listes d’instruments établies par
les médecins qui s’intéressent à l’exercice de la médecine légale, révèle que chacun élabore
son nécessaire en fonction de ses convictions, tant scientifiques que techniques. Si nombre
d’instruments se retrouvent dans la quasi-totalité des inventaires, d’autres au contraire ne
sont mentionnés que par une poignée d’auteurs. Or, ce sont précisément ces divergences
matérielles qui permettent d’identifier les nuances de procédures. De plus, malgré les
recherches qui ambitionnent de perfectionner la technique de l’examen post mortem, il
demeure que les habitudes, plus ou moins néfastes, perdurent. Elles peuvent alors
transparaître dans le matériel employé. A la fin de la présentation des divers modèles
disponibles, le rédacteur de l’article « Rachitomes » du Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales offre une échappatoire aux praticiens. Il affirme que « le choix entre
ces divers rachitomes est à peu près indifférent » 472 . Il sous-entend donc que chaque
rachitome est satisfaisant. Selon lui, ce qui importe c’est l’aisance d’exécution que
l’homme de l’art a pu acquérir avec tel ou tel instrument : « c’est avant tout une affaire
d’habitude » 473 . En d’autres termes, il n’y a pas de mauvais instruments, il n’y a que de
mauvais manipulateurs. Ce point de vue n’est pas partagé par tous. Maurice Letulle est
plus nuancé. Décrivant l’utilisation du rachitome d’Amussat, il incrimine autant
469
A.D.D.-S., 2U 326, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Rapport des Drs
Brillaud et Gaboriau, le 30 juillet 1890.
470
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Meurtre (résidus du dossier de la cour d’assises) », Lettre au juge d’instruction, le 2 août 1890.
471
Ibid.
472
E. Spillmann, « Rachitomes », art. cit., p. 700.
473 Ibid., pp. 700-701.
815

- Chapitre 7. La “boîte à outils” du médecin expert -
l’instrument que l’opérateur, lorsqu’il souligne que son emploi « risque de traumatiser la
moelle » 474 .
Si l’habitude est un facteur important de l’utilisation du matériel de l’autopsie, la
conjoncture et la jouissance matérielle des hommes de l’art sont somme toute plus
déterminantes. L’étude du matériel de l’autopsie est l’une des démonstrations les plus
probantes du décalage qui peut exister, et cela tout au long de la période, entre les
recommandations formulées par les illustres représentants de la discipline médico-légale,
et la réalité de la pratique expertale dans les campagnes françaises. Même si les
informations fournies par les dossiers de procédures criminelles sont en nombre restreint,
elles suggèrent qu’en termes de matériel d’autopsie, le médecin expert est contraint à
l’improvisation et au détournement. La première situation se manifeste par l’emprunt de
certains ustensiles de cuisine et de quelques outils aux personnes présentes dans les
environs. Quant au détournement, il s’agit de l’emploi des instruments composant sa
trousse médicale, au premier rang desquels se trouve le bistouri, pour effectuer l’ouverture
cadavérique. Peu de praticiens sont en mesure, ou envisagent utile, de disposer d’un
nécessaire idoine. Par conséquent, ils usent des instruments de leur pratique habituelle pour
les rares occasions où une autopsie leur est confiée.
Mais se pose alors la question du nettoyage d’un matériel qui n’est pas
exclusivement consacré à l’examen cadavérique. La mise en contact des instruments avec
un corps qui entame sa décomposition, voire qui est dans un état de putréfaction avancée,
présente divers inconvénients : outre un risque de contamination et d’infection pour le
patient lors d’une intervention de petite chirurgie, la décomposition altère le matériel et
l’odeur peut s’y imprégner. Les instruments font donc partie des éléments qui stimulent la
lutte contre la décomposition putride.
474 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 428.
816

Chapitre 8
« UNE CHAROGNE INFAME » :
LA DECOMPOSITION PUTRIDE DU CORPS
« Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux, » 1
Les premières strophes du poème de Charles Baudelaire intitulé « Une charogne »,
offrent un troublant panorama des divers aspects de la décomposition cadavérique.
L’œuvre littéraire dépeint de manière abrupte et presque cruelle la pénible réalité post
mortem. Rien n’est épargné au lecteur, quant à l’horreur à laquelle le poète et sa compagne
se trouvent soudain confrontés : émanations odorantes insupportables, fluides nauséabonds
et toxiques, chairs informes colonisées par des insectes voraces.
Au sein des principaux actes cadavériques, la décomposition putride n’est pas
appréhendée selon les mêmes dispositions. Les hommes de l’art n’y sont pas confrontés de
manière identique. La divergence réside dans le laps de temps qui sépare le trépas de
l’intervention. Pour l’autopsie anatomopathologique, l’embaumement, le moulage et la
vérification du décès, l’acte survient dans un délai très court. Si les pouvoirs publics
n’avaient pas imposé la suspension de tout agissement post mortem avant 24 heures
échues 2 , les praticiens auraient pu, à de nombreuses reprises, intervenir aussitôt échappé le
dernier soupir. Concernant la dissection et l’autopsie médico-légale, la situation est tout
autre. Ces examens cadavériques intègrent de manière notable le facteur chronologique.
Outre le délai de 24 heures, la dissection anatomique s’inscrit dans la durée : une dépouille
peut être soumise aux scalpels des étudiants et des préparateurs en anatomie pendant deux
à trois jours, jusqu’à ce que la décomposition rende impossible et néfaste toute
1 « Les jambes en l’air, comme une femme lubrique, / Brûlante et suant les poisons, / Ouvrait d’une
façon nonchalante et cynique / Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture, / Comme afin de la cuire à point, / Et de rendre au centuple
à la grande Nature / Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe / Comme une fleur s’épanouir. / La puanteur était si forte,
que sur l’herbe / Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, / D’où sortaient de noirs bataillons / De larves,
qui coulaient comme un épais liquide / Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague, / Ou s’élançait en pétillant ; / On eût dit que le
corps, enflé d’un souffle vague, / Vivait en se multipliant. […] »
Charles Baudelaire, « Une charogne », Les Fleurs du mal, 1 ère éd. 1857, préface de Marie-Jeanne Durry,
Paris, Le livre de poche, 1972, pp. 43-44.
2 Cf. le chapitre 5.
817

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
exploration 3 . Quant à l’autopsie médico-légale, le temps de réaction des instances
judiciaires, ainsi que la dissimulation volontaire ou accidentelle du corps, peuvent entraîner
un intervalle temporel, plus ou moins long, entre le décès et la réalisation de l’examen. En
conséquence, les médecins experts sont mis en présence de défunts dans des états de
conservation très variés, de la dépouille “fraîche”, encore épargnée par les phénomènes
cadavériques, au corps parvenu à un stade de décomposition tel qu’il n’offre plus aucun
tissu organique ou viscère identifiables, hormis son squelette.
Selon l’activité cadavérique à laquelle s’adonne l’homme de l’art, la putréfaction ne
véhicule pas les mêmes informations, les mêmes soucis et les mêmes difficultés. Les
praticiens qui s’intéressent à l’autopsie scientifique, à la dissection, à l’embaumement et au
moulage, voient d’un très mauvais œil l’apparition des premières manifestations morbides.
Elles contrarient leur travail et/ou leur analyse. A l’inverse, les médecins vérificateurs des
décès apprécient, en quelque sorte, la décomposition putride car elle conforte leur avis sur
la réalité du décès et leur évite toute méprise fâcheuse. Les médecins experts, eux, oscillent
sans cesse entre ces deux considérations : dans la réalisation d’une autopsie judiciaire, la
putréfaction est autant une alliée qu’un obstacle.
Processus naturel qui se développe suivant un schéma variable et individualisé, la
destruction des tissus organiques privés de tout souffle vital peut s’avérer très instructive. A
contrario, l’altération progressive du corps, jusqu’à complète disparition, représente une
entrave sérieuse à la bonne marche des recherches médico-légales. En plus de faire
obstacle à un exercice “autoptique” conforme aux règles scientifiques, la putréfaction
comporte des désagréments et des dangers physiques que les hommes de l’art s’évertuent à
minimiser, voire à enrayer totalement, quand cela est possible.
I) LA PUTREFACTION : UNE ALLIEE PRECIEUSE DU MEDECIN
EXPERT…
L’état de conservation du corps ou le degré de décomposition putride qu’il peut
avoir atteint, recèle une importance qui varie en fonction de la nature du décès. Nombre de
morts criminelles, accidentelles ou volontaires ne nécessitent pas que l’homme de l’art
porte une quelconque attention aux phénomènes cadavériques. En revanche, pour certaines
catégories de décès suspects, des circonstances plus ou moins inhérentes au déroulement
3 Pierre Boitard, Nouveau manuel complet du naturaliste préparateur, 1 ère éd. 1828, nouvelle éd. rev., corr. et
augm., Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1868, p. 394.
818

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
du trépas et/ou aux subterfuges mis en place par l’auteur du crime, entraînent une prise en
considération quasi systématique de la décomposition. A partir des dossiers des deux cours
d’assises étudiées, complétés par les procès-verbaux relatifs aux suicides et morts
accidentelles, il apparaît que la prise en compte du degré de décomposition corporelle est
68%
65%
Graphique 88 : Répartition des examens post
mortem mentionnant le stade de la
décomposition cadavérique (Deux-Sèvres,
1795-1915).
32%
Graphique 89 : Répartition des examens post
mortem mentionnant le stade de la
décomposition cadavérique (Vienne, 1795-1915).
35%
Indication du degré de
putréfaction
Pas d'indication
Sources : ADDS, 6M, L 2 ème supplément U, 2U, 3U1,
3U4.
Indication du degré de
putréfaction
Pas d'indication
Sources : ADV, L, L Supplément, 4M, 2U, 3U4.
819
présente dans le tiers des examens
post mortem (graphiques 88 et 89).
Pour ce recensement, sont
aussi indiquées les mentions
négatives, c’est-à-dire les examens
de corps où aucun signe de
putréfaction n’est visible. Une
information même négative
demeure avant tout une
information. Il est en effet
remarquable que l’absence de
phénomène putride présente un
intérêt aux yeux des hommes de
l’art, au point d’en faire état dans
leur rapport d’expertise. Même s’il
est vrai que les deux tiers des
examens cadavériques poitevins ne
font aucune mention du degré de
décomposition, du moins de
manière explicite 4 , cela tend à
démontrer que cet élément est loin
d’être anodin en matière d’examens
4 Les chiffres des tableaux 52 et 53 (cf. annexe 24), qui ont permis la réalisation des graphiques 88 et 89,
indiquent le stade putride dans lequel se trouve la dépouille, selon le médecin. Il s’agit des mentions
effectives de la putréfaction à laquelle l’homme de l’art est confronté. Ainsi, plusieurs éléments ont été
écartés. En premier lieu, les affaires pour lesquelles le médecin refuse de pratiquer l’expertise, sous prétexte
que la décomposition est trop avancée, n’ont pas été comptabilisées, puisque aucun examen n’est effectué.
Ensuite, sont recensées uniquement les estimations qui utilisent les termes “putréfaction”, “décomposition”
ou leurs dérivés. Lorsque le médecin expert se contente d’indiquer la présence de la rigidité cadavérique,
l’absence de chaleur corporelle, ou tout autre phénomène morbide, l’examen n’est pas pris en considération.
Ces indications scientifiques servent au praticien à établir le temps écoulé depuis le trépas et lui permettent
de graduer l’état de conservation ou de décomposition. Cependant, en l’absence de toute précision générale
sur le développement putride, il ne nous appartient pas de la déduire à partir de ces mêmes éléments. Ce qui
nous importe ici c’est la perception du médecin expert plus que la réalité scientifique du stade putride.

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
cadavériques judiciaires.
L’une des données prépondérante relativement au développement des phénomènes
putrides est le facteur temporel. Or, le délai qui sépare le moment effectif du décès de la
découverte du corps ou du soupçon de crime, est plus facilement allongé dans plusieurs
types de morts subites. Sans aller jusqu’à leur conférer l’exclusivité putride, la noyade,
l’empoisonnement et l’infanticide sont les formes de décès les plus concernées. Ils
favorisent la dissimulation de la dépouille et, par conséquent, retardent l’examen. Qu’il se
soit jeté volontairement à l’eau, qu’il y soit tombé accidentellement, ou qu’il y ait été
projeté par autrui, le corps du noyé dérive quelques jours avant d’être repêché 5 . Crime
souvent invisible, l’empoisonnement peut laisser le temps à l’inhumation d’avoir lieu. Le
défunt repose en terre quelques jours, voire quelques années, avant que le processus
judiciaire ne soit enclenché. Quant à l’infanticide, la petite taille du corps le rend aisé à
cacher : le nouveau-né est enterré dans le jardin, enfoui dans un tas de fumier, jeté dans
une fosse d’aisance, ou encore placé dans une cavité rocheuse. Les phénomènes morbides
ont alors eu le temps de s’installer et de se développer, lorsque le médecin procède à
l’examen cadavérique.
Les recherches médicales et biologiques menées sur les processus de putréfaction
des organismes animaux trouvent donc un fort écho parmi les spécialistes de la médecine
légale. Pour nombre d’entre elles, l’origine de l’étude est d’ailleurs sa possible application
médico-légale.
A) Etudes sur les phénomènes putrides
Durant des siècles, savants et profanes ont observé les processus de la
décomposition des matières animales (et humaines). Tout un chacun connaît, de manière
mi-empirique mi-expérimentale, les facteurs qui accélèrent ou retardent leur altération, et
est également capable d’en identifier les manifestations 6 . La majorité de la population sait
5 Sur la noyade et les noyés cf. l’ouvrage collectif dirigé par Frédéric Chauvaud, Corps submergés, corps
engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l’Antiquité à nos jours, Paris, Editions Créaphis, 2007,
203 p.
6 Les professionnels de la mort, les garçons de la Morgue ou d’amphithéâtre de dissection, ou encore les
fossoyeurs, acquièrent au fil du temps la capacité de juger de l’avancée de la décomposition, et donc sont en
mesure d’estimer la date approximative du trépas, la durée du séjour dans la terre ou dans l’eau. Alphonse
Devergie en fait le constat lorsqu’il mène ses recherches sur la putréfaction à la Morgue de Paris, constat
quelque peu blessant pour l’amour-propre des hommes de l’art : « Lorsque je fis mes recherches à la Morgue
de Paris, j’eus occasion de voir avec quelle inexactitude les médecins déterminaient dans leurs rapports
l’époque de la submersion. D’un autre côté, j’étais frappé de l’approximation, je dirai presque de la
précision avec laquelle le concierge et l’aide de service de cet établissement indiquaient le temps écoulé
depuis que les individus avaient été noyés ». Cf. Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique,
820

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
reconnaître l’odeur sui generis d’un corps en voie de décomposition 7 . De même, elle sait
différencier les variations de couleur que traverse l’épiderme, de la pâleur livide au vert
putride. En revanche, les mécanismes du processus demeurent, pendant une grande partie
du XIX e siècle, encore mystérieux. La définition donnée par le Dictionnaire de chirurgie
de Le Vacher, en 1767, présente une ébauche d’explication : « Dissolution des humeurs ou
des parties solides de notre corps, qui, en développant les sels, et en altérant les huiles,
leur fait exhaler une odeur fétide et très désagréable » 8 . Quelques décennies plus tard, la
description faite par Mérat, dans le Dictionnaire des sciences médicales, n’apporte pas plus
de lumières sur les causes du phénomène :
« espèce de décomposition spontanée qu’éprouvent les substances animales privées de vie
par l’action de l’humidité et d’une chaleur modérée, et dont il résulte divers produits
nouveaux, et particulièrement un gaz particulier d’une fétidité insupportable » 9 .
Les deux définitions s’accordent sur la spontanéité du développement putride,
c’est-à-dire sur le fait que « n’étant plus placées sous l’influence des lois vitales, elles [les
diverses parties des animaux] retombent sous l’empire des lois physiques » 10 , s’altèrent et
finissent par disparaître complètement. La seconde explication intègre cependant une
conception quelque peu différente du processus : l’influence d’éléments extérieurs. A la
lecture des nombreux articles publiés à ce sujet dans les Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, dans les Archives d’anthropologie criminelle, ou encore dans le Journal
de médecine et de chirurgie pratiques, corpus agrémenté des rubriques idoines des
différents dictionnaires médicaux, ainsi que de quelques publications consacrées
exclusivement à la question, il apparaît que l’interrogation qui sous-tend l’ensemble des
recherches menées sur la décomposition est de déterminer s’il s’agit d’un phénomène
endogène ou exogène. Avant d’en comprendre le processus et d’apporter une explication
scientifique au développement de la décomposition, les médecins qui s’y intéressent
s’attachent en premier lieu à en décrire précisément les manifestations physiques.
avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-
Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles, H. Dumont, 1837, t. 1, p. 44.
7
Dans l’étude de la corruption et du pourrissement des matières animales, vivantes ou mortes, l’analyse
olfactive est celle qui prédomine depuis le milieu du XVIII e siècle. Les émissions odorantes du corps sont
humées de manière attentive pour découvrir tout dérèglement consécutif à une maladie. Cf. la présentation
des « odeurs de la corruption » dans Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social
XVIII e -XIX e siècles, Paris, Flammarion, Champs, 1986, pp. 16-23.
8
Le Vacher, « Putréfaction », Dictionnaire de chirurgie, Paris, Lacombe, 1767, t. 2, p. 4.
9
Mérat, « Putréfaction », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1820, t. 46, p. 283.
10
Alphonse Devergie, « Putréfaction », Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir.
d’Andral, Bégin, Blandin et al., Méquignon-Marvis et Baillière, 1835, t. 13, p. 687.
821

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
1) Les phases de la décomposition
Pour le XIX e siècle, les deux recherches fondamentales qui impulsent l’étude de la
putréfaction et de ses signes datent de la fin des années 1820-début des années 1830, et
sont menées par Mathieu Orfila et Alphonse Devergie. Le premier, en raison de sa
contribution régulière à des enquêtes judiciaires qui peuvent nécessiter ce genre de
procédure, publie un Traité des exhumations juridiques en collaboration avec Octave
Lesueur 11 . Quant à Alphonse Devergie, il débute ses recherches en 1827 12 et profite de sa
fonction de médecin-inspecteur de la Morgue de Paris pour les approfondir. Ce poste le
confronte quotidiennement à des dépouilles en état de décomposition avancée, notamment
après un séjour prolongé dans les eaux de la Seine 13 . Il consacre alors une cinquantaine de
pages à l’étude de la putréfaction dans le premier volume de sa Médecine légale, théorique
et pratique, ouvrage publié en 1837. S’il aborde les phénomènes de la décomposition à
l’air libre et dans la terre, la majeure partie de son propos concerne celle des corps
immergés. Les travaux de Devergie, bien qu’ils ne soient pas vraiment pionniers 14 , sont en
revanche les plus aboutis. Il demeure la référence en matière (de dépouilles)
décomposée(s) durant des décennies. Dans un article publié en 1887 par les Archives
d’anthropologie criminelle, Louis Hugounenq cite la périodisation établie par Devergie
concernant la putréfaction dans la terre 15 . Les constatations de ce dernier sont, cinquante
ans plus tard, toujours considérées comme valables.
Alphonse Devergie s’attache en effet à décrire et à distinguer les différentes phases
putrides par lesquelles le corps passe, en fonction du milieu dans lequel il se trouve. Ces
11
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations juridiques, Paris, Béchet Jeune, 1831, 2 t., 388 +
387 p.
12
Alphonse Devergie, « De la désinfection de la Morgue de Paris au moyen d’irrigation d’eau additionnée de
un deux-millième d’acide phénique », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1873, 2 ème série, t. 39, p. 320.
13
Les “clients” privilégiés de la Basse-Geôle, puis de la Morgue, sont effectivement les corps repêchés dans
la Seine et qui attendent d’être identifiés.
Cf. Richard Cobb, La mort est dans Paris. Enquête sur le suicide, le meurtre et autres morts subites à Paris
au lendemain de la Terreur, préface de Michel Vovelle, traduit par Daniel Alibert-Kouragine, Paris, Le
chemin vert, 1985, p. 10 et Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de
l’institut médico-légal ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain
Corbin, Université de Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, vol. 1, f° 83.
14
L’article « Putréfaction » du Dictionnaire des sciences médicales cite quelques-uns des savants qui ont
effectué des recherches sur la putréfaction au cours du XVIII e siècle. Cf. Mérat, « Putréfaction », art. cit.,
pp. 283-284.
Alphonse Devergie donne aussi un petit historique des recherches menées par ses prédécesseurs, dont les
observations de Mathieu Orfila pour les corps exhumés. Cf. Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit.,
t. 1, p. 45.
15
Louis Hugounenq, « La putréfaction sur le cadavre et sur le vivant », Archives de l’anthropologie
criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle. Législation et droit,
Lyon, Storck, 1887, t. 2, p. 204.
822

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
étapes permettent en quelque sorte d’estimer l’état d’avancement du processus, entre son
commencement et son achèvement. Pour la putréfaction à l’air libre, Devergie découpe le
phénomène en trois temps. Le premier correspond à l’apparition des « marbrures ou taches
bleuâtres séparées par des intervalles incolores, auxquelles on donne le nom de lividités
cadavériques » 16 , suivie de la coloration verte au niveau de l’abdomen. La seconde étape
est la « putréfaction gazeuse » : du gaz se développe dans le tissu cellulaire sous-cutané,
puis « se manifeste successivement dans le tissu cellulaire sous-muqueux, inter-musculaire,
et même dans tous les organes creux » 17 . L’épiderme se détache, un liquide brunâtre
s’échappe par les ouvertures naturelles et les pores de la peau. L’odeur est alors
insoutenable 18 . Au cours de l’ultime phase de décomposition, les yeux s’affaissent, la peau
prend une coloration brune et l’abdomen s’ouvre pour laisser échapper les gaz putrides.
L’odeur est moins fétide. Puis, « toutes les parties molles de la poitrine, de la tête et du
cou, tombent peu à peu en putrilage qui s’écoule et laisse les os à nu » 19 . Après destruction
de l’ensemble des chairs, « il reste sur le sol un détritus bourbeux, noirâtre, épais,
analogue au cambouis » 20 , qui finit lui aussi par disparaître, pour ne laisser que les os
comme souvenir de la présence de la dépouille.
Pour ce qui est de la décomposition en pleine terre, Devergie estime qu’elle se
déroule en cinq phases :
- « Première phase » : l’odeur est infecte, le visage s’affaisse, l’abdomen et les
membres prennent une coloration verte ou jaune marbrée de vert.
- « Deuxième phase » : le cadavre est recouvert d’un produit graisseux, jaune
rougeâtre, l’abdomen et le thorax sont affaissés.
- « Troisième phase » : l’épiderme a disparu, les ongles sont tombés, la peau est
desséchée, jaune-fauve et couverte de moisissures, les parties molles de la face et des
membres sont détruites.
- « Quatrième phase » : les os de la tête sont à nu, le reste des parties molles est
réduit à quelques débris filamenteux, la peau est jaunâtre, amincie et desséchée.
16 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 49.
17 Ibid.
18 Ibid., p. 50.
19 Ibid.
20 Ibid.
823

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
- « Cinquième phase » : les os de la tête sont désarticulés, la cage thoracique est
détruite, une matière noire et humide est présente au niveau du ventre et le long de la
colonne vertébrale 21 .
Enfin, Devergie met en évidence neuf phénomènes putrides qui se succèdent ou
sont concomitants pour les corps immergés 22 . Tout d’abord, la « putréfaction en vert » qui
consiste en l’apparition d’une coloration verte de la peau. Elle débute à la face et à la
poitrine, puis gagne le cou, l’abdomen et enfin les membres. A l’inverse, lorsque la
décomposition se produit à l’air libre, la tache verte apparaît d’abord à l’abdomen, avant de
se répandre sur le reste du corps et d’atteindre en dernier le visage. La phase suivante est
dénommée « production gazeuse » : du gaz se développe au niveau de l’estomac, des
intestins, des poumons et du cœur. Ensuite, a lieu la « putréfaction en brun » : la coloration
verte est remplacée par une teinte brune qui s’étend de manière plus restreinte à une partie
de la poitrine, du ventre et à la face. Les régions concernées connaissent alors une nouvelle
phase, la « réduction en putrilage » et se dissolvent dans l’eau. Au cours de la cinquième
étape, la « saponification », la peau encore présente acquiert « une teinte opaline », devient
plus dense et grasse au toucher. La sixième période est marquée par un assèchement des
tissus et des organes, hormis les muscles : c’est la « dessiccation ». Puis, la peau subit des
« corrosions » : le tissu cutané est érodé et offre un aspect granuleux. La pénultième étape
de la putréfaction dans l’eau « est caractérisée par la transformation du savon ammoniacal
en savon calcaire ». L’étape des « incrustations » est remarquable par l’apparence
singulière de la peau qui devient solide. L’ultime phénomène est la « destruction des
parties », c’est-à-dire l’altération et la disparition des tissus saponifiés, suivi par la
dislocation des os ainsi mis à nu.
2) Les facteurs de développement
Alphonse Devergie ne se contente pas d’observer les phénomènes putrides en
milieu aérien, sous-terrain et hydrique. Comme d’autres, il relève les conditions et les
facteurs qui permettent à la décomposition de suivre son cours, d’être retardée ou a
contrario d’être accélérée. Outre la cessation complète de la vie, il signale plusieurs
éléments naturels dont la présence ou l’absence influe sur le déroulement du processus
putride : l’air, la température, l’électricité et l’humidité 23 . Après avoir étudié l’implication
21 Ibid., pp. 50-52.
22 Ibid., pp. 70-72.
23 Ibid., pp. 45-46.
824

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
de chacun d’eux dans le développement de la putréfaction, l’auteur décrit l’atmosphère la
plus propice : « celle qui se composera d’oxigène (sic), d’azote et d’acide carbonique dans
les proportions de l’air ; d’une somme d’électricité très grande, d’une quantité
considérable de vapeur d’eau et d’une température de dix-huit à vingt-cinq degrés » 24 .
Toutes les autres situations provoqueront des modifications dans le processus putride
classique.
Un froid ou une chaleur intense freine, voire bloque la décomposition. Lorsque la
température avoisine ou est inférieure à zéro, « il n’y a nulle putrescence » 25 . Une
température très élevée suspend également le processus de la décomposition, « en
produisant une sorte de dessiccation ou de cuisson des tissus » 26 . Le seuil est fixé à 45-
50°C. Au delà de cette limite haute la putréfaction est impossible. En mars 1894, les Drs
Chrétien et Brossard sont obligés d’émettre quelques réserves quant au délai écoulé depuis
le décès d’un nouveau-né. En effet, le corps a été placé dans une niche taillée dans la pierre
d’une chapelle de l’église Saint-Hilaire de Poitiers 27 . Le défaut de tout signe de
décomposition peut suggérer que la mort ne date que de quelques jours, mais les deux
experts médicaux précisent que la putréfaction peut être longue à s’établir lorsque le corps
est placé dans un endroit frais et que la température extérieure est froide 28 .
De même, un taux hygrométrique élevé substitue le phénomène de la
saponification, c’est-à-dire la transformation des tissus en une matière grasse connue sous
le nom de « gras de cadavre » 29 , à celui de la putréfaction. Au cours d’une enquête pour
empoisonnement, en mai 1866, plusieurs défunts apparentés au prévenu sont exhumés, en
vue de découvrir si leur mort ne serait pas criminelle. Le 14 mai, Louis André Ganne,
médecin à Parthenay, assiste à l’exhumation du fils du prévenu, décédé à la fin du mois de
janvier à l’âge de 16 mois 30 . A l’ouverture du cercueil, le médecin expert constate qu’il est
rempli d’eau pluviale qui s’est infiltrée 31 . Après avoir retiré le corps de ce milieu, Ganne
effectue les constatations extérieures d’usage et signale qu’à certains endroits, la peau et le
tissu musculaire offrent les altérations consécutives à une « longue macération dans
24
Ibid., p. 46.
25
Mérat, « Putréfaction », art. cit.,p. 285.
26
Ibid.
27
A.D.V., 2U 1745, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide et suppression
d’enfant », Procès-verbal de constat, le 8 mars 1894.
28
Ibid., Rapport des docteurs experts, le 12 mars 1894.
29
Alphonse Devergie, « Putréfaction », art. cit., p. 691.
30
A.D.D.-S., 2U 252, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement », Procèsverbal
d’exhumation d’Abel R., le 15 mai 1866.
31
Ibid.
825

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
l’eau », au point d’atteindre le degré du « gras de cadavre », précisant qu’il s’agit de la
« saponification des tissus animaux » 32 . Le taux d’humidité et la température sont les deux
éléments essentiels dans le progrès de la décomposition. Ce constat s’avère primordial
quand il s’agit de prendre des dispositions pour conserver les dépouilles 33 .
En sus des facteurs atmosphériques, des éléments individuels doivent être pris en
considération, car ils sont susceptibles de jouer un rôle dans le développement de la
décomposition. Mathieu Orfila en donne une première liste qui pourrait constituer le “bilan
de santé” du défunt : « l’âge de l’individu », « l’état de maigreur ou de réplétion du
cadavre », et les « maladies antérieures » 34 . D’autres facteurs individuels sont censés
influer la marche putride : le sexe et la nature du trépas. Si l’impact du premier est mis en
doute – « Je ne puis pas dire que le sexe soit une cause de différence » 35 remarque Johann
Ludwig Casper – le second a donné lieu à nombre d’observations qui corroborent son
implication. Les constats énoncés par Casper à ce sujet peuvent se résumer à deux facteurs
déterminants et interdépendants : la rapidité du décès et sa cause. Un individu ayant
succombé à une mort subite est soumis à une décomposition plus lente qu’une personne
décédée des suites d’une longue maladie 36 .
De même, l’ingestion ou l’inhalation de certains produits accélère ou freine le
développement putride. Le fait est connu du profane, l’alcool conserve. Par conséquent, les
individus ayant ingéré, avant leur passage de vie à trépas, une grande quantité de boisson
alcoolisée, demeurent plus longtemps à l’abri des phénomènes morbides. Les
empoisonnements par l’acide sulfurique ou l’arsenic retardent également le processus. A
l’inverse, les personnes qui succombent à une asphyxie par l’oxyde de carbone, c’est-à-dire
par la fumée, se décomposent plus rapidement 37 . La présence d’un élément biologique ou
chimique inhabituel, des suites d’une maladie, de son introduction accidentelle ou
criminelle dans l’« économie », sont susceptibles de dérégler le déroulement classique de la
décomposition. Après la phase contemplative, les savants ont abordé la phase explicative.
32
Ibid.
33
La lutte contre la décomposition cadavérique est abordée dans la deuxième partie du présent chapitre.
34
Mathieu Orfila, « Putréfaction », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al.,
Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 18, p. 100.
35
Johann Ludwig Casper, Traité pratique de médecine légale, traduit de l’allemand sous les yeux de l’auteur
par Gustave Germer Baillière, Paris, Germer Baillière, 1862, t. 2, p. 25.
36
Ibid., p. 26.
37 Ibid.
826

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
3) Eléments explicatifs des phénomènes putrides
Il ne s’agit pas de faire ici une analyse complète des découvertes et des recherches
liées aux phénomènes putrides, étude qui dépasse largement le cadre du présent travail. A
la lecture de quelques-unes des recherches publiées dans les Annales d’hygiène publique
ou dans les Archives d’anthropologie criminelle, il convient cependant de remarquer que
les travaux menés sur la question s’attachent à déterminer si la décomposition des matières
animales est provoquée par une réaction interne ou si des éléments extérieurs n’ont pas
partie prenante dans le phénomène. En outre, il s’agit de focaliser l’attention sur les
découvertes et les observations qui intéressent la pratique médico-légale au premier chef,
ou qui ont par la suite été assimilées par cette discipline.
La putréfaction est le degré ultime de la fermentation 38 , ainsi que l’explique le
Dictionnaire des sciences médicales :
« Toutefois la putréfaction conduisant à l’entière disgrégation des éléments qui constituent
les corps, a été distinguée des fermentations proprement dites, dont le résultat est
seulement d’éliminer divers principes, ou de changer les proportions de ces principes dans
les substances soumises à ces fermentations » 39 .
Le processus de fermentation est d’abord considéré comme spontané et intestin, c’est-à-
dire qu’il n’a pas besoin d’éléments étrangers pour se produire. L’indice visible du
développement de la putréfaction étant la coloration verte de l’abdomen, les savants
estiment qu’il doit y avoir corrélation entre ce phénomène et la présence de matières
excrémentielles dans les intestins. En d’autres termes, la décomposition subie par les
aliments, sur le point d’être évacués hors du corps, se propage dans les tissus environnants
qui ne sont plus protégés par le souffle vital. « De même un fruit gâté et moisi propage la
moisissure, la corruption parmi les fruits sains » 40 . Cependant, la révolution pastorienne 41
apporte un nouvel élément dans le paysage putrescible. Les théories contagionnistes 42 ,
38 Sur la parenté entre fermentation et putréfaction, cf. la présentation synthétique de la « théorie des
germes » dans Bernardino Fantini, « La microbiologie médicale » in Mirko Grmek (sous la dir. de), Histoire
de la pensée médicale en Occident, t. 3 : Du romantisme à la science moderne, traduit de l’italien par Louis
L. Lambrichs, Paris, Editions du Seuil, 1999, pp. 124-130.
39 Virey, « Fermentation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1816, t. 15, p. 71.
40 Virey, « Ferment », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1816, t. 15, pp. 56-57.
41 Pour une présentation des doctrines microbiologiques, avant et après les recherches de Louis Pasteur, cf.
Bernardino Fantini, « La microbiologie médicale », art. cit., pp. 115-146. Voir également l’ouvrage collectif
dirigé par Claire Salomon-Bayet sur les prémices hygiénistes, la diffusion des concepts pastoriens et leurs
conséquences : Claire Salomon-Bayet, Pasteur et la révolution pastorienne, préface d’André Lwoff, Paris,
Payot, Médecine et sociétés, 1986, 436 p. Enfin, Pierre Darmon a réalisé une étude biographique de Louis
Pasteur : Pierre Darmon, Pasteur, Paris, Fayard, 1995, 430 p.
42 Sur le débat entre partisans et opposants de la génération spontanée, cf. Pierre Darmon, Pasteur, op. cit.,
pp. 116-129.
827

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
démontrées par divers savants dont Pasteur est la figure de proue, mettent à mal la
conception de « spontanéité morbide » 43 . La décomposition n’est pas une fermentation,
mais « l’œuvre d’agents dont les germes paraissent apportés par l’air et qui ne sont autre
chose que des végétaux et des animaux microscopiques » 44 . Il devient alors communément
admis que le cadavre est un “nid à microbes”. D’ailleurs, les corps des individus qui
succombent à une maladie se décomposent plus rapidement que ceux des individus
décédés en pleine santé. La cause en est que chez les malades, les microorganismes se sont
déjà répandus dans l’ensemble des organes durant la vie. « Il s’agit tantôt des microbes
mêmes qui sont la cause de la mort (maladies infectieuses), tantôt de bactéries venues de
l’intestin, qui ont envahi secondairement les organes à la suite d’altérations des tuniques
digestives » 45 . Néanmoins, les théories “spontanéistes” perdurent et l’action de ferments
dans certains processus putrides est confirmée par différentes études 46 .
En définitive, les scientifiques qui s’intéressent à cette question en arrivent à la
conclusion que la décomposition des matières animales est provoquée autant par des
éléments externes que par des facteurs internes :
« les phénomènes cadavériques comprennent deux grands ordres de faits : les premiers
sont inhérents au cadavre lui-même : ce sont les phénomènes que se passent en dehors de
toute intervention microbienne […].
Les seconds dépendent de l’intervention de facteurs étrangers ou extérieurs au cadavre,
que ces facteurs, les microbes, proviennent des grandes cavités viscérales, où ils se sont
logés pendant la vie, ou de la surface du corps lui-même » 47 .
Or, ces connaissances s’avèrent fort utiles en matière de médecine judiciaire, notamment
en ce qui concerne les nouveau-nés. Les hommes de l’art ont nombre de fois constaté
qu’un enfant mort-né, comme un nouveau-né qui succombe avant même d’avoir respiré
hors du sein de sa mère, subit une décomposition dont la marche est très différente de celle
43 Jacques Léonard, « La pensée médicale » in Médecins, malades et société dans la France du XIX e siècle,
textes réunis et présentés par Claude Bénichou, avant-propos de François Lebrun, préface de Jean-Pierre
Peter, Paris, Sciences en situation, 1992, p. 234.
44 J. Jeannel, « Embaumement », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. de
Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1870, t. 12, p. 603.
45 Etienne Martin, « Les facteurs internes de la putréfaction des cadavres », rapport du professeur Malvoz
présenté au Congrès de médecine légale (Bruxelles, 2-7 août 1897), séance du 6 août sous la présidence du
Dr Aspelin, Revue critique, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale
et pathologique, Lyon, Storck, 1897, t. 12, p. 671.
46 Etienne Martin, Lafforgue, « Pathogénie de la tache verte abdominale », Revue critique des journaux et des
sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Rey, 1910, t. 25, pp. 630-631.
Corin, « Les phénomènes cadavériques », Congrès international de médecine légale (Bruxelles, 4-10 août
1910), Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique,
Lyon, Rey, 1910, t. 25, p. 753.
47 G. Corin, E. Stockis, « Les phénomènes cadavériques », rapport présenté au IV e Congrès de médecine
légale de langue française, Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie
normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 562.
828

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
éprouvée par un enfant ayant inspiré un peu d’air. Chez les premiers, « la putréfaction
moins précoce et plus diffuse, semble avoir un point de départ pulmonaire » 48 . Chez les
seconds, le processus putride est classique et « commence par la région abdominale, qui se
ballonne et prend une teinte verdâtre caractéristique » 49 . Les recherches effectuées par
Malvoz dans les années 1890, apportent un début de réponse à cette divergence. L’intestin
des nouveau-nés qui ont respiré contient une bactérie particulière, appelée colibacille,
présente naturellement dans cet organe. En revanche, elle est absente chez les fœtus et les
enfants mort-nés 50 . Par conséquent, la simple découverte du colibacille permet d’affirmer
que l’enfant a vécu, facteur essentiel pour décider s’il y a ou non crime d’infanticide.
L’homme de l’art requis comme expert médico-légal n’est pas obligé de connaître
toutes les subtilités des mécanismes putrides, mais il doit être capable d’en identifier les
manifestations. La présence de la décomposition a un double intérêt médico-légal : elle
assure le médecin du décès et permet de lui apporter certaines indications relatives aux
circonstances du trépas. Elle permet notamment de donner une estimation de la date du
décès. Cependant, pour des raisons sanitaires et/ou judiciaires, le praticien ne peut pas
toujours attendre l’apparition des premiers indices putrides. Par conséquent, d’autres signes
morbides doivent pallier leur absence et remplir ce double rôle.
B) L’âge du cadavre
Parmi les mythes et les légendes entourant le passage de vie à trépas, la croyance en
la mort apparente, et son corollaire la hantise d’être enterré vivant, sont des plus tenaces.
Apparue au XVII e siècle, la peur prend de l’essor au siècle suivant et perdure durant le
XIX e siècle 51 . Les sons perçus à travers la pierre tombale, que certains prennent pour des
bruits de mastication, laissent penser que l’occupant de la sépulture est en train de dévorer
son suaire 52 . Les aménagements puis les translations de cimetières, notamment celui des
Innocents à Paris, dans les années 1780 53 , alimentent le mythe : des corps sont découverts
avec une partie du linceul dans la bouche ou semblent avoir changé de position dans le
48
E. Malvoz, « Recherches bactériologiques sur la putréfaction des nouveau-nés, et applications médicolégales
», Revue des journaux, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1895, 3 ème
série, t. 33, p. 91.
49
Ibid.
50
Ibid.
51
Cf. le chapitre « Le mort-vivant » dans Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2 : La mort ensauvagée,
Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1977, pp. 105-115.
Voir également les quelques pages consacrées à la hantise des inhumations précipitées dans Anne Carol, Les
médecins et la mort : XIX e -XX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2004, pp. 143-161.
52
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2…, op. cit., p. 185.
53 Ibid., pp. 204-205.
829

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
cercueil. La première explication apportée à ce phénomène est démoniaque : « le vampire
a une espèce de faim qui lui fait manger le linge qu’il trouve autour de lui » 54 . Les savants,
et principalement le corps médical, tentent quant à eux de fournir une cause rationnelle :
les individus qui se manifestent dans leur tombe sont des pseudos-défunts qui ont été
enterrés vivants et qui, se réveillant six pieds sous terre, sombrent dans le désespoir et
rongent leur suaire, voire leurs mains 55 . Cherchant à détruire une croyance et une peur
populaires, les hommes des Lumières en créent de nouvelles que leurs successeurs doivent
à leur tour contrecarrer.
La déclaration officielle du trépas, l’obligation de respecter un délai de 24 heures
avant l’inhumation, la mise en place d’un service de vérification des décès, l’installation de
maisons mortuaires, toutes ces dispositions ont pour objectif, entre autres, de rassurer les
futurs défunts et leurs proches. Les protocoles administratifs du décès doivent permettrent
d’éviter une inhumation précipitée, c’est-à-dire la mise en terre d’un individu qui n’aurait
que l’apparence de la mort. Dans ce processus, l’homme de l’art tient une place importante
dans la mesure où il est seul apte à identifier les véritables signes morbides 56 . La question
de la réalité du décès donne lieu à pléthore de travaux durant le XIX e siècle 57 . Les
médecins sont, selon les termes d’Anne Carol, « A la recherche du signe de la mort ». Ils
espèrent découvrir l’indice physique qui pourra tenir lieu de preuve indubitable du décès 58 .
En matière médico-légale, les signes morbides prennent une autre dimension. La
confirmation du décès est bien sûr le préalable à tout examen corporel judiciaire. Outre le
fait que le trépas modifie la qualification du crime – des coups et blessures deviennent
meurtre – s’assurer que la victime est incontestablement décédée signifie couper court à
tout espoir de la rappeler à la vie. Surtout, les manipulations effectuées habituellement sur
un cadavre pourraient être fatales si elles étaient malencontreusement pratiquées sur un
54
Citation de Dom Augustin Calmet extraite de Claude Lecouteux, Histoire des vampires. Autopsie d’un
mythe, Paris, Imago, 1999, p. 80.
55
Ibid., p. 140.
56
Cf. le paragraphe sur la vérification des décès dans le chapitre 5.
57
Citons, par ordre chronologique, quelques-unes de ces études : Julia de Fontenelle, Des recherches
médico-légales sur l’incertitude des signes de la mort, les dangers des inhumations précipitées, les moyens
de constater les décès et de rappeler à la vie ceux qui sont en état de mort apparente, in Alphonse Devergie,
Médecine légale…, op. cit., t. 2, pp. 307-383 ; Jean-Baptiste Vigné, Traité de la mort apparente. Des
principales maladies qui peuvent donner lieu aux inhumations précipitées. Des signes de la mort, Paris,
Béchet Jeune et Labé, 1841, 336 p. ; Eugène Bouchut, Traité des signes de la mort et des moyens de prévenir
les enterrements prématurés, Paris, Baillière, 1849, VI-407 p. ; Gustave Le Bon, De la mort apparente et des
inhumations prématurées, introduction de P.-A. Piorry, 1 ère éd. 1866, 2 ème éd., Paris, Delahaye, 1866, 211 p. ;
Séverin Icard, La mort réelle et la mort apparente, Paris, Félix Alcan, 1897, XII-314 p.
58
Après avoir souligné l’aspect obsessionnel de la réalité de la mort, au sein du corps médical, Anne Carol
présente les diverses observations et expériences effectuées sur la dépouille mortelle pour confirmer le trépas.
Anne Carol, Les médecins…, op. cit., pp. 162-189.
830

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
individu toujours en vie. Ainsi, hormis en présence d’un « état de décomposition avancée
ou un genre de mort excluant tout soupçon de vitalité » 59 , le médecin expert doit consacrer
quelques instants à contrôler que le trépas est effectif, surtout si personne, magistrat ou
autre praticien de l’art de guérir, n’a procédé à ce constat précédemment. Les Drs Dusouil
et Drouhet prennent cette précaution en juillet 1852, lorsqu’ils sont requis pour réaliser
l’autopsie d’un homme trouvé au bord de la route allant de Melle à Niort 60 . Arrivés sur les
lieux, les deux médecins experts se font présenter le corps. Dans leur rapport d’expertise,
ils précisent qu’ils ont tout d’abord constaté que l’homme « ne présentait plus aucun signe
de vie, qu’il était froid et à l’état de rigidité cadavérique » 61 . En d’autres termes, les deux
hommes de l’art ont bien affaire à une dépouille mortelle.
En sus d’apporter confirmation du trépas, les phénomènes cadavériques peuvent
aider à déterminer la date du décès. Si nombre de morts criminelles ou subites sont
immédiatement rendues publiques et, par conséquent, possèdent une chronologie
transparente, d’autres, à l’inverse, ont donné lieu à une dissimulation corporelle d’une
durée. Déplorant le peu d’intérêt manifesté par les auteurs d’ouvrages médico-légaux au
sujet de l’estimation de l’époque du trépas, Johann Ludwig Casper fait remarquer que la
question est, en revanche, fréquemment abordée par les magistrats : « il arrive très souvent
que le juge d’instruction demande à quelle époque le défunt a péri, soit dans des cas
d’assassinat, soit lorsque des personnes disparues depuis longtemps sont trouvées mortes,
soit dans des cas d’infanticides » 62 .
Relativement à ces derniers, le facteur temporel est souvent abordé. Pour parvenir à
établir la parenté, et généralement la culpabilité, les magistrats doivent faire coïncider la
naissance, puis le décès du nouveau-né, avec l’accouchement de la mère présumée. Même
lorsque la femme a avoué être la mère, qu’elle a fourni une chronologie des événements, il
est fréquent que le magistrat instructeur demande au médecin expert d’estimer le temps
écoulé depuis la mort de l’enfant. Dans l’ordonnance qu’il établit en décembre 1895 à
l’attention du Dr Périvier, le juge d’instruction de Civray, arrondissement de la Vienne,
indique clairement que sa requête relative à la chronologie a pour objectif de rapprocher la
date de l’accouchement et celle du décès : « la naissance et la mort de l’enfant se
59
Mathieu Orfila, « Cadavre (Médecine légale) », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard,
Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1822, t. 4, p. 25.
60
A.D.D.-S., 2U 212, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre », Procès-verbal
médical, les 22-23 juillet 1852.
61
Ibid.
62
Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit., t. 2, p. 9.
831

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
rapportent-elles à l’époque présumée de l’accouchement, soit le 21 octobre 1895 ? » 63 .
Les noyades volontaires ou accidentelles, de même que les défunts inconnus qui sont des
disparus potentiels, peuvent également susciter des interrogations concernant l’époque du
décès. En avril 1843, la brigade de gendarmerie de Vivonne, dans la Vienne, rédige un
rapport concernant un inconnu d’une trentaine d’années découvert dans la rivière 64 . Le
rapport indique qu’un « docteur » a procédé à l’examen du corps. L’homme de l’art a
constaté l’absence de toute trace de violence et, eu égard à l’état de décomposition, a
estimé que le corps avait séjourné 9 jours dans l’eau 65 .
Le regret exprimé par Casper est peut-être dirigé contre la littérature médico-légale
allemande, il peut néanmoins s’appliquer à la production française. En effet, jusqu’au
deuxième tiers du XIX e siècle, peu d’ouvrages abordent la datation de la mort. Si des
œuvres incontournables de la littérature spécialisée, tel le traité de François-Emmanuel
Fodéré 66 ou encore les leçons de Mathieu Orfila 67 , font quelques allusions chronologiques
relatives aux phénomènes morbides, celui d’Alphonse Devergie est l’une des premières
synthèses de médecine légale qui expose de manière précise les éléments permettant de
dater le trépas. Alphonse Devergie distingue deux grandes périodes dans « le
développement successif de tous les phénomènes que présente une personne, depuis le
moment où elle a cessé de vivre jusqu’à celui où son corps a été réduit à l’état terreux » 68 :
la première est celle qui précède l’apparition des premiers signes de la décomposition, la
seconde correspond au développement et à la disparition des phénomènes putrides.
La première phase comporte différents signes morbides distinctifs qui, seuls ou
combinés, permettent d’évaluer le temps écoulé depuis le décès :
« 1° La chaleur s’éteint graduellement ; 2° la rigidité cadavérique se développe ; 3° le
volume du corps diminue ; 4° il en est de même de son poids ; 5° tous les liquides et solides
de l’économie tombent sous l’empire des lois physiques » 69 .
63
A.D.V., 2U 1749, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Ordonnance, le 13
décembre 1895.
64
A.D.V., 4M 298, « Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des suicides. Suicide (noyade) »,
Rapport de gendarmerie de la brigade de Vivonne, le 4 avril 1843.
65
Ibid.
66
Fodéré aborde le problème de la datation du décès lors du chapitre consacré à la question de la survie,
c’est-à-dire aux indices qui permettent de déterminer quel individu est passé le dernier de vie à trépas,
lorsqu’une catastrophe fait plusieurs victimes.
Cf. François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de police de santé,
adapté aux codes de l’Empire français et aux connaissances actuelles, 1 ère éd. 1799, 2 ème éd. entièrement ref.
et augm. de deux tiers, Paris, Mame, 1813, t. 2, pp. 228-272.
67
Mathieu Orfila, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1821-1823, t. 1, pp. 477-503.
68
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 40.
69 Ibid.
832

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Devergie divise cette première période morbide en 4 étapes chronologiques présentées
dans le tableau ci-dessous 70 .
Chronologie des phénomènes morbides de la période ante-putride
(Alphonse Devergie)
1 ère époque
2 ème époque
3 ème époque
4 ème époque
Signes morbides
-Chaleur corporelle présente
-Relâchement des muscles
-Chaleur corporelle disparue
-Rigidité cadavérique présente
-Chaleur corporelle disparue
-Souplesse des membres
-Coloration naturelle de la peau
-Augmentation du volume du corps
-Elasticité et fermeté de toutes les parties
du corps à cause du développement
gazeux
-Coloration verte de l’abdomen
833
Délai écoulé depuis le
décès
2 à 20 heures
10 heures à 3 jours
3 à 8 jours
6 à 12 jours
L’amplitude temporelle de chaque époque est consécutive aux facteurs extérieurs,
principalement atmosphériques, qui peuvent influer sur l’apparition de ces divers
phénomènes.
Parmi les signes cadavériques initiaux, la rigor mortis, c’est-à-dire la rigidité du
corps, est la plus communément indiquée, et cela même lorsque l’homme de l’art ne
formule aucune estimation quant à la date du décès. En décembre 1816, deux praticiens de
Châtellerault, François Pierre Gilbert et Hilaire Lherpinière, réalisent l’examen post
mortem d’un nouveau-né dont la dépouille a été jetée dans les latrines 71 . Les deux
médecins experts font remarquer que les « membres supérieurs sont raides surtout dans
l’articulation du coude » 72 . Cependant, lors de l’énoncé de leurs conclusions, ils soulignent
juste que le corps était « frais » 73 , sans autre précision. En revanche, au début du mois de
décembre 1855, un médecin de Lussac-les-Châteaux, localité du sud de la Vienne, use de
ce même indice pour donner la date approximative du décès. Louis Marcel Litardière est
requis par le juge d’instruction pour procéder à l’autopsie d’un enfant nouveau-né
70 Ibid., p. 44.
71 A.D.V., 2U 538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
juge d’instruction, s.d. [décembre 1816].
72 Ibid.
73 Ibid.

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
découvert dans une fosse, à quelques mètres de la route Poitiers-Limoges 74 . A son arrivée
sur place, le médecin expert observe que le corps est presque entièrement immergé dans
une eau « recouverte d’une légère couche de glace » 75 . Extrait de la fosse, le corps
présente une rigidité cadavérique dans toutes les articulations, rigidité qui perdure alors
que le corps a séjourné, durant trois heures, dans la chaleur d’un appartement 76 . Le
phénomène cadavérique ne peut pas être confondu avec la raideur provoquée par la
congélation. Eu égard à l’absence de toute manifestation putride et à une rigidité
cadavérique dont le développement est à son apogée, le médecin expert estime que la mort
remonte à moins de 4 jours 77 .
La température du corps est plus rarement usitée par les médecins poitevins.
Plusieurs explications peuvent être avancées. D’une part, sans instrument adéquat pour
mesurer la température corporelle, l’homme de l’art ne peut faire qu’une estimation toute
subjective, et par conséquent peu fiable. D’autre part, la donnée calorique est pertinente
dans la mesure où le trépas est récent, où le constat médical est presque immédiat. Or, les
circonstances sont généralement peu favorables à l’instantanéité de la procédure médico-
légale. Plusieurs heures, voire quelques jours, peuvent s’écouler avant qu’un médecin soit
mis en présence du défunt. Il demeure néanmoins que certains hommes de l’art ont
l’occasion d’utiliser la température corporelle pour juger du temps écoulé depuis le trépas.
En décembre 1882, le Dr Augry Landonnière est convié par le maire de L’Isle-Jourdain à
venir examiner le corps d’un homme gisant sur une route 78 . Sur les lieux, le médecin
constate que le cadavre est « encore chaud », ce qui l’autorise à conclure que le décès s’est
produit, tout au plus, 3 heures auparavant 79 .
Lorsque la rigor mortis est absente, qu’elle n’ait pas encore eu lieu ou qu’elle ait
disparu, les médecins experts doivent se focaliser sur les indices de la putréfaction pour
fournir une date de décès. C’est à cette étude qu’est contraint un chirurgien, en mars 1830.
Le cadavre d’une femme a été découvert dans l’eau à proximité du Moulin de Couché.
L’homme de l’art remarque que la putréfaction est très avancée : l’épiderme des mains et
des pieds, ainsi que le cuir chevelu, s’enlèvent au moindre contact, le visage est totalement
74
A.D.V., 2U 1630, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du
médecin Litardière, le 7 décembre 1855.
75
Ibid.
76
Ibid.
77
Ibid.
78
A.D.V., 3U 4 / 612, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Assassinat »,
Procès-verbal d’information, le 4 janvier 1883.
79
Ibid.
834

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
détruit par les phénomènes putrides, les globes oculaires ne sont plus reconnaissables 80 . En
raison du degré de décomposition, associé à la présence de « pellicules de grains de raisin
dans l’estomac », l’expert chirurgien évalue le séjour dans l’eau à 4 mois 81 .
Alphonse Devergie, reprenant les constatations d’Orfila et de Lesueur en matière de
décomposition dans la terre 82 , n’est pas en mesure de donner une chronologie des
différentes étapes de la putréfaction :
« [l’]apparition [des phénomènes de la putréfaction] est soumise, dans certains cas, à des
variations tellement grandes, au moins pour la putréfaction qui a lieu dans la terre, que M.
Orfila, qui s’en est surtout occupé, n’a pas cru pouvoir rattacher aucune époque à la
naissance de ces phénomènes » 83 .
Quant à la décomposition à l’air libre ou dans des milieux singuliers, telle la fosse
d’aisances, il déplore l’absence de travaux approfondis. Par conséquent, il ne peut fournir
d’indications temporelles que pour la putréfaction dans l’eau qu’il a lui-même étudiée. Les
neuf étapes successives de la décomposition en milieu hydrique ont été présentées
précédemment. Le tableau ci-dessous indique, pour chacune d’elles, l’époque vers laquelle
se manifestent leurs signes distinctifs 84 .
Chronologie des phénomènes putrides pour les corps immergés
(Alphonse Devergie)
Etape Eté Hiver
Putréfaction en vert 3 jours 12 à 15 jours
Production gazeuse 4 à 6 jours 1 mois et demi à 2 mois
Putréfaction en brun 10 à 12 jours 1 mois
Réduction en putrilage 2 à 3 mois
Saponification 3 à 4 mois
Dessiccation 4 mois
Corrosions 4 mois et demi
Incrustations 4 mois à 4 mois et demi
Destruction des parties Au-delà de 4 mois et demi
80
A.D.D.-S., 2U 132, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vols », Rapport
médical, le 4 mars 1830.
81
Ibid.
82
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., 2 t., 388 + 387 p.
83
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 44.
84 Ibid., pp. 70-72.
835

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Les recherches menées sur les indices de la mort réelle ont accru de facto l’éventail
des signes servant à estimer l’époque du décès. Les diverses étapes qui délimitent
chronologiquement les premiers stades du processus morbide, présentées par Gabriel
Tourdes dans le Dictionnaire Dechambre 85 , comportent un nombre bien plus élevé
d’éléments que celles établies par Alphonse Devergie. Le tableau ci-dessous reprend les
différents signes constituant les trois premiers degrés cadavériques, jusqu’à l’apparition
des indices manifestes de la décomposition.
Chronologie des premiers phénomènes morbides
jusqu’au début de la putréfaction (Gabriel Tourdes)
Période Signes Délai écoulé
Résolution
musculaire
Rigidité
cadavérique
Coloration et
ramollissement
-Contractilité musculaire par irritation mécanique
-Dilatation de la pupille
-Refroidissement
-Transparence de la fibre musculaire
-Forme nummulaire des globules sanguins réunis en
pile
836
6 à 8 premières
heures
-Formation des hypostases ou lividités cadavériques 5 à 15 heures
-Rigidité initiale, généralisée et décroissante
-Fibre musculaire striée
-Globules sanguins sphériques, quelques-uns couverts
d’un dépôt granuleux
-Température corporelle équilibrée avec la température
ambiante
-Pupille contractée
-Signes caractéristiques de l’œil (cornée troublée,
teinte noire de la sclérotique)
-Coloration bleuâtre ou verdâtre de tout l’abdomen
-Colorations par imbibition du sang et transsudation
des liquides de l’organisme
-Odeur cadavérique
-Fibre musculaire granuleuse
-Globules sanguins s’altèrent et se décomposent
36 à 48 heures
1 à plusieurs
semaines
Si les manifestations cadavériques identifiables à distance sont toujours évoquées, de
nouvelles constatations, à une échelle plus réduite, sont mises à contribution. Elles
requièrent, par exemple, que le médecin plonge son regard dans celui du défunt ou use
d’un appareil grossissant.
Les modifications oculaires qui surviennent aussitôt la vie éteinte ont très tôt attiré
l’attention des médecins. Paul Mahon indique que celles-ci constituent l’un des signes les
85 Gabriel Tourdes, « Cadavre (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1870, 1 ère série, t. 11, pp. 427-429.

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
plus assurés pour confirmer le décès : « mais encore lorsqu’elle [la mort] est arrivée, la
cornée s’affaisse, se cave et se ride ; ce qui provient de l’évaporation de l’humeur aqueuse
qui continue d’avoir lieu, sans que cette perte soit réparée comme auparavant » 86 . L’état
de l’œil est en bonne place parmi les phénomènes morbides signalés par Johann Ludwig
Casper :
« Immédiatement après la mort, le brillant de l’œil disparaît […]. Naturellement la lumière
n’a plus d’effet sur la pupille. […] Une autre preuve de l’extinction du turgor vitalis, c’est
l’affaissement du globe de l’œil. On le voit clairement vingt-quatre à trente heures après la
mort » 87 .
Puis, les phénomènes putrides entrent en action : au bout de 24 à 72 heures, le globe
oculaire se ramollit et cède sous la pression ; après 8 à 12 jours, « la cornée est affaissée et
concave, mais on peut encore reconnaître la couleur des yeux » ; 14 à 20 jours après le
trépas, « la couleur des yeux n’est plus reconnaissable, l’iris et la pupille ne sont plus
visibles, et l’œil montre, chez tous ces cadavres arrivés à ce degré de décomposition, une
coloration d’un rouge uniforme dans la continuité de la sclérotique » 88 .
Grâce aux travaux effectués sur l’altération ou les changements subis par les globes
oculaires après le décès 89 , un homme de l’art doit être en mesure de dater le trépas. Du
moins est-ce le postulat des recherches menées par Descoust à la fin du XIX e siècle. Celui-
ci affirme avoir mis au point une « véritable échelle progressive permettant de fixer, à
quarante-huit heures près, la date de la mort » 90 . Il a observé le temps nécessaire à
l’apparition de différents phénomènes et a défini quatre étapes : d’abord, la perte de
transparence de la cornée ; puis, de celle des milieux de l’œil ; ensuite, la fermentation de
86
Paul Mahon, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1807, t. 2, p. 194.
87
Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit., t. 2, pp. 12-13.
88
Ibid., pp. 31-32.
89
Citons par exemple les recherches d’Eugène Bouchut qui a établi le “trio mortel” : absence de battements
de cœur, relâchement des sphincters et dilatation de la pupille. Cf. Anne Carol, Les médecins…, op. cit.,
pp. 174-175 ; Gabriel Tourdes, « Cadavre (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
Larcher, quant à lui, s’est intéressé à la variation de couleur de la sclérotique, la membrane blanche formant
l’enveloppe extérieure du globe oculaire. Cf. le compte-rendu de l’ouvrage de Larcher, Etudes
physiologiques et médicales sur quelques lois de l’organisme, avec application à la médecine légale, dans
Strohl, « De la rigidité cadavérique et d’un nouveau signe de la mort », Revue des travaux français et
étrangers, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1869, 2 ème série, t. 31,
pp. 468-470. Voir également les quelques lignes consacrées à ces recherches dans Gabriel Tourdes,
« Cadavre (Médecine légale) », art. cit., p. 426.
90
« Les facteurs internes de la putréfaction des cadavres », rapport du professeur Descoust présenté au
Congrès international de médecine légale (Bruxelles, 2-7 août 1897), séance du 6 août sous la présidence du
Dr Aspelin, Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1897, 3 ème série,
t. 38, p. 384.
837

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
ces derniers et la saillie du globe entre les paupières ; enfin, la rupture et l’affaissement du
globe oculaire 91 .
Cependant, le fait est connu de longue date, l’apparition des signes morbides
externes est sensible aux moindres variations extérieures, ce qui diminue d’autant leur
fiabilité. A l’occasion d’un congrès de médecine légale, Corin et Stockis évaluent
l’efficacité des multiples phénomènes cadavériques susceptibles de servir à l’estimation de
la date du décès 92 . Ils n’accordent qu’une « valeur théorique » 93 à la putréfaction de l’œil
et précisent qu’elle ne serait valable que dans la mesure où le corps serait maintenu à une
température constante 94 . En revanche, les changements internes liés à la cessation de la vie
semblent plus sûrs : « au moyen de la chronologie de la putréfaction des organes internes,
on peut juger l’époque de la mort avec plus de certitude qu’au moyen des phases de la
putréfaction des organes externes » 95 . Johann Ludwig Casper énumère l’ordre dans lequel
les viscères sont envahis par la décomposition, et précise surtout le laps de temps
nécessaire pour que la désorganisation soit complète. Contrairement à ce que laisse croire
l’état extérieur de la dépouille, les organes abdominaux ne sont pas les premiers à se
décomposer. La trachée offre des signes d’altération putride bien avant les intestins : sa
muqueuse, blanchâtre immédiatement après le décès, prend une teinte rouge cerise ou
rouge brun sale après 3 à 5 jours en été, ou 6 à 7 jours en hiver 96 . Le cerveau est ramolli
après 2 à 3 semaines. Quant au cœur et aux poumons, il faut plusieurs mois avant qu’ils ne
présentent un degré avancé de décomposition 97 .
D’autres réponses à l’énigme temporelle ont été cherchées dans les profondeurs
cadavériques, à un niveau microscopique, grâce à des recherches histologiques ou
hématologiques. Les muscles et le sang sont impliqués dans les premiers phénomènes
morbides utilisés pour estimer la date du décès : la rigidité et les lividités cadavériques, ces
taches de couleur violacée qui se forment aux parties déclives du corps. Quelques savants
se sont penchés sur les modifications internes que pouvaient subir ces éléments. Gabriel
Tourdes indique ainsi que la fibre musculaire change d’aspect : transparente dans les
premières heures post mortem, elle devient striée au bout de 36 heures, puis granuleuse
91
Ibid.
92
G. Corin, E. Stockis, « Les phénomènes cadavériques », art. cit., pp. 561-605.
93
Ibid., p. 600.
94
Ibid., pp. 604-605.
95
Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit., t. 2, p. 38.
96 Ibid.
97 Ibid., p. 42.
838

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
après une semaine 98 . De même, les globules du sang changent de forme, deviennent
granuleux, puis se décomposent (cf. tableau ci-dessus). Au cours de la première décennie
du XX e siècle, des scientifiques bordelais étudient le sang cadavérique des fœtus et des
nouveau-nés, et présentent les résultats qu’ils ont obtenus lors d’un congrès médico-légal 99 .
L’une des hypothèses de leur travail de recherche est qu’il est possible d’« inférer de l’état
du sang la date plus ou moins éloignée du décès […] » 100 . Ils ont observé que « trois à sept
jours après la mort, on distingue encore nettement les hématies granuleuses des non
granuleuses, les mégaloblastes, les leucocytes polynucléaires neutrophiles, les
lymphocytes » 101 . En revanche, au bout d’un mois, « on ne reconnaît plus que de rares
hématies très déformées » 102 .
Loin d’être exhaustive, cette rapide présentation de quelques-uns des nouveaux
phénomènes morbides étudiés par les savants du XIX e siècle démontre que les praticiens
ne peuvent plus fonder leur estimation sur le seul état général de la dépouille. Des
informations comme la rigidité ou les lividités doivent être croisées, et confirmées, par des
analyses histologiques ou chimiques. En effet, d’aucuns soulignent que l’apparition de la
raideur des membres et la formation des hypostases sont trop aléatoires et surtout trop
influençables pour s’en remettre à elles seules 103 . Cependant, pour mener de telles
recherches complémentaires, l’homme de l’art doit disposer d’un matériel très précis et
s’adonner à des manipulations que seul un spécialiste est susceptible de connaître. Par
conséquent, il est peu probable qu’un simple médecin requis exceptionnellement comme
expert soit en mesure de les réaliser. Il lui est bien plus aisé d’estimer le délai écoulé
depuis le décès à partir de l’état général du cadavre, ce dont certains auteurs de médecine
légale sont tout à fait conscients.
Publiés à peu près à la même période, le Précis de médecine légale de Charles
Vibert 104 et le Traité de médecine légale de Gabriel Tourdes 105 abordent de manière très
différente la question de la datation de la mort. Alors que le second reprend les éléments
98 Gabriel Tourdes, « Cadavre (Médecine légale) », art. cit., pp. 427-429.
99 J. Sabrazès, P. Lande, L. Muratet, « Le sang cadavérique du fœtus, du nouveau-né et de l’enfant en
médecine légale », I er Congrès de médecine légale de langue française (Paris, 29-30 mai 1911), Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1911, 4 ème série, t. 16, pp. 133-145.
100 Ibid., p. 134.
101 Ibid.
102 Ibid.
103 G. Corin, E. Stockis, « Les phénomènes cadavériques », art. cit., pp. 565-567.
104 Charles Vibert, Précis de médecine légale, 1 ère éd. 1885, 3 ème éd. rev. et corr., introduction par Paul
Brouardel, Paris, Baillière, 1893, XXIV-804 p.
105 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris, Asselin et
Houzeau, 1896, 956 p.
839

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
annoncés quelques années plus tôt dans l’article du Dictionnaire Dechambre 106 , le premier
fait preuve de pragmatisme. Seuls les signes faciles à constater sont mentionnés, tels la
température, la souplesse ou la rigidité du corps, les colorations de la peau, rappelant dans
une certaine mesure la classification établie par Alphonse Devergie soixante ans plus tôt.
Chronologie des premiers phénomènes morbides
jusqu’au début de la putréfaction (Charles Vibert)
1 ère période
2 ème période
3 ème période
4 ème période
5 ème période
-Chaleur du corps
-Souplesse
Signes morbides Délai écoulé
-Température égale au milieu ambiant
-Souplesse
-Rigidité cadavérique développée
-Quelques hypostases
-Rigidité disparue
-Hypostases prononcées
-Teinte verdâtre de l’abdomen
-Veines superficielles dessinées par des
traînées livides
-Gaz sous la peau
840
< 24 heures
< 36 heures
12 heures à 3-4
jours
4 à 5 jours
3 à 6 jours
Au-delà d’une semaine, Charles Vibert considère que l’évaluation ne peut donner lieu qu’à
« une très large approximation » 107 . En d’autres termes, plus la décomposition a atteint un
stade avancé, voire est totalement achevée, plus la fourchette chronologique est large.
Néanmoins, il demeure possible aux scientifiques de fournir une estimation de l’époque où
le décès est survenu avec l’aide des « travailleurs de la mort » 108 .
C) Les « escouades » 109 de la mort
La disparition du corps privé de vie n’est pas du seul fait des microbes et des
bactéries qui œuvrent à la décomposition des matières organiques. La faune microbienne
est secondée dans ce processus par une autre faune composée d’insectes et d’arachnides.
L’action, ou au moins la présence, des “petites bêtes” sur les chairs en voie de putréfaction
est connue depuis des siècles de la population non scientifique. L’apparition de vers sur les
106 Gabriel Tourdes, « Cadavre (Médecine légale) », art. cit., pp. 427-429 ; ibid., pp. 404-405.
107 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, p. 61.
108 Pierre Mégnin, « La faune des cadavres », Société de médecine légale de France (séance du 12 novembre
1894), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1895, 3 ème série, t. 33, p. 66.
109 Pierre Mégnin détermine l’existence de huit « escouades de travailleurs de la mort », c’est-à-dire de
groupes successifs d’insectes venant se repaître de matières animales en voie de décomposition. Cf. Pierre
Mégnin, La faune des cadavres, Paris, Masson et Gauthier-Villars, Encyclopédie scientifique des aidemémoire,
1894, 214 p.

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
charognes, ces « noirs bataillons de larves » décrits par Baudelaire, a été constatée de visu
par tout un chacun. Au sein du corpus des procédures criminelles et correctionnelles, des
mentions de la présence de vers ont été trouvées parmi les plus anciens dossiers consultés.
Le 21 prairial an VI, un certain Canolle, chirurgien à l’hospice civil et militaire de Poitiers,
est requis par le juge de paix du canton de Nouaillé pour examiner la dépouille d’un
nouveau-né. Sur les déclarations de la mère de l’enfant, le représentant de la justice de
paix, accompagné d’un greffier, d’un commissaire du directoire et de l’homme de l’art,
découvre le corps dissimulé dans un champs, sous de la terre et trois pierres 110 . L’expert
médical constate que la putréfaction a débuté, et surtout que « plusieurs vers minent déjà la
cuisse gauche » 111 . Quelques jours plus tard, un autre praticien de la Vienne rend
également les insectes responsables de l’état dans lequel se trouve le petit cadavre qu’il est
chargé de visiter. Second exemple : François Augustin Barot, officier de santé à Vivonne,
est informé qu’un enfant a été trouvé flottant dans une fosse pleine d’eau 112 . Après avoir
fait retirer la dépouille de l’eau, le médecin observe que « les mains sont en lambeaux » et
impute la mise à nu des os aux insectes qui se sont nourris des chairs 113 .
Depuis les travaux menés par le naturaliste italien Francesco Rédi, dans les années
1660, la théorie selon laquelle les matières décomposées donnent naissance à des insectes
est en voie d’abandon :
« Ses expériences très-bien (sic) faites ont démontré toute l’inanité de la doctrine des
générations spontanées d’insectes dans les matières putréfiées et prouvé que partout où
l’on trouve ces insectes, c’est qu’ils sont le produit d’œufs qui y ont été déposés » 114 .
La putréfaction des matières animales ne crée pas ces « générations successives d’un rang
inférieur » 115 , elle leur permet seulement de se développer et de se nourrir. Mais à en croire
l’auteur de l’article « Putréfaction » du Dictionnaire des sciences médicales, les savants
ont peu fait état de cette observation :
« La destruction des cadavres dans la terre est avancée par une circonstance dont les
auteurs ne parlent pas, bien que la connaissance en soit populaire. Je veux parler des vers
qui s’y développent et qui, sans doute s’en nourrissent : au bout de dix à vingt jours, et
110
A.D.V., L Supplément 415, « Dossiers de procédures criminelles. Infanticide », Procès-verbal du juge de
paix, le 21 prairial an VI.
111
Ibid., Rapport médical, le 21 prairial an VI.
112
A.D.V., L Supplément 429, « Tribunal correctionnel de Poitiers. Dossiers de procédures. Infanticide »,
Procès-verbal de visite par l’officier de santé, le 27 germinal an VI.
113
Ibid.
114
E. Beaugrand, « Rédi (Francesco) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série, t. 2, p. 770.
115
Virey, « Ferment », art. cit., p. 61.
841

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
peut-être avant, il naît sur les corps ensevelis de petits vers blancs qui me paraissent les
larves de la mouche-carnière (sic) […] » 116 .
Au mieux ont-ils fait mention de la présence de vers et de mouches à proximité de la
dépouille. Mathieu Orfila, en s’intéressant à la marche de la décomposition dans différents
milieux – terre, eau, fosses d’aisances et fumier – a dûment noté le rôle joué par certaines
mouches, ou plus exactement par leurs formes larvaires, dans l’élimination des cadavres :
« Que si l’on enterre maintenant deux cadavres, dont l’un offre à sa surface des milliers
d’œufs, tandis que l’autre n’en présente pas encore, il est évident que le premier se
pourrira beaucoup plus vite, toutes les autres circonstances étant les mêmes, parce que le
propre des larves est de détruire nos tissus pour s’en nourrir. On ne saurait donc nier
l’influence de la ponte des insectes à la surface du corps sur la marche de la
putréfaction » 117 .
Cependant, Orfila n’aborde les insectes grouillant sur le corps sans vie qu’en tant que
dévoreurs de cadavre. Ainsi que le fait remarquer celui qui va devenir la figure de proue de
l’entomologie médico-légale, Pierre Mégnin, les médecins et autres savants qui ont étudié
les phénomènes morbides et leurs manifestations annexes, n’ont pas pris note de
l’« apparition successive et régulière » 118 des insectes qui composent « la faune des
cadavres », de même qu’ils ne se sont attardés sur les lois naturelles qui conditionnent ce
mécanisme.
De nombreuses sources 119 s’accordent pour conférer à un médecin de l’hôpital civil
d’Arbois, un certain Bergeret, la première application de l’entomologie à l’expertise
médico-légale. S’il est permis de penser que d’autres avant lui ont pu se servir de
connaissances entomologiques pour évaluer l’avancée de la décomposition d’un cadavre, il
demeure que Bergeret est celui qui a fait part de ses constatations à une échelle nationale.
En effet, dans un numéro des Annales d’hygiène publique et de médecine légale édité en
1855, l’homme de l’art publie les conclusions auxquelles il a abouti lors de l’expertise d’un
cadavre momifié de nouveau-né, ainsi que ses réflexions concernant les services que peut
rendre l’analyse de la faune cadavérique 120 . En mars 1850, un ouvrier découvre la
dépouille d’un nouveau-né, coincée entre le manteau d’une cheminée et le mur. Le Dr
116 Mérat, « Putréfaction », art. cit., pp. 286-287.
117 Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, p. 332.
118 Pierre Mégnin, La faune…, op. cit., p. 19.
119 Sans donner une liste exhaustive des auteurs qui considèrent Bergeret comme le premier à avoir employé
l’étude des insectes pour dater le décès, la référence est citée dans les ouvrages suivants : Ambroise Tardieu,
Etude médico-légale sur l’infanticide, Paris, Baillière, 1868, pp. 202-203 ; Charles Vibert, Précis de
médecine…, op. cit., 1893, p. 61 ; Pierre Mégnin, La faune…, op. cit., pp. 5-6.
120 Bergeret, « Infanticide. Momification naturelle du cadavre. Découverte du cadavre d’un enfant nouveauné
dans une cheminée où il était momifié. Détermination de l’époque de la naissance par la présence de
nymphe et de larves d’insectes dans le cadavre, et par l’étude de leurs métamorphoses », Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1855, 2 ème série, t. 4, pp. 442-452.
842

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Bergeret est alors requis par le juge d’instruction pour examiner le corps. Il constate que le
« cadavre [est] desséché, momifié » 121 . Dans la mesure où quatre familles différentes ont
occupé le logement durant les trois années qui ont précédé la découverte, il devient
primordial d’estimer l’époque à laquelle l’enfant a été déposé dans ce tombeau de
fortune 122 . Pour répondre à cette question, Bergeret précise dans son rapport d’expertise
que « la médecine légale est obligée d’emprunter des lumières à une autre science, à
l’histoire naturelle » 123 . Il a en effet constaté la présence de larves et de coques de
mouches sur le corps 124 . Tenant compte du développement des insectes, et dans la mesure
où ils suivent un rythme de vie annuel défini et connu, le médecin expert estime le décès de
l’enfant, puis son dépôt dans la cheminée, à l’été 1848 125 .
Durant deux décennies, l’analyse de Bergeret et sa possible application à grande
échelle demeure presque lettre morte. Si Ambroise Tardieu la relate dans son Etude
médico-légale sur l’infanticide, c’est surtout pour souligner le caractère capital de la
datation du décès en matière d’infanticide, et non pour mettre en exergue l’apport singulier
de la recherche entomologique à l’expertise médico-légale :
« Cet exemple était bon à citer pour raconter combien, dans ces questions si souvent
obscures, il importe de ne rien négliger. Celle qui a pour objet la détermination de
l’époque de la mort du nouveau-né est certainement de ce nombre, et appelle de la part de
l’expert une attention toute spéciale et une étude appropriée à chaque cas particulier » 126 .
Il faut attendre la fin des années 1870 pour que l’expérience suscite de nouveau l’intérêt
des praticiens de la médecine légale et soit réitérée. En 1878, Paul Brouardel, futur titulaire
de la chaire de médecine légale à la Faculté de médecine et réformateur de la Morgue de
Paris, se voit confier l’examen post mortem d’un nouveau-né trouvé dans un terrain vague.
La dépouille est envahie par « une grande quantité d’acariens » 127 . Brouardel sollicite le
Muséum d’Histoire naturelle pour obtenir une estimation de la date du trépas grâce à
l’examen de ces envahisseurs cadavériques. L’analyse est alors confiée à Pierre Mégnin,
dont les acariens constituent « l’objet de [ses] études de prédilection depuis plusieurs
années » 128 . Par la suite, Mégnin devient « le collaborateur – à titre d’entomologiste –
121 Ibid., p. 442.
122 Ibid., p. 443.
123 Ibid., p. 447.
124 Ibid., p. 444.
125 Ibid., p. 448.
126 Ambroise Tardieu, Etude médico-légale…, op. cit., p. 202.
127 Pierre Mégnin, La faune…, op. cit., p. 7.
128 Ibid.
843

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
officiel et obligé des médecins légistes parisiens » 129 . Fort de la vingtaine d’expertises
médico-légales qu’il effectue au cours des quinze années suivantes, complétées par nombre
d’expériences, Mégnin est en mesure de « fixer ainsi certains points scientifiques touchant
les métamorphoses et la biologie des insectes qui vivent sur les cadavres » 130 .
Les travailleurs de la mort ont chacun leur heure, ou plus exactement leur stade de
décomposition idoine. Mégnin a observé que les différents insectes qui composent la faune
des cadavres « n’arrivent à table que successivement, et toujours dans le même ordre » 131 .
Ce sont les gaz produits par les microbes œuvrant à la décomposition des tissus qui « leur
indiquent le degré auquel la putréfaction est arrivée, et leur permettent de choisir celui qui
convient le mieux à leur progéniture » 132 . Or, ces divers micro-organismes agissent
successivement et dans un ordre immuable, ce qui a pour conséquence d’ordonner
l’apparition des insectes sur la dépouille. En outre, chaque espèce se nourrit de certains
composés organiques, à l’exclusion des autres. Ainsi, tant que les uns n’ont pas assimilé et
fait disparaître la totalité de ces substances, les autres ne peuvent entrer en action 133 .
Pierre Mégnin distingue, à partir de ces facteurs, « huit escouades successives,
depuis le moment de la mort jusqu’à la destruction complète du cadavre » 134 , présentées
dans le tableau ci-dessous 135 .
129
Gabriel Roux, « La Faune des cadavres par P. Mégnin », Revue bibliographique, Archives
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1895,
t. 10, p. 484.
130
Pierre Mégnin, La faune…, op. cit., p. 7.
131
Pierre Mégnin, « La faune des cadavres », art. cit., p. 65.
132
Ibid.
133
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, p. 61.
134
Pierre Mégnin, « La faune des cadavres », art. cit., p. 65.
135
Pierre Mégnin, La faune…, op. cit., pp. 24-95.
844

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Les escouades de la mort lors de la décomposition d’un cadavre à l’air libre
1 ère escouade
2 ème escouade
3 ème escouade
4 ème escouade
5 ème escouade
6 ème escouade
7 ème escouade
8 ème escouade
Composition de l’escouade
Diptères (mouches) :
o genre Musca (mouche domestique)
o genre Curtonevra
o genre Calliphora (mouche bleue de la
viande) (illustration 148, n°1)
Diptères (mouches) :
o genre Lucilia (mouche verte) (illustration
148, n°2)
o genre Sarcophaga
Coléoptères :
o genre Dermester (illustration 148, n°5)
Lépidoptères (papillons) :
o genre Aglossa (illustration 148, n°6)
Diptères (mouches) :
o genre Pyophila (illustration 148, n°7)
o genre Anthomyia
Coléoptères :
o genre Necrobia
Diptères (mouches) :
o genre Tyreophora
o genre Lonchea
o genre Ophira
o genre Phora
Coléoptères :
o genre Necrophorus (illustration 148, n°3)
o genre Silpha (illustration 148, n°8)
o genre Hister
o genre Saprinus
Acariens :
o genre Uropoda
o genre Trachynotus
o genre Tyroglyphus
o genre Glyciphagus
o genre Serrator
Lépidoptères :
o genre Aglossa
o genre Tineola (illustration 148, n°9)
Coléoptères :
o genre Attagenus
o genre Anthrenus (illustration 148, n°10)
Coléoptères :
o genre Tenebrio (illustration 148, n°11)
o genre Ptinus
845
Substances
détruites
Parties molles
fraîches
Parties molles
putrides
Graisses
Matières
albuminoïdes
Matières animales
transformées en
déliquium
noirâtre
Humeurs liquides
restantes
Tissus
membraneux,
ligaments,
tendons, poils et
cheveux
Débris et terreau
laissés par leurs
prédécesseurs
Délai écoulé et/ou
état de
décomposition
Agonie et moment
du décès
Cadavre frais
3 à 6 jours
Odeur cadavérique
manifeste
3 ou 4 mois
Fermentation
butyrique (gras de
cadavre)
8 mois
Fermentation
caséique
1 an
Fermentation
ammoniacale
18 mois à 2 ans
3 ans
4 ans

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Source : Delorme, « De l’entomologie thanatologique », Notes et observations médico-légales,
Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Rey, 1909, t. 24, p. 351.
Illustration 148 : Les différentes espèces composant les « escouades de la mort ».
846

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
S’il constate quelques variations dans son schéma, dès lors que la décomposition
n’a pas lieu à l’air libre mais à l’abri d’une sépulture, Pierre Mégnin démontre néanmoins
l’implication des insectes et autres petites bêtes dans la disparition des dépouilles
inhumées. Alors que les naturalistes, et Mégnin le premier, sont persuadés que les corps
mis en terre se putréfient « sous la seule influence des agents physiques et chimiques, et
que les vers n’y [jouent] aucun rôle » 136 , des observations réalisées lors d’exhumations
prouvent que les savants se sont fourvoyés et que « c’est le vulgaire qui a raison » 137 .
Mathieu Orfila, avait également constaté la présence de larves et d’insectes adultes au
cours des nombreuses extractions cadavériques analysées pour son Traité des exhumations
juridiques 138 . Il demeure pourtant circonspect devant leur prolifération en hiver et rejette la
possibilité que certaines larves parviennent à destination en partant de la surface de la
tombe et traversent la bière, tout en avouant son incapacité à résoudre cette question 139 .
Mégnin y apporte une explication. Suite à ses observations, il arrive précisément à
la conclusion que nombre de larves, composant la faune des tombeaux, se sont frayées un
chemin jusqu’au corps : « les petites larves sorties de ces œufs ont traversé toute la couche
de terre qui les séparait des cadavres, dirigées par leur odorat et cheminant à la manières
des vers de terre, et qu’elles sont arrivées à la surface des cadavres » 140 . L’étanchéité du
cercueil est mise à mal par « l’humidité et la poussée de la terre [qui] provoquent très vite
un violemment (sic) des planches », créant alors « de larges voies de pénétration » 141 . En
outre, il indique qu’il est tout à fait aisé de déterminer la saison à laquelle la mort est
survenue : certaines mouches étant en sommeil la saison froide, entre novembre et avril 142 ,
les indices de leur présence sur des dépouilles inhumées autorisent à penser que « les œufs
de ces diptères ont été déposés dans les ouvertures naturelles des morts, bouche ou
narines, avant leur ensevelissement » 143 , et que celui-ci a donc été effectué pendant la
saison chaude.
La littérature médico-légale de la fin du XIX e siècle se fait l’écho des précieux
travaux conduits en matière d’entomologie, et principalement de leur utilisation en vue
d’estimer l’époque à laquelle est survenu le décès. Des ouvrages, comme ceux de Charles
136
Pierre Mégnin, « La faune des tombeaux », Société de médecine légale de France (séance du 12 décembre
1887), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1888, 3 ème série, t. 19, p. 161.
137
Ibid.
138
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, pp. 331-332.
139
Ibid., pp. 332-333.
140
Pierre Mégnin, « La faune des tombeaux », art. cit., p. 163.
141
Ibid., p. 162.
142
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, p. 62.
143
Pierre Mégnin, « La faune des tombeaux », art. cit., p. 163.
847

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Vibert 144 , Alexandre Lacassagne 145 ou Gabriel Tourdes 146 , présentent les recherches
menées par Pierre Mégnin, ainsi que la chronologie qu’il a établie. Certains auteurs font
montre d’un esprit de synthèse et limitent le processus à quatre époques, en s’appuyant sur
les écrits de l’entomologiste parisien : la période « sarcophagienne » correspond aux trois
premiers mois post mortem ; la suivante, nommée « dermestienne », se produit durant les
troisième et quatrième mois ; la phase « sylphienne », a lieu entre les quatrième et huitième
mois ; enfin, la période « acarienne » se produit six à douze mois après le décès 147 .
Outre des informations purement chronologiques, l’étude des « travailleurs de la
mort » peut fournir des renseignements d’un autre ordre. Dans une contribution aux
Archives d’anthropologie criminelle, le Dr Delorme désigne quatre indications pouvant
être tirées de l’examen des insectes cadavériques : la date et la saison de la mort, comme
mentionnées par ses prédécesseurs, mais également la nature du trépas et le lieu où il est
survenu 148 . Une mort subite ne laisse pas le temps aux mouches de la première période de
déposer leurs œufs, comme elles ont la possibilité de le faire pendant l’agonie. De même,
certains insectes vivent exclusivement à la campagne, et leur présence sur un défunt
découvert en ville peut signifier que le corps a été déplacé 149 .
Les recherches effectuées sur la faune des cadavres ont inspiré d’autres savants qui
ont alors tenté d’obtenir les mêmes services auprès de la flore cadavérique. Un professeur
de la Faculté de Paris, F. Heim, pose la question à la Société de médecine légale de France,
en espérant la convaincre du bien-fondé de ses hypothèses : « L’étude des champignons
développés sur les cadavres pourrait-elle fournir des données utiles à la médecine
légale ? » 150 . Selon lui, « chaque flore sera fonction du milieu nutritif où elle se développe,
et par suite du temps, compté à partir de la mort » 151 . En d’autres termes, l’analyse des
moisissures peut apporter des indications relatives au délai écoulé depuis le trépas. Le
postulat est quelque peu rejeté par Mégnin, sous prétexte que les champignons ne se
développent qu’exceptionnellement sur les dépouilles qui se décomposent à l’air libre, à
144 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, pp. 62-63.
145 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aide-mémoire de l’expert,
du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat, Lyon, Storck, 1892, pp. 40-41.
146 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., pp. 402-403.
147 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1892, pp. 40-41.
148 Delorme, « De l’entomologie thanatologique », Notes et observations médico-légales, Archives
d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1909,
t. 24, pp. 349-352.
149 Ibid., p. 352.
150 F. Heim, « L’étude des champignons développés sur les cadavres pourrait-elle fournir des données utiles à
la médecine légale ? », Société de médecine légale de France (séance du 10 avril 1893), Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1893, 3 ème série, t. 30, p. 97.
151 Ibid., p. 103.
848

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
l’inverse des insectes. De son point de vue, l’aide apportée par leur étude est donc
compromise 152 .
La réticence de Pierre Mégnin, quant à la fiabilité de la mycologie médico-légale,
est fondée sur des facteurs scientifiques. Or, d’autres hésitations pourraient être avancées à
l’encontre de ses constatations : elles ne pourraient s’avérer utiles que dans l’éventualité où
elles seraient effectuées par des savants totalement au fait de cette science. La remarque
est, en définitive, pertinente pour l’ensemble des renseignements susceptibles d’être
fournis par l’examen des phénomènes cadavériques. La diversité et la complexité des
éléments qui jouent un rôle dans le processus putride, les multiples facteurs qui peuvent
influer sur la progressive disparition du cadavre, rendent l’analyse et, surtout, l’application
médico-légale de ces constatations extrêmement délicates. Seuls des spécialistes disposent
à la fois du matériel et des connaissances nécessaires à leur utilisation. Charles Vibert en
fait la remarque à la fin de la présentation des escouades de la mort : « Il est évident qu’une
pareille étude ne peut-être faite utilement que par un entomologiste » 153 .
Ainsi, la décomposition putride peut s’avérer une alliée du médecin expert si ce
dernier est en mesure d’en lire et d’en analyser les stigmates 154 . Les hommes de l’art sont
familiers des premières manifestations cadavériques et putrides, la rigidité du corps, les
lividités, l’odeur sui generis de la mort, la tache verte de l’abdomen. En revanche, les
constatations qui requièrent des connaissances chimiques, histologiques, voire extra-
médicales, peuvent totalement échapper au praticien ordinaire de l’art de guérir.
L’assertion est confirmée par les dossiers de procédures poitevins. Sur l’ensemble des
documents consultés, plusieurs mentionnent la présence de vers et de leur rôle dans la
décomposition de la dépouille. Cependant, rares sont les médecins experts qui usent de leur
présence pour évaluer l’époque du décès. Le seul exemple trouvé est donné par Louis
Ganne, médecin à Parthenay, chef-lieu d’arrondissement des Deux-Sèvres. Requis en
152 Ibid., pp. 103-104.
153 Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, p. 63.
154 Les phénomènes de la décomposition putride donnent toujours lieu à de nombreuses recherches et
expérimentations. La putréfaction n’a pas encore dévoilé tous ses mystères et l’étude des changements que sa
marche peut subir aux moindres variations extérieures s’avère primordiale pour résoudre certaines questions
médico-légales. Bien que l’exemple ne soit pas français, les expériences menées à la “Ferme des corps” sont
significatives. Ce site implanté dans le Tennessee, aux Etats-Unis, accueille des dizaines de dépouilles
mortelles dont la décomposition, dans des conditions définies, est étudiée : par exemple à l’air libre sur des
feuilles mortes, sous une bâche, dans un coffre de voiture, etc. Cf. l’ouvrage relatant quelques-unes des
affaires traitées par le créateur de la “Ferme des corps”, le Dr Bill Bass, anthropologue et médecin légiste :
Bill Bass, Jon Jefferson, La ferme des corps, préface de Patricia Cornwell, traduit de l’anglais par Gilles
Morris-Dumoulin, Paris, Editions du Seuil, Points, 2006, 250 p.
849

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
décembre 1871 pour expertiser des « ossements présumés être ceux d’un enfant nouveau-
né », le praticien se voit remettre un paquet composé de linges renfermant une « masse
terreuse » de laquelle il extrait des os et quelques éléments tissulaires desséchés 155 .
L’expert médecin impute l’état de désorganisation et l’absence des parties molles aux
« insectes rongeurs comme les cloporthes (sic), les scarabées, les coléoptères nocturnes et
les mouches » 156 , aidés dans leur tâche par les rats ou les fourmis. L’avancée du travail de
ce qu’il nomme les « agents destructeurs », lui fait estimer le délai écoulé depuis le décès à
plus de 10-12 mois, mais à moins de 16-18 mois 157 .
L’utilisation, dans la pratique courante de l’expertise judiciaire, des signes de la
décomposition putride pour répondre à certaines interrogations médico-légales, tels
l’époque ou la nature du décès, les déplacements éventuels de la dépouille, est indéniable.
Il apparaît, cependant, que les remarques formulées par les médecins experts, concernant la
putréfaction, mettent généralement en lumière les difficultés et les inconvénients que ce
phénomène suscite pour mener à bien l’expertise.
II) … MAIS UN OBSTACLE ET UN RISQUE A SURMONTER
L’iconographie qui figure la mort a changé d’imagerie au cours des siècles. Les
artistes de la fin du Moyen Age, entre le XIV e et le XVI e siècle, représentent un corps
décharné, possédant encore son épiderme, mais dont le ventre ouvert est peu à peu rongé
par les vers 158 . Philippe Ariès remarque que « le cadavre à moitié décomposé va devenir le
type le plus fréquent de la représentation de la mort » 159 . En revanche, leurs successeurs
des XVII e et XVIII e siècles usent du squelette dépourvu de toute chair pour symboliser la
(le) mort : c’est la morte secca 160 . La décomposition est achevée, seuls demeurent les
éléments résistants à la marche du temps, les os, tels des symboles de la vie éternelle que
connaît le défunt dans son tombeau. Tout aussi brutale, cette imagerie est cependant moins
répugnante, le squelette étant libéré des chairs putrides qui l’entravent.
155
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Infanticide et vol », Rapport médical, le 2 décembre 1871.
156
Ibid.
157
Ibid.
158
Sur l’iconographie macabre cf. Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 1 : Le temps des gisants, Paris,
Editions du Seuil, Points Histoire, 1977, pp. 112-125 et Michel Vovelle, La mort en Occident de 1300 à nos
jours, Paris, Gallimard, Bibliothèque illustrée des histoires, 2000, pp. 100-125. Voir également l’ouvrage que
Philippe Ariès consacre exclusivement aux représentations de la mort, Images de l’homme devant la mort,
Paris, Editions du Seuil, 1983, 276 p.
159
Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 1…, op. cit., p. 115.
160 Ibid., p. 112.
850

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
La putréfaction est le symbole même de la disparition de la vie. Pour les praticiens
de l’art de guérir qui souhaitent connaître les phénomènes vitaux grâce à l’étude du corps
trépassé, la décomposition représente rapidement un obstacle puisqu’elle altère les tissus,
change leur couleur et leur texture. Les modifications consécutives aux phénomènes
morbides peuvent également constituer un obstacle à la compréhension du processus qui a
entraîné le décès. Les constatations cadavériques effectuées dans un cadre judiciaire
mettent en exergue les difficultés avec lesquelles les médecins doivent composer lorsqu’ils
procèdent à l’examen d’un corps décomposé. Trois qualificatifs sont généralement
juxtaposés à cet exercice : infructueux, dangereux et désagréable. Dans quelle mesure le
facteur putride trouble-t-il la procédure d’examen et les résultats qui peuvent être obtenus ?
Par quels moyens les médecins ont-ils cherché à ralentir la marche de la putréfaction ou à
atténuer sa présence afin de la rendre moins déplaisante ?
A) Complications et précautions médico-légales dans l’examen d’un
corps en décomposition
Les médecins du XIX e siècle qui pratiquent des expertises médico-légales se
trouvent plus souvent confrontés à la représentation médiévale du corps en voie de
décomposition qu’au squelette des Lumières. Sur l’ensemble des examens cadavériques
réalisés par les médecins poitevins, en raison du caractère subit ou violent du trépas, seuls
2 à 3% concernent des ossements, alors que les constatations effectuées sur des corps
assaillis par les phénomènes putrides représentent environ le cinquième des expertises
médico-légales (graphiques 90 et 91). La confrontation avec une dépouille dont la
décomposition est plus ou moins avancée ne présente rien de plaisant pour le médecin
expert. Outre le danger physique, tant pour l’homme de l’art que pour son entourage,
constitué par le contact avec des matières en train de pourrir, danger abordé dans les
développements ultérieurs, la putréfaction conditionne l’examen post mortem et est
susceptible d’influencer à la fois l’acte lui-même et les résultats auxquels il aboutit. Mais
avant d’aborder ces questions, il convient de s’arrêter sur la perception de ce phénomène
naturel par les praticiens de l’autopsie. Les médecins experts ont-ils la même attitude face
à un corps décomposé ? Existe-t-il un degré putride acceptable ? Et si oui, est-il invariable
en termes individuel et temporel ?
851

68%
- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Graphique 90 : Répartition des degrés de
putréfaction rencontrés dans les examens post
mortem des Deux-Sèvres (1795-1915).
12%
9%
6%
3%
2%
Pas de putréfaction
Putréfaction commencée
Putréfaction avancée
Putréfaction très développée
Ossements
Pas d'indication
Sources : ADDS, 6M, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
66%
Graphique 91 : Répartition des degrés de
putréfaction rencontrés dans les examens post
mortem de la Vienne (1795-1915).
852
8%
12%
9%
2%
3%
Pas de putréfaction
Putréfaction commencée
Putréfaction avancée
Putréfaction très développée
Ossements
Pas d'indication
1) Evaluation du stade putride et utilité de l’examen
Sources : ADV, L, L
Supplément, 4M, 2U, 3U4.
Le corps médical n’offre pas une position unique et unifiée en matière de
décomposition cadavérique. Comme un grand nombre d’éléments de la pratique de l’art de
guérir, les phénomènes morbides sont soumis à la subjectivité. Si la classification des
étapes de la putréfaction peut se fonder sur des facteurs scientifiques, l’estimation du seuil
limite au-delà duquel la dépouille mortelle ne peut (doit) plus être examinée est surtout une
question de point de vue et de jugement personnel. Dans son Traité de médecine légale,
François-Emmanuel Fodéré distingue quatre degrés putrides :
« Premier degré. Tendance à la putréfaction. Il consiste dans une altération peu
considérable qui se manifeste par une odeur fade ou de relent très-légère (sic), et dans le
ramollissement des chairs. […]
Second degré. Putréfaction commençante. […] Les matières qui l’éprouvent
perdent de leur poids ; elles prennent une odeur fétide, se ramollissent et laissent échapper
de la sérosité lorsqu’elles sont dans des vaisseaux fermés, ou bien elles se dessèchent et
prennent une couleur foncée lorsqu’elles sont exposées à l’air libre. […]
Troisième degré. Putréfaction avancée. Les matières putrescentes exhalent une
odeur ammoniacale, mêlée de l’odeur putride et nauséabonde, elles tombent en dissolution,
leur couleur s’altère de plus en plus, et elles perdent en même temps de leur poids et de
leur volume. […]

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Quatrième degré. Putréfaction achevée. Il se reconnaît à ce que l’ammoniaque est
entièrement dissipé (sic), et que même l’odeur fétide perd de sa force ; le volume et le poids
des substances putréfiées sont considérablement diminués ; il s’en sépare une mucosité
gélatineuse ; elles se dessèchent peu à peu, et enfin elles se réduisent en une matière
terreuse et friable » 161 .
Néanmoins, les affaires criminelles poitevines fournissent des exemples d’évaluation
divergente du stade de la décomposition entre plusieurs praticiens, alors que les examens
sont pratiqués dans un laps de temps relativement court. Le 4 août 1875, le juge de paix du
canton d’Availles, situé dans le département de la Vienne, se transporte sur les bords d’un
étang dans lequel flotte le corps d’un nouveau-né 162 . Celui-ci est retiré de l’eau et soumis à
l’examen d’un médecin le lendemain. Le Dr Tafforin indique dans son rapport d’expertise
que le « cadavre est incomplet et dans un état de décomposition très avancée » 163 . Le
même jour, Pierre Médard Autellet se transporte sur les lieux, à la demande du juge
d’instruction du tribunal de Civray, et procède à une seconde autopsie. Mis en présence du
petit cadavre, le médecin expert estime que celui-ci se trouve « dans un état de
décomposition avancée » 164 . Alors qu’il effectue son expertise quelques heures plus tard, le
second médecin juge que la putréfaction n’est pas aussi avancée que l’a estimé son
confrère. Faut-il voir dans l’emploi de l’adverbe “très” la preuve d’une plus grande
sensibilité de Tafforin aux phénomènes putrides ? Au contraire, son absence sous la plume
de Autellet est-elle l’expression d’une retenue ou d’une certaine familiarité avec un tel état
cadavérique, en raison de sa plus grande pratique médico-légale 165 ? Il est difficile
d’apporter une réponse à ces suppositions. Toujours est-il que les deux hommes de l’art ont
une perception quelque peu différente de l’état de conservation, ou plutôt d’altération, dans
lequel se trouve le nouveau-né soumis à leur examen.
L’évaluation du stade de la décomposition est également modifiée si la dépouille
présentée au médecin a d’abord séjourné sous terre, et cela de manière tout à fait légale.
Les corps inhumés après la déclaration officielle du décès, puis exhumés pour être
assujettis à une autopsie, possèdent de facto une potentialité putride. Le praticien requis
pour effectuer l’examen d’un cadavre après exhumation, s’attend à être mis en contact avec
des matières en voie de décomposition. Ainsi, bien souvent ce n’est pas l’état de
161
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, pp. 73-74.
162
A.D.V., 2U 1695, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constat, le 4 août 1875.
163
Ibid., Rapport de M. le docteur Tafforin, le 5 août 1875.
164
Ibid., Rapport du Dr Autellet Médard, le 5 août 1875.
165
Pierre Médard Autellet est membre correspondant national de la Société de médecine légale de France. Cf.
le paragraphe sur les divers profils des autorités médico-légales locales dans le chapitre 3.
853

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
putréfaction qu’il note, mais au contraire son état de conservation. Le 1 er mars 1907, le Dr
Louis Lhuillier se rend dans la commune de Moussac-sur-Vienne, pour assister à
l’exhumation de la dépouille d’un enfant né dans la nuit du 6 au 7 février 166 . Alors que
l’inhumation remonte à une couple de semaines, le médecin expert constate que « le corps
est bien conservé » 167 en raison de la température peu élevée qui a régné depuis
l’inhumation. Seul un « léger commencement de putréfaction » 168 est visible aux plis de
l’aine. L’absence de décomposition autorise l’homme de l’art à préciser que l’autopsie est,
par conséquent, « facile et l’examen extérieur fort exact » 169 . En d’autres termes, la
présence des phénomènes putrides ne vient pas perturber et entraver l’examen cadavérique.
Le danger et l’inutilité de la réalisation de l’autopsie d’un corps putréfié sont les
deux arguments avancés par les auteurs, et relayés par les praticiens, pour justifier leur
opposition à procéder à l’expertise. Dans quelques ouvrages médico-légaux publiés au
début du XIX e siècle, les auteurs estiment que les pouvoirs publics n’ont pas le droit de
contraindre les médecins à effectuer l’examen d’un cadavre exhumé 170 , du fait que l’acte
serait « dangereux pour leur vie » 171 . Jean-Jacques Belloc considère d’ailleurs qu’il est du
devoir des juges de refuser, voire d’interdire, cette opération en raison des conséquences
funestes qu’elle peut avoir sur la santé, tant de l’opérateur que des personnes qui y
assistent 172 . En guise d’exemple, il avoue pour sa part décliner toute expertise relative à
une dépouille inhumée depuis plus de deux mois 173 . Cependant, les travaux menés sur les
exhumations juridiques, notamment par Mathieu Orfila et Octave Lesueur 174 , sans nier
qu’il existe quelques risques à assister à l’extraction d’un défunt de sa dernière demeure,
puis à procéder à son examen, assurent qu’il est possible d’obvier à ces dangers.
Plus peut-être que la menace que représente l’opération, les auteurs veulent
démontrer son inutilité. Outre la description des altérations subies par le cadavre aux
différents degrés de la décomposition, Fodéré s’attache à indiquer pour chaque palier la
pertinence de l’examen corporel. Seul le premier degré de putréfaction permet à l’autopsie
166
A.D.V., 3U 4 / 633, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures. Avortement et
infanticide », Rapport médical, le 1 er mars 1901.
167
Ibid.
168
Ibid.
169
Ibid.
170 ère ème
Jean-Jacques Belloc, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 éd. 1801, 2 éd. corr. et
augm., Paris, Méquignon, 1811, p. 321.
171
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 71.
172
Jean-Jacques Belloc, Cours de médecine légale…, op. cit., p. 321.
173
Ibid., p. 322.
174
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, pp. 19-27.
854

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
d’être « praticable et encore utile » 175 . Dès le stade suivant l’opération devient
« dangereuse, et peu utile » 176 . Au troisième degré de putréfaction, l’autopsie s’avère,
selon lui, « impossible, inutile » 177 . Et a fortiori elle le demeure au dernier stade putride,
bien que Fodéré ne le précise pas, car cela est patent pour lui. Charles Marc, dans la
traduction qu’il propose du Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale de Theodor
Rose, fait des remarques similaires. Les premiers signes putrides ne constituent en rien un
obstacle à l’examen post mortem 178 . Ce dernier est vain et infructueux dans la mesure où
les désordres naturels sont susceptibles de dissimuler des désordres criminels ou
pathologiques 179 . Il s’agit du prétexte dont use Antoine Picou, officier de santé dans le
département de la Vienne, à l’occasion d’une procédure judiciaire pour infanticide. Le 6 ème
jour complémentaire de l’an III, l’homme de l’art est requis par le juge de paix du canton
de Dangé pour assister à l’exhumation d’un enfant dont il devra ensuite effectuer
l’autopsie 180 . Cependant, l’officier de santé objecte que l’enfant étant décédé depuis sept
jours et le corps inhumé depuis six, la dépouille ne « peut être assez intacte pour vérifier si
quelque partie n’aurait pas été affectée par quelque cause extraordinaire » 181 . Le praticien
de l’art de guérir estime que l’examen cadavérique est sans intérêt, car il ne pourra fournir
aucun renseignement probant.
D’aucuns réfutent très vite cet argument au cours du XIX e siècle. A leurs yeux, un
examen médical est toujours profitable : « Quand bien même le corps serait dans un état
très avancé de putréfaction, ce ne serait point une raison pour se dispenser de
l’examiner » 182 . Si les plaies ou les altérations des parties molles sont indiscernables, les
fractures restent visibles. De plus, il est encore possible de prélever des liquides ou des
tissus pour procéder à des analyses chimiques, en vue de déceler des traces de poison 183 . Il
apparaît que parmi les archives consultées en matières criminelle et correctionnelle, l’usage
de la décomposition comme prétexte au refus d’expertise est relativement rare, et concerne
175
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 73.
176
Ibid., p. 74.
177
Ibid.
178
Charles Marc, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, traduction de Taschenbuch für gerichtliche
Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen Leichenöffnungen de Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et
Crochard, 1808, p. 4.
179
Ibid., p. 5, note infrapaginale.
180
A.D.V., L Supplément 403, « Dossiers de procédures criminelles. Infanticide », Procès-verbal du juge de
paix, le 6 ème jour complémentaire de l’an III.
181
Ibid.
182
A. Béclard, Ollivier, Orfila, « Cadavre », Dictionnaire de médecine ou rapport général des sciences
médicales considérées sous le rapport théorique et pratique, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Bérard et al., 1 ère
éd. 1821-1828, 2 ème éd. refondue et augm., Paris, Béchet Jeune, 1833, t. 4, p. 159.
183
Ibid.
855

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
surtout le début de la période étudiée. La fréquence de la confrontation avec des dépouilles
mortelles atteintes par les stigmates de la décomposition n’est pas significativement plus
élevée durant les premières décennies du XIX e siècle. Au mitan du siècle, les médecins
requis comme experts sont autant mis en présence de cadavres putréfiés que leurs
prédécesseurs (tableaux 52 et 53, cf. annexe 24), ainsi que l’illustrent les graphiques ci-
dessous.
Examens
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1795-
1809
Graphique 92 : Evolution chronologique de la répartition des
examens post mortem selon le degré de putréfaction
(Deux-Sèvres, 1795-1915).
1810-
1819
1820-
1829
1830-
1839
Ossements
Putréfaction très développée
Putréfaction avancée
Putréfaction commencée
Pas de putréfaction
1840-
1849
1850-
1859
1860-
1869
1870-
1879
856
1880-
1889
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
1890-
1899
1900-
1915
Années
Graphique 93 : Evolution chronologique de la répartition des
examens post mortem selon le degré de putréfaction
Examens
(Vienne, 1795-1915).
30
28
26
24
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1795-
1809
1810-
1819
1820-
1829
1830-
1839
Ossements
Putréfaction très développée
Putréfaction avancée
Putréfaction commencée
Pas de putréfaction
1840-
1849
1850-
1859
1860-
1869
1870-
1879
1880-
1889
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.
1890-
1899
1900-
1915
Années

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Toutefois, la réticence manifestée envers l’état de décomposition du corps est
motivée par une tout autre préoccupation. Le Dr Alfred Brillaud, médecin à Bressuire, est
mandé par le juge d’instruction pour procéder à l’examen médico-légal d’un nouveau-né, à
la fin du mois d’août 1881 184 . Le corps est déterré en présence de l’expert qui constate,
après avoir écarté les linges qui l’enveloppe, que les « chairs forment un amas de putride
liquide ou semi-liquide » 185 . L’avancée de la décomposition empêche l’homme de l’art de
déterminer si l’enfant a vécu, ainsi que le genre de mort auquel il a succombé 186 .
L’expertise judiciaire est partielle, en raison de l’état de la dépouille. Le développement de
la putréfaction est un facteur capital qui guide ou délimite le processus opératoire médico-
légal.
2) Un examen sous influence
L’un des préceptes de l’autopsie judiciaire, repris dans la majorité des ouvrages qui
consacrent quelques pages à la procédure de l’examen, est que l’ordre d’exploration des
cavités corporelles est défini soit par la présence d’une blessure, soit par la nature
soupçonnée du trépas. Sans multiplier outre mesure les exemples, voici ce qu’écrivent
deux spécialistes de la médecine légale. En 1813, François-Emmanuel Fodéré indique que
« la règle est, lorsqu’on observe une lésion, de commencer par la partie ou les parties qui
sont offensées » 187 . Quatre-vingts ans après, Charles Vibert formule le même conseil : « s’il
existe des blessures, on dissèque la région où elles se trouvent, et si elles pénètrent dans le
crâne, le thorax ou l’abdomen, on ouvre en premier lieu celle de ces cavités qui est
intéressée » 188 . Ce sont généralement les cas les plus fréquents auxquels le médecin expert
est confronté. L’ordre d’ouverture des cavités splanchniques s’impose en quelque sorte de
lui-même. Néanmoins, il peut arriver que la mort soit subite et qu’il n’y ait aucune
présomption quant à ce qui l’a provoqué. Face à une telle éventualité, le praticien doit
décider par quelle région corporelle, et par quels organes, débuter son examen.
Le premier signe notable de la marche putride est la coloration verdâtre de
l’abdomen. Par voie de conséquence, nombre d’auteurs du premier tiers du XIX e siècle,
encore quelque peu effrayés par les phénomènes de décomposition, conseillent d’explorer
en premier lieu la cavité abdominale. Il est, selon eux, nécessaire de faire le plus tôt
184
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Suppression d’enfant », Ordonnance à expert, le 27 août 1881.
185
Ibid., Rapport médical, le 31 août 1881.
186
Ibid.
187
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 26.
188
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, p. 69.
857

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
possible les constatations relatives à ces viscères, puisqu’ils sont les premières victimes des
altérations morbides : « la putréfaction dont les viscères du bas-ventre sont les premiers
susceptibles nous fait une loi de commencer par l’inspection de cette cavité » 189 .
Cependant, l’argument est rejeté par d’autres contributeurs de la littérature médico-légale
qui d’ailleurs le retourne pour justifier que l’abdomen est l’une des dernières cavités à
ouvrir. François Chaussier déplore ce procédé, car il présente le désagréable inconvénient
de répandre, dès le début de l’opération, une « odeur fétide qui remplit l’atmosphère de la
chambre et peut incommoder quelques-uns des assistants » 190 .
Ainsi, de même que la décomposition
putride fait de moins en moins figure,
au cours du XIX e siècle, de moyen de
pression pertinent pour décliner la
requête des magistrats concernant un
examen post mortem, elle perd
également quelque peu son influence
sur la technique opératoire usitée. En
effet, à la lecture tant des dossiers de
procédures criminelles et
correctionnelles que des écrits médico-
légaux, il apparaît que la cavité
abdominale est loin de faire
l’unanimité comme première région à
inspecter. Sur l’ensemble des manuels
et traités de médecine légale consultés,
agrémentés de quelques articles de
dictionnaires médicaux, les auteurs qui
29%
Graphique 95 : Répartition des cavités
viscérales ouvertes en premier dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915).
5%
5%
Abdomen (putréfaction)
31%
Abdomen (blessure)
débutent l’examen interne par l’abdomen ne sont pas légion (cf. annexe 46). Les archives
apportent confirmation de ce rejet (tableaux 54 et 55, cf. annexe 25). L’abdomen est
examiné le premier dans 10% des examens cadavériques du département de la Vienne
(graphique 95) et dans à peine 7% des expertises réalisées dans les Deux-Sèvres
(graphique 94). De plus, dans ces pourcentages, une part concerne des choix guidés par la
189 François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 26.
190 François Chaussier, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets de médecine légale,
Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, p. 17.
858
Graphique 94 : Répartition des cavités
viscérales ouvertes en premier dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres
(1795-1915).
3% 4%
64%
59%
Abdomen (putréfaction)
Abdomen (blessure)
Autre cavité
Pas d'ouverture
Sources : ADDS, L 2 ème
supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Autre cavité
Pas d'ouverture
Sources : ADV, L, L
Supplément, 2U, 3U4.

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
présence d’une blessure dans cette région du corps. Ainsi, les chiffres chutent
respectivement à 5% pour la Vienne et à 3% pour les Deux-Sèvres, si les cas précités sont
exclus (graphiques 95 et 94).
Il faut reconnaître que les soupçons sur la nature du décès ou l’existence d’une
lésion visible expliquent la très forte part des autres cavités. Néanmoins, cela n’enlève en
rien la pertinence de la remarque. D’autant que même dans des situations où la putréfaction
est installée, le choix du médecin expert peut se porter sur une autre cavité que le ventre.
Le corps d’un nouveau-né est découvert dans un étang, au Vigean, commune située dans le
département de la Vienne. Le maire de la localité, prévenu le 11 août 1835, se transporte
sur les lieux le lendemain 191 . Il est accompagné par deux hommes de l’art, le médecin
Augry et le chirurgien Rigaud. Mis en présence du cadavre, les experts médicaux
constatent que la décomposition a commencé : la peau est bleuâtre, l’épiderme se détache,
l’abdomen est distendu, des vers ont envahi les plaies de la face et du cou 192 . Malgré des
signes évidents d’altérations cadavériques, les deux praticiens s’intéressent en premier lieu
à la cavité crânienne, puis au thorax, et achèvent l’examen par l’exploration de
l’abdomen 193 .
Si le commencement de la putréfaction, ou seulement la promesse de son
développement, ne semble plus conditionner les procédés techniques de l’autopsie
judiciaire, il demeure, en revanche, que les phénomènes morbides peuvent quelque peu
anéantir l’espoir d’obtenir des réponses satisfaisantes et fermes au sujet des circonstances
du décès.
3) Une prudence et un doute décuplés
Les magistrats ont sans aucun doute pris la mesure des désagréments et des
complications, tant techniques que scientifiques, que peut poser un cadavre putréfié. Ils
n’hésitent pas à hâter l’expertise, et par la même occasion l’expert, sous prétexte que l’état
du corps est susceptible de rapidement s’altérer. Le juge de paix de Saint-Varent fait part
de son inquiétude à ce sujet, par télégramme, au procureur de la République, en mai 1878.
Le 6 mai, le représentant de la justice de paix envoie une première missive au représentant
du parquet pour l’informer de la mort soudaine d’un homme, et surtout demander le
transport d’un médecin de Bressuire, le praticien de Saint-Varent sollicité refusant de
191
A.D.V., 2U 1521, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
maire du Vigean, le 12 août 1835.
192
Ibid., Rapport des médecins, le 12 août 1835.
193 Ibid.
859

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
procéder seul à l’examen post mortem 194 . Le lendemain, un second télégramme parvient au
procureur. Le juge de paix le prévient que la décomposition du corps se développe
rapidement, « en raison du temps orageux » 195 . Bien qu’il laisse le procureur « juge de la
célérité de l’autopsie » 196 , ce télégramme indique à mots couverts la préoccupation qui
assaille le magistrat de la justice de paix : outre la question sanitaire, l’examen médico-
légal ne peut souffrir un trop grand retard, sous peine de se priver de constatations
essentielles. L’autopsie n’est pratiquée que le jour suivant, soit le 8 mai, en fin de
journée 197 . Dans leur rapport, les deux médecins experts ne donnent aucun commentaire
général sur l’état de conservation de la dépouille 198 . Le juge de paix aurait-il été victime
d’un accès de panique scientifiquement injustifié ? Rien n’est moins sûr.
Un autre exemple extrait des dossiers d’instruction de la cour d’assises de Poitiers
dévoile comment la question putride peut donner lieu à un véritable bras de fer entre
l’autorité requérante et le praticien appelé comme expert, chacun utilisant le
développement de la putréfaction comme argument. Le 31 mai 1822, le suppléant du juge
de paix de Vouillé, canton de la Vienne, requiert Pierre Honoré Gaillard, un officier de
santé domicilié à Lavausseau, pour effectuer la visite d’un nouveau-né exhumé d’une fosse
sauvage 199 . En raison de la gravité du cas, l’homme de l’art demande à être assisté d’un
docteur en médecine. Le praticien appelé ne peut répondre à la réquisition, car il est
malade. Le juge de paix réitère alors sa requête auprès de Gaillard, arguant que la
putréfaction a commencé et qu’elle risque de s’intensifier si celui-ci refuse à nouveau de
procéder à l’examen cadavérique. Or, l’officier de santé rétorque que c’est précisément
parce que la décomposition a atteint un stade avancé qu’il ne se soumet pas à la demande.
Outre le fait qu’il estime ses connaissances médico-légales insuffisantes pour agir seul,
Gaillard souligne que la putréfaction « rend équivoque » 200 les signes pouvant servir à
déterminer les causes du décès, et fait, par conséquent, de ce cas une expertise ardue.
La présence de phénomènes morbides développés oblige les médecins experts à
faire preuve de prudence dans leurs observations, dans les expériences qu’ils réalisent, et
194
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence et exercice illégal de la médecine », Télégramme du juge de paix de Saint-Varent
au procureur de la République, le 6 mai 1878.
195
Ibid., Télégramme du juge de paix de Saint-Varent au procureur de la République, le 7 mai 1878.
196
Ibid.
197
Ibid., Procès-verbal de transport et de constat, le 8 mai 1878.
198
Ibid., Rapport des docteurs médecins, le 9 mai 1878.
199
A.D.V., 2U 545, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal du
suppléant du juge de paix, le 31 mai 1822.
200 Ibid.
860

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
donc dans leurs conclusions. Les altérations induites par la putréfaction peuvent occulter
les lésions produites par une main criminelle. Les Drs Alfred Brillaud et Louis Lecointre
sont appelés par le juge d’instruction de Bressuire, en mai 1891, pour autopsier un
nouveau-né dont le corps a été retiré d’un puits 201 . Si le corps est dans l’ensemble blanc, le
visage et le cou présentent eux une teinte rouge brunâtre, agrémentée par des taches vertes
pour ce dernier 202 . Une telle coloration empêche les médecins experts de constater
l’existence d’éventuelles marques de strangulation 203 . En l’absence de tout autre blessure
notable sur le corps, les deux praticiens se trouvent alors dans l’incapacité de fournir la
cause du trépas.
Le doute créé par le développement putride contraint nombre de médecins experts à
établir des conclusions nuancées à l’issue de leur expertise. L’un des deux médecins
précités, Louis Lecointre, est encore requis pour l’examen post mortem d’un nouveau-né
en avril 1895. Le petit cadavre a été extrait d’une mare dans laquelle il a séjourné plusieurs
jours 204 . La putréfaction est très avancée : la face et la tête ont une teinte vert brun, la peau
du cou, du thorax et du ventre est verdâtre, l’épiderme se détache facilement 205 . A
l’incision du cuir chevelu, le médecin note qu’il « s’écoule un liquide roussâtre, infect » 206 .
Puis, retirant les os pariétaux pour examiner le cerveau, il indique que celui-ci est « réduit
en bouillie » 207 . En conclusion, l’expert fait remarquer que « l’état de putréfaction du
cadavre n’a pas permis de retrouver d’épanchement sous le cuir chevelu ni d’ecchymoses
sous-épicrâniennes » 208 , c’est-à-dire des indices qui assureraient que les blessures à la tête
ont été infligées alors que l’enfant était encore vivant. Seule la différence de coloration des
deux côtés de la tête et du visage l’autorise à présumer qu’une violence modérée a été
exercée sur le crâne, ce qui a entraîné la mort par suffocation 209 .
La décomposition cadavérique impose aux médecins experts d’établir une
démonstration argumentée et non de simples conclusions lapidaires et péremptoires. Cela
est particulièrement notable en matière d’infanticide, dans la mesure où la putréfaction est
une entrave reconnue et sérieuse à la docimasie pulmonaire hydrostatique, expérience qui
201
A.D.D.-S., 2U 329, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des Drs
Brillaud et Lecointre, le 15 mai 1891.
202
Ibid.
203
Ibid.
204
A.D.D.-S., 2U 356, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Suppression d’enfant »,
Ordonnance à médecin, le 29 avril 1895.
205 er
Ibid., Rapport du Dr Lecointre, le 1 mai 1895.
206 Ibid.
207 Ibid.
208 Aibid.
209 Ibid.
861

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
permet de déterminer si un nouveau-né a ou non respiré. Pour que le crime d’infanticide
soit avéré, l’enfant doit être venu au monde vivant et ensuite avoir vécu, même quelques
minutes 210 . Or, la preuve de la vie est apportée par la respiration, puisque dès lors qu’il
n’est plus dans le sein de sa mère, l’enfant doit par lui-même fournir l’air nécessaire au
fonctionnement et à la survie de son organisme. L’examen des poumons constitue donc
une étape capitale de l’autopsie d’un nouveau-né. Pour s’assurer que ces organes ont
respiré, les médecins ont plusieurs signes physiques à leur disposition. En premier lieu,
leur volume : des poumons « tassés sur eux-mêmes » 211 n’ont pas respiré, à l’inverse de
ceux qui remplissent la cavité thoracique. Ensuite, les organes « à l’état fœtal, présentent
une surface lisse » 212 et une couleur uniforme généralement rouge lie-de-vin, semblable à
celle de la rate (illustration 149). En revanche, quand ils sont emplis d’air, ils prennent une
couleur offrent une teinte marbrée, rose vif ou rouge, et surtout leur « surface est
manifestement lobulée et partagée en petites cellules polygonales dilatées par l’air et
visibles à l’œil nu » 213 (illustration 150).
Source : Ambroise Tardieu, Etude médico-légale sur l’infanticide, Paris, Baillière, 1868, pl. I.
Illustration 149 : Poumons d’un enfant nouveau-né Illustration 150 : Poumons d’un enfant
n’ayant pas respiré. Etat fœtal. nouveau-né pénétrés
par l’air et le sang.
210
Annick Tillier, Des criminelles au village. Femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), préface d’Alain
Corbin, Rennes, PUR, Histoire, 2001, p. 24.
211
Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 490.
212
Ambroise Tardieu, Etude médico-légale…, op. cit., p. 50.
213 Ibid.
862

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Néanmoins, pour confirmer ce que laisse supposer l’état extérieur des poumons, le
médecin expert doit s’adonner à une expérimentation, la docimasie pulmonaire
hydrostatique, qui comme son nom l’indique, a pour objectif d’évaluer la capacité des
organes à surnager dans l’eau. Le principe sur lequel repose l’expérience est simple :
l’introduction d’air dans les alvéoles pulmonaires rend les organes plus légers que l’eau et
leur permet de flotter ; les organes non dilatés par le gaz coulent 214 . Cependant, certaines
circonstances peuvent fausser quelque peu le résultat. La présence de l’élément gazeux
dans les poumons peut être consécutive à un autre phénomène que la respiration :
l’insufflation artificielle, c’est-à-dire l’introduction d’air par un procédé mécanique
extérieur, tel le bouche à bouche ; un emphysème spontané, soit le développement
pathologique de gaz dans le tissu pulmonaire ; enfin, la putréfaction 215 . Les auteurs
accordent plus ou moins de crédit à ces trois pseudo-respirations. Charles Marc considère
que l’insufflation artificielle « constitue l’obstacle le plus grave contre la validité de
l’épreuve pulmonaire » 216 , tandis que Paul Mahon s’inscrit en faux contre sa réelle
influence, dans la mesure où « le mouvement spontané de la respiration fait pénétrer l’air
bien plus complètement » 217 . Quant à Johann Casper 218 et Ambroise Tardieu, ils réfutent
l’existence même de l’emphysème :
« Quelques auteurs allemands ont admis comme pouvant produire le même effet le cas
pathologique d’un prétendu emphysème pulmonaire spontané des nouveau-nés. J’ai
vainement cherché sur quelle observation sérieuse pouvait être fondée une pareille
hypothèse, et je me crois en droit de la repousser absolument, […] ; il y a là sans doute
erreur de fait ou confusion » 219 .
La théorie selon laquelle les poumons putréfiés surnagent comme les organes qui
ont respiré a, elle aussi, ses partisans et ses détracteurs 220 . Pour ces derniers, l’un des
arguments les plus probants, leur permettant de rejeter cette éventualité, est que les
poumons présentent bien souvent un aspect tout à fait sain, alors que le reste du corps est
dans un état avancé de décomposition. Bien qu'admettant la possibilité que du gaz puisse
214 Charles Marc, « De la docimasie pulmonaire », in Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale,
traduction de Taschenbuch für gerichtliche Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen Leichenöffnungen de
Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et Crochard, 1808, p. 118.
215 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, pp. 440-441.
216 Charles Marc, « De la docimasie… », art. cit., p. 135.
217 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 440.
218 Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit., t. 2, pp. 519-522.
219 Ambroise Tardieu, Etude médico-légale…, op. cit., p. 56.
220 Cf. le rapide bilan dressé par Alphonse Devergie au sujet des expériences menées pour démontrer la
« surnatation » des poumons putréfiés et les réfutations élevées contre elles : Alphonse Devergie, Médecine
légale…, op. cit., t. 1, p. 216.
863

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
se développer dans des poumons de fœtus, à cause des phénomènes putrides, Alphonse
Devergie apporte une nuance à sa conclusion :
« Ainsi donc il est démontré que les poumons des fœtus exposés à l’air libre peuvent
devenir emphysémateux par le fait de la putréfaction ; que néanmoins la putréfaction
gazeuse des poumons ne s’opère que long-temps (sic) après celle des autres organes de
l’économie » 221 .
Johann Ludwig Casper se montre encore plus péremptoire, quant à l’aberration que
constitue cet argument fallacieux. Après avoir établi l’ordre dans lequel les divers organes
sont atteints par la décomposition morbide, et dont l’énumération s’achève par le cœur et
les poumons, l’auteur allemand s’autorise une petite digression relative à la docimasie
pulmonaire :
« Ce fait est important pour écarter les objections des purs théoriciens (Henke et tous ceux
qui l’ont imité), alléguées contre le degré de confiance que l’on doit attribuer aux épreuves
hydrostatiques de la docimasie pulmonaire. Car si les poumons d’un nouveau-né, dont le
cadavre est encore frais ou même présente quelques traces de putréfaction, nagent sur
l’eau, il est absurde de prétendre qu’ils nagent grâce aux gaz développés par la
putréfaction, puisque les poumons, encore une fois, se putréfient très tard » 222 .
Pour autant, le doute peut demeurer dans l’esprit du médecin, et par conséquent
dans celui des magistrats et du jury. Il convient donc que l’expérience hydrostatique mette
à mal toutes les objections putrides susceptibles d’être avancées contre le résultat obtenu.
Le procédé de la docimasie, dont la paternité est accordée à Galien 223 , a été perfectionné en
grande partie par des savants allemands 224 et exposé par Charles Marc en 1808, dans son
mémoire intitulé De la docimasie pulmonaire, publié en additif de sa traduction du Manuel
d’autopsie cadavérique médico-légale de Theodor Rose 225 . L’expérience ne se limite pas à
plonger les organes respiratoires dans un seau rempli d’eau et à regarder s’ils flottent ou
non. Elle est composée de plusieurs étapes qui doivent dissiper les hésitations instillées
dans les conclusions du médecin expert par une immersion partielle des poumons. En
premier lieu, les organes sont placés dans l’eau en étant toujours attachés au cœur et au
thymus, la glande située en avant de la trachée chez le nouveau-né. Ils y sont ensuite
plongés seuls, en bloc. Puis, chaque lobe est mis dans l’eau chacun son tour, afin de
constater si les deux côtés de l’appareil respiratoire se comporte de la même manière, et
donc s’ils sont identiquement emplis d’air. Chaque lobe est alors coupés en plusieurs
221 Ibid.
222 Johann Ludwig Casper, Traité pratique…, op. cit., t. 2, pp. 42-43.
223 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 216.
224 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 436.
225 Charles Marc, « De la docimasie… », art. cit., pp. 117-152.
864

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
fragments, déposés à leur tour dans le liquide, en vue de faire la même constatation 226 .
Selon les phénomènes hydrostatiques observés, la conclusion à tirer diverge. François-
Emmanuel Fodéré les résument ainsi :
« Si les poumons entiers et les fragmens (sic) de poumons surnagent tous également, c’est
une preuve que l’enfant était sain et qu’il a joui de plusieurs respirations pleines et
entières ; s’il n’y a que le poumon droit, ou les fragmens (sic) du poumon droit qui
surnagent, la vie de l’enfant a été moins parfaite ; si quelques fragmens (sic) seulement
surnagent, tandis que le plus grand nombre va au fond, c’est une preuve que l’enfant a à
peine vécu, qu’il n’a eu qu’une respiration imparfaite, ou que même ce peu de
supernatation n’est due qu’à l’insufflation artificielle. Si tous les fragmens (sic) sont
submergés, l’enfant n’a pas respiré » 227 .
Mais l’expérience ne s’arrête pas là. L’éventualité que la capacité à flotter des
portions pulmonaires soit consécutive à la putréfaction demande deux ultimes
manipulations. La première concerne directement les fragments de poumons. L’homme de
l’art comprime chaque partie sous l’eau, afin d’observer s’il s’en échappe des bulles et si le
morceau continue de surnager après cette épreuve 228 . La formation de bulles révèle la
présence de gaz, soit introduit dans les bronches par la respiration, soit produit par les
phénomènes de la putréfaction. Cependant, la taille des bulles et leur nombre permettent de
distinguer les deux situations : une myriade de bulles « extrêmement fines qui viennent
former de l’écume à la surface du liquide » est caractéristique d’une respiration établie ; a
contrario, des bulles de la taille d’une tête d’épingle sont produites par des gaz putrides 229 .
De plus, il est impossible de faire sortir la totalité de l’air respiré, ce qui permet à la portion
d’organes de continuer à flotter malgré la compression 230 . Enfin, à titre de comparaison,
des fragments d’autres organes peuvent être soumis à l’épreuve hydrostatique 231 . La
décomposition peut faire surnager un morceau de foie, mais une fois pressé il coule.
C’est très certainement pour éviter toute erreur de jugement que Louis Ganne,
praticien dans les Deux-Sèvres, a l’habitude de soumettre d’autres organes que les
poumons à la docimasie 232 . Le 16 juillet 1866, le médecin expert se rend au bourg de La
226
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 4, pp. 470-472.
227
Ibid., p. 472.
228
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 216.
229
Charles Vibert, Précis de médecine…, op. cit., 1893, p. 411.
230
Ibid.
231
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 4, pp. 485-486.
232
Louis Ganne participe en tant qu’expert à une quinzaine de procédures d’instruction pour infanticide.
Hormis deux affaires où il s’agit d’expertiser des ossements, l’homme de l’art effectue systématiquement la
docimasie hydrostatique sur d’autres viscères, généralement le foie, la rate, la vésicule biliaire, voire le
diaphragme.
Cf. A.D.D.-S., 2U 228, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins, le 2 juin 1856.
865

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Peyratte, commune de l’arrondissement de Parthenay, pour examiner la dépouille d’un
nouveau-né, inhumée illégalement dans un jardin une semaine auparavant 233 . Pour
procéder à l’épreuve hydrostatique, l’homme de l’art retire la langue, le larynx, la glande
thyroïde, le pharynx, le thymus, les poumons, le cœur, le foie, la rate et le diaphragme.
Cette masse de viscères est alors plongée dans l’eau froide, puis dans l’eau chaude. Les
poumons la font surnager. Après les expériences d’usage sur ces derniers, Louis Ganne
place le foie entier, puis par morceaux, dans l’eau. A chaque étape, l’organe coule 234 . Ni
dans sa description, ni dans ses conclusions, le médecin expert ne mentionne les raisons
qui lui font exécuter cette manipulation.
D’aucuns donnent des preuves de façon presque insidieuse, sans fournir à l’homme
de loi qui les a requis la valeur de l’observation qu’ils ont effectuée. Du moins
l’explication n’est-elle pas donnée par écrit ; mais un éclaircissement oral est bien sûr
envisageable et très certainement effectif, dans la mesure où le magistrat assiste à
l’autopsie. Le Dr Lerpinière est convié par le juge d’instruction de Châtellerault à
l’accompagner sur les lieux où le corps d’un nouveau-né a été découvert 235 . Exécutant la
mission pour laquelle il est requis, le médecin extrait les poumons, le cœur et le thymus
A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapports des
médecins (autopsie de l’enfant), le 15 janvier 1858.
A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins (autopsie de l’enfant), le 30 juillet 1858.
A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des
médecins, le 18 septembre 1858.
A.D.D.-S., 2U 239, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
rapport de l’autopsie médicale, le 23 mars 1861.
A.D.D.-S., 2U 245, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal
d’autopsie, le 17 mars 1863.
A.D.D.-S., 2U 246, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du médecin,
le 6 mars 1864.
A.D.D.-S., 2U 251, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité », Procèsverbal
de l’autopsie de l’enfant, le 16 juillet 1866.
A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité »,
Rapport de médecin, le 9 juillet 1868.
A.D.D.-S., 2U 258, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal
d’experts, le 17 avril 1869.
A.D.D.-S., 2U 264, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité », Procèsverbal
d’autopsie, le 5 juin 1871.
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Infanticide et vol », Rapport médical, 16 octobre 1871 et Rapport médical, le 2 décembre 1871.
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence (infanticide) », Rapport médical, le 16 avril 1873.
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures correctionnelles.
Homicide par imprudence (infanticide) », Rapport médical, le 17 août 1875.
233 A.D.D.-S., 2U 251, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide et complicité »,
Procès-verbal de l’autopsie de l’enfant, le 16 juillet 1866.
234 Ibid.
235 A.D.V., 2U 1524, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal, le
5 février 1836.
866

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
qu’il plonge dans un « vase plein d’eau tiède » 236 . Après les diverses immersions
recommandées, le médecin expert incise les poumons à plusieurs reprises et constate une
« crépitation manifeste » 237 , signe de la présence de gaz. Pour vérifier que ce dernier n’est
pas produit par un phénomène putride, Lerpinière incise également la langue et ne note pas
« de bruit analogue » 238 . Sans le dire, du moins sans l’écrire, le praticien vient de
démontrer la valeur des résultats obtenus avec la docimasie pulmonaire hydrostatique.
Certains médecins experts s’adonnent, en revanche, à une véritable démonstration
argumentative, dont l’objectif est de convaincre le magistrat de la fiabilité de l’expérience
réalisée pour estimer s’il y a eu ou non établissement de la respiration. Le rapport des Drs
Prouhet et Gauthier, rédigé suite à l’autopsie d’un nouveau-né en février 1875, fait figure
de parangon en la matière. Les deux praticiens effectuent la docimasie pulmonaire
hydrostatique comme conseillée par la littérature ad hoc. Les poumons entiers, puis divisés
en portions, surnagent et produisent de fines bulles de gaz quand ils sont exprimés sous
l’eau 239 . Les organes sont donc emplis d’air. La seconde partie du rapport médico-légal est
constituée des réponses aux questions posées par le magistrat instructeur. La deuxième
demande enjoint les médecins experts de se prononcer sur le fait que l’enfant soit né
vivant. Les hommes de l’art indiquent que la solution à cette question se trouve dans
« l’examen de la poitrine et des organes qu’elle renferme » 240 . Ayant constaté une
« surnatation complète de la masse pulmonaire », les praticiens concluent à la présence de
gaz dans ces viscères. Cependant, ils précisent que cela ne suffit pas à prouver la
respiration, puisqu’il existe « trois circonstances dans lesquelles la pénétration peut
s’opérer » 241 . Outre la respiration naturelle, les médecins experts signalent que la
putréfaction et l’insufflation artificielle peuvent être responsables de développement
gazeux. Or, pour chacune des deux possibilités, ils indiquent les éléments scientifiques qui
permettent de les éliminer, telle la décomposition tardive des organes de la respiration, leur
« surface comme mamelonnée » 242 lorsqu’ils sont putréfiés, ou encore l’absence de sang
répandu par l’incision de poumons insufflés.
236 Ibid.
237 Ibid.
238 Ibid.
239 A.D.D.-S., 2U 275, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport des Drs
Prouhet et Gauthier, le 9 février 1875.
240 Ibid.
241 Ibid.
242 Ibid.
867

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Il apparaît que, même si les praticiens de la médecine légale du XIX e siècle ne se
montrent pas particulièrement réticents à l’idée d’effectuer l’examen d’un corps en voie de
décomposition, ayant majoritairement assimilé l’idée que celui-ci peut toujours fournir des
indications utiles, ils demeurent conscients que l’état de conservation de la dépouille
mortelle, ou à l’inverse sa putréfaction, est un enjeu majeur de leur expertise. En premier
lieu parce que l’avancée des phénomènes putrides peut altérer la visibilité de certaines
traces corporelles et, par conséquent, rendre leur conclusion moins affirmative. Ensuite
parce la confusion et les erreurs, fondées ou non, que la putréfaction peut produire,
contraignent les hommes de l’art à assurer la validité de leur démonstration, et cela que le
corps présente des stigmates de décomposition ou non. Sachant l’influence réelle ou
supposée que de tels phénomènes naturels peuvent avoir sur l’examen cadavérique, les
savants ont cherché par divers moyens à en minimiser le développement.
B) Lutter contre l’inéluctable
Le combat mené contre la décomposition putride, en matière de médecine légale,
met en exergue deux approches différentes du problème : d’une part, prévenir ou retarder
l’apparition du phénomène ; d’autre part, réparer les dégâts corporels qu’il aurait pu
produire. La visée de la première approche constitue le précepte fondateur de
l’embaumement.
1) Embaumement et autopsie médico-légale, opérations
incompatibles
L’acte a pour objectif la conservation, prolongée ou momentanée, de la dépouille
mortelle. Jeannel, rédacteur de l’article « Embaumement » du Nouveau dictionnaire de
médecine et de chirurgie pratiques, expose les divergences conceptuelles qui sous-tendent
chacune des deux requêtes :
« La conservation indéfinie des cadavres ou embaumement proprement dit, satisfait à un
sentiment purement moral : l’homme prétend […] préserver de la destruction matérielle
des êtres qu’il a respectés ou qu’il a chéris. La conservation temporaire n’invoque pas de
raisons métaphysiques : elle se propose, ou d’utiliser les restes de l’homme ou des
animaux dans un intérêt scientifique, ou bien de prévenir, dans l’intérêt de l’hygiène, les
émanations putrides avant l’inhumation » 243 .
243 J. Jeannel, « Embaumement », art. cit., pp. 602-603.
868

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Les procédés d’embaumement employés au début du XIX e siècle conservent de grandes
similitudes avec les techniques usitées dans l’Egypte ancienne 244 : extraction des organes,
lavage du corps dans un produit désinfectant, traitement des cavités avec des substances
censées empêcher la corruption de la matière, enfin protection de la dépouille avec des
bandes de tissu 245 . Une autre technique conservatrice consiste à immerger le cadavre dans
une dissolution de sublimé corrosif 246 , pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines 247 .
Ces procédures, longues, coûteuses et parfois plus invasives que conservatrices 248 , sont peu
à peu remplacées par une technique initiée par l’anglais William Hunter au XVIII e
siècle 249 , puis perfectionnée par Jean Gannal, à la fin des années 1830. Il s’agit d’introduire
dans l’organisme, grâce à certains vaisseaux sanguins, un liquide de conservation. Là où
Hunter effectuait encore l’extraction de quelques organes pour les injecter 250 , Gannal
réalise l’introduction de la substance « à travers une petite ouverture de quelques
lignes » 251 , en l’occurrence au niveau de l’artère carotide 252 . Mais les procédés
d’embaumement sont-ils compatibles avec une autopsie judiciaire ?
En dépit des efforts réalisés en matière d’incisions et d’extractions d’organes,
manipulations qui priveraient les médecins experts de nombre de constatations, les
techniques de l’embaumement demeurent hostiles à l’examen cadavérique médico-légal.
En effet, les produits injectés peuvent altérer l’aspect des viscères et surtout pervertir les
analyses chimiques susceptibles d’être réalisées en cas de suspicion d’empoisonnement.
L’une des substances dont les propriétés conservatrices sont de notoriété publique, et qui
en outre présente l’avantage d’être financièrement abordable, est l’arsenic 253 . Nombre de
savants, français comme étrangers, qui s’intéressent à la conservation des matières
organiques, en préconisent l’emploi. A peu près à la même époque que Gannal, un certain
244 Françoise Dunand, Roger Lichtenberg, « La momification et ses techniques », in Alain Charron (sous la
dir. de), La mort n’est pas une fin. Pratiques funéraires en Egypte d’Alexandre à Cléopâtre, préfaces de
Michel Pezet, Jean-Noël Guérini, Michel Vauzelle et Claude Sintes, catalogue publié à l’occasion de
l’exposition présentée au Musée de l’Arles antique du 28 septembre 2002 au 5 janvier 2003, Arles, Editions
du musée de l’Arles antique, 2002, pp. 94-96.
245 « Embaumement », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et
al., s. l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 6, pp. 339-340.
246 “Sublimé corrosif” est le nom commun donné au bichlorure de mercure. Cf. Malaguti, « Mercure
(Chimie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris,
Asselin et Masson, 1873, 2 ème série, t. 7, p. 29.
247 « Embaumement », art. cit., p. 340.
248 Jean Gannal, Histoire des embaumements, Paris, Ferra, 1838, pp. 189-190.
249 L. Hahn, L. Thomas, « Embaumement », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
de Léon Lereboullet, Paris, Asselin et Masson, 1886, 1 ère série, t. 33, p. 589.
250 Ibid.
251 Jean Gannal, Histoire des embaumements, op. cit., p. 190.
252 J. Jeannel, « Embaumement », art. cit., p. 605.
253 Ibid., p. 604.
869

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Tranchina emploie « une solution alcoolique d’arsenic colorée par du cinabre » et Lauth
recommande aussi l’utilisation d’une solution arsenicale 254 . Quant à Gannal, bien qu’il l’ait
toujours nié, ses préparations avec du chlorure de sodium, du sulfate acide d’alumine et de
la potasse, puis à base de sulfate d’alumine et de chlorure d’aluminium, contiennent
vraisemblablement de l’arsenic 255 .
Devant la recrudescence de l’utilisation des préparations arsenicales, une
ordonnance royale, en date du 29 octobre 1846, interdit l’usage de l’arsenic pour conserver
les dépouilles mortelles, dans la mesure où il deviendrait impossible de déterminer si la
présence de cette substance nocive serait consécutive à un empoisonnement criminel ou à
l’embaumement 256 . Deux ans plus tard, l’interdiction est étendue à tous les produits
toxiques, sur l’avis du Conseil de salubrité de la Seine 257 . D’autres procédés et de
nouvelles substances sont ensuite proposés dans la seconde moitié du XIX e siècle. En
1867, Brunetti présente la méthode d’embaumement qu’il a mise au point. Elle consiste à
pratiquer trois injections successives : une d’alcool, une d’éther sulfurique et une de tannin
dissout dans de l’eau 258 . Malgré les bons résultats obtenus, ce procédé présente
l’inconvénient d’être compliqué et long à réaliser 259 . Par conséquent, il est difficile
d’envisager qu’un médecin expert pourrait l’employer pour contrer la marche putride du
cadavre qu’il doit examiner. En outre, l’un des préceptes édictés par les spécialistes de la
médecine judiciaire est que « les recherches médico-légales exigent qu’aucune matière
chimique ne soit mise au contact extérieur ou intérieur du cadavre » 260 . Les moyens usités
par les médecins experts pour ralentir le développement de la putréfaction doivent donc
répondre à ces préoccupations.
2) Le froid conserve
Pour cela il est impératif de placer le corps « dans des conditions physiques
absolument contraires à la putréfaction » 261 . Ainsi qu’il a été décrit plus haut dans la
démonstration, l’atmosphère la plus favorable à la décomposition mêle chaleur et humidité.
A l’image des quatre humeurs servant à définir le caractère et l’état de santé de l’homme
254
L. Hahn, L. Thomas, « Embaumement », art. cit., p. 590.
255
Ibid.
256
J. Jeannel, « Embaumement », art. cit., p. 604.
257
Ibid.
258
L. Hahn, L. Thomas, « Embaumement », art. cit., p. 592.
259
J. Jeannel, « Embaumement », art. cit., p. 607.
260
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880, 2 ème série, t. 14, p. 47.
261
Ibid.
870

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
dans l’ancienne médecine, l’état de conservation du cadavre dépend de quatre éléments
climatiques : le froid, la chaleur, l’humidité et la sécheresse. A chaque combinaison
correspondant une situation cadavérique, comme l’illustre le schéma ci-dessous. Au fait de
ces caractéristiques, les savants s’attachent donc à chercher les solutions qui permettront
d’obtenir les conditions propices à la conservation.
Froid
Congélation Conservation
Humidité
Putréfaction Dessiccation
Quelques-uns des conseils pratiques, proposés à ce sujet par la littérature, ont déjà
été signalés au cours de la présentation du local estimé apte à recevoir l’examen
cadavérique. Il est néanmoins nécessaire d’effectuer de telles redites, dans la mesure où
certaines des dispositions recommandées ont différentes visées. L’élément extérieur qui
focalise l’attention des médecins en matière de décomposition est la température. La
première mesure préconisée aux hommes de l’art, en vue de ralentir le développement des
phénomènes morbides, est de « placer le corps dans un endroit frais » 262 . Le conseil est
repris par nombre d’auteurs 263 et est mis en pratique dans quelques affaires criminelles
poitevines, même si les exemples sont rares, il faut le reconnaître. Le suppléant du juge
d’instruction de Châtellerault, arrondissement de la Vienne, s’occupe d’une procédure pour
infanticide en mai 1852. Après des recherches, le corps de l’enfant est découvert dans un
tas de fumier au matin du 22 mai 264 . La décomposition a déjà bien entamé sa sale besogne,
mais le juge requiert néanmoins deux médecins pour procéder à l’examen. En attendant
262 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 223.
263 Sans fournir la liste exhaustive des ouvrages qui reprennent cette recommandation, il convient cependant
de noter que François-Emmanuel Fodéré et Mathieu Orfila la mentionnent. Cf. François-Emmanuel Fodéré,
Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 19 ; Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 521.
264 A.D.V., 2U 1611, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Procès-verbal de
constat et de recherches, le 21 mai 1852.
Chaleur
871
Sécheresse

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
leur arrivée, le magistrat fait déposer le petit cadavre dans un « lieu sûr et frais » 265 , sans
toutefois préciser dans son procès-verbal la nature de cet endroit.
Afin d’obtenir la fraîcheur requise, les médecins experts peuvent avoir recours à
divers dispositifs d’une complexité variable. L’établissement d’un courant d’air a
évidemment pour but d’évacuer odeurs et miasmes, mais cela constitue également la
première étape pour refroidir l’environnement ambiant. La table de dissection élaborée par
D’Arcet, longuement décrite dans un précédent chapitre 266 , a la particularité de faire passer
un courant d’air permanent sur le corps qu’elle supporte, grâce à un système de cheminée
d’aspiration reliée à son plateau, percé lui-même de trous 267 (illustration 35). Ce
mouvement d’air diminue la température aux alentours de la dépouille, au point que le
modèle, dont la Morgue de Paris a fait l’acquisition est abandonné, car les mains de
l’opérateur souffrent du froid en hiver 268 . Ensuite, la fraîcheur peut être apportée par la
mise en présence d’un produit réfrigérant, en l’occurrence la glace. Paul Mahon, dont les
conseils sont repris par François-Emmanuel Fodéré, préconise d’en recouvrir le corps 269 .
Mathieu Orfila indique également cette possibilité dans différents écrits 270 . Si cette
procédure est envisageable pour conserver un cadavre, elle est un peu moins adaptée à la
préservation de plusieurs corps, comme doivent le faire les lieux servant au dépôt et à
l’exposition des dépouilles.
Des recherches sur la putréfaction ont indiqué que des cadavres exposés à une
température de 0°C peuvent être préservés des phénomènes putrides pendant 12 à 15
jours 271 . L’enjeu n’est plus de rafraîchir seulement l’air, mais de le refroidir, c’est-à-dire de
lui faire atteindre une très basse température. Les origines et l’installation des appareils
frigorifiques sont analysées par Bruno Bertherat dans le travail qu’il consacre à la Morgue
de Paris 272 . Seules quelques grandes lignes sont données ici. Le frigorifique médical est un
détournement. A l’origine, l’emploi du froid a une vocation alimentaire : il s’agit de
265 Ibid.
266 Cf. le chapitre 6.
267 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence et de l’assainissement des salles de dissection », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, p. 316.
268 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 553.
269 Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, pp. 223-224.
270 Pour n’en citer que quelques-uns, cf. Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 521 ; Mathieu Orfila,
Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 4 ème éd. revue, corr. et considérablement augm., contenant en
entier le Traité des exhumations juridiques d’Orfila et Lesueur, Paris, Labé, 1848, t. 2, p. 47 ; A. Béclard,
Ollivier, Orfila, « Cadavre », art. cit., p. 159.
271 D. M. P. Livois, « Mort », Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers, Supplément,
sous la dir. d’Ambroise Tardieu, Paris, Germer Baillière, 1851, t. 9, p. 503.
272 Cf. le chapitre 3 de la deuxième partie intitulé « La révolution du frigorifique », Bruno Bertherat, La
Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 386-452.
872

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
conserver les viandes qui doivent être transportées sur une longue distance 273 . A la fin des
années 1860 et au début des années 1870, Charles Tellier met au point plusieurs systèmes
de réfrigération qui produisent un froid sec, le plus efficace selon lui. En juin 1877, il
suggère l’application de ses appareils à la Morgue de Paris, et en fait la proposition auprès
du Conseil d’hygiène et de salubrité 274 . Le projet est refusé par le Conseil parce
qu’Alphonse Devergie, alors responsable de cette administration, indique que les caisses
réfrigérées dissimulent trop les corps et empêchent leur reconnaissance par le public 275 . Sa
seconde proposition, à la fin de l’année 1877, reçoit un meilleur accueil et projette
d’installer des « agents frigorigènes » dans la salle d’exposition où les dépouilles seraient
placées comme avant sur de simples tables 276 . Cependant, il faut attendre l’arrivée de Paul
Brouardel, en remplacement de Devergie comme médecin-inspecteur de la Morgue, pour
que l’installation d’un système frigorifique soit effective.
Convaincu de l’intérêt de ces appareils, Paul Brouardel en fait part à de nombreuses
reprises avant même d’être nommé à cette fonction au sein de la Morgue 277 . En octobre
1879, une commission est nommée par le préfet de la Seine pour définir les critères
nécessaires à la conservation des cadavres, notamment à des fins médico-légales, et étudier
les divers projets d’appareils de réfrigération proposés 278 . Les membres de la commission
indiquent que pour stopper net la putréfaction avancée d’une dépouille, il convient de la
soumettre à un froid très intense, entre –15 et –20°C, puis de la maintenir à une
température moins extrême, mais néanmoins toujours négative 279 . Mais y a-t-il des
conséquences à congeler un corps devant être ensuite soumis à une autopsie ? Hormis un
délai nécessaire au dégel 280 , les expériences ont démontré que « la congélation n’entraînait
dans les tissus aucune modification qui pût nuire à l’expertise » 281 .
273 Ibid, f° 387.
274 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 47.
275 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 389.
276 Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 48.
277 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 391-396.
278 Paul Brouardel, « Installation d’appareils frigorifiques à la Morgue. Rapport présenté à la Commission
spéciale instituée le 6 octobre 1879, pour l’examen des divers systèmes relatifs à l’installation d’appareils
frigorifiques à la Morgue », Variétés, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière,
1880, 3 ème série, t. 3, pp. 63-76.
279 Ibid., p. 65.
280 La congélation, avantageuse pour préserver les corps, présente le désagrément de devoir attendre pour
procéder à l’autopsie. Maurice Letulle indique que le temps nécessaire au « dégel » d’un corps conservé dans
une glacière à –18°C est de 2 à 3 jours. Cf. Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature
par G. Reignier, Paris, Naud, 1903, p. 476.
Pour accélérer le processus, un système de chauffage, nécessairement modéré pour éviter l’altération des
dépouilles, a été installé à la Morgue de Paris dans les années 1880. La décongélation prend encore six
heures. Le délai est abaissé à deux ou trois heures au début de la décennie suivante. Cf. Bruno Bertherat, La
Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 600-601.
873

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Sur les dix projets retenus et étudiés par la commission, une moitié utilisent un
produit chimique liquide à basse température – éther méthylique, chlorure de méthyle,
acide sulfureux – pour refroidir un autre liquide incongelable dont la circulation au moyen
d’une tuyauterie permet de réfrigérer la pièce 282 . Une autre proposition consiste à
comprimer l’air atmosphérique, ce qui lui fait perdre de la chaleur, puis à le laisser
s’échapper. En retrouvant son volume initial, l’air se refroidit 283 . C’est ce projet qui est
recommandé par la commission 284 . Cependant, une seconde commission, constituée en juin
1880, opte pour un autre système. Le projet choisi est celui de la société Mignon et Rouart.
Il utilise l’ammoniaque comme source de froid 285 .
Bien que le froid apparaisse comme la meilleure riposte au problème putride, il ne
présente de réel intérêt que pour les grandes structures médicalisées, dont la population
cadavérique est élevée. Seules les morgues ou certains hôpitaux peuvent voir une utilité
dans les appareils frigorifiques. Et même pour ces bâtiments, l’aménagement de tels
dispositifs s’avère rare, en raison d’incompatibilités architecturales, mais surtout à cause de
l’investissement qu’ils représentent. Les meilleurs projets étudiés par la commission de
1879 ont un coût d’installation estimé entre 50 000 et 65 000 francs, ainsi qu’un entretien
annuel qui oscille entre 11 000 et 15 000 francs selon le dispositif 286 . Parmi les autres
morgues françaises qui ont été étudiées, aucune ne possède de système frigorifique à la fin
du XIX e siècle. Lorsqu’il obtient la chaire de médecine légale à la Faculté de médecine de
Lyon, au début des années 1880, Alexandre Lacassagne rédige un mémoire sur la nécessité
de construire une nouvelle morgue. Parmi les aménagements qu’il souhaite intégrer se
trouve le système frigorifique. La requête de Lacassagne n’aboutit pas 287 . Il faut attendre le
début du XX e siècle, et la construction d’un nouveau bâtiment plus adapté à recevoir des
appareils frigorifiques, pour que le froid entre enfin dans la morgue lyonnaise 288 . Les
autres établissements de province ne sont pas mieux pourvus. Bruno Bertherat indique que
la morgue de Bordeaux ne dispose toujours pas de système réfrigérant en 1890, et qu’il fait
281
Paul Brouardel, « Installation d’appareils… », art. cit., p. 65.
282
Ibid.
283
Ibid., p. 74.
284
Ibid., p. 75.
285
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 423.
286
Paul Brouardel, « Installation d’appareils… », art. cit., p. 75.
287
Martine Kaluszynski, La criminologie en mouvement. Naissance et développement d’une science sociale
en France à la fin du XIX e siècle. Autour des Archives d’anthropologie criminelle d’Alexandre Lacassagne,
doctorat en histoire contemporaine, sous la dir. de Michelle Perrot, Université Paris VII, 1988, p. 161.
288
Etienne Martin, « L’Institut de médecine légale de Lyon », Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 14.
874

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
encore défaut à celle de Marseille en 1901 289 . De même, Marina Daniel note que dans le
département de la Seine-Inférieure, auquel elle s’est intéressée dans sa thèse 290 , « les
appareils frigorifiques ne firent leur apparition qu’au début du XX e siècle ; la morgue du
Havre, deuxième ville du département, n’en fut pourvue qu’en 1911 » 291 .
Parmi les techniques de conservation étudiées par la première commission,
plusieurs ont rapidement été exclues parce qu’elles ne satisfaisaient pas aux critères
prédéfinis : soit les procédés ne permettent pas d’obtenir une température suffisamment
basse, soit il s’agit d’immerger le cadavre dans un produit conservateur, voire de l’injecter
directement dans le corps 292 . Or, la commission a institué « qu’il y [aurait] lieu de rejeter
tous les procédés de conservation dans lesquels des substances chimiques sont mises en
contact avec des cadavres » 293 . Il s’agit en quelque sorte de marquer une véritable rupture
avec l’ancien fonctionnement de la Morgue. Alphonse Devergie a, lui aussi, cherché un
moyen de ralentir la décomposition putride des corps exposés. Le système d’arrosage 294
qu’il a mis en place a rempli ce rôle durant près d’un demi-siècle, jusqu’à ce que le
frigorifique devienne une meilleure alternative. Peut-être faut-il voir dans le rejet du projet
de Tellier par Devergie une ultime tentative de la part de ce dernier pour défendre son
installation, dont il a été persuadé de l’efficacité durant des années, à l’instar d’un certain
nombre de savants. En outre, les procédés qui consistent à asperger, recouvrir ou entourer
le corps de substances antiputrides, offrent l’avantage d’être à la portée de la plupart des
médecins experts.
3) Aspersions et couvertures antiputrides
A la place de la glace, les auteurs du début du XIX e siècle proposent, par exemple,
de recouvrir la dépouille « de poudre de charbon ou d’une terre sèche, sablonneuse,
capable d’absorber l’humide produit par la fermentation putride » 295 . La propriété
conservatrice du charbon demeure reconnue et mise à contribution, au cours des décennies
289
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 441-442.
290
Marina Daniel, Regards sur le corps meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au
XIX e siècle, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen,
2007, 3 vol., 901 f°.
291 e
Marina Daniel, « Les médecins et la pratique de l’expertise en Seine-Inférieure au XIX siècle » in Claire
Dolan (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice du Moyen Age au XX e siècle,
actes du colloque « Les auxiliaires de la justice, intermédiaires entre la justice et les populations, du Moyen
Age à la période contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec, s. l., Les Presses de
l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, p. 753.
292
Paul Brouardel, « Installation d’appareils… », art. cit., p. 69.
293
Ibid., p. 64.
294
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 358-361.
295
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 19.
875

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
suivantes 296 . Souhaitant faire transporter le corps d’un nouveau-né à l’amphithéâtre de
l’hôpital de Niort pour y faire procéder à l’expertise médico-légale, le juge d’instruction de
cette même ville fait confectionner une boîte en bois blanc. En vue de ralentir un peu une
décomposition déjà bien avancée – le cadavre a séjourné près d’un mois dans des lieux
d’aisance – du charbon et du sel sont répandus dans la petite caisse 297 . Le magistrat précise
qu’il s’agit là des « seules substances dont [il a] pu disposer » dans la localité où le drame
s’est déroulé 298 .
D’autres produits, sous la forme de liquides ou de dissolutions, sont également
conseillés. François-Emmanuel Fodéré recommande, par exemple, une « dissolution de sel
marin et d’alun » 299 , les propriétés conservatrices du sel n’étant plus à prouver. Un autre
produit est connu pour avoir la capacité de ralentir la détérioration des matières animales :
l’alcool. Les aspersions du cadavre avec des « liqueurs alcooliques » 300 ou des
« spiritueux » 301 sont capables d’enrayer la décomposition. Mais l’alcool est également très
utile et efficace pour conserver des pièces anatomiques, soit pour les présenter au cours du
procès, soit pour d’éventuelles analyses ultérieures. A l’issue de l’autopsie médico-légale
d’un nouveau-né, dont le corps était dissimulé « sous un amas de divers objets » dans un
cellier, le juge d’instruction de Châtellerault fait placer les poumons « dans un vase rempli
d’alcool » 302 . Il justifie sa décision par la possibilité que la docimasie hydrostatique, bien
que pratiquée par le médecin expert lors de l’examen cadavérique 303 , pourrait à nouveau
être nécessaire 304 .
Il a déjà été souligné qu’Alphonse Devergie, en raison de sa fonction à la Morgue
de Paris, se trouve fréquemment confronté au problème de la putréfaction. Outre le fait que
la Morgue reçoit nombre de corps, retirés des flots de la Seine, dont l’avancée de la
décomposition est souvent notable, la procédure d’exposition des cadavres non identifiés
transforme la question du ralentissement putride en un enjeu capital. Or, l’étude de la
296
Hornemman suggère de déposer une couche de charbon de bois en poudre dans le fond des cercueils pour
prévenir les désagréments de la putréfaction. Cf. « Conservation des cadavres par le charbon », Revue des
travaux français et étrangers, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1871, 2 ème
série, t. 36, pp. 462-463.
297
A.D.D.-S., 2U 224, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
visite, perquisition et constat, le 23 juillet 1855.
298
Ibid.
299
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 19.
300
Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 521.
301
Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 224.
302
A.D.V., 2U 1724, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Constat des
lieux, le 20 août 1884.
303
Ibid., Rapport du Dr Varaillon, le 21 août 1884.
304
Ibid., Constat des lieux, le 20 août 1884.
876

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
putréfaction des dépouilles immergées a mis en lumière que l’eau retarde les phénomènes
cadavériques. Devergie a donc l’idée d’utiliser cette aptitude pour les corps exposés dans la
vitrine de la Morgue. En 1832, il dépose un rapport auprès du Préfet de police, demandant
l’installation d’un système de « robinets d’irrigation continue d’eau sur les corps » 305 . La
requête est acceptée et l’aménagement réalisé en 1834-1835, à l’occasion des travaux
effectués en vue d’assainir le bâtiment 306 . L’intérêt de l’arrosage continu des cadavres,
pour freiner la marche putride, semble avoir fait des émules hors de la capitale. Marina
Daniel indique que parmi les requêtes relatives à l’amélioration de la morgue de Rouen,
formulées au cours du XIX e siècle, l’une d’elles concerne l’arrosage : « en 1875, le
médecin attaché à la morgue de Rouen demanda la mise en place d’un système pour faire
jaillir constamment sur les corps exposés un filet d’eau pour ralentir les effets de la
putréfaction » 307 .
Même si c’est grâce aux travaux de Pasteur et d’autres savants du derniers tiers du
XIX e siècle que les causes infectieuses et les mécanismes de propagation ont été décryptés,
les chimistes et les médecins des décennies précédentes se sont employés à trouver des
produits susceptibles d’occasionner une désinfection. Pour nombre d’entre eux, à la
propriété désinfectante 308 s’ajoute une action antiputride. Parmi les différentes substances
chimiques pouvant ralentir la décomposition, l’acide phénique est plébiscité par nombre de
praticiens. Elaboré en Allemagne à partir de la houille de charbon, dans les années 1830,
l’acide phénique ou phénol présente l’avantage d’être moins corrosif pour les tissus
organiques que d’autres substances 309 . Constatant par lui-même, au début de années
1870 310 , les vertus de l’acide phénique comme antiputride, Alphonse Devergie en
incorpore dans l’eau déversée en continu sur les dépouilles exposées 311 . A l’inverse des
procédés et des produits employés pour l’embaumement, les aspersions phéniquées ne sont
pas considérées comme contradictoires ou incompatibles avec l’autopsie judiciaire 312 . Au
soir du 17 octobre 1867, le Dr Henri Napoléon Ducoux, médecin à Poitiers, est requis de se
transporter dans une maison de cette ville pour effectuer la levée de corps d’un nouveau-
305
Alphonse Devergie, « De la désinfection… », art. cit., p. 320.
306
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 360.
307
Marina Daniel, « Les médecins… », art. cit., p. 753.
308
Cf. la dernière partie du présent chapitre.
309
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 365.
310
Ibid., f° 366.
311
Alphonse Devergie, « De la désinfection… », art. cit., p. 324.
312
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 368.
877

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
né 313 . L’homme de l’art guide les manœuvres de récupération du petit cadavre dans les
lieux d’aisance, puis lave celui-ci. L’examen devant être reporté au lendemain, le médecin
place la dépouille dans un « baquet plus petit contenant une solution d’acide phénique
propre à la conservation du cadavre » 314 .
Quelques spécialistes de la médecine légale ont effectué des expériences avec
d’autres substances, pour conserver des corps entiers ou seulement des pièces anatomiques,
sans que le contact avec le produit ne gêne les constatations durant l’autopsie ou fausse les
résultats toxicologiques. Alexandre Lacassagne, dans son Vade mecum du médecin
expert 315 , reprend les différentes formules conservatrices étudiées par l’un de ses élèves à
l’occasion de sa thèse 316 . Il indique notamment les produits conseillés par Gabriel Tourdes,
et dont le professeur strasbourgeois fait lui-même la présentation dans son traité de
médecine légale publié quatre ans plus tard 317 . Tourdes propose deux solutions injectables
pour conserver un cadavre dont l’autopsie doit être pratiquée ultérieurement : une première
solution à base de glycérine et d’acide phénique, et une seconde composée de glycérine,
d’alcool et d’acide borique ou de borate de soude 318 . Les études menées par Parcelly au
laboratoire lyonnais, sous l’égide de Lacassagne, démontrent que le procédé de Dubois est
le « plus parfait » 319 . Il provoque « la dessiccation rapide des tissus » grâce à l’injection
dans les organes d’un produit « antiseptique et déshydratant » 320 , qui peut être soit l’alcool
amylique, soit l’éther nitrique. De plus, ce procédé est totalement compatible avec une
expertise médico-légale : l’examen histologique montre seulement une déshydratation des
tissus et les recherches toxicologiques peuvent toujours être pratiquées
avantageusement 321 .
Un des autres atouts de ce dernier procédé de conservation mis en exergue est son
coût modique 322 . Le nombre restreint d’affaires criminelles poitevines mentionnant
l’utilisation d’une substance antiputride s’explique-t-il par une raison financière ? Si l’idée
313
A.D.V., 2U 1672, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du Dr
Ducoux, le 17 octobre 1867.
314
Ibid.
315
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1892, pp. 42-45.
316
Pierre Parcelly, Etude historique et critique des embaumements avec description d’une nouvelle méthode,
thèse pour le doctorat de médecine, sous la dir. d’Alexandre Lacassagne, Faculté de médecine de Lyon,
Lyon, Storck, 1891, 188 p.
317
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 420.
318
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1892, p. 43.
319
« Un nouveau procédé de conservation des cadavres », Chronique, Annales d’hygiène publique et de
médecine légale, Paris, Baillière, 1892, 3 ème série, t. 28, p. 571.
320
Ibid.
321 Ibid., p. 572.
322 Ibid.
878

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
est envisageable, en l’absence d’indications à ce sujet dans les états des frais de procédure,
elle demeure hypothétique. Néanmoins, d’autres motifs peuvent être avancés. En premier
lieu, la détention des produits adéquats par le médecin qui est requis comme expert. Tous
les praticiens ne transportent probablement pas toujours avec eux des bouteilles de
substances antiputrides. Rappelons, pour mémoire, le commentaire du juge d’instruction de
Niort qui fait placer le corps du nouveau-né dans une caisse contenant du charbon et du
sel : ce sont les seuls produits dont il dispose sur place 323 . Or, le praticien appelé pour
procéder à l’autopsie se trouve à ses côtés et se charge même de transporter le corps
jusqu’à Niort 324 . En second lieu, le recours à des matières ou des solutions qui empêchent
le développement de la putréfaction est quelque peu en décalage avec le rythme de la
procédure d’instruction. En effet, les techniques exposées supra demandent, d’une part,
plusieurs jours avant d’apporter un résultat notable 325 , et d’autre part, ont une visée à long
terme. A contrario, un médecin expert recherche un moyen immédiat pour ralentir
l’avancée de la décomposition, mais n’a pas nécessairement besoin de l’enrayer de manière
définitive. Malgré l’élaboration, au cours du dernier tiers du XIX e siècle, de liquides
conservateurs conciliables avec l’expertise médico-légale, l’embaumement et l’autopsie
judiciaire demeurent deux manipulations cadavériques antinomiques 326 . Cependant,
quelques examens cadavériques judiciaires peuvent partager, en certaines occasions, des
finalités avec l’embaumement et même recourir à des techniques proches de celles usitées
pour la conservation prolongée des dépouilles mortelles.
4) La reconstruction de l’identité
Bien que l’ensemble des procédés d’embaumement utilisés au cours du siècle
n’offre le résultat escompté, le traitement appliqué au défunt doit permettre de préserver le
plus possible l’aspect de la vie, notamment quand le corps doit ensuite être exposé.
L’anecdote rapportée par Pelletan, en guise d’illustration de la technique employée par
323
A.D.D.-S., 2U 224, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Procès-verbal de
visite, perquisition et constat, le 23 juillet 1855.
324
Ibid.
325
Le procédé recommandé par Parcelly met deux jours à supprimer l’odeur de décomposition et à donner un
teint frais au corps. Quant au temps nécessaire à la dessiccation complète, il est impossible à estimer. Cf.
« Un nouveau procédé… », art. cit., p. 572.
326
Il n’a été abordé, dans la présente étude, que les seuls inconvénients posés par l’embaumement à
l’autopsie médico-légale. Le constat inverse pourrait être évoqué. Embaumer un corps qui a été soumis à un
examen cadavérique s’avère compliqué, voire impossible si le praticien n’a pas pris quelques précautions.
Celles-ci sont exposées dans le Dictionnaire Dechambre, les auteurs de l’article consacrant quelques lignes à
« l’embaumement dans le cas où l’autopsie doit être pratiquée » : L. Hahn, L. Thomas, « Embaumement »,
art. cit., pp. 596-597.
879

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Boudet, l’embaumeur des sénateurs de l’Empire 327 , est significative. Ce dernier,
pharmacien de son état, est « chargé par une mère de préparer le corps de sa fille morte à
l’âge de dix ans, de manière à pouvoir jouir sans cesse de sa vue » 328 . Afin de garder une
trace ante mortem de la physionomie de l’enfant, un buste avait été réalisé. De plus, au
moment du décès, « des yeux d’émail parfaitement semblables aux siens » 329 sont
sélectionnés. Boudet débute la procédure d’embaumement, opération qu’il effectue chez
lui, en retirant les organes ainsi que les yeux. Les cavités sont remplies avec de l’étoupe
sèche, un tamponnement remplaçant les globes oculaires. Puis, il suture les incisions et
plonge le corps dans « un bain d’eau distillée, saturée de sublimé, et dans laquelle
trempaient encore plusieurs nouets remplis de ce sel » 330 . Après un séjour de trois mois
dans cette liqueur, le corps en est retiré pour la dessiccation. L’ultime étape de l’opération
a une portée esthétique :
« Quand la dessiccation a été parfaite, on a placé les yeux ; quelques traits de la figure
étaient altérés, et surtout la lèvre supérieure ; un habile artiste les a relevés en cire, en
imitant le buste qui lui servait de modèle ; la peau se trouvant d’une couleur grise, on l’a
colorée avec du fard ; les cheveux parfaitement conservés étaient très-naturels (sic) ; enfin,
cette enfant revêtue de ses habits ordinaires et renfermée dans une cage de verre, présente
une ressemblance parfaite et cause une illusion extraordinaire » 331 .
La préoccupation relative à la ressemblance du défunt avec l’individu qu’il était est
également présente dans les écrits médico-légaux. Il s’agit, tout d’abord, de créer l’illusion
de la vie sur un cadavre afin de faciliter son identification. L’intervention peut aussi
réparer les dégâts provoqués par la décomposition. La question concerne particulièrement
les dépouilles qui sont accueillies dans les morgues, comme le note Auguste Lutaud :
« La conservation des cadavres est en effet un des problèmes dont la solution intéresse le
plus le médecin expert, et il faut, en ce qui concerne la destination spéciale de la Morgue,
que le cadavre soit non-seulement conservé, mais encore qu’il ne soit pas défiguré » 332 .
La putréfaction nuit, directement et indirectement, à l’identification. A la Morgue de Paris,
les corps dont la décomposition est trop avancée, dont les traits du visage sont, par
conséquent, altérés, ne sont pas soumis aux regards du public 333 . Ils sont déposés dans la
salle des morts, voire inhumés. Les chances que l’individu soit reconnu sont donc
amoindries et reposent principalement sur l’identification des vêtements et des objets
327
Jean Gannal, Histoire des embaumements, op. cit., p. 162.
328
Pelletan fils, « Embaumement », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 11, p. 527.
329
Ibid.
330
Ibid.
331
Ibid., p. 528.
332
Auguste Lutaud, « Obitoires-Morgues », art. cit., p. 46.
333
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 1, f° 213.
880

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
personnels 334 . Un soir de février 1899, un étudiant en droit de Poitiers fait une macabre
découverte, alors qu’il se promène en bateau sur Le Clain. Au niveau de la commune de
Saint-Benoît, le corps d’un homme flotte sur les eaux paisibles. L’individu, dont l’âge est
estimé à 45-50 ans, semble avoir passé une quinzaine de jours dans l’eau. L’homme ne
porte aucun document ou objet pouvant permettre d’établir son identité. Le Dr Jablonski,
médecin à Poitiers, ne relevant aucune trace de violence l’inhumation est ordonnée 335 . La
description de l’individu est publiée dans le Petit Parisien, ce qui permet à un habitant de
Charente-Inférieure de se manifester auprès du procureur de la République 336 . Il pense
avoir reconnu son beau-père, disparu depuis le 12 février. Le magistrat demande alors à cet
homme de venir « reconnaître les effets » 337 de l’inconnu, soit ses vêtements et les objets
trouvés dans ses poches. L’identité est alors confirmée.
Une invention va quelque peu résoudre les problèmes suscités par la brièveté de la
période durant laquelle un individu est reconnaissable : la photographie. Il ne s’agit pas ici
de s’intéresser aux usages du portrait cadavérique 338 , mais au traitement infligé au corps
pour combattre les assauts de la putréfaction. Lorsque ceux-ci sont encore légers, il
convient juste au praticien d’insuffler un peu de vitalité dans le visage. Pour cela, il doit
redonner vie au regard du défunt. Durant des années, les cadavres ont été photographiés les
yeux fermés 339 . Si cet usage peut être considéré comme l’attitude habituelle conférée aux
défunts, il peut aussi correspondre à un impératif esthétique : les globes oculaires se
ternissent, se dessèchent et s’affaissent sous l’influence des phénomènes morbides. Mais
l’absence de regard met « dans l’embarras pour le reconnaître ceux qui ont connu le
décédé » 340 . A la fin des années 1880, de premières techniques permettant de réanimer les
yeux sont mises au point 341 . Un médecin de Genève, le professeur Gosse, obtient de bons
résultats en posant des compresses humides sur les globes oculaires et en appliquant de
334 Ibid., f° 183.
335 A.D.V., 4M 296, « Rapports bi-décadaires et procès-verbaux de gendarmerie. Suicide (noyade) », Procès-
verbal de gendarmerie, le 21 février 1899.
336 Ibid., Procès-verbal de gendarmerie, le 1 er mars 1899.
337 Ibid.
338 Cf. les réflexions sur les corps photographiés de la Morgue de Paris dans Bruno Bertherat, La Morgue de
Paris…, op. cit., vol. 1, f° 187-196.
Dans la présente étude, cf. le chapitre 2 qui aborde la question de l’absence de photographie dans les rapports
d’autopsie médico-légale.
339 Nicolas Minovici, « Nouveaux procédés de photographie des cadavres », Archives d’anthropologie
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1904, t. 19, p. 847.
340 Ibid.
341 Gosse, « Application de la photographie à la médecine légale », Revue des travaux, Annales d’hygiène
publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1887, 3 ème série, t. 17, p. 61.
881

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
l’eau additionnée de glycérine sur la cornée 342 . Mais l’opération pouvant être fastidieuse,
Nicolas Minovici préfère remplacer les yeux « racornis ou presque desséchés » par des
globes artificiels 343 . Pour parachever l’illusion de vie, les cheveux sont coiffés, les
mâchoires rapprochées au moyen de pointe et de fils, les lèvres maintenues par des
épingles 344 . Les illustrations 151 et 152 proposent le visage d’une femme avant et après le
traitement conseillé par Minovici. Ce procédé relativement simple convient aux dépouilles
encore peu corrompues par la décomposition. En revanche, si le corps est envahi par les
phénomènes putrides, la tâche du savant s’en trouve compliquée.
Source : Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, 1904, t. 19, pp. 855 et 857.
Illustration 151 : Photographie d’une femme Illustration 152 : Photographie de la
dont le visage est déformé par même femme après les soins.
les premiers phénomènes morbides.
342 Nicolas Minovici, « Nouveaux procédés… », art. cit., pp. 848-849.
343 Ibid., p. 849.
344 Ibid., pp. 854-855.
882

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Les deux difficultés présentées par les corps putréfiés, notamment quand ils ont
séjourné dans l’eau, sont le gonflement dû au gaz et la coloration verte de la peau 345
(illustration 153). L’évacuation des gaz est obtenue en pratiquant des incisions sur le cuir
chevelu et à l’intérieur des joues, puis en pressant délicatement les tissus gonflés avec un
linge 346 . Puis, il faut enduire la peau du visage d’une couche de vaseline qui est ensuite
retirée et remplacée par de la poudre d’amidon ou du talc 347 , substances permettant de
dissimuler la coloration verte de l’épiderme 348 . Enfin, les procédures décrites auparavant
sont effectuées 349 . Le défunt retrouve presque un visage humain (illustration 154). Ainsi, à
l’occasion de l’examen post mortem d’un individu défiguré, dont l’identité est incertaine
ou inconnue, le médecin expert peut se transformer en un praticien hybride, mi-
embaumeur, mi-chirurgien. Les stigmates de la putréfaction, de même que les mutilations
criminelles ou accidentelles, peuvent données lieu à un travail de reconstitution digne de la
chirurgie réparatrice. Déjà au début du XIX e siècle, cette branche de la médecine
opératoire fait disparaître des becs-de-lièvre, parvient à remplacer des nez détruits,
redessine des lèvres 350 . L’aptitude des hommes de l’art a “réparé” le cadavre pourrait
même servir d’argument 351 en faveur de la réalisation des examens post mortem 352 .
345 Ibid., p. 858.
346 Ibid., pp. 858-859.
347 Ibid., p. 860.
348 R. A. Reiss, « Fausse ou non reconnaissance par les témoins d’individus vivants ou morts », Archives
d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1908,
t. 23, p. 480.
349 Nicolas Minovici, « Nouveaux procédés… », art. cit., p. 862.
350 Jean-Marc Bourgery, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant la médecine opératoire, t. 7 :
Médecine opératoire, planches lithographiées par Nicolas-Henri Jacob, Paris, Delaunay, 1840, planches 14,
17 et 18.
351 Cf. le chapitre 5.
352 Timothy Harding, Romano La Harpe, « L’autopsie : violence ou réparation ? » in Le corps violenté. Du
geste à la parole, études réunies et présentées par Michel Porret, Genève, Droz, 1998, pp. 287-292.
883

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Source : Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique,
1904, t. 19, pp. 859 et 861.
Illustration 153 : Photographie d’un homme Illustration 154 : Photographie du même
ayant séjourné dans l’eau, homme après les soins.
le visage est gonflé et la peau
a pris une coloration verte.
Les praticiens des examens cadavériques judiciaires peuvent presque en toute
impunité détruire le cadavre 353 . En revanche, ils ont besoin que le corps soit le moins altéré
possible par la décomposition putride, sous peine de voir leur expertise compromise ou
gênée par les changements subis par les tissus et les organes. Si les sciences, et
principalement la chimie, sont parvenues à enrayer le développement de la putréfaction, et
même à maintenir une apparence de vie chez des individus pourtant décédés, il apparaît
que de telles procédures sont difficilement applicables par les médecins experts. Outre les
contre-indications liées aux préceptes de l’autopsie médico-légale, le déroulement de
l’instruction, ainsi que la nécessité d’exécuter l’examen dans les plus brefs délais, ne
confèrent à l’homme de l’art, ni le temps, ni les moyens matériels pour s’adonner à ce
genre d’activité conservatrice. Il est vain d’espérer empêcher l’arrivée des phénomènes
putrides, mais il ne l’est pas de tenter de minimiser les désagréments que ceux-ci
occasionnent pendant et après l’autopsie.
353 Cf. le chapitre 5.
884

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
C) Supporter et affronter la chair décomposée
Le 31 octobre 1860, le maire de Lésigny, commune située, à la frontière de la
Vienne et de l’Indre-et-Loire, écrit au procureur impérial de Châtellerault 354 . Par cette
lettre, il fait part au magistrat du parquet des soupçons émis par Louis Gaillard, un officier
de santé de sa commune. Ce dernier, fut appelé le 24 octobre pour soigner une femme
atteinte de vomissements répétés depuis deux jours 355 . Après une amélioration, la maladie
gagne en intensité le 31 octobre. L’homme de l’art, de nouveau appelé, ne peut que
constater le décès le jour même. La soudaineté du trépas laisse le médecin traitant
perplexe. Il estime alors nécessaire de faire procéder à une autopsie judiciaire, objet de la
demande du maire 356 . Le procureur accède à sa requête et requiert deux experts, le
praticien de Lésigny et un médecin de Châtellerault, qui se transportent le 2 novembre au
domicile de la défunte 357 . A leur entrée dans la chambre, les médecins constatent qu’un feu
y est allumé. Ils estiment que la chaleur, jointe à une atmosphère extérieure très humide,
est responsable de la décomposition rapide de la dépouille, « si bien que l’air de la
chambre qui est assez vaste est empoisonné par les miasmes » 358 . En dépit de l’inconfort
que représente cet environnement vicié et nauséabond, il semble que les deux praticiens
ont effectué l’examen cadavérique sur place, aucun déplacement n’étant signalé dans leur
rapport. Ils n’indiquent pas non plus s’ils ont effectué quelques manœuvres visant à
assainir l’air ou à atténuer l’odeur pestilentielle. D’autres médecins experts ont en revanche
recours à certains des procédés préconisés pour, à la fois, rendre l’opération moins pénible
et minimiser les risques sanitaires.
1) Actions corporelles
Comment faire face à la décomposition des chairs et surtout aux exhalaisons
méphitiques qui s’en dégagent, là réside un des enjeux premiers de nombre d’examens
cadavériques, notamment après une exhumation. La lecture de certaines procédures
d’instruction donne l’impression que les médecins experts doivent parfois effectuer un
véritable effort, qu’ils se font presque violence, pour surmonter l’épreuve visuelle et
olfactive que représente l’examen post mortem. Le juge du tribunal de Montmorillon,
remplaçant le juge d’instruction lors d’une affaire d’infanticide, est obligé d’insister auprès
354
A.D.V., 2U 1646, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Empoisonnement », Lettre de
M. le maire de Lésigny, le 31 octobre 1860.
355
Ibid.
356
Ibid.
357
Ibid., Rapport des médecins sur l’autopsie du cadavre de la femme S., le 2 novembre 1860.
358 Ibid.
885

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
du médecin, requis comme expert, pour que celui-ci s’exécute. Le 18 juillet 1824, le juge
d’instruction est prévenu par le procureur du roi qu’un cadavre de nouveau-né vient d’être
déterré, suite aux recherches menées par l’administration municipale 359 . Le magistrat
instructeur se transporte le lendemain sur place, accompagné notamment du Dr Savin,
requis pour effectuer les constatations cadavériques 360 . Mis en présence de la dépouille, le
juge constate par lui-même l’état très avancé de la putréfaction : « L’infection qui s’en
exhalait permettait difficilement de s’en approcher » 361 . L’homme de l’art estime que le
corps ne peut être soumis à aucun examen. L’homme de loi persévère : « Nous l’avons
engagé à ne rien négliger pour recueillir quelques documents » 362 . Le greffier note, plus
bas dans le procès-verbal, que le médecin expert déclare se sentir « la force de surmonter
l’infection » 363 . L’examen médico-légal est donc pratiqué 364 . L’insistance du magistrat
explique-t-elle, à elle seule, le consentement de l’expert ? Non, entre le refus et l’accord du
praticien s’est déroulé un événement qui a permis au juge d’obtenir satisfaction : le corps
de l’enfant a été lavé dans l’eau de la rivière afin, d’une part, de retirer la terre qui le
recouvrait, et d’autre part, de diminuer « l’infection » 365 .
Le lavage cadavérique présente le double intérêt d’enlever les éventuels éléments
qui maculent la peau – terre, fumier, vase, sang, matières de fosse d’aisances, insectes – et
de faire disparaître une partie des émanations et des fluides putrides qui peuvent exister.
Cependant, l’efficacité de l’eau en la matière est minime. Les hommes de l’art ont donc
recours à d’autres substances. Les propriétés hygiéniques prêtées à la chaux vive sont
anciennes. En temps d’épidémies, notamment de peste, les fosses étaient désinfectées en y
répandant un peu de chaux vive 366 . Cette terre calcaire a, en effet, la capacité de
« [détruire] promptement les matières molles animales » 367 . Elle est donc employée pour
« désorganiser les cadavres » 368 . Délayée avec une grande quantité d’eau, la chaux se
359 A.D.V., 2U 547, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Plainte déposée
auprès du juge d’instruction, le 18 juillet 1824.
360 Ibid., Procès-verbal constatant l’état extérieur du cadavre de l’enfant et la disposition des lieux, le 19
juillet 1824.
361 Ibid.
362 Ibid.
363 Ibid.
364 Ibid., Rapport du médecin, le 20 juillet 1824.
365 Ibid., Procès-verbal constatant l’état extérieur du cadavre de l’enfant et la disposition des lieux, le 19
juillet 1824.
366 Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 2…, op. cit., p. 186.
367 Cadet de Gaussicourt, « Chaux », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard,
Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, p. 16.
368 Ibid.
886

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
transforme en une « bouillie blanche plus ou moins épaisse » appelée lait de chaux 369 .
Mélangée à de l’eau, la chaux perd sa causticité – on parle de chaux éteinte – mais
demeure efficace pour anéantir les émanations putrides. Charles Marc en recommande
l’utilisation lors d’une exhumation. Dès que l’odeur infecte de la décomposition se fait
sentir, il faut en répandre sur la terre de la fosse 370 . Une fois la terre enlevée, un seau de lait
de chaux doit être versé à l’intérieur du cercueil 371 .
A partir de la décennie suivante, le lait de chaux est peu à peu remplacé par une
autre dissolution lors des examens de cadavres décomposés et/ou exhumés. L’action
désodorisante et désinfectante des chlorures est mise en exergue dans les années 1820 372 .
Un pharmacien, Labarraque, fait alors savoir qu’il est parvenu à faire disparaître toute
odeur putride grâce à de l’eau contenant du chlorure de chaux 373 . Le procédé est mis en
pratique par les médecins experts. A la mi-mai 1838, les Drs Orillard et Moreau, praticiens
domiciliés à Poitiers, sont requis par le juge d’instruction pour assister à l’exhumation
d’une femme dont ils effectueront ensuite l’autopsie 374 . La bière est retirée de la fosse,
transportée dans une grange et finalement ouverte. Le drap qui enveloppe le corps se
déchire à certains endroits et laisse alors échapper une « odeur fétide » 375 . Avant de
poursuivre l’opération, les médecins experts versent sur les linges et le corps une solution
de chlorure de chaux, ce qui a pour effet de supprimer la fragrance cadavérique 376 .
Dans les affaires criminelles poitevines, les quelques rares lavages chimiques
mentionnés sont majoritairement effectués avec du chlorure de chaux. Cependant, le
produit ne remporte pas une adhésion absolue du corps médico-légal. Bien qu’il en
recommande l’usage lors des exhumations, Alphonse Devergie émet quelques critiques à
l’encontre du chlorure de chaux, tant au sujet de ses propriétés antiseptiques que de sa
capacité à détruire les exhalaisons putrides :
« Toutefois on aurait tort d’accorder une trop grande confiance au chlorure comme moyen
désinfectant. Sa valeur n’est toujours que relative, et il est des cas où ce moyen devient
insuffisant à cause de la production d’une masse considérable de gaz infects. Dans
369
Ibid., pp. 16-17.
370
Charles Marc, « Exhumation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert
et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 14, p. 199.
371
Ibid., p. 200.
372
Alain Corbin, Le miasme…, op. cit., pp. 143-144.
373
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 362-363.
374
A.D.V., 2U 1538, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Assassinat », Rapport des
docteurs médecins Orillard et Moreau, le 17 mai 1838.
375
Ibid.
376 Ibid.
887

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
d’autres circonstances, il modifie l’odeur putride de telle manière que celle-ci est
remplacée par une odeur nouvelle presque aussi infecte que le première » 377 .
D’après les expériences qu’il a menées sur les noyés, dont l’état de décomposition est
généralement avancé, Devergie considère que le « moyen de M. Labarraque » est
inefficace. En d’autres termes, le chlorure de chaux ne peut être utile que dans les cas où le
développement putride est juste amorcé.
De plus, la dissolution de chlorure de chaux a des concurrentes. Gabriel Tourdes
mentionne encore ce liquide, dans le traité de médecine légale qu’il publie avec Edmond
Metzquer en 1896 378 . Néanmoins, le chlorure de chaux n’est pas le seul produit
recommandé pour nettoyer le cadavre en voie de décomposition. Tourdes en propose
d’autres, comme l’eau phéniquée, la benzine ou la créosote 379 . Les médecins experts
poitevins lui ont également fait des infidélités, portant leur choix sur d’autres chlorures. En
sus du chlorure de chaux, la dissolution dont les Drs Allonneau et Beliard arrosent le
cadavre exhumé contient du chlorure de soude 380 . Les Drs Laurent Alexandre Rouvier et
Julien Pierre Bonnenfant ont employé un autre produit lors de l’autopsie d’un nouveau-né,
quelques années plus tôt. Les deux praticiens sont requis, au début du mois de juillet 1826,
pour procéder à l’examen d’un cadavre extrait d’un terrier 381 . Le corps a été enveloppé
dans un linge et ce dernier cousu. Avant de procéder à l’examen, les médecins experts
plongent le paquet ainsi formé dans du « chlorure d’oxyde de sodium étendu d’eau »,
notamment pour enlever les vers qui grouillent sur le tissu 382 .
Même si elles ne sont pas nombreuses, les mentions concernant l’utilisation d’un
produit chimique pour désodoriser et épurer quelque peu les cadavres putréfiés ne
dépassent pas le début des années 1840 383 . Faut-il y voir une focalisation du récit médico-
377 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 127.
378 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 413.
379 Ibid.
380 A.D.D.-S., 2U 132, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et vols », Rapport
médical, le 21 mars 1830.
381 A.D.D.-S., 2U 116, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Autre rapport des
médecins, le 11 juillet 1826.
382 Ibid.
383 La dernière mention effective de l’utilisation du chlorure de chaux en solution date de 1868. Le juge de
paix de Saint-Maixent, dans le sud des Deux-Sèvres, est confronté à un suicide douteux en juin 1868. Il se
fait assister d’un premier médecin qui demeure incertain. Un second homme de l’art est appelé pour donner
son avis. Lui aussi émet des doutes quant au suicide. Informé de la situation, le procureur ordonne une
autopsie médico-légale dont la réalisation est confiée aux mêmes hommes de l’art. Ces derniers, en raison du
développement notable de la putréfaction, demandent au juge de paix de leur « fournir deux bouteilles de
liqueur de Labarraque », doléance que le magistrat s’empresse de transmettre à un pharmacien. Cependant,
la manière dont les médecins experts ont utilisé le liquide, demeure inconnue.
A.D.D.-S., 2U 257, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Meurtre et vol qualifié », Procèsverbal
de constat, le 2 juin 1868.
888

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
légal sur les seules données expertales utiles et attendues par les magistrats ? Cela semble
peu probable, en dépit du fait que beaucoup d’éléments circonstanciés de l’examen post
mortem, ainsi que nombre de procédures servant à sa réalisation, sont tus et demeurent
inconnus du lecteur 384 . Il convient plutôt de considérer la disparition des aspersions
chlorurées comme l’intégration d’une recommandation faite par la littérature ad hoc.
Alphonse Devergie, usager critique du chlorure de chaux, réprouve catégoriquement cette
pratique :
« Nous nous sommes bien gardé de proposer des aspersions avec de l’eau chlorurée sur le
corps, parce que cette liqueur change entièrement la couleur de tous les tissus, modifie des
altérations dont on doit noter l’aspect, l’étendue et la nature » 385 .
Mathieu Orfila et Octave Lesueur donnent une description des modifications entraînées par
la mise en présence du chlorure de chaux avec la peau et les organes. En premier lieu, le
chlorure de chaux entre en contact avec de l’acide carbonique et donne naissance à « du
sous-carbonate de chaux blanc qui s’applique sur les tissus et les recouvre d’une couche
blanche qui ne permet plus de bien les étudier » 386 . Ensuite, la consistance et la couleur des
tissus sont modifiées : « les muscles qui sont d’un rouge tirant légèrement sur le livide,
blanchissent, puis deviennent plus livides, verdâtres et plus mous » 387 . L’utilisation de ce
produit ne doit donc pas se faire directement sur le corps. C’est d’ailleurs la seule qualité
que lui concède Devergie : « Le chlorure de chaux […] désinfecte à distance, et nous ne
l’aurions pas conseillé s’il n’avait cette propriété » 388 .
Les procédés de désinfection cadavérique et de neutralisation olfactive ont été
tracés, dans les grandes lignes, par Mathieu Orfila. Les principes et les précautions
élaborés par le maître de la toxicologie parisienne concernent les cadavres juridiquement
exhumés, mais quelques-unes de ses recommandations peuvent s’appliquer aux dépouilles
entrées en putréfaction sans être passées sous terre. Il est intéressant de noter qu’entre
l’article « Putréfaction » qu’il rédige pour le Dictionnaire de médecine, édité en 1827, et
son Traité des exhumations juridiques, publié en 1831 avec Octave Lesueur, certains
conseils ou remarques donnés par Orfila se contredisent. C’est par exemple le cas des
procédés mis en œuvre pour “purifier” la dépouille et l’air. Dans le dictionnaire, les
manœuvres décrites rappellent celles indiquées par Charles Marc, une décennie
auparavant, dans une autre encyclopédie médicale. Mathieu Orfila préconise de répandre
384
Cf. le chapitre 2 consacré à la rédaction du rapport d’autopsie.
385
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 127.
386
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, p. 22.
387
Ibid.
388
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 127.
889

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
une solution de chlorure de chaux sur la terre de la fosse, à plusieurs reprises durant
l’opération. Puis, le cercueil mis au jour, il faut l’arroser de cette liqueur 389 . Si la bière est
endommagée et qu’une odeur infecte s’en échappe, Orfila conseille de “noyer” cercueil et
cadavre :
« il suffit, dans la plupart des cas, de laisser macérer ainsi le corps pendant quelques
minutes, dans trois cents livres d’eau tenant en dissolution trois ou quatre livres de
chlorure de chaux, pour lui donner plus de consistance, et détruire l’odeur fétide » 390 .
Enfin, dans l’éventualité où le cadavre ne pourrait être plongé entièrement dans ce produit,
ou lorsque la putréfaction est moins développée, il convient de répandre « sur sa surface
quelques verrées de la même dissolution », après l’avoir retiré de la bière 391 .
Dans le Traité des exhumations juridiques, le propos est tout autre. Si l’arrosage de
la terre est encore indiqué, il ne s’agit que d’une précaution tolérée et non d’une
recommandation :
« […] on pourra arroser de temps en temps les parties de la fosse déjà creusées, avec deux
ou trois onces d’une faible dissolution de chlorure de chaux ; les fossoyeurs sont tellement
habitués aux odeurs qu’exhalent les cadavres en putréfaction, et en redoutent tellement peu
les effets de ces exhalaisons, que dans les nombreuses exhumations dont nous les avons
chargés, ils n’ont jamais eu recours à cette liqueur désinfectante […] » 392 .
En ce qui concerne l’aspersion du cercueil avec la dissolution de chlorure de chaux, Orfila
et Lesueur la considèrent inutile et même « nuisible dans beaucoup de cas » : « lorsque la
bière a été brisée, défoncée, la liqueur dont il s’agit, pénétrera dans son intérieur, et agira
sur le corps dont elle pourra altérer les tissus » 393 . Si les émanations putrides sont trop
présentes, seules la fosse et la bière intacte doivent être arrosées. La dépouille doit en
revanche être préservée de tout contact avec la solution : « Dans aucun cas la bière ni le
corps ne seront plongés dans une dissolution de ces chlorures ; il ne faudra même pas
répandre quelques verres de cette liqueur à la surface du cadavre » 394 . Comment expliquer
qu’en quelques années Mathieu Orfila interdise d’utiliser ses propres conseils ? Il semble
que les observations et les expériences pratiquées pour rédiger le traité ont mis en lumière
l’inutilité de certaines manœuvres et leur incompatibilité avec l’examen cadavérique
judiciaire.
389
Mathieu Orfila, « Putréfaction », art. cit., p. 101.
390
Ibid.
391
Ibid., p. 102.
392
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, p. 20.
393 Ibid. p. 21.
394 Ibid.
890

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Si Orfila et Lesueur s’attachent, durant plusieurs pages, à démontrer l’innocuité des
exhumations 395 , dans la mesure où certaines précautions sont prises 396 , ils reconnaissent
que l’opération peut être quelque peu pénible en raison des exhalaisons putrides. Pour
atténuer les effluves cadavériques, Mathieu Orfila et Octave Lesueur suggèrent de répandre
la préparation de chlorure de chaux sur la table et autour du cadavre. L’opération peut être
renouvelée pendant l’examen du corps, l’efficacité de la dissolution s’amenuisant assez
rapidement 397 . Certains praticiens poitevins ont assimilé la recommandation relative à
l’absence de contact entre le corps et la moindre substance chimique. Bien qu’ils emploient
du chlorure de sodium et non du chlorure de chaux, les Drs Ledain et Ganne prennent bien
soin de ne pas répandre la solution sur le corps qu’ils doivent examiner. A la mi-juin 1844,
les deux médecins experts assistent à l’exhumation d’un enfant de 40 mois dont le décès
paraît suspect 398 . L’inhumation a eu lieu une semaine auparavant. Au cours de
l’exhumation des gaz nauséabonds se répandent dans l’air. Par prudence, les hommes de
l’art demandent à reporter leur expertise, car « l’odeur infecte et pénétrante peut avoir
quelques effets délétères sur les personnes environnantes, surtout sous une température
élevée et un soleil ardent » 399 . Le cercueil est placé dans une caisse et transporté à
Parthenay. Le surlendemain, à 6h. du matin, les médecins experts se rendent au cabinet du
juge d’instruction pour procéder à l’examen cadavérique. Avant d’ouvrir la bière, ils
prennent la précaution de répandre « tout autour de la caisse » du chlorure de sodium
liquide 400 .
Les consignes et les préceptes élaborés par Mathieu Orfila et Octave Lesueur sont
repris presque intégralement par Alphonse Devergie. Néanmoins, ce dernier se montre
moins péremptoire en ce qui concerne l’absence de danger présenté par l’activité : « Je suis
porté à croire que M. Orfila, dominé par l’importance que l’on doit attacher aux
exhumations judiciaires, a porté un peu loin leur innocuité » 401 . Cela explique que
Devergie utilise des quantités bien plus importantes de chlorure de chaux : là où Orfila et
Lesueur utilisent 2 à 3 onces de dissolution 402 , soit entre 1/8 e et 1/5 e de livre, Devergie
395 Ibid., pp. 4-19.
396 Outre des aspersions chlorurées, Orfila et Lesueur recommandent de procéder le matin, surtout durant la
saison chaude, et de recourir à deux ou trois fossoyeurs pour que l’opération soit rapide. Cf. ibid., p. 20.
397 Ibid., p. 21.
398 A.D.D.-S., 2U 189, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement »,
Exhumation de Jacques Claude M., le 13 juin 1844.
399 Ibid.
400 Ibid., Procès-verbal d’autopsie de Jacques Claude M., le 15 juin 1844.
401 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 126.
402 Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, p. 21.
891

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
emploie une demi-livre de chlorure de chaux solide 403 , c’est-à-dire non dilué. Il est
néanmoins d’accord avec ses confrères : la poudre doit impérativement être répandue sur la
table, autour du corps 404 . Si au fil des années, l’éventail des produits désinfectants s’élargit,
la consigne perdure. Les produits mis au point et expérimentés altèrent peut-être moins les
tissus, il demeure que la présence d’une substance peut fausser l’expertise : « La
désinfection du corps peut se faire par des lotions, mais on évitera tout contact, s’il y a
soupçon d’empoisonnement » 405 . En revanche, de telles restrictions ne s’appliquent pas aux
gaz utilisés pour assainir l’air.
2) Actions environnementales
En sus des manœuvres appliquées directement sur ou à proximité de la dépouille
putride, les savants préconisent d’agir sur l’air ambiant. L’air est un vecteur d’odeurs et de
miasmes, il convient donc de le faire circuler 406 . En effet, si l’air peut porter au loin les
effluves, l’établissement d’un courant d’air est susceptible d’atténuer la fétidité des
émanations dégagées par le cadavre. Les auteurs qui se sont occupés de questions médico-
légales recommandent en nombre de choisir un local aéré, voire d’opérer dehors, ainsi que
cela a été indiqué précédemment. Mais, dans les deux cas, les médecins doivent prendre
soin de se placer dans le sens du courant d’air, comme le conseille Alphonse Devergie, afin
de ne pas recevoir l’air nauséabond en pleine figure 407 . Et lorsque le corps à examiner a été
au préalable retiré d’une fosse, son exposition à l’air libre, pendant quelques minutes, peut
être bénéfique : « faire ouvrir la bière auprès de la fosse ; en retirer le corps et le laisser
exposé à l’air pendant un quart d’heure ou vingt minutes » 408 .
L’aération présente un intérêt olfactif, mais sa valeur désinfectante est quasi nulle :
« la ventilation est utile et essentielle, mais elle n’est pas suffisante ; on doit y joindre les
moyens de détruire les miasmes et les gaz nuisibles, par des combinaisons dont la chimie
nous a donné les élémens (sic) » 409 . Pour cela les médecins ont recours à diverses
fumigations. L’opération consiste à « réduire une ou plusieurs substances en vapeur ou en
403
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 127.
404
Ibid., p. 126.
405
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 413.
406
Cf. les réflexions au sujet de la ventilation des lieux accueillant les examens cadavériques dans le chapitre
6.
407
Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 127.
408
Ibid., p. 126.
409
Hallé, Nysten, « Désinfection », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert
et al., Paris, Panckoucke, 1814, t. 8, p. 514.
892

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
gaz, soit par la vaporisation à l’aide de la chaleur, soit par combustion » 410 . Paul Mahon
préconise de réaliser des « fumigations aromatiques », de préférence avec du tabac 411 .
Outre l’émission d’un parfum qui masque celui de la putréfaction, la fumée de tabac est
salutaire. La médecine s’accorde, jusqu’au premier tiers du XIX e siècle, pour conférer à
cette plante de nombreuses vertus curatives 412 . Néanmoins, les fumigations aromatiques
sont jugées sans effet du point de vue hygiénique 413 : « ces fumigations ne font que
masquer les mauvaises odeurs sans les détruire, et ne paraissent avoir aucune action sur
les miasmes contagieux » 414 .
Les vapeurs produites à partir d’acides apparaissent bien plus efficaces. François-
Emmanuel Fodéré et François Chaussier recommandent d’utiliser des fumigations
d’« acide muriatique oxigéné (sic) » 415 . Guyton de Morveau a fait la preuve de la valeur
désinfectante de l’acide muriatique 416 , ancien nom de l’acide chlorhydrique, depuis la
seconde moitié du XVIII e siècle 417 . Les fumées d’acide muriatique sont émises en
mélangeant du muriate de soude et de l’acide sulfurique 418 . En additionnant de l’oxyde de
manganèse en poudre au muriate de soude, puis en ajoutant l’acide sulfurique, il se dégage
des vapeurs d’acide muriatique oxygéné 419 . Les fumigations chlorées ont une grande
efficacité en matière de purification de l’air, mais elles présentent certains désagréments
respiratoires pour les personnes présentes dans la pièce 420 . Néanmoins, elles demeurent
fortement conseillées durant tout le XIX e siècle. Gabriel Tourdes recommande d’assainir
l’atmosphère durant l’autopsie grâce à du « chlorure de chaux solide, humecté de vinaigre
ou mélangé de poudre d’alun, dans un plat large et ouvert » 421 . Dans l’éventualité où
l’examen serait plus long, il préconise d’employer une solution de chlorure de chaux
410
Hallé, Nysten, « Fumigation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1816, t. 17, p. 130.
411
Paul Mahon, Médecine légale…, op. cit., t. 2, p. 224.
412 e e
Sur le « tabac médicament » du XVIII siècle et le tabac poison du XIX siècle, cf. Didier Nourrisson,
Histoire sociale du tabac, Paris, Editions Christian, Collection Vivre l’histoire, 1999, pp. 24-30 et 143-164.
413
Il est conféré à l’aromate une aptitude antiseptique en raison de sa volatilité et de son pouvoir antiseptique.
Néanmoins, son inefficacité en la matière est dénoncée à partir des années 1760. Cf. Alain Corbin, Le
miasme…, op. cit., p. 18 et pp. 82-83.
414
Hallé, Nysten, « Désinfection », art. cit., p. 516.
415
François-Emmanuel Fodéré, Traité de médecine…, op. cit., t. 3, p. 22.
François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit., p. 27.
416
L’appellation “acide muriatique oxygéné” désigne le chlore. Cf. Mathieu Orfila, « Muriate », Dictionnaire
des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1819, t. 34, p. 532. ;
Delioux de Savignac, « Chlore », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée
Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 16, p. 612.
417
Hallé, Nysten, « Désinfection », art. cit., pp. 521-522.
418
Ibid., p. 522.
419
Ibid., p. 523.
420
Ibid.
421
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 412.
893

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
additionné de chlorure de manganèse. Chauffée, la préparation produit des émanations de
chlore et d’oxygène, c’est-à-dire qu’elle purifie et renouvelle l’air 422 .
L’autre inconvénient de ces procédés est d’exiger des substances et du matériel que
les médecins n’ont pas nécessairement à porter de main 423 . Pour remédier à ce dernier
inconvénient, François Chaussier propose une technique qui, selon lui, est aussi efficace
que les fumigations d’acide muriatique oxygéné. Il s’agit de mélanger à proportion égale
du nitrate de potasse, communément connu sous le nom de salpêtre, et du soufre. Le
médecin expert peut préparer à l’avance des petits sachets de ce mélange qu’il lui est facile
de transporter lorsqu’il est requis 424 . Il lui suffit ensuite de projeter quelques pincées de
poudre sur des charbons pour provoquer la formation de trois éléments aux capacités
antiseptiques notables : l’acide sulfureux, l’acide nitrique et l’acide sulfurique 425 . Si le
procédé de Chaussier gagne en accessibilité et en maniabilité, il demeure un peu
déplaisant : « l’acide sulfureux […] provoque fortement la toux » 426 .
Le désinfectant de prédilection à la Morgue de Paris, durant le “règne” d’Alphonse
Devergie, est l’acide phénique. Utilisé en premier lieu pour ralentir la décomposition et
détruire les substances méphitiques émises par la dépouille, l’acide phénique a révélé une
autre qualité. Après l’installation du réservoir permettant d’ajouter l’acide phénique à l’eau
qui arrose en continu les corps exposés, Devergie fait un constat : « du moment où l’on
mettait de l’acide phénique dans le récipient destiné à le contenir au-dessus du réservoir,
il se répandait une atmosphère d’acide phénique capable de désinfecter toutes les pièces
de la Morgue où il n’existe pas de cadavres » 427 . En conséquence, il demande à
l’administration l’autorisation de « faire placer le réservoir d’eau phéniquée dans la salle
des morts », ce qui a permis de reporter « l’évaporation de l’acide phénique dans le foyer
de l’infection » 428 . Outre la purification de l’air, les vapeurs phéniquées entraînent la
destruction des mouches et de leurs larves 429 , disparition bénéfique tant aux morts qu’aux
vivants.
Malgré ces multiples conseils, il n’a pas été permis de trouver dans les dossiers
consultés des indications relatives à de quelconques manœuvres entreprises pour
désinfecter l’air du local abritant l’autopsie judiciaire. Est-ce le reflet d’une réalité ou une
422 Ibid.
423 François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit., p. 27.
424 Ibid.
425 Hallé, Nysten, « Désinfection », art. cit., p. 521.
426 Ibid.
427 Alphonse Devergie, « De la désinfection… », art. cit., p. 332.
428 Ibid.
429 Ibid., p. 333.
894

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
de ces nombreuses informations factuelles occultées par les documents, tant médicaux que
judiciaires, car sans grand rapport avec l’affaire qui les préoccupent ? Il est difficile
d’accepter cette seconde possibilité, dans la mesure où, au même titre que les experts
chimistes facturent les réactifs et le matériel qu’ils ont utilisé pour effectuer leurs analyses,
un médecin ayant eu recours à un produit désinfectant l’aurait très certainement indiqué
dans les dépenses de l’expertise. Mais, il pourrait être avancé que les aspersions de
chlorure de chaux sont un contre-argument : les états des frais produits à l’issue des
procédures d’instruction dans lesquelles les hommes de l’art ont eu recours à ce produit ne
comportent pas de remboursement à ce sujet. Du moins, le nombre d’affaires concernées
étant si restreint, il est impossible d’en dégager un élément significatif. De plus, lorsque la
manœuvre accompagne une exhumation, il est possible que le produit d’assainissement ait
été fourni par la municipalité, les fossoyeurs en usant parfois lors des inhumations. En
l’absence d’éléments probants, la question demeure en suspens.
Cependant, une ébauche d’explication peut être avancée. Au lieu d’employer des
procédés de désinfection globale, les médecins experts, ainsi que les éventuels témoins de
l’examen cadavérique, usent peut-être d’un désodorisant et purificateur individualisé.
3) Actions personnalisées
Avant qu’Orfila ne décrète que l’usage en était inutile, il était recommandé aux
hommes qui effectuaient l’extraction du cercueil de se protéger la bouche et le nez avec un
mouchoir imbibé de vinaigre 430 . Aucune prescription de ce genre en ce qui concerne les
médecins experts, les anatomistes ou les étudiants de médecine pratiquant des dissections.
En revanche, il est une activité à laquelle ces “dépeceurs de cadavres” s’adonnent
volontiers, celle de fumer du tabac. Si, à partir des années 1820, ses propriétés curatives
sont peu à peu contrebalancées, voire dépassées, par sa nocivité 431 , le tabac conserve
néanmoins sa qualité de parfumeur.
Bruno Bertherat relate l’emploi de cette « prophylaxie individuelle » 432 par les
différents travailleurs de la Morgue de Paris : garçons de Morgue, greffier, mais également
médecins. Il indique même que la panoplie habituelle de Paul Brouardel, médecin-
inspecteur de l’établissement à partir de 1879, lorsqu’il réalise une autopsie comporte un
430
Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations…, op. cit., t. 1, pp. 20-21.
431 e
Jacques Léonard, Archives du corps. La santé au XIX siècle, Rennes, Ouest-France, De mémoire
d’homme : l’histoire, 1986, p. 253.
432 e
Bruno Bertherat, « Le miasme sans la jonquille. L’odeur du cadavre à la Morgue de Paris au XIX siècle »
in Anne-Emmanuelle Demartini, Dominique Kalifa (sous la dir. de), Imaginaire et sensibilités au XIX e siècle.
Etudes pour Alain Corbin, Paris, Editions Créaphis, 2005, p. 240.
895

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
cigare 433 . Or, si le maître de la médecine légale parisienne de la fin du XIX e siècle emploie
ce procédé, pourquoi en serait-il autrement des praticiens du Poitou ? A ce sujet,
Emmanuelle Godeau fait un constat similaire. Au début du XX e siècle, les étudiants de
médecine utilisent encore cet artifice olfactif, auquel se joint un voile visuel créé par la
fumée :
« “On essayait de masquer l’odeur en fumant comme des pompiers, le cadavre se perdait
dans les nuages.” Un stratagème qui ne semble pas dater d’hier, puisque la plupart des
photographies prises pendant des séances de dissection, notamment au début du XX e
siècle, montrent des étudiants pipe ou cigarette à la bouche » 434 .
Cependant, la pratique commence à être décriée par certains auteurs. Dans
l’ouvrage didactique qu’il consacre à la réalisation des autopsies, Maurice Letulle
mentionne que pendant l’examen post mortem, les lèvres de l’opérateur ne doivent tenir
« ni pipe, ni cigare, ni cigarette » 435 . Il ajoute même que « la défense de fumer est absolue
dans la salle » 436 d’autopsie. A l’aube du XX e siècle, autopsier et fumer deviennent donc
incompatibles. Pour quel(s) motif(s) ? En premier lieu pour des raisons scientifiques.
L’odorat du médecin expert peut lui apporter quelques informations intéressantes, il faut le
rappeler : des effluves alcooliques, le parfum particulier qui accompagne certaines
maladies, l’arôme conféré par un poison 437 . Ensuite, pour des logiques prophylactiques,
bien que les lois relatives à la protection des non-fumeurs, entraînant de fait un ostracisme
des fumeurs, soient encore limitées ; les interdictions de fumer concernent principalement
des lieux où un risque d’incendie existe 438 . Enfin, peut-être pour des questions de décence.
L’une des informations erronées fournies par la presse, ou plus exactement inventées par
elle, à propos du comportement scandaleux que les garçons d’amphithéâtre de l’hôpital
Saint-Antoine auraient eu à l’égard d’une dépouille, a trait précisément à la présence de
l’activité tabagique dans ce lieu d’examens cadavériques. Les journaux ont indiqué que des
bouts de cigarette et des tuyaux de pipe avaient été glissés au milieu des viscères, suite à
l’autopsie 439 . Est-ce le simple fait de fumer à proximité des cadavres que souhaitent
dénoncer la presse, comme si cette activité de plaisir et de détente semblait contraire à la
433
Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 652.
434
Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”. Sexe et mort dans la formation des internes en médecine, Paris,
Editions de la Maison des sciences de l’homme, Collection « Ethnologie de la France », 2007, n°29, p. 28.
435
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 44.
436
Ibid.
437
Cf. l’étude des sens du médecin expert dans le chapitre 5.
438
Didier Nourrisson, Histoire sociale…, op. cit., pp. 153-160.
439
« Le secret des expertises », Société de médecine légale (séance du 11 février 1901), Revue des journaux
et sociétés savantes, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1901, t. 16, p. 317.
896

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
situation ? Ou alors espère-t-elle prouver la désinvolture et l’irrespect des garçons
d’amphithéâtre qui osent se servir de la dépouille comme d’un cendrier ? Toujours est-il
que c’est l’un des arguments mensongers employés par les journaux pour discréditer à la
fois les garçons d’amphithéâtre et les médecins.
Les désagréments olfactifs et respiratoires causés par la décomposition comportent
sans nul doute une part de danger, pour l’opérateur et les témoins de l’examen post
mortem, mais surtout une gêne. Néanmoins, il faut nuancer cette considération uniquement
négative du développement putride. A la lecture des rapports d’autopsies médico-légales, il
apparaît que les effluves cadavériques sont le premier, et bien souvent le seul, élément
relevé par l’homme de l’art au sujet de l’état de conservation du corps. Il s’agit donc d’une
indication non négligeable et à ne pas négliger par le praticien. Mais dans certaines
circonstances, les émanations de nature putride peuvent être dissimulées ou remplacées par
d’autres senteurs, dont la présence s’avère tout aussi incommodante pour les individus. En
juillet 1858, les Drs Georges Pasqueron et Louis Ganne sont requis pour examiner le corps
d’un nouveau-né. Le premier des deux experts a assisté, la veille, à l’extraction du petit
cadavre d’une fosse d’aisances 440 . Il note que le corps de l’enfant est « bien conformé, sans
fétidité ni aucun signe de putréfaction » 441 . Après un examen externe minutieux, l’homme
de l’art indique que l’enfant est lavé, puis placé dans un linge. Le lendemain, le corps est
soumis à une expertise cadavérique complète. Les médecins experts rapportent que s’il n’y
a pas d’effluves putrides, en revanche la dépouille exhale une « odeur insupportable de
fosse d’aisances » 442 . En l’occurrence, les émanations nauséabondes dues à la fermentation
des matières contenues dans la fosse d’aisances sont tout autant, et peut-être même plus,
désagréables pour les médecins experts, dans la mesure où elles n’ont aucune finalité
scientifique, qu’elles n’apportent aucune information pour l’expertise, à l’inverse des
phénomènes morbides.
Les médecins experts tentent d’enrayer le développement et la propagation de la
décomposition cadavérique en raison de l’inutilité, de l’inconvénient, voire de la
dangerosité, que présente l’examen d’une dépouille dont la putréfaction est avancée. Dès le
premier tiers du XIX e siècle, des voix s’élèvent contre la première assertion : l’examen
d’un corps, quel que soit son état, est toujours utile ; certaines données médico-légales sont
440
A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide », Rapport du
médecin, le 29 juillet 1858.
441
Ibid.
442
Ibid., Rapport des médecins (autopsie de l’enfant), le 30 juillet 1858.
897

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
susceptibles d’être recueillies, quand bien même les chairs seraient absolument altérées.
Cependant, la confrontation avec un corps envahi par les phénomènes putrides requiert, de
la part des hommes de l’art, une vigilance et une prudence accrues.
Quant aux deux autres reproches opposés à la pratique des examens de cadavres
décomposés, ils gardent durant tout le XIX e siècle une part de réalité. En dépit des efforts
réalisés par les savants pour minimiser les aspects répugnants et nocifs de cette activité, les
médecins experts demeurent en prise avec certains de ces inconvénients. Alors que
Mathieu Orfila s’attache à démontrer que l’exhumation et l’examen du cadavre exhumé ne
sont aucunement dangereux pour les divers protagonistes de l’exercice, fossoyeurs,
médecins, ou encore simples témoins, Alphonse Devergie, en raison de sa propre
expérience, émet quelques réserves à ce sujet. A la suite d’un examen effectué après
exhumation, lui et le confrère qui l’aidait dans cette tâche ont été indisposés, alors qu’ils
avaient pris les précautions d’usage :
« Cependant, nous étions placés sous un hangard (sic) élevé au-dessus du sol, où il existait
une grande ventilation, et nous avions employé une suffisante quantité de chlorure de
chaux. M. Piédagnel fut retenu six semaines à la chambre. Il y a donc du danger quand on
exhume un cadavre, et cette opération ne peut pas être considérée comme incapable de
porter atteinte à la santé. On peut éviter ces dangers, mais on n’en reçoit pas moins une
influence plus ou moins désagréable et quelquefois dangereuse » 443 .
En outre, si la notion de dangerosité attribuée à l’examen cadavérique perdure, elle ne se
focalise plus sur les mêmes éléments. Les travaux réalisés sur le phénomène de contagion,
sur les micro-organismes et sur les moyens d’empêcher leur propagation 444 ont fait la
preuve que danger et odeur n’étaient pas nécessairement liés. En conséquence, les procédés
utilisés pour détruire les exhalaisons putrides, dont la vocation est d’éliminer à la fois la
nuisance olfactive et le risque sanitaire durant une grande partie du XIX e siècle, ont surtout
une fonction de désodorisant par la suite. En revanche, les périls et les désagréments
relatifs au contact et à la manipulation cadavériques préoccupent de manière accrue les
hommes de l’art au cours de la période.
443 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 126.
444 Cf. la synthèse de Jacques Léonard sur « La pensée médicale » dans Jacques Léonard, Médecins,
malades…, op. cit., pp. 232-236, ainsi que la contribution de Bernardino Fantini, « La microbiologie
médicale » art. cit., pp. 115-146.
898

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
III) TRAITEMENTS ET PREVENTIONS DE LA MENACE PUTRIDE
L’indisposition et les dangers de l’examen cadavérique ne sont pas circonscrits au
lieu, au moment et aux individus présents lors de sa réalisation. La menace putride est
volatile et transférable. La pratique de la dissection est notamment critiquée en raison des
accidents et des maladies qu’elle provoque chez les étudiants et les médecins qui s’y
adonnent de manière régulière. Le décès de quelques-uns de ses adeptes lui est même
directement imputée :
« Nous ajouterons, si l’on veut, que le jeune et infortuné Bichat, que nos vœux et nos
regrets eussent rendu à la vie, si on pouvait la recouvrer une fois qu’on l’a perdue, serait
encore, et brillerait de plus en plus parmi nous, sans les expériences anatomiques et les
macérations d’une affreuse puanteur auxquelles il se livra avec trop peu de ménagement et
de précautions ; et qu’on a perdu de temps en temps des élèves dont la mort prématurée
n’a pu être attribuée qu’aux dissections et à l’étude de l’anatomie » 445 .
Néanmoins, dès les années 1810-1820, la nocivité des activités cadavériques, tant les
recherches anatomiques, que les autopsies ou les exhumations, perd peu à peu son
caractère irrémédiable et universel. Les accidents occasionnés par cet exercice, et dont
l’issue peut être fatale, résultent, d’une part, du fragile état de santé de l’opérateur : « et
encore, pour qu’ils [ces dangers et ces malheurs] se réalisent, faut-il souvent que l’individu
qui en est environné, ait une prédisposition physique ou morale, et une aptitude
particulière à en être affecté » 446 . D’autre part, les incidents imputés à la manipulation des
cadavres sont généralement consécutifs au manque de prudence du praticien, reproche qui
est fait à Bichat dans la citation ci-dessus.
En effet, de même que les auteurs s’accordent à considérer que l’examen d’un corps
en voie de décomposition demeure utile, après la campagne menée notamment par Orfila à
ce sujet, ils estiment que les risques que présente l’exercice cadavérique peuvent être
modérés en usant de quelques précautions. Les recommandations ad hoc instituées par la
littérature médicale s’attachent à la protection des savants qui se penchent et plongent les
mains dans les chairs putrides, mais également à la préservation des individus avec qui les
manipulateurs de cadavres pourraient être en contact. Si les auteurs ne négligent pas les
actions a posteriori, c’est-à-dire quand le danger est bien présent, ils insistent surtout sur la
prévention. Durant l’ensemble de la période, les éléments qui focalisent leur attention
varient peu : les locaux, les instruments, les vêtements et le corps de l’opérateur.
445 Percy, « Dissections (Dangers et accidens auxquels exposent les) », Dictionnaire des sciences médicales,
sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 9, p. 647.
446 Ibid., p. 648.
899

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Cependant, face au développement des procédés thérapeutiques et préventifs des accidents
liés au contact des cadavres, une question se pose : les médecins experts, contraints de
pratiquer des examens judiciaires dans des conditions parfois délicates, ont-ils la possibilité
de les appliquer ?
A) Désinfection et préservation des objets
Les manœuvres sanitaires mises en place durant ou suite à l’examen cadavérique,
s’emploient à agir, d’une part, sur l’atmosphère environnante, et d’autre part, sur les objets
mis en contact avec la dépouille.
1) Un local purifié
L’assainissement des locaux a déjà donné lieu à quelques remarques lors de la
présentation des lieux d’autopsie 447 . L’aération et l’évacuation des déchets cadavériques
participent de cette volonté. De même, les fumigations réalisées pendant l’autopsie
permettent de supporter les émanations putrides, voire protègent les individus présents lors
de l’examen ; mais, elles évitent également que les miasmes morbides et mortifères
stagnent ou envahissent d’autres espaces. Par mesure de sécurité, il est tout de même
préconisé d’effectuer un nettoyage et une désinfection post-opératoires. Les critiques
émises à l’encontre des amphithéâtres anatomiques concernent principalement leur
insalubrité : « Les salles de dissection ont été de tout temps, pour le public un sujet d’effroi
[…] : on les a toujours considérées comme des foyers d’infection » 448 . Cependant,
quelques mesures permettent d’éviter de tels désagréments. Percy, auteur de l’article du
Dictionnaire des sciences médicales qui aborde les dangers de la dissection, souligne que
la situation de la Faculté de médecine de Paris est à ce propos exemplaire, en raison des
instructions prescrites par son doyen 449 :
« Il est vrai que par l’ordre qu’a établi M. Leroux, notre doyen, et par la vigilance qu’il ne
cesse d’exercer, concurremment avec le chef et les sous-chefs des travaux anatomiques, il
règne une grande propreté dans nos pavillons de dissections ; qu’ils sont journellement
lavés à grande eau ; qu’aucun débris cadavéreux n’y séjourne trop longtemps […] » 450 .
447 Cf. le chapitre 6.
448 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence… », art. cit., p. 243.
449 Il s’agit de Jean-Jacques Leroux des Tillets, nommé doyen de la Faculté de médecine de Paris en 1810.
Cf. E. Beaugrand, « Leroux des Tillets (Jean-Jacques) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 2 ème série, t. 2, pp. 198-199.
450 Percy, « Dissections (Dangers…) », art. cit., p. 648.
900

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Outre l’enlèvement fréquent et sans délai des débris cadavériques, les aspersions
volumineuses d’eau permettent d’assainir le lieu. L’usage de l’eau pour chasser les
miasmes et fluides putrides nécessitent cependant un dispositif particulier, c’est-à-dire un
système d’évacuation efficace, dont les établissements concernés ne disposent pas
obligatoirement 451 . De plus, le local doit pouvoir supporter des lavages répétés. L’une des
recommandations faite au sujet de la construction des amphithéâtres de dissection concerne
le traitement des murs. Ils doivent être « recouverts d’un enduit (stuccage, silicatisation ou
ciment hydrofuge) permettant le lavage et s’opposant à l’imprégnation par les matières
liquides ou gazeuses » 452 .
L’eau permet d’enlever les fluides sanguinolents et nauséabonds, mais son action
désodorisante et désinfectante est faible. Le recours à d’autres procédés s’avère donc
parfois indispensable. Les fumigations qu’il est conseillé de réaliser pendant l’autopsie ont
bien sûr cette vocation, à l’instar des émissions de vapeurs effectuées dans les salles
d’hôpitaux ou les prisons lors d’une épidémie 453 . Par prudence, d’aucuns recommandent
aussi de procéder à des fumigations à l’issue de l’examen. Dans la mesure où la manœuvre
s’effectue dans une pièce inoccupée, les médecins ont la possibilité d’employer des
substances auparavant écartées en raison de leur caractère irritant, voire de la gêne
respiratoire qu’elles peuvent provoquer. Ainsi, Gabriel Tourdes suggère-t-il, « après
l’opération, […] de désinfecter le local par l’acide sulfureux » 454 . Pour cela, il
recommande de faire brûler, sur un réchaud, de la fleur de soufre humectée d’alcool,
« dans le local qui restera fermé pendant vingt-quatre heures » 455 .
Cette dernière précision, complétée par les remarques faites précédemment au sujet
de l’emploi de produits chimiques, pour assainir tant le corps que l’air ambiant durant
l’examen, laissent planer un doute important quant à la mise en pratique de telles
recommandations par les médecins experts poitevins. Et même dans l’éventualité où
l’homme de l’art disposerait des poudres ou liquides susceptibles de purifier l’air, la
disposition des lieux ne s’y prête que très rarement. Un lavage à grande eau, du sol et des
murs des espaces insolites requis parfois pour accueillir l’autopsie, n’aurait souvent aucun
effet : les fluides s’infiltrent dans la terre et dans le bois. De plus, la condamnation du local
pendant plusieurs heures n’est envisageable que dans la mesure où celui-ci n’est pas utilisé
451 Cf. l’étude de la table d’autopsie et de l’évacuation des déchets dans la première partie du chapitre 6.
452 E. Beaugrand, « Amphithéâtre », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 1 ère série, t. 3, p. 754.
453 Hallé, Nysten, « Désinfection », art. cit., p. 522.
454 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 412.
455 Ibid.
901

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
et habité en permanence. Or, cela est difficilement admissible lorsqu’il s’agit de la pièce
principale d’une maison, d’une chambre, d’une grange ou même du cabinet du juge
d’instruction. Enfin, si l’autopsie se déroule à l’extérieur, une désinfection à l’issue de
l’opération présente peu d’intérêt et s’avère en fait irréalisable. Si les fumigations n’ont pas
été pratiquées au cours de l’examen, les émanations putrides auront depuis longtemps
quitté les environs immédiats du corps. Par conséquent, dans une telle situation, des
vapeurs désinfectantes et aromatiques émises après l’autopsie n’auraient que peu d’effet.
Le lavage et la purification du lieu de l’autopsie, d’autant plus essentiels si la
décomposition est avancée, peuvent s’avérer compromis, voire impossibles. Cependant, il
faut le rappeler, même si le désagrément est indéniable, cela porte moins à conséquence
lorsque le choix du local est fortuit et conjoncturel. Il est en effet peu probable que
l’endroit soit à nouveau sollicité pour un nouvel examen post mortem. Et un local à usage
cadavérique unique sera moins “contaminé” qu’une salle d’autopsie. En revanche, les
instruments utilisés pour effectuer l’autopsie sont généralement ceux que le médecin utilise
dans sa pratique courante de l’art de guérir 456 .
2) Un matériel à usages multiples
L’entretien du matériel qui compose leur trousse médico-chirurgicale est un enjeu
primordial pour la plupart des hommes de l’art. Sans toutefois réitérer les développements
présentés au cours de l’analyse des instruments utilisés lors de l’autopsie, il convient de
redonner quelques éléments à leur sujet. Les recherches effectuées, au cours du XIX e
siècle, en vue d’améliorer le matériel de chirurgie ou de dissection, visent notamment à
rendre leur nettoyage plus aisé et surtout plus efficace. Les modifications apportées aux
systèmes de fixation, la mise au point de modèles totalement démontables, ou encore
l’emploi de nouveaux matériaux pour leur fabrication, cherchent à répondre à ces
impératifs. Cependant, de telles améliorations ne peuvent satisfaire les préoccupations
sanitaires dans leur ensemble. Pour cela, les médecins doivent aussi utiliser des substances
pour laver et/ou désinfecter leurs instruments.
Avant de présenter quelques-unes des techniques utilisées pour nettoyer le matériel
d’autopsie, il convient de faire une remarque. Peu d’auteurs qui traitent de l’examen
médico-légal abordent la question du lavage des instruments. Alors que certains peuvent se
montrer extrêmement précis et didactiques dans la description des procédés d’examen,
456 Cf. l’étude du matériel d’autopsie utilisé par les médecins experts dans le chapitre 7.
902

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
tenant presque la main de l’opérateur, ils ne mentionnent que très succinctement l’entretien
des objets servant à sa réalisation, voire omettent totalement de l’aborder. Comment
interpréter une telle lacune ? Peut-être ces auteurs estiment-ils la formulation d’une telle
recommandation absolument superflue, misant sur la formation et le bon sens des
praticiens. En effet, entretenir son matériel permet au praticien de le maintenir dans un bon
état de fonctionnement et, par conséquent, de pouvoir en user pendant longtemps. En outre,
durant une grande partie du siècle, la dangerosité de la putréfaction est considérée comme
volatile et les miasmes morbides ne demeurent que très peu de temps sur les objets :
« Les émanations putrides ne paraissent pas de nature à adhérer ainsi aux corps qu’elles
ont touchés. Premiers résultats d’une décomposition que rien n’arrête, ces émanations
vont sans doute s’altérant de plus en plus, et il faut convenir que bientôt la trace s’en
perd » 457 .
En d’autres termes, les instruments qui auraient servi à pratiquer l’ouverture d’un cadavre
putréfié sont peu à peu libérés des éléments nocifs qui poursuivent leur auto-élimination.
Puis, avec les préceptes antiseptiques et aseptiques établis par Lister, Pasteur et d’autres
« physiologistes microbiologues » dans les années 1860-1880 458 , la désinfection et la
stérilisation du matériel médico-chirurgical pénètrent les salles des hôpitaux et les
amphithéâtres des établissements d’enseignement 459 . Les procédures sont donc, en théorie,
connues ; pour leur mise en pratique, la situation est tout autre, en raison notamment de
l’absence de certaines « installations spéciales, encombrantes et coûteuses » dont les
hommes de l’art ne peuvent seuls faire l’acquisition 460 .
Parmi les ouvrages consultés, dont le sujet est soit la médecine légale, soit la
pratique des autopsies, les recommandations ou les remarques qui ont trait au nettoyage
des instruments sont peu nombreuses. Les matériaux dans lesquels ces objets sont
fabriqués peuvent, par exemple, donner lieu à une allusion. Maurice Letulle critique les
boîtes à autopsie en bois, parce que de tels modèles ne peuvent « être maintenus dans une
propreté rigoureuse » 461 . Il ajoute qu’en l’occurrence, la « stérilisation par la chaleur est
impossible » 462 , ce qui laisse entendre que ce procédé est celui qu’il préconise pour
désinfecter les instruments. De la même façon, Gustave Roussy et Pierre Ameuille notent
457
Nacquart, « Infection », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
Paris, Panckoucke, 1818, t. 24, p. 446.
458
Ulrich Tröhler, « L’essor de la chirurgie », in Mirko Grmek (sous la dir. de), Histoire de la pensée
médicale…, op. cit., pp. 244-246.
459
Jacques Léonard, « La pensée médicale », art. cit., pp. 232-236.
460
Ibid., p. 235.
461
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 29.
462 Ibid.
903

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
que l’une des qualités requises pour les instruments est la facilité avec laquelle ils peuvent
être stérilisés 463 . Puis, ils font remarquer que les manches en « fibre vulcanisée » offrent
l’avantage de supporter l’ébullition 464 . L’un des seuls auteurs à aborder sans détour la
question est Gabriel Tourdes, dans le traité de médecine légale qu’il publie avec Edmond
Metzquer. Ils indiquent que « le lavage à l’eau phéniquée, puis à l’eau pure, suffit pour
désinfecter les instruments » 465 . A ce nettoyage désinfectant, Tourdes et Metzquer
précisent qu’il est possible de joindre « l’action de la chaleur » 466 .
Si la littérature spécialisée offre peu d’indications relatives au lavage et à la
purification des instruments de l’examen cadavérique, les hommes de l’art peuvent adopter
les conseils émis sur la question dans les écrits intéressant la pratique médicale ou
chirurgicale. Des sommes, tels les dictionnaires de sciences médicales, permettent aux
praticiens d’avoir une étude synthétique des divers procédés et des multiples substances
antiseptiques. Néanmoins, il faut noter que sur l’ensemble des pages consacrées à cette
présentation dans le Dictionnaire des sciences médicales ou le Dictionnaire Dechambre 467 ,
la désinfection des instruments n’est pas mentionnée de manière particulière. Quelques
indications sont, en revanche, fournies dans une autre encyclopédie intitulée Pratique
médico-chirurgicale et publiée en 1907. Les deux contributeurs qui ont rédigé l’entrée
« Désinfection » signalent les qualités et les usages des différentes méthodes
antiseptiques 468 . Ainsi, une forte température – 140 à 150°C –, le flambage et l’oxycyanure
de mercure sont recommandés pour désinfecter les instruments métalliques. A l’inverse,
l’eau bouillante et les solutions de sublimé corrosif peuvent détériorer certains
matériaux 469 .
Enfin, les médecins peuvent obtenir des conseils relatifs à l’entretien de leur
matériel de manière ponctuelle, lors de la parution, dans une revue, d’une contribution qui
s’intéresse à un objet en particulier. Par exemple, dans l’étude qu’il consacre aux
instruments de sutures, Lucas-Championnière souligne la difficulté que présente le
nettoyage des aiguilles à chas mobile montées sur un manche, en raison de la complexité
463
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies et de recherches anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris, Octave Doin, 1910, p. 40.
464
Ibid., p. 41.
465
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 418.
466
Ibid.
467
Hallé, Nysten, « Désinfection », art. cit., pp. 512-531 ; E. Vallin, A. Gérardin, « Désinfectants.
Désinfection », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre,
Paris, Asselin et Masson, 1883, 1 ère série, t. 28, pp. 298-406.
468
Wurtz, Bourges, « Désinfection », Pratique médico-chirurgicale, sous le dir. d’E. Brissaud, A. Pinard et
P. Reclus, Paris, Masson, 1907, pp. 476-494.
469 Ibid., pp. 479-483.
904

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
de l’objet et de la fragilité des matériaux qui le compose 470 . Pour pallier ces inconvénients,
il fait part du procédé dont il use « depuis plusieurs années […][car il] est très facile et
supprime toute impureté » : « Je les nettoie avec du chloroforme et les laisse séjourner
dans ce liquide » 471 . De la même façon, les Archives d’anthropologie criminelle rapportent
le conseil d’un praticien allemand au sujet de la suppression des traces de sang qui
maculent linges et instruments, à l’issue de l’intervention : « il suffit de laver […] les
objets en question dans une cuvette remplie d’eau tiède tenant en dissolution une cuillerée
à café d’acide tartrique, puis de les rincer dans l’eau pure » 472 . Les indices visibles de
l’acte disparaissent en raison de la capacité de cette substance à dissoudre les pigments
sanguins 473 .
Si la littérature médico-légale est avare de recommandations relatives au traitement
devant être appliqué au matériel suite à l’autopsie, les médecins experts qui s’adonnent à
cet exercice sont eux absolument muets sur cette question. Dans la mesure où ces
manœuvres sont absolument étrangères à la mission qui leur est confiée, c’est-à-dire
l’examen du cadavre, le rapport d’expertise ne peut en aucun cas faire état d’une opération
qui s’effectue à l’issue de l’autopsie. L’entretien des instruments qui ont servi à procéder à
l’ouverture cadavérique fait partie de la “petite cuisine” du médecin ; cela n’a aucune
incidence sur son intervention et encore moins sur les constatations qu’il transmet au
magistrat. Il s’agit d’un des nombreux éléments qui demeurent totalement inconnus à celui
qui n’assiste pas à l’examen. L’homme de l’art apporte-t-il un quelconque produit pour
nettoyer son matériel sur place ou, au contraire, repart-il chez lui avec des instruments
souillés qu’il s’emploiera à laver et à désinfecter dans son cabinet ? Comment y procède-t-
il, avec quels produits ou selon quelle technique ? De telles questions ne présentent aucun
intérêt pour l’expertise et pour son commanditaire légal. En revanche, pour le praticien,
cela peut représenter une dépense supplémentaire qui s’ajoute à toutes celles déjà
engendrées par sa participation 474 .
470 Lucas-Championnière, « Sur les instruments utilisés pour les sutures », Journal de médecine et de
chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Daix, 1892, t. 63, n°15 353, p. 849.
471 Ibid., p. 850.
472 « L’enssangeage des mains médicales », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie
et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1896, t. 11, p. 359.
473 Ibid.
474 Cf. le chapitre 4 sur les frais d’expertises.
905

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
3) La tenue d’autopsie
En sus du mutisme relatif aux procédés utilisés par le médecin expert pour laver ses
instruments, les dossiers d’instruction ne disent rien de la tenue dans laquelle celui-ci
opère. La question des vêtements portés par le médecin lors de l’examen post mortem
correspond à un triple enjeu : le parfum, la souillure et la nocivité. Dans son Manuel de
l’art des autopsies, Emile Goubert fait remarquer que « l’odeur s’imprègne souvent aux
habits » 475 . Par conséquent, si l’homme de l’art réalise l’autopsie en gardant ses vêtements
habituels 476 , il a de fortes chances de répandre ensuite, sur son passage, des effluves
fétides. Outre le fait que ce parfum méphitique peut être déplaisant pour l’entourage
immédiat du praticien, de telles émissions malodorantes peuvent représenter une forme de
dégradation sociale pour l’homme de l’art : « L’absence d’odeur importune permet de se
distinguer du peuple putride, puant comme la mort, comme le péché » 477 . De même,
l’ouverture du cadavre laisse échapper des fluides sanguinolents et puants qui peuvent
maculer le costume du médecin.
Bien que nombre d’ouvrages qui traitent de l’examen cadavérique n’en fassent
nullement mention, les auteurs sont un peu plus nombreux à faire des recommandations
concernant la tenue idoine à adopter pour cette activité. Le changement ou la protection
vestimentaire en matière d’autopsie sont dans la continuité des conseils émis au sujet de la
pratique anatomique et hospitalière. En effet, l’un des collaborateurs du Dictionnaire des
sciences médicales suggère aux étudiants qui effectuent des dissections et séjournent
régulièrement dans les salles des hôpitaux, de disposer d’un habit réservé à ces activités :
« l’emploi de vêtemens (sic) particuliers qui ne soient ni de laine, ni d’autres poils
d’animaux, et que l’on met en entrant à l’hôpital ou dans les lieux de dissection, pour les
quitter quand on en sort » 478 . Si la démocratisation de la blouse blanche dans les
établissements hospitaliers n’a lieu, selon Jacques Léonard, que dans le dernier quart du
XIX e siècle 479 , Emile Goubert remarque, déjà dans les années 1860, que de nombreux
élèves ont pris « la prudente habitude […] d’avoir un paletot spécial pour l’hôpital » 480 .
475 Emile Goubert, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses applications à l’anatomie
pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première partie, Paris, Germer Baillière, 1867, p. 7,
note infrapaginale.
476 Jacques Léonard donne quelques éléments concernant la tenue vestimentaire des médecins de l’ouest,
notamment lorsqu’ils effectuent leurs visites dans les campagnes. Cf. Jacques Léonard, Les médecins de
l’ouest au XIX e siècle, thèse de doctorat, Université Lille III, 1978, t. 3, pp. 1463-1466.
477 Alain Corbin, Le miasme…, op. cit., p. 168.
478 Percy, « Dissections (Dangers…) », art. cit., p. 649.
479 Jacques Léonard, Les médecins…, op. cit., t. 3, pp. 1465-1466.
480 Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 7, note infrapaginale.
906

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
La consultation d’écrits consacrés à la pratique de l’autopsie, médico-légale ou
anatomopathologique, laisse apparaître deux conceptions ou comportements vestimentaires
distincts. Quelques-uns, probablement les plus nombreux et les plus suivis, sont adeptes de
la protection des vêtements par une blouse ou un tablier. Alexandre Lacassagne recense les
divers préparatifs de l’examen cadavérique. Parmi le matériel de l’expert, il fait figurer une
« blouse » 481 , sans autre commentaire. Bruno Bertherat décrit le costume que Paul
Brouardel revêt lorsqu’il pratique une autopsie à la Morgue de Paris : « un petit bonnet de
drap, un grand tablier blanc aux manches légèrement retroussées ». 482 Si la blouse ou le
tablier est une première étape dans la préservation du costume, leur efficacité est minime
face au « sang et [aux] liquides qui traversent aisément la toile et viennent souiller les
vêtements de l’opérateur » 483 . Par conséquent, d’autres auteurs, comme Léon Thoinot ou
encore Gustave Roussy et Pierre Ameuille, préconisent de compléter la tenue d’autopsie
par un tablier d’hôpital (illustration 155), qui se fixe à la blouse, et de recouvrir l’ensemble
par un second tablier en toile cirée 484 ou en caoutchouc 485 (illustration 156).
Source : Michel Bruneau, Catalogue illustré d’instruments de chirurgie, Paris, 1913, p. 132.
Illustration 155 : Tablier-bavette à boutonnière Illustration 156 : Tablier en toile caoutchoutée
de Bruneau (années 1910). de Bruneau (années 1910).
D’autres spécialistes de l’activité “autoptique” sont plus radicaux. Un médecin ne
doit en aucun cas faire l’examen dans ses habits de ville. C’est la prescription que font
481 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1892, p. 38.
482 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 652.
483 Léon Thoinot, L’autopsie médico-légale, Paris, Baillière, 1910, p. 66.
484 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 27.
485 Léon Thoinot, L’autopsie…, op. cit., p. 66.
907

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Désiré Bourneville et Paul Bricon dans leur Manuel de technique des autopsies en 1885 486 .
Bien qu’ils reconnaissent qu’en France, la tenue adoptée par l’opérateur est une « affaire
de choix » 487 , ils soulignent que le changement vestimentaire est une nécessaire précaution
à prendre par le praticien qui s’adonnerait à la fois à l’art de guérir et à l’art des
autopsies 488 . La description de la tenue recommandée, pour ne pas dire imposée par
Maurice Letulle, concerne non seulement les médecins qui réalisent l’examen cadavérique,
mais aussi les témoins qui y assistent. En effet, toute personne pénétrant dans la salle
d’autopsie revêt un « véritable uniforme obligatoire », composé d’une blouse et d’un
tablier d’hôpital, d’un pantalon de grosse toile et d’une paire de sabots de bois 489 . La tenue
de l’opérateur comprend exactement les mêmes pièces, mais Letulle précise en plus la
façon dont le praticien doit les porter. La blouse est boutonnée dans toute sa hauteur, le col
est relevé sur celui de la chemise et maintenu fermé avec une épingle de sûreté. Les
manches sont relevées le plus haut possible au-dessus des coudes, tout en recouvrant celles
de la chemise. Enfin, le tablier doit être attaché assez haut par la boutonnière et couvrir en
même temps les sabots 490 . Les dessins qui illustrent les descriptions de Maurice Letulle
n’offrent jamais une vision complète de l’opérateur. Néanmoins, les représentations
figurent effectivement des médecins qui agissent les bras nus, les manches de leur blouse
relevées jusqu’aux coudes (illustration 31).
Gabriel Tourdes, quant à lui, ne donne pas de précision sur ce que doit porter le
médecin : une simple protection sur ses vêtements de ville ou un uniforme spécifique. En
revanche, il fait une recommandation qui peut s’appliquer aux deux situations. Il conseille
de procéder au traitement post-opératoire des vêtements, à l’image de celui pratiqué pour le
local ou les instruments. Il indique que dans certaines circonstances, en l’occurrence lors
d’une exhumation ou en présence d’une maladie contagieuse, « la désinfection des
vêtements de l’expert peut être nécessaire » 491 . Plusieurs techniques sont alors suggérées
par l’auteur : la ventilation, les vapeurs de chlore ou d’acide phénique, la combustion de
soufre, voire le passage dans une étuve. L’aération ou les fumigations que le médecin
expert met en place pendant qu’il examine la dépouille empêchent, dans un sens,
486
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique des autopsies, Paris, Delahaye et
Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, p. 67.
487
Les auteurs font remarquer qu’en Allemagne, la plupart des médecins qui effectuent les autopsies adoptent
la même tenue : une redingote boutonnée, de gros drap commun, à pans tombants et dont les manches étroites
au niveau des avant-bras sont boutonnées au poignet. Cf. ibid.
488
Ibid., p. 73.
489
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 43.
490
Ibid., p. 44.
491
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., pp. 418-419.
908

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
l’imprégnation des vêtements par les effluves cadavériques et putrides. Néanmoins, le
risque de souillures demeure.
Dans la pratique de l’autopsie médico-légale, revêtir une blouse ou un tablier peut
s’avérer plus aisé pour le médecin expert, notamment s’il doit intervenir sur place, loin de
son cabinet ou de l’hôpital. Il est permis de penser qu’un homme de l’art requis pour
effectuer un examen post mortem, prendra soin de glisser dans sa sacoche une blouse ou un
tablier. Et s’il a la possibilité de faire transporter le corps jusqu’à un établissement
hospitalier, un amphithéâtre de dissection ou l’Ecole de médecine, le médecin expert
pourra espérer utiliser les protections dont ces structures disposent. Par exemple, l’Ecole de
médecine de Poitiers fait l’acquisition, lors de sa création en 1806, de six tabliers et de
manches, qui peuvent entre autres servir aux démonstrations anatomiques 492 . Mais la
situation est tout autre si la réquisition est fortuite et improvisée. L’homme de l’art se
trouve contraint d’approcher et d’ouvrir un cadavre dont s’échappent des sanies qui
risquent de maculer ses vêtements et ses souliers.
Enfin, il est un élément important à prendre en considération au sujet des habitudes
vestimentaires des médecins exerçant occasionnellement la médecine légale. Comme cela
a été souligné pour les instruments spécialisés de l’autopsie, faire l’acquisition d’une tenue
particulière peut leur sembler un investissement important et superflu. Les vêtements qui
assurent au mieux la protection contre les fluides, c’est-à-dire ceux qui sont imperméables,
sont extrêmement coûteux. La maison Mathieu propose, dans son catalogue de 1907, un
manteau pour les autopsies, « en toile bleu-noir se fermant devant ou derrière » 493 , qui
coûte 9 francs. Elle vend également un « tablier en caoutchouc brun Para se boutonnant
avec épaulières » 494 pour un montant qui s’élève déjà à 12 francs. Pour compléter sa tenue
imperméable, le médecin doit ajouter 6 francs pour acquérir une paire de manches en
caoutchouc. Le total est donc de 18 francs, soit le double du prix du manteau de toile. Le
rapport est même de un pour quatre en ce qui concerne les deux modèles de tabliers vendus
dans le catalogue d’instruments de chirurgie de Michel Bruneau en 1913. Le « tablier en
toile caoutchoutée » (illustration 156) coûte 20 francs, alors que le simple tablier de toile
ne vaut que 5 francs (illustration 155) 495 .
492
Pierre Rambaud, L’Ecole de médecine de Poitiers à ses débuts (1806-1854), extrait des Archives médicochirurgicales
du Poitou, Poitiers, Société française d’Imprimerie et de Librairie, 1908, p. 22.
493
Mathieu, Fabrique d’instruments de chirurgie, orthopédie, prothèse, physiologie, anthropologie,
coutellerie fine, 15 ème éd., Paris, 1907, p. 11.
494
Ibid.
495
Michel Bruneau, Catalogue illustré d’instruments de chirurgie, Paris, 1913, p. 132.
909

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Hormis quelques exceptions, les médecins qui se sont intéressés à la pratique
“autoptique” sont relativement silencieux en ce qui concerne les mesures sanitaires à
mettre en œuvre à l’issue de l’examen. Focalisant leur propos sur les éléments qui doivent
donner lieu à une observation de la part du médecin expert, ou encore sur les procédures
préparatoires de l’acte et les précautions qu’il requiert, les auteurs de médecine légale
laissent à la littérature hygiéniste le soin de fournir aux praticiens les recommandations
appropriées. De plus, les conceptions relatives au processus d’assainissement, et donc au
phénomène de contagion ou d’infection, assimilées par les praticiens durant les deux
premiers tiers du XIX e siècle, préconisent surtout une action purificatrice au cours de
l’examen, alors que l’opérateur et les assistants se trouvent à proximité de la menace
putride. Une fois la source du danger écartée, la mise en garde des médecins semble
inutile. En revanche, les avertissements relatifs aux risques encourus par les hommes de
l’art qui plongent les mains au milieu des chairs putréfiées sont récurrents au cours du
siècle.
B) La purification des hommes
Jusqu’à présent, les désagréments et les périls suscités par la décomposition putride
du corps, ainsi que les procédures préconisées pour les enrayer, ont principalement trait au
secteur olfactif et respiratoire. Mais lors de la mise en présence du cadavre et du médecin
qui doit l’examiner, le contact physique a lieu également, à travers les mains de l’opérateur
qui palpent, écartent et sondent parfois les entrailles. Or, toucher le cadavre présente pour
l’homme de l’art un double inconvénient. En plus de l’imprégnation malodorante, le
praticien prend le risque de faire pénétrer dans son propre corps les miasmes et autres
micro-organismes malsains, et même mortels, qui se sont développés au sein du corps, du
fait soit de la décomposition, soit d’une maladie. Le danger que représente la blessure au
cours de l’examen post mortem, désignée sous l’expression de “piqûre anatomique”, s’il
reste pris au sérieux par le corps médical, est quelque peu atténué au fil des années. Outre
des traitements moins agressifs, les auteurs tentent de mettre en avant les techniques de
prévention qui minimisent les risques pour l’opérateur.
910

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
1) Attention à vos doigts : les piqûres anatomiques
Au cours de l’analyse des conceptions médicales vis-à-vis des dépouilles putréfiées
ou exhumées, il a été souligné que l’intérêt de leur examen en matière de médecine légale
est partagé par nombre de savants, et cela dès le premier tiers du XIX e siècle. L’idée que
cette analyse est immanquablement vouée à l’échec, est de moins en moins partagée. De la
même manière, les auteurs qui dissertent sur la dissection ou l’autopsie, peut-être pour
défendre ces activités post mortem, relativisent le danger qu’elles peuvent représenter, sans
toutefois l’occulter totalement. Dans l’article consacré précisément aux dangers de la
dissection, dans le Dictionnaire des sciences médicales, Percy nuance quelque peu le péril
cadavérique. Il fait remarquer que le travail en milieu hospitalier est tout aussi, sinon plus
nuisible à la santé des apprentis médecins. Il souligne qu’une large proportion des étudiants
qui fréquentent assidûment les salles des malades contracte un jour ou l’autre la « fièvre
nosocomiale », alors qu’une faible part est indisposée par l’activité anatomique 496 .
Cependant, il n’écarte pas toutes les menaces présentées par l’ouverture cadavérique. Le
danger de la piqûre anatomique est indéniable : « Mais ce qu’il y a de plus redoutable dans
les exercices anatomiques, c’est cette inoculation vénéneuse, et, pour ainsi dire
pestilentielle, qui peut s’opérer par la moindre blessure qu’on se sera faite […] » 497 .
Sans se montrer trop alarmiste, Marjolin indique tout de même les conséquences
funestes qui peuvent résulter d’une blessure à l’origine minime :
« Le plus souvent une semblable piqûre n’est pas suivie d’accidens (sic), et tout se borne
au développement d’un bouton inflammatoire qui fournit quelques gouttes de pus : mais
quelquefois aussi, on voit survenir un gonflement inflammatoire tout le long du trajet des
vaisseaux lymphatiques du bras ; les glandes de l’aisselle s’engorgent, abcèdent ; la plaie
s’enflamme dans une plus ou moins grande étendue, toute la main se tuméfie ; enfin une
fièvre bilieuse ou putride se déclare, et la mort peut être la suite d’une piqûre si peu
redoutable en apparence » 498 .
A la même époque, Mathieu Orfila, bien que partisan de l’examen des cadavres même en
état de décomposition avancée et fervent défenseur de l’innocuité des exhumations,
reconnaît néanmoins que le traitement de la piqûre anatomique est nécessaire : « cette
précaution serait indispensable surtout si on faisait l’ouverture d’un sujet mort depuis
quelque temps, ou atteint d’une maladie putride et contagieuse » 499 . Il précise toutefois que
l’homme de l’art qui se blesse durant l’ouverture cadavérique et qui traite la plaie comme il
496
Percy, « Dissections (Dangers…) », art. cit., p. 649.
497
Ibid.
498
Marjolin, « Plaies », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Béchet
Jeune, 1827, t. 17, p. 40.
499
Mathieu Orfila, Leçons…, op. cit., t. 1, p. 533.
911

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
convient, doit « rester sans inquiétude sur les suites » 500 . En d’autres termes, les suites
pathologiques, voire létales, de la piqûre anatomique sont exceptionnelles, selon lui.
Les risques mortels de cet « empoisonnement de l’organisme humain » 501 qui, dans
le dernier tiers du XIX e siècle, est désigné sous le terme de “septicémie” 502 , sont tus et
même minimisés par certains auteurs. L’introduction d’une « substance cadavérique par
accident » produit une inflammation qui se manifeste dans un premier temps par une légère
boursouflure et une coloration rouge de la peau 503 . Les deux issues possibles de cette
blessure sont un panaris ou la « forme phlegmoneuse de tout le membre » ; aucune mention
ici d’une possible fin tragique 504 . Faut-il voir dans cette absence d’issue mortelle la
manifestation d’une confiance sans faille à l’égard des préceptes et des procédés
antiseptiques qui se développent depuis quelques années 505 ? Peut-être, mais d’autres
facteurs sont également mis en exergue par les auteurs en vue de souligner la faible
dangerosité des blessures anatomiques. Désiré Bourneville et Paul Bricon consacrent un
paragraphe de leur Manuel de technique des autopsies aux « Précautions individuelles » 506
que doivent prendre les hommes de l’art qui effectuent des examens cadavériques. Ils
signalent de suite que « les risques d’infection par coupure […] sont peu à craindre » 507 .
Et même dans l’éventualité où le défunt serait mort des suites d’une maladie infectieuse,
les deux auteurs affirment qu’il ne faut pas « exagérer le danger des autopsies faites dans
des conditions pareilles » 508 .
Malgré les démentis et les nuances énoncés à l’égard des risques encourus par les
étudiants et les praticiens lors des dissections ou des autopsies, le sentiment qu’une menace
plane au-dessus de la table d’examen perdure. Au moindre faux mouvement, l’opérateur
peut être infecté. Emmanuelle Godeau, étudiant la perception de la mort et du cadavre par
les internes, constate que la dissection est toujours perçue comme une activité périlleuse :
« Aujourd’hui encore, alors que des antibiotiques et des antiseptiques puissants permettent
de contrôler le danger septicémique, les moniteurs répètent les mêmes recommandations :
500
Ibid.
501
Alphonse Guérin, « Septicémie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la
dir. de Sigismond Jaccoud, 1882, t. 33, p. 144.
502
La paternité du terme est attribuée à Piorry, mais son usage a été plus large durant quelques décennies. Ce
n’est qu’à la fin des années 1860, puis au cours de la décennie suivante, qu’il a désigné exclusivement
l’introduction et l’altération du sang par des matières putrides. Cf. J. Chauvel, « Septicémie », Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880,
3 ème série, t. 8, p. 700.
503
Alphonse Guérin, « Septicémie », art. cit., p. 145.
504
Ibid.
505
Jacques Léonard, « La pensée médicale », art. cit., p. 234.
506
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique… op. cit., p. 71.
507 Ibid.
508 Ibid., p. 72.
912

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
“Surtout, attention de ne pas vous couper !”, et cet étudiant, impressionné, mettra à son
tour ses camarades en garde avec emphase : “A la moindre coupure, on peut y
rester !” » 509 .
Comme dans les représentations médiévales des danses macabres 510 , le cadavre peut mener
l’étudiant au tombeau. Pourtant, à en croire André Bergé, le danger est minime dans les
dissections, en raison du traitement conservateur et grâce aux injections antiputrides
pratiquées sur les corps servant aux études anatomiques 511 . Une telle manœuvre est
suscitée par la nécessité de pouvoir travailler sur un même corps pendant plusieurs
semaines. A l’inverse, les examens effectués dans des hôpitaux à des fins de recherches
anatomopathologiques, ne requièrent pas une longue vie du cadavre. Quant aux dépouilles
qui donnent lieu à une autopsie judiciaire, elles ne peuvent en aucun cas être soumises à ce
procédé. Ainsi qu’il a été souligné auparavant, outre la question de l’urgence de
l’intervention, les éventuelles analyses chimiques pourraient se trouver compromises par
un tel embaumement. Par conséquent, même si les auteurs se montrent rassurants au sujet
du dénouement de la piqûre anatomique, ils estiment qu’une certaine prudence est
nécessaire, lorsqu’elle survient, et donnent quelques prescriptions thérapeutiques au
praticien qui y serait confronté.
Au cours de l’ouverture cadavérique, l’opérateur peut se blesser avec son scalpel,
une aiguille, une esquille osseuse. S’il s’en aperçoit de suite, il lui est possible de procéder
au traitement immédiat de la plaie. Cependant, concentré sur sa tâche et les mains souillées
par les liquides sanguinolents, la blessure peut échapper au médecin. Il est donc
recommandé au praticien, l’examen terminé, de scruter attentivement ses doigts, ses mains
et même ses avants-bras, à la recherche de la moindre éraflure, coupure ou piqûre. Pour
faciliter la localisation d’une éventuelle lésion épidermique, Gabriel Tourdes suggère « de
se laver les mains avec du vinaigre » 512 . Avant la diffusion des solutions désinfectantes, le
traitement privilégié de la piqûre anatomique est la cautérisation. Abandonnée pour un
temps au profit de l’application de divers cataplasmes ou de procédés chirurgicaux, telles
la scarification ou la ligature, la brûlure curative et purificatrice est de nouveau préconisée
509 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”…, op. cit., p. 43.
510 Sur la danse macabre, cf. les présentations de Michel Vovelle, La mort en Occident…, op. cit.,
pp. 116-119 et de Philippe Ariès, L’homme devant la mort, t. 1…, op. cit., pp. 118-119.
511 André Bergé, Guide de l’étudiant à l’hôpital. Examen clinique. Autopsies, Paris, Gauthier-Villards et
Masson, Encyclopédie scientifique des aide-mémoire, s.d., p. 188.
512 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 429.
913

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
au début du XIX e siècle 513 . Le cautère physique ou chimique a depuis longtemps démontré
son efficacité pour empêcher le développement infectieux. Si l’action salutaire de la
brûlure est sans nul doute admise, son mécanisme physiologique demeure mystérieux.
Percy, en 1818, affirme que l’application du caustique ne retire pas l’élément infectieux de
l’organisme. Il donne alors deux explications possibles à son efficacité :
« […] parce qu’il désorganise la partie sur laquelle elle [la matière vénéneuse] a été
déposée, et que, par là, elle empêche l’absorption, ou peut-être en même temps parce qu’il
donne lieu à une combinaison nouvelle qui en change la nature et en abolit l’action
délétère » 514 .
La pratique est devenue courante, au point que Percy remarque qu’« il n’est guère
d’étudians (sic) et de démonstrateurs en anatomie qui n’aient habituellement sur eux un
petit flacon de muriate liquide d’antimoine » 515 . Il ajoute que la diffusion auprès des
praticiens de l’anatomie, tant du procédé que du produit, est due en grande partie à
François Chaussier. Ce dernier décrit de manière précise les gestes que doit effectuer un
étudiant ou un médecin qui se blesse durant une ouverture cadavérique : après avoir bien
presser la plaie, « pour exprimer les sucs », il faut la cautériser avec de la potasse, du
nitrate d’argent ou grâce à un bout de bois plongé dans de l’acide nitrite 516 . Ce dernier
procédé est d’ailleurs celui que préfère Chaussier, car il lui « paraît plus commode » 517 . A
peu près à la même période, la méthode préconisée par Marjolin est quasi identique. Il
intercale juste un lavage à l’eau entre l’évacuation du sang pollué et l’application du
caustique : « Il faut, aussitôt qu’on s’est piqué, faire saigner la plaie autant qu’on le peut,
l’exposer à un courant d’eau, et la cautériser ensuite avec le chlorure d’antimoine, la
potasse caustique ou le nitrate d’argent fondu, taillé en crayon » 518 .
Les recommandations émises par les auteurs de la seconde moitié du XIX e siècle et
du début du XX e siècle reprennent, presque en tout point, le traitement conseillé par leurs
prédécesseurs : exprimer la lésion, la laver à l’eau ou au savon, appliquer une substance 519 .
Cependant, les divergences résident dans cette dernière. Avec la découverte des
agissements antiputrides de divers produits, la cautérisation est peu à peu abandonnée. Les
513
« Dissections (Dangers…) », art. cit., pp. 652-654.
514
Ibid., p. 654.
515
Ibid., p. 655.
516
François Chaussier, Recueil de mémoires…, op. cit., pp. 34-35.
517
Ibid., p. 35.
518
Marjolin, « Plaies », art. cit., p. 41.
519
Voir par exemple les remarques de Gabriel Tourdes à ce sujet dans les années 1860 et 1890 : Gabriel
Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 429 ; Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de
médecine…, op. cit., pp. 417-418.
Cf. aussi Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 29.
914

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
savants cherchent à s’attaquer « directement au virus cadavérique » 520 , au lieu d’empêcher
sa pénétration plus avant dans « l’économie ». Le Journal de médecine et de chirurgie
pratiques rapporte que depuis 1836 un certain Dr Nosat obtient de bons résultats avec l’eau
chlorée. Au lendemain d’une autopsie réalisée sur une femme décédée de fièvre
puerpérale, le praticien est « saisi d’un frisson violent » 521 et ressent une douleur à la main
gauche. Il constate une excoriation sur son pouce gauche, lésion de laquelle partent des
traînées rosées qui remontent vers l’aisselle. Il plonge alors la main à plusieurs reprises
dans un « bain d’eau chlorée » 522 . L’inflammation disparaît au bout de quelques jours.
Face à ces nouveaux procédés, la technique du cautère chimique perd de sa valeur
et est même considérée comme plus nuisible que salutaire. A ce sujet, il est intéressant de
comparer les prescriptions et les commentaires de Gabriel Tourdes, figure importante de la
médecine légale strasbourgeoise des années 1840 à 1870 523 . En effet, entre l’article
« Autopsie », rédigé pour le Dictionnaire Dechambre au milieu des années 1860, et le traité
publié en 1896 qui présente toute l’expérience accumulée par le praticien au cours de sa
carrière médico-légale, des changements dans la prescription sont ostensibles. Dans le
premier, Gabriel Tourdes propose de laver la blessure avec une « solution de
permanganate de potasse ou d’alun », ou de « toucher la petite plaie avec de l’acide
phénique, désinfectant qui ne l’irrite pas » 524 . En outre, il émet une critique à l’encontre de
l’ancien traitement. Pour les blessures relativement minimes, « les fortes cautérisations, le
nitrate d’argent même, sont souvent plus nuisibles qu’utiles et prolongent un accident
insignifiant » 525 . Néanmoins, en présence d’une putréfaction avancée, ou si la nature du
trépas suscite l’inquiétude, il recommande de « recourir à l’action de l’acide nitrique ou à
celle du feu » 526 . En d’autres termes, à ses yeux la cautérisation chimique ou physique
conserve encore toute sa valeur. Son discours est plus nuancé en 1896. Il considère que la
cautérisation est « moins efficace » 527 que les diverses solutions désinfectantes dont il
suggère l’utilisation. En outre, il émet une critique semblable envers la « solution
520
« Piqûres anatomiques, variole ; traitement par les préparations chlorées », Mélanges scientifiques,
Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1859, t. 30,
n°5626, p. 170.
521
Ibid., p. 171.
522
Ibid.
523
A. J. Chaumont, P. Mangin, G. Gaines, « L’enseignement de la médecine légale à Strasbourg de 1794 à
1870 ; Fodéré et Tourdes », Cahiers de médecine légale. Droit médical : Histoire de la médecine légale en
France, Société de Médecine Légale et de Criminologie de France (Paris, 15 juin 1987), Lyon, Editions
Alexandre Lacassagne, 1988, n°10, pp. 29-31.
524
Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 429.
525
Ibid.
526
Ibid.
527
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 418.
915

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
concentrée d’alun » 528 qu’il préconisait auparavant. Ses préférences se portent, à la fin de
sa vie médico-légale, sur « la lotion boratée au chloral, le bain phéniqué à 4% ; la solution
de bichromate de potasse à 2 millièmes, celle d’acide borique à 5% ; […] la solution de
sublimé [deutochlorure ou bichlorure de mercure] à un millième, additionné d’alcool » 529 .
D’autres produits ont encore été suggérés. Par exemple, Gustave Roussy et Pierre Ameuille
conseillent, à l’aube de la Première Guerre mondiale, d’employer de la teinture d’iode 530 .
Lorsque l’opérateur se rend compte de suite qu’il s’est coupé, ou encore s’il
constate qu’il porte une petite plaie avant de commencer l’examen, il doit prendre quelques
précautions pour protéger cette lésion et ainsi éviter une éventuelle infection. Certains
auteurs préconisent de renoncer à l’examen ou d’arrêter dès lors qu’une piqûre survient.
Maurice Letulle est le plus catégorique à ce sujet. Selon lui, la « moindre écorchure est une
contre-indication formelle à une intervention manuelle pendant l’autopsie » 531 . Quelques-
uns graduent l’interdiction : si le praticien porte plusieurs blessures aux mains, il doit
renoncer ; si les lésions sont minimes, il les protège ; enfin, lorsque la piqûre anatomique
se produit au cours de l’examen, il la traite et la recouvre pour poursuivre, dans la mesure
où elle n’est pas trop importante, car dans le cas contraire il est préférable de suspendre
l’activité 532 . D’autres enfin ne mentionnent ni renoncement ni arrêt en présence d’une
blessure. La protection de la plaie leur semble suffisante pour éviter tout accident. Ainsi,
Thomas Harris, conseille-t-il de simplement recouvrir la plaie avec du collodion, c’est-à-
dire de la nitrocellulose dissoute dans un mélange d’alcool et d’éther 533 , puis d’appliquer
un « emplâtre fortement adhésif » 534 . Le collodion, après l’évaporation de l’alcool et de
l’éther, laisse une « pellicule imperméable très-adhésive, résistant à l’eau et à l’alcool » 535 .
Bourneville et Bricon recommandent aussi l’usage du collodion dans leur manuel, mais
précisent qu’il est possible de substituer une bande de sparadrap à la couche de collodion,
pour protéger la blessure 536 . S’il préconise l’application du collodion pour recouvrir les
lésions que l’opérateur peut avoir à la main ou aux bras, Thomas Harris ne la conseille pas
pour les piqûres situées sur les doigts. Dans une telle situation, il suggère plutôt de mettre
528 Ibid.
529 Ibid.
530 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 29.
531 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 45.
532 André Bergé, Guide de l’étudiant…, op. cit., pp. 188-189.
533 T. Gobley, « Collodion (Chimie et pharmacie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1876, 1 ère série, t. 19, p. 13.
534 Thomas Harris, Manuel d’autopsies ou méthode de pratiquer les examens cadavériques au point de vue
clinique et médico-légal, traduit de l’anglais par H. Surmont, Bruxelles, Manceaux, 1888, p. 81.
535 T. Gobley, « Collodion (Chimie et pharmacie) », art. cit., p. 13.
536 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 72.
916

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
un doigtier en caoutchouc 537 . L’emploi du collodion ne fait pas (plus) l’unanimité auprès
des spécialistes de l’examen cadavérique. Maurice Letulle, déjà opposé à la pratique de
l’autopsie en présence d’une plaie sur les mains ou les avants-bras, s’insurge contre cette
manœuvre qu’il estime « déplorable et nuisible » 538 . Le collodion offre une protection
somme toute minime.
Obnubilés par le risque putride et infectieux qui peut, à la moindre solution de
continuité des téguments, s’immiscer dans le corps du médecin expert ou de l’anatomiste et
entraîner des accidents fâcheux, les auteurs qui traitent de l’examen post mortem ne
négligent pas le danger que peut présenter cette activité pour les individus en contact avec
l’opérateur. Les mains de ce dernier sont une source d’odeur méphitique et d’infection
pour l’entourage et les malades. Gabriel Tourdes et Edmond Metzquer expliquent que le
nettoyage “post-autoptique” doit répondre à un triple objectif : « un lavage approprié
enlèvera l’odeur, la couleur, les matières putrides et rendra la main de nouveau apte aux
contacts médicaux » 539 .
Le problème du parfum cadavérique qui “se colle” au médecin a été souligné en ce
qui concerne les vêtements du praticien, Emile Goubert faisant d’ailleurs remarquer que
« l’odeur s’imprègne souvent aux habits plus qu’aux mains » 540 . Mais, si le praticien peut
espérer minimiser la diffusion des fragrances nauséabondes à son costume, grâce à la
ventilation et à des vapeurs odorantes, le contact de ses mains avec les chairs en
putréfaction provoque de facto la contamination olfactive. Dans la seconde moitié du XIX e
siècle, différents représentants de la médecine légale proposent au lecteur et à leurs
confrères ce que Gabriel Tourdes appelle des « recettes » 541 , qui vont leur permettre de
faire disparaître l’odeur et la menace putride. Ce dernier en donne quelques-unes. L’usage
du savon potassique, suivi d’un lavage à « l’eau aromatisée par un vinaigre de toilette ou
de l’eau de Cologne » est suffisant 542 . Il signale néanmoins un « remède nouveau et
héroïque » :
« on prendra une solution de permanganate de potasse à 10 p. 100, puis les mains lavées
avec soins et teintes de ce liquide, recevront une courte lotion d’acide hydrochlorique
affaibli, qui, tout en échauffant le peau, enlèvera la couleur laissée par le permanganate et
toute trace d’odeur » 543 .
537 Thomas Harris, Manuel d’autopsies…, op. cit., p. 81.
538 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 45, note infrapaginale.
539 Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 418.
540 Emile Goubert, Manuel…, op. cit.,, p. 7, note infrapaginale.
541 Gabriel Tourdes, « Autopsie (Médecine légale) », art. cit., p. 429.
542 Ibid.
543 Ibid. p. 430.
917

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Le permanganate de potasse est également vanté par Emile Goubert car, dans les années
1860, c’est « un des antiseptiques les plus puissants qui soit connu » 544 . Il estime, en effet,
que le savon, la poudre grossière d’amande ou le chlorure de chaux qui sont mis
généralement à la disposition des utilisateurs des amphithéâtres de dissection, « ne suffisent
pas pour enlever immédiatement l’odeur attachée aux mains qui ont fouillé dans des
substances animales ayant subi un commencement de putréfaction » 545 . En revanche, avec
le permanganate de potasse, « quelques cuillérées suffisent pour désinfecter les mains à
l’instant même » 546 . Mais ce produit a un inconvénient ; il est relativement coûteux.
Par conséquent, Goubert propose de le remplacer par du phénate de soude ou de
l’acide phénique, tout aussi efficaces 547 . Il est inutile de revenir sur les capacités
antiputrides du phénol. En revanche, sa vertu désodorisante semble peu importante, voire
nulle à en croire Alexandre Lacassagne. Le maître de la médecine légale lyonnaise de la fin
du XIX e siècle, recommande d’utiliser « après les opérations [du] marc de café [et une]
solution phéniquée » 548 . Même si la présentation lapidaire et télégraphique qui caractérise
le Vade-mecum du médecin expert peut faire naître un doute dans l’esprit du lecteur, il est
vraisemblable que ces deux produits servent à désodoriser et désinfecter les mains du
médecin, et non à un quelconque traitement de la dépouille autopsiée. L’assertion est
confirmée par une remarque de Tourdes et Metzquer : « le lavage phéniqué, 1 sur 1,000,
est utile, mais il laisse l’odeur qu’il faut faire disparaître par le lavage cosmétique » 549 .
Les liqueurs antiseptiques recommandées dans le Traité de médecine légale
théorique et pratique de Gabriel Tourdes et Edmond Metzquer, en vue d’assainir les mains
du médecin expert, sont pour la plupart celles qu’ils préconisent à l’occasion d’une piqûre
anatomique : solution phéniquée, lotion boratée au chloral, bichlorure de mercure
additionné d’alcool et coloré avec du sulfate d’indigo 550 . S’ils laissent le praticien libre de
choisir son arme « bactéricide », ils estiment prudent d’appliquer en premier lieu « la
lotion qui enlève la couleur et l’odeur », et de « terminer par le lavage avec une solution
bactéroïde » 551 . Outre le fait que de telles procédures nécessitent, bien souvent, le recours à
deux produits au minimum, l’un supprimant la désagréable empreinte olfactive, l’autre
détruisant la menace septique, nombre de désinfectants peuvent s’avérer irritants pour
544
Emile Goubert, Manuel…, op. cit.,. 7.
545
Ibid., pp. 7-8.
546
Ibid., p. 7.
547
Ibid.
548
Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1892, p. 38.
549
Gabriel Tourdes, Edmond Metzquer, Traité de médecine…, op. cit., p. 418.
550 Ibid.
551 Ibid.
918

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
l’épiderme. Ainsi, la solution de sublimé, « longtemps exclusivement employée pour la
désinfection […] des mains des chirurgiens » est caustique pour la peau et les
muqueuses 552 .
D’aucuns cherchent alors à mettre au point des produits uniques qui
rassembleraient tous les critères escomptés : douceur, parfum, purification. Le Journal de
médecine et de chirurgie pratiques présente, par exemple, deux savons chirurgicaux
élaborés pour répondre précisément à ces souhaits. Le premier, mis au point par un
professeur de Genève, est un « savon antiseptique au sulfo-phénate de zinc […] qui est non
seulement très doux à la main, mais nettoie à merveille et n’irrite nullement la peau ; son
pouvoir désinfectant est incontestable » 553 . Elaboré pour les chirurgiens, ce savon aurait
également « sa place toute désignée dans les amphithéâtres de dissection » 554 . Il est
composé d’huile d’amande douce, pour éviter le dessèchement de la peau ; de lessive de
soude et de lessive de potasse pour enlever les résidus accrochés à l’épiderme ; de
sulfophénate de zinc pour désinfecter ; enfin d’essence de rose pour parfumer. La seconde
formule proposée permet de fabriquer, plus rapidement, un « savon antiseptique ou
chirurgical » 555 à moindre coût. Il comprend du savon blanc de Marseille, du sulfophénate
de zinc, de l’essence de géranium rosat, de la teinture de quillaya, une solution alcoolique
saturée d’éosine, de la glycérine et de l’eau distillée 556 .
Le savonnage des mains et des avant-bras, étape décisive du rituel aseptique qui se
diffuse dans les années 1880-1890 557 , est également intégré aux règles prophylactiques qui
ponctuent la pratique anatomique ou “autoptique”. A l’instar des médecins qui, ayant été
en contact avec des malades ou des objets impropres, doivent se savonner les mains, le
visage, les cheveux et la barbe avant de quitter la pièce 558 , les praticiens de l’examen
cadavérique sont tenus à une « toilette obligatoire » 559 avant leur départ de la salle
d’autopsie. Des voix s’élèvent même pour suggérer d’installer « à la sortie des
amphithéâtres d’autopsie » des sortes de caissons pour la désinfection intégrale du corps
de l’opérateur. Ce dispositif est utilisé à l’hôpital de Zurich pour décontaminer le personnel
552
Wurtz, Bourges, « Désinfection », art. cit., p. 483.
553
« Savon chirurgical », Prescriptions et formules, Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage
des médecins praticiens, Paris, Daix, 1888, t. 59, n°13 920, pp. 372-373.
554
Ibid., p. 373.
555
« Savon antiseptique ou chirurgical », Prescriptions et formules, Journal de médecine et de chirurgie
pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Daix, 1889, t. 60, n°14 102, p. 130.
556
Ibid.,, p. 131.
557 e
Jacques Léonard, La vie quotidienne du médecin de province au XIX siècle, Paris, Hachette littérature,
1977, p. 87.
558
Wurtz, Bourges, « Désinfection », art. cit., p. 488.
559
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 45.
919

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
qui soigne les malades atteints d’une pathologie contagieuse. Il s’agit « d’une guérite dans
laquelle le médecin ou l’infirmier se place, la tête seule émergeant par une ouverture
latérale et où l’on provoque le dégagement de vapeurs de chlore » 560 . L’individu est donc
soumis à une fumigation en milieu clos et restreint à sa seule personne, ce qui renforce
l’action des fumées chlorées. Cependant, à la lecture des divers ouvrages consacrés à la
réalisation des autopsies hospitalières ou judiciaires, il semble que l’appareil n’ait pas été
adopté en France, les ablutions désinfectantes étant probablement considérées comme
suffisantes.
En matière de lutte contre les infections purulentes, les deux procédés à la fois
complémentaires et concurrents, mis en exergue dans la seconde moitié du XIX e siècle,
s’appuient sur deux conceptions distinctes de la problématique : la première, l’antisepsie,
est thérapeutique et s’emploie à détruire le principe infectieux ; la seconde, l’asepsie, est
prophylactique et a pour objectif d’empêcher la mise en présence du malade avec cette
matière. Pour ce qui est de l’examen cadavérique, il apparaît que si ses adeptes et
praticiens ont apporté des remèdes pour anéantir le péril putride, et même soigner les
éventuelles blessures alors source de danger, ils se sont en outre attachés à prévenir les
accidents.
2) Prévenir plutôt que guérir
Les mesures préventives édictées par différents auteurs, au cours du siècle, se
focalisent sur plusieurs objets : l’état de santé de l’opérateur, la suppression des éléments
susceptibles de provoquer la blessure, la protection des mains du praticien, l’exclusion de
la pratique “autoptique” pour certains hommes de l’art.
Les périls encourus par les personnes qui manipulent des cadavres, notamment en
voie de décomposition avancée, sont sans nul doute réels. Il demeure néanmoins que
certains éléments individuels peuvent aggraver le facteur de risque. L’argument récurrent
utilisé par les défenseurs de la dissection ou de l’autopsie, lorsque celles-ci sont accusées
de décimer les rangs des étudiants en médecine, est qu’avant toute chose les praticiens
concernés doivent avoir ce qu’il est permis d’appeler, en usant d’un anachronisme, une
bonne hygiène de vie. Pour combattre « les dangers et les accidens (sic) auxquels les
anatomistes sont exposés dans leurs études et dans leurs recherches », Percy fait plusieurs
560 « Désinfection des personnes », Sociétés savantes, Congrès international d’hygiène, Journal de médecine
et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Paris, Lahure, 1882, t. 53, n°12 178, p. 522.
920

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
recommandations relatives aux « soins sanitaires et [aux] précautions hygiéniques » à
adopter :
« Une nourriture saine et mixte ; l’usage modéré du vin et des liqueurs ; celui d’une
infusion théiforme amère, le matin à jeun, ou, ce qui vaut encore mieux, du café à l’eau,
très-délayé (sic) et pris sans sucre ; les ablutions fréquentes avec l’oxycrat, un bain à une
température douce, de temps en temps […] » 561 .
Lors de la description du déroulement d’une exhumation judiciaire, Alphonse Devergie
donne quelques conseils relatifs au comportement alimentaire préventif des témoins de
l’opération : « Ne jamais procéder à cette opération alors qu’on est à jeun ; prendre même
une petite quantité de liqueur spiritueuse […] » 562 . Les vertus curatives ou prophylactiques
de certains aliments et de quelques boissons font partie intégrante des procédés
thérapeutiques. Mais encore faut-il que l’individu en use avec parcimonie. Les excès sont
nuisibles, par eux-mêmes, et parce qu’ils offrent à la maladie un organisme affaibli et
beaucoup plus sensible à ses attaques 563 . Désiré Bourneville et Paul Bricon, nuancés sur le
danger des examens post mortem et des piqûres anatomiques, affirment que ce sont les
prédispositions individuelles ou les circonstances – fatigue, excès – qui doivent être
considérées comme responsables des pathologies développés par les anatomistes et autres
manipulateurs de cadavres 564 .
La seconde préoccupation des médecins qui se livrent à des examens cadavériques
concerne les sources de blessures : d’une part, les os sectionnés et les esquilles qu’ils
peuvent engendrer ; d’autre part, les instruments utilisés pour l’ouverture. Le retrait et
l’exploration de la cage thoracique constituent un enjeu capital en matière de prévention
des piqûres anatomiques. Les prescriptions opératoires des auteurs visent tout d’abord à
éviter la production de sections osseuses trop pointues ou tranchantes, ainsi qu’à minimiser
le nombre d’esquilles, ces petits fragments aigus et aiguisés qui se détachent de l’os
pendant que celui-ci est coupé. La critique de la fracture successive des côtes, en les
reversant de haut en bas, est notamment motivée par le fait que cette technique d’ouverture
entraîne la formation de nombreuses esquilles et d’arêtes acérées 565 . Par conséquent, la
section des côtes au moyen d’une scie est préférée par nombre d’auteurs et de praticiens du
premier tiers du XIX e siècle. Cependant, ce procédé ne supprime pas complètement la
création d’esquilles et d’aspérités osseuses capables d’écorcher ou de couper la main du
561 Percy, « Dissections (Dangers…) », art. cit., p. 649.
562 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 126.
563 Jacques Léonard, Archives du corps…, op. cit., pp. 207-210.
564 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 72.
565 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 60.
921

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
médecin. C’est pour cette raison qu’Emile Goubert recommande de pratiquer la division au
niveau des cartilages costaux : « Le mieux, en tous cas, pour éviter les esquilles, est de
scinder les cartilages à 1 ou 2 centimètres de la côte : on n’a de la sorte aucun danger à
courir, l’extrémité de l’os n’étant pas mise à nu » 566 . Dans l’éventualité où les cartilages
seraient ossifiés, Goubert estime préférable de substituer le costotome 567 à la scie ou au
couteau 568 , parce qu’il évite de léser les tissus sous-jacents. Mais en contrepartie, il fait
ressurgir le risque d’écorchure.
Ne pouvant abolir totalement la menace que représente la cage thoracique ainsi
ouverte, les médecins peuvent user d’une astuce : recouvrir les côtes. Cette manœuvre est
mentionnée, tout au long du siècle, par des auteurs qui s’intéressent particulièrement aux
éléments concrets et techniques de la procédure d’examen. Elle apparaît sous la plume de
François Chaussier, par l’entremise de son ancien élève Renard 569 , dans les manuels
d’Emile Goubert 570 , de Bourneville et Bricon 571 , ainsi que dans l’ouvrage didactique de
Maurice Letulle 572 . Si le premier préconise de « couvrir le bord de coupe des côtes par le
pli d’une serviette », les autres suggèrent plutôt d’employer le lambeau de peau en le
repliant sur les côtes, ainsi que l’illustre le dessin extrait de l’ouvrage de Letulle
(illustration 157). Bien sûr, ce dernier procédé n’est possible que dans la mesure où
l’incision pratiquée pour ouvrir le thorax et l’abdomen est médiane (illustration 23), et non
de forme elliptique (illustration 21) comme cela est souvent conseillé dans la littérature
médico-légale.
566
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., pp. 28-29.
567
Sur les propriétés du costotome et sa diffusion dans la pratique de l’autopsie, cf. la deuxième partie du
chapitre 7.
568
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 33.
569
M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, p. 106.
570
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 33.
571
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 88.
572
Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 129.
922

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, p. 129.
Illustration 157 : Décollement de la plèvre pariétale, protection des mains de l’opérateur par le repli des
téguments sur les côtes coupées.
En sus des fragments osseux acérés, les médecins doivent se méfier de leurs propres
instruments. Un moment d’inattention, un geste mal maîtrisé, peuvent entraîner une
blessure. Certaines procédures d’examen nécessitent que le médecin porte son scalpel à
une dangereuse proximité de son autre main, ou de celle d’un assistant. Maurice Letulle
met en garde ses confrères lorsqu’ils s’occupent de la désarticulation des clavicules au
niveau du sternum. Les doigts de la main gauche, qui soulèvent les téguments, sont à très
courte distance de la lame du scalpel qui peut parfois glisser sur la tête de la clavicule
(illustration 158). C’est pour diminuer les possibilités de piqûre accidentelle que Gustave
Roussy et Pierre Ameuille prônent l’utilisation d’instruments boutonnés ou arrondis, la
pointe de la lame étant bien souvent superflue et pouvant aussi léser les organes adjacents
ou sous-jacents 573 . Enfin, Maurice Letulle fait une autre recommandation eu égard au
matériel : avant de commencer l’autopsie, le praticien doit inspecter minutieusement ses
instruments à la recherche de la moindre « partie saillante capable d’éroder les mains » 574 .
L’usure, les chocs, ou la faiblesse des systèmes de fixation peuvent créer des irrégularités
et des aspérités qui sont autant de sources de lésions possibles pour l’opérateur.
573 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 27.
574 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 64.
923

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
Source : Maurice Letulle, La pratique des autopsies, 1903, p. 111.
Illustration 158 : Désarticulation des clavicules, risque de piqûre anatomique.
D’autres procédures préventives ont pour visée de rendre les mains moins sujettes
aux piqûres, ou du moins de les revêtir d’une matière protectrice. Alphonse Devergie
donne un conseil aux médecins réalisant l’examen d’un corps exhumé qui, bien qu’il ne
puisse déjouer l’éventuelle blessure, rendra celle-ci moins pernicieuse. Il préconise
« pendant le cours de cette opération, [de] se laver très fréquemment les mains dans la
dissolution de chlorure de chaux » 575 . En d’autres termes, l’homme de l’art se désinfecte
régulièrement et minimise ainsi la menace putride. Quelques décennies plus tard,
Alexandre Lacassagne, estime opportun de s’enduire les mains d’un corps gras, avant tout
examen post mortem 576 . Thomas Harris donne quelques-uns des corps gras susceptibles
d’être utilisés. L’huile d’olive et le saindoux sont satisfaisants, mais il donne sa préférence
à un mélange de cire d’abeille et de vaseline qui a, en outre, l’avantage d’empêcher une
trop forte imprégnation de l’épiderme par l’odeur cadavérique 577 . Maurice Letulle fait une
recommandation similaire, dès lors que le médecin se trouve en présence d’un individu
ayant succombé à une maladie très virulente. Il substitue le vernis à tableaux ou la gutta-
percha liquide – une substance plastique et isolante tirée du latex d’un arbre de Malaisie,
proche du caoutchouc mais moins élastique 578 – au simple corps gras. Le médecin doit,
575 Alphonse Devergie, Médecine légale…, op. cit., t. 1, p. 127.
576 Alexandre Lacassagne, Le vade-mecum…, op. cit., 1892, p. 38.
577 Thomas Harris, Manuel d’autopsies…, op. cit., pp. 81-82.
578 Maurice Daumas (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. IV : Les techniques de la
civilisation industrielle. Energie et matériaux, par Maurice Daumas, Jules Guéron, Alexandre Ion Herléa et
al., introduction de Maurice Daumas, dessins de Bernard Breloy, Paris, PUF, 1978, pp. 564-565.
924

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
dans une telle circonstance, appliquer la substance au pourtour des ongles, à la surface des
doigts et sur le dos de la main 579 .
L’autre protection mise à la disposition des praticiens de l’autopsie ou de la
dissection est le gant. La possibilité d’enfiler des gants avant d’effectuer un examen
cadavérique apparaît dans la littérature médico-légale dans les années 1880, soit à l’époque
où la pratique commence à s’immiscer dans les interventions chirurgicales 580 . Les auteurs
sont très partagés à leur sujet. Parmi les ouvrages consultés, le premier a mentionné
l’emploi de gants pour l’autopsie est le manuel de Bourneville et Bricon, en 1885. Mais
loin de vanter cet usage, les deux auteurs rejettent l’emploi des gants, car ils « empêchent
d’apprécier exactement la consistance des tissus et exposent beaucoup plus aux
coupures » 581 . A la même période, la traduction du manuel de Thomas Harris présente des
arguments similaires : les gants de caoutchouc sont incommodes et il devient alors
« difficile d’exécuter l’autopsie de manière satisfaisante » 582 . Une quinzaine d’années plus
tard, Maurice Letulle qui, il faut le noter, s’est beaucoup inspiré des préceptes édictés par
Bourneville et Bricon 583 , tient à peu près le même discours que ses prédécesseurs. Selon
lui, l’utilisation de gants de caoutchouc long et épais est « déplorable », car ils « enlèvent
aux opérateurs la plupart de leurs moyens, entravent la sûreté de leurs gestes et
constituent une fausse sécurité » 584 . Il ne tolère le port de gants que pour les opérateurs
dont la peau fragile ne pourrait supporter le contact des désinfectants ou des fluides
cadavériques 585 . En tout état de cause, le médecin a « besoin de toute la souplesse de ses
doigts et de toute la finesse de son tact » pour réaliser l’examen post mortem, ce que ne
peuvent lui accorder les gants 586 .
Faut-il considérer ces refus catégoriques comme une constatation, effective et
fondée sur l’expérimentation, de l’altération sensorielle que provoque le port de gants ? Ou
comme l’opposition, quasi a priori, de praticiens attachés à leur technique habituelle et aux
sensations qu’elle procure, et qui par conséquent ont des difficultés à en intégrer de
579 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. 45, note infrapaginale.
580 Ulrich Tröhler, « L’essor… », art. cit., p. 245.
Grâce aux améliorations apportées à la fabrication des feuilles de caoutchouc, entre les années 1840 et 1880,
des industriels français comme Peroncel, Guibal et Gérard, entreprirent de diversifier la production du
caoutchouc et appliquèrent cette matière aux accessoires de chirurgie. Cf. Maurice Daumas (sous la dir. de),
Histoire générale des techniques, t. IV…, op. cit., p. 562.
581 Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 72.
582 Thomas Harris, Manuel d’autopsies…, op. cit., p. 81.
583 Maurice Letulle, La pratique…, op. cit., p. I.
584 Ibid., p. 65.
585 Ibid., p. 64.
586 Ibid.
925

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
nouvelles ? Probablement les deux. En effet, il semble que les premiers modèles de gants
mis à la disposition des hommes de l’art entravent leur dextérité et amoindrissent leur sens
tactile. Les doigts larges et courts des gants du Dr Chaput, en caoutchouc ordinaire, ainsi
que l’emplacement du pouce, donnent effectivement l’impression d’affaiblir l’habileté et la
souplesse de la main qui en serait pourvue (illustration 159). Selon la formule de Letulle, la
« main gantée est mauvaise conseillère », et tous les anatomopathologistes expérimentés
sont adeptes de la « main nue » 587 . Rédigées quelques années plus tard, les assertions de
Letulle auraient peut-être été plus nuancées.
Source : Mathieu, Fabrique d’instruments
de chirurgie, 1907, p. 370.
Illustration 159 : Gant du Dr Chaput en
caoutchouc (années 1900).
Source : Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie, 15 ème éd.,
Paris, 1907, p. 370.
Illustration 160 : Gant américain en
caoutchouc (années 1900).
926
En effet, en 1910, la publication de
Gustave Roussy et Pierre Ameuille sur la
Technique des autopsies et des recherches
anatomo-pathologiques à l’amphithéâtre,
comme l’ouvrage de Léon Thoinot sur
l’autopsie médico-légale, offrent un tout autre
point de vue. Les premiers font remarquer que
« l’autopsie ne demande pas plus de dextérité
que l’opération chirurgicale ou la dissection
fine qui se font avec des gants » 588 . En voie de
conséquence, l’argument sensoriel n’est pas
pertinent. Ils recommandent même de préférer
les « gros gants de caoutchouc », c’est-à-dire
les modèles de Chaput. Léon Thoinot signale
lui aussi que « le gant de caoutchouc est de
rigueur », et précise qu’il s’est « bien trouvé
de l’emploi du gant de Chaput, muni d’un haut
crispin enfermant la partie inférieure de la manche de la blouse et protégeant ainsi le
poignet et une partie de l’avant-bras » 589 . Il existe pourtant d’autres modèles de gants, en
caoutchouc de fabrication américaine 590 (illustration 160) ou en « feuille anglaise » 591
notamment, qui dessinent mieux le contour des doigts et dont l’épaisseur est variable.
Cependant, la perte de sensation ne paraît plus être la préoccupation première des
587 Ibid., p. 65.
588 Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 26.
589 Léon Thoinot, L’autopsie…, op. cit., p. 66.
590 Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 370.
591 Henri Dutar, Instruments et appareils. Chirurgie et médecine, Paris, 1909, p. 56.

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
opérateurs. L’autopsie requiert même des gants assez épais pour que la protection contre
l’odeur et l’infection soit efficiente 592 . Le catalogue de Mathieu propose trois modèles de
gants américains ; or les plus épais sont ceux consacrés précisément à l’examen
cadavérique 593 . Gustave Roussy et Pierre Ameuille précisent d’ailleurs que les gants trop
minces protègent mal et laissent passer l’odeur putride 594 .
Ainsi, il semble y avoir basculement des priorités entre les praticiens de la fin du
XIX e siècle et leurs successeurs du début du XX e siècle : les premiers sont prêts à endurer
l’odeur nauséabonde sur leurs mains, quitte à se désinfecter avec des produits quelque peu
irritants, mais refusent de perdre leur adresse d’exécution et d’exploration ; à l’inverse, les
seconds se sont habitués à la perte de dextérité, à leurs yeux minime, puisqu’ils évitent
l’imprégnation du parfum fétide sur leur peau. Cependant, d’autres facteurs peuvent
expliquer les réticences de certains quant à l’emploi de gants pour l’autopsie. D’abord, leur
coût extrêmement élevé. Le modèle “spécial pour autopsie”, proposé par Mathieu en 1907,
est vendu 8 francs la paire. Le prix atteint 10 francs pour celui du Dr Chaput 595 . Même si
ces gants ne sont pas à usage unique, l’investissement est notable. En outre, leur nécessaire
lavage suite à l’examen peut constituer un autre inconvénient pour le praticien. Léon
Thoinot indique que « les gants doivent être ou désinfectés ou très soigneusement savonnés
après la fin de l’autopsie et avant nouvel usage » 596 . Roussy et Ameuille décrivent un autre
procédé. Le praticien savonne à la brosse les gants alors qu’ils les revêtent encore. Puis, ils
sont désinfectés par ébullition, essuyés et enfin saupoudrés de talc 597 . Par ailleurs, le port
de ces protections ne dispense pas le médecin du savonnage des mains débarrassées des
gants 598 . Par conséquent, quelques praticiens de l’examen post mortem peuvent estimer
qu’il n’y a, au final, aucun avantage à enfiler des gants, ou qu’il est dérisoire en regard des
manœuvres désinfectantes supplémentaires que ceux-ci impliquent.
Les modalités préventives exposées jusqu’à présent s’intéressent avant tout à la
sécurité des médecins. Mais la pratique de l’ouverture cadavérique est également une
592
L’épaisseur des gants et la protection suffisante qu’ils peuvent procurer semblent constituer une
préoccupation récurrente en matière d’autopsie. Lors d’un entretien réalisé pour la revue Etudes sur la mort,
Marie-Christine Dauge, anatomopathologiste, explique qu’elle revêt deux paires de gants avant de procéder à
l’examen cadavérique. La peur de la piqûre anatomique n’est sûrement pas étrangère à cette pratique.
Cf. Marie-Frédérique Bacqué, Claude Bersay, « Interview de Marie-Christine Dauge, anatomopathologiste »,
Etudes sur la mort, 2002/2, n°121, p. 100.
593
Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 370.
594
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 26.
595
Mathieu, Fabrique d’instruments…, op. cit., p. 370.
596
Léon Thoinot, L’autopsie…, op. cit., p. 66.
597
Gustave Roussy, Pierre Ameuille, Technique des autopsies…, op. cit., p. 27.
598 Ibid.
927

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
menace pour les malades qui viennent consulter ces mêmes hommes de l’art. Les théories
et doctrines antiseptiques ont mis le praticien au centre même de la contagion 599 :
« Par ailleurs, l’antisepsie et la théorie des germes de la putréfaction déplaçaient la
responsabilité : le résultat d’un traitement ne dépendait plus de l’environnement et de la
réactivité du patient, mais du chirurgien en personne – puisque c’étaient ses mains et ses
instruments qui introduisaient les germes dans le corps du patient » 600 .
Par mesure de prudence, il est fortement déconseillé à certains hommes de l’art de
s’adonner à l’activité cadavérique. Dans leur manuel, Bourneville et Bricon indiquent
quelles « précautions sociales » doivent accompagner cet exercice post mortem. Ils
mentionnent que le praticien s’occupant d’anatomie pathologique ne doit pas, par ailleurs,
être chirurgien ou accoucheur. S’ils admettent que ces spécialistes puissent assister à des
opérations cadavériques, ils ne doivent pénétrer dans la salle d’autopsie qu’une fois leurs
visites effectuées et, surtout, ils ne peuvent porter la main sur les pièces anatomiques
qu’exceptionnellement 601 .
Chirurgie ou obstétrique et anatomie, anatomie pathologique ou médecine légale
sont des activités médicales qui, dans le dernier tiers du XIX e siècle, deviennent
absolument incompatibles, ce qui n’était pas du tout le cas au début du siècle et encore
moins au cours du précédent. En effet, l’examen cadavérique, notamment en présence de
blessures, était alors l’apanage des chirurgiens-barbiers. Cependant, il est nécessaire
d’apporter quelques nuances. Dans la pratique expertale poitevine, les chirurgiens ne
représentent qu’une part retreinte des hommes de l’art requis pour effectuer l’autopsie
judiciaire, même à la charnière des XVIII e et XIX e siècles 602 . Par conséquent, le risque
qu’un chirurgien contamine l’individu qu’il opère avec des substances pathogènes
récoltées durant l’ouverture cadavérique est peu élevé. Mais, d’un autre point de vue, les
médecins de campagnes, sont souvent amenés à effectuer des actes de petite chirurgie 603 .
Et puisque le choix du médecin expert est libre, que les listes officielles ne sont instaurées
qu’en 1893, la potentialité d’un transfert du cadavre au patient, par l’entremise de l’homme
de l’art, n’est pas négligeable.
599
Robert Carvais, « Le microbe et la responsabilité médicale » in Claire Salomon-Bayet, Pasteur…, op. cit.,
pp. 219-275.
600
Ulrich Tröhler, « L’essor… », art. cit., p. 245.
601
Désiré Magloire Bourneville, Paul Bricon, Manuel de technique…, op. cit., p. 72.
602
Cf. le chapitre 1 pour une étude détaillée des titres et diplômes des praticiens poitevins requis comme
experts.
603
Jacques Léonard, La vie quotidienne…, op. cit., pp. 78-80.
928

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
3) Obstacles à la mise en pratique
Au cours du XIX e siècle, la chimie permet à la médecine de faire de nombreuses
avancées en matière de thérapeutique, d’expérimentation ou de prophylaxie 604 . Elle met
notamment à la disposition des praticiens de la dissection ou de l’examen cadavérique une
gamme variée de produits antiseptiques. Cependant, l’usage de ces multiples solutions
permettant à l’homme de l’art de désinfecter ses mains, en cas de piqûre anatomique ou par
mesure hygiénique, suscite des interrogations : outre une efficacité désodorisante et/ou
désinfectante parfois relative – comme cela est relevé pour l’acide phénique qui désinfecte,
mais ne supprime pas l’odeur – l’acquisition de telles substances peut être problématique.
L’élaboration de certaines d’entre elles peut s’avérer difficile : en l’occurrence si sa
préparation requiert différents composants, ou si la procédure servant à l’obtenir est
complexe et délicate, un médecin sans une formation et un matériel ad hoc est dans
l’incapacité de la réaliser lui-même. Voici, par exemple, la recette pour obtenir du sel
manganique, substance vantée par Emile Goubert pour ses propriétés désinfectantes :
« Ce sel se prépare en mêlant d’abord, dans une cuiller de fer, deux parties de potasse
caustique et une partie de chlorate de potasse, puis, quand le mélange est fondu sous
l’action de la lampe à alcool, deux parties de peroxyde de manganèse pulvérisé finement :
après avoir chauffé au rouge, on dissout dans l’eau et l’on obtient ainsi une solution acide
vert foncé. Enfin, par l’addition d’un peu d’acide chlorhydrique, une partie du manganèse
se dépose, et il reste une liqueur pourpre » 605 .
L’élaboration de cette solution n’est pas permise à tous les praticiens de l’art de guérir. Ils
doivent par conséquent l’acheter, par exemple auprès d’un pharmacien. Mais dans cette
éventualité, le problème est alors économique : une solution difficile à élaborer, constituée
de plusieurs “ingrédients”, peut être coûteuse. C’est d’ailleurs le seul inconvénient que lui
trouve Emile Goubert : « Ce sel [est] dispendieux » 606 .
En outre, la production de l’industrie chimique française ne satisfait pas en totalité
la demande. La fabrication des solutions à base de chlore est minime, jusqu’au milieu du
XIX e siècle, en raison de son prix de revient 607 . Ne pouvant se procurer aisément et à bon
marché certaines de ces substances, les médecins ont été contraints de se satisfaire de
604
Voir par exemple l’ouvrage de synthèse sur les sciences médicales de Mirko Grmek (sous la dir. de),
Histoire de la pensée médicale…, op. cit., 422 p.
605
Emile Goubert, Manuel…, op. cit., p. 7.
606
Ibid.
607
Maurice Daumas (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. III : L’expansion du machinisme,
par Marguerite Dubuisson, Jean-Baptiste Ache, Maurice Audin et al., introduction de Maurice Daumas,
Paris, PUF, 1968, pp. 631-632.
Sur le développement et les techniques de production de l’industrie chimique durant le XIX e siècle et au
début du XX e siècle, cf. ibid. pp. 617-645 et Maurice Daumas (sous la dir. de), Histoire générale des
techniques, t. IV…, op. cit., pp. 494-628.
929

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
procédés désinfectants de moindre efficacité, mais disponibles facilement et à moindre
coût.
Au cours de la présentation des désinfectants qu’ils rédigent pour un dictionnaire
médical, Wurtz et Bourges détaillent les qualités que doivent posséder les antiseptiques
chimiques. Le premier critère concerne leur efficacité. Leur action doit être « rapide et
certaine ». Puis, ils mentionnent les désagréments, voire les dangers qu’ils ne doivent en
aucun cas occasionner : l’absence de causticité et de toxicité, ainsi que la préservation des
objets sur lesquels ils sont appliqués. Enfin, ils font une remarque somme toute très
pragmatique. Un bon désinfectant a un « prix de revient faible et un maniement aisé » 608 .
C’est probablement ce critère, à la fois pécuniaire et fonctionnel, qui est privilégié par les
hommes de l’art lorsqu’ils choisissent une substance qui leur permet de se débarrasser de
l’odeur et des éventuels éléments nocifs à l’issue d’une autopsie. Mais en l’absence
d’indications à ce sujet dans les archives judiciaires consultées, les réflexions ne peuvent
dépasser le rang des suppositions.
Lors de la consultation des dossiers de procédures criminelles et correctionnelles,
des départements de la Vienne et des Deux-Sèvres, une seule précision concernant les
agissements post-autopsie du médecin a été trouvée. En plus, celle-ci est relativement
succincte. Le 29 août 1876, le Dr Georges Aucher, médecin à Poitiers, se transporte dans
une commune toute proche pour effectuer les examens du corps d’un nouveau-né et de
celle qui l’aurait, à la fois, mis au monde et mis à mort 609 . Quelques semaines plus tard, le
praticien comparaît devant le juge d’instruction pour lui relater les propos du mari de la
prévenue qui, apprenant que son épouse avait certainement tué l’enfant, s’est suicidé par
désespoir 610 . Le médecin raconte que l’infortuné mari l’a interrogé, après l’autopsie, sur
l’efficience de la vie extra-utérine de l’enfant, alors que l’homme de l’art était « resté seul
dans la cour de la ferme pour [se] laver les mains » 611 . Avec quoi le lavage est-il effectué,
cela demeure un mystère. Au moins sait-on que le médecin procède à quelques ablutions
après l’ouverture cadavérique.
Des indications fournies par Bruno Bertherat à propos de la Morgue de Paris
laissent douter d’une mise en place des préceptes hygiéniques édictés par la littérature
spécialisée. Malgré la création de l’Institut de médecine légale, dont l’activité est, comme
608
Wurtz, Bourges, « Désinfection », art. cit., p. 482.
609
A.D.V., 2U 1699, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Infanticide », Rapport du Dr
Aucher, le 1 er septembre 1876.
610
Ibid., Procès-verbal de gendarmerie (Suicide du nommé G.), le 15 septembre 1876.
611
Ibid., Information Aucher Georges, le 8 novembre 1876.
930

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
son nom l’indique, focalisé sur la pratique médico-légale, les structures ne permettent pas
d’instaurer des conditions sanitaires satisfaisantes. Les critiques fusent : « Les conditions
d’hygiène sont exécrables. Les experts et leurs assistants sont obligés de se laver les mains
dans les mêmes récipients où, au cours de l’autopsie, ils lavent les organes des
cadavres » 612 . Quant au port de gants, bien que l’inventaire du matériel de la Morgue en
fasse mention dès 1888 – trois paires de gants en caoutchouc – leur emploi par les
médecins et leurs aides est sujet à caution. Une photographie de Victor Balthazard,
professeur agrégé de médecine légale et médecin expert auprès du tribunal de la Seine à
partir de 1904, futur directeur de l’Institut médico-légal de Paris 613 , le montre les mains
nues, de même que ses aides, alors qu’il s’apprête à ouvrir un cadavre 614 . La scène est-elle
fictive, telle une pose reproduite par les sujets du tableau à la seule intention du
photographe ? Peut-être. En tout cas, Bruno Bertherat ne formule aucune interrogation
relative à la réalisation du cliché et à sa construction semi-réaliste.
Durant le XIX e siècle, et à l’aube du siècle suivant, le danger représenté par la
manipulation et la proximité du cadavre en voie de décomposition est appréhendé de
manière, soit thérapeutique, soit prophylactique. Il est même permis, en succombant à
l’anachronisme, de qualifier ces prises en considération d’“antiseptique” ou d’“aseptique”,
selon le cas. En effet, alors que l’antisepsie est “désinfection”, puisqu’elle s’emploie à
« [la] destruction et [la] suppression des agents de la putréfaction des plaies par des
désinfectants », l’asepsie est elle “stérilisation”, c’est-à-dire qu’elle empêche tout contact
entre l’élément nuisible et la plaie. La première agit a posteriori, la seconde a priori.
Les mesures et les conseils prodigués par les littératures anatomique,
anatomopathologique et médico-légale, peuvent être regroupés sous l’une ou l’autre des
appellations. Mais il existe une différence non négligeable entre les interventions
chirurgicale et cadavérique, distinction qui rend poreuse la frontière entre les deux
doctrines médicales. L’opération de chirurgie met en relation deux individus, le patient et
le praticien. L’examen post mortem fait, lui, cohabiter trois protagonistes : l’opérateur, le
cadavre et le malade. En raison de ce mariage à trois, une mesure hygiénique peut osciller
entre antisepsie et asepsie, en fonction du sujet qu’elle concerne. Des actions sanitaires
considérées comme antiseptiques pour le praticien, tel le lavage des mains avec des
612 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 651.
613 P. Dehouve, « Victor Balthazrd, 1872-1950 », Cahiers de médecine légale…, op. cit., pp. 49-52.
614 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris…, op. cit., vol. 2, f° 652.
931

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
produits désinfectants, les fumigations effectuées dans le lieu où s’est déroulé l’examen, le
nettoyage du matériel, ont également une visée prophylactique pour de futurs patients. En
revanche, les préceptes et les comportements de nature exclusivement préventive, tel le
port de gants et de vêtements particuliers, l’exclusion de certains praticiens de l’exercice
cadavérique, le recours à des astuces et des techniques opératoires susceptibles d’obvier au
moindre accident, offrent l’avantage de protéger les médecins comme les personnes de leur
entourage.
Si la littérature médicale déborde de recommandations hygiénistes concernant les
activités cadavériques, auxquelles quelques médecins s’adonnent pour des raisons
scientifique ou judiciaire, leur mise en pratique par les hommes de l’art semblent
problématique, particulièrement dans les petites localités et les campagnes. Bien souvent
éloignés de lieux appropriés, dépourvus des substances désinfectantes requises ou de
matériel de protection, les praticiens de l’autopsie peuvent difficilement suivre de telles
règles sanitaires. Au mieux ont-ils à proximité un point d’eau qui leur permettra de
nettoyer leurs instruments et de se débarrasser des traces de sang qui souillent leurs mains
et leurs avant-bras. Mais il est un autre élément qu’il convient de ne pas négliger, en ce qui
concerne la mise en pratique de tels conseils sanitaires et prophylactiques : les convictions
des hommes de l’art sur ces questions. Il est fort probable que des réticences et des doutes,
émis vis-à-vis des préceptes antiseptiques de Lister ou aseptiques de Pasteur, ont entraîné
un rejet de certaines précautions postopératoires jugées inutiles 615 .
* *
*
La « charogne infâme » que Charles Baudelaire dépeint avec force détails d’une
réalité répugnante, est une image familière aux médecins experts. Les hommes de l’art du
XIX e siècle qui s’adonnent à la pratique des examens post mortem sont confrontés à une
telle menace, parfaitement identifiée sur le plan visuel comme olfactif, mais dont les
mécanismes et les éléments biologiques qui en sont à l’origine donnent lieu à d’âpres
débats scientifiques. L’expérimentation et les doctrines sur lesquelles s’appuient les
connaissances ou les croyances relatives aux phénomènes putrides, structurent de facto les
mesures d’hygiène qui doivent enrayer leur nocivité. Danger avant tout aérien et
615 Sur les résistances aux découvertes de Pasteur et leur diffusion, cf. Jacques Léonard, « Comment peut-on
être pasteurien ? » in Claire Salomon-Bayet, Pasteur…, op. cit., pp. 145-179.
932

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
respiratoire, les manifestations de la putréfaction sont combattues à grand renfort de
fumigations aromatiques et de vapeurs désinfectantes durant tout le XIX e siècle. Mais, là
où les savants des décennies 1800-1830 voient un péril tangible pour la santé des praticiens
et des témoins, leurs successeurs de la seconde moitié du XIX e siècle abordent les
émanations putrides avant tout comme un désagrément olfactif. Le risque infectieux se
cache dans les sanies qui maculent, par exemple, vêtements, instruments et mains du
praticien.
Outre lutter contre l’inconfort et le danger que constitue la décomposition
cadavérique, les savants espèrent parvenir à arrêter l’altération des tissus en vue d’obtenir
des constatations et des analyses satisfaisantes. Des moyens de prévenir le développement
de la putréfaction sont connus et employés avec succès depuis des siècles. Cependant, leur
emploi peut, soit constituer un obstacle à l’exécution d’un examen cadavérique, soit
présenter une contrariété à la bonne marche de l’expertise judiciaire, dans la mesure où il
altère les indices corporels. La congélation de la dépouille marque un arrêt brutal du
processus putride, mais elle retarde, par la même occasion, la réalisation de l’acte de
quelques heures. S’ils diffèrent également l’examen, les procédés de momification ou
d’embaumement, affectent de manière irréversible et dévastatrice l’aspect des tissus et des
viscères, rompent leurs rapports, cachent leurs éventuelles lésions. Quant à
l’embaumement par injections de substances conservatrices, bien que moins destructeur, il
peut nuire aux analyses chimiques.
Enfin, la prévention hygiéniste suprême contre la décomposition, la crémation, est
absolument incompatible avec l’examen cadavérique, puisqu’elle consiste à anéantir le
corps de suite, sans attendre la lente marche putride. L’encombrement des cimetières et les
préoccupations sanitaires qu’ils suscitent régulièrement depuis des siècles, inquiétudes
revigorées par la diffusion des théories pastoriennes, sont les principaux arguments utilisés
par les partisans de la crémation 616 . A l’exclusion des convictions religieuses, ses
adversaires répliquent avec une opposition de taille : si le corps est incinéré, tout examen
médico-légal devient impossible 617 . Le remède proposé par les promoteurs de la crémation
616 Pour une petite présentation historique des débats pro et anti-crémation, cf. Patricia Belhassen, La
crémation : le cadavre et la loi, mémoire pour le DEA de sociologie du droit, sous la dir. de Raymond
Verdier, Université Panthéon-Assas (Paris II), 1997, pp. 42-79.
617 Ladreit de Lacharrière, « De la crémation des morts », Société de médecine légale de France (séance du 15
février 1878), Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1879, 3 ème série, t. 1,
p. 557.
933

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
consiste en un contrôle systématique et précis du trépas 618 , précaution mise en doute par
ses opposants en raison de l’absence de service de vérification des décès dans nombre de
localités :
« Mais je suis un rural et j’ai la prétention de penser que ce qui est permis à Paris ne
saurait être défendu dans les villes de province. Or je pourrais citer un certain nombre de
villes de cent et deux cent mille habitants dans lesquelles aucune vérification des décès
n’est faite » 619 .
D’aucuns préconisent alors de faire procéder à une autopsie pour s’assurer que la mort est
naturelle 620 , mais encore faut-il que cet examen soit complet 621 , à l’image d’une autopsie
judiciaire, et non orienté et restreint comme cela est le cas pour les examens
anatomopathologiques 622 . Le principe de précaution doit donc être préféré à tout autre, des
rumeurs de crime pouvant surgir des mois, voire des années après le décès. Et en l’absence
d’expertise, le bruit peut demeurer un simple souffle populaire. L’un des adversaires de la
crémation harangue ses confrères avec cet argumentaire : « Gardons donc nos morts,
messieurs, pour menacer et punir le coupable, et pour protéger l’innocent contre les plus
cruelles accusations » 623 .
Les spécialistes et les amateurs de la médecine légale sont, par conséquent, plus
favorables au ralentissement de la décomposition qu’à sa suspension définitive. D’autant
plus que même si la présence des phénomènes morbides peut gêner l’expert et l’expertise,
le processus même de la putréfaction s’avère une source d’information non négligeable
618
Dans un article publié en 1866 dans un journal médical italien, le Pr. Coletti, l’un des premiers partisans
de cette pratique funéraire, indique que pour rassurer autorités, famille et spécialistes de la médecine légale,
toute procédure crématoire doit être précédée de la rédaction de deux certificats médicaux. L’un est produit
par le médecin traitant, l’autre par un médecin assermenté. Les documents attestent de la nature noncriminelle
du décès. Cf. Patricia Belhassen, La crémation…, op. cit., p. 60.
619
Ladreit de Lacharrière, « De la crémation… », art. cit., p. 559.
620
Le décret du 27 avril 1889, qui réglemente la crémation, ne réclame que deux certificats médicaux :
Article 17 : « Toute incinération est faite sous la surveillance de l’autorité municipale. Elle doit être
préalablement autorisée par l’officier d’état civil du lieu de décès, qui ne peut donner cette autorisation que
sur le vu des pièces suivantes : 1° une demande écrite du membre de la famille ou de toute autre personne
ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ; cette demande indiquera le lieu où doit s’effectuer
l’incinération ; 2° un certificat du médecin traitant affirmant que la mort est le résultat d’une cause
naturelle ; 3° le rapport d’un médecin assermenté commis par l’officier de l’état civil pour vérifier les causes
du décès.
A défaut de certificat d’un médecin traitant, le médecin assermenté doit procéder à une enquête
sommaire dont il consignera les résultats dans son rapport.
Dans aucun cas, l’autorisation ne peut être accordée que si le médecin assermenté certifie que la
mort est due à une cause naturelle ».
Cité dans Léonce Guerrier, Louis Rotureau, Manuel pratique de jurisprudence médicale, préface de Henri
Roger, introduction de Paul Brouardel, Paris, Masson, 1890, p. 182.
621
Ladreit de Lacharrière, « De la crémation… », art. cit., p. 559.
622
Sur les divergences entre l’examen demandé par la justice et celui effectué dans un but scientifique, cf. le
chapitre 5.
623
Ladreit de Lacharrière, « De la crémation… », art. cit., p. 561.
934

- Chapitre 8. « Une charogne infâme » : la décomposition putride du corps -
pour l’examen cadavérique. Comme pour apprivoiser le danger, parfois mortel, que
présente l’ouverture d’un cadavre en décomposition, les savants sont parvenus à faire d’un
principe perturbateur de l’expertise, un élément positif et profitable à l’analyse, à condition
de faire preuve d’un peu de prudence.
935

Conclusion
- Troisième partie. Les conditions d’exercice de l’autopsie judiciaire -
La pratique des autopsies médico-légales confronte des médecins à des situations
matérielles quelques peu délicates, parfois très éloignées des recommandations, tant
scientifiques que sanitaires, établies par la littérature ad hoc et les maîtres de la médecine
légale. Les bribes d’information transmises à ce sujet par les rapports d’autopsies ou par
les procès-verbaux des représentants de la justice, soulignent le décalage indéniable entre
les souhaits des spécialistes de la pratique expertale, officiant dans les grandes villes, et la
réalité vécue par les médecins experts occasionnels.
Dans la thèse qu’elle consacre à l’expertise corporelle dans la Seine Inférieure,
Marina Daniel apporte quelques indications sur les conditions matérielles dans lesquelles
l’examen est réalisé 1 . Bien que son étude concerne un endroit singulier, et presque unique,
dans le paysage médico-légal français, l’analyse de la Morgue de Paris réalisée par Bruno
Bertherat 2 offre également de précieux éléments de comparaison en matière d’équipement,
de mesures sanitaires, de prise en charge des risques encourus, par les opérateurs comme
par ceux qui gravitent à plus ou moins grande distance autour de cet exercice. Enfin, Anne
Carol, dans son ouvrage sur Les médecins et la mort, donne quelques éléments plus
généraux, notamment sur les problèmes hygiéniques soulevés par les dépôts mortuaires et
les salles des morts des hôpitaux 3 .
A la veille de la Première Guerre mondiale, en dépit de l’amélioration des moyens
de communication, la part des autopsies “sauvages”, dans des lieux non médicalisés,
demeure la plus importante en Poitou. Le recours systématique aux établissements
hospitaliers ou à l’Ecole de médecine, pour ce qui est du département de la Vienne, n’est
pas effectif. Si cela ne soulève que peu de difficulté concrète pour le médecin expert, tout
au plus un dérangement olfactif passager, une désinfection postopératoire du local et
l’emploi d’une table de fortune, l’improvisation d’une salle d’autopsie sur les lieux du
crime ou du décès présente, en revanche, un obstacle à la réalisation d’une autopsie en
conformité avec les règles de l’art. Les lacunes en matière d’équipement peuvent entraver
les recherches du praticien. Au mieux s’abstient-il de faire certaines constatations, au pire
1 Marina Daniel, Regards sur le corps meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au XIX e
siècle, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen, 2007,
vol. 2, f° 363-379.
2 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal ou
Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université de
Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, 3 vol., 901 f°.
3 Anne Carol, Les médecins et la mort : XIX e -XX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2004,
pp. 236-248.
937

- Troisième partie. Les conditions d’exercice de l’autopsie judiciaire -
utilise-t-il des méthodes absolument prohibées par les maîtres de la médecine légale, en
raison des risques d’erreurs qu’elles comportent. Pourtant rejeté par les auteurs, depuis le
début du XIX e siècle, des médecins experts des années 1850 ouvrent encore la cage
thoracique en tirant les côtes vers l’extérieur pour les fracturer. Or, il semble que l’absence
de scie soit souvent la seule responsable d’un tel choix technique. Lorsqu’ils réalisent
l’examen d’un homme ayant reçu un coup de fourche dans l’œil, blessure qui lui a été
fatale, les Drs Aristide Vernial et Julien Pénard coupent les cartilages costaux avec un
scalpel et renversent les côtes en dehors pour les casser 4 . Dans la mesure où ils indiquent
employer un « ciseau tranchant » 5 pour séparer l’os frontal, il est permis de conclure qu’ils
ne disposent pas de scie.
Il apparaît cependant que de telles déductions ne sont pas toujours permises par les
rapports d’autopsies. Ce document n’est pas le meilleur moyen d’obtenir une vision large
et précise des dispositions matérielles dans lesquelles les médecins effectuent leur
expertise. En effet, la construction rédactionnelle du rapport, produit d’un travail
scientifique mais devant répondre à une attente judiciaire, passe sous silence nombre
d’éléments factuels étrangers à l’objectif du document : le lieu utilisé, les instruments
employés, les dispositifs pour prémunir certains désagréments olfactifs et certaines
souillures sont bien souvent tus. De même, rares sont les remarques qui laissent paraître
une quelconque revendication de la part des médecins experts vis-à-vis des conditions dans
lesquelles ils s’apprêtent à procéder à l’autopsie. Du moins, lorsqu’un praticien évoque ce
sujet, les propos sont pondérés en regard de ceux tenus par ses confrères dénonçant, dans
des revues ou des ouvrages, les circonstances matérielles déplorables dans lesquelles les
autopsies sont pratiquées dans les campagnes et petites villes.
La retenue des médecins experts peut s’expliquer de plusieurs manières. En premier
lieu, par une édulcoration des remarques du fait de la rédaction a posteriori du rapport.
Ensuite, peut-être par la prise de conscience de ces praticiens que la narration de
l’expertise n’est pas le moment adéquat pour faire montre de revendications de cette
nature. Enfin, il est possible de considérer que la modération des requêtes des hommes de
l’art quant au lieu de l’expertise, à l’équipement disponible ou aux conditions sanitaires
rencontrées, indique soit une résignation, soit une adaptation de ces praticiens. Ne faut-il
4 A.D.V., 2U 1549, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Poitiers. Meurtre (Blessures ayant causé
la mort sans intention) », Procès-verbal, le 5 novembre 1840.
5 Ibid.
938

- Troisième partie. Les conditions d’exercice de l’autopsie judiciaire -
pas considérer les critiques virulentes d’un Georges Morache 6 , par exemple, comme
l’indignation d’un spécialiste de médecine légale exerçant dans une grande ville, et donc
habitué à un certain confort d’exercice, même modeste, et qui se trouve confronté à une
tout autre situation matérielle à l’occasion d’une expertise dans une petite localité ?
De plus, il semble que nombre de reproches formulés par les illustres représentants
de la pratique médico-judiciaire, à l’encontre des expertises réalisées aux confins des
campagnes, servent, d’une part de prétexte pour réclamer l’exclusivité de cette activité, et
d’autre part d’argument pour demander l’amélioration de leurs propres structures. Le
combat mené pendant plusieurs décennies, par les maîtres de la médecine légale pour
réserver les expertises aux seuls médecins experts inscrits sur une liste préétablie, est
assorti d’une revendication en termes d’établissements susceptibles de recevoir l’examen.
Or, en demandant à centraliser ainsi les autopsies médico-légales dans un même lieu 7 , des
aménagements devront lui être apportés, car l’espace nécessaire pour entreposer les
cadavres et les examiner s’avère insuffisant, les désagréments entraînés par les ouvertures
cadavériques sont décuplés et, par conséquent, les mesures qui doivent être prises pour les
contrecarrer doivent se multiplier.
Mais jusqu’à ce que cette requête soit entendue et satisfaite 8 , les médecins experts
ordinaires sont obligés de répondre aux attentes des magistrats en faisant quelques
concessions aux préceptes opératoires et environnementaux recommandés pour l’exercice
“autoptique”. En cela, la pratique médico-légale rejoint la pratique générale de l’art de
guérir : les hommes de l’art doivent en permanence adapter leur procédure d’examen aux
conditions matérielles et humaines qu’ils rencontrent, acceptant de faire quelques entorses
aux protocoles établis et inculqués par les illustres représentants de cette science.
6 Georges Morache, « L’expertise et le choix des experts », Annales d’hygiène publique et de médecine
légale, Paris, Baillière, 1900, 3 ème série, t. 43, pp. 317-353.
7 Etienne Martin, « L’Institut de médecine légale de Lyon », Archives d’anthropologie criminelle, de
médecine légale et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1914, t. 29, p. 12.
8 Dans les années 1960, certains praticiens de la médecine judiciaire font encore part de leur désir de voir les
expertises et principalement les autopsies réservées aux seuls « centres médico-légaux » dont le champ
d’action correspondrait à une région définie. Cf. R. Kastner, « Le centre médico-légal régional », Bulletin de
médecine légale et de toxicologie médicale, Lyon, mai-juin 1968, n°3, pp. 132-140.
939

CONCLUSION GENERALE
MYSTERES ET RATIONALISATION
DE L’EXPERTISE CADAVERIQUE

Les travaux menés jusqu’à présent sur l’expertise corporelle et sur les médecins
experts ont abordé la question par le prisme judiciaire, c’est-à-dire par l’implication et le
rôle déterminant que peut jouer l’examen dans la procédure d’instruction, puis le procès 1 .
D’autres études se sont intéressées à l’activité médico-légale dans un cadre singulier, la
Morgue de Paris, qui devient, au cours du XIX e siècle, l’un des hauts-lieux de la pratique
expertale cadavérique, et fait donc figure d’exception dans le paysage médico-judiciaire 2 .
En outre, hormis un travail récent consacré à la Seine Inférieure 3 , de telles recherches se
sont surtout préoccupées des “ténors” de la médecine légale. Ainsi, la médecine légale de
l’ombre, très différente de celle des prétoires médiatisés, a donné lieu à peu d’écrits. La
présente étude apporte quelques éléments sur cette médecine légale presque quotidienne. Il
s’est agi de mettre en lumière la réalité parfois difficile de l’exercice expertal post mortem,
de souligner les singularités opératoires et comportementales suscitées par l’implication du
facteur judiciaire et, enfin, de dresser le portrait de ces praticiens “ordinaires” de
l’expertise cadavérique judiciaire.
Durant la quasi-totalité du XIX e siècle, la réalisation des constatations cadavériques
relatives à un décès suspect n’est pas, du moins dans les textes, affaire de spécialistes. Tout
praticien de l’art de guérir est susceptible d’être sollicité par un représentant de la justice 4 .
Sa formation doit lui permettre de répondre aux attentes de l’autorité requérante. Or, il
apparaît que même si les apprentis médecins reçoivent un enseignement médico-légal en
fin de cursus universitaire, celui-ci demeure succinct et en grande partie théorique. Mal
préparés à l’exercice médico-légal, les hommes de l’art dépendent, et même sont soumis,
au bon vouloir des magistrats, en ce qui concerne leur nomination comme expert. Se crée
1 Cf. les recherches de Michel Porret pour la région de Genève : « Pratique pénale et médecine légale au
XIX e siècle : la qualification des “mauvais traitements” et des homicides, l’exemple genevois (1815-1890) »
in Frédéric Chauvaud, Jacques-Guy Petit (sous la dir. de), L’histoire contemporaine et les usages des
archives judiciaires (1800-1930), Paris, Honoré Champion, Histoire et archives, 1998, pp. 343-355 ; Sur la
scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertises judiciaires à Genève (XVIII e -XIX e siècle), Montréal,
Presses Universitaires de Montréal, Collection « Socius », 2008, 288 p.
Voir également Frédéric Chauvaud, Les experts du crime. La médecine légale en France au XIX e siècle,
Paris, Aubier, Collection historique, 2000, 301 p.
2 Bruno Bertherat, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de l’institut médico-légal ou
Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir. d’Alain Corbin, Université de
Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, 3 vol., 911 f°.
3 Marina Daniel, Regards sur le corps meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en Seine Inférieure au XIX e
siècle, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Becchia, Université de Rouen, 2007, 3
vol., 901 f°.
4 Articles 43 et 44 du Code d’instruction criminelle. Cf. le chapitre 1.
943

- Conclusion générale -
alors une connivence, réelle ou supposée, entre les deux corporations professionnelles,
étayée par la rapide apparition de médecins experts attitrés dans certaines juridictions. Les
juges d’instruction et les procureurs d’un arrondissement font toujours appel aux mêmes
praticiens dès qu’ils ont besoin d’un avis médical. Il existe donc, au sein même des
praticiens d’une région, une stratification expertale. A côté des médecins experts d’un jour,
sollicités à une ou deux occasions sur l’ensemble de leur carrière, émergent de véritables
autorités médico-légales locales. Collaborateurs privilégiés d’un magistrat instructeur, d’un
procureur ou d’un juge de paix, quelques hommes de l’art font figure d’experts confirmés
et reconnus, avant même l’instauration des listes officielles en 1893.
Une telle situation porte l’opinion publique, de même que le corps médical, à
s’interroger sur l’indépendance et la neutralité effectives dont ces médecins experts quasi
officiels peuvent faire preuve. Leur désignation comme expert est une prérogative de la
magistrature, accordée selon les circonstances à quelques représentants de l’autorité
judiciaire (maire, juge de paix, préfet ou officier de gendarmerie). Par conséquent, le
médecin dépend du bon vouloir du magistrat. Dans l’espoir de supprimer ce lien
hiérarchique entre requérant et requis, d’aucuns ont revendiqué la mise en place de
médecins experts professionnels et diplômés. Mais, la création d’une élite de la médecine
légale, par la mise en place des listes d’experts puis du diplôme de médecine légale, a eu
pour effet néfaste de creuser encore un peu plus le fossé entre les “spécialistes” des
grandes villes et les “amateurs” des petites contrées. En effet, outre la neutralité, ce que
l’organisation d’un corps d’experts médicaux professionnels doit apporter c’est l’assurance
de la compétence.
Nombre de figures nationales de la discipline multiplient les revendications visant à
confier les examens post mortem aux seuls professionnels dont les compétences ont été
validées ou qui sont titulaires d’une formation médico-légale approfondie. Paul Brouardel,
promoteur de l’instauration du diplôme de médecine légale, en vue d’exclure tous ceux qui
n’en seraient pas détenteurs de l’exercice médico-judiciaire, considère inutile que tout
homme de l’art reçoive des savoirs importants dans ce domaine. Il estime plus efficace de
focaliser de telles connaissances sur un nombre restreint d’individus qui deviendraient, par
conséquent, des médecins experts professionnels 5 . La situation que Brouardel ne semble
pas envisager est que le nombre de spécialistes diplômés soit insuffisant et que certaines
5 Paul Brouardel, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de naissance, inhumations,
expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté de médecine de Paris, Paris, Baillière et
fils, 1898, p. 254.
944

- Conclusion générale -
régions françaises en soient même absolument dépourvues. Dans une telle situation, les
magistrats sont contraints de faire encore appel à des médecins ordinaires, avec une
formation médico-légale rudimentaire et dont l’incompétence est susceptible d’être décriée
de manière encore plus virulente.
La participation d’un homme de l’art à une procédure judiciaire constitue une prise
de risques pour ce praticien. En premier lieu, sur le plan financier. Les émoluments
accordés aux médecins en dédommagement de leur concours sont souvent à peine
suffisants pour couvrir les dépenses qu’ils ont engagées ou les pertes qu’ils ont subies en
étant loin de leur cabinet et de leurs patients 6 . Ensuite, leur implication peut s’avérer
préjudiciable à la suite de leur carrière. Mis en cause lors du procès, critiqué en tant que
professionnel de l’art de guérir, témoin impuissant des assauts portés contre ses
constatations et ses conclusions, le médecin peut voir sa réputation s’effondrer en un
instant. Pourtant, peu d’hommes de l’art rejettent les sollicitations de la magistrature.
Nombre de médecins estiment que l’expertise fait partie intégrante des devoirs de tout
homme de l’art, qu’il s’agit d’une autre forme d’assistance portée à la communauté 7 . En
outre, certains espèrent retirer de cette collaboration quelque notoriété. Au cours du XIX e
siècle, le tribunal devient une tribune pour les maîtres de la médecine légale et de la
criminologie 8 . Et parmi les sciences de l’expertise, l’examen corporel et/ou cadavérique
est, toute proportion gardée, celui qui suscite le moins de doutes et de remises en question
par les divers protagonistes du “théâtre” judiciaire 9 . La description d’une blessure porte
6
Sandra Menenteau, « Le prix des expertises dans la Vienne de 1811 à 1914 » in Benoît Garnot (sous la dir.
de), Les juristes et l’argent. Le coût de la justice et l’argent des juges du XIV e au XIX e siècle, actes du
colloque de Dijon « Justice et argent dans l’histoire » (7-9 octobre 2004) organisé par le Centre Georges
Chevrier de l’Université de Bourgogne, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, collection Sociétés, 2005,
pp. 101-110.
7
Sur les implications sociales des professionnels de santé et les œuvres d’assistance auxquelles ils
participent, cf. Pierre Guillaume, Le rôle social du médecin depuis deux siècles 1800-1945, Paris, 1996,
Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 319 p. ; Jacques-Guy Petit, Yannick Marec (sous la dir. de), Le
social dans la ville en France et en Europe (1750-1914), actes du colloque international d’Angers
« Politiques sociales urbaines en France et en Europe (fin XVIII e -début XX e siècles) » (6-8 avril 1995)
organisé par l’HIRES de l’Université d’Angers, Paris, Les Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières,
Patrimoine, 1996, 351 p. ; Yannick Marec (sous la dir. de), Accueillir ou soigner ? L’hôpital et ses
alternatives du Moyen Age à nos jours, actes du colloque « Hôpitaux, médecine et société du Moyen Age à
nos jours. Expériences régionales et perspectives nationales » (20 et 21 janvier 2006) organisé par le Groupe
de recherche d’histoire (GRHIS) de l’Université de Rouen, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités
de Rouen et du Havre, 2007, Collection « Histoire & Patrimoines », 453 p.
8
Pierre Darmon, Médecins et assassins à la Belle époque. La médicalisation du crime, Paris, Editions du
Seuil, 1989, 330 p.
9
S’il est possible de constater une “montée en puissance” des preuves objectives et scientifiques dans les
procès et les enquêtes qui les précèdent, il demeure que la « nature inquisitoriale » de la procédure
d’instruction en place en France, laisse encore une place privilégié aux preuves testimoniales. Cf. Jean-
Claude Farcy, « L’enquête pénale dans la France du XIX e siècle » in Jean-Claude Farcy, Dominique Kalifa,
Jean-Noël Luc (sous la dir. de), L’enquête judiciaire en Europe au XIX e siècle, actes du colloque de La
945

- Conclusion générale -
peu à caution. A l’inverse, les expertises mentales sont vivement rejeter par une justice qui
tolère difficilement qu’un meurtrier échappe à la sanction sous couvert de son
irresponsabilité 10 . De même, les analyses toxicologiques sont trop souvent l’occasion de
débats d’experts, portant sur des variations minimes de dose de poisons, pour être
significatives aux yeux des magistrats et du jury 11 .
Les revendications et les critiques émises par les illustres experts parisiens ou
lyonnais à l’encontre des examens cadavériques réalisés dans les villages et campagnes
s’attachent également à dénoncer les conditions matérielles défectueuses dans lesquelles
leurs confrères sont contraints d’exécuter leur mission judiciaire. L’autopsie effectuée sur
demande de justice crée une atmosphère d’urgence, implique un fort degré d’improvisation
et requiert par conséquent une grande capacité d’adaptation de la part des hommes de l’art.
L’étude du matériel et des instruments employés par les médecins experts poitevins a mis
en évidence que ces derniers ne détiennent que très rarement l’ensemble des objets
recommandés par la littérature spécialisée en matière d’examen post mortem judiciaire. Les
instruments spécialisés, mis au point au cours du XIX e siècle en vue d’améliorer la
pratique “autoptique”, tant sur le plan scientifique que pour le confort de l’homme de l’art,
ne figurent quasiment pas dans les descriptions des opérations effectuées par les experts
“ordinaires”. Du moins sous leur nom savant de rachitome ou de costotome par exemple.
Les médecins appelés par la justice se contentent le plus souvent de leur trousse classique
de praticien de l’art de guérir. Pour compléter leur panoplie, ils peuvent être amenés à faire
appel aux bonnes volontés de la population locale, lui empruntant qui une scie, qui un seau,
qui un récipient quelconque.
L’aptitude des médecins à s’adapter aux circonstances, leur capacité à faire avec ce
qu’ils ont sous la main et sous les yeux, est en outre mise à l’épreuve par l’état de
conservation du corps qu’ils doivent examiner. Une des particularités de l’autopsie
Sorbonne « Les enquêtes judiciaires en Europe au XIX e siècle » (19-21 mai 2005) coorganisé par le Centre
d’histoire du XIX e siècle des Universités de Paris I et Paris IV et par le Centre Georges Chevrier de
l’Université de Bourgogne, Paris, Editions Créaphis, 2007, pp. 28-31.
Pour une étude de la preuve expertale, voir le chapitre que Frédéric Chauvaud y consacre dans son ouvrage
Experts et expertise judiciaire : France, XIX e et XX e siècles, avec la collaboration de Laurence Dumoulin,
version remaniée d’un rapport de recherche pour le GIP Mission de Recherche Droit et Justice (1999),
Rennes, PUR, Histoire, 2003, pp. 199-227.
10
Cf. la partie intitulée « Expertiser la teinte de l’âme » dans Frédéric Chauvaud, Les experts…, op. cit.,
pp. 113-168.
Voir également la version remaniée de la thèse que Laurence Guignard a consacré à l’expertise psychiatrique,
Juger la folie : la justice pénale et la folie des criminels à l’âge de l’aliénisme (1791-1865), thèse de doctorat
d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain Corbin, Université Panthéon-Sorbonne, 2006, 2 vol., 712 f°.
11
Frédéric Chauvaud, Les experts…, op. cit., pp. 188-208.
946

- Conclusion générale -
médico-légale, en regard des autres manipulations et activités post mortem, est qu’elle
concerne fréquemment des dépouilles qui ont atteint un degré avancé de la décomposition
putride. Là réside une des caractéristiques singulières de l’examen cadavérique judiciaire :
il s’agit du seul acte pouvant déroger aux 24 heures d’attente avant toute intervention post
mortem, délai instauré dans l’ensemble de la France en décembre 1866 12 ; or, c’est aussi
celui qui entraîne le plus de confrontations avec un corps décomposé, dont la mort remonte
donc à plus de 24 heures. La putréfaction est considérée, à l’aube du XIX e siècle, comme
néfaste à la bonne réalisation d’une autopsie et dangereuse pour l’individu qui l’effectue.
Les médecins ont cherché à apprivoiser les phénomènes putrides. Ils ont mis au point des
manœuvres devant, d’une part, enrayer leur développement : ce sont les procédures de
réfrigération, d’aération et d’aspersion chimique appliquées à la dépouille. D’autre part,
certaines règles ont été établies pour protéger praticiens comme témoins de l’opération des
effets nocifs de l’activité cadavérique : ce sont les actions qui ont pour visée de supprimer
les émanations putrides, celles devant désinfecter les hommes comme les lieux ou les
objets entrés en contact avec les chairs décomposés, ainsi que les techniques opératoires
servant à prémunir les éventuels accidents rassemblés sous le nom de piqûre anatomique.
En outre, la maîtrise des phénomènes morbides s’accompagne d’une rationalisation
de leur prise en considération. D’un obstacle, d’une nuisance, les médecins ont fait un
atout et une source d’informations. Les recherches menées par Alphonse Devergie sur la
décomposition en milieu hydrique 13 , et par Mathieu Orfila sur les procédures
d’exhumations 14 , désamorcent certaines appréhensions et surtout fournissent aux médecins
experts des indications scientifiques leur permettant d’utiliser les phases de la
décomposition comme indice expertal. D’autres études ont ensuite renforcé la valeur
scientifique des éléments putrides, notamment en s’intéressant non pas à l’altération des
tissus, mais aux phénomènes annexes qui se produisent et accompagnent la décomposition
corporelle : ce sont les travaux liés à la faune des cadavres qui ont donné naissance à une
12 Circulaire du ministère de l’Intérieur en date du 24 décembre 1866. Cf. Gabriel Tourdes, « Autopsie
(Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre,
Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série, t. 7, p. 419.
13 Alphonse Devergie, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois
relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles,
H. Dumont, 1837, t. 1, pp. 50-52.
14 Mathieu Orfila, Octave Lesueur, Traité des exhumations juridiques, Paris, Béchet Jeune, 1831, 2 t., 388 +
387 p.
947

- Conclusion générale -
nouvelle science, l’entomologie médico-légale, et dont Pierre Mégnin est la figure de
proue 15 .
La dernière critique proférée contre les conditions matérielles des “autopsies
campagnardes” s’attache aux lieux dans lesquelles ces opérations sont effectuées. Sur ce
plan, il est également apparu que les médecins experts poitevins faisaient preuve d’un fort
degré d’adaptabilité et se résignaient, faute de mieux, à effectuer l’examen dans des
endroits insolites, loin de répondre aux exigences matérielles et hygiéniques décrites par la
littérature ad hoc. Dans une large proportion, les examens cadavériques se déroulent dans
des habitations particulières, celle du défunt ou d’un voisin. Malgré l’amélioration des
moyens de communication, il apparaît que les établissements hospitaliers et l’Ecole de
médecine de Poitiers demeurent peu attractifs. Les examens effectués dans ces lieux
médicalisés concernent, hormis quelques exceptions, des personnes décédées sur la
commune où ils sont situés. Ils n’accueillent que rarement des défunts venant d’une autre
localité. A la lumière de ce constat, les réclamations relatives à la mise en place de lieux
dévolus spécialement à l’exercice cadavérique médico-légal, et équipés en conséquence, ne
peuvent être analysées comme une simple volonté d’améliorer les conditions de travail des
médecins experts. En effet, les auteurs qui émettent de telles revendications se servent en
réalité de ce prétexte pour à nouveau souligner que l’autopsie doit être réservée à des
spécialistes, qui par ailleurs agissent dans des structures réservées à cette pratique. Il s’agit,
de fait, d’exclure tous les autres lieux susceptibles d’abriter une autopsie. Outre, la volonté
d’offrir les meilleures dispositions, humaines et matérielles, à l’exécution d’un examen
cadavérique judiciaire, l’utilisation systématique d’un établissement adapté révèle un autre
processus relatif à l’autopsie judiciaire, celui de la dissimulation.
Le spectacle de l’autopsie médico-légale amorce, au fil du XIX e siècle, un
glissement vers les coulisses de la procédure judiciaire. La mort non naturelle, violente
et/ou criminelle, est celle qui suscite le plus l’intérêt du public, celle qui provoque
émotions ou rumeurs villageoises et urbaines. Pourtant, ou pour cette raison, curieux et
membres de la famille sont tenus par les instances judiciaires, le plus possible à l’écart de
l’examen cadavérique. L’usage majoritaire de lieux clos ou couverts, s’il offre, d’un point
de vue exclusivement pragmatique, une protection physique contre d’éventuelles
intempéries, il constitue aussi, à n’en pas douter, un moyen d’établir une barrière visuelle.
15 Pierre Mégnin, La faune des cadavres, Paris, Masson et Gauthier-Villars, Encyclopédie scientifique des
aide-mémoire, 1894, 214 p.
948

- Conclusion générale -
Et même la confrontation semi-muette de la victime et de son meurtrier, héritière de la
pratique de la cruentation, soulève quelques oppositions. L’une des visées, à la fin du XIX e
siècle, du projet d’expertise contradictoire est bien de faire représenter le criminel supposé
par un professionnel de son choix, et ainsi de l’exclure de l’autopsie 16 .
La volonté de cacher l’examen cadavérique dépasse largement sa réalisation
effective. Le corps post-autopsie est le plus souvent camouflé. La dissimulation des traces
de l’ouverture cadavérique et la reconstitution corporelle répondent à une triple finalité.
Tout d’abord, et même avant tout, judiciaire, puisqu’il s’agit d’une expertise effectuée pour
cette institution. La remise en place des différents viscères séparés du corps pour être
soumis à un examen plus précis, la suture des incisions, l’enveloppement de la dépouille
dans un linceul parfaitement cousu et même scellé, toutes ces manœuvres permettent au
magistrat de conserver un minimum de contrôle sur le devenir du cadavre, même dans
l’éventualité où il aura été remis à ses proches. En effet, tant que le verdict n’est pas rendu,
la victime d’une mort criminelle est, en quelque sorte, une pièce à conviction qui peut être
à nouveau sollicité. Il est donc impératif que les manœuvres et les explorations effectuées
par le médecin, lors de l’autopsie, ainsi que les manipulations ultérieures liées aux
funérailles, altèrent le moins possible le corps, ou tout au moins ne rendent pas une
seconde analyse impraticable. La nécessité judiciaire rencontre alors l’exigence
scientifique.
La réalisation d’une contre-expertise requiert quelques précautions de la part du
premier opérateur post mortem : minimiser le nombre et l’étendu des incisions, les
refermer convenablement en ayant pris soin de remettre les organes à leur place respective,
faire disparaître les fluides qui ont pu maculer la peau à certains endroits, en d’autres
termes rendre le corps à peu près dans l’état où il était avant l’examen. Il s’agit, d’une part,
de faciliter le travail du second expert, et d’autre part, de lui garantir de pouvoir effectuer
quelques constatations significatives. Cependant, il ne faudrait pas limiter les précautions
opératoires et les manœuvres de dissimulation à des exigences de nature exclusivement
judiciaire ou scientifique. Le ménagement de la famille peut également être pris en
considération pour expliquer certaines procédures prescrites. La préservation, dans la
mesure du possible, des traits du visage par la réalisation d’incisions au niveau du menton
et de la mâchoire, et non partant de la commissure des lèvres jusqu’aux oreilles, est
16 « La réforme des expertises médico-légales », Revue des journaux et des sociétés savantes, Archives
d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique, Lyon, Storck, 1899,
t. 14, pp. 117-118.
949

- Conclusion générale -
notamment motivée par leur aspect moins mutilant 17 . De même, la suppression des traces
sanguinolentes qui ont pu souiller la dépouille, l’emploi du linceul, voire la mise en bière,
sont autant de subterfuges qui peuvent dissimuler l’acte cadavérique aux yeux des
profanes.
L’autopsie médico-légale, bien que son implication dans une procédure judiciaire
encourage de facto sa dissimulation, fait partie d’un phénomène plus large de relégation de
la mort, du cadavre et des activités qui y ont trait, derrière de hauts murs 18 . Le XIX e siècle
est la période où se mène une réflexion philosophique et politique sur les spectacles
cadavériques et corporels au sens large. Dès le premier tiers du siècle, les séances
publiques de dissection anatomique sont devenues impossibles du fait de la suppression
des amphithéâtres particuliers d’anatomie. Représentation prisée des dames et des
gentilshommes des XVII e et XVIII e siècles 19 , la dissection est à présent réservée aux seuls
“carabins”. Et les mesures sanitaires instaurées pour les espaces de la pratique anatomique
sont généralement assorties de recommandations morales visant à imposer un
comportement décent aux uns et à prémunir toute récrimination de la part des autres 20 .
C’est pour des raisons similaires que des consignes sont données pour isoler, au moins au
plan visuel, les salles des morts des salles des malades dans les hôpitaux, et que la
translation jusqu’à l’amphithéâtre de dissection ou au cimetière, des malades qui y seraient
décédés, doit s’effectuer avec un “moyen de locomotion” couvert. Ce mouvement se
poursuit, au cours des décennies suivantes, et s’achève au début du XX e siècle avec la
fermeture au public de la Morgue de Paris 21 , la discrétion accrue entourant les exécutions
capitales 22 , ainsi que l’interdiction de la présence des musées d’anatomie dans les foires 23 .
Il apparaît donc que la dépouille d’une victime de mort violente, et qui plus est
criminelle, prise en charge momentanément ou définitivement par l’institution judiciaire,
17 M. Renard, « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture des cadavres et
spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ.
Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, pp. 110-111.
18 Il convient de renvoyer aux travaux essentiels de Philipe Ariès sur ce sujet, principalement son ouvrage sur
intitulé L’homme devant la mort, t. 1 : Le temps des gisants et t. 2 : La mort ensauvagée, Paris, Editions du
Seuil, Points Histoire, 1977, 304 + 343 p.
19 Dominique Clevenot, « Les leçons de l’anatomie », Sociétés&Représentations : Le corps à l’épreuve, sous
la dir. de Rémi Lenoir et Myriam Tsikounas, Paris, CREDHESS, avril 1996, n°2, pp. 137-158.
20 D’Arcet, Parent-Duchâtelet, « De l’influence et de l’assainissement des salles de dissection », Annales
d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Crochard, 1831, t. 5, pp. 243-329.
21 « M. Lépine et la Morgue », Nouvelles, Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de
psychologie normale et pathologique, Lyon, Rey, 1907, t. 22, p. 442.
22 Régis Bertrand, Anne Carol, « Avant-propos » in Régis Bertrand, Anne Carol (sous la dir. de), L’exécution
capitale. Une mort donnée en spectacle XVI e -XX e siècle, Aix-en-Provence, PUP, Collection « Le temps de
l’histoire », 2003, p. 13.
23 David Le Breton, La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps humain, Paris, Métailié, 1993,
p. 218.
950

- Conclusion générale -
se trouve protégée et même dissimulée par elle. Cependant, il ne faut pas considérer
l’attitude de la magistrature à l’encontre du défunt, ou plus exactement vis-à-vis de son
corps, comme la volonté de lui redonner sa dignité, de prendre soin de celui qui a été
frappé dans sa chair par les agissements brutaux d’un individu dépourvu de compassion.
Le cadavre judiciaire est mis au service d’une institution qui, grâce à lui et à d’autres
procédés comme les témoignages, doit apporter une réponse à la communauté concernant
ce décès non naturel. Pour cette raison, il s’agit peut-être du corps avec lequel il est pris le
plus de libertés. La plupart des interdits en matière de manipulation post mortem sont
levés. La dépouille mortelle conserve quelques droits, ou plus exactement les vivants ont
quelques obligations et certaines règles à observer, dès lors qu’ils sont en présence d’un
corps privé de vie. La première concerne l’attente de 24 heures, délai à respecter avant
d’effectuer une quelconque manœuvre, inhumation, ouverture, moulage, ou encore
embaumement, sur le défunt. Avec l’examen cadavérique judiciaire, l’attente est inutile et
pourrait même s’avérer préjudiciable si les conditions atmosphériques favorisaient la
décomposition putride. De plus, même si certaines restrictions opératoires peuvent être
énoncées au sujet de l’autopsie médico-légale, il demeure que le médecin qui la réalise
peut procéder à toutes les incisions, explorations et autres extractions viscérales qu’il
estime nécessaire à la découverte des causes du trépas. De même, alors que les
manipulations cadavériques doivent être confinées dans certains espaces, hôpital, salle de
dissection, morgue, et qu’une autorisation doit être obtenue pour en réaliser dans tout autre
lieu, notamment une habitation, l’autopsie judiciaire est elle pratiquée, sans formalité, dans
des endroits absolument étrangers à l’exercice post mortem.
Toutes ces singularités découlent des circonstances très particulières dans lesquelles
les examens judiciaires se déroulent : le décès ne fait aucun doute, les lésions sont de telle
nature qu’elles nécessitent une exploration minutieuse mais mutilante, l’éloignement du
corps oblige à recourir à une salle d’autopsie de fortune. Mais, outre les situations
d’urgence, imprévisibles, qui caractérisent l’autopsie et facilitent un comportement
différent, presque irrespectueux, à l’encontre du défunt, ce qui différencie surtout l’examen
judiciaire est la possibilité de le faire réaliser sans autorisation préalable de la famille. Les
seuls corps auxquels les hommes de l’art peuvent faire subir toutes sortes d’expériences, ou
sur lesquels ils peuvent mener des investigations post mortem, sont les « corps vils », soit
« les condamnés à mort, les bagnards, les détenus, les orphelins, les prostituées, les
internés, les patients de l’hôpital, les paralytiques, les esclaves, les colonisés, les
951

- Conclusion générale -
moribonds » 24 . Or, faire pratiquer une ouverture cadavérique sur une victime de mort
suspecte peut être regardé comme un avilissement de celle-ci.
Les pouvoirs publics et le corps médical en disposent librement, comme ils le font
des criminels, des pauvres, de tous ces exclus de la communauté voire de l’humanité. Si
l’étude des dossiers poitevins a souligné l’absence quasi absolue d’une forme d’opposition
émise par l’entourage au sujet de l’examen cadavérique, certaines interrogations demeurent
et mériteraient une recherche approfondie. La question de l’avilissement que constitue
l’examen cadavérique, sorte de dégradation sociale, suscite une première interrogation.
Est-il possible de dégager des différences de comportements qui auraient pour origine le
statut social de la victime et de sa famille ? A l’image d’une justice qui prononce des
verdicts souvent favorables au prévenu quand celui-ci appartient à une famille de
notables 25 , les magistrats font-ils preuve de plus ou moins de prévenance en fonction du
milieu social du défunt ? Hommes de loi et hommes de l’art modifient-ils leur attitude et
leurs actions 26 : le lieu de l’examen est-il choisi avec plus de minutie, pour effectuer l’acte
à l’abri des regards et dans un espace convenable ; le corps est-il mieux préservé ? Pour
apporter des éléments de réponses, il serait nécessaire de procéder à une étude
socioprofessionnelle des victimes et de la mettre en perspective avec les procédures
d’examen et les circonstances qui l’entourent. Dans le même ordre d’idée, une analyse
confessionnelle des divers protagonistes de l’examen cadavérique pourrait fournir un
éclairage nouveau sur l’activité. La participation à l’autopsie, consentie ou non, d’individus
de confession absolument opposée à la moindre intervention sur la dépouille mortelle, par
exemple des Juifs, peut-elle être un autre indice de la suprématie du désir de justice sur
tout autre conviction ?
En outre, l’absolue liberté dont dispose les magistrats et leurs représentants locaux,
pour faire réaliser un examen post mortem en raison des doutes suscités par la nature du
trépas, n’entraîne-t-elle pas un recours systématique à un tel acte, et par conséquent ne
provoque-t-elle pas une sorte de banalisation de l’autopsie ? Des travaux anthropologiques
ont étudié ce phénomène de banalisation dans les opérations de chirurgie. A certaines
époques, des interventions comme l’ablation des amygdales deviennent quasi obligatoires,
24 Grégoire Chamayou, Les corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIII e et XIX e siècles, Paris,
Les Empêcheurs de penser en rond / La Découverte, 2008, p. 7.
25 Frédéric Chauvaud, « La justice en France, 1789-1939. Un modèle à l’épreuve », Crime, Histoire et
Sociétés, Genève-Paris, Droz, 2002, vol. 6, n°1, pp. 112-113.
26 Dans l’étude qu’il a réalisé sur les pompes funèbres, Julien Bernard remarque que « les déférences envers
les endeuillés étaient parfois relatives à leur statut social ». Cf. Julien Bernard, Emotions et rituel dans le
travail des pompes funèbres. Contribution à la sociologie des émotions, thèse de doctorat de sociologie, sous
la dir. d’Annie Guédez, Université de Poitiers, 2007, f° 138.
952

- Conclusion générale -
alors même qu’elles ne répondent à aucune exigence médicale 27 . De plus, l’émergence,
dans la seconde moitié du XIX e siècle, du concept de consentement 28 , comme condition
sine qua non à toute expérience médicale, a-t-elle suscité une réflexion en matière
d’autopsie judiciaire ? Il semble que oui. Du moins, certaines voix commencent à se faire
entendre quant à la possibilité de limiter ce genre d’examen éprouvant pour la famille 29 . Il
apparaît également que ce qui fait office de réflexe pour quelques-uns demeure une
exception pour d’autres. L’étude des suicides et des morts accidentelles met en exergue
qu’en ce qui les concerne, l’examen cadavérique demeure rare. Sur l’ensemble des cas
relevés en Poitou, seule une poignée a donné lieu à l’intervention d’un homme de l’art, et
une part encore plus restreinte a entraîné la réalisation d’une autopsie. Ce constat doit être
rapproché de la personnalité des autorités qui prennent en charge l’information relative à
de tels décès non naturels. En majorité, il s’agit de gendarmes, de maires et de juges de
paix. Or, ces représentants de la « justice de proximité » 30 , connaissent le plus souvent les
hommes et les femmes concernés, sont au fait de certaines difficultés familiales, de
certains comportements qui peuvent expliquer ces morts volontaires ou accidentelles. Un
témoignage est alors suffisant.
Si l’autopsie se banalise pour les magistrats et pour les médecins qui tiennent lieu
d’experts officiels, elles deviennent a contrario, pour le profane, une activité
exceptionnelle et inconnue. En effet, la dissimulation de l’opération et du corps qui y est
soumis, sous prétexte de préserver la sensibilité des proches, d’éviter les débordements
émotionnels, voire de prémunir les comportements immoraux, peut aussi entraîner une
mystification de l’exercice “autoptique”. Or, ce que l’opinion publique ne connaît pas, ce
qu’elle imagine être une autopsie judiciaire, peut alors susciter des mouvements
d’oppositions et des critiques dont les médecins seraient les premières victimes.
En rapprochant la volonté de réserver la réalisation de l’examen cadavérique à un
nombre limité de praticiens, aux diverses manœuvres qui visent à dissimuler l’acte lui-
même, puis le corps, il apparaît que l’autopsie judiciaire tend à retrouver son ancienne
27
Véronique Mouliné, La chirurgie des âges. Corps, sexualité et représentations du sang, Paris, Editions de
la Maison des sciences de l’homme, Collection « Ethnologie de la France », 1998, 340 p.
28
Grégoire Chamayou, Les corps vils…, op. cit., pp. 287-309.
29
« Autopsies légales », Chronique, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, 1901,
3 ème série, t. 46, p. 571.
30
Jacques-Guy Petit (sous la dir. de), Une justice de proximité : la justice de paix (1790-1958), Paris, PUF,
Collection « Droit et justice », 2003, 332 p.
953

- Conclusion générale -
définition : initialement consacrée aux cultes à mystères de l’Antiquité 31 , il s’agit de la
révélation de certaines vérités 32 ou de la contemplation de la divinité 33 . Privilège réservé à
un cercle restreint, l’autopsie judiciaire n’est accessible qu’aux seuls initiés, à ceux qui
possèdent les connaissances nécessaires pour décrypter le message silencieux que le
cadavre peut leur transmettre. La confrontation au cadavre constitue une sorte de rite de
passage pour chaque futur médecin, dans lequel il affronte la mort et sa propre mortalité 34 .
Une fois l’initiation accomplie, le jeune praticien appartient à un sérail. Cette impression
de milieu clos, partageant un langage et un savoir commun, abscons pour les non initiés,
est renforcée par la structure des traités de médecine légale. Une majeure partie de cette
littérature savante est élaborée en partant du principe que le lecteur dispose d’un minimum
de connaissances techniques qui lui permettront de mettre en pratique les indications et les
préceptes proposés. Les ouvrages de nature didactique, décrivant avec force précisions les
procédures à suivre, sont rares. Il est même permis de considérer que l’apprentissage des
manœuvres opératoires relève plus de l’imitation et de la transmission orale que de
l’enseignement livresque. En effet, Maurice Letulle, auteur d’une Pratique des autopsies
qui fait la part belle aux aspects pragmatiques de l’exercice cadavérique, signale que la
procédure d’autopsie employée dans les hôpitaux parisiens est « transmise de génération
en génération depuis plus d’un siècle par la tradition orale » 35 .
La constatation est tout aussi valable pour les rapports d’autopsies rédigés par les médecins
experts. Ces documents taisent nombre d’éléments circonstanciels ou techniques de la
procédure d’examen. En effet, les considérations qui concernent les détails de la pratique
de l’examen cadavérique, les savoir-faire mis en œuvrent, n’ont pas nécessité à être
indiqués explicitement dans le rapport d’autopsie. D’une part, parce que cela signifierait
révéler à des non initiés, les “secrets de fabrique” de l’examen post mortem, les
manipulations que seuls les membres avertis doivent être en mesure d’identifier, tels des
signes de reconnaissance échangés par les disciples d’une société secrète. D’autre part, la
31 Pour une présentation des religions à mystères, cf. l’ouvrage de Walter Burkert, Les cultes à mystères dans
l’Antiquité, traduit de l’anglais par Bernard Deforge et Louis Bardollet, avec la collaboration de György
Karsai, Paris, Les Belles Lettres, Vérité des mythes, 1992, 161 p.
32 « Autopsie », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, textes mis en
ordre et publiés par Denis Diderot et d’Alembert, Paris, 1751, t. 1, p. 897.
33 « Autopsie », Vocabulaire de la langue française d’après celui de Wailly et rédigé suivant la dictionnaire
de l’Académie française et des meilleurs lexicographes français, nouvelle édition, Paris, Lebigre frères,
1837, p. 57.
34 Emmanuelle Godeau, L’“esprit de corps”. Sexe et mort dans la formation des internes en médecine, Paris,
Editions de la Maison des sciences de l’homme, Collection « Ethnologie de la France », 2007, n°29,
pp. 11-52.
35 Maurice Letulle, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier, Paris, Naud, 1903, p. I.
954

- Conclusion générale -
construction du rapport d’autopsie répond à des exigences particulières dictées par la
finalité du document : fournir des éléments pertinents au magistrat qui a demandé
l’examen. Malgré l’absence de directives officielles relatives à la rédaction des comptes-
rendus d’expertises médico-légales 36 , un protocole rédactionnel est institué par les auteurs
qui s’intéressent à la discipline, dès le début du XIX e siècle 37 . Le rapport d’expertise
cadavérique rationalise la pratique de l’autopsie ; il en déconstruit, puis en reconstruit le
déroulement, pour produire un document qui ne présente pas une simple narration de la
mort, mais une réflexion sur les circonstances qui l’entourent. De même, il décrit le corps
dans le moindre détail, mais n’en figure pas de représentation. Si l’absence d’illustration
dans le rapport d’autopsie peut être considérée comme un indice supplémentaire de la
réservation du corps mort aux yeux des seuls initiés, il ne faut pas occulter que ce
document est avant tout une production écrite administrative, en plein essor au XIX e
siècle 38 . Par conséquent, sa forme requiert l’usage de mots et non d’images.
En ce sens, le rapport d’expertise et l’exercice “autoptique” dans son ensemble peuvent
également être considéré comme des éléments constitutifs d’un processus de régulation
sociale 39 . Il s’agit, pour reprendre les propos de Michel Foucault sur la
« gouvernementalité », de « l’ensemble constitué par les institutions, les procédures,
analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme bien
spécifique, quoique très complexe, de pouvoir qui a pour cible principale, la
population » 40 . L’autopsie, à l’instar de la déclaration du décès ou de la réglementation des
funérailles, est un procédé qui permet aux pouvoirs publics de conserver un minimum de
contrôle sur les individus, et cela par-delà la mort.
36 Gabriel Tourdes, « Rapports (Médecine légale, Hygiène publique) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série, t. 2, p. 331.
37 Voir par exemple les ouvrages de Jean-Jacques Belloc, Cours de médecine légale, théorique et pratique,
1 ère éd. 1801, 2 ème éd. corr. et augm., Paris, Méquignon, 1811, pp. 20-23 et M. Renard, « Considérations
médico-légales… », art. cit., pp. 121-123.
38 Jean Quéniart, Les Français et l’écrit, Paris, Hachette, Carré Histoire, 1998, p. 213.
39 Indice de ce phénomène de rationalisation ainsi que du contrôle des trépas et des trépassés, en décembre
1903, Alphonse Bertillon, père de l’anthropomètrie, rédige une circulaire relative à l’« Identité des cadavres
découverts – demandes de recherches au Service de l’Identité Judiciaire – Renseignements à fournir ». Cité
dans Ilsen About, « La police scientifique en quête de modèles : institutions et controverses en France et en
Italie (1900-1930) » in Jean-Claude Farcy, Dominique Kalifa, Jean-Noël Luc (sous la dir. de), L’enquête
judiciaire…, op. cit., p. 261.
40 Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, cours au Collège de France (1977-1978), édition établie
sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana, par Michel Senellart, Gallimard/Seuil, Hautes
Etudes, 2004, p. 111.
955

SOURCES
ET
BIBLIOGRAPHIE

SOURCES MANUSCRITES
PRESENTATION GENERALE DES SERIES

♦ Série J
♦ Série L
♦ Série M
♦ Série U
- Sources manuscrites -
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DES DEUX-SEVRES
•Sous-série J :
-16 J : Fonds de la famille du Dr Guyonnet.
-21 J : Fonds du Dr Louis Merle.
•Sous-série L 2 ème Supplément :
-L 2 ème Supplément U 28-40 : Dossiers de procédures criminelles (an IVan
VII).
-L 2 ème Supplément U 216-228 : Tribunal de Première Instance de
Bressuire. Dossiers de procédures correctionnelles (an V-anVIII).
•Sous-série 5M :
-5M 8/1-2 : Police des cimetières, transport de corps et exhumations (an
XIII-1932).
•Sous-série 6M :
-6M 5/1 : Médecins, chirurgiens : statistiques, affiches, états nominatifs
(1800-1866).
-6M 5/2 : Médecins assermentés : affiches, correspondance (1873-1945).
-6M 7 : Médecins assermentés : correspondance (1836-1973).
-6M 8 : Médecins légistes : tableaux, circulaires, procès-verbaux de
gendarmerie, correspondance (1805-1845).
-6M 9 : Médecins : rapports de prospection concernant des ouvrages de
médecine, circulaires (an IX-1921).
•Sous-série 2U :
-2U 6-392 : Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort (an X-
1914).
-2U 446 : Registre des frais de justice criminelle (1828-1859).
•Sous-série 3U 1 : Tribunal de Première Instance de Bressuire
-3U 1 : Dossiers de procédures correctionnelles (an IX-1828 et 1876-1895).
-3U 1 : Registre d’enregistrement de diplômes de médecins, chirurgiens,
officiers de santé et sages-femmes (an IX-1868).
-3U 1 : Liste des chirurgiens, docteurs en médecine (an XII-1912).
961

♦ Série X
♦ Série Z
- Sources manuscrites -
•Sous-série 3U 2 : Tribunal de Première Instance de Melle
-3U 2 : Registre des fonctionnaires (docteurs et officiers de santé) (an XI-
1881).
-3U 2 : Registres divers. Cahier d’inscription des nominations et prestations
de serment des huissiers, gardes, notaires, docteurs, sages-femmes, etc. (1884-
1904).
•Sous-série 3U 4 : Tribunal de Première Instance de Parthenay
-3U 4 : Dossiers de procédures correctionnelles (1871-1896 et 1910-1914).
-3U 4: Dépôt de diplômes (médecins, officiers de santé, pharmaciens, sagesfemmes)
(1827-1958).
•Sous-série 1X :
-1X 12-13 : Hôpitaux-hospices. Commissions administratives et affaires
générales (1801-1897).
-1X 14 : Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires (1888).
•Sous-série 2X :
-2X 1-3 : Bureaux de bienfaisance. Affaires générales (an X-1915).
-2X 173 : Bureau de bienfaisance de Thouars. Affaires diverses (1815-1947).
•Sous-série 3X :
-3X 46 : Médecine gratuite. Personnel (1865-1872).
-3X 48 : Aliénés. Personnel (médecins, infirmiers, internes, préposés etc.)
(1830-1932).
•Sous-série 1Z :
-1Z 5 : Procès-verbaux de prestations de serments de médecins (1874-1949).
962

♦ Série J
♦ Série L
♦ Série M
- Sources manuscrites -
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA VIENNE
•Sous-série J :
-J 108 : Quelques notes médicales et scientifiques du Dr Ayrault (XVIII e -
XIX e siècles).
-J 582 : Papiers de Maximin Bertault (officier de santé).
•Sous-série L :
-L 216-217 : Tribunaux civils et criminels (1790-an IX).
-L Supplément 237-239 : Dossiers des affaires de procédure
correctionnelle de Châtellerault (an VI-an VIII).
-L Supplément 240 : Dossiers des affaires de procédure criminelle de
Châtellerault (an VII-an VIII).
-L Supplément 401-420 : Dossiers de procédures criminelles (an III-an
VIII).
-L Supplément 423-437 : Tribunal correctionnel de Poitiers. Dossiers de
procédures (an IV-an VIII).
-L Supplément 438-444 : Tribunal correctionnel de Poitiers. Affaires à
non-lieu.
•Sous-série 4M :
-4M 293-296 : Rapports bi-décadaires de la gendarmerie (1840, 1852, 1867,
1899).
-4M 298 : Rapports de gendarmerie et procès-verbaux constatant des
suicides (1830-1897).
-4M 306 : Demandes d’autorisation de transport de corps (1891-1913).
•Sous-série 5M :
-5M 4-6 : Jury médical, Docteurs en médecine, officiers de santé,
pharmaciens, sages-femmes, visites pharmaceutiques (an XI-1859).
-5M 44 : Liste des docteurs en médecine, chirurgiens, officiers de santé (an
XI-1901).
-5M 267 : Personnel médical de la Vienne (1900-1924).
963

♦ Série T
♦ Série U
♦ Série X
•Sous-série 10T :
- Sources manuscrites -
-10T 1030 : Ecole de médecine.
-10T 1031-1032 : Société de médecine de Poitiers. Procès-verbaux des séances de
la société (1834-1835, 1841-1842, 1849-1860).
-10T 1033-1035 : Société de médecine de Poitiers. Rapports, mémoires et
études médicales présentés à la Société de médecine (1834-1856).
•Sous-série 2U :
-2U 1 : Frais de justice. Estimation et entretien des bois de justice (an VIII-
1830).
-2U 531-1757 : Dossiers de procédures de la Cour d’Assises de Poitiers
(1811-1900).
•Sous-série 3U 4 : Tribunal correctionnel de Montmorillon
-3U4 / 450 : Registre des officiers de santé, chirurgiens, médecins et sagesfemmes
(1823-1958).
-3U 4 / 587-649 : Dossiers de procédures (1841-1914).
•Sous-série 1X :
-1X 9 : Hôpitaux et hospices. Généralités. Commissions administratives :
instructions, correspondance, nominations des membres (an VIII-1876) ;
composition (1893-1895).
-1X 10 : Hôpitaux et hospices. Généralités. Personnel.
-1X 13 : Hospice d’Adriers. Commission administrative : nomination des
membres (1865-1888).
-1X 15 : Hospice de Château-Larcher. Commission administrative (1838-
1936) ; Personnel (1925).
-1X 22 : Hospice de Châtellerault. Conseil d’administration (1817-1929) ;
Personnel (1820-1939).
-1X 28 : Hôpital-hospice de Chauvigny. Commission administrative :
élections et nominations de membres (1851-1917) ; Personnel : nominations, salaire
(1828-1926).
-1X 33 : Hôpital-hospice de Civray. Commission administrative :
correspondance, nomination de membres (1845-1879).
-1X 35 : Hôpital-hospice de L’Isle-Jourdain. Commission administrative
(1873-1879).
-1X 43 : Hospice et hôpital de Loudun. Commission administrative :
correspondance et nomination des membres (1818-1879) ; Personnel : état du
personnel (1813-1939), médecins (1820-1916).
-1X 52 : Hôpital et hospice de Lusignan. Commission administrative (1844-
1917).
964

- Sources manuscrites -
-1X 58 : Hôpital-hospice de Mirebeau. Commission administrative :
correspondance, nomination des membres (1807-1878) ; Personnel : notaire et
chirurgien (1848-1849).
-1X 68 : Hôpital-hospice de Montmorillon. Commission administrative :
correspondance, nomination des membres (an X-1879) ; Personnel : personnel
médical (1821-1935).
-1X 85 : Hospices de Poitiers. Commission administrative et comité
consultatif : nomination de membres, correspondance (1812-1886) ; Personnel
médical : médecins (1809-1884, 1940), internes et externes (1827-1939).
-1X 111 : Maternité de Poitiers. Personnel : médecine (1890-1935).
-1X 112 : Hôpital général (aliénés). Personnel médical (1841-1907).
•Sous-série 2X :
-2X 8 : Bureau de bienfaisance de Châtellerault. Commission
administrative : membres (1824-1879).
-2X 9 : Bureau de bienfaisance de Dangé. Commission administrative :
membres (1879).
-2X 10 : Bureau de bienfaisance d’Ingrandes. Commission administrative :
membres (1853-1878).
-2X 11 : Bureau de bienfaisance de Loudun. Commission administrative :
membres (1817-1897).
-2X 12 : Bureau de bienfaisance de Moncontour. Commission
administrative : membres (1852-1878).
-2X 13 : Bureau de bienfaisance des Ormes. Commission administrative :
membres (1846-1887).
-2X 14 : Bureau de bienfaisance de Port-des-Piles. Commission
administrative : membres (1851-1877).
-2X 15 : Bureau de bienfaisance de La Roche-Posay. Commission
administrative : membres (1842-1878).
-2X 16 : Bureau de bienfaisance de Saint-Genest. Commission
administrative : membres (1855-1878).
-2X 21 : Bureaux de bienfaisance. Généralités. Commission administrative :
états et renouvellement des membres, arrondissement de Montmorillon (1866-
1875).
-2X 22 : Bureau de bienfaisance d’Adriers. Commission administrative :
membres (1874-1878).
-2X 23 : Bureau de bienfaisance d’Angles-sur-l’Anglin. Commission
administrative : membres (1838-1897).
-2X 24 : Bureau de bienfaisance de Bourg-Archambault. Commission
administrative : membres (1847).
-2X 25 : Bureau de bienfaisance de Ceaux. Commission administrative :
membres (1860-1894) ; Bureau de bienfaisance de Champniers. Commission
administrative : membres (1854-1877).
-2X 26 : Bureau de bienfaisance de Charroux. Commission administrative :
membres (1837-1877).
-2X 27 : Bureau de bienfaisance de Civray. Commission administrative :
membres (1830-1877).
-2X 29 : Bureau de bienfaisance de Couhé. Commission administrative :
membres (1837-1878).
965

- Sources manuscrites -
-2X 30 : Bureau de bienfaisance de Gençay. Commission administrative :
membres (1864-1879).
-2X 31 : Bureau de bienfaisance de Genouillé. Commission administrative :
membres (1867-1877).
-2X 32 : Bureau de bienfaisance de L’Isle-Jourdain. Commission
administrative : membres (1853-1879).
-2X 33 : Bureau de bienfaisance de Journet. Commission administrative :
membres (1863-1879) ; Bureau de bienfaisance de Lhommaizé. Commission
administrative : membres (1846-1879).
-2X 35 : Bureau de bienfaisance de Montmorillon. Commission
administrative : membres (1817-1879).
-2X 37 : Bureau de bienfaisance de Pressac. Commission administrative :
membres (1857-1874).
-2X 38 : Bureau de bienfaisance de Queaux. Commission administrative :
membres (1864-1879).
-2X 39 : Bureau de bienfaisance de St-Germain. Commission
administrative : membres (1846-1848) ; Bureau de bienfaisance de Saint-Maurice.
Commission administrative : membres (1867-1878).
-2X 41 : Bureau de bienfaisance de Saint-Savin. Commission
administrative : membres (1840-1878).
-2X 42 : Bureau de bienfaisance de Savigné. Commission administrative :
membres (1862-1878) ; Bureau de bienfaisance de La Trimouille. Commission
administrative : membres (1876-1880).
-2X 43 : Bureau de bienfaisance d’Usson. Commission administrative :
membres (1856-1876).
-2 X 45 : Bureau de bienfaisance de Benassay. Commission administrative :
membres (1874-1928).
-2 X 46 : Bureau de bienfaisance de Bonnes. Commission administrative :
membres (1841-1911).
-2X 47 : Bureau de bienfaisance de Celle-l’Evescault. Commission
administrative : membres (1846-1875)
-2X 48 : Bureau de bienfaisance de Coulombiers. Commission
administrative : membres (1845-1857).
-2X 49 : Bureau de bienfaisance de Gizay. Commission administrative :
membres (1873-1879) ; Bureau de bienfaisance de Latillé. Personnel (1905-1932).
Commission administrative : membres (1848-1878).
-2X 51 : Bureau de bienfaisance de Ligugé. Commission administrative :
membres (1852-1876).
-2X 52 : Bureau de bienfaisance de Lusignan. Commission administrative :
membres (1870-1877).
-2X 54 : Bureau de bienfaisance de Migné. Commission administrative :
membres (1842-1871).
-2X 55 : Bureau de bienfaisance de Nouaillé. Commission administrative :
membres (1854-1937).
-2X 57 : Bureau de bienfaisance de Poitiers. Commission administrative :
membres (1807-1937) ; Service de santé : nominations de médecins (1822-1878).
-2X 61 : Bureau de bienfaisance de Saint-Georges. Commission
administrative : membres (1856-1878).
-2X 62 : Bureau de bienfaisance de Smarves. Commission administrative :
membres (1864-1879).
966

♦ Série Z
- Sources manuscrites -
-2X 63 : Bureau de bienfaisance de Vernon. Commission administrative :
membres (1846-1878).
•Sous-série 3Z : Sous-préfecture de Loudun
-3Z 17 : Etat des personnels de santé (1819-1847).
-3Z 184 : Hospice de Loudun. Personnel-nominations (1818-1834) ;
Questionnaire (1888) ; Renouvellement annuel de la commission administrative de
l’hospice et du bureau de bienfaisance de Loudun (1817-1903).
•Sous-série 4Z : Sous-préfecture de Montmorillon
-4Z 48 : Personnel médical (1806-1828).
967

SOURCES MANUSCRITES
DETAIL DES AFFAIRES CRIMINELLES ET
CORRECTIONNELLES

- Sources manuscrites -
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DES DEUX-SEVRES
Les suicides et les morts accidentelles indiqués sont ceux pour lesquels ont moins un
procès-verbal a été trouvé.
® : Rapport d’autopsie particulier
Date : époque où a commencé la procédure judiciaire
♦ Procès-verbaux de gendarmerie
-6M 8 (1805-1845) : • Suicide (coup de fusil) (mai 1828)
• Suicide (noyade) (mai 1828)
• Mort accidentelle (chute dans un puits) (septembre 1828)
• Mort accidentelle (maladie) (janvier 1829)
• Mort accidentelle (apoplexie) (janvier 1829)
• Mort accidentelle (noyade) (janvier 1829)
• Mort accidentelle (noyade) (juin 1829)
• Mort accidentelle (écrasé par une meule) (juin 1829)
• Mort accidentelle (coup de pistolet) (juin 1829)
• Infanticide (juin 1829)
• Mort accidentelle (foudre) (juillet 1829)
• Mort accidentelle (noyade) (août 1829)
• Suicide (précipitation dans un puits) (octobre 1829)
• Mort accidentelle (maladie) (octobre 1829)
• Suicide (pendaison) (novembre 1829)
• Mort accidentelle (chute) (novembre 1829)
• Mort accidentelle (apoplexie cérébrale) ® (novembre 1829)
♦ Dossiers de cour d’assises
-L 2 ème Supplément U 28 (an IV) : • Homicides ® (pluviôse an IV)
-L 2 ème Supplément U 30 (an V) : • Assassinat (fructidor an III)
• Homicide (fructidor an IV)
-L 2 ème Supplément U 35 (an VII) : • Homicide et vol (pluviôse an VII)
-L 2 ème Supplément U 37 (an VII) : • Homicides (vendémiaire an VII)
-L 2 ème Supplément U 40 (an VII) : • Complicité d’homicide (prairial an VII)
-2U 6 (ventôse-thermidor an X) : • Homicide avec préméditation ® (nivôse an X)
-2U 8 (an XII) : • Homicide ® (messidor an XII)
-2U 10 (1806) : • Infanticide (janvier 1806)
-2U 11 (1807) : • Homicide ® (avril 1807)
• Assassinat ® (octobre 1807)
-2U 14 (1810) : • Infanticide ® (octobre 1810)
-2U 66 (1811) : • Infanticide (mars 1811)
• Infanticide (décembre 1812)
-2U 67 (1812) : • Meurtre (septembre 1811)
• Infanticide ® (novembre 1811)
-2U 68 (1813) : • Assassinat (octobre 1812)
-2U 70 (1814) : • Infanticide ® (mars 1814)
-2U 71 (1814) : • Infanticide ® (avril 1814)
971

- Sources manuscrites -
-2U 73 (1815) : • Assassinat ® (février 1815)
-2U 75 (1816) : • Assassinat ® (décembre 1815)
• Homicide volontaire (décembre 1815)
-2U 76 (1816) : • Infanticide ® (mars 1816)
-2U 77 (1816) : • Assassinat ® (mai 1816)
-2U 79 (1817) : • Infanticide (décembre 1816)
• Infanticide (avril 1817)
-2U 80 (1817) : • Homicide volontaire (août 1817)
-2U 81 (1818) : • Infanticide ® (novembre 1817)
• Infanticide et complicité ® (novembre 1817)
-2U 82 (1818) : • Assassinat ® (octobre 1817)
-2U 83 (1818) : • Infanticide ® (février 1818)
-2U 84 (1818) : • Infanticide ® (juillet 1818)
-2U 86 (1819) : • Homicide (mars 1813)
-2U 87 (1819) : • Infanticide (février 1819)
• Meurtre ® (avril 1819)
-2U 89 (1820) : • Infanticide ® (novembre 1819)
• Assassinat ® (janvier 1820)
• Assassinat (janvier 1820)
-2U 93 (1820) : • Suppression d’enfant (juillet 1820)
-2U 94 (1821) : • Assassinat (septembre 1820)
• Meurtre (novembre 1820)
-2U 98 (1821) : • Assassinat suivi de vol ® (juillet 1821)
-2U 100 (1822) : • Infanticide (mai 1822)
• Infanticide ® (août 1822)
-2U 101 (1823) : •Homicide volontaire (août 1819)
• Infanticide (novembre 1822)
• Infanticide ® (janvier 1823)
-2U 103 (1823) : • Assassinat ® (mai 1823)
• Infanticide ® (juin 1823)
-2U 107 (1824) : • Empoisonnement ® (mai 1824)
-2U 108 (1824) : • Assassinat ® (juillet 1824)
• Infanticide ® (septembre 1824)
2U 109 (1825) : • Infanticide ® (février 1825)
-2U 110 (1825) : • Assassinat ® (mars 1825)
• Infanticide ® (avril 1825)
-2U 112 (1826) : • Infanticide ® (novembre 1825)
-2U 113 (1826) : • Empoisonnement ® (janvier 1826)
-2U 114 (1826) : • Assassinat ® (mars 1826)
• Infanticide ® (mars 1827)
-2U 116 (1826) : • Infanticide ® (juillet 1826)
• Infanticide ® (juillet 1826)
-2U 119 (1827) : • Assassinat ® (janvier 1827)
• Infanticide ® (février 1827)
-2U 122 (1828) : • Infanticide ® (novembre 1827)
• Assassinat ® (novembre 1827)
-2U 124 (1828) : • Meurtre ® (juin 1828)
-2U 126 (1829) : • Infanticide ® (octobre 1828)
• Infanticide ® (novembre 1828)
972

- Sources manuscrites -
-2U 129 (1829) : • Assassinat ® (juin 1829)
• Empoisonnement ® (juin 1829)
-2U 131 (1830) : • Meurtre ® (décembre 1829)
• Infanticide ® (février 1830)
• Infanticide ® (mars 1830)
-2U 132 (1830) : • Assassinat et vols ® (mars 1830)
-2U 135 (1830) : • Infanticide ® (février 1831)
-2U 138 (1832) : • Meurtre ® (juillet 1832)
-2U 139 (1833) : • Parricide ® (octobre 1832)
-2U 140 (1833) : • Infanticide ® (septembre 1833)
-2U 141 (1834) : • Assassinat ® (septembre 1833) (Vienne)
-2U 142 (1834) : • Infanticide ® (avril 1834)
• Infanticide ® (mai 1834)
• Meurtre ® (février 1834)
-2U 143 (1834) : • Infanticide ® (juillet 1834)
-2U 144 (1834) : • Infanticide ® (octobre 1834)
• Meurtre ® (décembre 1834)
-2U 145 (1835) : • Meurtre et tentative de meurtre (septembre 1834)
• Infanticide. Suppression d’enfant ® (novembre 1834)
-2U 146 (1835) : • Meurtre ® (avril 1835)
• Assassinat et vol ® (avril 1835)
-2U 148 (1835) : • Infanticide ou tout au moins suppression d’enfant (août 1835)
-2U 158 (1836) : • Infanticide (avril 1836)
-2U 159 (1836) : •Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (juin 1836)
• Infanticide ® (août 1836)
• Infanticide ® (septembre 1836)
• Infanticide ® (septembre 1836)
-2U 162 (1837) : • Assassinat ou complicité (1833)
-2U 163 (1837) : • Infanticide ® (avril 1837)
-2U 164 (1837) : • Blessures volontaires ayant occasionné la mort ® (juillet 1837)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort ® (août 1837)
-2U 168 (1838) : • Infanticide ® (juillet 1838)
-2U 170 (1839) : • Infanticide ® (avril 1839)
-2U 172 (1840) : • Assassinat ® (novembre 1839)
• Assassinat ® (décembre 1839)
-2U 175 (1840) : • Meurtre ® (juillet 1840)
• Infanticide ® (septembre 1840)
• Infanticide et complicité d’infanticide ® (octobre 1840)
-2U 176 (1841) : • Meurtre ® (septembre 1840) (Vienne)
-2U 177 (1841) : • Infanticide ® (janvier 1841)
• Empoisonnement ® (février 1841)
• Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (février 1841)
• Infanticide ® (mai 1841)
• Infanticide ® (juin 1841)
-2U 178 (1841) : • Infanticide ® (juillet 1841)
-2U 182 (1843) : • Parricides par empoisonnement et complicité ® (octobre 1842)
-2U 185 (1843) : • Infanticide ® (juillet 1843)
• Coups volontaires suivis de mort portés sans intention de la donner ®
(septembre 1843)
-2U 189 (1844) : • Empoisonnement ® (mars 1844)
973

- Sources manuscrites -
-2U 191 (1845) : • Infanticide (janvier 1845)
-2U 195 (1846) : • Assassinat ® (mars 1846)
• Assassinat et tentative d’assassinat (juillet 1846)
• Coups et blessures qui ont occasionné la mort sans intention de la
donner® (juillet 1846)
-2U 199 (1848) : • Empoisonnement ® (mars 1848)
-2U 201 (1849) : • Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort sans intention
de la donner et vols qualifiés, complicité de ces crimes ® (décembre 1848)
-2U 202 (1849) : • Infanticide (septembre 1849)
• Infanticide. Homicide par imprudence et défaut de déclaration de
naissance ® (octobre 1849)
-2U 203 (1850) : • Infanticide (octobre 1849)
• Homicide volontaire ® (décembre 1849)
-2U 204 (1850) : • Empoisonnement ® (décembre 1849)
• Infanticide ® (mars 1850)
• Infanticide ® (avril 1850)
• Infanticide ® (mai 1850)
-2U 206 (1850) : • Infanticide (septembre 1850)
-2U 207 (1851) : • Infanticide ® (décembre 1850)
-2U 208 (1851) : • Infanticide ® (mai 1851)
• Infanticide ® (mai 1851)
• Infanticide ® (mai 1851)
• Coups volontaires et blessures graves ® (juillet 1851)
-2U 211 (1852) : • Homicide volontaire ® (août 1852)
-2U 212 (1852) : • Meurtre ® (juillet 1852)
-2U 217 (1853) : • Meurtre ® (juin 1853)
-2U 219 (1854) : • Infanticide ® (mars 1854)
-2U 222 (1855) : • Assassinat et vol ® (décembre 1854)
-2U 224 (1855) : • Infanticide ® (juillet 1855)
-2U 226 (1856) : • Infanticide ® (décembre 1855)
-2U 227 (1856) : • Infanticide ® (février 1856)
-2U 228 (1856) : • Infanticide ® (juin 1856)
-2U 230 (1857) : • Infanticide ® (novembre 1856)
-2U 231 (1857) : • Homicide volontaire ® (septembre 1857)
-2U 232 (1858) : • Infanticide ® (janvier 1858)
• Infanticide ® (janvier 1858)
-2U 233 (1858) : • Infanticide ® (juillet 1858)
• Infanticide ® (septembre 1858)
• Infanticide ® (octobre 1858)
-2U 235 (1859) : • Infanticide ® (septembre 1859)
-2U 236 (1860) : • Infanticide ® (février 1860)
-2U 237 (1860) : • Assassinat ® (juillet 1860)
-2U 239 (1861) : • Infanticide ® (décembre 1860)
• Infanticide ® (février 1861)
• Infanticide ® (mars 1861)
-2U 242 (1862) : • Infanticide ® (décembre 1861)
-2U 245 (1863) : • Infanticide ® (mars 1863)
-2U 246 (1864) : • Homicide volontaire ® (décembre 1863)
• Infanticide ® (mars 1864)
-2U 247 (1864) : • Parricide ® (juillet 1864)
974

- Sources manuscrites -
-2U 249 (1865) : • Empoisonnement ® (avril 1865)
-2U 251 (1866) : • Assassinat ® (juin 1866)
• Infanticide et complicité ® (juillet 1866)
-2U 252 (1866) : • Empoisonnement ® (mai 1866)
• Viol et infanticide ® (octobre 1866)
• Infanticide ® (octobre 1866)
-2U 253 (1867) : • Infanticide ® (avril 1867)
-2U 254 (1867) : • Assassinat ® (octobre 1867)
-2U 255 (1868) : • Empoisonnement ® (août 1867)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort ® (janvier 1868)
-2U 256 (1868) : • Infanticide ® (mars 1868)
-2U 257 (1868) : • Meurtre et vol qualifié ® (juin 1868)
• Infanticide et complicité ® (juillet 1868)
• Infanticide ® (septembre 1868)
-2U 258 (1869) : • Assassinat ® (septembre 1868)
• Infanticide ® (avril 1869)
-2U 259 (1869) : • Assassinat ® (septembre 1869)
-2U 260 (1870) : • Avortement (novembre 1869)
• Infanticide ® (janvier 1870)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort ® (mai 1870)
-2U 261 (1870) : • Assassinat ® (août 1870)
-2U 264 (1871) : • Infanticide et complicité ® (mai 1871)
-2U 266 (1872) : • Vol et infanticide ® (mars 1872)
-2U 269 (1872) : • Infanticide ® (août 1872)
• Infanticide ® (septembre 1872)
-2U 270 (1873) : • Infanticide ® (décembre 1872)
-2U 271 (1873) : • Assassinat et vols ® (juin 1873)
• Infanticide (juin 1873)
-2U 272 (1873) : • Infanticide ® (septembre 1873)
-2U 275 (1875) : • Infanticide ® (février 1875)
-2U 279 (1876) : • Meurtre avec préméditation, guet-apens et coups blessures volontaires®
(mars 1876)
-2U 284 (1877) : • Assassinat ® (septembre 1877)
-2U 285 (1878) : • Infanticide ® (mai 1878)
-2U 286 (1878) : • Meurtre ® (août 1878)
-2U 287 (1879) : • Infanticide ® (novembre 1878)
• Meurtre ® (janvier 1879)
-2U 288 (1879) : • Infanticide ® (mai 1879)
• Infanticide ® (juin 1879)
-2U 292 (1880) : • Assassinat et vol ® (janvier 1880)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort sans intention de
la donner ® (janvier 1880)
-2U 293 (1880) : • Infanticide ® (janvier 1880)
• Infanticide ® (avril 1880)
-2U 294 (1880) : • Infanticide ® (juin 1880)
• Infanticide ® (septembre 1880)
-2U 295 (1881) : • Meurtre ® (mars 1881)
-2U 298 (1881) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (juin 1881)
-2U 302 (1883) : • Infanticide ® (novembre 1882)
-2U 303 (1883) : • Infanticide ® (août 1883)
975

- Sources manuscrites -
-2U 305 (1884) : • Infanticide ® (janvier 1884)
• Infanticide ® (janvier 1884)
-2U 306 (1884) : • Assassinat ® (mars 1884)
• Assassinat et complicité d’assassinat ® (mars 1884)
-2U 309 (1885) : • Assassinat ® (octobre 1884)
-2U 310 (1885) : • Infanticide ® (mars 1885)
-2U 312 (1886) : • Infanticide ® (mars 1886)
-2U 313 (1886) : • Assassinat ® (juillet 1886)
• Assassinat et vol ® (décembre 1886)
-2U 321 (1888) : • Infanticide ® (février 1888)
• Infanticide ® (avril 1888)
• Infanticide ® (avril 1888)
• Meurtre et complicité ® (juin 1888)
-2U 322 (1889) : • Assassinat ® (février 1889)
-2U 324 (1890) : • Avortement ® (janvier 1890)
• Suppression d’enfant ® (janvier 1890)
-2U 325 (1890) : • Infanticide ® (mars 1890)
• Blessure volontaire ayant donné la mort sans intention de la donner et
complicité ® (mars 1890)
-2U 326 (1890) : • Infanticide ® (mai 1890)
• Infanticide ® (juillet 1890)
• Meurtre ® (juillet 1890)
-2U 327 (1890) : • Assassinat et complicité d’assassinat ® (avril 1890)
-2U 329 (1891) : • Infanticide ® (mai 1891)
• Infanticide ® (mai 1891)
-2U 330 (1891) : • Infanticide ® (mai 1891)
-2U 331 (1891) : • Assassinat ® (juin 1891)
-2U 334 (1892) : • Blessures volontaires ayant occasionné la mort sans intention de la
donner ® (février 1892)
-2U 336 (1892) : • Coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de
la donner (juin 1892)
-2U 339 (1893) : • Empoisonnement et complicité ® (mars 1893)
• Assassinat ® (décembre 1893)
-2U 340 (1894) : • Infanticide ® (février 1894)
• Infanticide ® (mars 1894)
-2U 341 (1894) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (juin 1894)
-2U 356 (1895) : • Suppression d’enfant ® (avril 1895)
-2U 357 (1895) : • Assassinat et vol qualifié ® (août 1895)
• Infanticide et complicité ® (août 1895)
-2U 362 (1899) : • Homicide volontaire et tentative d’homicide volontaire ® (décembre
1898)
-2U 368 (1901) : • Coups suivis de mort ® (mai 1901)
-2U 371 (1903) : • Homicide volontaire ® (novembre 1903)
-2U 372 (1904) : • Assassinat et vol ® (avril 1898)
• Coups mortels ® (septembre 1904)
-2U 373 (1905) : • Assassinat et vol ® (décembre 1904)
-2U 375 (1905) : • Coups mortels ® (août 1905)
-2U 376 (1905) : • Assassinat ® (octobre 1905)
-2U 377 (1906) : • Infanticide ® (avril 1906)
-2U 380 (1908) : • Infanticide ® (mai 1908)
976

- Sources manuscrites -
-2U 381 (1908) : • Assassinat ® (juin 1908)
-2U 383 (1910) : •Infanticide ® (février 1910)
• Coups et blessures volontaires mortels ® (juin 1910)
-2U 384 (1911) : • Assassinat et vol ® (janvier 1911)
-2U 385 (1911) : • Meurtre ® (août 1911)
-2U 386 (1912) : • Coups mortels et port d’arme prohibé ® (décembre 1911)
-2U 387 (1912) : • Infanticide ® (avril 1912)
-2U 391 (1914) : • Assassinat ® (octobre 1913)
-2U 392 (1914) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (septembre 1914)
• Infanticide ® (octobre 1914)
♦ Dossiers de procédures correctionnelles
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE BRESSUIRE
-L 2 ème Supplément U 216 (an V) : • Homicide (fructidor an IV)
• Assassinat (floréal an V)
-L 2 ème Supplément U 219 (an VI) : • Assassinat ® (ventôse an VI)
-L 2 ème Supplément U 223 (an VII) : • Mort accidentelle (apoplexie par ivresse) (pluviôse
an VII)
-L 2 ème Supplément U 224 (an VII) : • Homicide (prairial an VI)
-L 2 ème Supplément U 227 (an VIII) : • Assassinat (thermidor an VIII)
-L 2 ème Supplément U 228 (an VIII) : • Assassinat ® (thermidor an VII)
• Assassinat (vendémiaire an VIII)
-3U 1 (ventôse-thermidor an IX) : • Empoisonnement (pluviôse an IX)
• Suicide (pendaison) (pluviôse an IX)
• Suicide (pendaison (ventôse an IX)
-3U 1 (vendémiaire-prairial an X) : • Mort accidentelle (chute) (prairial an X)
-3U 1 (pluviôse-fructidor an XI) : • Mort accidentelle (noyade) (floréal an XI)
-3U 1 (an XIII) : • Infanticide ® (germinal an XIII)
-3U 1 (an XIV) : • Infanticide (jour complémentaire an XIII)
-3U 1 (1808) : • Infanticide (janvier 1808)
-3U 1 (1 er semestre 1811) : • Assassinat (avril 1808)
• Mort accidentelle ® (noyade) (juillet 1811)
-3U 1 (2 ème semestre 1811) : • Homicide ® (janvier 1812)
-3U 1 (1812) : • Infanticide (mars 1812)
• Mort accidentelle (mars 1812)
• Suicide (strangulation) ® (mai 1812)
• Mort accidentelle (immersion) ® (août 1812)
• Mort subite ® (août 1812)
• Mort accidentelle (chute) (août 1812)
-3U 1 (1813) : • Infanticide ® (avril 1813)
-3U 1 (1815) : • Meurtre (février 1815)
-3U 1 (1 er semestre 1816) : • Assassinat (août 1815)
• Suicide (noyade) (janvier 1816)
• Mort accidentelle (apoplexie) (janvier 1816)
• Mort subite (janvier 1816)
• Mort accidentelle (noyade) (février 1816)
• Mort accidentelle (épilepsie) (février 1816)
• Mort accidentelle (noyade) (mars 1816)
977

- Sources manuscrites -
• Mort accidentelle (noyade) (mars 1816)
• Mort accidentelle (juillet 1816)
• Mort accidentelle (noyade) (novembre 1816)
• Mort accidentelle (noyade) (décembre 1816)
-3U 1 (1817) : • Meurtre (mauvais traitements) (décembre 1816)
• Mort accidentelle (noyade) ® (février 1817)
• Mort accidentelle (noyade) (juin 1817)
• Suicide (pendaison) (août 1817)
-3U 1 (1818) : • Suicide (coup de pistolet) (janvier 1818)
• Assassinat (août 1817)
• Empoisonnement (mai 1818)
• Mort accidentelle (noyade) (mai 1818)
• Mort accidentelle (noyade) (mai 1818)
• Mort accidentelle (noyade) (juillet 1818)
• Mort accidentelle (noyade) (juillet 1818)
• Homicide ® (août 1818)
• Mort accidentelle noyade) (août 1818)
• Suicide (pendaison) (septembre 1818)
• Mort accidentelle (noyade) (octobre 1818)
-3U 1 (1819) : • Mort accidentelle (noyade) (mars 1819)
• Suicide (noyade) (mai 1819)
• Assassinat (août 1819)
• Mort accidentelle (noyade) (août 1819)
• Mort accidentelle (mort apoplectique) (août 1819)
• Mort subite ® (septembre 1819)
-3U 1 (1820-1821) : • Mort accidentelle (écrasé par une charrette) ® (mars 1820)
• Suicide par pendaison (mai 1820)
• Suicide (noyade) (juin 1820)
• Mort accidentelle (noyade) (juillet 1820)
• Suicide par suspension (août 1820)
• Mort accidentelle (apoplexie) (janvier 1821)
• Mort accidentelle (noyade) (février 1821)
• Mort accidentelle (noyade) (mars 1821)
• Mort accidentelle (nouveau-né) (mars 1821)
• Mort accidentelle (écrasé par solive) (avril 1821)
• Infanticide (mai 1821)
• Suicide (noyade) (mai 1821)
• Suicide (empoisonnement) (mai 1821)
• Mort accidentelle (fausse couche) (mai 1821)
• Suicide (noyade) (juin 1821)
• Suicide (coup de pistolet) (juin 1821)
• Suicide (empoisonnement) (juin 1821)
• Suicide (pendaison) (juin 1821)
• Mort accidentelle (noyade) (août 1821)
• Mort accidentelle (feu) (septembre 1821)
-3U 1 (1822-mars 1823) : • Suicide (chute dans un puits) ® (février 1822)
• Suicide (noyade) (avril 1822)
• Mort accidentelle (écrasé par un mur) (juin 1822)
• Suicide (pendaison) (juillet 1822)
• Mort accidentelle (noyade) (septembre 1822)
978

- Sources manuscrites -
• Mort accidentelle (noyade) (septembre 1822)
• Mort accidentelle (épilepsie) (octobre 1822)
• Suicide (noyade) (février 1823)
• Mort accidentelle ® (mars 1823)
-3U 1 (avril 1823-février 1824) : • Mort accidentelle (noyade) (avril 1823)
• Mort accidentelle (noyade) (mai 1823)
• Suicide (coup de pistolet) (juin 1823)
• Mort accidentelle (apoplexie) (août 1823)
• Suicide (noyade) (septembre 1823)
• Mort accidentelle (maladie) (septembre 1823)
• Suicide (pendaison) (octobre 1823)
-3U 1 (mars-décembre 1824) : • Suicide (noyade) (avril 1824)
• Mort accidentelle (apoplexie) (avril 1824)
• Mort accidentelle (noyade) ® (mai 1824)
• Mort accidentelle (noyade) ® (mai 1824)
• Suicide (coup de pistolet) (juillet 1824)
• Mort accidentelle (noyade) (juillet 1824)
• Mort accidentelle (noyade) (août 1824)
• Mort accidentelle (apoplexie vineuse) (novembre 1824)
• Infanticide (mort-né) (décembre 1824)
• Mort accidentelle (épilepsie) ® (décembre 1824)
-3U 1 (mai-décembre 1825) : • Mort accidentelle (noyade) ® (mars 1825)
• Mort accidentelle (noyade) (avril 1825)
• Suicide (empoisonnement) ® (mai 1825)
• Homicide par imprudence (juin 1825)
• Suicide (pendaison) (juin 1825)
• Mort accidentelle (noyade) (juin 1825)
• Mort accidentelle (chute) (juillet 1825)
• Mort accidentelle (mort apoplectique) (juillet 1825)
• Mort subite (septembre 1825)
• Mort accidentelle (noyade) (septembre 1825)
• Suicide (coup de fusil) ® (décembre 1825)
• Mort accidentelle (feu) (décembre 1825)
-3U 1 (1 er semestre 1826) : • Mort accidentelle (feu) (janvier 1826)
• Mort accidentelle (noyade) (février 1826)
• Mort accidentelle (épilepsie) (mars 1826)
• Infanticide (avril 1826)
• Mort accidentelle (feu) ® (avril 1826)
-3U 1 (2 ème semestre 1826) : • Mort accidentelle (noyade) (juillet 1826)
• Suicide (coup de fusil) ® (août 1826)
• Mort accidentelle (noyade) (août 1826)
• Mort accidentelle (écrasé par une charrette) (août 1826)
• Mort accidentelle (commotion) (août 1826)
• Mort accidentelle (entraîné par un bœuf) (octobre 1826)
-3U 1 (1828) : • Mort accidentelle (écrasé par une voiture) (avril 1828)
• Suicide (noyade) (mai 1828)
• Mort accidentelle (noyade) ® (juillet 1828)
• Suicide (noyade) ® (août 1828)
• Mort accidentelle (noyade) (août 1828)
• Mort accidentelle (août 1828)
979

- Sources manuscrites -
• Mort accidentelle (foudre) (août 1828)
• Homicide involontaire (septembre 1828)
• Mort subite ® (septembre 1828)
• Mort subite (septembre 1828)
• Mort accidentelle (maladie) (octobre 1828)
• Suicide (pendaison) (novembre 1828)
• Mort accidentelle (empoisonnement) (novembre 1828)
-3U 1 (1 er semestre 1876) : • Suppression d’enfant ® (juillet 1876)
-3U 1 (2 ème semestre 1876) : • Homicide par imprudence ® (août 1876)
• Homicide par imprudence ® (septembre 1876)
• Infanticide ® (décembre 1876)
-3U 1 (1 er semestre 1877) : • Homicide par imprudence ® (juillet 1877)
-3U 1 (1878) : • Homicide par imprudence et exercice illégal de la médecine ® (mai 1878)
• Homicide par imprudence (octobre 1878)
-3U 1 (1879) : • Homicide par imprudence ® (avril 1879)
• Assassinat (mort subite) ® (octobre 1879)
-3U 1 (1 er semestre 1881) : • Assassinat ® (septembre 1881)
-3U 1 (2 ème semestre 1881) : • Suppression d’enfant ® (août 1881)
-3U 1 (1882) : • Infanticide ® (février 1882)
• Homicide par imprudence (infanticide) ® (mars 1882)
-3U 1 (1 er semestre 1883) : • Homicide et blessures par imprudence ® (juillet 1883)
-3U 1 (1884) : • Avortement ® (avril 1884)
-3U 1 (1 er semestre 1885) : • Suppression d’enfant (février 1885)
• Avortement ® (mars 1885)
• Homicide par imprudence ® (avril 1885)
-3U 1 (1 er semestre 1886) : • Vol et homicide par imprudence ® (avril 1886)
-3U 1 (2 ème semestre 1886) : • Homicide par imprudence ® (mars 1887)
-3U 1 (1887) : • Homicide par imprudence et complicité (décembre 1886)
-3U 1 (1888) : • Infanticide ® (juillet 1888)
-3U 1 (1 er semestre 1889) : • Suppression de part (mai 1889)
-3U 1 (2 ème semestre 1889) : • Homicide par imprudence ® (novembre 1889)
-3U 1 (1 er semestre 1890) : • Homicide par imprudence ® (mars 1890)
-3U 1 (1 er semestre 1893) : • Suppression de part (mars 1893)
-3U 1 (1 er semestre 1894) : • Coups et blessures ® (mai 1894)
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARTHENAY
-3U 4 (2 ème semestre 1871) : • Homicide involontaire (décembre 1871)
-3U 4 (1 er semestre 1872) : • Infanticide et vol ® (octobre 1871)
• Homicide involontaire ® (mars 1872)
-3U 4 (1 er semestre 1873) : • Homicide par imprudence (mars 1873)
• Homicide par imprudence (infanticide) ® (avril 1873)
-3U 4 (2 ème semestre 1875) : • Homicide par imprudence (infanticide) ® (août 1875)
• Homicide par imprudence d’un enfant nouveau né ®
(décembre 1875)
-3U 4 (1 er trimestre 1885) : • Homicide par imprudence et port d’armes prohibées ®
(janvier 1885)
-3U 4 (4 ème trimestre 1886) : • Homicide par imprudence. Coups et blessures ®
(septembre 1886)
980

- Sources manuscrites -
-3U 4 (1 er trimestre 1890) : • Homicide par imprudence ® (avril 1890)
-3U 4 (4 ème trimestre 1891) : • Homicide par imprudence ® (octobre 1891)
-3U 4 (1 er trimestre 1892) : • Homicide par imprudence (infanticide) ® (janvier 1892)
-3U 4 (1 er trimestre 1893) : • Homicide par imprudence ® (décembre 1892)
-3U 4 (2 ème trimestre 1893) : • Homicide par imprudence et blessure par imprudence ®
(mars 1893)
-3U 4 (4 ème trimestre 1893) : • Inhumation précipitée et sans autorisation ® (septembre
1893)
981

- Sources manuscrites -
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA VIENNE
Les suicides et les morts accidentelles indiqués sont ceux pour lesquels ont moins un
procès-verbal a été trouvé.
® : Rapport d’autopsie particulier
Date : époque où a commencé la procédure judiciaire
♦ Procès-verbaux de gendarmerie
-4M 296 (1899) : • Découverte d’un cadavre (suicide) (février 1899)
• Suicide par strangulation (mars 1899)
• Mort accidentelle (chute) (mars 1899)
• Mort accidentelle (chute et écrasé par une charrette) (mars 1899)
• Mort accidentelle (éboulement) (mars 1899)
• Mort accidentelle (feu) (mars 1899)
• Mort accidentelle (noyade) (avril 1899)
• Suicide par submersion (mai 1899)
• Suicide par immersion (mai 1899)
• Suicide à l’aide d’une arme à feu (mai 1899)
• Mort accidentelle (écrasé par une pièce de bois) (mai 1899)
• Mort subite (embolie) (mai 1899)
• Mort subite (apoplexie foudroyante) (mai 1899)
• Suicide par strangulation (juin 1899)
• Mort accidentelle (noyade) (juin 1899)
• Mort accidentelle (chute) (juillet 1899)
• Mort accidentelle (noyade) (juillet 1899)
• Mort subite (apoplexie) (juillet 1899)
• Suicide par immersion (août 1899)
• Découverte de cadavre (suicide) (août 1899)
• Suicide par immersion (août 1899)
• Mort accidentelle (chute) (août 1899)
• Mort subite (septembre 1899)
• Mort accidentelle (machine à battre) (septembre 1899)
• Découverte de cadre (mort subite) (septembre 1899)
• Mort accidentelle (écrasé par un train) (septembre 1899)
• Mort subite (apoplexie) (septembre 1899)
• Suicide par strangulation (octobre 1899)
• Suicide (écrasé par un train) (octobre 1899)
• Mort accidentelle (noyade) (octobre 1899)
• Mort accidentelle (éboulement) (octobre 1899)
• Suicide à l’aide d’un fusil (novembre 1899)
• Mort accidentelle (noyade) (novembre 1899)
• Suicide par pendaison (décembre 1899)
• Suicide par pendaison (décembre 1899)
• Suicide par strangulation (décembre 1899)
• Morts accidentelles (noyades) (décembre 1899)
• Mort accidentelle (feu) (décembre 1899)
982

- Sources manuscrites -
-4M 298 (1830-1897) : • Suicide par immersion (juillet 1871)
• Suicide par immersion (août 1872)
• Suicide par submersion (novembre 1872)
• Suicide par immersion (janvier 1873)
• Suicide par strangulation (juin 1873)
• Suicide par submersion (juin 1873)
• Suicide par strangulation (juillet 1873)
• Suicide par submersion (septembre 1873)
• Suicide par submersion (décembre 1873)
• Suicide par strangulation (septembre 1874)
• Suicide à l’aide d’une arme à feu (septembre 1874)
• Suicide par empoisonnement (septembre 1874)
• Suicide par strangulation (octobre 1874)
• Suicide par strangulation (décembre 1874)
• Suicide par strangulation (juin 1875)
• Suicide par strangulation (juillet 1875)
• Suicide par immersion (décembre 1882)
• Suicide par strangulation (février 1883)
• Suicide par strangulation (mars 1883)
• Suicide par strangulation (mai 1883)
• Suicide par strangulation (décembre 1883)
• Suicide par strangulation (juin 1885)
• Suicide par immersion (juin 1885)
• Suicide par strangulation (novembre 1887)
• Suicide (écrasé par un train) (juin 1892)
• Mort suite à une tentative de suicide par immersion (octobre
1895)
• Suicide par immersion (avril 1896)
• Suicide par submersion (avril 1896)
• Suicide par submersion (avril 1896)
• Suicide par empoisonnement (juin 1896)
• Suicide par submersion (juin 1896)
• Suicide par immersion (juillet 1896)
• Suicide par asphyxie (juillet 1896)
• Suicide (écrasé par un train) (juillet 1896)
• Suicide par strangulation (juillet 1896)
• Suicide par submersion (août 1896)
• Suicide par immersion (août 1896)
• Suicide par immersion (mars 1897)
• Suicide par immersion (mars 1897)
• Suicide par strangulation (avril 1897)
• Suicide par submersion (mai 1897)
• Suicide à l’aide d’un pistolet (juillet 1897)
• Suicide par immersion (août 1897)
• Suicide par immersion (septembre 1897)
• Suicide par submersion (septembre 1897)
• Suicide par submersion (septembre 1897)
• Suicide par submersion (septembre 1897)
983

♦ Dossiers de cour d’assises
- Sources manuscrites -
-L Supplément 401 (an III) : • Assassinat et vol (pluviôse an III)
• Homicide (ventôse an III)
-L Supplément 403 (an IV) : • Infanticide (messidor an III)
• Assassinat (fructidor an III)
• Infanticide (jour complémentaire an III)
-L Supplément 404 (an IV) : • Assassinat (nivôse an IV)
• Infanticide ® (nivôse an IV)
-L Supplément 405 (an IV) : • Assassinat (germinal an IV)
-L Supplément 407 (an V) : • Assassinat (messidor an IV)
• Infanticide (meurtre) (vendémiaire an V)
-L Supplément 408 (an V) : • Assassinat (brumaire an V)
-L Supplément 409 (an V) : • Infanticide (frimaire an V)
• Vol et assassinat ® (frimaire an V)
-L Supplément 410 (an VI) : • Assassinats ® (nivôse an V) (Deux-Sèvres)
-L Supplément 411 (an VI) : • Homicide ® (frimaire an VI)
-L Supplément 412 (an VI) : • Assassinat (brumaire an V)
-L Supplément 413 (an VI) : • Assassinat (pluviôse an V)
-L Supplément 415 (an VII) : • Assassinats ® (nivôse an V) (Deux-Sèvres)
• Infanticide ® (prairial an VI)
-L Supplément 416 (an VII) : • Assassinat (germinal an V)
• Infanticide (homicide) (messidor an VI)
-L Supplément 418 (an VII) : • Infanticide (germinal an VII)
-2U 531 (1811) : • Infanticide ® (février 1811)
• Assassinat (mars 1811)
• Infanticide (mai 1811)
• Assassinat et vol (juillet 1811)
-2U 536 (1815) : • Assassinat (février 1814)
• Homicide (mai 1814)
-2U 537 (1816) : • Meurtre volontaire avec préméditation (décembre 1815)
• Assassinat avec préméditation et vol ® (février 1816)
-2U 538 (1817) : • Infanticide (décembre 1816)
• Assassinat et vol (mai 1816)
• Infanticide ® (février 1817)
• Infanticide ® (mars 1817)
• Assassinat (avril 1817)
-2U 542 (1821) : • Meurtre ® (octobre 1820)
-2U 543 (1821) : • Infanticide ® (septembre 1821)
-2U 544 (1822) : • Homicide volontaire ® (décembre 1821)
• Assassinat (parricide) ® (juin 1822)
-2U 545 (1823) : • Infanticide ® (mai 1822)
• Empoisonnement (novembre 1822)
-2U 546 (1824) : • Infanticide (juin 1824)
-2U 547 (1825) : • Assassinat et tentative d’assassinat (février 1824)
• Infanticide ® (juillet 1824)
-2U 548 (1825) : • Infanticide (mai 1825)
• Meurtre par empoisonnement ® (juin 1825)
-2U 549 (1826) : • Homicide volontaire ® (janvier 1826)
• Infanticide ® (août 1826)
984

- Sources manuscrites -
-2U 551 (1827) : • Homicide volontaire (avril 1827)
• Assassinat (mai 1827)
-2U 1500 (1828) : • Infanticide ® (février 1828)
-2U 1501 (1829) : • Assassinat ® (avril 1829)
-2U 1502 (1830) : • Infanticide et complicité (décembre 1829)
-2U 1503 (1830) : • Assassinat et vol domestique ® (avril 1830)
-2U 1504 (1830) : • Assassinat (mai 1830)
• Infanticide ® (septembre 1830)
• Infanticide ® (octobre 1830)
-2U 1506 (1831) : • Empoisonnement (novembre 1830)
-2U 1507 (1831) : • Infanticide (avril 1831)
-2U 1509 (1831) : • Meurtre ® (juillet 1831)
-2U 1510 (1832) : • Infanticide ® (janvier 1832)
-2U 1512 (1832) : • Infanticide ® (septembre 1832)
-2U 1513 (1833) : • Assassinat (parricide) ® (août 1832)
-2U 1514 (1833) : • Infanticide (novembre 1832)
-2U 1515 (1833) : • Parricide ® (mai 1833)
• Coups et blessures ayant entraîné la mort (août 1833)
-2U 1519 (1835) : • Infanticide et vol qualifié ® (novembre 1834)
• Infanticide ® (février 1835)
-2U 1520 (1835) : • Infanticide ® (mai 1835)
• Infanticide ® (juin 1835)
-2U 1521 (1835) : • Infanticide ® (août 1835)
• Homicide ® (septembre 1835)
-2U 1524 (1836) : • Infanticide (février 1836)
• Infanticide ® (février 1836)
-2U 1525 (1836) : • Suppression d’enfant ® (avril 1835) (Deux-Sèvres)
• Assassinat ® (février 1836)
-2U 1528 (1837) : • Infanticide ® (octobre 1836)
• Infanticide ® (décembre 1836)
-2U 1529 (1837) : • Infanticide ® (février 1837)
• Infanticide, homicide par imprudence ® (mars 1837)
-2U 1531 (1837) : • Infanticide ® (juillet 1837)
-2U 1532 (1837) : • Assassinat (février 1837)
• Coup ayant entraîné la mort ® (juin 1837)
-2U 1536 (1838) : • Infanticide ® (décembre 1837)
-2U 1537 (1838) : • Infanticide ® (janvier 1838)
• Assassinat ® (mars 1838)
• Infanticide ® (mars 1838)
-2U 1538 (1838) : • Infanticide ® (mars 1838)
• Assassinat ® (mai 1838)
-2U 1540 (1839) : • Meurtre ® (janvier 1839)
-2U 1543 (1839) : • Infanticide et recel de cadavre ® (octobre 1839)
-2U 1546 (1840) : • Infanticide ® (avril 1840)
-2U 1548 (1840) : • Infanticide et suppression de part ® (octobre 1840)
-2U 1549 (1840) : • Meurtre (blessures ayant causé la mort sans intention) ® (novembre
1840)
985

- Sources manuscrites -
-2U 1552 (1841) : • Coups et blessures qui ont occasionné la mort ® (mars 1841)
• Infanticide ® (avril 1841)
• Infanticide ® (juin 1841)
• Infanticide (juin 1841)
-2U 1555 (1842) : • Assassinat ® (mars 1842)
-2U 1557 (1842) : • Assassinat ® (février 1842)
-2U 1561 (1843) : • Parricide ® (mai 1843)
• Infanticide, suppression d’enfant ® (juin 1843)
-2U 1563 (1844) : • Infanticide ® (juillet 1843)
• Infanticide ® (novembre 1843)
-2U 1564 (1844) : • Infanticide ® (mars 1844)
-2U 1567 (1844) : • Infanticide ® (octobre 1844)
• Infanticide ® (octobre 1844)
-2U 1569 (1845) : • Infanticide ® (février 1845)
-2U 1572 (1846) : • Infanticide ® (décembre 1845)
• Infanticide ® (janvier 1846)
-2U 1575 (1846) : • Coups volontaires ayant occasionné la mort sans intention de la donner
® (août 1846)
• Assassinat ® (septembre 1846)
-2U 1580 (1847) : • Assassinat ® (novembre 1846)
• Infanticide ® (janvier 1847)
-2U 1585 (1848) : • Infanticide ® (février 1848)
-2U 1586 (1848) : • Assassinat ® (octobre 1847)
• Empoisonnement (février 1848)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort (juin 1848)
-2U 1587 (1848) : • Infanticide et inhumation de cadavre d’un enfant nouveau-né sans
autorisation ® (juin 1848)
• Infanticide ® (juillet 1848)
• Coups volontaires ayant occasionné la mort ® (août 1848)
-2U 1589 (1849) : • Infanticide ® (mars 1849)
-2U 1593 (1849) : • Blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner ®
(octobre 1849)
-2U 1599 (1850) : • Assassinats ® (septembre 1849)
• Parricide ® (novembre 1849)
-2U 1602 (1851) : • Infanticide ® (novembre 1850)
-2U 1604 (1851) : • Infanticide ® (avril 1851)
-2U 1607 (1851) : • Homicide volontaire ® (avril 1851)
-2U 1609(1852) : • Meurtre ® (février 1852)
• Coups portés sans intention de donner la mort et qui l’ont cependant
occasionnée ® (février 1852)
-2U 1611 (1852) : • Coups volontaires suivis de mort ® (mai 1852)
• Infanticide ® (mai 1852)
-2U 1612 (1852) : • Coups portés sans intention de donner la mort mais l’ayant cependant
occasionnée ® (septembre 1852)
-2U 1613 (1853) : • Infanticide ® (novembre 1852)
-2U 1615(1853) : • Assassinat ® (décembre 1852)
-2U 1617 (1853) : • Infanticide ® (septembre 1853)
• Parricide et assassinat ® (octobre 1853)
-2U 1618 (1854) : • Infanticide ® (novembre 1853)
• Infanticide ® (janvier 1854)
986

- Sources manuscrites -
-2U 1619 (1854) : • Meurtre ® (octobre 1853)
-2U 1621 (1854) : • Infanticide ® (mai 1854)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort ® (juin 1854)
• Exposition d’enfant ® (juillet 1854)
-2U 1622 (1854) : • Assassinat ® (mai 1854)
• Meurtre ® (mai 1854)
• Assassinat ® (juin 1854)
-2U 1624 (1854) : • Meurtre ® (avril 1854)
• Assassinat ® (juillet 1854)
• Coups volontaires portés sans intention de donner la mort mais l’ayant
pourtant occasionnée ® (août 1854)
-2U 1625 (1855) : • Infanticide ® (janvier 1855)
-2U 1627 (1855) : • Infanticide ® (juin 1855)
-2U 1629 (1855) : • Meurtre ® (octobre 1855)
-2U 1630 (1856) : • Infanticide ® (décembre 1855)
-2U 1633 (1856) : • Infanticide ® (août 1856)
-2U 1636 (1857) : • Infanticide ® (mai 1857)
-2U 1638 (1858) : • Infanticide ® (janvier 1858)
-2U 1643 (1859) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la
donner ® (novembre 1859)
-2U 1644 (1860) : • Infanticide et complicité d’infanticide ® (novembre 1859)
• Infanticide ® (mars 1860)
-2U 1646 (1861) : • Empoisonnement ® (octobre 1860)
-2U 1647 (1861) : • Infanticide ® (février 1861)
• Infanticide ® (juillet 1860)
• Tentative d’assassinat et meurtre ® (mars 1861)
• Infanticide ® (juillet 1861)
-2U 1649 (1862) : • Meurtre ou coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort ®
(janvier 1862)
-2U 1653 (1862) : • Infanticide ® (mai 1862)
• Coups volontaires ayant occasionné la mort sans intention de la
donner® (juillet 1862)
-2U 1654 (1862) : • Assassinat et vol ® (mai 1862)
-2U 1656 (1863) : • Infanticide ® (janvier 1863)
-2U 1657 (1863) : • Assassinat ® (février 1863)
• Infanticide ® (mars 1863)
-2U 1660 (1864) : • Infanticide ® (janvier 1864)
• Infanticide ® (avril 1864)
-2U 1661 (1864) : • Infanticide ® (avril 1864)
-2U 1662 (1864) : • Infanticides et complicité des mêmes crimes ® (juin 1860 et janvier
1864)
-2U 1664 (1865) : • Meurtre ® (décembre 1864)
• Infanticide ® (décembre 1864)
• Assassinat ® (décembre 1864)
-2U 1666 (1865) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la
donner ® (janvier 1865)
• Coups et blessures volontaires ayant occasionné la mort sans intention de
la donner ® (octobre 1865)
-2U 1667 (1866) : • Infanticide ® (décembre 1865)
• Infanticide ® (février 1866)
987

- Sources manuscrites -
-2U 1668 (1866) : • Assassinat et vol ® (mars 1862)
-2U 1671 (1867) : • Homicide volontaire et viol ® (octobre 1866)
• Infanticide ® (mars 1867)
-2U 1672 (1867) : • Meurtre ® (août 1867)
• Infanticide ® (octobre 1867)
• Infanticide ® (octobre 1867)
-2U 1674 (1868) : • Infanticide ® (mars 1868)
• Infanticide ® (mai 1868)
-2U 1679 (1869) : • Homicide volontaire, tentative d’homicide et complicité de ces
crimes® (novembre 1868)
-2U 1681 (1870) : • Assassinat et vol (janvier 1870)
• Infanticide ® (mars 1870)
• Infanticide ® (avril 1870)
-2U 1682 (1870) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (juin 1870)
-2U 1684 (1870) : • Assassinat ® (octobre 1870)
• Coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la
donner® (novembre 1870)
-2U 1685 (1871) : • Meurtre ® février 1871)
• Infanticide ® (octobre 1871)
-2U 1688 (1872) : • Assassinat ® (juillet 1872)
• Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (juillet 1872)
• Meurtre ® (août 1872) (Deux-Sèvres)
-2U 1689 (1873) : • Infanticide ® (décembre 1872)
-2U 1691 (1873) : • Infanticide ® (novembre 1873)
-2U 1692 (1874) : • Assassinats ® (octobre 1873)
• Infanticide ® (avril 1874)
• Infanticide ® (avril 1874)
-2U 1694 (1874) : • Infanticide ® (août 1874)
-2U 1695 (1875) : • Suppression d’un enfant ayant vécu ® (mars 1875)
• Suppression d’un enfant né vivant ® (juin 1875)
• Infanticide ® (juillet 1875)
• Infanticide ® (août 1875)
-2U 1697 (1875) : • Infanticide et suppression d’un enfant nouveau né ® (septembre 1875)
• Coup et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la
donner® (septembre 1875)
-2U 1698 (1876) : • Infanticide ® (janvier 1876)
• Infanticide ® (mars 1876)
• Infanticide ® (juin 1876)
-2U 1699 (1876) : • Infanticide ® (juin 1876)
• Infanticide ® (août 1876)
• Assassinat ® (août 1876)
• Assassinat ® (octobre 1876)
-2U 1700 (1877) : • Infanticide ® (mars 1877)
-2U 1701 (1877) : • Meurtre ® (février 1877)
-2U 1702 (1877) : • Infanticide ® (mai 1877)
• Infanticide et suppression d’un enfant ayant vécu ® (octobre 1877)
-2U 1703 (1878) : • Infanticide ® (janvier 1878)
-2U 1704 (1878) : • Infanticide ® (juin 1878)
• Infanticide ® (juillet 1878)
• Assassinat ® (juillet 1878)
988

- Sources manuscrites -
-2U 1705 (1878) : • Infanticide ® (juillet 1878)
• Infanticide ® (août 1878)
• Infanticide ® (octobre 1878)
-2U 1706 (1879) : • Homicide volontaire avec préméditation ® (février 1879)
-2U 1707 (1879) : • Assassinat ® (février 1879)
• Infanticide ® (mars 1879)
• Infanticide ® (mars 1879)
• Assassinat et vol ® (mai 1879)
-2U 1708 (1879) : • Coups ayant occasionné la mort ® (juillet 1879)
-2U 1710 (1880) : • Infanticide ® (février 1880)
-2U 1712 (1880) : • Assassinat et tentative d’assassinat ® (juillet 1880)
• Meurtre ® (août 1880)
• Infanticide ® (septembre 1880)
-2U 1714 (1881) : • Meurtre, vol et complicité de meurtre ® (février 1881)
• Infanticide ® (juin 1881)
-2U 1717 (1882) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (février 1882)
• Infanticide ® (avril 1882)
-2U 1721 (1883) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la
donner ® (décembre 1882)
-2U 1723 (1883) : • Infanticide ® (mars 1883)
-2U 1724 (1884) : • Assassinat et tentative de viol ® (janvier 1884)
• Suppression d’enfant ® (mai 1884)
• Infanticide ® (juillet 1884)
• Infanticide ® (août 1884)
-2U 1725 (1885) : • Infanticide ® (février 1885)
-2U 1730 (1887) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (juin 1887)
• Meurtre ® (juillet 1887)
-2U 1734 (1889) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (février 1889)
• Infanticide ® (février 1889)
• Suppression d’un enfant nouveau né ayant vécu ® (février 1889)
-2U 1735 (1889) : • Meurtre ® (juin 1889)
• Infanticide ® (août 1889)
-2U 1736 (1890) : • Meurtre ® (novembre 1889)
• Infanticide ® (juillet 1890)
-2U 1739 (1892) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (janvier 1892)
-2U 1740 (1892) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (mars 1892)
-2U 1741 (1892) : • Infanticide ® (juin 1892)
-2U 1742 (1893) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la
donner ® (mars 1893)
-2U 1743 (1893) : • Meurtre ® (juillet 1893)
-2U 1744 (1894) : • Infanticide ® (mars 1894)
-2U 1745 (1894) : • Infanticide et suppression d’enfant ® (mars 1894)
-2U 1747 (1895) : • Meurtre et tentative de meurtre ® (décembre 1894)
• Infanticide ® (mars 1895)
-2U 1748 (1895) : • Assassinat et vol qualifié ® (février 1895)
• Infanticide ® (mai 1895)
-2U 1749 (1896) : • Infanticide ® (décembre 1895)
• Infanticide ® (mars 1896)
-2U 1751 (1897) : • Infanticide ® (décembre 1896)
989

- Sources manuscrites -
-2U 1752 (1897) : • Infanticide ® (juillet 1897)
• Suppression d’enfant ® (octobre 1897)
-2U 1753 (1898) : • Meurtre ® (mai 1898)
-2U 1755 (1899) : • Suppression d’enfant ® (janvier 1899)
• Infanticide ® (février 1899)
• Coups ayant occasionné la mort sans intention de la donner ® (juillet
1899)
-2U 1757 (1900) : • Parricide ® (juillet 1900)
• Infanticide ® (janvier 1901)
♦ Dossiers de procédures correctionnelles
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE POITIERS
-L Supplément 423 (an IV) : • Mort accidentelle (noyade) ® (prairial an IV)
-L Supplément 424 (an V) : • Homicide et suicide (nivôse an V)
-L Supplément 425 (an V) : • Meurtre (prairial an V)
-L Supplément 426 (an V) : • Mort accidentelle (apoplexie) (ventôse an V)
-L Supplément 429 (an VI) : • Infanticide ® (germinal an VI)
-L Supplément 431 (an VI) : • Mort accidentelle (noyade) ® (ventôse an VI)
• Mort accidentelle (épilepsie) ® (germinal an VI)
• Mort accidentelle (noyade) (floréal an VI)
-L Supplément 433 (an VII) : • Mort accidentelle (coup de fusil) ® (prairial an VII)
-L Supplément 435 (an VIII) : • Mort accidentelle (froid) ® (nivôse an VII)
-L Supplément 443 (an VIII) : • Infanticide (nivôse an VIII)
-L Supplément 444 (an VIII) : • Mort accidentelle (maladie) (thermidor an VIII)
• Mort accidentelle (noyade) (thermidor an VIII)
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE MONTMORILLON
-3U 4 / 587 (1841) : • Infanticide
-3U 4 / 588 (1849) : • Homicide par imprudence (avril 1849)
-3U 4 / 589 (1852) : • Homicide par imprudence ® (mai 1852)
-3U 4 / 590 (1856) : • Homicide par imprudence (infanticide) ® (mai 1856)
-3U 4 / 594 (1863) : • Infanticide et complicité ® (février 1863)
-3U 4 / 595 (1867-1868) : • Suppression d’enfant (mars 1867)
• Homicide par imprudence (infanticide) ® (septembre 1868)
-3U 4 / 596 (1868) : • Infanticide ® (mars 1868)
• Empoisonnement ® (mai 1868)
• Homicide par imprudence ® (octobre 1868)
-3U 4 / 597 (1869) : • Homicide par imprudence ® (janvier 1869)
-3U 4 / 600 (1871-1872) : • Infanticide (avril 1871)
• Assassinat ® (décembre 1872)
-3U 4 / 602 (1874) : • Mort accidentelle (feu) (mars 1874)
• Mort accidentelle (noyade) ® (juin 1874)
• Mort accidentelle (noyade) ® (juillet 1874)
• Mort accidentelle (noyade) ® (juillet 1874)
-3U 4 / 604 (1875) : • Homicide par imprudence (novembre 1875)
990

- Sources manuscrites -
-3U 4 / 606 (1877) : • Infanticide ® (avril 1877)
• Homicide par imprudence ® (mai 1877)
-3U 4 / 607 (1879) : • Homicide par imprudence (novembre 1879)
-3U 4 / 608 (1880) : • Homicide par imprudence (septembre 1880)
-3U 4 / 609 (1880) : • Empoisonnement (avril 1880)
-3U 4 / 612 (1883) : • Assassinat ® (décembre 1882)
-3U 4 / 614 (1885) : • Suppression d’enfant ® (janvier 1885)
-3U 4 / 616 (1888) : • Homicide ® (novembre 1888)
-3U 4 / 617 (1888) : • Homicide involontaire ® (janvier 1888)
• Homicide par imprudence ® (mars 1888)
• Homicide par imprudence ® (novembre 1889)
-3U 4 / 618 (1889) : • Meurtre (avril 1889)
-3U 4 / 628 (1897) : • Suppression d’enfant ® (janvier 1897)
-3U 4 / 629 (1898) : • Suppression d’enfant ® (mai 1898)
-3U 4 / 623 (1901) : • Avortement et infanticide ® (février 1901)
-3U 4 / 635 (1904) : • Homicide par imprudence (août 1904)
-3U 4 / 636 (1905) : • Homicide volontaire (octobre 1904)
• Suppression de part ® (mars 1905)
-3U 4 / 637 (1906) : • Coups et blessures ayant occasionné la mort ® (janvier 1906)
-3U 4 / 638 (1907) : • Homicide involontaire et exercice illégal de la médecine ® (mai
1907)
-3U 4 / 641 (1911) : • Suppression d’enfant (novembre 1910)
-3U 4 / 642 (1911) : • Homicide volontaire et vol ® (janvier 1911)
• Homicide par imprudence ® (juillet 1911)
-3U 4 / 649 (1914) : • Homicide volontaire (novembre 1914)
991

SOURCES IMPRIMEES

- Sources imprimées -
OUVRAGES ET DICTIONNAIRES
La majorité de ces documents ont été consultés au Fonds Ancien de la Bibliothèque
Universitaire de Poitiers ou à la Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine (Paris V).
Certains d’entre eux ont été numérisés, il est à présent possible de les consulter ou
de les télécharger sur les sites de la BIUM (Medic@ : http://www.bium.univparis5.fr/histmed/medica.htm)
ou de la Bibliothèque Nationale François Mitterrand
(Gallica : http://gallica.bnf.fr/). Lorsque cette consultation est permise, cela a été indiqué.
♦ Dictionnaires médicaux
-DECHAMBRE, Amédée, DUVAL, Mathias, LEREBOULLET, Léon, Dictionnaire usuel
des sciences médicales, 1 ère éd. 1885, 2 ème éd. rev. et complétée, Paris, Masson, 1892,
1782 p. [Gallica]
-Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al.,
s. l. [Paris], Panckoucke, 1821-1826, 15 t.
-Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers, sous la dir. de Fabre,
Paris, Béthune et Plon, 1840-1841, 8 t. [Medic@]
-Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre
(1864-1885, en codirection avec Raige-Delorme pour quelques volumes jusqu’en 1880),
puis de Léon Lereboullet (1886-1889), Paris, Asselin et Masson puis Asselin&Houzeau et
Masson, 1864-1889, 100 t. [Gallica]
-Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune,
1821-1828, 21 t.
-Dictionnaire de médecine ou rapport général des sciences médicales considérées sous le
rapport théorique et pratique, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Bérard et al., 1 ère éd. 1821-
1828, 2 ème éd. refondue et augm., Paris, Béchet Jeune, 1832-1846, 30 t. [Medic@]
-Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. d’Andral, Bégin, Blandin
et al., Paris, Gabon, Méquignon-Marvis et Baillière, 1829-1836, 15 t. [Medic@]
-Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris,
Panckoucke, 1812-1822, 60 t. [Medic@]
-Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de médecins, mise en ordre et
publiée par Vicq d’Azyr, Paris, Panckoucke et Agasse, 1787-1830, 14 t. [Medic@]
-Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond
Jaccoud, Paris, Baillière, 1864-1888, 40 t. [Medic@]
-Pratique médico-chirurgicale, sous le dir. d’E. Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris,
Masson, 1907, 6 t.
995

♦ Médecine
• GENERALITES
- Sources imprimées -
-DAREMBERG, Charles, Histoire des sciences médicales, Paris, J. B. Baillière et fils,
1870, 2 t., 1303 p. [Gallica]
-« Médecin », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s. l. [Paris], Panckoucke, 1824, t. 11, pp. 78-92.
-« Médecine », Dictionnaire de médecine ou rapport général des sciences médicales
considérées sous le rapport théorique et pratique, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Bérard et
al., 1 ère éd. 1821-1828, 2 ème éd. refondue et augm., Paris, Béchet Jeune, 1839, t. 19,
pp. 194-320.
• ENSEIGNEMENT MEDICAL ET FORMATION DES MEDECINS
-CABANIS, Pierre, « Rapport fait au conseil des Cinq-cent, sur l’organisation des Ecoles
de médecine » in Du degré de certitude de la médecine, nouvelle éd. rev., corr. et augm. de
plusieurs autres écrits du même auteur, Paris, Crapelet, 1803, t. 1, pp. 349-392.
-DELAUNAY, Henri, Historique de l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de
Poitiers (1806-1900), Poitiers, Fayoux, 1900, 23 p.
-DUBOIS, E. Frédéric, Traité des études médicales, Paris, Gardembas, 1840, XVI-624 p.
-MAYGRIER, Jacques, Guide de l’étudiant en médecine, 2 ème éd. rev. corr. et augm.,
Paris, Gabon, 1818, IV-198 p.
-MONTANIER, H., « Médecine (Enseignement et exercice) », Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin
et Masson, 1874, 2 ème série, t. 5, pp. 625-676.
-MORACHE, Georges, « Militaire (Service de santé) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874,
2 ème série, t. 8, pp. 73-204.
-MORACHE, Georges, La médecine légale, son exercice et son enseignement, Paris,
Baillière, 1880, 30 p.
-SAILLET, Alexandre (de), « L’école de médecine de Paris » in Les écoles royales de
France, s. l., s. d., pp. 249-292. [Medic@]
-Tables générales des thèses soutenues à la Faculté de médecine de Strasbourg pour la
réception au doctorat depuis le 1 er janvier 1838 jusqu’au 12 août 1870, Nancy, Berger-
Levrault et Cie, 1878, VII-95 p.
-THOMAS, L., « Ecoles de médecine » ; Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1885, 1 ère série,
t. 32, pp. 323-400.
996

- Sources imprimées -
-TOURNIER, Jacques, « Réflexions sur les principaux vices et les besoins les plus urgents
de l’enseignement médical en France » in Mélanges de médecine et de chirurgie, par la
Société de médecine de Poitiers, Besançon, Charles Deis, [1843], 46 p.
♦ Expertises judiciaires
-BETOULIERES, Jean, Psychologie de l’expertise médico-légale, thèse pour le doctorat
de médecine, sous la présidence de Georges Morache, Faculté de médecine de Bordeaux,
1900, n°69, 62 p.
• MEDECINS EXPERTS
-BERIGNY, Adolphe, Des médecins légistes considérés dans leur rapport avec les cours
de justice, à l’occasion de l’affaire Lafarge, Paris, Germer-Baillière, 1840, 45 p.
-MOREAU DE LA SARTHE, L. J., « Médecins experts, médecins jurés », Encyclopédie
méthodique. Médecine, par une société de médecins, mise en ordre et publiée par Vicq
d’Azyr, Paris, Veuve Agasse, 1816, t. 9, pp. 494-518.
-MOREAU DE LA SARTHE, L. J., « Médecins jurés (Organisation, instruction des) »,
Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de médecins, mise en ordre et publiée
par Vicq d’Azyr, Paris, Veuve Agasse, 1816, t. 9, pp. 518-520.
-PARANT, Victor, « La désignation contradictoire des experts devant les tribunaux »,
Revue pénitentiaire. Bulletin de la Société générale des prisons, mars 1907, n°3,
pp. 342-349.
• RAPPORTS JUDICIAIRES
-BLEGNY, Nicolas de, La doctrine des raports de chirurgie fondée sur les maximes
d’usage et sur la disposition des nouvelles ordonnances, Lyon, T. Amaulry, 1684, XXII-
272 p.
-DEVAUX, Jean, L’art de faire les rapports en chirurgie, nouvelle éd. rev., corr. et augm.,
Paris, Le Breton, 1743, XII-632 p.
-GENDRY, Des moyens de bien rapporter à justice les indispositions et changements qui
arrivent à la santé des hommes, Angers, 1650, 316 p.
-FODERE, François-Emmanuel, « Rapports (Médecine légale) », Dictionnaire des
sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1820,
t. 47, pp. 179-202.
-MARC, Charles, « Rapport (Médecine légale) », Dictionnaire de médecine, sous la dir.
d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 18, pp. 205-210.
-TOURDES, Gabriel, « Rapports (Médecine légale, Hygiène publique) », Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin
et Masson, 1874, 3 ème série, t. 2, pp. 324-352.
997

- Sources imprimées -
• FRAIS D’EXPERTISES ET HONORAIRES
-CADET DE GASSICOURT, « Honoraire », Dictionnaire des sciences médicales, sous la
dir. d’Adelon, Alard, ALibert et al., Paris, Panckoucke, 1817, t. 21, pp. 357-367.
-LATOUR, Amédée, « Honoraires », Dictionnaire des dictionnaires de médecine français
et étrangers. Supplément, sous la dir. d’Ambroise Tardieu, Paris, Germer Baillière, 1851,
pp. 316-353
-LEREBOULLET, Léon, « Honoraires », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1888, 4 ème
série, t. 14, pp. 261-263.
• EXPERTISE ET SECRET MEDICAL
-BROUARDEL, Paul, La responsabilité médicale. Secret médical, déclarations de
naissance, inhumations, expertises médico-légales, cours de médecine légale de la Faculté
de médecine de Paris, Paris, Baillière et fils, 1898, 436 p. [Gallica]
-TOURDES, Gabriel, « Secret médical », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880, 3 ème série,
t. 8, pp. 418-460.
-VERWAEST, Paul, Etude médico-légale sur le secret professionnel, Paris, Giard et
Brière, 1892, 128 p.
♦ Médecine légale
• DEFINITIONS
-BESCHERELLE, Louis Nicolas, « Médecine. Médecine légale », Dictionnaire national
ou Dictionnaire universel de la langue française, 1 ère éd. 1843, 4 ème éd., Paris, Garnier
frères, 1856, t. 2, p. 471.
-FODERE, François-Emmanuel, « Légale (Médecine) », Dictionnaire des sciences
médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 27,
pp. 378-391.
-LAFOSSE, Jean, « Médecine légale », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers. Supplément Panckoucke, textes mis en ordre et publiés
par Denis Diderot et d’Alembert, 1751-1772, CDRom, Redon, 1999.
-MARC, Charles, « Politique (Médecine) », Dictionnaire de médecine, sous la dir.
d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 17, pp. 309-317.
-MOREAU DE LA SARTHE, L. J., « Médico-légal », Encyclopédie méthodique.
Médecine, par une société de médecins, mise en ordre et publiée par Vicq d’Azyr, Paris,
veuve Agasse, 1816, t. 9, pp. 578-586.
998

- Sources imprimées -
-TOURDES, Gabriel, « Médecine légale », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 2 ème série,
t. 5, pp. 677-714.
• TRAITES ET MANUELS
-BAYARD, Henri, Manuel pratique de médecine légale, Paris, Germer Baillière, 1844,
VIII-529 p.
-BELLOC, Jean-Jacques, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1801,
2 ème éd. corr. et augm., Paris, Méquignon, 1811, XXXII-368 p.
-BELLOC, Jean-Jacques, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd.1801,
3 ème éd. rev., corr. et augm., Paris, Méquignon, 1819, XXXII-382 p.
-BRIAND, Joseph, Manuel de médecine légale, extrait des meilleurs traités anciens et
modernes, particulièrement de ceux de Mahon et de M. Fodéré et des articles importants
publiés jusqu’à ce jour par M. le Dr Marc, suivi des lois et ordonnances et des articles des
codes relatifs aux médecins, chirurgiens, etc…, Paris, Brosson et Chaudé, 1821,
XXX-400 p.
-BRIAND, Joseph, BROSSON, J.-X., Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
nouvelle édition, Paris, Chaudé, 1828, VIII-648 p.
-BRIAND, Joseph, BROSSON, J.-X., Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
3 ème éd., Paris, Chaudé, n.d. [1836-1841], VI-810 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
5 ème éd., contenant un Traité élémentaire de chimie légale par H. Gaultier de Claudry,
Paris, Neuhaus, 1852, VIII-1016 p.
-CASPER, Johann Ludwig, Traité pratique de médecine légale, traduit de l’allemand sous
les yeux de l’auteur par Gustave Germer Baillière, Paris, Germer Baillière, 1862, 2 t.,
439 + 608 p. [Gallica]
-CHAUSSIER, François, Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers objets
de médecine légale, Paris, Th. Barrois et Compère Jeune, 1824, XXIV-519 p.
-COUTAGNE, Henry, Précis de médecine légale, Paris, Masson, Bibliothèque de
criminologie, 1896, XXI-527 p.
-DAMBRE, Ange, Traité de médecine légale et de jurisprudence de la médecine, 1 ère éd.
1859-1867, 2 ème éd. revue, Paris, Adrien Delahaye, 1878, X-612 p.
-DESMAZE, Charles, Histoire de la médecine légale en France d’après les lois, registres
et arrêts criminels, Paris, G. Charpentier, 1880, XVII-340 p. [Gallica]
-DEVERGIE, Alphonse, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et
l’interprétation des lois relatives à la médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-
Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles, H. Dumont, 1837, 2 t., 483 + 400 p. [Gallica]
999

- Sources imprimées -
-DEVERGIE, Alphonse, Médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1837, 3 ème éd.
entièrement refondue, avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale
revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer Baillière,
1852, 3 t., XVI-743 + 840 + 848 p.
-FODERE, François-Emmanuel, Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de
police de santé, adapté aux codes de l’Empire français et aux connaissances actuelles, 1 ère
éd. 1799, 2 ème éd. entièrement ref. et augm. de deux tiers, Paris, Mame, 1813, 6 t.,
LXXXI-501 + 492 + 483 + 526 + 502 + 606 p. [Gallica]
-HOFMANN, Eduard von, Atlas-manuel de médecine légale, édition française par Charles
Vibert, introduction de Paul Brouardel, Paris, Baillière et fils, 1899, 168 p., 193 figures.
[Gallica]
-LACASSAGNE, Alexandre, Précis de médecine judiciaire, Paris, Masson, 1878, 576 p.
[Gallica]
-LACASSAGNE, Alexandre, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aidemémoire
de l’expert, du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat,
Lyon, Storck, 1892, VIII-271 p. [Gallica]
-LACASSAGNE, Alexandre, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aidemémoire
de l’expert, du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat,
1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm., Lyon, Storck, 1900, XIV-307 p.
-LEGRAND DU SAULLE, Henri, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale,
Paris, Delahaye, 1874, XI-1268 p. [Gallica]
-LEGRAND DU SAULLE, Henri, BERRYER, Georges, POUCHET, Gabriel, Traité de
médecine légale, de jurisprudence médicale et de toxicologie, 1 ère éd. 1874, 2 ème éd.
refondue, Paris, Delahaye et Lecrosnier, 1886, 1680 p.
-LUTAUD, Auguste, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris,
Lauwereyns, 1877, VIII-736 p.
-MAHON, Paul, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1807, 3 t.,
XXX-366 + 506 + 248 p. [Medic@]
-ORFILA, Mathieu, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1821-1823, 2 t., XIV-
737 + XVIII-503 p.
-ORFILA, Mathieu, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 1,
XIV-734 p.
-ORFILA, Mathieu, Leçons de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 2 ème éd. rev., corr. et
augm., Paris, Béchet Jeune, 1828, 2 t., 541 + 592 p.
-ORFILA, Mathieu, Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 3 ème éd. rev., corr. et
augm., suivie du Traité des exhumations juridiques, Paris, Béchet Jeune, 1836, 4 t. et un
atlas, 583 + 715 + 706 + 384 p. [Medic@]
1000

- Sources imprimées -
-ORFILA, Mathieu, Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 4 ème éd. revue, corr. et
considérablement augm., contenant en entier le Traité des exhumations juridiques d’Orfila
et Lesueur, Paris, Labé, 1848, 3 t., 831 + 659 + 1091 p. [Medic@]
-TOURDES, Gabriel, METZQUER, Edmond, Traité de médecine légale théorique et
pratique, Paris, Asselin et Houzeau, 1896, 956 p. [Gallica]
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 3 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1893, XXIV-804 p. [Gallica]
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 4 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1896, XXIV-910 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 5 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1900, XXIV-920 p.
♦ Autopsie
• DEFINITIONS GENERALES
-« Autopsie », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 2, p. 367.
-« Autopsie », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers,
textes mis en ordre et publiés par Denis Diderot et d’Alembert, Paris, 1751, t. 1, p. 897.
-« Autopsie », Vocabulaire de la langue française d’après celui de Wailly et rédigé suivant
la dictionnaire de l’Académie française et des meilleurs lexicographes français, nouvelle
édition, Paris, Lebigre frères, 1837, p. 57.
-BESCHERELLE, Louis Nicolas, « Autopsie », Dictionnaire national ou Dictionnaire
universel de la langue française, 1 ère éd. 1843, 4 ème éd., Paris, Garnier frères, 1856, t. 1,
p. 298.
-BESCHERELLE, Louis Nicolas, « Nécroscopie », Dictionnaire national ou Dictionnaire
universel de la langue française, 1 ère éd. 1843, 4 ème éd., Paris, Garnier frères, 1856, t. 2,
p. 625.
-CHAUSSIER, François, « Autopsie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Alard, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 2, pp. 463-464.
-DECHAMBRE, Amédée, DUVAL, Mathias, LEREBOULET, Léon, « Autopsie »,
Dictionnaire usuel des sciences médicales, 1 ère éd. 1885, 2 ème éd., Paris, Masson, 1892,
p. 149.
-DEVERGIE, Alphonse, « Autopsie », Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques,
sous la dir. d’Andral, Bégin, Blandin et al., Paris, Gabon, Méquignon-Marvis et Baillière,
1829, t. 3, p. 665.
1001

- Sources imprimées -
-LAVEAUX, Jean-Charles, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de langue française, 1 ère
éd. 1823, 2 ème éd. corr. et augm., Paris, Deterville, 1828, t. 1, p. 158.
-RAIGE DELORME, « Autopsie », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon,
Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1821, t. 3, p. 170.
-TARDIEU, Ambroise, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1866, t. 4, pp. 224-225.
• PRATIQUES DE L’AUTOPSIE
-« Autopsie cadavérique », Dictionnaire de médecine ou rapport général des sciences
médicales considérées sous le rapport théorique et pratique, sous la dir. d’Adelon,
Béclard, Bérard et al., 2 ème éd. refondue et augm., Paris, Béchet Jeune, 1833, t. 4, p. 428.
[Seule l’expression est indiquée et renvoie à l’entrée « Cadavre » pour les développements]
-BAUER, Alfred, « Autopsie médico-légale », Pratique médico-chirurgicale, sous la dir.
d’E. Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris, Masson, 1907, t. 1, pp. 552-554.
-BECLARD, A., « Cadavre », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard,
Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1822, t. 4, pp. 9-21.
-BECLARD, A., OLLIVIER, ORFILA, « Cadavre », Dictionnaire de médecine ou rapport
général des sciences médicales considérées sous le rapport théorique et pratique, sous la
dir. d’Adelon, Béclard, Bérard et al., 1 ère éd. 1821-1828, 2 ème éd. refondue et augm., Paris,
Béchet Jeune, 1833, t. 4, pp. 130-160.
-BEGIN, E.-A., « Autopsie », Dictionnaire de médecine et des sciences accessoires à la
médecine in Le Buchan français, nouveau traité complet de médecine usuelle et
domestique, Nancy, Vincenot, 1840, t. 2, p. 427.
-BERGE, André, Guide de l’étudiant à l’hôpital. Examen clinique. Autopsies, Paris,
Gauthier-Villards et Masson, Encyclopédie scientifique des aide-mémoire, s.d., 210 p.
-BOURNEVILLE, Désiré Magloire, BRICON, Paul, Manuel de technique des autopsies,
Paris, Delahaye et Lecrosnier, publication du Progrès médical, 1885, XII-240 p.
-BRICHETEAU, « Ouverture (Cadavérique) », Dictionnaire des sciences médicales, sous
la dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1819, t. 38, pp. 552-568.
-« Cadavre », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 3, pp. 170-185.
-« Cadavre », Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers, sous la dir.
de Fabre, Paris, Béthune et Plon, 1840, t. 2, pp. 209-212.
-« Cadavres », Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de médecins, mise en
ordre et publiée par Vicq d’Azyr, Paris, Panckoucke, 1792, t. 4, pp. 230-241.
1002

- Sources imprimées -
-GOUBERT, Emile, Manuel de l’art des autopsies cadavériques, surtout dans ses
applications à l’anatomie pathologique, en collaboration avec A. Hardon pour la première
partie, Paris, Germer Baillière, 1867, XLIX-519 p.
-HARRIS, Thomas, Manuel d’autopsies ou méthode de pratiquer les examens
cadavériques au point de vue clinique et médico-légal, traduit de l’anglais par H. Surmont,
Bruxelles, Manceaux, 1888, X-90 p.
-IBRAHIM HASSAN, Arif, De l’examen du cadavre en médecine légale, thèse pour le
doctorat de médecine, sous la présidence d’Ambroise Tardieu, Faculté de médecine de
Paris, Parent, 1869, n°91, XX-358 p.
-LAROUSSE, Pierre, « Autopsie », Grand Dictionnaire universel du XIX e siècle,
réimpression de l’édition de 1866-1876, Nîmes, Lacour, Collection Rediviva, 1990, t. 2,
pp. 1003-1004.
-LETULLE, Maurice, La pratique des autopsies, dessins d’après nature par G. Reignier,
Paris, Naud, 1903, IV-546 p.
-MARC, Charles, « Cadavre », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, pp. 417-426.
-MARC, Charles, Manuel d’autopsie cadavérique médico-légale, traduction de
Taschenbuch für gerichtliche Aerzte und Wundaerzte bey gesetzmässigen
Leichenöffnungen de Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et Crochard, 1808,
XXII-183 p.
-ORFILA, Mathieu, « Cadavre (Médecine légale) », Dictionnaire de médecine, sous la dir.
d’Adelon, Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1822, t. 4, pp. 21-28.
-RENARD, M., « Considérations médico-légales sur la manière de procéder à l’ouverture
des cadavres et spécialement dans les cas de visites judiciaires » in A. Lecieux, M. Renard,
Gabriel Laisné et J. J. Germ. Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819, pp. 83-134.
-ROUSSY, Gustave, AMEUILLE, Pierre, Technique des autopsies et de recherches
anatomo-pathologiques à l’amphithéâtre, préface du professeur Pierre Marie, Paris,
Octave Doin, 1910, VIII-432 p.
-SEE, Marc, « Autopsie (Anatomie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère série,
t. 7, pp. 411-417.
-THOINOT, Léon, L’autopsie médico-légale, Paris, Baillière, 1910, 102 p.
-TOURDES, Gabriel, « Autopsie (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1867, 1 ère
série, t. 7, pp.417-431.
1003

- Sources imprimées -
-TOURDES, Gabriel, « Cadavre (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1870, 1 ère
série, t. 11, pp. 409-430.
-VIBERT, Charles, « Autopsie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques. Supplément, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1886, t. 40,
pp. 69-89.
♦ Etudes médico-légales particulières
• INFANTICIDE
-BROUARDEL, Paul, L’infanticide, cours de médecine légale de la Faculté de médecine
de Paris, Paris, Baillière et fils, 1897, VIII-402 p. [Gallica]
- « Infanticide », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1823, t. 9, pp. 567-589.
-LECIEUX, A., « Considérations médico-légales sur l’infanticide » in A. Lecieux, M.
Renard, Gabriel Laisné et J. J. Germ. Rieux, Médecine légale, Paris, Baillière, 1819,
pp. 3-80.
-MARC, Charles, « De la docimasie pulmonaire », in Manuel d’autopsie cadavérique
médico-légale, traduction de Taschenbuch für gerichtliche Aerzte und Wundaerzte bey
gesetzmässigen Leichenöffnungen de Theodor Rose, Paris, Duminil-Lesueur et Crochard,
1808, pp. 117-152.
-MARC, Charles, « Docimasie pulmonaire », Dictionnaire des sciences médicales, sous la
dir. d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1814, t. 10, pp. 62-100.
-MARC, Charles, « Infanticide », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon,
Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1825, t. 12, pp. 126-202.
-MONFALCON, J. B., « Infanticide », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 24, pp. 408-440.
-PINARD, A., COUVELAIRE, A., « Infanticide », Pratique médico-chirurgicale, sous la
dir. d’E. Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris, Masson, 1907, t. 3, pp. 867-868.
-TARDIEU, Ambroise, Etude médico-légale sur l’infanticide, Paris, Baillière, 1868,
VIII-342 p. [Gallica]
-TARDIEU, Ambroise, « Infanticide », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1874, t. 18, pp. 536-606.
-TOURDES, Gabriel, « Infanticide », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1889, 4 ème série,
t. 15, pp. 642-672.
1004

• BLESSURE
- Sources imprimées -
-CAYOL, « Blessure » in Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, pp. 187-189.
-CHAUSSIER, François, « Considérations médico-légales sur l’ecchymose, la sugillation,
la contusion, la meurtrissure » in Recueil de mémoires, consultations et rapports sur divers
objets de médecine légale, Paris, Barrois et Compère Jeune, 1824, pp. 385-472.
-MARC, Charles, « Blessure (Considérées sous le rapport de la médecine légale) »,
Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris,
Panckoucke, 1812, t. 3, pp. 189-213.
MARJOLIN, « Plaies », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard
et al., Béchet Jeune, 1827, t. 17, pp. 1-116.
-RAIGE DELORME, « Blessure », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon,
Bélard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1821, t. 3, pp. 432-452.
-TARDIEU, Ambroise, « Blessures », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1866, t. 5, pp. 297-327.
-TARDIEU, Ambroise, Etude médico-légale sur les blessures, Paris, Baillière, 1879,
474 p. [Gallica]
-TOURDES, Gabriel, « Blessure (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1868, 1 ère
série, t. 9, pp. 724-824.
• EMPOISONNEMENT
-CHOUPPE, H., « Cyanhydrique (Acide) (Toxicologie) », Dictionnaire encyclopédique
des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880,
1 ère série, t. 24, pp. 470-473.
-GOBLEY, « Cantharides (Pharmacologie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série,
t. 12, pp. 193-202.
-LABOULBENE, « Cantharides (Zoologie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série,
t. 12, pp. 190-193.
-MUTEL, D., Des poisons considérés sous le rapport de la médecine pratique et de la
médecine légale, Paris, Ferra, 1830, XIV-560 p.
-ORFILA, Mathieu, Traité des poisons tirés des règnes minéral, végétal et animal ou
Toxicologie générale considérée sous les rapports de la physiologie, de la pathologie et de
la médecine légale, 2 ème éd. rev., corr. et augm., Paris, Crochard, 1818, 2 t., XXXII-658 +
XVI-703 p.
1005

- Sources imprimées -
-POUCHET, Gabriel, « Empoisonnement », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 1 ère
série, t. 34, pp. 74-105.
-RABUTEAU, Antoine, Eléments de toxicologie et de médecine légale appliquée à
l’empoisonnement, 1 ère éd. 1873, 2 ème éd. par Edme Bourgoin, Paris, G. Steinheil, 1887,
927 p. [Gallica]
-TARDIEU, Ambroise, Etude médico-légale et clinique sur l’empoisonnement, avec la
collaboration de Zacharie Roussin, Paris, Baillière, 1867, XXII-1072 p.
• STRANGULATION
-TARDIEU, Ambroise, Etude médico-légale sur la strangulation, Paris, Baillière, 1859,
90 p.
♦ Anatomie et dissection
• ANATOMIE ET ANATOMIE PATHOLOGIQUE
-« Anatomie », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s. l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 1 (2 ème partie), pp. 380-423.
-AUZOUX, L., Leçons élémentaires d’anatomie et de physiologie, Paris, Baillière, 1839,
278-16 p.
-BECLARD, Jules, « Anatomie », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1866, 1 ère série, t. 4,
pp. 190-203.
-BICHAT, Xavier, Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, s. l.,
Brosson et Gabon, 1801, 4 t., CXII-636 + XXXII-828 p.
-BOURGERY, Jean-Marc, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant la
médecine opératoire, t. 6 : Iconographie d’anatomie chirurgicale et de médecine
opératoire, 1 ère division, planches lithographiées par Nicolas-Henri Jacob, Paris, Delaunay,
1837, 280 p. + 91 planches.
-BOURGERY, Jean-Marc, Traité complet de l’anatomie de l’homme comprenant la
médecine opératoire, t. 7 : Médecine opératoire, planches lithographiées par Nicolas-Henri
Jacob, Paris, Delaunay, 1840, 356 p. + 77 planches + supplément de planches A à P.
[Une réédition du traité de Bourgery a été publiée par l’éditeur allemand Taschen : LE
MINOR, Jean-Marie, SICK, Henri, Atlas of human anatomie and surgery, Cologne, Taschen, 2005,
714 p. + 725 planches.]
-BOURGERY, Jean-Marc, BERNARD, Claude, Traité complet de l’anatomie de l’homme
comprenant l’anatomie chirurgicale et la médecine opératoire, t. 6 : Anatomie
chirurgicale et médecine opératoire avec traités complémentaires de sclérotomie,
ophtalmologie, ténotomie, etc. (première partie), planches par le professeur-dessinateur-
1006

- Sources imprimées -
anatomiste Nicolas-Henri Jacob, Paris, L. Guérin Editeur, 1866-1871, 280 p. +
91 planches. [Medic@]
-BOURGERY, Jean-Marc, BERNARD, Claude, Traité complet de l’anatomie de l’homme
comprenant l’anatomie chirurgicale et la médecine opératoire, t. 7 : Anatomie
chirurgicale et médecine opératoire avec traités complémentaires de sclérotomie,
ophtalmologie, ténotomie, etc. (deuxième partie), planches par le professeur-dessinateuranatomiste
Nicolas-Henri Jacob, Paris, L. Guérin Editeur, 1866-1871, 356-LII p. +
77 planches + supplément de planches A à P. [Medic@]
-CHOMEL, Auguste-François, Eléments de pathologie générale, Paris, Crochard, 1817,
567 p.
-CHOMEL, Auguste-François, Eléments de pathologie générale, 1 ère éd. 1817, 3 ème éd.
augm., Paris, Masson, 1841, 712 p.
-CRUVEILHIER, Jean, Traité d’anatomie descriptive, 5 ème éd. rev., corr. et augm., avec la
collaboration des docteurs Marc Sée et Cruveilhier fils, Paris, Asselin, 3 t. [la 2 ème partie du
t. 1 manque], 1874-1880, XX-452 + 758 + 736 p.
-GEOFFROY, SAVARY, « Anatomie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 2, pp. 37-46.
-LE GENDRE, E. Q., Anatomie chirurgicale homalographique, Paris, Baillière et fils,
1858, 45 p. + 25 planches.
-LOUIS, Pierre, Mémoires ou recherches anatomico-pathologiques, Paris, Gabon, 1826,
563 p.
-SAPPEY, Philibert, Traité d’anatomie descriptive, 3 ème éd. rev. et améliorée, Paris,
Delahaye, 4 t. [le t. 2 manque], 1876-1879, 746 + 923 + 960 p.
• DISSECTION
-AUBRY, J., « Dissection », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1884, 2 ème série, t. 29, pp. 764-779.
-BEAUGRAND, E., « Amphithéâtre », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 1 ère série,
t. 3, pp. 751-758.
-« Dissection », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s. l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 6, pp. 75-108.
-MOUTON, « Dissection » Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 9, pp. 520-645.
-PERCY, « Dissections (Dangers et accidens auxquels exposent les) », Dictionnaire des
sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1818,
t. 9, pp. 645-656.
1007

♦ Chirurgie
- Sources imprimées -
-« Chirurgie », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, pp. 206-222.
-« Chirurgien », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, pp. 222-228.
-CLOQUET, Jules, « Chirurgie », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon,
Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1822, t. 5, pp. 142-155.
-RICHERAND, « Chirurgie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, pp. 84-90.
♦ Mort
• VERIFICATION DU DECES
-BEQUET, Edouard, Traité de l’état civil et des actes qui s’y rattachent, Paris, Berger-
Levrault, 1883, XVI-1032 p.
-BOUCHUT, Eugène, Traité des signes de la mort et des moyens de prévenir les
enterrements prématurés, Paris, Baillière, 1849, VI-407 p.
-BROUARDEL, Paul, La mort et la mort subite, cours de médecine légale de la Faculté de
médecine de Paris, Paris, Baillière et fils, 1895, VII-455 p. [Gallica]
-ICARD, Séverin, La mort réelle et la mort apparente, Paris, Félix Alcan, 1897, XII-314 p.
[Gallica]
-JULIA DE FONTENELLE, Des recherches médico-légales sur l’incertitude des signes de
la mort, les dangers des inhumations précipitées, les moyens de constater les décès et de
rappeler à la vie ceux qui sont en état de mort apparente, in Alphonse Devergie, Médecine
légale, théorique et pratique, avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la
médecine légale revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt,
Bruxelles, H. Dumont, 1837, t. 2, pp. 307-383. [Gallica]
-LE BON, Gustave, De la mort apparente et des inhumations prématurées, introduction de
P.-A. Piorry, 1 ère éd. 1866, 2 ème éd., Paris, Delahaye, 1866, 211 p. [Gallica]
-LIVOIS, D. M. P., « Mort », Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et
étrangers, Supplément, sous la dir. d’Ambroise Tardieu, Paris, Germer Baillière, 1851,
t. 9, pp. 487-505.
-« Mort », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s. l. [Paris], Panckoucke, 1824, t. 11, pp. 261-266.
1008

- Sources imprimées -
-TARDIEU, Ambroise, LAUGIER, Maurice, « Mort (Médecine légale) », Nouveau
dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud,
Paris, Baillière, 1877, t. 23, pp. 51-71.
-TOURDES, Gabriel, « Mort (Médecine légale) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1875,
2 ème série, t. 9, pp. 579-714.
-VIGNE, Jean-Baptiste, Traité de la mort apparente. Des principales maladies qui peuvent
donner lieu aux inhumations précipitées. Des signes de la mort, Paris, Béchet Jeune et
Labé, 1841, 336 p.
• INHUMATION ET CREMATION
-MARC, Charles, « Inhumation », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon,
Béclard, Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1825, t. 12, pp. 270-292.
-MONFALCON, J.-B., « Inhumation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier, et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 25, pp. 156-198.
-SALOMON, Georges, La crémation en France (1797-1889), Paris, Dentu, publications de
la Société de Crémation, 1890, 50 p.
-TARDIEU, Ambroise, « Inhumation », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1874, t. 19, pp. 76-96.
• IDENTIFICATION
-BAUER, Alfred, « Identité », Pratique médico-chirurgicale, sous la dir. d’E. Brissaud, A.
Pinard et P. Reclus, Masson, 1907, t. 3, pp. 821-822.
-TARDIEU, Ambroise, « Identité », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1874, t. 18, pp. 348-362.
-TOURDES, Gabriel, « Identité », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1889, 4 ème série,
t. 15, pp. 452-507.
♦ Décomposition, exhumation, embaumement
• PUTREFACTION
-BERGERON, Georges, « Putréfaction », Nouveau dictionnaire de médecine et de
chirurgie pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1881, t. 30,
pp. 284-290.
-DEVERGIE, Alphonse, « Putréfaction », Dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. d’Andral, Bégin, Blandin et al., Méquignon-Marvis et Baillière,
1835, t. 13, pp. 687-694.
1009

- Sources imprimées -
-DUCLAUX, E., « Fermentations », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1877, 4 ème série, t. 1,
pp. 544-678.
-LE VACHER, « Putréfaction », Dictionnaire de chirurgie, Paris, Lacombe, 1767, t. 2,
p. 4. [Medic@]
-MEGNIN, Pierre, La faune des cadavres, Paris, Masson et Gauthier-Villars, Encyclopédie
scientifique des aide-mémoire, 1894, 214 p. [Gallica]
-MERAT, « Putréfaction », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1820, t. 46, pp. 283-291.
-ORFILA, Mathieu, « Putréfaction », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon,
Andral, Béclard et al., Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 18, pp. 81-102.
-« Putréfaction », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1825, t. 13, pp. 448-451.
-RAMON, L. J., « Putréfaction », Encyclopédie méthodique. Médecine, par une société de
médecins, mise en ordre et publiée par Vicq d’Azyr, Paris, Agasse, 1827, t. 12,
pp. 387-389.
-VIREY, « Ferment », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1816, t. 15, pp. 56-68.
-VIREY, « Fermentation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1816, t. 15, pp. 68-81.
• INFECTION
-CHAUVEL, J., « Septicémie », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous
la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880 et 1881, 3 ème série, t. 8 et 9,
pp. 700-776 et 1-228.
-COLIN, Léon, « Miasme », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1873, 2 ème série, t. 7, pp. 511-551.
-DURAND-FARDEL, « Purulente (Infection) », Dictionnaire des dictionnaires de
médecine français et étrangers, Supplément, sous la dir. de Ambroise Tardieu, Germer
Baillière, 1851, t. 9, pp. 652-669.
-GUERIN, Alphonse, « Septicémie », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, 1882, t. 33, pp. 132-148.
-NACQUART, « Infection », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 24, pp. 441-455.
1010

- Sources imprimées -
• DESINFECTION, LUTTE CONTRE LA PUTREFACTION
-CADET DE GASSICOURT, « Chaux », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, pp. 15-18.
-DELIOUX DE SAVIGNAC, « Chlore », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série,
t. 16, pp. 612-626.
-GOBLEY, T., « Collodion (Chimie et pharmacie) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1876, 1 ère
série, t. 19, pp. 13-16.
-HALLE, NYSTEN, « Désinfection », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1814, t. 8, pp. 512-531.
-HALLE, NYSTEN, « Fumigation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1816, t. 17, pp. 130-154.
-ORFILA, Mathieu, « Muriate », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1819, t. 34, pp. 532-555.
-VALLIN, E., GERARDIN, A., « Désinfectants. Désinfection », Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin
et Masson, 1883, 1 ère série, t. 28, pp. 298-406.
-VIREY, « Antiseptique », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Alard,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 2, pp. 209-211.
-WURTZ, BOURGES, « Désinfection », Pratique médico-chirurgicale, sous le dir. d’E.
Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris, Masson, 1907, pp. 476-494.
• EXHUMATION
-BAUER, Alfred, « Exhumation », Pratique médico-chirurgicale, sous la dir. d’E.
Brissaud, A. Pinard et P. Reclus, Paris, Masson, 1907, t. 2, p. 890.
-« Exhumation », Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers, sous la
dir. de Fabre, Paris, Béthune et Plon, 1840, t. 4, pp. 32-34.
-LEREBOULLET, Léon, « Exhumation », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1888, 1 ère
série, t. 36, pp. 429-431.
-MARC, Charles, « Exhumation », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 14, pp. 186-206.
-ORFILA, Mathieu, LESUEUR, Octave, Traité des exhumations juridiques, Paris, Béchet
Jeune, 1831, 2 t., 388 + 387 p.
1011

- Sources imprimées -
-TARDIEU, Ambroise, « Exhumation », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1871, t. 14, pp. 311-316.
• EMBAUMEMENT
-ARLIN, PRIEUR, Notice sur les embaumements. Nouveaux procédés de M. Gannal,
Poitiers, 1841, 16 p.
-BOITARD, Pierre, Nouveau manuel complet du naturaliste préparateur, 1 ère éd. 1828,
nouvelle éd. rev., corr. et augm., Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1868, 468 p.
- « Embaumement », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., s. l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 6, pp. 339-340.
-GANNAL, Jean, Histoire des embaumements, Paris, Ferra, 1838, 349 p.
-HAHN, L., THOMAS, L., « Embaumement », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin et Masson, 1886, 1 ère série, t. 33,
pp. 584-600.
-JEANNEL, J., « Embaumement », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1870, t. 12, pp. 602-611.
-MALAGUTI, « Mercure (Chimie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1873, 2 ème série,
t. 7, pp. 21-33.
-PARCELLY, Pierre, Etude historique et critique des embaumements avec description
d’une nouvelle méthode, thèse pour le doctorat de médecine, sous la dir. d’Alexandre
Lacassagne, Faculté de médecine de Lyon, Lyon, Storck, 1891, 188 p.
-PELLETAN fils, « Embaumement », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 11, pp. 505-528.
-PIQUAND, « Embaumements », Pratique médico-chirurgicale, sous la dir. d’E. Brissaud,
A. Pinard, P. Reclus, Paris, Masson, 1907, t. 2, pp.701-703.
-SUCQUET, De l’embaumement chez les anciens et chez les modernes et des
conservations d’anatomie normale et pathologique, Aurillac, Pinard, 1872, 245 p. [Gallica]
♦ Morgues
-BROUARDEL, Paul, Du service des autopsies médico-légales à la Morgue, Paris,
Asselin, 1878, 15 p.
-DAUSSET, Louis, LEMARCHAND, Georges, Rapport sur la reconstruction de la
Morgue et la création d’un institut médico-légal, Paris, Imprimerie municipale, 1908,
234 p.
1012

- Sources imprimées -
-LUTAUD, Auguste, « Obitoires-Morgues », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1880, 2 ème série,
t. 14, pp. 41-57.
-MAILLARD, Firmin, Recherches historiques et critiques sur la Morgue, Paris, Delahays,
1860, 156 p. [Gallica]
-ROCHARD, Jules (sous la dir. de), Encyclopédie d’hygiène et de médecine publique, ,
Paris, Rousseau et Vigot, 1897, t. 4, 919 p.
♦ Instruments et matériel
-« Instrument », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1824, t. 10, pp. 116-117.
-PERCY, LAURENT, « Instrument », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 25, pp. 413-427.
o Couteaux
• INSTRUMENTS POUR INCISER ET SECTIONNER
-CLOQUET, Jules, « Couteau », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard,
Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 6, pp. 155-158.
-« Couteau », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 5, pp. 170-172.
-CHRETIEN, H., « Couteaux à opérations », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879, 1 ère série,
t. 22, pp. 85-100.
-MOUTON, « Couteau », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 7, pp. 228-231.
o Bistouris
-« Bistouri », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 3, pp. 5-13.
-DELPECH, « Bistouri », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, pp. 146-151.
-POLAILLON, « Bistouri », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1868, 1 ère série, t. 9, pp. 543-553.
-SARAZIN, Ch., « Bistouri », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1866, t. 5, pp. 123-129.
1013

o Scalpels
- Sources imprimées -
-CHRETIEN, H., « Scalpel », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879, 3 ème série, t. 7, pp. 193-195.
-« Scalpel », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 14, p. 217.
-« Scalpel », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris,
Béchet Jeune, 1827, t. 19, p. 142.
o Lancettes
-MONFALCON, J. B., « Lancette », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1818, t. 27, pp. 220-225.
-POLAILLON, « Lancette », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1872, 2 ème série, t. 1, pp. 308-312.
o Paires de ciseaux
-« Ciseaux », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, pp. 329-334.
-DELPECH, « Ciseaux », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, pp. 263-268.
-GILETTE, « Ciseau et ciseaux », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1876, 1 ère série, t. 17,
pp. 570-579.
-MURAT, « Entérotome », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett
et al., Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 8., pp. 126-127.
-PETIT, L. H., « Entérotome », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous
la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 1 ère série, t. 34,
pp. 617-618.
-SARAZIN, Ch., « Ciseaux », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1867, t. 7, pp. 745-747.
• INSTRUMENTS POUR LES PARTIES OSSEUSES
-DELORME, Edmond, « Résections », Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1882, t. 31, pp. 80-202.
1014

o Scies
- Sources imprimées -
-BLANDIN, Ph. F., « Scie », Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, sous la
dir. d’Andral, Bégin, Blandin et al., Paris, Méquignon-Marvis et Baillière, 1835, t. 14,
pp. 552-560.
-P., M., « Scie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1820, t. 50, pp. 157-160.
-ROCHARD, Eric, « Scie », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1882, t. 32, pp. 593-599.
-SPILLMAN, E., « Scie », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 3 ème série, t. 7, pp. 647-652.
o Trépans
-MURAT, « Trépan », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et
al., Paris, Béchet Jeune, 1828, t. 20, pp. 488-502.
-MURAT, « Tréphine », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard
et al., Paris, Béchet Jeune, 1828, t. 20, pp. 502-504.
-PERCY, LAURENT, « Trépan », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir.
d’Adelon, Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 55, pp. 531-542.
-POULET, A., « Trépan », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques, sous
la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1888, t. 36, pp. 157-191.
-« Trépan », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1826, t. 15, pp. 195-206.
o Ciseaux/Gouges
-« Ciseau », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1821, t. 4, pp. 328-329.
-DECHAMBRE, Amédée, « Gouge », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 4 ème série, t. 9,
1883, p. 762.
-DELPECH, « Ciseau », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alard,
Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 5, pp. 262-263.
-GILETTE, « Ciseau et ciseaux », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1876, 1 ère série, t. 17,
pp. 567-570.
1015

o Rugines
- Sources imprimées -
-DECHAMBRE, Amédée, « Rugination. Rugines », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1877,
3 ème série, t. 5, p. 588.
-P., M., « Rugine », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 49, p. 186.
-« Rugine », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1826, t. 14, p. 136.
-« Rugine », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris,
Béchet Jeune, 1827, t. 18, pp. 522-523.
o Pinces
• INSTRUMENTS POUR ECARTER ET SONDER
-DESPRES, Armand, « Pinces », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie
pratiques, sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1880, t. 28, pp. 25-30.
-MURAT, « Pince », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et
al., Paris, Béchet Jeune, 1826, t. 16, pp. 547-551.
-PATISSIER, « Pinces », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1820, t. 42, pp. 456-460.
-PETIT, L.-H., « Pince », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1885, 2 ère série, t. 2,
pp. 407-408.
-« Pinces », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1825, t. 13, pp. 67-69.
o Crochets
-BAILLY, Em., « Crochets », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1872, t. 10, pp. 281-290.
-« Crochet », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 5, pp. 276-277.
-DECHAMBRE, Amédée, « Crochet », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879, 1 ère série,
t. 23, pp. 358-359.
-DELPECH, « Crochet », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1813, t. 7, pp. 399-402.
1016

- Sources imprimées -
-DESORMEAUX, « Crochet », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard,
Biett et al., Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 6, pp. 204-209.
-« Elévatoire », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1822, t. 6, pp. 319-322.
-HAHN, L., « Erignes », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la dir.
de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 1 ère série, t. 35, p. 452.
-MURAT, « Elévatoire », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett
et al., Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 7, pp. 360-363.
-MURAT, « Erigne », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Béclard, Biett et
al., Paris, Béchet Jeune, 1823, t. 8, pp. 273-274.
-PETIT, « Erigne », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 13, pp. 184-185.
-RULLIER, « Elévatoire », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1815, t. 11, pp. 428-433.
-SARAZIN, Ch., « Airigne », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1887, t. 1, pp. 482-483.
o Sondes
-CULLERIER, « Bougie », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 3, pp. 267-272.
-DECHAMBRE, « Stylet », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1883, 3 ère série, t. 12, p. 471.
-G., M., « Stylet », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 53, pp. 71-72.
-JAMIN, Robert, « Sondes », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1882, t. 33, pp. 305-321.
-MERAT, « Sondes », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 52, pp. 147-150.
-MURAT, « Sonde », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et
al., Paris, Béchet Jeune, 1827, t. 19, pp. 383-391.
-« Sonde », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1826, t. 14, pp. 359-362.
-« Stylet », Dictionnaire abrégé des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., s.l. [Paris], Panckoucke, 1826, t. 14, p. 462.
1017

- Sources imprimées -
-« Stylet », Dictionnaire de médecine, sous la dir. d’Adelon, Andral, Béclard et al., Paris,
Béchet Jeune, 1827, t. 19, p. 567.
-VOILLEMIER, « Bougies (Chirurgie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869, 1 ère série,
t. 10, pp. 280-289.
• INSTRUMENTS POUR INJECTER ET PONCTIONNER
-GILSON, Henry, « Trocart », Nouveau dictionnaire de médecine et chirurgie pratiques,
sous la dir. de Sigismond Jaccoud, Paris, Baillière, 1884, t. 36, pp. 193-197.
-MERAT, « Seringue », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 51, pp. 149-155.
-P., M., « Trocart », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon, Alibert,
Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1821, t. 56, pp. 53-54.
-PETIT, L.-H., « Trocart ou Trois-quarts », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1885,
3 ème série, t. 18, pp. 258-259.
-SPILLMANN, A., « Seringues », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1881, 3 ème série, t. 9,
pp. 354-369.
• AUTRES INSTRUMENTS
-DECHAMBRE, Amédée, « Pelvimètrie », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1886, 2 ème série,
t. 22, pp. 480-410.
-GARDIEN, « Pelvimètre », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alibert, Barbier et al., Paris, Panckoucke, 1819, t. 40, pp. 105-110.
-HAHN, L., « Papiers réactifs », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous
la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1884, 2 ème série, t. 20, pp. 461-462.
-LARREY, « Aiguilles », Dictionnaire des sciences médicales, sous la dir. d’Adelon,
Alard, Alibert et al., Paris, Panckoucke, 1812, t. 1, pp. 205-211.
-SPILLMANN, E., « Rachitomes », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série, t. 1,
pp. 700-701.
• MATERIAUX
-DELPECH, A., « Caoutchouc (Fabrication) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série,
t. 12, pp. 242-247.
1018

- Sources imprimées -
-DECHAMBRE, Amédée, « Caoutchouc (Emploi médico-chirurgical) », Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin
et Masson, 1874, 1 ère série, t. 12, pp. 247-249.
-GRANDEAU, L., « Acier. Aciération », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Raige-Delorme et Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson,
1864, 1 ère série, t. 1, pp. 549-553.
-PLANCHON, « Ebène », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1885, 1 ère série, t. 32, pp. 4-5.
• CATALOGUES
-BERNARD, Cl., HUETTE, Ch., Spécimen des instruments de chirurgie modèles
Charrière, extrait du Précis iconographique de médecine opératoire, Paris, Méquignon-
Marvis, 1854, XXVI p. + 25 planches. [Medic@]
-BRUNEAU, Michel, Catalogue illustré d’instruments de chirurgie, Paris, 1913,
222-VII p. [Medic@]
-CHARRIERE, J., Note accompagnée de planches représentant les instruments nouveaux
et particulièrement les instruments de dissection et ceux qui, d’un usage de chaque jour,
peuvent être placés dans les trousses, Paris, 1863, 32 p. [Medic@]
-COLLIN, H., Petit arsenal chirurgical illustré à l’usage des infirmières, Paris, 1914, 57 p.
[Medic@]
-DUTAR, Henri, Instruments et appareils. Chirurgie et médecine, Paris, 1909, 119 p.
[Medic@]
-GALANTE, Henry, Catalogue illustré des instruments de chirurgie, appareils de
prothèse, orthopédie, bandages, etc., Paris, 1885, 218 p. [Medic@]
-GENDRON, F., Catalogue général illustré, chirurgie herniaire, orthopédie, prothèses,
Bordeaux, 1889, 143 p. [Medic@]
-MATHIEU, Fabrique d’instruments de chirurgie, orthopédie, prothèse, physiologie,
anthropologie, coutellerie fine, 15 ème éd., Paris, 1907, 484 p. [Medic@]
-MATHIEU (Ancienne Maison), Fabrique d’instruments de chirurgie. Mobilier aseptique
pour hôpitaux. Stérilisation. Anthropologie, physiologie, orthopédie, prothèse, bandages,
Paris, 1912, 200 p. [Medic@]
-NATTON, P., Instruments et appareils de l’art médical, Paris, Grandrémy, 1900, 302 p.
[Medic@]
-TREMONT, Victor, Instruments de chirurgie. Appareils orthopédiques, Paris,
Grandrémy, 1899, 169 p. [Medic@]
1019

- Sources imprimées -
♦ Manuels, recueils et codes juridiques
-Bulletin des lois de la République française, Paris, Imprimerie Nationale, 1870-1931.
-DAGUIN, Fernand, Code de procédure pénale allemand (1 er février 1877), Paris,
Imprimerie nationale, 1884, CXXIV-404 p.
-DALLOZ, D., Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de
jurisprudence en matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des
gens et de droit public, nouvelle édition, Paris, Thunot, 1845-1858, t. 33.
-DUVERGER, François, Manuel criminel des juges de paix considérés comme officiers de
police judiciaire auxiliaires du procureur de la République et comme délégués du juge
d’instruction, 1 ère éd. 1835, 5 ème éd. rev. et mise au courant de la législation et de la
jurisprudence, Paris, Marchal et Billard, 1876, 464 p.
-DUVERGER, François., Manuel des juges d’instruction, 1 ère éd. 1839-1840, 2 ème éd. rev.
et augm., Niort, Robin, 1844, 3 t., 450 + 541 + 515 p.
-GROSS, Hanns, Manuel pratique d’instruction judiciaire à l’usage des procureurs, des
juges d’instruction, des officiers et des agents de police judiciaire, fonctionnaires de
police, gendarmes, agents de service de la sûreté, traduit de l’allemand par Boucart et
Wintzweiller, préface de Gardeil, Paris, Marchal et Billard, 1899, 2 t., XXVII-514 + 484 p.
-GUERRIER, Léonce, ROTUREAU, Louis, Manuel pratique de jurisprudence médicale,
préface de Henri Roger, introduction de Paul Brouardel, Paris, Masson, 1890, XII-462 p.
-RONDONNEAU, Louis, Manuel légal des médecins, chirurgiens et pharmaciens, Paris,
Rondonneau et Decle, Dépôt des lois, 1812, X-258 p.
♦ Biographies
• INSTRUMENTS BIOGRAPHIQUES
-Base de données des biographies de la Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine
(BIUM), en ligne, (http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/hm_bio.htm).
-Dictionnaire des sciences médicales. Biographie médicale, Paris, Panckoucke, 1820-
1825, 7 t. [Medic@]
-LORENZ, Otto, JORDELL, Daniel, STEIN, Henri, Catalogue général de la librairie
française, Paris, Lorenz, Jordell et Champion, 1867-1945, 34 t. [Gallica]
-QUERARD, Joseph, La France littéraire, Paris, Firmin Didot, 1827-1864, 12 t.
1020

• BIOGRAPHIES
- Sources imprimées -
-BEAUGRAND, E., « Adelon (Nicolas-Philibert) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1864, 1 ère
série, t. 1, pp. 693-694.
-BEAUGRAND, E., « Leroux des Tillets (Jean-Jacques) », Dictionnaire encyclopédique
des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1869,
2 ème série, t. 2, pp. 198-199.
-BEAUGRAND, E., « Mahon (Paul-Augustin-Olivier) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1871,
2 ème série, t. 4, p. 2.
-BEAUGRAND, E., « Rédi (Francesco) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 3 ème série,
t. 2, p. 770.
-BROUARDEL, Paul, Exposé des titres et des travaux du Docteur Brouardel, candidat à
la chaire de médecine légale, vacante à la Faculté de médecine de Paris, Paris, Imprimerie
Emile Martinet, 1879, 39 p.
-CHEREAU, A., « Devergie (Marie-Guillaume-Alphonse) », Dictionnaire encyclopédique
des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1883,
1 ère série, t. 28, pp. 497-499.
-CHEREAU, A., « Fourcroy (Antoine-François) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1879,
4 ème série, t. 3, pp. 744-747.
-CHEREAU, A., « Orfila (Mathéo-José-Bonaventure) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1882,
2 ème série, t. 17, pp. 370-374.
-« Gilles de la Tourette (Georges) », base de données des biographies la Bibliothèque
Interuniversitaire de Médecine (BIUM), en ligne, (http://www.bium.univparis5.fr/histmed/debut.htm).
-HAHN, L., « Henke (Adolph-Christ.-Heinr.) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1888, 4 ème
série, t. 13, pp. 528-529.
-HAHN, L., « Tardieu (Ambroise-Auguste) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1885, 3 ème série,
t. 15, pp. 746-748.
-MONTANIER, H., « Chaussier (François) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série,
t. 15, pp. 573-575.
1021

- Sources imprimées -
-MONTANIER, H., « Marc (Charles-Chrétien-Henri) », Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1871,
2 ème série, t. 4, pp. 763-765.
♦ Divers
-BROCHIN, « Catarrhe », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, sous la
dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1874, 1 ère série, t. 13, pp. 214-300.
-KRAFFT-EBING, Richard von, Psychopathia sexualis mit besonderer Berücksichtigung
der conträren Sexulempfindung, Stuttgart, Ferdinand Enke, 1894, X-414 p.
[Une édition commentée de l’ouvrage a été publiée en 1950 : Richard von Krafft-Ebing,
Psychopathia sexualis, édition refondue par le Dr Albert Moll, traduit de l’allemand par René
Lobstein, préface du Dr Pierre Janet, 1 ère éd. 1950, Paris, Pocket, Agora, 1999, 2 t., 387 + 384 p.]
-RETTERER, « Périoste (Anatomie) », Dictionnaire encyclopédique des sciences
médicales, sous la dir. de Léon Lereboullet, Paris, Asselin&Houzeau et Masson, 1887, 2 ème
série, t. 23, pp. 133-156.
-ROGER, Henri, PETER, Michel, « Angine diphthérique », Dictionnaire encyclopédique
des sciences médicales, sous la dir. d’Amédée Dechambre, Paris, Asselin et Masson, 1870,
1 ère série, t. 5, pp. 1-48.
1022

- Sources imprimées -
PUBLICATIONS DE SOCIETES SAVANTES
ET PERIODIQUES
Pour le détail des articles, cf. les notes infrapaginales.
♦ Bulletins de sociétés savantes
• SOCIETES MEDICALES NATIONALES
-Mémoires de l’Académie royale de médecine, 1828-1870.
-Mémoires de la Société de chirurgie de Paris, 1847-1857.
-Mémoires de la Société médicale d’émulation de Paris, 1798-1801.
• SOCIETES MEDICALES POITEVINES
-Bulletin de la Société de médecine de Poitiers, 1858-1866.
-Bulletin de la Société des sciences médicales de Poitiers, Poitiers, Fayoux, 1897-1908.
[A partir de 1909, le Bulletin est intégré au Journal scientifique et médical de Poitiers.]
-Recueil des travaux de la Société de médecine de Niort, 1841-1843.
• AUTRES SOCIETES MEDICALES
-Journal de la section de médecine de la Société académique du Département de la Loire-
Inférieure, 1835-1836, 1841-1843.
[Il s’intitule ensuite Journal de médecine de Nantes]
-Précis de la constitution médicale observée dans le département d’Indre et Loire, 1820-
1854.
[A partir de 1833, le bulletin prend le titre de Recueil des travaux de la Société médicale de
Tours.]
♦ Revues et périodiques
• PUBLICATIONS NATIONALES
-Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Gabon, Cochard et Baillière,
1829-1922, 1 ère série, 50 volumes, 2 ème série, 50 volumes, 3 ème série, 50 volumes, 4 ème
série, 38 volumes.
[Périodique essentiel pour l’étude de l’expertise, des pratiques médico-légales, des réflexions
de nature professionnelle. La collection complète est disponible sur le site Medic@ de la BIUM.]
-Archives d’anthropologie criminelle, Lyon, Storck et Rey, 1886-1915, 29 volumes.
[La revue change deux fois de titres au cours de sa parution. D’abord intitulée Archives de
l’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire. Statistique criminelle.
Législation et droit, elle prend le titre d’Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de
1023

- Sources imprimées -
psychologie normale et pathologique en 1893, puis d’Archives d’anthropologie criminelle, de médecine
légale et de psychologie normale et pathologique en 1908.
Lors de sa fondation, elle est dirigée par Alexandre Lacassagne, R. Garraud et Henry
Coutagne. Puis, en 1893, par Alexandre Lacassagne et Gabriel Tardes. Lors du décès de ce dernier, en
1904, Paul Dubuisson prend sa place. Après 1909, Alexandre Lacassagne demeure le seul directeur,
suite à la disparition de Dubuisson.
L’ensemble de la collection est consultable sur le site Criminocorpus à l’adresse :
http://www.criminocorpus.cnrs.fr/]
-Bulletin des sciences médicales, sous la dir. de Férussac, Paris, 1824-1831.
-La Chronique médicale, revue bimensuelle, sous la dir. de Cabanès, 1898-1917.
-Journal des connaissances médico-chirurgicales, mensuel publié par Armand Trousseau,
Jacques Lebaudy et Henri Gourand, 1833-1844.
-Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, Plassan,
Decourchant, Schneider&Langrand, Crapelet, Lahure et Daix, 1830-1915, 86 volumes.
[Fin de publication dans les années 1980. La collection est disponible sur le site Gallica de la
BNF. Il y a cependant quelques lacunes.]
• REVUES ET BULLETINS PUBLIES EN POITOU
-Archives médico-chirurgicales du Poitou, 1906-1914, 1922, 1924.
[En 1909, le titre est modifié pour devenir Archives médico-chirurgicales de Province]
-Journal scientifique et médical de Poitiers, 1909-1914.
-Poitou médical, 1886-1914.
1024

BIBLIOGRAPHIE

♦ Outils de travail
- Bibliographie -
-BEAUD, Michel, L’art de la thèse. Comment préparer et rédiger une thèse de doctorat,
un mémoire de DEA ou de maîtrise ou tout autre travail universitaire, 1 ère éd. 1985, éd.
mise à jour avec la collaboration de Bernard Chavance, Paris, La Découverte, « Guides
Repères », 2001, 201 p.
• INSTRUMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
-BRITTAIN, Robert P., GUIDET, M. R., SAURY, A., Bibliographie des travaux français
de médecine légale, préface du Pr. Louis Roche, Paris, Masson, Collection de médecine
légale et de toxicologie médicale, 1970, 188 p.
-FARCY, Jean-Claude, Guide des archives judiciaires et pénitentiaires, 1800-1958, sous la
dir. de Philippe Vigier, Paris, CNRS Editions, 1992, 1175 p.
• METHODOLOGIE
-ARTIERES, Philippe, KALIFA, Dominique, Sociétés&Représentations : Histoire et
archives de soi, Paris, CREDHESS, avril 2002, n°13, 372 p.
-CERUTTI, Mauro, FAYET, Jean-François, PORRET, Michel (sous la dir. de), Penser
l’archive. Histoires d’archives-Archives d’histoire, Lausanne, Antipodes, Histoire, 2006,
331 p.
-CHAUVAUD, Frédéric, PETIT, Jacques-Guy (sous la dir. de), L’histoire contemporaine
et les usages des archives judiciaires (1800-1939), Paris, Honoré Champion, Histoire et
archives, 1998, 490 p.
-REVEL, Jacques (sous la dir. de), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris,
Le Seuil/Gallimard, Hautes études, 1996, 243 p.
-SAMARAN, Charles (sous la dir. de), L’histoire et ses méthodes, Paris, Gallimard,
Encyclopédie de la Pléiade, 1961, 1771 p.
• HISTORIOGRAPHIE
-BOURDE, Guy, MARTIN, Hervé, Les écoles historiques, en collaboration de Pascal
Balmand, nouvelle édition, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1997, 416 p.
-PORRET, Michel, « La voie de Paolo Zacchias : médecine et crime », compte-rendu de
l’ouvrage d’Alessandro Pastore, Il medico in tribunale. La perizia medica nella procedura
penale d’antico regime (secoli XVI-XVIII), Crime, Histoire et Sociétés, Genève-Paris,
Droz, 2001, vol. 5, n°1.
-SALOMON-BAYET, Claire, « Histoire des sciences et histoire de la médecine » in Pour
l’histoire de la médecine. Autour de l’œuvre de Jacques Léonard, textes réunis par Michel
Lagrée et François Lebrun, actes de la journée d’études (9 janvier 1993) organisée par le
Groupe de recherche en épistémologie et histoire de la médecine (GREHM, Université de
Paris 13), sous la dir. de Dr. Jacques Poirier, Claude Bénichou et Claude Langlois, Rennes,
1027

PUR, Histoire, 1994, pp. 49-55.
♦ La France du XIX e siècle
• ASPECTS POLITIQUES
- Bibliographie -
-AGULHON, Maurice, 1848 ou l’apprentissage de la république, 1848-1852, Paris,
Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°8, 1973,
249 p.
-BERGERON, Louis, L’épisode napoléonien. Aspects intérieurs, 1799-1815, Paris,
Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°4, 1972,
251 p.
-DUPUY, Roger, La République jacobine. Terreur, guerre et gouvernement
révolutionnaire 1792-1794, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de
la France contemporaine n°2, 2005, 366 p.
-JARDIN, André, TUDESQ, André-Jean, La France des notables. La vie de la nation,
1815-1848, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France
contemporaine n°7, 1973, 255 p.
-JARDIN, André, TUDESQ, André-Jean, La France des notables. L’évolution générale,
1815-1848, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France
contemporaine n°6, 1973, 249 p.
-LOVIE, Jacques, PALLUEL-GUILLARD, André, L’épisode napoléonien. Aspects
extérieurs, 1799-1815, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la
France contemporaine n°5, 1972, 244 p.
-MAYEUR, Jean-Marie, Les débuts de la Troisième République, 1871-1898, Paris,
Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°10,
1973, 252 p.
-PLESSIS, Alain, De la fête impériale au mur des fédérés, 1852-1871, Paris, Editions du
Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°9, 1973, 253 p.
-REBERIOUX, Madeleine, La République radicale ? 1898-1914, Paris, Editions du Seuil,
Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°11, 1975, 258 p.
-VOVELLE, Michel, La chute de la monarchie, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire,
Nouvelle histoire de la France contemporaine n°1, 1972, 282 p.
-WORONOFF, Denis, La République bourgeoise, de Thermidor à Brumaire, 1794-1799,
Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, Nouvelle histoire de la France contemporaine n°3,
1972, 250 p.
1028

• SOCIETE
- Bibliographie -
-CHARLE, Christophe, Histoire sociale de la France au XIX e siècle, Paris, Editions du
Seuil, Points Histoire, 1991, 392 p.
-DUBY, Georges (sous la dir. de), Histoire de la France urbaine, t. 4 : La ville de l’âge
industriel : le cycle haussmannien, sous la dir. de Maurice Agulhon, Paris, Editions du
Seuil, L’Univers historique, 1983, 665 p.
-DUBY, Georges, WALLON, Armand (sous la dir. de), Histoire de la France rurale, t. 3 :
Apogée et crise de la civilisation paysanne de 1789 à 1914, par Maurice Agulhon, Gabriel
Désert et Robert Specklin, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1976, 560 p.
-ELIAS, Norbert, SCOTSON, John L., Les logiques de l’exclusion, avant-propos de
Michel Wieviorka, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Fayard, 1997,
278 p.
-GUILLAUME, Pierre (sous la dir. de), La professionnalisation des classes moyennes,
Talence, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 1996, 389 p.
-MENDRAS, Henri, Sociétés paysannes. Eléments pour une théorie de la paysannerie,
Paris, Amand Colin, 1976, 235 p.
-PETIT, Jacques-Guy, MAREC, Yannick (sous la dir. de), Le social dans la ville en
France et en Europe (1750-1914), actes du colloque international d’Angers « Politiques
sociales urbaines en France et en Europe (fin XVIII e -début XX e siècles) » (6-8 avril 1995)
organisé par l’HIRES de l’Université d’Angers, Paris, Les Editions de l’Atelier/Editions
Ouvrières, Patrimoine, 1996, 351 p.
• POPULATION
-ARIES, Philippe, DUBY, Georges, (sous la dir. de), Histoire de la vie privée, t. 4 : De la
Révolution à la Grande Guerre, sous la dir. de Michelle Perrot, éd. rev. et complétée,
Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1999, 621 p.
-CHOLVY, Gérard, HILAIRE, Yves-Marie (sous la dir. de), Histoire religieuse de la
France (1800-1880), Toulouse, Privat, Hommes et communautés, 2000, 287 p.
-CZECHOWSKI, Nicole (sous la dir. de), Autrement : Dimanche. Le temps suspendu, mai
1989, n°107, 204 p.
-DUPAQUIER, Jacques (sous la dir. de), Histoire de la population française, t. III : 1789-
1914, Paris, PUF, 1988, 554 p.
-PLOUX, François, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la
France du XIX e siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2003, 289 p.
-POIRIER, Jean (sous la dir. de), Histoire des mœurs, Paris, Gallimard, Folio Histoire,
1990-1991, 3 t., XVII-1738 + VII-1658 + VII-1756 p.
1029

• REGULATIONS SOCIALES
- Bibliographie -
-Les Cahiers du GERHICO : Le contrôle social, textes rassemblés par Frédéric Chauvaud,
Université de Poitiers, 2004, n°6, 185 p.
-COENEN, Marie-Thérèse (sous la dir. de), Corps de femmes. Sexualité et contrôle social,
préface d’Yvonne Knibiehler, Bruxelles, De Boeck Université, Pol-His, 2002, 216 p.
-Le contrôle social de la déviance, actes du colloque de Vaucresson (24-25 octobre 1978),
Délégation générale à la recherche scientifique et technique, 1979, 282 p.
-CUSSON, Maurice, Le contrôle social du crime, Paris, PUF, Sociologies, 1983, 342 p.
-FOUCAULT, Michel, Sécurité, territoire, population, cours au Collège de France (1977-
1978), édition établie sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana, par
Michel Senellart, Gallimard/Seuil, Hautes Etudes, 2004, XI-435 p.
-KALIFA, Dominique, Naissance de la police privée. Détectives et agences de recherches
en France (1832-1942), Paris, Plon, Civilisations et Mentalités, 2000, 334 p.
♦ Le Poitou et Poitiers
-CANTAMESSA, Laurent, Les débuts du syndicalisme en Poitou-Charentes 1884-1914,
thèse pour le doctorat en histoire du droit, sous la dir. de Jean-Marie Augustin, université
de Poitiers, 2005, 2 t., 1007 p.
-CHARLANNE, Louis, Taine à Poitiers, Poitiers, Masson, 1912, 34 p.
-QUELLA-VILLEGER, Alain (sous la dir. de), Poitiers, une histoire culturelle 1800-1950,
Poitiers, Atlantique, Editions de l’Actualité Poitou-Charentes, 2004, 569 p.
• TOPOGRAPHIE
-BROTHIER DE ROLLIERE, R., Nouveau guide du voyageur à Poitiers et histoire des
rues de Poitiers du I er au XX e siècle, Poitiers, Le Bouquiniste, 1974, 438 p.
-LE ROUX, Hubert, Dictionnaire de Poitiers. Ville d’art et d’histoire. Rues, lieux-dits,
cités, monuments, curiosités, services publics…, Poitiers, Hubert Le Roux, 1976, 298 p.
-POIGNAT, Maurice, Le Pays de Gâtine. Histoire des communes des Deux-Sèvres :
Parthenay. Saint-Loup-sur-Thouet, Poitiers, Michel Fontaine, 2003, 287 p.
• RESEAU FERROVIAIRE
-MARSAULT, Pierre, MORIN, Laurent, La Compagnie des tramways départementaux des
Deux-Sèvres, La Crèche, Geste Editions, 2005, 170 p.
-PACHER, Maurice, LE BACQUER, Maïnig, Petite histoire du train en Deux-Sèvres,
Niort, Conseil général des Deux-Sèvres, 2004, 58 p.
1030

- Bibliographie -
-REVEILLE, Philippe, Les débuts du chemin de fer dans la Vienne (1833-1878), mémoire
de maîtrise, sous la dir. de J. Vallette, Université de Poitiers, 1987, XII-68-XII f°.
♦ Sciences et techniques
• HISTOIRE DES SCIENCES
-Annales. Economies, Sociétés, Civilisations : Histoire et sciences, septembre-octobre
1975, n°5, pp. 933-1185.
-DHOMBRES, Nicole, DHOMBRES, Jean, Naissance d’un pouvoir : sciences et savants
en France (1793-1824), Paris, Payot, 1989, 938 p.
-GRMEK, Mirko D., « Objectivité et progrès en histoire des sciences », Annales.
Economies, Sociétés, Civilisations, mai-juin 1970, n°3, pp. 616-619.
-PESTRE, Dominique, « Pour une histoire sociale et culturelle des sciences. Nouvelles
définitions, nouveaux objets, nouvelles pratiques », Annales. Histoire, sciences sociales,
mai-juin 1995, n°3, pp. 487-522.
• PROGRES SCIENTIFIQUES
-BRANNIGAN, Augustine, Le fondement social des découvertes scientifiques, traduit de
l’anglais par Christian Puech, Paris, PUF, Sciences, modernités, philosophes, 1996, 306 p.
-CALLON, Michel (sous la dir. de), La science et ses réseaux. Genèse et circulation des
faits scientifiques, Paris, Editions La Découverte / Conseil de l’Europe / UNESCO, Textes
à l’appui anthropologie des sciences et des techniques, 1988, 214 p.
-CHAUBON, Jean-Pierre, Découvertes scientifiques et pensée politique au XIX e siècle,
mémoire pour le DEA, préface de R. Besnier, Université de droit, d’économie et de
sciences sociales, Paris II, PUF, 1981, 95 p.
-LATOUR, Bruno, Le métier de chercheur. Regard d’un anthropologue, préface d’Etienne
Landais, conférence-débat à l’INRA (Paris, 22 septembre 1994), Paris, INRA Editions,
Sciences en questions, 1995, 95 p.
-LATOUR, Bruno, La science en action. Introduction à la sociologie des sciences, traduit
de l’anglais par Michel Biezunski, édition originale publiée en 1987 par Harvard
University Press, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1995, 663 p.
-LATOUR, Bruno, WOOLGAR, Steve, La vie de laboratoire. La production des faits
scientifiques, traduit de l’anglais par Michel Biezunski, Paris, La Découverte/Poche,
Sciences humaines et sociales, 1996, 300 p.
-MOUSNIER, Roland, Progrès scientifique et technique au XVIII e siècle, Paris, Plon,
Civilisations d’hier et d’aujourd’hui, 1958, 451 p.
1031

- Bibliographie -
-STENGERS, Isabelle, L’invention des sciences modernes, Paris, Flammarion, Champs,
1995, 210 p.
-STENGERS, Isabelle, SCHLANGER, Judith, Les concepts scientifiques. Invention et
pouvoir, Paris, Gallimard, Collection Folio/Essais, 1991, 190 p.
• DIFFUSION DES SAVOIRS
-FAURE, Olivier, « Jacalyn Duffin, Langstaff, a Nineteenth Medical Life », Annales
Histoire, Sciences sociales, mars-avril 1998, n°2, pp. 338-340.
-FAURE, Olivier « Russel C. Maulitz, Morbid appearances : The Anatomy of Pathology in
the Early Nineteenth Century », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, mai-juin
1990, n°3, pp. 701-703.
-JACOBI, Daniel, Diffusion et vulgarisation. Itinéraires du texte scientifique, préface de
Jean Peytard, Paris, Les Belles Lettres, Annales littéraires de l’Université de Franche-
Comté, 1986, 182 p.
-MORNET, D., Les sciences de la nature en France, au XVIII e siècle. Un chapitre de
l’histoire des idées, Paris, Armand Colin, 1911, 290 p.
-OLIVERO, Isabelle, L’invention de la collection. De la diffusion de la littérature et des
savoirs à la formation du citoyen au XIX e siècle, Paris, Editions de l’IMEC/Maison des
sciences de l’homme, Collection « In Octavo », 1999, 335 p.
-QUENIART, Jean, Les Français et l’écrit, Paris, Hachette, Carré Histoire, 1998, 255 p.
-REY, Roselyne, « Les relations entre savoirs et pratiques » in Pour l’histoire de la
médecine. Autour de l’œuvre de Jacques Léonard, textes réunis par Michel Lagrée et
François Lebrun, actes de la journée d’études (9 janvier 1993) organisée par le Groupe de
recherche en épistémologie et histoire de la médecine (GREHM, Université de Paris 13),
sous la dir. de Dr. Jacques Poirier, Claude Bénichou et Claude Langlois, Rennes, PUR,
Histoire, 1994, pp. 97-104.
-VARRY, Dominique (sous la dir. de), Histoire des bibliothèques françaises, t. 3 : Les
bibliothèques de la Révolution et du XIX e siècle (1879-1914), Paris, Editions du Cercle de
la Librairie-Promodis, 1991, 671 p.
• TECHNIQUES
-COHEN, Yves, PESTRE, Dominique, « Histoire des techniques. Présentation », Annales.
Histoire, sciences sociales, juillet-octobre 1998, n°4-5, pp. 721-744.
-COLOMBIER, Louis, HENRY, Guy, « Acier (Technologie) », Encyclopedia Universalis,
1990, t. 1, pp. 175-188.
-DAUMAS, Maurice (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. III :
L’expansion du machinisme, 1725-1860, par Marguerite Dubuisson, Jean-Baptiste Ache,
Maurice Audun et al., introduction de Maurice Daumas, Paris, PUF, 1968, XXIV-884 p.
1032

- Bibliographie -
-DAUMAS, Maurice (sous la dir. de), Histoire générale des techniques, t. IV : Les
techniques de la civilisation industrielle. Energie et matériaux, par Maurice Daumas, Jules
Guéron, Alexandre Ion Herléa et al., introduction de Maurice Daumas, dessins de Bernard
Breloy, Paris, PUF, 1978, XXVIII-754 p.
-LAMOTHE, Marie-José, VELTER, André, Les outils du corps, photographies originales
de Jean Marquis, Paris, Messidor, 1984, 303 p.
-LEROI-GOURHAN, André, Milieu et techniques, Paris, Albin Michel, Sciences
d’aujourd’hui, 1973, 475 p.
-POIRIER, Jean, « L’homme, l’objet et la chose » in Jean Poirier (sous la dir. de), Histoire
des mœurs, t. 1 : Les coordonnées de l’homme et la culture matérielle, Paris, Gallimard,
Folio Histoire, 1990, pp. 901-960.
-ROUTHIER, Pierre, Voyage au monde du métal. Inventions et aventures, Paris, Belin,
Regards sur la science, 1999, 159 p.
-WORONOFF, Denis, L’industrie sidérurgique en France pendant la Révolution et
l’Empire, préface d’Ernest Labrousse, Paris, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales, 1984, 592 p.
• GESTE
-GALARD, Jean, La beauté du geste. Pour une esthétique des conduites, Paris, Presses de
l’Ecole Normale Supérieure, Arts et Langage, 1984, 95 p.
-HAUDRICOURT, André-G., « La technologie culturelle. Essai de méthodologie » in Jean
Poirier (sous la dir. de), Ethnologie générale, Paris, Gallimard, Encyclopédie de la Pléiade,
1968, pp. 731-822.
-KOECHLIN, Bernard, « Réalité gestuelle des sociétés humaines » in Jean Poirier (sous la
dir. de), Histoire des mœurs, t. 2 : Modes et modèles, Paris, Gallimard, Folio Histoire,
1991, pp. 161-246.
♦ Médecine
• GENERALITES
-Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest : La médicalisation en France du XVII e au
début du XX e siècle, 1979, t. 86, n°2.
-Cahiers d’histoire : Maladies et médecines, 1992, t. 38, n°3/4.
-CLAPIER-VALLADON, Simone, « Les modes médicales » in Jean Poirier (sous la dir.
de), Histoire des mœurs, t. 1 : Les coordonnées de l’homme et la culture matérielle, Paris,
Gallimard, Folio Histoire, 1990, pp. 775-830.
1033

- Bibliographie -
-CLEMENCEAU, Laurence, Les mentalités et la médecine rurale en Saintonge au XIX e
siècle, maîtrise d’histoire contemporaine, sous la dir. de Jean-Noël Luc, Université de
Poitiers, 1996, 83 f° + 16 p. d’annexes.
-CLIN, Véronique, Le musée d’histoire de la médecine de Paris, Paris, Université René
Descarte-Paris 5, Musée d’histoire de la médecine de Paris, 1994, n.p.
-DUMAITRE, Paule, Histoire de la médecine et du livre médical, avec la collaboration de
Janine Samion-Contet, sous la dir. du Dr. André Hahn, préface de Julien Cain, introduction
du Pr. Léon Binet, Paris, Pygmalion, 1978, 430 p.
-FAURE, Olivier, Les Français et leur médecine au XIX e siècle, Paris, Belin, Histoire et
société, 1993, 317 p.
-FLAMBARD HERICHER, Anne-Marie, MAREC, Yannick (sous la dir. de), Médecine et
société de l’Antiquité à nos jours, Cahiers du GRHis, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2005,
n°16, 157 p.
-FOUCAULT, Michel, Naissance de la clinique, 1 ère éd. 1963, 4 ème éd., Paris, PUF,
Quadrige, 1994, 214 p.
-GRMEK, Mirko (sous la dir. de), Histoire de la pensée médicale en Occident, traduit de
l’italien par Maria Laura Broso Bardinet et Louis L. Lambrichs, Paris, Editions du Seuil,
1999, 3 t., 382 + 376 + 422 p.
-LEONARD, Jacques, Médecins, malades et société dans la France du XIX e siècle, textes
réunis et présentés par Claude Bénichou, avant-propos de François Lebrun, préface de
Jean-Pierre Peter, Paris, Sciences en situation, 1992, 287 p.
-PAUTHIER, Céline, L’exercice illégal de la médecine (1673-1793). Entre défaut de droit
et manière de soigner, thèse pour le doctorat d’histoire du droit, sous la dir. de Jean-Michel
Poughon, Université Robert Schuman-Strasbourg III, Paris, Glyphe&Biotem éditions,
Histoire, médecine et société, 2002, XIII-672 p.
-Pour l’histoire de la médecine. Autour de l’œuvre de Jacques Léonard, textes réunis par
Michel Lagrée et François Lebrun, actes de la journée d’études (9 janvier 1993) organisée
par le Groupe de recherche en épistémologie et histoire de la médecine (GREHM,
Université de Paris 13), sous la dir. de Dr. Jacques Poirier, Claude Bénichou et Claude
Langlois, Rennes, PUR, Histoire, 1994, 117 p.
-REY, Roselyne, Histoire de la douleur, Paris, La découverte, Histoire des sciences, 1993,
414 p.
-ROSSIGNOL, Brigitte, Médecine et médicaments au XVI e siècle à Lyon, Lyon, Presses
Universitaires de Lyon, 1990, 163 p.
-SALOMON-BAYET, Claire, « L’institution de la science : un exemple au XVIII e
siècle », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, septembre-octobre 1975, n°5,
pp. 1028-1044.
1034

- Bibliographie -
-SOURNIA, Jean-Charles, Histoire de la médecine, Paris, La Découverte, Histoire des
sciences, 1992, 358 p.
-SOURNIA, Jean-Charles, La médecine révolutionnaire (1789-1799), Paris, Payot,
Médecine et sociétés, 1989, 306 p.
-WICKERSHEIMER, Ernest, La médecine et les médecins en France à l’époque de la
Renaissance, Genève, Slatkine Reprints, 1970, 575 p.
• MEDECINS
-Annales. Economies, Sociétés, Civilisations : Médecins, médecine et société en France
aux XVIII e et XIX e siècles, septembre-octobre 1977, n°5.
-DALL’AVA-SANTUCCI, Josette, Des sorcières aux mandarines. Histoire des femmes
médecins, Paris, Calmann-Lévy, 2004, 272 p.
-GUILLAUME, Pierre, Le rôle social du médecin depuis deux siècles 1800-1945, Paris,
1996, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 319 p.
-LEBRUN, François, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux 17 e et 18 e
siècles, Paris, Temps actuels, La passion de l’histoire, 1983, 206 p.
-LEONARD, Jacques, La France médicale, médecins et malades au XIX e siècle, Paris,
Gallimard/Julliard, Collection Archives, 1978, 287 p.
-LEONARD, Jacques, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs. Histoire intellectuelle
et politique de la médecine française au XIX e siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, 384 p.
-LEONARD, Jacques, Les médecins de l’ouest au XIX e siècle, thèse de doctorat, Université
Lille III, 1978, 3 t., 1570-CCXLVIII p.
-LEONARD, Jacques, La vie quotidienne du médecin de province au XIX e siècle, Paris,
Hachette littérature, 1977, 285 p.
-MILLEPIERRES, François, La vie quotidienne des médecins au temps de Molière, Paris,
Hachette, Le livre de poche, 1965, 288 p.
-MOULINIER, Laurence, « Les médecins en Poitou à la fin du Moyen-Age (XIII e -XV e
siècles) », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest et des musées de Poitiers,
Poitiers, 5 ème série, t. XV, 3 ème et 4 ème trimestres 2001, pp. 211-235.
-RAMBAUD, Pierre, « La communauté des maîtres chirurgiens de Poitiers », Mémoires de
la Société des Antiquaires de l’Ouest, Poitiers, J. Lévrier et G. Bonamy, 1919, 3 ème série, t.
10, année 1918, pp. 177-441.
-VILLARD, François, « La vie d’un médecin de campagne dans la Vienne (1829-1837) »,
discours prononcé à la séance publique du 14 janvier 1973, Bulletin de la Société des
Antiquaires de l’Ouest et des Musées de Poitiers, Poitiers, 4 ème série, t. 12, 1 er trimestre
1973, pp. 9-29.
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- Bibliographie -
• ENSEIGNEMENT DE LA MEDECINE
-BERNIER, Patrick, La bibliothèque et le cabinet de curiosités de l’Ecole d’anatomie et de
chirurgie de Rochefort au XVIII e siècle et l’illustration des pharmacopées et des livres
d’anatomie, maîtrise d’histoire de l’art, sous la dir. de Véronique Meyer, Université de
Poitiers, 2005, 173 f°.
-BOISSONNADE, P. (sous la dir. de), Histoire de l’Université de Poitiers (1432-1932).
Passé et présent, Poitiers, Imprimerie moderne, Nicolas, Renault et Compagnie, 1932,
573 p.
-CELS-PINELLI, Cécile, Histoire de l’Ecole de médecine et de pharmacie de la Faculté
de médecine de Limoges : 1646-1991, thèse pour le doctorat de médecine, sous la dir. de
François Bonnaud, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, s.d., 203 p.
-La formation du médecin : des Lumières au laboratoire, actes du colloque (9 décembre
1988) édités par C. Bruneel et P. Servais, organisé par le Centre d’histoire des sciences et
des techniques, Université de Louvain-la-Neuve, 1989, 109 p.
-IMBAULT HUART, Marie-José, L’école pratique de dissection de Paris de 1750 à 1822
ou l’influence du concept de médecine pratique et de médecine d’observation dans
l’enseignement médico-chirurgical au XVIII e siècle et au début du XIX e siècle, thèse de
doctorat, sous la dir. de P. Huard, Université Paris I, 1973, VI-370 p.
-TATON, René (sous la dir. de), Enseignement et diffusion des sciences en France au
XVIII e siècle, Paris, Hermann, Histoire de la pensée, 1964, 780 p.
-VELUET, Maurice, Cent quarante ans de réforme. L’évolution de l’enseignement des
sciences médico-pharmaceutiques en France de la Révolution à nos jours (1794-1934),
préface de H. Delaunay, Poitiers, Société française d’Imprimerie et de Librairie, 1934,
166 p.
-VELUET, Maurice, L’Ecole de médecine et de pharmacie de Poitiers, extrait de la Revue
Médicale du Centre-Ouest (octobre 1933), préface de Jean Plattard, Poitiers, Société
française d’Imprimerie et de Librairie, 1933, 38 p.
• SANTE ET HYGIENE PUBLIQUE
-BOURDELAIS, Patrice (sous la dir. de), Les hygiénistes : enjeux, modèles et pratiques
(XVIII e -XX e siècles), actes du colloque « Hygiénistes et hygiénisme : histoire et actualité
(XVIII e -XX e siècles) » (18-19 novembre 1999) organisé par la Fondation Mérieux et le
Programme de Recherches Interdisciplinaires « Médecine, santé et sciences sociales » de
l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Belin, Histoire et société, 2001,
540 p.
-DARMON, Pierre, Pasteur, Paris, Fayard, 1995, 430 p.
-HILDESHEIMER, Françoise, Fléaux et société : de la grande peste au choléra, Paris,
Hachette, Carré histoire, 1993, 175 p.
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- Bibliographie -
-LEONARD, Jacques, Archives du corps. La santé au XIX e siècle, Rennes, Ouest-France,
De mémoire d’homme : l’histoire, 1986, 329 p.
-SALOMON-BAYET, Claire, Pasteur et la révolution pastorienne, préface d’André
Lwoff, Paris, Payot, Médecine et sociétés, 1986, 436 p.
-VIGARELLO, Georges, Le sain et le malsain. Santé et mieux-être depuis le Moyen Age,
Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 1993, 400 p.
• SCIENCES MEDICALES
-ALLAINES, Claude (d’), Histoire de la chirurgie, Paris, PUF, Que sais-je ? n°935, 1961,
126 p.
-DULIEU, Louis, La chirurgie à Montpellier de ses origines au début du XIX e siècle,
Avignon, Les Presses universelles, 1975, 345 p.
-GRMEK, Mirko Drazen, HUARD, Pierre, Mille ans de chirurgie en Occident : V e -XV e
siècle, Paris, Roger Dacosta, 1966, 182 p.
-LANTERI-LAURA, Georges, Histoire de la phrénologie. L’homme et son cerveau selon
F. J. Gall, 1 ère éd. 1970, 2 ème éd., PUF, Collection Dito, 1993, 269 p.
-POUCHELLE, Marie-Christine, Corps et chirurgie à l’apogée du Moyen Age, Paris,
Flammarion, Nouvelle Bibliothèque scientifique, 1983, 389 p.
-SAKKA, Michel, Histoire de l’anatomie humaine, Paris, PUF, Que sais-je ? n°1582,
1997, 127 p.
• HOSPICES ET HOPITAUX
-ACKERKNECHT, Erwin H., La médecine hospitalière à Paris (1794-1848), traduit de
l’anglais par Françoise Blateau, éd. originale 1967, Paris, Payot, Collection « Médecine et
Sociétés », 1986, 296 p.
-ARIES, Jacques, GUILHEMSANS, Gérard, Patrimoine hospitalier de la Vienne, Poitiers,
Société française d’histoire des hôpitaux, 1996, 51 p.
-FAURE, Olivier, Genèse de l’hôpital moderne. Les hospices civils de Lyon de 1802 à
1845, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1982, 272 p.
-IMBERT, Jean (sous la dir. de), Histoire des hôpitaux en France, Toulouse, Privat, 1982,
559 p.
-LOUIS-COURVOISIER, Micheline, Soigner et consoler. La vie quotidienne dans un
hôpital à la fin de l’Ancien Régime (Genève, 1750-1820), Genève, Georg Editeur,
Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé, 2000, XVI-318 p.
1037

- Bibliographie -
-MAREC, Yannick (sous la dir. de), Accueillir ou soigner ? L’hôpital et ses alternatives du
Moyen Age à nos jours, actes du colloque « Hôpitaux, médecine et société du Moyen Age
à nos jours. Expériences régionales et perspectives nationales » (20 et 21 janvier 2006)
organisé par le Groupe de recherche d’histoire (GRHIS) de l’Université de Rouen, Mont-
Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007, Collection
« Histoire & Patrimoines », 453 p.
MAREC, Yannick (sous la dir. de), Les hôpitaux de Rouen du Moyen Age à nos jours. Dix
siècles de protection sociale, préface de Michel Lagrave, s.l., Editions PTC, 2006, 178 p.
-SABOLY, Roger, Les hôpitaux de Poitiers au XIX e siècle, thèse pour le doctorat de
Troisième cycle d’Histoire du droit des institutions et des faits économiques et sociaux,
sous la dir. du professeur R. Szramkiewicz, Université de Poitiers, 1981, 412 f°.
-TILLIER, Annick, « Indigence et décrépitude. Les hospices de Bicêtre et la Salpêtrière
dans la première moitié du XIX e siècle » in Anne-Emmanuelle Demartini, Dominique
Kalifa (sous la dir. de), Imaginaire et sensibilités au XIX e siècle. Etudes pour Alain Corbin,
Paris, Editions Créaphis, 2005, pp. 223-234.
♦ Médecine légale
-BERNARD, Fabrice, Le rôle et la place des médecins et des chirurgiens dans la
procédure d’établissement du corps du délit en matière d’atteinte contre les personnes
entre 1750 et 1759 ou l’art de « rédiger des procès-verbaux » de visitation au présidial de
Poitiers, maîtrise d’histoire moderne, sous la dir. de Didier Poton, Université de Poitiers,
1998, 84 f° + 22 f° d’annexes.
-BERTHERAT, Bruno, La Morgue de Paris au XIX e siècle (1804-1907). Les origines de
l’institut médico-légal ou Les métamorphoses de la machine, thèse de doctorat d’histoire,
sous la dir. d’Alain Corbin, Université de Panthéon-Sorbonne (Paris I), printemps 2002, 3
vol., 911 f°.
-Cahiers de médecine légale. Droit médical : Histoire de la médecine légale en France,
Société de Médecine Légale et de Criminologie de France (Paris, 15 juin 1987), Lyon,
Editions Alexandre Lacassagne, 1988, n°10, 92 p.
-CHAUVAUD, Frédéric, « “Cet homme si multiple et si divers” : Orfila et la chimie du
crime au XIX e siècle », Sociétés&Représentations : Rémanences des passés, sous la dir. de
Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky, Paris, ISOR/CREDHESS, octobre 2006, n°22,
pp. 173-187.
-Le corps à l’épreuve. Poisons, remèdes et chirurgie : aspects des pratiques médicales
dans l’Antiquité et au Moyen Age, études réunies par Franck Collard et Evelyne Samama,
actes des tables rondes « Ouvrir les corps. Pratiques chirurgicales, médico-légales et
funéraires au Moyen Age » (mai 1999) et « Remèdes ou poisons ? Pharmaka et venena de
l’Antiquité au Moyen Age » (décembre 1999) organisées par l’UFR des Lettres et Sciences
humaines de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, Langres, Dominique Guéniot
éditeur, « Hommes et textes en Champagne », 2002, 190 p.
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- Bibliographie -
-DARMON, Pierre, Médecins et assassins à la Belle époque. La médicalisation du crime,
Paris, Editions du Seuil, 1989, 330 p.
-FERRON, Laurent, « Déconstruction des discours des manuels de médecine légale sur les
femmes violées », Cahiers d’histoire, 2001, n°84, pp. 23-32.
-GUILLIEN-BRUNETEAU, Anne-Marie, Histoire de la médecine légale, thèse pour le
doctorat de médecine, sous la dir. de Ceccaldi, Université Paris V-René Descartes, Faculté
de médecine Paris-Ouest, 1975, n°38, 66 p.
-KASTNER, R., « Le centre médico-légal régional », Bulletin de médecine légale et de
toxicologie médicale, Lyon, mai-juin 1968, n°3, pp. 132-140.
-LECUIR, Jean, « La médicalisation de la société française dans la deuxième moitié du
XVIII e siècle en France : aux origines des premiers traités de médecine légale », Annales
de Bretagne et des Pays de l’Ouest : La médicalisation en France du XVII e au début du
XX e siècle, 1979, t. 86, n°2, pp. 231-250.
-MARTINEZ, Arnaud, La pratique de la médecine légale dans la Vienne à la fin du XIX e
siècle, maîtrise d’histoire contemporaine, sous la dir. de Frédéric Chauvaud, Université de
Poitiers, 2002, 75 f°.
-MICHAUX, Pierre, « La médecine légale, auxiliaire indispensable de la justice pénale »,
Bulletin de médecine légale et de toxicologie médicale, Lyon, janvier 1964, n°1, pp. 5-11.
-PASTORE, Alessandro, « Médecine légale et pratique de la torture en Italie au XVIII e
siècle » in Beccaria et la culture juridique des Lumières, études historiques éditées et
présentées par Michel Porret, actes du colloque européen organisé à Genève (25-26
novembre 1995), Genève, Droz, Travaux d’histoire éthico-politique, 1997, pp. 287-306.
-PLANQUES, Jean, La médecine légale judiciaire, Paris, PUF, Que sais-je ? n°789, 1959,
127 p.
-PORRET, Michel, « Pratique pénale et médecine légale au XIX e siècle : la qualification
des “mauvais traitements” et des homicides, l’exemple genevois (1815-1890) » in Frédéric
Chauvaud, Jacques-Guy Petit (sous la dir. de), L’histoire contemporaine et les usages des
archives judiciaires (1800-1930), Paris, Honoré Champion, Histoire et archives, 1998,
pp. 343-355.
-SHATZMILLER, Joseph, Médecine et justice en Provence médiévale. Documents de
Manosque, 1262-1348, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1989,
285 p.
1039

♦ Autopsie
- Bibliographie -
-BROCAS, Roger, Le droit d’autopsie. Etude historique et juridique, thèse pour le
doctorat, sous la présidence de H. Donnedieu de Vabres, Université de Paris, Faculté de
droit, 1938, 141 p.
-COLLIN, Pierre, Le droit à l’autopsie. Etudes historique, médico-légale et administrative,
thèse pour le doctorat de médecine, sous la présidence de Victor Balthazard, Faculté de
médecine de Paris, 1927, 206 p.
-HARDING, Timothy, LA HARPE, Romano, « L’autopsie : violence ou réparation ? » in
Le corps violenté. Du geste à la parole, études réunies et présentées par Michel Porret,
Genève, Droz, 1998, pp. 287-292.
-HERRERA, Onofre, Considérations générales sur les autopsies médico-légales, thèse
pour le doctorat de médecine, sous la présidence de Victor Balthazard, Faculté de
médecine de Paris, Jouve, 1920, n°532, 120 p.
-LOEB, Oscar, Etude historique des objections et préventions qui ont été opposées à la
pratique des autopsies et des dissections, thèse pour le doctorat, sous la présidence de
Chavigny, Université de Strasbourg, 1924, 50 p.
-MARKOVITCH, Bojidar, Nécessité de pratiquer l’autopsie ; la propagande en sa faveur,
thèse pour le doctorat de médecine, sous la présidence de Chavigny, Faculté de médecine
de Strasbourg, Editions universitaires, 1925, n°36, 29 p.
-PAGES, André, « Petite histoire de l’autopsie anatomo-pathologique », Monspeliensis
Hippocrates, hiver 1960, n°10, pp. 16-24.
-PEQUIGNOT, Henri, « L’autopsie clinique », Cahiers Laënnec, décembre 1965, n°4,
pp. 5-27.
-LEGEAIS, Raymond, « Les problèmes juridiques de l’autopsie », Cahiers Laënnec,
décembre 1965, n°4, pp. 28-39.
♦ Expertises judiciaires
-CHAUVAUD, Frédéric, Les experts du crime. La médecine légale en France au XIX e
siècle, Paris, Aubier, Collection historique, 2000, 301 p.
-CHAUVAUD, Frédéric, Experts et expertise judiciaire : France, XIX e et XX e siècles, avec
la collaboration de Laurence Dumoulin, version remaniée d’un rapport de recherche pour
le GIP Mission de Recherche Droit et Justice (1999), Rennes, PUR, Histoire, 2003, 283 p.
-DANIEL, Marina, Regards sur le corps meurtri. Victimes, expertises et sensibilités en
Seine Inférieure au XIX e siècle, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir.
d’Alain Becchia, Université de Rouen, 2007, 3 vol., 901 f°.
1040

- Bibliographie -
-Dossier « Droit et expertise dans une perspective praxéologique », Droit et Société, Paris,
LGDJ, 2RJ, 2005, n°61, pp. 619-738.
-DUMOULIN, Laurence, « La médecine légale aux fondements de l’expertise judiciaire,
de l’activité de médecin légiste à la profession d’expert », Equinoxe, 1999, n°22, pp. 65-77,
en ligne (http://www.archives-ouvertes.fr/).
-GUIGNARD, Laurence, Juger la folie : la justice pénale et la folie des criminels à l’âge
de l’aliénisme (1791-1865), thèse de doctorat d’histoire contemporaine, sous la dir. d’Alain
Corbin, Université Panthéon-Sorbonne, 2006, 2 vol., 712 f°.
-« Honoraires d’expertises en matière pénale », Bulletin de médecine légale et de
toxicologie médicale, Lyon, janvier 1964, n°1, pp. 19-20.
-LAMY, Jérôme, Entre justice et savoir médical. L’expertise médico-légale dans le
département de la Vienne sous le Second Empire, maîtrise d’histoire contemporaine, sous
la dir. de Frédéric Chauvaud, Université de Poitiers, 1998, 158 f°.
-LELOT, Soline, L’expertise médicale entre 1780 et 1784 dans le ressort du présidial de
Poitiers, maîtrise d’histoire moderne, sous la dir. de Didier Poton, Université de Poitiers,
2000, 133 f° + annexes.
-MELENNEC, Louis, « Réflexions sur l’expertise médicale » in Revue trimestrielle de
droit sanitaire et social, Paris, Editions techniques, juillet-septembre 1969, n°19,
pp. 209-219.
-PASTORE, Alessandro, « Violences du corps : entre médecine et droit. Théories et
pratiques de l’expertise médico-légale au XVII e siècle, l’exemple de Bologne » in Le corps
violenté. Du geste à la parole, études réunies et présentées par Michel Porret, Genève,
Droz, 1998, pp. 197-221.
-PORRET, Michel, Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertises
judiciaires à Genève (XVIII e -XIX e siècle), Montréal, Presses Universitaires de Montréal,
Collection « Socius », 2008, 288 p.
-VASSIGH, Denis Darya, « Les experts judiciaires face à la parole de l’enfant maltraité.
Le cas des médecins légistes de la fin du XIXème siècle », Le Temps de l’histoire, 1999,
n°2, [en ligne].
-VOULET, Jacques, La pratique des expertises judiciaires, 9 ème éd. rev. et complétée,
Paris, Delmas, Ce qu’il vous faut savoir, 1988, 281 p.
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♦ Justice
- Bibliographie -
• FONCTIONNEMENT ET INSTITUTION
-ALLEN, Robert, Les tribunaux criminels sous la Révolution et l’Empire (1792-1811),
traduit de l’anglais par James Steven Bryant, Rennes, PUR, Histoire, 2005, 318 p.
-Les Cahiers du GERHICO : L’autorité, textes rassemblés par Frédéric Chauvaud, actes de
la journée d’études « L’autorité » (juin 2003) organisé par l’équipe « Conflictuosité » du
Groupe d’Etudes et de Recherches Historiques du Centre-Ouest atlantique, Université de
Poitiers, 2004, n°7, 207 p.
-CHAUVAUD, Frédéric, Le juge, le tribun et le comptable, avec la collaboration de Jean-
Jacques Yvorel, Paris, Anthropos, Historiques, 1995, 413 p.
-CHAUVAUD, Frédéric, « La justice en France, 1789-1939. Un modèle à l’épreuve »,
Crime, Histoire et Sociétés, Genève-Paris, Droz, 2002, vol. 6, n°1, pp. 105-125.
-CHAUVAUD, Frédéric (sous la dir. de), Sociétés&Représentations : La justice en
images, avec la collaboration de Solange Vernois, Paris, CREDHESS, octobre 2004, n°18,
334 p.
-CHAUVAUD, Frédéric, YVOREL, Jean-Jacques (sous la dir. de), Sociétés
&Représentations : La vie judiciaire, Paris, CREDHESS, septembre 2002, n°14, 295 p.
-CRESPIN, Hélène, Les frais de justice au XIX e siècle, mémoire de DEA d’histoire du
droit, de l’économie et de la société, sous la dir. de Jean Hilaire, Université Panthéon-Assa
(Paris 2), LGDJ, Histoire du droit, 1995, 172 p.
-FARCY, Jean-Claude, KALIFA, Dominique, LUC, Jean-Noël (sous la dir. de), L’enquête
judiciaire en Europe au XIX e siècle, actes du colloque de La Sorbonne « Les enquêtes
judiciaires en Europe au XIX e siècle » (19-21 mai 2005) coorganisé par le Centre
d’histoire du XIX e siècle des Universités de Paris I et Paris IV et par le Centre Georges
Chevrier de l’Université de Bourgogne, Paris, Editions Créaphis, 2007, 386 p.
-GARAPON, Antoine, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, préface de Jean
Carbonnier, Paris, Odile Jacob, Collection Opus, 1997, 355 p.
-GARNOT, Benoît (sous la dir. de), Les juristes et l’argent. Le coût de la justice et
l’argent des juges du XIV e au XIX e siècle, actes du colloque de Dijon « Justice et argent
dans l’histoire » (7-9 octobre 2004) organisé par le Centre Georges Chevrier de
l’Université de Bourgogne, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, collection Sociétés,
2005, 251 p.
-GARNOT, Benoît (sous la dir. de), Justice et argent. Les crimes et les peines pécuniaires
du XIII e au XXI e siècle, actes du colloque de Dijon « Justice et argent dans l’histoire » (7-9
octobre 2004) organisé par le Centre Georges Chevrier de l’Université de Bourgogne,
Dijon, Editions Universitaires de Dijon, collection Sociétés, 2005, 336 p.
1042

- Bibliographie -
-GARNOT, Benoît (sous la dir. de), Normes juridiques et pratiques judiciaires du Moyen
Age à l’époque contemporaine, actes du colloque de Dijon « Normes juridiques et
pratiques judiciaires du Moyen Age à l’époque contemporaine » (5-7 octobre 2006)
organisé par le Centre Georges Chevrier de l’Université de Bourgogne, Dijon, Editions
Universitaires de Dijon, collection Sociétés, 2007, 451 p.
-PETIT, Jacques-Guy (sous la dir. de), Une justice de proximité : la justice de paix (1790-
1958), Paris, PUF, Collection « Droit et justice », 2003, 332 p.
-PETIT, Jacques-Guy, CASTAN, Nicole, FAUGERON, Claude et al., Histoire des
galères, bagnes et prisons. XIII e -XX e siècles. Introduction à l’histoire pénale de la France,
préface de Michelle Perrot, Toulouse, Privat, Bibliothèque historique, 1991, 368 p.
-VERDIER, Raymond (sous la dir. de), Le serment, actes du colloque international (25-27
mai 1989) organisé par le CNRS et l’Université de Paris X-Nanterre, Paris, Editions du
CNRS, 1991, 2 t., XXV-457 + VIII-484 p.
• PERSONNELS ET JUSTICIABLES
-BEAUTHIER, Régine, « Le juge et le lit conjugal au XIX e siècle » in Marie-Thérèse
Coenen (sous la dir. de), Corps de femmes. Sexualité et contrôle social, préface d’Yvonne
Kniebiehler, Bruxelles, De Boeck Université, Pol-His, 2002, pp. 37-63.
-BERNAUDEAU, Vincent, La justice en question : histoire de la magistrature angevine
au XIX e siècle, préface de Jacques-Guy Petit, Rennes, PUR, Histoire, 2007, 349 p.
-DEPERCHIN, Annie, DERASSE, Nicolas, DUBOIS, Bruno, Figures de justice. Etudes
en l’honneur de Jean-Pierre Royer, Lille, Centre d’histoire judiciaire Editeur, 2004, 752 p.
-DEFOIS, Serge, Les avocats nantais au XX e siècle. Socio-histoire d’une profession,
préface de Jean-Claude Farcy, postface de Jean Danet, Rennes, PUR, Histoire, 2007,
397 p.
-DOLAN, Claire (sous la dir. de), Entre justice et justiciables. Les auxiliaires de la justice
du Moyen Age au XX e siècle, actes du colloque « Les auxiliaires de la justice,
intermédiaires entre la justice et les populations, du Moyen Age à la période
contemporaine » (15 au 17 septembre 2004), organisé à Québec, s. l., Les Presses de
l’Université Laval, Collection Intercultures, 2005, 828 p.
-GARNOT, Benoît (sous la dir. de), Les témoins devant la justice. Une histoire des statuts
et des comportements, actes du colloque de Dijon (4-5 octobre 2001) organisé par l’UMR
Georges-Chevrier de l’Université de Bourgogne, Rennes, PUR, Histoire, 2003, 444 p.
-GARNOT, Benoît (sous la dir. de), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, actes du
colloque de Dijon (7-8 octobre 1999) organisé par le Centre d’études historiques sur la
criminalité et les déviances de l’Université de Bourgogne, Rennes, PUR, Histoire, 2000,
535 p.
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- Bibliographie -
-LECOQ, Pierre, MARTINAGE, Renée, ROYER, Jean-Pierre, Juges et notables au XIX e
siècle, Paris, PUF, 1982, 398 p.
-VEILLON, Didier, Magistrats au XIX e siècle : en Charente-Maritime, Deux-Sèvres,
Vienne et Vendée, La Crèche, Geste Editions, 2001, 316 p.
♦ Criminalité
• GENERATITES
-CHEVALIER, Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses, Paris, Plon, Civilisation
d’hier et d’aujourd’hui, 1958, 566 p.
-GARNOT, Benoît (sous la dir. de), Histoire et criminalité de l’Antiquité au XX e siècle.
Nouvelles approches, actes du colloque de Dijon-Chenove (3, 4 et 5 octobre 1991)
organisé par le Centre d’études historiques sur la criminalité et les déviances de
l’Université de Bourgogne, Dijon, Etudes Universitaires de Dijon, 1992, 542 p.
-PORRET, Michel, Le crime et ses circonstances. De l’esprit de l’arbitraire au siècle des
Lumières selon les réquisitions des procureurs généraux de Genève, préface de Bronislaw
Baczko, Genève, Droz, 1995, 562 p.
• CRIMES ET CRIMINELS
-CHAUVAUD, Frédéric, Les criminels du Poitou au XIX e siècle. Les monstres, les
désespérés et les voleurs, La Crèche, Geste éditions, Pays d’histoire, 1999, 358 p.
-COLLARD, Franck, Le crime de poison au Moyen Age, Paris, PUF, Le nœud gordien,
2003, 303 p.
-COLLARD, Franck, Pouvoir et poison. Histoire d’un crime politique de l’Antiquité à nos
jours, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2007, 357 p.
-Le criminel endurci. Récidive et récidivistes du Moyen Age au XX e siècle, études réunies
et présentées par Françoise Briegel et Michel Porret, actes du colloque « Récidive et
récidiviste : de la Renaissance au XX e siècle » (6 au 8 juin 2002) organisé par
l’International Association for the History of Crime and Criminal Justice, Genève, Droz,
« Recherches et Rencontres », 2006, n°23, 395 p.
-DARMON, Pierre, La Malle à Gouffé. Le guet-apens de la Madeleine, Paris, Denoël,
1988, 256 p.
-GODEAU, Olivier, Les grandes affaires criminelles des Deux-Sèvres, préface de Frédéric
Chauvaud, La Crèche, Geste éditions, 2005, 314 p.
-GUILLAIS, Joëlle, La chair de l’autre. Le crime passionnel au XIX e siècle, Paris, Olivier
Orban, 1986, 346 p.
1044

- Bibliographie -
-JACQUIN, Frédéric, Affaires de poison. Les crimes et leurs imaginaires au XVIII e siècle,
préface de Denis Crouzet, Paris, Belin, Histoire&Société, 2005, 190 p.
-KALIFA, Dominique, L’encre et le sang. Récits de crimes et société à la Belle Epoque,
Paris, Fayard, 1995, 351 p.
-LAPALUS, Sylvie, La mort du vieux. Une histoire du parricide au XIX e siècle, Paris,
Tallandier, 2004, 633 p.
-PORRET, Michel, « Viols, attentats aux mœurs et indécences : les enjeux de la médecine
légale à Genève (1650-1815) », Equinoxe, 1992, n°8, pp. 23-43.
-TILLIER, Annick, Des criminelles au village. Femmes infanticides en Bretagne (1825-
1865), préface d’Alain Corbin, Rennes, PUR, Histoire, 2001, 447 p.
-VIGARELLO, Georges, Histoire du viol, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique,
1998, 358 p.
• CRIMINOLOGIE
-KALUSZYNSKI, Martine, La criminologie en mouvement. Naissance et développement
d’une science sociale en France à la fin du XIX e siècle. Autour des Archives
d’anthropologie criminelle d’Alexandre Lacassagne, doctorat en histoire contemporaine,
sous la dir. de Michelle Perrot, Université Paris VII, 1988, 3 t., 989 p.
-MUCCHIELLI, Laurent (sous la dir. de), Histoire de la criminologie française, Paris,
Editions L’Harmattan, Histoire des sciences humaines, 1994, 535 p.
♦ Violence
-CHAUVAUD, Frédéric, De Pierre Rivière à Landru, La violence apprivoisée au XIX e
siècle, Paris-Turnhout, Brepols, 1991, 271 p.
-CHAUVAUD, Frédéric (sous la dir. de), Sociétés&Représentations : Violences, Paris,
CREDHESS, juin 1998, n°6, 503 p.
-CHESNAIS, Jean-Claude, Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours, 3 ème
éd. rev. et augm., Paris, Robert Laffont, Collection Pluriel, 1996, 497 p.
-CHESNAIS, Jean-Claude, Les morts violentes en France depuis 1826. Comparaisons
internationales, Paris, PUF, Travaux et Documents, INED, Cahier n°75, 1976, 346 p.
-CORBIN, Alain, « Le sang de Paris. Réflexions sur la généalogie de l’image de la
capitale » in Alain Corbin, Le temps, le désir et l’horreur. Essai sur le dix-neuvième siècle,
Paris, Aubier, Collection Historique, 1991, pp. 215-225.
-CORBIN, Alain, Le village des « cannibales », Paris, Flammarion, 1990, 204 p.
1045

- Bibliographie -
-MARCANDIER-COLARD, Christine, Crimes de sang et scènes capitales. Essai sur
l’esthétique romantique de la violence, Paris, PUF, Perspectives littéraires, 1998, 298 p.
♦ Suicide
-DURKHEIM, Emile, Le suicide. Etude de sociologie, 7 ème éd., Paris, PUF, Quadrige,
1993, 463 p.
-MARTEL, Céline, Les morts violentes non criminelles dans la Vienne de 1830 à 1880 :
Les suicides et les morts accidentelles, maîtrise d’histoire contemporaine, sous la dir. de
Frédéric Chauvaud, Université de Poitiers, 1996, 106-XII f°.
-PANOU, Julien, Le suicide et la presse régionale dans le département de la Vienne 1919-
1938, master 1 d’histoire contemporaine, sous la dir. de Frédéric Chauvaud, Université de
Poiters, 2005, 155 f°.
-POIREY, Sophie, Droit, suicide, suicidés : Histoire d’une condamnation, thèse pour le
doctorat de droit mention histoire du droit, sous la dir. de Jean Bart, Université de
Bourgogne, 1995, 449 f°.
-TERRE, François (sous la dir. de), Le suicide, actes du colloque (13-14 janvier 1989)
organisé par le Laboratoire de Sociologie juridique de l’Université Panthéon-Assas (Paris
2) et l’Association française de Philosophie du Droit, Paris, PUF, Droit, éthique, société,
1994, 230 p.
-VANDEKERCKHOVE, Lieven, La punition mise à nu. Pénalisation et criminalisation
du suicide dans l’Europe médiévale et d’Ancien Régime, traduit du néerlandais par Josiane
Poulin, éd. originale 1985, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2004, 180 p.
-ZEDIALLAL, Mounia, Le suicide dans le Poitou du XIX e siècle, phénomène caché ou
réalité dénoncée ?, maîtrise d’histoire contemporaine, sous la dir. de Frédéric Chauvaud,
Université de Poitiers, 2003, 133 f°.
♦ La mort et le cadavre
• L’HOMME ET LA MORT
-ARIES, Philippe, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours,
Paris, Editions du Seuil, 1975, 223 p.
-ARIES, Philippe, L’homme devant la mort, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique,
1977, 642 p.
[L’ouvrage a été, par la suite, réédité en deux tomes dans la collection Points Histoire :
L’homme devant la mort, t. 1 : Le temps des gisants et t. 2 : La mort ensauvagée, Paris, Editions du Seuil,
Points Histoire, 1977, 304 + 343 p.]
-ARIES, Philippe, Images de l’homme devant la mort, Paris, Editions du Seuil, 1983,
276 p.
1046

- Bibliographie -
-BAUDRY, Patrick, La place des morts. Enjeux et rites, Paris, Armand Colin, Collection
Chemins de traverse, 1999, 205 p.
-BERNARD, Julien, Emotions et rituel dans le travail des pompes funèbres. Contribution
à la sociologie des émotions, thèse de doctorat de sociologie, sous la dir. d’Annie Guédez,
Université de Poitiers, 2007, 453 f°.
-BERTRAND, Régis, CAROL, Anne, PELEN, Jean-Noël (sous la dir. de), Les narrations
de la mort, actes du colloque d’Aix-en-Provence « Les narrations de la mort » (20-22
novembre 2003) organisé par l’UMR Telemme de l’Université de Provence, Aix-en-
Provence, PUP, Collection « Le temps de l’histoire », 2005, 296 p.
-BERTRAND, Régis, CAROL, Anne (sous la dir. de), L’exécution capitale. Une mort
donnée en spectacle XVI e -XX e siècle, Aix-en-Provence, PUP, Collection « Le temps de
l’histoire », 2003, 282 p.
-BLOCH, Maurice, « La mort et la conception de la personne », traduit de l’anglais par
Anne Chapoutot, Terrain : La mort, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences
de l’homme, mars 1993, n°20, pp. 7-20, en ligne (http://terrain.revues.org/).
-CAROL, Anne, Les médecins et la mort : XIX e -XX e siècle, Paris, Aubier, Collection
historique, 2004, 335 p.
-CAROLY, Sandrine, TROMPETTE, Pascale, « En aparté avec les morts… Peur, larmes
et rire au travail : les métiers du funéraire », Terrain : Peurs et menaces, Paris, Ministère
de la culture et Maison des sciences de l’homme, septembre 2004, n°43, pp. 63-84.
-CHAUVAUD, Frédéric (sous la dir. de), Corps submergés, corps engloutis. Une histoire
des noyés et de la noyade de l’Antiquité à nos jours, Paris, Editions Créaphis, 2007, 203 p.
-CHIFFOLEAU, Jacques, La comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion
dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Age (vers 1320-vers 1480), préface de Jacques
Le Goff, Rome, Ecole française de Rome, Collection de l’Ecole française de Rome, 1980,
494 p.
-COBB, Richard, La mort est dans Paris. Enquête sur le suicide, le meurtre et autres morts
subites à Paris au lendemain de la Terreur, préface de Michel Vovelle, traduit par Daniel
Alibert-Kouragine, Paris, Le chemin vert, 1985, VIII-183 p.
-FABRE-VASSAS, Claudine, « Avant-propos », Terrain : La mort, Paris, Ministère de la
culture et Maison des sciences de l’homme, mars 1993, n°20, pp. 5-6, en ligne
(http://terrain.revues.org/).
-FAETA, Francesco, « La mort en images », traduit de l’italien par Giordana Charuty,
Terrain : La mort, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme, mars
1993, n°20, pp. 69-81, en ligne (http://terrain.revues.org/).
-FUREIX, Emmanuel, « Sensibilités et politique. L’exemple du culte des morts à l’âge
romantique » in Anne-Emmanuelle Demartini, Dominique Kalifa (sous la dir. de),
Imaginaire et sensibilités au XIX e siècle. Etudes pour Alain Corbin, Paris, Editions
1047

Créaphis, 2005, pp. 137-146.
- Bibliographie -
-GUIART, Jean, Les hommes et la mort. Rituels funéraires à travers le monde, s. l., Le
Sycomore, Objets et Mondes (Muséum national d’histoire naturelle), 1979, t. 19, 331 p.
-GODEAU, Emmanuelle, L’“esprit de corps”. Sexe et mort dans la formation des internes
en médecine, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Collection
« Ethnologie de la France », 2007, n°29, 301 p.
-HARKNESS, Nigel, et al., Birth and death in nineteenth-century French culture, actes du
colloque de Belfast « Birth and death in nineteenth-century French culture » (avril 2005)
organisé par la Society of Dix-Neuviémistes à la Queen’s University, Amsterdam-New
York, Rodopi, 2007, 260 p.
-LECOUTEUX, Claude, Histoire des vampires. Autopsie d’un mythe, Paris, Imago, 1999,
188 p.
-PERUCHON, Marion (sous la dir. de), Rites de vie, rites de mort. Les pratiques rituelles
et leurs pouvoirs : une approche transculturelle, Paris, ESF, Ethnopsychologie, 1997,
231 p.
-POUCHELLE, Marie-Christine, « La prise en charge de la mort : médecine, médecins et
chirurgiens devant les problèmes liés à la mort à la fin du Moyen Age (XIII e -XV e
siècles) », Archives européennes de sociologie, 1976, XVII, pp. 249-278.
-THOMAS, Louis-Vincent, Anthropologie de la mort, Paris, Payot, Bibliothèque
scientifique, 1976, 540 p.
-THOMAS, Louis-Vincent, « L’homme et la mort », in Jean Poirier (sous la dir. de),
Histoire des mœurs, t. 2 : Modes et modèles, Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1991, pp.
803-868.
-THOMAS, Louis-Vincent, Mort et pouvoir, préface de Jean-Didier Urbain, Paris, Editions
Payot, Petite Bibliothèque Payot, 1999, 213 p.
-THOMAS, Louis-Vincent, Rites de mort. Pour la paix des vivants, Paris, Fayard, 1985,
294 p.
-VOVELLE, Michel, « Les attitudes devant la mort : problèmes de méthode, approches et
lectures différentes », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, janvier-février 1976,
n°1, pp. 120-132.
-VOVELLE, Michel, La mort en Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard,
Bibliothèque illustrée des histoires, 2000, XXI-793 p.
1048

• ASPECTS JURIDIQUES
- Bibliographie -
-BERNARDIN, Edith, Strasbourg et l’institution de l’état civil laïc au début de la
Révolution française, Colmar, Les Editions d’Alsace, Société savante d’Alsace et des
régions de l’Est, collection « Grandes publications », 1986, t. XXV, 387 p.
-LABBEE, Xavier, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la
mort, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1990, 447 p.
-MIRAS, Alain, FANTON, Laurent, TILHET-COARTET, Stéphane, MALICIER, Daniel,
La levée de corps médico-légale, Paris, Editions ESKA / Editions Alexandre Lacassagne,
1998, 269 p.
-Problèmes juridiques, médicaux et sociaux de la mort : diagnostic de la mort,
prélèvements d’organes, suicide, euthanasie, travaux de l’Institut des sciences criminelles
de Poitiers, journée d’études du 6 mars 1979, sous la présidence de M. le doyen Fournier,
Editions Cujas, 1979, vol. 1, 58 p.
-RAIMBAULT, Philippe, « Le corps humain après la mort. Quand les juristes jouent au
“cadavre exquis”… », Droit et société, Paris, LGDJ, 2RJ, 2005, n°61, pp. 817-844.
• LE CADAVRE
-BELHASSEN, Patricia, La crémation : le cadavre et la loi, mémoire pour le DEA de
sociologie du droit, sous la dir. de Raymond Verdier, Université Panthéon-Assas (Paris II),
1997, 155 p.
-BERTHERAT, Bruno, « Le miasme sans la jonquille. L’odeur du cadavre à la Morgue de
Paris au XIX e siècle » in Anne-Emmanuelle Demartini, Dominique Kalifa (sous la dir. de),
Imaginaire et sensibilités au XIX e siècle. Etudes pour Alain Corbin, Paris, Editions
Créaphis, 2005, pp. 235-244.
-DARMON, Pierre, « Le vol de cadavres et la science (XVII e -XIX e siècle) », L’Histoire,
septembre 1982, n°48, pp. 30-37.
-Le dernier portrait, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Le dernier portrait »
présentée au musée d’Orsay du 5 mars au 26 mai 2002, Paris, Editions de la Réunion des
Musées Nationaux, 2002, 239 p.
-DUNAND, Françoise, LICHTENBERG, Roger, « La momification et ses techniques », in
Alain Charron (sous la dir. de), La mort n’est pas une fin. Pratiques funéraires en Egypte
d’Alexandre à Cléopâtre, préfaces de Michel Pezet, Jean-Noël Guérini, Michel Vauzelle et
Claude Sintes, catalogue publié à l’occasion de l’exposition présentée au Musée de l’Arles
antique du 28 septembre 2002 au 5 janvier 2003, Arles, Editions du musée de l’Arles
antique, 2002, pp. 92-101.
-GERARD-ROSAY, Hélène, « De l’embaumement au soin d’hygiène et de présentation
moderne : bref historique », Etudes sur la mort, 2004/1, n°125, pp. 97-104, (en ligne).
1049

- Bibliographie -
-GODEAU, Emmanuelle, « Dans un amphithéâtre… La fréquentation des morts dans la
formation des médecins » Terrain : La mort, Paris, Ministère de la culture et Maison des
sciences de l’homme, mars 1993, n°20, pp. 82-96, en ligne (http://terrain.revues.org/).
-HENNIG, Jean-Luc, Morgue. Enquête sur le cadavre et ses usages, Paris, Editions
Libres-Hallier, Collection « Illustrations », 1979, 410 p.
-SAINT-ARNAUD, Jocelyne, « L’exposition de Gunter Von Hagens : Le monde du corps
2 », Frontières, printemps 2007, vol. 19, n°2, p. 76, en ligne (http://www.erudit.org).
-SARAIVA, Clara, « Le mort maquillé. Funeral directors américains et fossoyeurs
portugais », traduit du portugais par Jean-Yves Durand, Terrain : La mort, Paris, Ministère
de la culture et Maison des sciences de l’homme, mars 1993, n°20, pp. 97-108, en ligne
(http://terrain.revues.org/).
-THOMAS, Louis-Vincent, Le cadavre. De la biologie à l’anthropologie, Bruxelles,
Editions Complexe, De la science, 1980, 220 p.
♦ Le corps et ses usages
• GENERALITES
-BOLOGNE, Jean-Claude, Histoire de la pudeur, Paris, Hachette Littératures, Pluriel,
1986, 461 p.
-Les Cahiers du GERHICO : La blessure corporelle. Violences et souffrances. Symboles et
représentations, textes rassemblés par Pierre Cordier et Sébastien Jahan, table ronde de
juin 2000, Université de Poitiers, 2003, n°4, 125 p.
-CHAUVAUD, Frédéric (sous la dir. de), Corps saccagés, corps meurtris. Une histoire du
corps brutalisé du siècle des Lumières à nos jours, Rennes, PUR, Histoire, à paraître
(2009).
-CORBIN, Alain, COURTINE, Jean-Jacques, VIGARELLO, Georges (sous la dir. de),
Histoire du corps, t. 2 : De la Révolution à la Grande Guerre, sous la dir. d’Alain Corbin,
Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2005, 442 p.
-CORBIN, Alain, COURTINE, Jean-Jacques, VIGARELLO, Georges (sous la dir. de),
Histoire du corps, t. 3 : Les mutations du regard. Le XX e siècle, sous la dir. de Jean-
Jacques Courtine, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2005, 522 p.
-COURTINE, Jean-Jacques, HAROCHE, Claudine, Histoire du visage. Exprimer et taire
ses émotions XVI e -début XIX e siècle, Paris, Rivages, Histoire, 1988, 287 p.
-DUPONT-BOUCHAT, Marie-Sylvie, « Le corps violenté » in Marie-Thérèse Conen
(sous la dir. de), Corps de femmes. Sexualité et contrôle social, préface d’Yvonne
Kniebiehler, Bruxelles, De Boeck Université, Pol-His, 2002, pp. 65-96.
1050

- Bibliographie -
-JAHAN, Sébastien, Les renaissances du corps en Occident (1450-1650), Paris, Belin,
Histoire&Société, 2004, 318 p.
-LE BRETON, David, Anthropologie du corps et modernité, 1 ère éd. 1990, 3 ème éd., Paris,
PUF, Quadrige, 2003, 263 p.
-LE BRETON, David, Des visages. Essai d’anthropologie, Paris, Métailié, Suites Sciences
humaines, 2003, 328 p.
-PERROT, Philippe, Le corps féminin. Le travail des apparences XVIII-XIX e siècle, Paris,
Editions du Seuil, Points Histoire, 1984, 281 p.
-PORRET, Michel, Le corps violenté. Du geste à la parole, Genève, Droz, 1998, 370 p.
• USAGES ET SPECTACLES CORPORELS
-A fleur de peau. Le moulage sur nature au XIX e siècle, catalogue publié à l’occasion de
l’exposition « A fleur de peau. Le moulage sur nature au XIX e siècle » présentée au musée
d’Orsay du 29 octobre 2001 au 27 janvier 2002, Paris, Editions de la Réunion des Musées
Nationaux, 2001, 189 p.
-BANCEL, Nicolas, BLANCHARD, Pascal, BOËTSCH, Gilles, et al. (sous la dir. de),
Zoos humains XIX e et XX e siècles, Paris, Editions La Découverte, 2002, 479 p.
-BERTRAND, Régis, CAROL, Anne (sous la dir. de), Le « monstre » humain. Imaginaire
et société, Aix-en-Provence, PUP, Collection « Le temps de l’histoire », 2005, 214 p.
-CHAMAYOU, Grégoire, Les corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIII e et
XIX e siècles, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond / La Découverte, 2008, 422 p.
-COMAR, Philippe, Les images du corps, Paris, Gallimard, Découvertes, 1993, 160 p.
-Le corps en morceaux, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Le corps en
morceaux » présentée au musée d’Orsay du 5 février au 3 juin 1990, Paris, Editions de la
Réunion des Musées Nationaux, 1990, 343 p.
-DIAS, Nélia, « Le corps en vitrine. Eléments pour une recherche sur les collections
médicales », Terrain : Le corps en morceaux, Paris, Ministère de la culture et Maison des
sciences de l’homme, mars 1992, n°18, pp. 72-79, en ligne (http://terrain.revues.org/).
-Encyclopaedia anatomica. Museo La Specola Florence, textes de Monika v. Düring et
Marta Poggesi, photographies de Saulo Bambi, Cologne, Taschen, 2006, 574 p.
-LE BRETON, David, La chair à vif. Usages médicaux et mondains du corps humain,
Paris, Métailié, 1993, 335 p.
-LENOIR, Rémi, TSIKOUNAS, Myriam (sous la dir. de), Sociétés&Représentations : Le
corps à l’épreuve, Paris, CREDHESS, avril 1996, n°2, 284 p.
1051

- Bibliographie -
-MANDRESSI, Rafael, Le regard de l’anatomiste. Dissection et invention du corps en
Occident, Paris, Editions du Seuil, L’Univers historique, 2003, 339 p.
-MICHEL, Régis, Géricault. L’invention du réel, Paris, Gallimard, Découvertes, Réunion
des Musées nationaux, 1992, 176 p.
-MOULINIE, Véronique, La chirurgie des âges. Corps, sexualité et représentations du
sang, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Collection « Ethnologie de la
France », 1998, 340 p.
-PARAVICINI BAGLIANI, Agostino, « Démembrement et intégrité du corps au XIII e
siècle », Terrain : Le corps en morceaux, Paris, Ministère de la culture et Maison des
sciences de l’homme, mars 1992, n°18, pp. 26-32, en ligne (http://terrain.revues.org/).
-PUISEUX, Hélène, Les figures de la guerre. Représentations et sensibilités 1839-1996,
Paris, Gallimard, Le Temps des images, 1997, 270 p.
-PY, Christiane, VIDART, Cécile, « Les musées d’anatomie sur les champs de foire »,
Actes de la recherche en sciences sociales, novembre 1985, n°60, pp. 3-10.
• LES SENS
-Les Cahiers du GERHICO : Accords et à cris, actes du colloque « Accords et à cris.
Etudes pluridisciplinaires sur la sonorité » (5-6 décembre 2007) organisé par l’Association
des Doctorants en Sciences Humaines et Arts de l’Université de Poitiers (SHADOC),
Université de Poitiers, à paraître (2009).
-CORBIN, Alain, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social XVIII e -XIX e
siècles, Paris, Flammarion, Champs, 1986, VI-336 p.
-DIAS, Nélia, La mesure des sens. Les anthropologues et le corps humain au XIX e siècle,
Paris, Aubier, Collection historique, 2004, 357 p.
-GUTTON, Jean-Pierre, Bruits et sons dans notre histoire. Essai sur la reconstitution du
paysage sonore, Paris, PUF, Le nœud gordien, 2000, 184 p.
-LE BRETON, David, La saveur du monde. Une anthropologie des sens, Paris, Métailié,
2006, 452 p.
-NAHOUM-GRAPPE, Véronique, « L’échange des regards », Terrain : Le regard, Paris,
Ministère de la culture et Maison des sciences de l’homme, mars 1998, n°30, pp. 67-82, en
ligne (http://terrain.revues.org/).
1052

♦ Photographie
- Bibliographie -
-BAJAC, Quentin, L’image révélée. L’invention de la photographie, Paris, Gallimard,
Découvertes, 2001, 159 p.
-BAJAC, Quentin, La photographie. L’époque moderne 1880-1960, Paris, Gallimard,
Découvertes, 2005, 159 p.
-BRAIVE, Michel, L’âge de la photographie. De Niepce à nos jours, Bruxelles, Editions
de la Connaissance, 1965, 367 p.
-BRUNET, François, La naissance de l’idée de photographie, Paris, PUF, Sciences,
modernités, philosophies, 2000, 361 p.
-FREUND, Gisèle, Photographie et société, Paris, Editions du Seuil, Points Histoire, 1974,
220 p.
-JÄGER, Jens, « Photograpy : a means of surveilance ? Judicial photography, 1850 to
1900 », Crime, Histoire et Sociétés, Genève-Paris, Droz, 2001, vol. 5, n°1, pp. 27-51.
-LEMAGNY, Jean-Claude, ROUILLE, André (sous la dir. de), Histoire de la
photographie, Paris, Larousse-Bordas, 1998, 296 p.
-PIETTE, Albert, « La photographie comme mode de connaissance anthropologique »,
Terrain : Le corps en morceaux, Paris, Ministère de la culture et Maison des sciences de
l’homme, mars 1992, n°18, pp. 129-136, en ligne (http://terrain.revues.org/).
-QUINCHE, Nicolas, « Les techniques d’identification des récidivistes (1880-1920) » in
Le criminel endurci. Récidive et récidivistes du Moyen Age au XX e siècle, études réunies et
présentées par Françoise Briegel et Michel Porret, actes du colloque « Récidive et
récidiviste : de la Renaissance au XX e siècle » (6 au 8 juin 2002) organisé par
l’International Association for the History of Crime and Criminal Justice, Genève, Droz,
« Recherches et Rencontres », 2006, n°23, pp. 355-367.
-SIMMAT, Gérard, « Les photographes de Poitiers au 19 e siècle. Les précurseurs, 1859-
1883 », Le Picton, janvier-février 2005, n°169, pp. 42-52.
-SIMMAT, Gérard, « Les photographes de Poitiers au 19 e siècle. L’âge d’or, 1884-1900 »,
Le Piction., mars-avril 2005, n°170, pp. 12-19.
♦ Mythologies et religions anciennes
-BRIQUEL, Dominique, Chrétiens et haruspices : la religion étrusque, dernier rempart du
paganisme romain, Paris, Presses de l’Ecole Normale, 1998, 209 p.
-BURKERT, Walter, Les cultes à mystères dans l’Antiquité, traduit de l’anglais par
Bernard Deforge et Louis Bardollet, avec la collaboration de György Karsai, Paris, Les
Belles Lettres, Vérité des mythes, 1992, 161 p.
1053

- Bibliographie -
-GRIMAL, Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, préface de Charles
Picard, 1 ère éd. 1951, 4 ème éd. revue, Paris, PUF, 1969, XXXI-576 p.
-JANNOT, Jean-René, Devins, dieux et démons : regards sur la religion de l’Etrurie
antique, Paris, Picard, 1998, 207 p.
-MONTERO, Santiago, Política y adivinacíon en el Bajo Imperio Romano : emperadores
y harúspices (193 DC-408 DC), Bruxelles, Latomus, 1991, 193 p.
♦ Souvenirs, mémoires
-BACQUE, Marie-Frédérique, BERSAY, Claude, « Interview de Marie-Christine Dauge,
anatomopathologiste », Etudes sur la mort, 2002/2, n°121, pp. 97-103, (en ligne).
-BASS, Bill, JEFFERSON, Jon, La ferme des corps, préface de Patricia Cornwell, traduit
de l’anglais par Gilles Morris-Dumoulin, Paris, Editions du Seuil, Points, 2006, 250 p.
-MARTIN, Raymond, Souvenirs d’un médecin légiste, Paris, Calmann-Lévy, 1991, 267 p.
-PIEDELIEVRE, René, Souvenirs d’un médecin légiste, Paris, Flammarion, 1966, 218 p.
♦ Divers
-BAUDELAIRE, Charles, Les Fleurs du mal, 1 ère éd. 1857, préface de Marie-Jeanne
Durry, Paris, Le livre de poche, 1972, XLIII-402 p.
-DELATTRE, Simone, Les douze heures noires. La nuit à Paris au XIX e siècle, préface
d’Alain Corbin, Paris, Albin Michel, L’évolution de l’humanité, 2000, 674 p.
-NOURRISSON, Didier, Histoire sociale du tabac, Paris, Editions Christian, Collection
Vivre l’histoire, 1999, 188 p.
-SHELLEY, Mary, Frankenstein ou le Prométhée moderne, traduction de Germain
d’Hangest, Paris, Garnier-Flammarion, 1979, 380 p.
1054

ANNEXES

Annexes 1 à 25
TABLEAUX STATISTIQUES

Tableau 1 : Les instances procédant à la réquisition d’un homme de l’art dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Annexe n°1 : Instances requérantes des affaires criminelles poitevines.
Ignore
Collaboration d’instances
Une seule instance requérante
64
255
34
Autres
Procureur
& Juge de
paix
Juge
d’instruction &
Procureur
Juge
d’instruction &
Maire
Juge
d’instruction
& Juge de paix
Autres
Maire
Juge
de
paix
Procureur
Juge
d’instruction
13
12
7
6
26
8
8
82
36
121
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
1059
Tableau 2 : Les instances procédant à la réquisition d’un homme de l’art dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Ignore
Collaboration d’instances
Une seule instance requérante
68
248
21
Autres
Procureur
& Juge de
paix
Juge
d’instruction &
Procureur
Juge
d’instruction &
Maire
Juge
d’instruction
& Juge de paix
Autres
Maire
Juge
de
paix
Procureur
Juge
d’instruction
13
4
5
14
32
3
10
55
42
138
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°2 : Répartition chronologique des instances requérantes des affaires
criminelles.
Tableau 3 : Evolution chronologique de la répartition des instances requérantes
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915 Total
Une seule
instance
43 71 41 63 37 255
Collaboration 7 21 17 7 12 64
Ignore 15 6 1 10 2 34
Total 65 98 59 80 51 353
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Tableau 4 : Evolution chronologique de la répartition des instances requérantes
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915 Total
Une seule
instance
32 74 58 57 27 248
Collaboration 1 19 17 24 7 68
Ignore 6 3 3 5 4 21
Total 39 96 78 86 38 337
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Annexe n°3 : Instances requérantes dans les morts subites non criminelles.
Tableau 5 : Les instances requérantes dans les suicides et morts accidentelles de la Vienne (an IV-1914).
Instances requérantes dans les constats de suicides et morts
accidentelles (Vienne)
Juge de
paix
Maire
Gendarmes
/ Police
1060
Famille Autres Ignore
14 14 15 12 2 27
Sources : A.D.V., sous-séries L Supplément, 3U4, 4M.
Tableau 6 : Les instances requérantes dans les suicides et morts accidentelles des Deux-Sèvres
(an VII-1893).
Instances requérantes dans les constats des suicides et morts
accidentelles (Deux-Sèvres)
Juge de
paix
Maire
Juge
d'instruction
/ Procureur
Gendarmes
/ Police
Famille Ignore
42 45 7 6 2 12
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, 2U, 3U1, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°4 : Instances requérantes dans les suicides et dans les morts
accidentelles.
Tableau 7 : Les instances requérantes dans les morts accidentelles de la Vienne (an IV-1914).
Instances requérantes dans les constats de morts
accidentelles (Vienne)
Juge de
paix
Sources : A.D.V., sous-séries L Supplément, 3U4, 4M.
Tableau 8 : Les instances requérantes dans les suicides de la Vienne (an IV-1914).
Maire
Famille Gendarmes Maire Direction de
la gare
Instances requérantes dans les constats de suicides (Vienne)
Gendarmes /
Police
Famille Juge de paix
1061
Gendarmes &
Juge de paix
Ignore
11 10 6 5 1 18
Sources : A.D.V., sous-séries L Supplément, 3U4, 4M.
Tableau 9 : Les instances requérantes dans les morts accidentelles des Deux-Sèvres (an VII-1893).
Instances requérantes dans les constats de morts accidentelles
(Deux-Sèvres)
Maire
Juge de
paix
Gendarmes
/ Police
Procureur /
Juge
d'instruction
Famille Ignore
32 24 6 5 2 8
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, 2U, 3U 1, 3U 4.
Tableau 10 : Les instances requérantes dans les suicides des Deux-Sèvres (an VII-1893).
Instances requérantes dans les constats de suicides
(Deux-Sèvres)
Juge de paix Maire Procureur Ignore
18 13 2 4
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, 2U, 3U1, 3U4.
Ignore
9 6 5 3 1 9

Médecin /
Docteur en
médecine
- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°5 : Titres ou diplômes des hommes de l’art requis comme experts.
Officier de
santé
Tableau 11 : Les titres des hommes de l’art requis comme experts,
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Diplômes des hommes de l'art requis comme experts
dans les affaires criminelles de la Vienne
Chirurgien /
Docteur en
chirurgie
249 33 8
Médecin /
Docteur en
médecine
Officier de
santé &
Docteur en
médecine
1062
Docteur en
médecine &
Chirurgien
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Officier de
santé
Collaboration Pas d'expert
35
Docteur en
médecine &
Chimiste
Autres
21 7 6 1
Tableau 12 : Les titres des hommes de l’art requis comme experts,
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Diplômes des hommes de l'art requis comme experts
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
Chirurgien /
Docteur en
chirurgie
247 33 18
Officier de
Officier
santé &
de santé &
Docteur en
Chirurgien
médecine
Collaboration
32
Docteur en
médecine &
Chirurgien
Docteur en
médecine &
Chimiste
Autres
12 1 13 5 1
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
12
Pas
d'expert
23

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°6 : Titres ou diplômes des hommes de l’art du Poitou.
Médecin /
Docteur en
médecine
Médecin /
Docteur en
médecine
Tableau 13 : Les titres ou diplômes des hommes de l’art de la Vienne (an VIII-1915).
Officier de
santé
Les hommes de l'art de la Vienne
Chirurgien /
Docteur en
chirurgie
Officier de
santé &
Chirurgien
1063
Officier de
santé &
Médecin
Diplôme
indéterminé
Total
524 219 110 26 10 14 893
Sources : A.D.V., sous-séries 5M, 2U, 3U4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.
Tableau 14 : Les titres ou diplômes des hommes de l’art des Deux-Sèvres (an IX-1915).
Officier de
santé
Les hommes de l'art des Deux-Sèvres
Chirurgien
/ Docteur
en
chirurgie
Médecin &
Chirurgien
Officier de
santé &
Chirurgien
Officier de
santé &
Médecin
Diplôme
indéterminé Total
522 166 87 1 5 1 15 797
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, 2U, 3U1, 3U2, 3U4, 1X, 2X, 3X, 1Z.
Annexe n°7 : L’âge des médecins experts.
Tableau 15 : Répartition par âge des hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Répartition par tranche d'âge des experts des affaires criminelles de la Vienne
25 ans 26-30 ans 31-45 ans 46-60 ans 61 ans Pas d'âge mentionné
8 42 216 158 51 136
Sources : A.D.V., sous-séries 5M, 2U, 3U4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.
Tableau 16 : Répartition par âge des hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Répartition par tranche d'âge des experts des affaires criminelles des Deux-Sèvres
25 ans 26-30 ans 31-45 ans 46-60 ans 61 ans Pas d'âge mentionné
11 58 209 167 48 82
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, 2U, 3U1, 3U2, 3U4, 1X, 2X, 3X, 1Z.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°8 : Le lieu de résidence des médecins experts.
Tableau 17 : Domiciliation des hommes de l’art requis comme experts par le juge d’instruction
ou le procureur dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Domiciliation des médecins requis par le juge d'instruction ou le
procureur (Vienne)
Juge
d'instruction
Chef-lieu
d'arrondissement
Chef-lieu
d'arrondissement
et autre ville
1064
Ville autre que le
chef-lieu
d'arrondissement
Ignore
146 39 16 2
Procureur 46 10 2 0
Total 192 49 18 2
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Tableau 18 : Domiciliation des hommes de l’art requis comme experts par le juge d’instruction ou le
procureur dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Domiciliation des médecins requis par le juge d'instruction ou le
procureur (Deux-Sèvres)
Juge
d'instruction
Chef-lieu
d'arrondissement
Chef-lieu
d'arrondissement
et autre ville
Ville autre que le
chef-lieu
d'arrondissement
Ignore
101 49 23 0
Procureur 34 14 8 1
Total 135 63 31 1
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°9 : Le nombre de médecins requis comme experts. Répartition selon les
principaux textes législatifs.
Tableau 19 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis comme expert dans les affaires
criminelles de la Vienne, selon les textes législatifs (1795-1915).
Pas
d'expert
Evolution chronologique du nombre d'experts requis (Vienne)
avant juin
1811
juillet 1811février
1867
mars 1867février
1887
1065
mars 1887novembre
1893
après
décembre
1893
Total
1 3 5 0 3 12
1 expert 23 54 31 7 17 132
Plus d'1
expert
5 114 50 12 12 193
Total 29 171 86 19 32 337
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Tableau 20 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis comme expert dans les affaires
criminelles des Deux-Sèvres, selon les textes législatifs (1795-1915).
Pas
d'expert
Evolution chronologique du nombre d'experts requis (Deux-Sèvres)
avant juin
1811
juillet 1811février
1867
mars 1867février
1887
mars 1887novembre
1893
après
décembre
1893
Total
8 8 5 2 0 23
1 expert 15 67 46 20 17 165
Plus d'1
expert
7 103 33 11 11 165
Total 30 178 84 33 28 353
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°10 : Le nombre de médecins requis comme experts. Répartition par
groupe de décennies.
Tableau 21 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis comme experts dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Pas
d'expert
Répartition chronologique du nombre d'experts (Vienne)
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915 Total
2 2 1 4 3 12
1 expert 28 33 24 28 18 132
Plus d'1
expert
9 60 53 54 17 193
Total 39 96 78 86 38 337
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Tableau 22 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis comme experts dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Pas
d'expert
Répartition chronologique du nombre d'experts requis (Deux-Sèvres)
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915 Total
12 4 1 5 1 23
1 expert 35 33 16 49 32 165
Plus d'1
expert
18 62 41 26 18 165
Total 65 99 58 80 51 353
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
1066

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°11 : Rapports d’autopsies. Fréquence de la présence dans le dossier et
délai de rédaction.
Tableau 23 : Répartition des rapports particuliers
ou contenus dans le procès-verbal (affaires
criminelles de la Vienne, 1795-1915).
Nombre de rapports d'autopsies
(Vienne)
Rapport
intégré à
un PV
Rapport
particulier
Pas de
rapport
Total
d'examens
post mortem
63 315 29 407
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément,
2U, 3U4.
1067
Tableau 24 : Répartition des rapports particuliers
ou contenus dans le procès-verbal (affaires
criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915).
Nombre de rapports d'autopsies
(Deux-Sèvres)
Rapport
intégré à
un PV
Rapport
particulier
Pas de
rapport
Total
d'examens
post mortem
54 325 39 418
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème
Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Tableau 25 : Répartition des types de rapports d’expertises avant et après 1825
(affaires criminelles poitevines, 1795-1915).
Répartition chronologique des rapports d’expertises médico-légales
Vienne Deux-Sèvres
Avant 1825 Après 1825 Avant 1825 Après 1825
Rapports intégrés au PV 32 31 28 26
Rapports particuliers 18 297 40 285
Pas de rapport 4 25 16 23
Total des examens post
mortem
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4
A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
54 353 84 334

- Annexes 1 à 25 -
Tableau 26 : Le délai de rédaction du rapport d’autopsie
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915).
Délai entre l'examen et la rédaction du rapport d'autopsie
Le jour
même
1 jour
après
2 jours
après
1068
3 jours
après
Plus de 3
jours après
Ignore
Vienne 210 29 19 4 44 9
Deux-Sèvres 210 39 18 9 38 11
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4
Tableau 27 : Nombre d’experts présents au moment de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915).
Nombre d’experts requis
1 expert Au moins 2 experts Pas d’expert Total
Vienne 221 174 12 407
Deux-Sèvres 211 184 23 418
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°12 : Rapports d’autopsies. Typologie de la rédaction.
Tableau 28 : Typologie des rapports d’autopsies
dans les affaires criminelles de la Vienne
(1795-1915).
Types de présentation des rapports
d'autopsies (affaires criminelles de la
Vienne)
Paragraphes Numéros Conclusions
détachées Titres
Titres
hiérarchisés
95 41 80 87 12
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U,
3U4.
Tableau 30 : Observations sur l’objet du
rapport d’expertise dans les affaires criminelles
poitevines (1795-1915).
Contenu descriptif des
rapports d'autopsies
Vienne Deux-Sèvres
Essentiel 240 314
Exhaustif 75 11
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément,
2U, 3U4.
A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème
Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
1069
Tableau 29 : Typologie des rapports d’autopsies
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
(1795-1915).
Types de présentation des rapports
d'autopsies (affaires criminelles des
Deux-Sèvres)
Paragraphes Numéros Conclusions
détachées Titres
Titres
hiérarchisés
114 22 87 79 23
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément
U, 2U, 3U1, 3U4.
Tableau 31 : Style employé pour la rédaction
des rapports d’autopsies dans les affaires criminelles
poitevines (1795-1915).
Style employé dans la rédaction des rapports
d'autopsies dans le Poitou
Littéraire Avant
1840
Télégraphique
Après
1840
Total
Vienne 303 1 11 12
Deux-
Sèvres
Annexe n°13 : Autorités médico-légales locales.
307 4 14 18
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U,
3U4.
A.D.D.-S, sous-séries L 2 ème Supplément U,
2U, 3U1, 3U4.
Tableau 32 : Collaboration entre le premier médecin requis et le médecin envoyé par le parquet
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915).
Binômes médecin local / médecin du parquet
Deux-Sèvres Vienne
Avec le médecin local 31 27
Sans le médecin local 23 28
Total 54 55
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
A.D.D.-S, sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

Tableau 33 : Ouvrages généraux de médecine légale conservés dans le fonds
de l’Ecole de médecine de Poitiers.
- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°14 : Production littéraire médico-légale. Ouvrages de l’Ecole de
médecine de Poitiers et répartition chronologique des publications.
Ouvrages contenus dans le fonds de l'Ecole de médecine de Poitiers
1900-
1915
1890-
1899
1880-
1889
1870-
1879
1860-
1869
1850-
1859
1840-
1849
1830-
1839
1820-
1829
1810-
1819
1800-
1809
1795-
1799
0
1
0
0
0
1
1
1
1
2
0
0
Manuels
0
0
0
0
0
0
0
0
2
1
1
0
Traités
0
1
0
0
0
1
1
1
3
3
1
0
Total
Source : Fonds ancien de la Bibliothèque Universitaire de Poitiers. Section Droit-Lettres.
1070
Tableau 34 : Chronologie des publications d’ouvrages généraux de médecine légale (1795-1915).
Evolution chronologique de la production littéraire médico-légale
1900-
1915
1890-
1899
1880-
1889
1870-
1879
1860-
1869
1850-
1859
1840-
1849
1830-
1839
1820-
1829
1810-
1819
1800-
1809
1795-
1799
0
1
0
0
0
1
1
1
1
2
0
0
Manuels
0
0
0
0
0
0
0
0
2
1
1
0
Traités
0
1
0
0
0
1
1
1
3
3
1
0
Total

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°15 : Production littéraire médico-légale. Editions originales et rééditions.
Tableau 35 : Chronologie des éditions originales et des rééditions d’ouvrages généraux
de médecine légale (1795-1915).
Evolution chronologique des éditions originales et des rééditions de médecine légale
1900-
1915
1890-
1899
1880-
1889
1870-
1879
1860-
1869
1850-
1859
1840-
1849
1830-
1839
1820-
1829
1810-
1819
1800-
1809
1795-
1799
1071
4
6
5
3
2
1
1
5
3
1
2
1
Editions originales
8
4
5
4
2
3
3
7
2
3
1
0
Rééditions
12
10
10
7
4
4
4
12
5
4
3
1
Total

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°16 : Formation des docteurs en médecine poitevins. Ecoles de pensée.
Tableau 36 : Répartition des docteurs en médecine poitevins
selon leur Faculté d’origine (1795-1915).
Facultés de médecine dont sont diplômés les docteurs du Poitou
Deux-Sèvres
Avant 1875 Après 1875
Vienne
Avant 1875 Après 1875
Total
Paris 126 140 190 155 612
Montpellier 23 8 28 8 67
Strasbourg 2 0 4 0 6
Nancy 0 1 0 2 3
Lyon 0 4 0 2 6
Bordeaux 0 43 0 38 79
Toulouse 0 5 0 8 13
Rennes 0 1 1
Marseille 0 1 1
Padoue 1 0 1
Rome 1 0 1
Munich 1 0 1
Beyrouth 0 1 1
Ignore 122 8 20 8 159
Total 484 467 951
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, 2U, 3U 1, 3U 2, 3U 4, 1X, 2X, 3X, 1Z.
A.D.V., sous-séries 5M, 2U, 3U 4, 1X, 2X, 3Z, 4Z.
1072

Vienne
- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°17 : Paiement des honoraires des médecins experts.
Tableau 37 : Mention du paiement des honoraires de médecins experts
dans les affaires criminelles du Poitou (1795-1915).
Mentions des honoraires alloués aux experts dans les
affaires criminelles poitevines
1073
Vienne Deux-Sèvres
Montant indiqué 200 154
Mémoire sans précision du montant 10 21
Ignore 109 149
Total 319 324
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Tableau 38 : Répartition chronologique de l’indication ou non des honoraires alloués aux experts
(affaires criminelles du Poitou, 1795-1915).
Indication des honoraires alloués aux experts
dans les affaires criminelles du Poitou
1795-1819 1820-1849 1850-1869 1870-1889 1890-1915 Total
Ignoré 31 35 23 13 7 109
Indiqué 3 58 53 70 26 210
Ignoré 49 50 6 35 9 149
Deux-Sèvres
Indiqué 4 41 52 39 39 175
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Tableau 39 : Répartition du délai de paiement des frais d’expertises médicales
(affaires criminelles du Poitou, 1795-1915).
Délai de paiement des honoraires alloués aux experts
< 1 mois 1 à 3 mois 3 à 6 mois 6 à 12 mois > 12 mois Total
Vienne 9 13 19 77 78 196
Deux-Sèvres 13 22 29 65 1 130
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°18 : Les saisons cadavériques.
Tableau 40 : Répartition des décès suspects poitevins sur l’année (1795-1915).
Répartition mensuelle des décès suspects dans le Poitou
Affaires criminelles Suicides Morts accidentelles
Deux-
Sèvres
Vienne Poitou
Deux-
Sèvres
1074
Vienne Poitou
Deux-
Sèvres
Vienne Poitou
Janvier 29 26 55 10 16 26 20 22 42
Février 23 40 63 17 14 31 21 15 36
Mars 38 34 72 7 25 32 26 19 45
Avril 33 23 56 12 31 43 24 22 46
Mai 26 29 55 23 45 68 24 27 51
Juin 28 27 55 24 40 64 36 34 70
Juillet 28 27 55 18 39 57 35 38 73
Août 24 17 41 12 25 37 34 27 61
Septembre 31 21 52 8 24 32 30 23 53
Octobre 20 28 48 10 27 37 22 22 44
Novembre 18 23 41 7 11 18 25 11 36
Décembre 26 24 50 13 17 30 22 12 34
Total 324 319 643 161 314 475 319 272 591
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, L 2 ème Supplément U, 2U, 3U 1, 3U 4.
A.D.V., sous-séries, L, L Supplément, 2U, 3U4, 4M.
Annexe n°19 : Le délai écoulé entre le décès et la réalisation de l’autopsie.
Tableau 41 : Répartition des autopsies médico-légales en fonction du délai écoulé entre le moment du décès
et le début de l’acte (affaires criminelles du Poitou, 1795-1915).
Délai entre le décès et l'autopsie (affaires criminelles du Poitou)
Jour même 1 jour 2 jours 3 jours
Plus de 3
jours
Total
Deux-Sèvres 171 89 14 9 41 324
Vienne 185 97 16 4 17 319
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.

Magistrats
- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°20 : Les témoins non médicaux de l’autopsie.
Tableau 42 : Typologie des témoins non médicaux de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Individus présents lors de l'examen post mortem
(affaires criminelles des Deux-Sèvres)
Examens post mortem devant témoins Aucun témoin
175
Catégories de personnes assistant de concert à l’examen
Officiers de
police
judiciaire
Greffiers
Prévenu /
Famille du
prévenu
1075
Famille de
la victime
Autres
112 84 33 29 3 23
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Magistrats
Tableau 43 : Typologie des témoins non médicaux de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Individus présents lors de l'examen post mortem
(affaires criminelles de la Vienne)
217
Examens post mortem devant témoins Aucun témoin
176
Catégories de personnes assistant de concert à l’examen
Officiers de
police
judiciaire
Greffiers
Prévenu /
Famille du
prévenu
Famille de
la victime
Autres
107 86 46 36 3 9
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Tableau 44 : Manifestation du refus du prévenu d’être présent lors de la réalisation de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915).
Refus du prévenu d'assister à l'examen post mortem
(affaires criminelles du Poitou)
Deux-Sèvres Vienne
Exempté 23 20
Présent/Sans précision 369 373
Total 392 393
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
217

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°21 : Les lieux de l’autopsie.
Tableau 45 : Répartition des divers lieux ayant servi à la réalisation d’un examen post mortem
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Lieux dans lesquels l'examen post mortem est pratiqué
(affaires criminelles des Deux-Sèvres)
Lieux de vie
privés
Lieux de
travail
privés
Lieux
publics
1076
Lieux
médicalisés
A découvert 16 10 36 1 63
Couvert / clos 141 29 25 38 233
Total 157 39 61 39 296
Total des
examens
392
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Total Ignore
Tableau 46 : Répartition des divers lieux ayant servi à la réalisation d’un examen post mortem
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Lieux dans lesquels l'examen post mortem est pratiqué
(affaires criminelles de la Vienne)
Lieux de vie
privés
Lieux de
travail
privés
Lieux
publics
Lieux
médicalisés
A découvert 14 6 41 0 61
Couvert / clos 152 20 30 56 258
Total 166 26 71 56 319
Total des
examens
393
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
96
Total Ignore
74

Annexe n°22 : Les tables d’autopsie.
Table
- Annexes 1 à 25 -
Tableau 47 : Les différents supports servant de table d’autopsie
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).
Supports utilisés lors des examens post mortem
(affaires criminelles des Deux-Sèvres)
Planches et
tréteaux
Autre meuble
1077
Table de
dissection
46 16 2 5
Table
69
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
Tableau 48 : Les différents supports servant de table d’autopsie
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).
Supports utilisés lors des examens post mortem
(affaires criminelles de la Vienne)
Planches et
tréteaux
Autre meuble
Table de
dissection
23 4 4 1
32
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Annexe n°23 : Les lieux médicalisés.
Tableau 49 : Evolution chronologique de l’utilisation des lieux médicalisés
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915).
Pas d'indication
323
Pas d'indication
Emploi des locaux médicalisés pour les examens post mortem
(affaires criminelles du Poitou)
Lieux
médicalisés
Deux Sèvres Vienne
Autres lieux
Lieux
médicalisés
361
Autres lieux
1795-1819 1 39 0 28
1820-1849 6 85 7 78
1850-1869 11 48 23 62
1870-1889 12 50 16 74
1890-1915 9 35 10 21
Total 39 257 56 263
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Tableau 50 : Evolution chronologique du recours à un lieu médicalisé en fonction de la commune où le
décès est survenu (affaires criminelles poitevines, 1795-1915).
Utilisation d'un lieu médicalisé situé dans une ville différente
de celle du décès (affaires criminelles du Poitou)
Mêmes
communes
Deux Sèvres Vienne
Communes différentes
1078
Mêmes
communes
Communes différentes
1795-1819 0 1 0 0
1820-1849 4 2 3 4
1850-1869 5 6 17 6
1870-1889 9 3 9 7
1890-1915 6 3 5 5
Total
24 15 34 22
Nouveaunés
Adultes
12 3
Nouveaunés
39 56
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.
A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.
Adultes
19 3
Tableau 51 : Répartition des examens post mortem effectués à l’Ecole de médecine de Poitiers en fonction
du lieu du décès et du praticien qui les réalisent (affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
Examens post mortem effectués à l'Ecole de médecine ou à l'Hôtel-Dieu
de Poitiers (affaires criminelles de la Vienne)
Ville du décès Médecin
Poitiers Autre ville Médecin de l'établissement Autre médecin
13 9 19 3
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°24 : La décomposition putride dans les autopsies.
Tableau 52 : Répartition chronologique des divers stades putrides rencontrés au cours des examens post
mortem dans les des Deux-Sèvres (affaires criminelles, suicides et morts accidentelles, 1795-1915).
Pas de
putréfaction
Stades de la décomposition cadavérique
dans les examens post mortem des Deux-Sèvres
Putréfaction
commencée
Putréfaction
avancée
1079
Putréfaction
très
développée
Ossements
Pas
d'indication Total
1795-1809 1 0 0 1 1 21 24
1810-1819 2 7 1 2 0 43 55
1820-1829 3 4 8 4 1 96 116
1830-1839 6 4 2 5 2 17 36
1840-1849 7 3 2 0 2 19 33
1850-1859 13 4 1 0 0 16 34
1860-1869 4 3 4 1 3 29 44
1870-1879 7 4 4 0 3 25 43
1880-1889 5 2 1 4 0 29 41
1890-1899 6 9 3 0 0 21 39
1900-1915 4 3 2 0 0 17 26
Total 58 43 28 17 12 333 491
Sources : A.D.D.-S., sous-séries 6M, L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Tableau 53 : Répartition chronologique des divers stades putrides rencontrés au cours des examens post
mortem dans la Vienne (affaires criminelles, suicides et morts accidentelles, 1795-1915).
Pas de
putréfaction
Stades de la décomposition cadavérique
dans les examens post mortem de la Vienne
Putréfaction
commencée
Putréfaction
avancée
1080
Putréfaction
très
développée
Ossements
Pas
d'indication Total
1795-1809 0 2 1 3 1 26 33
1810-1819 1 2 0 0 0 9 12
1820-1829 2 2 3 1 0 12 20
1830-1839 9 7 3 0 1 20 40
1840-1849 3 6 6 3 1 27 46
1850-1859 5 11 2 1 1 20 40
1860-1869 7 6 9 0 5 35 62
1870-1879 1 7 9 2 1 63 83
1880-1889 3 5 7 0 1 30 46
1890-1899 9 3 3 1 4 63 83
1900-1915 0 2 2 0 0 6 10
Total 40 53 45 11 15 311 475
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 4M, 2U, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Annexe n°25 : L’abdomen, première cavité examinée.
Tableau 54 : Répartition chronologique de l’ouverture de l’abdomen comme première cavité explorée lors
des examens post mortem (affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915).
Première cavité examinée dans les affaires criminelles
des Deux-Sèvres
Abdomen
(putréfaction)
Abdomen
(blessure)
1081
Autre cavité
Pas
d'ouverture
Total
1795-1809 1 1 4 13 19
1810-1819 2 2 17 14 35
1820-1829 1 1 30 12 44
1830-1839 0 2 28 6 36
1840-1849 1 2 20 10 33
1850-1859 0 0 29 5 34
1860-1869 1 2 27 13 43
1870-1879 3 1 24 14 42
1880-1889 0 3 29 9 41
1890-1899 1 0 26 12 39
1900-1915 0 2 17 7 26
Total 10 16 251 115 392
Sources : A.D.D.-S., sous-séries L 2 ème Supplément U, 2U, 3U1, 3U4.

- Annexes 1 à 25 -
Tableau 55 : Répartition chronologique de l’ouverture de l’abdomen comme première cavité explorée lors
des examens post mortem (affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915).
Première cavité examinée dans les affaires criminelles
de la Vienne
Abdomen
(putréfaction)
Abdomen
(blessure)
1082
Autre cavité
Pas
d'ouverture
1795-1809 0 0 2 21 23
1810-1819 2 0 6 4 12
1820-1829 0 1 13 6 20
1830-1839 2 0 33 5 40
1840-1849 0 0 34 12 46
1850-1859 2 5 27 6 40
1860-1869 5 4 27 26 62
1870-1879 2 2 44 20 68
1880-1889 2 5 24 11 42
1890-1899 5 1 17 7 30
1900-1915 1 0 6 3 10
Total
Total 21 18 233 121 393
Sources : A.D.V., sous-séries L, L Supplément, 2U, 3U4.

Annexes 26 à 37
RAPPORTS D’AUTOPSIES MEDICO-LEGALES

- Annexes 26 à 37 -
TYPOLOGIE DES RAPPORTS D’AUTOPSIE
Annexe n°26 (Illustration 161) : Rapport constitué de paragraphes successifs.
Source : A.D.D.-S., 2U 73, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat »,
Rapport de l’officier de santé (p. 1), le 19 février 1815.
1085

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 73, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat »,
Rapport de l’officier de santé (p. 2), le 19 février 1815.
1086

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°27 (Illustration 162) : Rapport où les groupes d’observations sont
distinguées par des numéros.
Source : A.D.D.-S., 2U 271, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et
vols », Rapport du Dr Faure (p. 1), le 9 juin 1873.
1087

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 271, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat et
vols », Rapport du Dr Faure (p. 2), le 9 juin 1873.
1088

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°28 (Illustration 163) : Rapports avec les conclusions clairement
indiquées.
Source : A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du médecin (p. 7), le 12 janvier 1841.
1089

Illustration 164
- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 309, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Assassinat », 2 ème
rapport des Drs Brillaud, Lecointre et Foucart (p. 3), le 5 novembre 1884.
1090

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°29 (Illustration 165) : Rapport dont la construction suit des questions.
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 1), le 25 septembre 1872.
1091

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 2), le 25 septembre 1872.
1092

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 3), le 25 septembre 1872.
1093

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 4), le 25 septembre 1872.
1094

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 5), le 25 septembre 1872.
1095

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 6), le 25 septembre 1872.
1096

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 7), le 25 septembre 1872.
1097

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 269, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport du Dr Gautier (p. 8), le 25 septembre 1872.
1098

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°30 (Illustration 166) : Rapport dont les titres correspondent aux régions
corporelles examinées.
Source : A.D.D.-S., 2U 339, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement
et complicité », Rapport médical de l’autopsie (p. 1), le 20 mars 1893.
1099

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 339, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement
et complicité », Rapport médical de l’autopsie (p. 2), le 20 mars 1893.
1100

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 339, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement
et complicité », Rapport médical de l’autopsie (p. 3), le 20 mars 1893.
1101

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 339, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Empoisonnement
et complicité », Rapport médical de l’autopsie (p. 4), le 20 mars 1893.
1102

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°31 (Illustration 167) : Rapport avec titres et numéros.
Source : A.D.D.-S., 2U 272, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins experts (p. 1), le 12 septembre 1873.
1103

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 272, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins experts (p. 2), le 12 septembre 1873.
1104

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 272, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins experts (p. 3), le 12 septembre 1873.
1105

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 272, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins experts (p. 4), le 12 septembre 1873.
1106

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°32 (Illustration 168) : Rapport présenté en paragraphes (Louis André
Ganne).
Source : A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie cadavérique (p. 1), le 12 février 1841.
1107

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie cadavérique (p. 2), le 12 février 1841.
1108

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie cadavérique (p. 3), le 12 février 1841.
1109

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 177, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie cadavérique (p. 4), le 12 février 1841.
1110

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°33 (Illustration 169) : Rapport avec titres dans la marge (Louis André
Ganne).
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 1), le 12 avril 1865.
1111

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 2), le 12 avril 1865.
1112

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 3), le 12 avril 1865.
1113

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 4), le 12 avril 1865.
1114

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 5), le 12 avril 1865.
1115

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 6), le 12 avril 1865.
1116

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 249, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort.
Empoisonnement », Procès-verbal d’autopsie (p. 7), le 12 avril 1865.
1117

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°34 (Illustration 170) : Rapports du Dr Louis André Ganne :
établissement d’un modèle à suivre. Rapport de janvier 1858.
Source : A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 1), le 15 janvier 1858.
1118

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 2), le 15 janvier 1858.
1119

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 3), le 15 janvier 1858.
1120

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 232, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 4), le 15 janvier 1858.
1121

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°35 (Illustration 171) : Rapports du Dr Louis André Ganne :
établissement d’un modèle à suivre. Rapport de juillet 1858.
Source : A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 1), le 30 juillet 1858.
1122

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 2), le 30 juillet 1858.
1123

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 3), le 30 juillet 1858.
1124

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 233, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Infanticide »,
Rapport des médecins (autopsie de l’enfant) (p. 4), le 30 juillet 1858.
1125

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°36 (Illustration 172) : Rapport où le rédacteur désigne le défunt par le
terme “victime”.
Source : A.D.D.-S., 2U 362, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide
volontaire et tentative d’homicide volontaire », Rapport médico-légal (p.1), le 21 décembre 1898.
1126

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 362, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide
volontaire et tentative d’homicide volontaire », Rapport médico-légal (p.2), le 21 décembre 1898.
1127

- Annexes 26 à 37 -
Source : A.D.D.-S., 2U 362, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort. Homicide
volontaire et tentative d’homicide volontaire », Rapport médico-légal (p.3), le 21 décembre 1898.
1128

- Annexes 26 à 37 -
Annexe n°37 (Illustration 173) : Fiche de levée de corps.
Source : Alain Miras Laurent Fanton, Stéphane Tilhet-Coartet, Daniel Malicier., La levée de corps
médico-légale, Paris, Editions ESKA / Editions Alexandre Lacassagne, 1998, pp. 249-250.
1129

- Annexes 26 à 37 -
Source : Alain Miras Laurent Fanton, Stéphane Tilhet-Coartet, Daniel Malicier., La levée de corps
médico-légale, Paris, Editions ESKA / Editions Alexandre Lacassagne, 1998, pp. 251-252.
1130

Annexes 38 à 46
LISTES, INVENTAIRES, QUESTIONNAIRES

- Annexes 38 à 46 -
LA FORMATION DES MEDECINS EXPERTS
Annexe n°38 : Liste alphabétique des ouvrages généraux de médecine légale
publiés en France entre 1795 et 1915.
-BALTHAZARD, Victor, Précis de médecine légale nouvelle, Paris, Baillière, 1906, VII-
408 p.
-BALTHAZARD, Victor, Précis de médecine légale, 1 ère éd. 1906, 2 ème éd. entièrement
révisée et très augmentée, Paris, Baillière, 1911, 612 p.
-BAYARD, Henri, Manuel pratique de médecine légale, Paris, Germer Baillière, 1844,
VIII-529 p.
-BELLOC, Jean-Jacques, Cours de médecine légale, théorique et pratique, Paris,
Imprimerie de la Société de médecine, 1801, XX-320 p.
-BELLOC, Jean-Jacques, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1801,
2 ème éd. corr. et augm., Paris, Méquignon, 1811, XXXII-368 p.
-BELLOC, Jean-Jacques, Cours de médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1801,
3 ème éd. rev., corr. et augm., Paris, Méquignon, 1819, XXXII-382 p.
-BERGERON, Henri, Médecine légale et jurisprudence médicale, Paris, A. Maloine, 1898,
356 p.
-BIESSY, Charles Victor, Manuel pratique de la médecine légale, Lyon, Cablin, 1821,
426 p.
-BRIAND, Joseph, Manuel de médecine légale, extrait des meilleurs traités anciens et
modernes, particulièrement de ceux de Mahon et de M. Fodéré et des articles importants
publiés jusqu’à ce jour par M. le Dr Marc, suivi des lois et ordonnances et des articles des
codes relatifs aux médecins, chirurgiens, etc…, Paris, Brosson et Chaudé, 1821, XXX-
400 p.
-BRIAND, Joseph, BROSSON, J.-X., Manuel complet de médecine légale, 1 ère édi. 1821,
nouvelle édition, Paris, Chaudé, 1828, VIII-648 p.
-BRIAND, Joseph, BROSSON, J.-X., Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
2 ème éd., Bruxelles, Librairie médicale, 1830, 418 p.
-BRIAND, Joseph, BROSSON, J.-X., Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
3 ème éd., Paris, Chaudé, 1836-1841, 810 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
4 ème éd., Paris, Neuhaus, 1846, XVI-904 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
5 ème éd., Paris, Neuhaus, 1852, VIII-1016 p.
1133

- Annexes 38 à 46 -
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
6 ème éd., Paris, Baillière, 1858, VIII-948 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
7 ème éd., Paris, Baillière, 1863, VIII-1048 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
8 ème éd., Paris, Baillière, 1869, VIII-1088 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
9 ème éd., Paris, Baillière, 1874, 1102 p.
-BRIAND, Joseph, CHAUDE, Ernest, Manuel complet de médecine légale, 1 ère éd. 1821,
10 ème éd., Paris, Baillière, 1879, 2 t., VIII-787+906 p.
-BRIERRE DE BOISMONT, Alexandre Jacques François, Manuel de médecine légale à
l’usage des jurés, des avocats, des officiers de santé, annoté par Orfila, Paris, Baillière,
1835, 335 p.
-CASPER, Johann Ludwig, Traité pratique de médecine légale, traduit de l’allemand sous
les yeux de l’auteur par Gustave Germer Baillière, Paris, Germer Baillière, 1862, 2 t., 439
+ 608 p.
-COUTAGNE, Henry, Manuel des expertises médicales en matière criminelle, à l’usage
des magistrats instructeurs et des officiers de police judiciaire, Lyon, Storck, 1887, 273 p.
-COUTAGNE, Henry, Précis de médecine légale, Paris, Masson, 1896, XXII-528 p.
-DAMBRE, Ange, Traité de médecine légale et de jurisprudence de la médecine, Gand,
Hoste, 1859-1867, 3 t., XVI-200 + XVI-195 + VIII-204 p.
-DAMBRE, Ange, Traité de médecine légale et de jurisprudence de la médecine, 1 ère éd.
1859-1867, 2 ème éd. revue, Paris, Adrien Delahaye, 1878, X-612 p.
-DAMBRE, Ange, Traité de médecine légale et de jurisprudence de la médecine, 1 ère éd.
1859-1867, 3 ème éd. revue, Paris, Manceaux 1885, X-602 p.
-DEVERGIE, Alphonse, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et
l’interprétation des lois relatives à la médecine légale, revus et annotés par Jean-Baptiste-
Firmin Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer Baillière, 1836, 2 t., 483 + 400 p.
-DEVERGIE, Alphonse, Médecine légale, théorique et pratique, avec le texte et
l’interprétation des lois relatives à la médecine légale, revus et annotés par Jean-Baptiste-
Firmin Dehaussy de Robécourt, Bruxelles, H. Dumont, 1837, 2 t., 483 + 400 p.
-DEVERGIE, Alphonse, Médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1836, 2 ème éd
entièrement refondue, avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine
légale, revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer
Baillière, 1840, 3 t., XII-770 + 648 + 832 p.
1134

- Annexes 38 à 46 -
-DEVERGIE, Alphonse, Médecine légale, théorique et pratique, 1 ère éd. 1836, 3 ème éd
entièrement refondue, avec le texte et l’interprétation des lois relatives à la médecine légale
revus et annotés par Jean-Baptiste-Firmin Dehaussy de Robécourt, Paris, Germer Baillière,
1852, 3 t., XVI-743 + 840 + 848 p.
-FABRE, Antoine François Hippolyte (sous la dir. de), Bibliothèque du médecin praticien,
t. XV : Traité de médecine légale et de toxicologie, Paris, Baillière, 1851, 709 p.
-FODERE, François-Emmanuel, Les lois éclairées par les sciences physiques ou Traité de
médecine légale et d’hygiène publique, Paris, Croullebois, 1799, 3 t., XI-452 + 428 +
286 p.
-FODERE, François-Emmanuel, Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de
police de santé, adapté aux codes de l’Empire français et aux connaissances actuelles, 1 ère
éd. 1799, 2 ème éd. entièrement ref. et augm. de deux tiers, Paris, Mame, 1813, 6 t., LXXXI-
501 + 492 + 483 + 526 + 502 + 606 p.
-HOFMANN, Eduard von, Nouveaux éléments de médecine légale, traduits par Emmanuel
Lévy, introduction et commentaires par Paul Brouardel, Paris, Baillière et fils, 1881, 830 p.
-HOFMANN, Eduard von, Atlas-manuel de médecine légale, édition française par Charles
Vibert, introduction de Paul Brouardel, Paris, Baillière et fils, 1899, 168 p., 193 figures.
-LACASSAGNE, Alexandre, Précis de médecine judiciaire, Paris, Masson, 1878, 576 p.
-LACASSAGNE, Alexandre, Précis de médecine judiciaire, 1 ère éd. 1878, 2 ème éd., Paris,
Masson, 1886, XII-592 p.
-LACASSAGNE, Alexandre, Précis de médecine légale, Paris, Masson, 1906, XVI-891 p.
-LACASSAGNE, Alexandre, Précis de médecine légale, avec la collaboration d’Etienne
Martin, 1 ère éd. 1906, 2 ème éd. entièrement revue, Paris, Masson, 1909, XXIV-865 p.
-LACASSAGNE, Alexandre, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aidemémoire
de l’expert, du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat,
Lyon, Storck, 1892, VIII-271 p.
-LACASSAGNE, Alexandre, Le vade-mecum du médecin expert. Guide médical ou aidemémoire
de l’expert, du juge d’instruction, des officiers de police judiciaire, de l’avocat,
1 ère éd. 1892, 2 ème éd. rev. et augm., Lyon, Storck, 1900, XIV-307 p.
-LACASSAGNE, Alexandre, THOINOT, Léon, Le vade-mecum du médecin expert. Guide
médical ou aide-mémoire de l’expert, du juge d’instruction, des officiers de police
judiciaire, de l’avocat, 1 ère éd. 1892, 3 ème éd. rev. et augm., Paris, Masson, 1911, XII-
265 p.
-LEGRAND DU SAULLE, Henri, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale,
Paris, Delahaye, 1874, XI-1268 p.
1135

- Annexes 38 à 46 -
-LEGRAND DU SAULLE, Henri, BERRYER, Georges, POUCHET, Gabriel, Traité de
médecine légale, de jurisprudence médicale et de toxicologie, 1 ère éd. 1874, 2 ème éd., Paris,
Delahaye et Lecrosnier, 1886, 1680 p.
-LESSER, Adolf, Atlas de médecine légale, traduit par le Dr Hahn, préface de Paul
Brouardel, Paris, Masson, 1890, 152 p.
-LESSER, Adolf, Atlas stéréoscopique de médecine légale, traduction par le Dr L. Hahn,
préface de Paul Brouardel, Paris, Baillière, 1905, 3 t., 200 pl.
-LUTAUD, Auguste, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, Paris,
Lauwereyns, 1877, VIII-736 p.
-LUTAUD, Auguste, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, 1 ère éd.
1877, 2 ème éd., Paris, Lauwereyns, [1879], VIII-736 p.
-LUTAUD, Auguste, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, avec la
collaboration pour la partie chimique d’E. Boutmy, 1 ère éd. 1877, 3 ème éd. rev. et augm.,
Paris, Lauwereyns, 1881, VII-766 p.
-LUTAUD, Auguste, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, 1 ère éd.
1877, 4 ème éd. rev. et augm. de rapports de médecine légale empruntés à la pratique de M.
le professeur Brouardel, Paris, G. Steinheil, 1886, VII-754 p.
-LUTAUD, Auguste, Manuel de médecine légale et de jurisprudence médicale, 1 ère éd.
1877, 5 ème éd., Paris, G. Steinheil, 1892, XII-765 p.
-MAHON, Paul, Médecine légale et police médicale, Paris, F. Buisson, 1801, 3 t., XXXII-
566 + 506 + 246 p.
-MAHON, Paul, Médecine légale et police médicale, Paris, Bertrand, 1 ère éd. 1801, 2 ème
éd., 1807, 3 t., XXX-366 + 506 + 248 p.
-METZGER, Jean Daniel, Principes de médecine légale ou judiciaire, traduits de
l’allemand et augmentés de notes par Jean-Jacques Ballard, Autun, Dejussieu, 1812, XXII-
504 p.
-ORFILA, Mathieu, Leçons de médecine légale, Paris, Béchet Jeune, 1821-1823, 2 t., XIV-
737 + XVIII-503 p.
-ORFILA, Mathieu, Leçons de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 2 ème éd. rev., corr. et
augm., Paris, Béchet Jeune, 1828, 2 t., 541 + 592 p.
-ORFILA, Mathieu, Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 3 ème éd. rev., corr. et
augm., Paris, Béchet Jeune, 1836, 4 t. et un atlas, 583 + 715 + 706 + 384 p.
-ORFILA, Mathieu, Traité de médecine légale, 1 ère éd. 1821-1823, 4 ème éd. rev., corr. et
augm., Paris, Labé, 1848, 4 t., 831 + 659 + 583 + 1091 p.
1136

- Annexes 38 à 46 -
-PAULIER, Armand, HETET, Frédéric, Traité élémentaire de médecine légale, de
jurisprudence médicale et de toxicologie, Paris, Doin, 1881, 2 t., 915 + 433 p.
-POILROUX, Jacques, Médecine légale criminelle : manuel à l’usage des médecins de
toutes les classes, des étudiants en médecine et des magistrats chargés de poursuivre ou
d’instruire des procédures criminelles, 1 ère éd. 1834, 2 ème éd., Paris, Baillière, 1837,
XXIX-464 p.
-POILROUX, Jacques, Traité de médecine légale criminelle, Paris, Levrault, 1834, XXIX-
464 p.
-SALLE, Eusèbe François de, Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale,
Paris, Gautret, 1838, VII-403 p.
-SEDILLOT, Charles Emmanuel, Manuel complet de médecine légale considérée dans ses
rapports avec la législation actuelle ; ouvrage particulièrement destiné à MM. les
médecins, avocats et jurés, Paris, Crochard, 1830, VI-511 p.
-SEDILLOT, Charles Emmanuel, Manuel complet de médecine légale considérée dans ses
rapports avec la législation actuelle ; ouvrage particulièrement destiné à MM. les
médecins, avocats et jurés augmenté d’un résumé des travaux d’Orfila sur les progrès de
la putréfaction dans la terre, Bruxelles, 1833, 432 p.
-SEDILLOT, Charles Emmanuel, Manuel complet de médecine légale considérée dans ses
rapports avec la législation actuelle ; ouvrage particulièrement destiné à MM. les
médecins, avocats et jurés augmenté d’un résumé des travaux d’Orfila sur les progrès de
la putréfaction dans la terre, 1 ère éd. 1830, 2 ème éd., Paris, Crochard, 1836, VIII-544 p.
-TAYLOR, Alfred Swaine, Traité de médecine légale, traduit sur la 10 ème éd. anglaise avec
des notes et une préface par Henry Coutagne, Paris, Germer Baillière, 1881, VIII-936 p.
-THOINOT, Léon, Précis de médecine légale, Paris, O. Doin, 1913, 2 t, VI-811 + 848 p.
-TOURDES, Gabriel, METZQUER, Edmond, Traité de médecine légale théorique et
pratique, Paris, Asselin et Houzeau, 1896, 956 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, Paris,
Baillière, 1885, XXIV-776 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 2 ème éd., Paris, Baillière, 1890, XXIV-792 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 3 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1893, XXIV-804 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 4 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1896, XXIV-910 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 5 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1900, XXIV-920 p.
1137

- Annexes 38 à 46 -
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 6 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1903, XXIV-912 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 7 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1908, XX-972 p.
-VIBERT, Charles, Précis de médecine légale, introduction par Paul Brouardel, 1 ère éd.
1885, 8 ème éd. rev. et corr., Paris, Baillière, 1911, XX-980 p.
1138

- Annexes 38 à 46 -
Annexe n°39 : Tableau de la répartition chronologique des manuels et traités de
médecine légale, publiés en France de 1795 à 1915.
Les ouvrages suivis de [EM] se trouvant dans le fonds de l’Ecole de médecine de Poitiers.
Années Manuels Traités Total
Avant 1800
-Fodéré, Les lois éclairées
(1 ère éd.)
1
1800-1809
-Belloc (1 ère éd.) -Mahon (1 ère éd.)
-Mahon (2 ème éd.) [EM]
3
-Belloc (2
1810-1819
ème éd.) [EM]
-Belloc (3 ème -Fodéré, Traité de médecine
éd.) [EM] légale (2 ème éd.) [EM]
-Metzger
4
-Biessy
1820-1829
-Briand (1 ère -Orfila, Leçons de médecine
éd.)
-Briand (nouv. éd.) [EM]
légale (1 ère éd.) [EM]
-Orfila, Leçons de médecine
légale (2 ème éd.) [EM]
5
-Briand (2
1830-1839
ème éd.)
-Briand (3 ème éd.) [EM]
-Brierre de Boismont
-Poilroux, Traité de médecine
légale criminelle (1 ère éd.)
-Poilroux, Médecine légale
criminelle (2 ème éd.)
-Sédillot (1 ère éd.)
-Sédillot (éd. belge)
-Sédillot (2 ème -Devergie (1
éd.)
ère éd.)
-Devergie (éd. belge)
-Orfila, Traité de médecine
légale (3 ème éd.)
-Salle
12
-Bayard [EM]
1840-1849 -Briand (4 ème -Devergie (2
éd.)
ème éd.)
-Orfila, Traité de médecine
légale (4 ème éd.)
4
1850-1859
-Briand (5 ème éd.) [EM]
-Briand (6 ème éd.)
-Fabre
-Devergie (3 ème éd.)
4
1860-1869
-Briand (7 ème éd.)
-Briand (8 ème éd.)
-Casper
-Dambre (1 ère éd.)
4
-Briand (9
1870-1879
ème éd.)
-Briand (10 ème éd.)
-Lacassagne, Précis de
médecine judiciaire (1 ère éd.)
-Lutaud (1 ère éd.)
-Lutaud (2 ème -Dambre (2
éd.)
ème éd.)
-Legrand du Saulle (1 ère éd.)
7
-Coutagne, Manuel des
expertises médicales
-Lacassagne, Précis de
1880-1889 médecine judiciaire (2 ème éd.)
-Lutaud (3 ème éd.)
-Lutaud (4 ème éd.)
-Vibert (1 ère -Dambre (3
éd.)
ème éd.)
-Hofmann, Nouveaux éléments
-Legrand du Saulle (2 ème éd.)
-Paulier, Hetet
10
-Taylor
1139

1890-1899
1900-1915
-Coutagne, Précis de
médecine légale
-Hofmann, Atlas-manuel
-Lacassagne, Vade mecum
(1 ère éd.)
-Lesser, Atlas de médecine
légale
-Lutaud (5 ème éd.)
-Vibert (2 ème éd.)
-Vibert (3 ème éd.)
-Vibert (4 ème éd.) [EM]
- Annexes 38 à 46 -
-Balthazard (1 ère éd.)
-Balthazard (2 ème éd.)
-Lacassagne, Précis de
médecine légale (1 ère éd.)
-Lacassagne, Précis de
médecine légale (2 ème éd.)
-Lacassagne, Vade mecum
(2 ème éd.)
-Lacassagne, Thoinot, Vade
mecum (3 ème éd.)
-Lesser, Atlas stéréoscopique
-Thoinot
-Vibert (5 ème éd.)
-Vibert (6 ème éd.)
-Vibert (7 ème éd.)
-Vibert (8 ème éd.)
1140
-Bergeron
-Tourdes, Metzquer
10
12

- Annexes 38 à 46 -
LES EXAMENS CADAVERIQUES A L’HOPITAL
Annexe n°40 : Questionnaire du Ministère de l’Intérieur, Direction de l’Assistance
Publique, Hôpitaux et hospices.
Sources : A.D.V., 3 Z 184, « Hospice de Loudun. Questionnaire », 1888.
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.
Quelles
sontelles
?
Les époques où peuvent avoir lieu les
dissections et les démonstrations
anatomiques sont-elles déterminées ?
Dans quel
délai après la
mort ?
D’autres le
sont-ils ?
Les corps des indigents sontils
utilisés pour les travaux de
dissection ?
Hôpital/ Hospice
Loudun
Non
Argenton-Château
Non
Non
Bressuire
Non
Non
Châtillon-sur-
Sèvre
Chizé
Faye-l’Abbesse
Non
Non
Melle
Non
Non
Menigoute
Moncoutant
1141
La Mothe-Saint-
Héray
Non
Après 24
heures
Oui quelques fois
Niort
Oiron
Parthenay
Non
Saint-Loup
Non
Non
Non
Saint-Maixent
Saint-Pardoux
Néant
Non
Non
Non
Non
Thouars

Combien y a-t-il eu d’autopsies dans
le courant de la dernière année ?
Laisse-t-on s’écouler avant de procéder à
l’autopsie vingt-quatre heures après la mort ?
Sont-elles subordonnées à
l’autorisation de la famille ?
Pratique-t-on des
autopsies ?
Hôpital/ Hospice
Loudun
Non
Argenton-Château
Non
Bressuire
Non
Châtillon-sur-Sèvre
Chizé
Faye-l’Abbesse
- Annexes 38 à 46 -
On ne pratique
pas d’autopsies
Melle
Menigoute
1142
Moncoutant
La Mothe-Saint-
Héray
6
Oui
Oui
Niort
Oiron
Parthenay
Il n’y a pas lieu
Saint-Loup
Oui
Oui dans le
service militaire
Saint-Maixent
Saint-Pardoux
Aucune
Oui
Oui
Oui
Thouars

Existe-t-il un dépôt
mortuaire ?
Sont-elles
salubres ?
Sont-elles bien situées
pour la facilité des
transports ?
Sont-elles soustraites
à la vue des
hospitalisés ?
La salle ou les salles de dissection et d’autopsie
sont-elles suffisamment isolées des salles de
malades ou des salles d’opérations ?
Hôpital/ Hospice
Oui
Loudun
Oui
Argenton-Château
Oui
Bressuire
Oui
Châtillon-sur-Sèvre
Oui
Chizé
Oui
Faye-l’Abbesse
- Annexes 38 à 46 -
Non
Melle
Oui
Menigoute
1143
Salle des passagers sert de
dépôt mortuaire
Moncoutant
Non
La Mothe-Saint-
Héray
Oui
Oui
Oui
Complètement
Oui très isolés
Niort
Oui
Oiron
Oui
Parthenay
Oui
Saint-Loup
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Saint-Maixent
Non
Saint-Pardoux
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Thouars

Les parents et amis du défunt
sont-ils facilement admis à le
visiter avant l’ensevelissement ?
Comment se pratique le transport des
corps ?
Est-il soustrait
à la vue des
hospitalisés ?
Est-il suffisamment
isolés des salles ?
Où est-il situé ?
Hôpital/ Hospice
Facilement
Brancard fermé
Oui
Isolé des salles
Loudun
Oui
Le transport se fait à bras, par suite
du faible éloignement du cimetière
Oui
A l’extrémité de la
cour
En dehors des salles,
Argenton-Château
Oui
Avec un brancard fermé
Oui
Dans un local isolé des
salles
Bressuire
Oui
Dans une bière
Oui
Oui
Châtillon-sur-Sèvre
Oui
A bras
Oui
Suffisamment isolé des
salles
Oui
Sur un brancard désigné à cet effet
Oui
Situé au nord de
l’établissement
A 20 mètres des salles
et du bâtiment
Chizé
Faye-l’Abbesse
- Annexes 38 à 46 -
Oui
Melle
Oui
Le corps est mis dans la bière et
transporté dans la salle de dépôt
Oui
Il est suffisamment
isolé des salles
Menigoute
1144
Oui
Moncoutant
Oui
Par corbillard à bras
La Mothe-Saint-
Héray
Oui
Sur un brancard, dans un cache
recouvert
Oui
Oui
Isolé des salles
Près de la salle de
dissection
Il est situé au coin d’un
jardin
Niort
Oiron
Oui
A bras
Oui
Oui
Parthenay
Oui
Sur un brancard
Oui
Oui
A l’extrémité ouest de
l’établissement
Saint-Loup
Oui
Brancard
Oui
Oui
Soubassement
Saint-Maixent
Oui
Par des porteurs ou en charrette
Saint-Pardoux
Oui
Dans une bière spéciale à ce service
Oui
Tout à fait isolé
A l’extrémité des
bâtiments
Thouars

Est-il procédé à l’inhumation dans les formes
demandées, soit par le défunt, soit par la famille,
soit, à défaut, selon le rite de la religion du défunt ?
Comment se font les inhumations ?
Hôpital/ Hospice
Oui
Selon l’usage de la localité
Loudun
Toujours dans les formes demandées selon le rite
de la religion du défunt
Les inhumations se font dans le cimetière de
la ville aux frais de l’établissement
Argenton-Château
Oui
Dans la forme ordinaire
Bressuire
Oui
Elles se font au cimetière par l’intermédiaire
de l’aumônier
Châtillon-sur-Sèvre
Oui
Chizé
Oui, oui, oui
Faye-l’Abbesse
- Annexes 38 à 46 -
Il est procédé à l’inhumation selon le rite de la
religion du défunt
Oui
Comme celles des autres habitants de la ville
et par les soins de la commission
Les corps sont conduits au cimetière
communal pour y être enterré
Melle
Menigoute
Oui
De la façon ordinaire
Moncoutant
1145
Il es procédé à l’inhumation selon le rite de la
religion du défunt
Selon les rites et la religion du défunt
La Mothe-Saint-
Héray
Oui toujours
L’établissement possède le service des
Pompes Funèbres
Niort
Oui
Oiron
Suivant le rite et la demande de la famille
Parthenay
Oui
Au cimetière communal
Saint-Loup
Oui
Au moyen d’un corbillard
Saint-Maixent
Oui
Suivant l’usage employé pour les autres
personnes
Saint-Pardoux
Oui
Par le clergé
Thouars

- Annexes 38 à 46 -
Annexe n°41 : Salles et autres locaux mis à la disposition des médecins par les
hôpitaux et hospices pour réaliser les examens post mortem.
Sont indiquées entre parenthèses la source et l’année où l’information a été trouvée ou citée pour la
première fois : CA désigne les affaires criminelles et correctionnelles ; Q fait référence aux questionnaires de
la Direction de l’Assistance publique.
Installations des hospices et hôpitaux des Deux-Sèvres (1795-1915)
Salle
d'autopsie
Salle de
dissection
Amphithéâtre Cabanon à
l'extérieur
1146
Dépôt
mortuaire /
Chambre
des morts
Argenton-Château Oui (Q 1888)
Bressuire Oui (Q 1888)
Châtillon-sur-Sèvre Oui (Q 1888)
Chizé Oui (Q 1888)
Faye-l'Abbesse Oui (Q 1888)
Melle Non (Q 1888)
Ménigoute Oui (Q 1888)
Moncoutant Oui (Q 1888)
Montreuil
La Mothe-Saint-
Héray
Niort
Oui (CA
1882)
Oui (CA
1854)
Non (Q 1888)
Oui (CA 1841) Oui (Q 1888)
Oiron Oui (Q 1888)
Parthenay Oui (CA 1868)
Saint-Loup
Oui (CA
1851)
Oui (CA
1858)
Saint-Maixent Oui (Q 1888) Oui (Q 1888)
Saint-Pardoux Non (Q 1888)
Thouars Oui (Q 1888) Oui (Q 1888)
Salle des
malades
Oui (CA
1886)
Oui (CA
1870)
Oui (CA
1860)
Oui (CA
1858)
Oui (CA
1883)
Oui (CA
1856)
Oui (CA
1820)
Oui (CA
1852)
Oui (CA
1825)
Sources : A.D.D.-S., L 2 ème Supplément U 28-40, « Dossiers de procédures criminelles », an IV-an VII.
A.D.D.-S., L 2 ème Supplément U 216-228, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de
procédures correctionnelles », an V-an VIII.
A.D.D.-S., 2U 6-392, « Dossiers de procédure de la cour d’assises de Niort », an X-1914.
A.D.D.-S., 3U 1, « Tribunal de Première Instance de Bressuire. Dossiers de procédures
correctionnelles », an IX-1895.
A.D.D.-S., 3U 4, « Tribunal de Première Instance de Parthenay. Dossiers de procédures
correctionnelles », 1871-1914.
A.D.D.-S., 1X 14, « Hôpitaux-hospices. Inspections, questionnaires », 1888.

- Annexes 38 à 46 -
Installations des hospices et hôpitaux de la Vienne (1795-1915)
Salle
d'autopsie
Salle de
dissection
Amphithéâtre Cabanon à
l'extérieur
1147
Dépôt
mortuaire /
Chambre
des morts
Salle des
malades
Chauvigny Oui (CA 1860)
Châtellerault Oui (CA 1876) Oui (CA 1884) Oui (CA 1859)
Civray Oui (CA 1853)
L'Isle-
Jourdain
Oui (CA 1883)
Loudun Oui (CA 1865) Oui (CA 1849) Oui (Q 1888) Oui (CA 1833)
Lusignan Oui (CA 1864) Oui (CA 1846)
Montmorillon Oui (CA 1840) Oui (CA 1907)
Poitiers (Ecole
de médecine)
Poitiers
(Hôtel-Dieu)
Oui (CA 1852) Oui (CA 1870)
Oui (CA 1861) Oui (CA 1854)
Sources : A.D.V., L 216-217, « Tribunaux civils et criminels », 1790-an IX.
A.D.V., L Supplément 237-239, « Dossiers des affaires de procédure correctionnelle de
Châtellerault », an VI-an VIII.
A.D.V., L Supplément 240, « Dossiers des affaires de procédure criminelle de Châtellerault », an
VII-an VIII.
A.D.V., L Supplément 401-420, « Dossiers de procédures criminelles », an III-an VIII.
A.D.V., L Supplément 423-437, « Tribunal correctionnel de Poitiers. Dossiers de procédures », an
IV-an VIII.
A.D.V. L Supplément 438-444, « Tribunal correctionnel de Poitiers. Affaires à non-lieu ».
A.D.V., 2U 531-1757, « Dossiers de procédures de la cour d’assises de Poitiers », 1811-1900.
A.D.V., 3U 4 / 587-649, « Tribunal correctionnel de Montmorillon. Dossiers de procédures », 1841-
1914.
A.D.V., 3 Z 184, « Hospice de Loudun. Questionnaire », 1888.

- Annexes 38 à 46 -
LE MATERIEL D’AUTOPSIE
Annexe n°42 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour les incisions, les
sections et les parties osseuses.
Listes proposées par la littérature médico-légale
Source Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Paul Mahon,
Médecine légale et
police médicale,
1807, t. 2,
pp. 224-225.
Charles Marc,
« Cadavre »,
Dictionnaire des
sciences
médicales, 1812,
t. 3, p. 421.
Bricheteau,
« Ouverture
(cadavérique) »,
Dictionnaire des
sciences
médicales, 1819,
t. 38, p. 556.
« Cadavre »,
Dictionnaire
abrégé des
sciences
médicales, 1821,
t. 3, pp. 183-184.
Mathieu Orfila,
Leçons de
médecine légale,
1821-1823, t. 1,
pp. 518-519.
François
Chaussier,
Recueil de
mémoires,
consultations et
rapports sur divers
objets de médecine
légale, 1824,
pp. 28-34.
Alphonse
Devergie,
Médecine légale,
théorique et
pratique, 1837,
t. 1, p. 104.
-Rasoir ordinaire
-Scalpels de
différentes grandeurs
dont 1 à 2 tranchants
-Couteau à lame
aplatie
-Instruments
tranchants
-Scalpels
-Bistouris
-Scalpel
-Scalpels
-Couteau droit fort,
bien tranchant
-Couteau mince et
flexible
-1 couteau droit
-1 scalpel droit à dos
-1 scalpel à 2
tranchants
-1 scalpel semblable à
petite serpe
-Couteau mince et
flexible
-Bistouris droits
-Bistouris convexes
-Ciseaux droits
-Ciseaux courbes
1149
-Scies
-Scies
-Coins
-Maillet ou
marteau
-Ciseaux -Scie -Marteau
-Ciseaux
-1 paire de ciseaux
ordinaire
-1 paire de ciseaux à
lames courtes et
fortes
-Ciseaux
-Entérotome
-Scie droite
-Scie convexe
sur tranchant
-Trépan avec
large couronne
-Scie
-Tréphine ou
arbre de trépan
-Coin
-Lame
tronquée avec
tranchant
ferme et bien
affilé
-Marteau
-1 à 2 coins
-Couteau
mousse
tronqué
carrément
-Marteau en
fer
-Scie -Marteau -Rugine

- Annexes 38 à 46 -
Source Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Mathieu Orfila,
Traité de
médecine légale,
1848, t. 2,
pp. 44-45.
Alphonse
Devergie,
Médecine légale,
théorique et
pratique, 1852,
t. 2, p. 560.
Emile Goubert,
Manuel de l’art
des autopsies
cadavériques,
1867, pp. 8-12.
Marc Sée,
« Autopsie
(Anatomie) »,
Dictionnaire
encyclopédique
des sciences
médicales, 1867,
t. 7, p. 412.
Gabriel Tourdes,
« Autopsie
(Médecine
légale) »,
Dictionnaire
encyclopédique
des sciences
médicales, 1867,
t. 7, pp. 425-426.
Désiré Magloire
Bourneville, Paul
Bricon, Manuel
de technique des
autospies, 1885,
pp. 65-67.
Charles Vibert,
« Autopsie »,
Nouveau
dictionnaire de
médecine et de
chirurgie
pratiques, 1886,
t. 40, pp. 70-71.
-Scalpels
-Couteau droit, fort,
bien tranchant
-Couteau mince et
flexible
-Bistouris ou couteaux
droits
-Bistouris ou couteaux
convexes
-2 gros scalpels
-1 petit scalpel droit
-1 petit scalpel demiconvexe
-Couteau à cerveau
-Scalpels droits ou
convexes
-Couteaux à cartilage
-Couteau à cerveau
-Scalpels
-Couteau à cartilage
-Couteau droit
-Couteau à lame large
et mince (cerveau)
-Rasoir
-Scalpels droits
-Scalpels convexes
-1 scalpel long à lame
étroite
-1 scalpel à lame
étroite et courte
-4 ou 5 couteaux à
autopsie de
dimensions diverses
(de Recklinghausen)
-Couteau à cerveau
-Scalpels
-Couteaux à autopsie
-Couteau à cerveau
-Ciseaux
-Ciseaux
-Entérotome
-Costotome
-1 paire de ciseaux
courbée sur le plat et
sur le côté
-1 paire de ciseaux
droite
-Entérotome
-1 paire de ciseaux
droite
-1 paire de ciseaux
courbée sur le plat
-Entérotome
-1 paire de ciseaux
grande et très forte
-Ciseaux
-Entérotome
-Bronchiotome
-Costotome
-1 grand entérotome
-1 petit entérotome
-Sécateur ordinaire de
jardinier
-Paires de ciseaux
courbes de différentes
dimensions
-Paires de ciseaux
droits de différentes
dimensions
-Pince de Liston
-Paire de ciseaux
-Entérotome
-Costotome ou
sécateur ordinaire de
jardinier
1150
-Scie droite
-Scie convexe
sur tranchant
-Trépan avec
large couronne
-Scie
-Rachitome
-Rachitome
-1 ou 2 scies
-Grande scie à
main, dos
mobile
-Petite scie à
main, dos
mobile
-Rachitome
-Grande scie
-Scie à main
-Rachitome
double
-Scie
-Scie rachitome
-Scie
-Coin
-Lame
tronquée avec
tranchant
ferme et bien
affilé
-Marteau
-Marteau à
autopsie
-Marteau à
crochet
-Marteau à
autopsie
-Hachette
-Marteau
-Ciseaux
-Marteau à
crochet
-Ciseaux
-Gouges
-2 ciseaux de
Brunetti
-Marteau avec
crochet
-Rachitome ou
ciseau
-Rugine
-Rugine
-Rugine
-Rugine

- Annexes 38 à 46 -
Source Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Thomas Harris,
Manuel
d’autopsies, 1888,
pp. 1-3.
Gabriel Tourdes,
Edmond
Metzquer, Traité
de médecine
légale, 1896,
p. 412.
Maurice Letulle,
La pratique des
autopsies, 1903,
pp. 30-32.
Gustave Roussy,
Pierre Ameuille,
Technique des
autopsies et des
recherches
anatomopathologiques
à
l’amphithéâtre,
1910, pp. 41-50.
-2 forts couteaux
(Virchow)
-Couteau à lame
longue et large
-Quelques scalpels de
différentes dimensions
-Scalpels
-Couteau à cartilage
-Couteau droit
-Lame large et mince
pour coupes du
cerveau
-2 couteaux à lame
convexe
-2 couteaux à
tranchant droit
-2 couteaux à cerveau
dont 1 à pointe effilée
-6 scalpels de
différentes dimensions
-Myélotome
-Scalpel mousse
-Couteau moyen
mousse
-Grand couteau
mousse
-1 paire de ciseaux
avec de fortes pointes
tranchantes
-Entérotome
-Ciseaux de
différentes formes et
dimensions
-2 paires de ciseaux
droits, mousses
de 14 cm
-2 paires de ciseaux
droits, mousses
de 16 cm
-1 paire de ciseaux
droits pointus
-1 paire de ciseaux
fins, droits et
mousses
-Entérotome
-Costotome
-Petits ciseaux
boutonnés courbés
sur le bord
-Ciseaux moyens
arrondis
-Grands ciseaux
boutonnés
-Costotome
1151
-Scie avec un
solide manche
courbe
-Scie à main
-Rachitome
-Grand modèle
de la scie à dos
mobile
-Petite scie à
dos mobile
-Scies souples à
chaînes
-Scie rigide, à
dos
-Scies
mécaniques
-Ciseau
-Petit marteau
à autopsie
avec crochet
-Ostéotome
-Hachette
-Marteau
-Marteau à
crochet
-Maillet en fer
-Rachitome de
Brunetti
-Ciseau burin
de 12 mm de
large
-Ciseau de
MacEwen
-Rachitome
-Marteau
-Rugine
-Rugine
courbe de
Farabeuf
-Rugine
fenêtrée
(renette)
-Rugine

- Annexes 38 à 46 -
Listes proposées par les catalogues d’instruments
Modèles Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Etui à dissection
de Charrière
(Charrière, Note
accompagnée de
planches
représentant les
instruments
nouveaux, 1863,
pp. 11-13).
Boîte
d’instruments de
dissection
(modèle n°4) de
Galante (Henry
Galante,
Catalogue illustré
des instruments de
chirurgie, 1885,
p. 4).
Caisse
d’instruments
d’autopsie
(modèle n°3) de
Galante (Henry
Galante,
Catalogue illustré
des instruments de
chirurgie, 1885,
p. 5).
Trousse de
médecin (modèle
n°3) de Galante
(Henry Galante,
Catalogue illustré
des instruments de
chirurgie, 1885,
p. 26).
Trousse à
dissections de
Gendron
(Gendron,
Catalogue général
illustré, 1889,
p. 3).
-Scalpel à deux lames
-6 lames de scalpel variées
de grandeur ou de forme
-Forte lame de scalpel à
cartilages
-2 petits scalpels pointus
-2 petits scalpels convexes
-Tranchoir de Strauss
-2 manches pour monter
les lames, grattoirs, érignes
ou autres
-Fort manche pour monter
les pièces dont l’emploi
exige plus de force
-6 scalpels variés de forme
-2 scalpels fins
-Fort scalpel pour
cartilages
-Fort couteau à cartilages
-Scalpel convexe
-Scalpel droit
-Couteau à cerveau
-6 scalpels ordinaires
variés de forme
-Rasoir
-Bistouri droit
-Bistouri convexe
-Bistouri boutonné
-6 scalpels variés
-Paire de ciseaux
pointus à lame
courte
-Paire de ciseaux
droits et pointus
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes sur le
plat
-Petit costotome
-Paire de ciseaux
droits
-Entérotome
-Costotome fort
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Paire de ciseaux
à disséquer
ordinaires,
pointus
-Paire de ciseaux
fins
1152
-Scie à dos
mobile
-Scie à arbre à
lame très fine
-12 lames de
rechange
-Petite scie à
dos mobile
-Scie moyenne à
dos mobile
-Scie à dos
mobile moyenne
-Ciseau burin
-Ciseau burin
-Marteau à
crochet petit
modèle
-Rachitome
d’Amussat
-Marteau à
crochet moyen
-Grattoir
mince
-Grattoir
large
-Périostotome

- Annexes 38 à 46 -
Modèles Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Trousse n°4 de
Gendron
(Gendron,
Catalogue général
illustré, 1889,
p. 35).
Boîte pour
dissections de
Trémont
(Trémont,
Instruments de
chirurgie, 1899,
p. 2).
Boîte
d’instruments
pour autopsie de
Trémont
(Trémont,
Instruments de
chirurgie, 1899,
p. 3).
Boîte
d’instruments
pour autopsie de
Trémont (modèle
des Hôpitaux)
(Trémont,
Instruments de
chirurgie, 1899,
p. 3).
Trousse à
dissection de
Natton (Natton,
Instruments et
appareils de l’art
médical, 1900,
p. 12).
Boîte à autopsie
de Natton
(Natton,
Instruments et
appareils de l’art
médical, 1900,
p. 12).
Trousse de poche
de Natton
(Natton,
Instruments et
appareils de l’art
médical, 1900,
p. 4).
-Rasoir
-Bistouri droit
-Bistouri convexe
-Châsse pour lames
démontables
-Lame pointue étroite
-Lame boutonnée
-Lame courbe de Cooper
-Lame de ténotome
pointue
-Lame de ténotome
boutonnée
-2 lancettes, 1 vaccinateur
-6 scalpels variés
-Couteau à cartilage
-Scalpel droit fort
-2 scalpels ordinaires
-6 scalpels variés
ordinaires
-2 scalpels forts
-2 couteaux à cartilages
-Couteau à cerveau
-6 scalpels variés
-2 scalpels forts
-6 scalpels ordinaires
-Couteau à cartilages
-Couteau à cerveau
-2 bistouris
-Paire de ciseaux
droits
-Paires de
ciseaux courbes
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes sur le
plat
-Paire de ciseaux
droits forts
-Entérotome
-Costotome à
ressort
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Entérotome
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
droits forts
-Entérotome
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
1153
-Scie à dos
mobile
-2 scies à dos
mobiles variées
-Scie à dos
mobile
-Ciseau burin
-Ciseau
rachitome à
épaulement
-Marteau à
crochet moyen
-Rachitome
d’Amussat
-Ciseau burin
-Marteau à
crochet
-Ciseau burin
petit
-Ciseau
rachitome à
épaulement
-Marteau à
crochet
-Ciseau burin
-Spatule à
curette

- Annexes 38 à 46 -
Modèles Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Boîte à autopsie
de Collin (citée
dans Maurice
Letulle, La
pratique des
autopsies, 1903,
pp. 30-32).
Trousse à
dissection de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 10).
Boîte d’autopsies
des hôpitaux de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 10).
Boîte portative
pour autopsie
judiciaire de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 11).
Trousse de
médecin porte
feuilles de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 55).
-2 couteaux à lame
convexe
-2 couteaux à tranchant
droit
-2 couteaux à cerveau dont
1 à pointe effilée
-6 scalpels de différentes
dimensions
-4 scalpels ordinaires
-2 scalpels fins
-4 scalpels ordinaires
-2 scalpels fins
-2 couteaux à autopsies
-2 couteaux à cartilages
-Couteau à cerveau
-6 scalpels assortis
-Fort scalpel
-Couteau à cartilages
-Couteau à cerveau
-Bistouri double, droit et
boutonné
-Lancette à vaccin
-2 paires de
ciseaux droits,
mousses
de 14 cm
-2 paires de
ciseaux droits,
mousses
de 16 cm
-1 paire de
ciseaux droits
pointus
-1 paire de
ciseaux fins,
droits et mousses
-Entérotome
-Costotome
-Paire de ciseaux
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Entérotome
-Costotome
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Entérotome
-Costotome
-Paire de ciseaux
droits de 14 cm
1154
-Grand modèle
de la scie à dos
mobile
-Petite scie à
dos mobile
-Scie à dos
mobile forte
-Scie à dos
mobile petite
-Scie à autopsie
à curseur gradué
-Scie rachitome
-Marteau à
crochet
-Maillet en fer
-Rachitome de
Brunetti
-Ciseau burin
de 12 mm de
large
-Ciseau de
MacEwen
-Marteau à
crochet
-Rachitome
d’Amussat
-Ciseau burin
-Marteau
moyen
-Ciseau
rachitome à
épaulement
-Rugine
courbe de
Farabeuf
-Rugine
fenêtrée
(renette)
-Rugine

- Annexes 38 à 46 -
Modèles Inciser Sectionner Scier Fendre Racler
Trousse de
médecin à 4
compartiments de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 57).
Boîte de poche
pour petite
chirurgie (modèle
complet) de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 61).
Boîte à autopsies
(modèle des
Hôpitaux de
Paris) de
Bruneau
(Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de
chirurgie, 1913,
p. 222).
Boîte trousse
d’urgence de
Bruneau
(Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de
chirurgie, 1913,
p. 28).
-Rasoir
-Bistouri convexe
-Bistouri droit, large
-Lame de bistouri pour
amputations
-Lame de long bistouri de
Blandin
-Lame de bistouri de
Cooper
-Lame de ténaculum
-Ténotome pointu
-Ténotome mousse
-Lame d’aiguille de
Cooper
-2 lancettes
-2 manches
-Bistouri pointu large
-Bistouri pointu étroit
-Bistouri pointu convexe
-Ténotome mousse
-2 lancettes
-6 scalpels ordinaires
-2 couteaux à cartilages
-Couteau à cerveau
-2 bistouris
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Paire de ciseaux
droits
-Paire de ciseaux
courbes
-Paire de ciseaux
fins
-Davier à
séquestres droits
-Costotome
-Ciseaux droits
-Ciseaux courbes
-Entérotome
-Paire de ciseaux
droits
1155
-Lame de scie
de Langenbeck
-Scie à manche
-Scie à dos
mobile grande
-Scie à dos
mobile petite
-Rachitome
d’Amussat
-Marteau à
crochet
-Ciseau burin
-Curette
tranchante
de
Wolkmann
-Rugine
courbe de
Farabeuf
-Curette
tranchante
de
Wolkmann

- Annexes 38 à 46 -
Annexe n°43 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour explorer, mesurer
et observer.
Listes proposées par la littérature médico-légale
Source Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Paul Mahon,
Médecine légale et
police médicale,
1807, t. 2,
pp. 224-225.
Charles Marc,
« Cadavre »,
Dictionnaire des
sciences
médicales, 1812,
t. 3, p. 421.
Bricheteau,
« Ouverture
(cadavérique) »,
Dictionnaire des
sciences
médicales, 1819,
t. 38, p. 556.
« Cadavre »,
Dictionnaire
abrégé des
sciences
médicales, 1821,
t. 3, pp. 183-184.
Mathieu Orfila,
Leçons de
médecine légale,
1821-1823, t. 1,
pp. 518-519.
François
Chaussier,
Recueil de
mémoires,
consultations et
rapports sur divers
objets de médecine
légale, 1824,
pp. 28-34.
Alphonse
Devergie,
Médecine légale,
théorique et
pratique, 1837,
t. 1, p. 104.
-Pinces
-Crochets de plusieurs
sortes
-Elévatoire
-Spatule ou feuille
myrrhe
-Sondes pleines
-Sondes cannelées
-Sondes très flexibles
-Pinces -Stylets
-Erignes
-Pinces
-Elévatoire
-1 à 2 pinces à dissection
-Elévatoire
-Pinces à disséquer
-Erignes
-Sondes flexibles en
plomb ou gomme
élastique
-Bougies
-Sondes
-Stylets
-1 sonde cannelée
ordinaire
-1 sonde cannelée
plus petite (sonde à
panaris)
-2 bougies pleines et
élastiques
-2 stylets en plomb ou
argent
-Cathéter pour
homme
-Stylets
-Sonde cannelée
1156
-Mécomètre
-Mètre
-2 compas dont 1
d’épaisseur
-Balance et poids
-Mesure de capacité
en verre d’1 litre
-Balance et poids
-Compas
-Mécomètre
-Compas
-Mécomètre
-Compas d’épaisseur
-Pied-de-roi

- Annexes 38 à 46 -
Source Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Mathieu Orfila,
Traité de
médecine légale,
1848, t. 2,
pp. 44-45.
Alphonse
Devergie,
Médecine légale,
théorique et
pratique, 1852,
t. 2, p. 560.
Emile Goubert,
Manuel de l’art
des autopsies
cadavériques,
1867, pp. 8-12.
Marc Sée,
« Autopsie
(Anatomie) »,
Dictionnaire
encyclopédique
des sciences
médicales, 1867,
t. 7, p. 412.
Gabriel Tourdes,
« Autopsie
(Médecine
légale) »,
Dictionnaire
encyclopédique
des sciences
médicales, 1867,
t. 7, pp. 425-426.
Désiré Magloire
Bourneville, Paul
Bricon, Manuel
de technique des
autopsies, 1885,
pp. 65-67.
Charles Vibert,
« Autopsie »,
Nouveau
dictionnaire de
médecine et de
chirurgie
pratiques, 1886,
t. 40, pp. 70-71.
Thomas Harris,
Manuel
d’autopsies, 1888,
pp. 1-3.
-Erignes
-Pinces
-Elévatoire
-Fortes pinces à disséquer
-Erignes
-Pinces à dissection de
différentes grosseurs
-1 ou 2 érignes
-Pinces à dissection de
diverses grandeurs
-Pinces
-Pince très grande
-Erignes simples
-Erignes doubles
-Levier à crochet
-Pinces
-Pinces à dissection
-Petite pince à os
-Pince à dissection
-Bougies
-Sondes
-Stylets
-Stylets
-Sonde cannelée
-Sonde cannelée
-Sondes en
caoutchouc
-Sonde métallique
-Stylets
-Sondes
-Stylets
-Sonde cannelée
-Stylet
-Sonde uréthrale
1157
-Compas
-Mécomètre
-Compas d’épaisseur
-Mètre
-Mètre en ruban
-Balance avec poids
-Double-décimètre
en cuivre
-Mètre à ruban
-Mécomètre ou
plaque de cuir
graduée
-Compas ordinaire
-Compas d’épaisseur
-Poids et balance
-Crâniomètre ou
compas d’épaisseur
-Pelvimètre
-Mètre
-Balance
-Mètre rigide
-Compas d’épaisseur
-Mètre à ruban ou en
métal
-Loupe
-Microscope
-Loupe
-Microscope

- Annexes 38 à 46 -
Source Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Gabriel Tourdes,
Edmond
Metzquer, Traité
de médecine
légale, 1896,
p. 412.
Maurice Letulle,
La pratique des
autopsies, 1903,
pp. 30-32.
Gustave Roussy,
Pierre Ameuille,
Technique des
autopsies et des
recherches
anatomopathologiques
à
l’amphithéâtre,
1910, pp. 41-50.
-Pinces de dimensions
diverses
-Erignes
-Levier à crochet
-Pince à dissection
moyenne
-Pince à dissection forte
-2 érignes simples de
Chassaignac
-2 écarteurs de Farabeuf
-Davier de Farabeuf
-Pince à dissection à
cannelures
-Pince à dissection à
mors
-Pince longue
-Pince de Kocher
-Pince à os (davier de
Farabeuf)
-Stylet
-Sonde cannelée
-Sondes en
caoutchouc
-Sonde cannelée
moyenne
-Sonde cannelée forte
-Stylet mousse en
argent de 20 cm
-Sonde vésicale en
gomme
-Sonde œsophagienne
-Mandrins
métalliques minces et
souples
1158
-Double décimètre
en cuivre
-Mètre à ruban
-Compas ordinaire
-Compas d’épaisseur
-Plaque de cuir
graduée
-Compas-glissière
-Grande bascule
-Balance et poids
-Grande bascule
-Ruban métrique
d’épaisseur
-Compas d’épaisseur
-Balance sensible au
gramme
-Balance et poids
légers
-Loupe
-Microscope
portatif
-Forte loupe

- Annexes 38 à 46 -
Listes proposées par les catalogues d’instruments
Modèles Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Etui à dissection
de Charrière
(Charrière, Note
accompagnée de
planches
représentant les
instruments
nouveaux, 1863,
pp. 11-13).
Boîte
d’instruments de
dissection
(modèle n°4) de
Galante (Henry
Galante,
Catalogue illustré
des instruments de
chirurgie, 1885,
p. 4).
Caisse
d’instruments
d’autopsie
(modèle n°3) de
Galante (Henry
Galante,
Catalogue illustré
des instruments de
chirurgie, 1885,
p. 5).
Trousse de
médecin (modèle
n°3) de Galante
(Henry Galante,
Catalogue illustré
des instruments de
chirurgie, 1885,
p. 26).
Trousse à
dissections de
Gendron
(Gendron,
Catalogue général
illustré, 1889,
p. 3).
Trousse n°4 de
Gendron
(Gendron,
Catalogue général
illustré, 1889,
p. 35).
-Pince à disséquer, taillée
en lime
-Chaîne avec 3 érignes
-Pince à pression
continue droite
-Pince à pression
continue courbe
-Pince fine
-Pince de Strauss
-Pince à disséquer
-Pince fine pour
dissection
-Erigne à chaîne
-Petite érigne à manche
-Erigne longue à manche
fixe
-Pince à dissections
ordinaire
-Pince à dissections forte
-Erigne longue à manche
fixe
-Pince à artères simple
-Pince à pansements
-Porte-pierre
-Spatule
-Erigne à chaîne
-Pince à disséquer
ordinaire
-Pince à disséquer fine
-Pince à pansement à
crémaillère
-2 érignes, simple et
double se montant sur la
pince à pansement
-Pince à verrou
-2 mors de pince à
phimosis se montant sur
la pince à verrou
-Sonde cannelée
-2 stylets explorateurs
-Sonde cannelée
-Stylet explorateur
-Sonde cannelée forte
-Sonde cannelée
-Sonde pour homme
-Sonde pour femme
-3 stylets variés
-Sonde cannelée en
acier
-3 stylets
-Sonde d’homme et
femme
-Sonde de Belloc
1159
-Loupe
-Loupe
montée

- Annexes 38 à 46 -
Modèles Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Boîte pour
dissections de
Trémont
(Trémont,
Instruments de
chirurgie, 1899,
p. 2).
Boîte
d’instruments
pour autopsie de
Trémont
(Trémont,
Instruments de
chirurgie, 1899,
p. 3).
Boîte
d’instruments
pour autopsie de
Trémont (modèle
des Hôpitaux)
(Trémont,
Instruments de
chirurgie, 1899,
p. 3).
Trousse à
dissection de
Natton (Natton,
Instruments et
appareils de l’art
médical, 1900,
p. 12).
Boîte à autopsie
de Natton
(Natton,
Instruments et
appareils de l’art
médical, 1900,
p. 12).
Trousse de poche
de Natton
(Natton,
Instruments et
appareils de l’art
médical, 1900,
p. 4).
Boîte à autopsie
de Collin (citée
dans Maurice
Letulle, La
pratique des
autopsies, 1903,
pp. 30-32).
-Pince à dissections
-Erigne à chaîne
-Pince à dissections
-Pince longue, forte pour
autopsie
-Pince à dissections
-Erigne longue à manche
-Pince à disséquer
-Erigne à chaîne
-Pince à dissection
-Pince à dissection
longue et forte
-6 pinces hémostatiques
-Pince à dissection
-Pince à griffes
-Pince à dissection
moyenne
-Pince à dissection forte
-2 érignes simples de
Chassaignac
-2 écarteurs de Farabeuf
-Davier de Farabeuf
-Sonde cannelée
-Stylet explorateur
-Sonde cannelée
-Stylet
-Sonde cannelée
-Spatule
-2 stylets
-Sonde cannelée
-Sonde pour homme
et femme
-Sonde cannelée
moyenne
-Sonde cannelée forte
-Stylet mousse en
argent de 20 cm
1160
-Compas-glissière

- Annexes 38 à 46 -
Modèles Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Trousse à
dissection de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 10).
Boîte d’autopsies
des hôpitaux de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 10).
Boîte portative
pour autopsie
judiciaire de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 11).
Trousse de
médecin porte
feuilles de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 55).
Trousse de
médecin à 4
compartiments de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 57).
Boîte de poche
pour petite
chirurgie (modèle
complet) de
Mathieu
(Mathieu,
Fabrique
d’instruments de
chirurgie, 1907,
p. 61).
-Pince à dissection de
Rambaud
-Erigne simple
-Pince à disséquer de
Rambaud
-Pince à disséquer longue
-Pince à dissection forte
-Pince à dissection fine
-2 érignes à chaîne
-Erigne double à manche
-Pince hémostatique
-Porte-nitrate porte-mine
-Pince à torsion
-Pince hémostatique
-Pince à érignes
-Porte-pierre porte mine
-Paire d’écarteurs
-Pince gouge petite
-Pince à dissection
-Pince à dents de souris
-Pince de Museux
-6 pinces hémostatiques
de Péan
-2 pinces de Kocher
-Sonde cannelée
-Erigne à chaîne
-Sonde cannelée forte
-Sonde cannelée
-Stylet explorateur
-Sonde cannelée
-Stylet
-Stylet porte-mèche
-Sonde d’homme
-Sonde de femme
-Sonde d’enfant
-Sonde cannelée
-3 stylets
-Sonde cannelée
-2 stylets
1161
-Thermomètre à
maxima contrôlé
-Thermomètre à
maxima contrôlé

- Annexes 38 à 46 -
Modèles Ecarter Sonder Mesurer Grossir
Boîte à autopsies
(modèle des
Hôpitaux de
Paris) de
Bruneau
(Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de
chirurgie, 1913,
p. 222).
Boîte trousse
d’urgence de
Bruneau
(Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de
chirurgie, 1913,
p. 28).
-Pince à dissection
-Pince à dissection forte
et longue
-Erigne à manche
-2 pinces de Kocher
-2 pinces de Péan
-Pince à disséquer à dents
de souris
-Sonde cannelée
-Sonde cannelée
-Stylet cannelé
1162

- Annexes 38 à 46 -
Annexe n°44 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour les expériences et
les observations complémentaires.
Listes proposées par la littérature médico-légale
Source Insuffler
Paul Mahon,
Médecine légale et
police médicale,
1807, t. 2, pp. 224-
225.
Charles Marc,
« Cadavre »,
Dictionnaire des
sciences médicales,
1812, t. 3, p. 421.
Bricheteau,
« Ouverture
(cadavérique) »,
Dictionnaire des
sciences médicales,
1819, t. 38, p. 556.
« Cadavre »,
Dictionnaire abrégé
des sciences
médicales, 1821,
t. 3, pp. 183-184.
Mathieu Orfila,
Leçons de médecine
légale, 1821-1823,
t. 1, pp. 518-519.
François Chaussier,
Recueil de
mémoires,
consultations et
rapports sur divers
objets de médecine
légale, 1824, pp. 28-
34.
Alphonse Devergie,
Médecine légale,
théorique et
pratique, 1837, t. 1,
p. 104.
Mathieu Orfila,
Traité de médecine
légale, 1848, t. 2,
pp. 44-45.
Alphonse Devergie,
Médecine légale,
théorique et
pratique, 1852, t. 2,
p. 560.
-Tube avec canules
de tout calibre
-Tubes à insuffler
-Tubes à insuffler
Injecter /
Ponctionner
-Seringue avec tout
l’attirail
-Seringue d’étain ou
de cuivre avec
plusieurs canules
-Tube -Seringue
-Tube laryngien
-Tube ordinaire à
robinet
-Petite seringue
-Tube -Seringue
1163
Expérimenter Contenir
-Liquide coloré
-Vases remplis
d’eau froide, chaude
et distillée
-Vases remplis
d’eau
-2 baquets ou vases
remplis d’eau
fraîche
-Encre
-Vases remplis
d’eau
-Encre ou autre
liquide coloré
-Vases grands et
petits
-Vases
-Vases vides et
propres

Source Insuffler
Emile Goubert,
Manuel de l’art des
autopsies
cadavériques, 1867,
pp. 8-12.
Marc Sée,
« Autopsie
(Anatomie) »,
Dictionnaire
encyclopédique des
sciences médicales,
1867, t. 7, p. 412.
Gabriel Tourdes,
« Autopsie
(Médecine légale) »,
Dictionnaire
encyclopédique des
sciences médicales,
1867, t. 7, pp. 425-
426.
Désiré Magloire
Bourneville, Paul
Bricon, Manuel de
technique des
autopsies, 1885,
pp. 65-67.
Charles Vibert,
« Autopsie »,
Nouveau
dictionnaire de
médecine et de
chirurgie pratiques,
1886, t. 40,
pp. 70-71.
Thomas Harris,
Manuel d’autopsies,
1888, pp. 1-3.
Gabriel Tourdes,
Edmond Metzquer,
Traité de médecine
légale, 1896, p. 412.
Maurice Letulle, La
pratique des
autopsies, 1903,
pp. 30-32.
Gustave Roussy,
Pierre Ameuille,
Technique des
autopsies et des
recherches
anatomopathologiques
à
l’amphithéâtre,
1910, pp. 41-50.
- Annexes 38 à 46 -
Injecter /
Ponctionner
-Tube insufflateur -Seringue
-Tube insufflateur
-Pipette
-Seringue
-Tube à insufflation -Seringue à injection
-Insufflateur à
robinet
-Insufflateur à
robinet
-Tubes à
insufflation
-Chalumeau
insufflateur avec
robinet et poire en
caoutchouc
-Pipette
-Trocart
-Canule avec tube en
caoutchouc
-Seringue pour
injection
-Seringue à injection
-Gros trocart à ascite
-Seringue de Pravaz
1164
Expérimenter Contenir
-Acide nitrique
-Papier de tournesol
-Lame en verre
porte objets
-Vases
-Vases gradués
de différentes
capacités
-1 ou plusieurs
vases gradués
-Tubes à essais
munis de
bouchon
-Vase en verre

- Annexes 38 à 46 -
Listes proposées par les catalogues d’instruments
Modèles Insuffler
Etui à dissection de
Charrière (Charrière, Note
accompagnée de planches
représentant les instruments
nouveaux, 1863, pp. 11-13).
Boîte d’instruments de
dissection (modèle n°4) de
Galante (Henry Galante,
Catalogue illustré des
instruments de chirurgie,
1885, p. 4).
Caisse d’instruments
d’autopsie (modèle n°3) de
Galante (Henry Galante,
Catalogue illustré des
instruments de chirurgie,
1885, p. 5).
Trousse de médecin
(modèle n°3) de Galante
(Henry Galante, Catalogue
illustré des instruments de
chirurgie, 1885, p. 26).
Trousse à dissections de
Gendron (Gendron,
Catalogue général illustré,
1889, p. 3).
Trousse n°4 de Gendron
(Gendron, Catalogue
général illustré, 1889,
p. 35).
Boîte pour dissections de
Trémont (Trémont,
Instruments de chirurgie,
1899, p. 2).
Boîte d’instruments pour
autopsie de Trémont
(Trémont, Instruments de
chirurgie, 1899, p. 3).
Boîte d’instruments pour
autopsie de Trémont
(modèle des Hôpitaux)
(Trémont, Instruments de
chirurgie, 1899, p. 3).
Trousse à dissection de
Natton (Natton,
Instruments et appareils de
l’art médical, 1900, p. 12).
Boîte à autopsie de Natton
(Natton, Instruments et
appareils de l’art médical,
1900, p. 12).
Trousse de poche de
Natton (Natton,
Instruments et appareils de
l’art médical, 1900, p. 4).
-Chalumeau en
maillechort
-Tube à insuffler
-Tube à insuffler à
robinet et
embouchure avec 2
bouts de rechange
-Tube insufflateur
ordinaire
-Insufflateur à
robinet
-Tube insufflateur
maillechort
-Tube insufflateur
1165
Injecter /
Ponctionner
-Seringue en cuivre
munie d’un robinet
et de 4 canules fines
-Trocart explorateur
en argent
-Trocart à hydrocèle
en argent
Expérimenter Contenir

Modèles Insuffler
Boîte à autopsie de Collin
(citée dans Maurice
Letulle, La pratique des
autopsies, 1903, pp. 30-32).
Trousse à dissection de
Mathieu (Mathieu,
Fabrique d’instruments de
chirurgie, 1907, p. 10).
Boîte d’autopsies des
hôpitaux de Mathieu
(Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
1907, p. 10).
Boîte portative pour
autopsie judiciaire de
Mathieu (Mathieu,
Fabrique d’instruments de
chirurgie, 1907, p. 11).
Trousse de médecin porte
feuilles de Mathieu
(Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
1907, p. 55).
Trousse de médecin à 4
compartiments de Mathieu
(Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
1907, p. 57).
Boîte de poche pour petite
chirurgie (modèle complet)
de Mathieu (Mathieu,
Fabrique d’instruments de
chirurgie, 1907, p. 61).
Boîte à autopsies (modèle
des Hôpitaux de Paris) de
Bruneau (Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de chirurgie,
1913, p. 222).
Boîte trousse d’urgence de
Bruneau (Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de chirurgie,
1913, p. 28).
-Chalumeau
insufflateur avec
robinet et poire en
caoutchouc
-Tube insufflateur à
robinet
-Tube insufflateur à
robinet
-Canule à
trachéotomie de
Krishaber
-Tube insufflateur à
robinet
- Annexes 38 à 46 -
1166
Injecter /
Ponctionner
-Seringue de Pravaz
-Seringue de Pravaz
-Trocart à 4 pièces
-Trocart fin à
manche
Expérimenter Contenir

- Annexes 38 à 46 -
Annexe n°45 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour achever l’examen.
Listes proposées par la littérature médico-légale
Source Suturer / Ligaturer Nettoyer Désinfecter
Paul Mahon, Médecine
légale et police médicale,
1807, t. 2, pp. 224-225.
Charles Marc,
« Cadavre », Dictionnaire
des sciences médicales,
1812, t. 3, p. 421.
Bricheteau, « Ouverture
(cadavérique) »,
Dictionnaire des sciences
médicales, 1819, t. 38,
p. 556.
« Cadavre », Dictionnaire
abrégé des sciences
médicales, 1821, t. 3,
pp. 183-184.
Mathieu Orfila, Leçons de
médecine légale, 1821-
1823, t. 1, pp. 518-519.
François Chaussier,
Recueil de mémoires,
consultations et rapports
sur divers objets de
médecine légale, 1824,
pp. 28-34.
Alphonse Devergie,
Médecine légale, théorique
et pratique, 1837, t. 1,
p. 104.
Mathieu Orfila, Traité de
médecine légale, 1848, t. 2,
pp. 44-45.
Alphonse Devergie,
Médecine légale, théorique
et pratique, 1852, t. 2,
p. 560.
Emile Goubert, Manuel de
l’art des autopsies
cadavériques, 1867,
pp. 8-12.
Marc Sée, « Autopsie
(Anatomie) », Dictionnaire
encyclopédique des
sciences médicales, 1867,
t. 7, p. 412.
-Aiguilles droites et
courbes
-Aiguilles
-Aiguilles et
ligatures
-Aiguilles courbes
et droites
-Ficelle
-Gros fil
-2 aiguilles courbes
de grandeur
différente
-1 aiguille droite,
forte, longue et à
carrelet
-Fil gros et fort
-Fil
-Aiguilles courbes
-Aiguilles droites
-Ficelle
-Gros fil
-Fil
1167
-Eponges
-Eau
-Bandes
-Eponges
-Eponges
-Eponges
-Linge
-1 éponge fine
-1 éponge grosse
-Eponges
-Eau
-Linge
-Eponges
-Eponges
-Eau
-Linge
-Fil -Eponges
-Alcool
-Vinaigre
-Appareil fumigatoire
-Morceau de nitrate
d’argent
-Flacon de potasse
caustique
-Flacon d’acide nitrique

- Annexes 38 à 46 -
Source Suturer / Ligaturer Nettoyer Désinfecter
Gabriel Tourdes,
« Autopsie (Médecine
légale) », Dictionnaire
encyclopédique des
sciences médicales, 1867,
t. 7, pp. 425-426.
Désiré Magloire
Bourneville, Paul Bricon,
Manuel de technique des
autopsies, 1885, pp. 65-67.
Charles Vibert,
« Autopsie », Nouveau
dictionnaire de médecine et
de chirurgie pratiques,
1886, t. 40, pp. 70-71.
Thomas Harris, Manuel
d’autopsies, 1888, pp. 1-3.
Gabriel Tourdes, Edmond
Metzquer, Traité de
médecine légale, 1896,
p. 412.
Maurice Letulle, La
pratique des autopsies,
1903, pp. 30-32.
Gustave Roussy, Pierre
Ameuille, Technique des
autopsies et des recherches
anatomo-pathologiques à
l’amphithéâtre, 1910,
pp. 41-50.
-Ficelle
-Aiguilles courbes
et longues
-Aiguilles
d’emballeur
-Aiguilles courbes
-Fil de soie
-Grosses aiguilles
-Fil fort ou ficelle
-Aiguille
1168
-Eau
-Eponges
-Linge
-Bandes
-Seau d’eau
-Eponges
-Eponges
-Chlorure de chaux
-Permanganate de
potasse
-Acide phénique
-Acide hydrochlorique

- Annexes 38 à 46 -
Listes proposées par les catalogues d’instruments
Modèles Suturer / Ligaturer Nettoyer Désinfecter
Etui à dissection
(Charrière, Note
accompagnée de planches
représentant les instruments
nouveaux, 1863, pp. 11-13).
Boîte d’instruments de
dissection (modèle n°4) de
Galante (Henry Galante,
Catalogue illustré des
instruments de chirurgie,
1885, p. 4).
Caisse d’instruments
d’autopsie (modèle n°3) de
Galante (Henry Galante,
Catalogue illustré des
instruments de chirurgie,
1885, p. 5).
Trousse de médecin
(modèle n°3) de Galante
(Henry Galante, Catalogue
illustré des instruments de
chirurgie, 1885, p. 26).
Trousse à dissections de
Gendron (Gendron,
Catalogue général illustré,
1889, p. 3).
Trousse n°4 de Gendron
(Gendron, Catalogue
général illustré, 1889, p. 35).
Boîte pour dissections de
Trémont (Trémont,
Instruments de chirurgie,
1899, p. 2).
Boîte d’instruments pour
autopsie de Trémont
(Trémont, Instruments de
chirurgie, 1899, p. 3).
Boîte d’instruments pour
autopsie de Trémont
(modèle des Hôpitaux)
(Trémont, Instruments de
chirurgie, 1899, p. 3).
Trousse à dissection de
Natton (Natton, Instruments
et appareils de l’art médical,
1900, p. 12).
Boîte à autopsie de Natton
(Natton, Instruments et
appareils de l’art médical,
1900, p. 12).
-Plaque en buffle porte-fil
-3 aiguilles demi-courbes
-3 aiguilles courbes
-12 épingles
-3 limes variées
-Aiguille à manche droite
-Aiguille à manche courbe
-Porte-aiguille avec 3 aiguilles
-3 aiguilles courbes pour les
ligatures
-Petit porte-aiguille
-6 aiguilles droites coniques
-200 épingles
-Aiguille à dissocier ordinaire
-Aiguille à dissocier en fer de
lance
-Aiguille à chas
-6 aiguilles à sutures
-Fil d’argent
-Plaque porte-fil, écaille
-2 aiguilles à recoudre
-Aiguilles à recoudre
-2 aiguilles pour coudre
1169
-Porte-nitrate

Trousse de poche de Natton
(Natton, Instruments et
appareils de l’art médical,
1900, p. 4).
Boîte à autopsie de Collin
(citée dans Maurice Letulle,
La pratique des autopsies,
1903, pp. 30-32).
Trousse à dissection de
Mathieu (Mathieu,
Fabrique d’instruments de
chirurgie, 1907, p. 10).
Boîte d’autopsies des
hôpitaux de Mathieu
(Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
1907, p. 10).
Boîte portative pour
autopsie judiciaire de
Mathieu (Mathieu,
Fabrique d’instruments de
chirurgie, 1907, p. 11).
Trousse de médecin porte
feuilles de Mathieu
(Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
1907, p. 55).
Trousse de médecin à 4
compartiments de Mathieu
(Mathieu, Fabrique
d’instruments de chirurgie,
1907, p. 57).
Boîte de poche pour petite
chirurgie (modèle complet)
de Mathieu (Mathieu,
Fabrique d’instruments de
chirurgie, 1907, p. 61).
Boîte à autopsies (modèle
des Hôpitaux de Paris) de
Bruneau (Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de chirurgie,
1913, p. 222).
Boîte trousse d’urgence de
Bruneau (Bruneau,
Catalogue illustré
d’instruments de chirurgie,
1913, p. 28).
- Annexes 38 à 46 -
-Aiguille de Reverdin manche
fixe
-2 aiguilles à recoudre
-Porte-aiguille
-Aiguilles à recoudre
-3 aiguilles à sutures
-Tablette de soie aseptisée
-Aiguille de Reverdin
-6 aiguilles à sutures
-50 épingles
-Tablette de soie aseptisée
-Fil argent
-Aiguille de Reverdin
-6 aiguilles à sutures
-Pince de Doyen servant de
porte-aiguille
-2 tablettes de soie
-Paquet de crin Florence
-Rouleau de fil d’argent
-2 aiguilles à coudre
-Aiguille de Reverdin
-Pince pour poser et retirer les
agrafes de Michell
-25 agrafes de Michell
-Tube de soie aseptique
1170

- Annexes 38 à 46 -
Annexe n°46 : Ordre préconisé par les auteurs pour l’ouverture des cavités
splanchniques.
Les ouvrages ou articles consacrés exclusivement à l’autopsie anatomopathologique n’ont pas
été mentionnés. Seuls ceux relatifs à l’autopsie médico-légale ou ne faisant pas de distinction entre les
deux procédures ont été retenus.
Les listes sont classées par ordre chronologique.
Paul Mahon, Médecine
légale et police médicale,
1807, pp. 228-236.
-Abdomen
-Thorax
-Crâne
-Extrémités
Mathieu Orfila, Leçons
de médecine légale,
1821, pp. 524-528.
-Crâne
-Rachis
-Thorax et abdomen
-Pharynx, trachéeartère
-Bassin
Alphonse Devergie,
Médecine légale,
théorique et pratique,
t. 1, 1837, p. 104.
-Crâne
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Membres
-Rachis
Charles Marc, Manuel
d’autopsie cadavérique
médico-légale, 1808,
pp. 19-53.
-Crâne
-Cavité vertébrale
-Cavité buccale
-Thorax
-Abdomen
« Cadavre »,
Dictionnaire abrégé des
sciences médicales, 1821,
t. 3, pp. 176-178.
-Crâne
-Rachis
-Cou
-Thorax, abdomen
E.-A. Bégin,
« Autopsie »,
Dictionnaire de
médecine et des sciences
accessoires à la
médecine, 1840, p. 427.
-Abdomen
-Cou et thorax
-Crâne
-Rachis
-Bassin
-Membres
1171
François-Emmanuel
Fodéré, Traité de
médecine légale et
d’hygiène publique,
1813, t. 3, pp. 28-37.
Crâne
-Cou et cavité
buccale
-Thorax
-Abdomen
A. Béclard, « Cadavre »,
Dictionnaire de
médecine, 1822, t. 4, pp.
19-21.
-Crâne
-Rachis
-Thorax et abdomen
Henri Bayard, Manuel
pratique de médecine
légale, 1844,
pp. 142-145.
-Crâne
-Face, cou et thorax
-Abdomen
-Membres
-Rachis
Renard (Chaussier),
« Considération médicolégales
sur la manière de
procéder à l’ouverture
des cadavres… », 1819,
pp. 92-113.
-Canal rachidien
-Crâne
-Thorax
-Bouche, larynx et
trachée-artère
-Abdomen
A. Béclard, Ollivier,
« Cadavre »,
Dictionnaire de
médecine, 2 ème éd., 1833,
t. 4, pp. 149-151.
-Crâne
-Rachis
-Thorax et abdomen
Mathieu Orfila, Traité
de médecine légale, 4 ème
éd., 1848, pp. 48-52.
-Crâne
-Rachis
-Thorax et abdomen
-Pharynx, trachéeartère
-Bassin

Joseph Briand, Ernest
Chaudé, Manuel
complet de médecine
légale, 5 ème éd., 1852,
pp. 378-380.
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Crâne
-Rachis
Emile Goubert, Manuel
de l’art des autopsies
cadavériques, 1867,
p. 24.
-Abdomen
-Thorax et cou
-Crâne
-Rachis
-Membres
Thomas Harris, Manuel
d’autopsies, 1888, p. 12.
-Crâne
-Rachis
-Thorax
-Abdomen
Alphonse Devergie,
Médecine légale,
théorique et pratique,
3 ème éd., t. 2, 1852,
p. 561.
-Crâne
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Membres
-Rachis
Gabriel Tourdes,
« Autopsie »,
Dictionnaire
encyclopédique des
sciences médicales, 1867,
1 ère série, t. 7,
pp. 426-429.
-Crâne
-Face
-Bouche et larynx
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Parties génitales
-Rachis
-Partie postérieure du
tronc et anus
-Membres inférieurs
et supérieurs
Charles Vibert, Précis
de médecine légale, 3 ème
éd., 1893, pp. 70-72.
-Thorax
-Cou
-Abdomen
-Crâne
- Annexes 38 à 46 -
Johann Ludwig Casper,
Traité pratique de
médecine légale, 1862,
t. 2, p. 70.
1172
-Crâne
-Thorax
-Cou
-Abdomen
Alexandre Lacassagne,
Précis de médecine
judiciaire, 1878, p. 190.
-Crâne
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Membres
-Rachis
Gabriel Tourdes,
Edmond Metzquer,
Traité de médecine
légale théorique et
pratique, 1896, p. 413.
-Crâne
-Face
-Bouche et pharynx
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Organes génitaux
-Rachis
-Partie postérieure du
tronc
-Anus
-Membres supérieurs
-Membres inférieurs
Pierre Larousse,
« Autopsie », Grand
Dictionnaire du XIX e
siècle, 1866-1876, t. 2,
pp. 1003-1004.
-Crâne
-Rachis
-Thorax et abdomen
Charles Vibert,
« Autopsie », Nouveau
dictionnaire de médecine
et de chirurgie pratiques,
1886, t. 40, pp. 72-76.
-Thorax
-Cou
-Abdomen
-Crâne
-Rachis
-Membres
Charles Vibert, Précis
de médecine légale, 4 ème
éd., 1896, pp. 74-76.
-Thorax
-Cou
-Abdomen
-Crâne

Maurice Letulle, La
pratique des autopsies,
1903, pp. 477-479.
-Thorax
-Abdomen
-Crâne
-Rachis
-Membres
- Annexes 38 à 46 -
Alfred Bauer,
« Autopsie médicolégale
», Pratique
médico-légale, 1907, t. 1,
pp. 553-554.
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Crâne
1173
Léon Thoinot,
L’autopsie médicolégale,
1910, pp. 69-70.
-Cou
-Thorax
-Abdomen
-Crâne
-Membres
-Rachis

Annexes 47 à 55
ILLUSTRATIONS

Annexe n°47 (Illustration 174) : Carte des Deux-Sèvres (1845).
- Annexes 47 à 55 -
Source : Victor Levasseur, Atlas national illustré des 86 départements et des possessions de la France divisé par arrondissements, cantons et communes avec le tracé
de toutes les routes, chemins de fer et canaux, Paris, Combette, 1845.
1177

Annexe n°48 (Illustration 175) : Carte de la Vienne (1870).
- Annexes 47 à 55 -
Source : Carte de Vuillemin tirée du site Internet du Cercle généalogique poitevin (http://www.herage.org/histoire_vienne_carte1870.htm).
1179

- Annexes 47 à 55 -
Annexe n°49 (Illustration 176) : Fiches modèles de Lacassagne.
Source : Archives d’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire.
Statistique criminelle. Législation et droit, Notes et observations médico-légales, Lyon,
Storck, 1892, t. 7, p. 299.
1181

- Annexes 47 à 55 -
Source : Archives d’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire.
Statistique criminelle. Législation et droit, Notes et observations médico-légales, Lyon,
Storck, 1892, t. 7, p. 300.
1182

- Annexes 47 à 55 -
Source : Archives d’anthropologie criminelle et des sciences pénales. Médecine légale, judiciaire.
Statistique criminelle. Législation et droit, Notes et observations médico-légales, Lyon,
Storck, 1892, t. 7, p. 301
1183

- Annexes 47 à 55 -
Annexe n°50 (Illustration 177) : Mémoire des honoraires d’expertise.
Source : Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et
pathologique, Lyon, Storck, 1894, t. 9, p 99.
1184

- Annexes 47 à 55 -
Source : Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique,
Lyon, Storck, 1894, t. 9, p 99.
1185

- Annexes 47 à 55 -
LES SPECTACLES CADAVERIQUES
Annexe n°51 : Les cires anatomiques.
Source : Encyclopaedia anatomica. Museo La Specola Florence, Cologne, Taschen, 2006, pp. 64-65.
Illustration 178 : Cire anatomique. Corps complet d’une femme.
Source : Encyclopaedia anatomica. Museo La
Specola Florence, Cologne, Taschen, 2006, p. 73.
Illustration 179 : Cire anatomique. Première
phase du démontage : la peau est retirée.
1186
Source : Encyclopaedia anatomica. Museo La
Specola Florence, Cologne, Taschen, 2006, p. 75.
Illustration 180 : Cire anatomique. Deuxième
phase du démontage : les muscles sont enlevés.

Source : Encyclopaedia anatomica. Museo La
Specola Florence, Cologne, Taschen, 2006, p. 77.
Illustration 181 : Cire anatomique. Troisième
phase du démontage :
les premiers organes sont retirés.
- Annexes 47 à 55 -
Annexe n°52: Exécution et visite de la Morgue de Paris.
1187
Source : Encyclopaedia anatomica. Museo La
Specola Florence, Cologne, Taschen, 2006, p. 78.
Illustration 182 : Cire anatomique. Quatrième
phase du démontage :
différents organes sont ouverts.
Source : Exécution de Doré et Bertrand, Source : Bruno Bertherat, « La Morgue de Paris »,
Le Petit Journal, août 1891. Sociétés&Représentations, juin 1998, n°6,
p. 278.
Illustration 183 : Une exécution capitale. Illustration 184 : Vue intérieure de la morgue.

- Annexes 47 à 55 -
Annexe n°53 : Leçons d’anatomie. Dissimulation du visage du sujet.
Source : Dominique Clevenot, « Les leçons de l’anatomie », Sociétés&Représentations,
avril 1996, n°2, p. 142.
Illustration 185 : Aertz Pietersz, L’anatomie du Dr Egbertez (1603).
Visage cadavérique dissimulé par un bras.
Source : Dominique Clevenot, « Les leçons de l’anatomie », Source : Dominique Clevenot, « Les
Sociétés&Représentations, avril 1996, n°2, p. 143. leçons de l’anatomie », Sociétés&
Représentations, avril 1996,
Illustration 186 : Van Miereveld, Anatomie du Dr van der n°2, p. 151.
Meer (1617). Visage cadavérique dissimulé. Illustration 187 : Jean Riolan, Les
Œuvres anatomiques (1629). Visage à
découvert.
1188

- Annexes 47 à 55 -
Annexe n°54 : Leçons d’anatomie. Les tables d’opération.
Source : Dominique Clevenot, « Les leçons de Source : Grégoire Chamayou, Les corps vils,
l’anatomie », Sociétés&Représentations, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond
avril 1996, n°2, p. 150. / La Découverte, 2008, p. 75.
Illustration 188 : Du Laurens, Opera Omnia Illustration 189 : William Hogarth,
(1628). Table de dissection ovale. Les quatre étapes de la cruauté (1751).
Table de dissection ovale.
Annexe n°55 (Illustration 190) : Le bateau morgue de Lyon en 1901.
Source : Photographie de Charles Popineau, Arrivée à la morgue de la « Femme coupée en morceaux », sur
le bas-port du quai de l’hôpital, 1901. Site Internet de la Bibliothèque municipale de Lyon, Fonds Sylvestre.
(http://www.bm-lyon.fr/trouver/basesdedonnees/base_photographe.htm).
1189

TABLES

GRAPHIQUES
TABLE DES GRAPHIQUES ET
DES TABLEAUX STATISTIQUES
• CHAPITRE 1
-Graphique 1 : Répartition des instances requérantes dans les affaires criminelles
des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................................................p. 69
-Graphique 2 : Répartition des instances requérantes dans les affaires criminelles
de la Vienne (1795-1915).................................................................................p. 70
-Graphique 3 : Répartition chronologique des instances requérantes dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................p. 71
-Graphique 4 : Répartition chronologique des instances requérantes dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) .................................................p. 71
-Graphique 5 : Répartition des catégories d’instances requérantes agissant seules
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ...................................p. 72
-Graphique 6 : Répartition des catégories d’instances requérantes agissant seules
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 72
-Graphique 7 : Répartition des collaborations d’instances requérantes dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) .................................................p. 72
-Graphique 8 : Répartition des collaborations d’instances requérantes dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................p. 73
-Graphique 9 : Evolution chronologique des réquisitions faites par une seule
instance, dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ....................p. 73
-Graphique 10 : Evolution chronologique des réquisitions faites par une seule
instance, dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) .............p. 74
-Graphique 11 : Evolution chronologique des réquisitions faites par une
association d’instances requérantes, dans les affaires criminelles
de la Vienne (1795-1915).................................................................................p. 76
-Graphique 12 : Evolution chronologique des réquisitions faites par une
association d’instances requérantes, dans les affaires criminelles
des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................................................p. 77
-Graphique 13 : Répartition des instances requérantes dans les suicides
et morts accidentelles des Deux-Sèvres (an VII-1893) ....................................p. 80
1193

-Graphique 14 : Répartition des instances requérantes dans les suicides
et morts accidentelles de la Vienne (an IV-1914) ............................................p. 81
-Graphique 15 : Répartition des instances requérantes dans les morts accidentelles
de la Vienne (an IV-1911)................................................................................p. 83
-Graphique 16 : Répartition des instances requérantes dans les suicides de la
Vienne (an V-1914)..........................................................................................p. 83
-Graphique 17 : Répartition des instances requérantes dans les morts accidentelles
des Deux-Sèvres (an VII-1893)........................................................................p. 84
-Graphique 18 : Répartition des instances requérantes dans les suicides
des Deux-Sèvres (an IX-1870) .........................................................................p. 84
-Graphique 19 : Répartition des titres ou diplômes possédés par les hommes
de l’art requis comme experts dans les affaires criminelles des
Deux-Sèvres (1795-1915).................................................................................p. 89
-Graphique 20 : Répartition des titres ou diplômes possédés par les hommes
de l’art requis comme experts dans les affaires criminelles
de la Vienne (1795-1915).................................................................................p. 89
-Graphique 21 : Répartition des titres ou diplômes possédés par les hommes
de l’art des Deux-Sèvres (an IX-1915).............................................................p. 90
-Graphique 22 : Répartition des titres ou diplômes possédés par les hommes
de l’art de la Vienne (an VIII-1915).................................................................p. 91
-Graphique 23 : Evolution chronologique des titres ou diplômes possédés par les
hommes de l’art requis comme experts dans les affaires criminelles des
Deux-Sèvres (1795-1915).................................................................................p. 92
-Graphique 24 : Evolution chronologique des titres ou diplômes possédés par les
hommes de l’art requis comme experts dans les affaires criminelles
de la Vienne (1795-1915).................................................................................p. 92
-Graphique 25 : Répartition des hommes de l’art ayant obtenu leur diplôme
avant 1820 (Deux-Sèvres) ................................................................................p. 93
-Graphique 26 : Répartition des hommes de l’art ayant obtenu leur diplôme
avant 1820 (Vienne) .........................................................................................p. 93
-Graphique 27 : Répartition des collaborations entre les hommes de l’art requis
comme experts et ayant des titres ou diplômes différents
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) ................................................p. 95
-Graphique 28 : Répartition des collaborations entre les hommes de l’art requis
comme experts et ayant des titres ou diplômes différents
1194

(affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915) .........................................p. 95
-Graphique 29 : Répartition par tranches d’âge des hommes de l’art requis comme
experts dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915).......................p. 97
-Graphique 30 : Répartition par tranches d’âge des hommes de l’art requis comme
experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ................p. 98
-Graphique 31 : Répartition par lieux de domicile des hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ..........p. 102
-Graphique 32 : Répartition par lieux de domicile des hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ...p. 102
-Graphique 33 : Répartition du nombre d’hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ...................................p. 106
-Graphique 34 : Répartition du nombre d’hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 106
-Graphique 35 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne,
selon les textes législatifs (1795-1915) ............................................................p. 107
-Graphique 36 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres
selon les textes législatifs (1795-1915) ............................................................p. 108
-Graphique 37 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ..........p. 109
-Graphique 38 : Evolution chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ...p. 109
• CHAPITRE 2
-Graphique 39 : Répartition des rapports particuliers ou intégrés dans le
procès-verbal (affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) .........................p. 142
-Graphique 40 : Répartition des rapports particuliers ou intégrés dans le
procès-verbal (affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915)...................p. 142
-Graphique 41 : Evolution chronologique de la part des rapports contenus
dans les procès-verbaux (affaires criminelles de la Vienne et des Deux-Sèvres,
1795-1915) .......................................................................................................p. 143
-Graphique 42 : Répartition des délais de rédaction des rapports d’autopsie
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) ................................................p. 145
1195

-Graphique 43 : Répartition des délais de rédaction des rapports d’autopsie
(affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915) .........................................p. 145
-Graphique 44 : Répartition du nombre d’experts présents au cours de l’examen
post mortem (affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) ...........................p. 148
-Graphique 45 : Répartition du nombre d’experts présents au cours de l’examen
post mortem (affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915) ....................p. 148
-Graphique 46 : Répartition des types de rapports d’autopsie rencontrés dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) .................................................p. 161
-Graphique 47 : Répartition des types de rapports d’autopsie rencontrés dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................p. 161
-Graphique 48 : Répartition des rapports d’autopsie selon la superficialité ou
l’exhaustivité des constatations (affaires criminelles de la Vienne et des
Deux-Sèvres, 1795-1915) ................................................................................p. 166
• CHAPITRE 3
-Graphique 49 : Répartition des collaborations entre le premier médecin
requis et le médecin envoyé par le parquet, dans les affaires criminelles
poitevines (1795-1915).....................................................................................p. 275
-Graphique 50 : Ouvrages généraux de médecine légale contenus dans le fonds
de l’Ecole de médecine de Poitiers...................................................................p. 311
-Graphique 51 : La production littéraire générale de médecine légale,
entre 1795 et 1915 ............................................................................................p. 317
-Graphique 52 : Editions originales et rééditions dans la littérature médico-légale,
entre 1795 et 1915 ............................................................................................p. 317
-Graphique 53 : Répartition des docteurs en médecine des Deux-Sèvres
selon la Faculté dont ils sont diplômés (1795-1915)........................................p. 342
-Graphique 54 : Répartition des docteurs en médecine de la Vienne selon la Faculté
dont ils sont diplômés (1795-1915)..................................................................p. 342
-Graphique 55 : Répartition des docteurs en médecine des Deux-Sèvres, selon
la Faculté dont ils sont diplômés, avant et après 1875 .....................................p. 343
-Graphique 56 : Répartition des docteurs en médecine de la Vienne selon la Faculté
dont ils sont diplômés, avant et après 1875...............................................................p. 344
1196

• CHAPITRE 4
-Graphique 57 : Indication du paiement d’honoraires d’expertises (affaires
criminelles poitevines, 1795-1915) ..................................................................p. 370
-Graphique 58 : Répartition chronologique de la présence des frais d’expertises
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ...................................p. 371
-Graphique 59 : Répartition chronologique de la présence des frais d’expertises
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 371
-Graphique 60 : Délais de paiement des frais d’expertises dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915) ..............................................................p. 383
-Graphique 61 : Délais de paiement des frais d’expertises dans les affaires
criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) .......................................................p. 384
• CHAPITRE 5
-Graphique 62 : Répartition mensuelle des suicides en Poitou (an V-1914)...........p. 474
-Graphique 63 : Répartition mensuelle des morts accidentelles en Poitou
(an IV-1911) .....................................................................................................p. 474
-Graphique 64 : Répartition mensuelle des affaires criminelles poitevines
(1795-1915) ......................................................................................................p. 476
-Graphique 65 : Répartition du délai entre le décès et l’autopsie dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................p. 484
-Graphique 66 : Répartition du délai entre le décès et l’autopsie dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) .................................................p. 484
-Graphique 67 : Témoins présents lors des examens post mortem dans les affaires
criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) .......................................................p. 507
-Graphique 68 : Témoins présents lors des examens post mortem dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915) ..............................................................p. 507
-Graphique 69 : Refus des prévenus d’assister à l’examen post mortem
(affaires criminelles poitevines, 1795-1915)....................................................p. 532
1197

• CHAPITRE 6
-Graphique 70 : Indication du lieu de l’examen post mortem dans les affaires
criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) .......................................................p. 654
-Graphique 71 : Indication du lieu de l’examen post mortem dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915) ..............................................................p. 654
-Graphique 72 : Répartition des lieux d’examens post mortem (affaires criminelles
des Deux-Sèvres, 1795-1915)...........................................................................p. 656
-Graphique 73 : Répartition des lieux d’examens post mortem (affaires criminelles
de la Vienne, 1795-1915) .................................................................................p. 656
-Graphique 74 : Répartition des lieux d’examens couverts et découverts
(affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915) .........................................p. 658
-Graphique 75 : Répartition des lieux d’examens couverts et découverts
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) ................................................p. 658
-Graphique 76 : Répartition des lieux d’examens à découvert (affaires criminelles
des Deux-Sèvres, 1795-1915)...........................................................................p. 659
-Graphique 77 : Répartition des lieux d’examens à découvert (affaires criminelles
de la Vienne, 1795-1915) .................................................................................p. 659
-Graphique 78 : Part des lieux publics à découvert (affaires criminelles des
Deux-Sèvres, 1795-1915).................................................................................p. 660
-Graphique 79 : Part des lieux publics à découvert (affaires criminelles de la
Vienne, 1795-1915)..........................................................................................p. 660
-Graphique 80 : Répartition des lieux d’examens post mortem couverts et
découverts (affaires criminelles poitevines, 1795-1915)..................................p. 667
-Graphique 81 : Mention de l’utilisation d’un support pour l’examen post mortem
(affaires criminelles poitevines, 1795-1915)....................................................p. 670
-Graphique 82 : Supports utilisés lors des examens post mortem (affaires criminelles
des Deux-Sèvres, 1795-1915)...........................................................................p. 672
-Graphique 83 : Supports utilisés lors des examens post mortem (affaires criminelles
de la Vienne, 1795-1915) .................................................................................p. 673
-Graphique 84 : Répartition chronologique de la part des lieux médicalisés au sein
des lieux d’examens post mortem (affaires criminelles des Deux-Sèvres
1795-1915) .......................................................................................................p. 682
1198

-Graphique 85 : Répartition chronologique de la part des lieux médicalisés au sein
des lieux d’examens post mortem (affaires criminelles de la Vienne
1795-1915) .......................................................................................................p. 682
-Graphique 86 : Répartition chronologique des utilisations de lieux médicalisés
situés dans une commune distincte de celle du crime (affaires criminelles des
Deux-Sèvres, 1795-1915).................................................................................p. 683
-Graphique 87 : Répartition chronologique des utilisations de lieux médicalisés
situés dans une commune distincte de celle du crime (affaires criminelles de la
Vienne, 1795-1915)..........................................................................................p. 683
• CHAPITRE 8
-Graphique 88 : Répartition des examens post mortem mentionnant le stade
de la décomposition cadavérique (Deux-Sèvres, 1795-1915)..........................p. 819
-Graphique 89 : Répartition des examens post mortem mentionnant le stade
de la décomposition cadavérique (Vienne, 1795-1915) ...................................p. 819
-Graphique 90 : Répartition des degrés de putréfaction rencontrés dans les examens
post mortem des Deux-Sèvres (1795-1915) .....................................................p. 852
-Graphique 91 : Répartition des degrés de putréfaction rencontrés dans les examens
post mortem de la Vienne (1795-1915) ............................................................p. 852
-Graphique 92 : Evolution chronologique de la répartition des examens post mortem
selon le degré de putréfaction (Deux-Sèvres, 1795-1915) ...............................p. 856
-Graphique 93 : Evolution chronologique de la répartition des examens post mortem
selon le degré de putréfaction (Vienne, 1795-1915) ........................................p. 856
-Graphique 94 : Répartition des cavités viscérales ouvertes en premier dans les
affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................p. 858
-Graphique 95 : Répartition des cavités viscérales ouvertes en premier dans les
affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) .................................................p. 858
1199

TABLEAUX STATISITIQUES
• ANNEXE N°1
-Tableau 1 : Les instances procédant à la réquisition d’un homme de l’art dans
les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).....................................p. 1059
-Tableau 2 : Les instances procédant à la réquisition d’un homme de l’art dans
les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915)............................................p. 1059
• ANNEXE N°2
-Tableau 3 : Evolution chronologique de la répartition des instances requérantes
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 1060
-Tableau 4 : Evolution chronologique de la répartition des instances requérantes
dans les affaires criminelles de la Vienne(1795-1915) ....................................p. 1060
• ANNEXE N°3
-Tableau 5 : Les instances requérantes dans les suicides et morts accidentelles
de la Vienne (an IV-1914)................................................................................p. 1060
-Tableau 6 : Les instances requérantes dans les suicides et morts accidentelles
des Deux-Sèvres (an VII-1893)........................................................................p. 1060
• ANNEXE N°4
-Tableau 7 : Les instances requérantes dans les morts accidentelles
de la Vienne (an IV-1914)................................................................................p. 1061
-Tableau 8 : Les instances requérantes dans les suicides de la Vienne
(an IV-1914) .....................................................................................................p. 1061
-Tableau 9 : Les instances requérantes dans les morts accidentelles des
Deux-Sèvres (an VII-1893) ..............................................................................p. 1061
-Tableau 10 : Les instances requérantes dans les suicides des Deux-Sèvres
(an VII-1893)....................................................................................................p. 1061
1200

• ANNEXE N°5
-Tableau 11 : Les titres des hommes de l’art requis comme experts,
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ...................................p. 1062
-Tableau 12 : Les titres des hommes de l’art requis comme experts,
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 1062
• ANNEXE N°6
-Tableau 13 : Les titres ou diplômes des hommes de l’art de la Vienne
(an VIII-1915)...................................................................................................p. 1063
-Tableau 14 : Les titres ou diplômes des hommes de l’art des Deux-Sèvres
(an IX-1915) .....................................................................................................p. 1063
• ANNEXE N°7
-Tableau 15 : Répartition par âge des hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ...................................p. 1063
-Tableau 16 : Répartition par âge des hommes de l’art requis comme experts
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 1063
• ANNEXE N°8
-Tableau 17 : Domiciliation des hommes de l’art requis comme experts
par le juge d’instruction ou le procureur dans les affaires criminelles de
la Vienne (1795-1915)......................................................................................p. 1064
-Tableau 18 : Domiciliation des hommes de l’art requis comme experts
par le juge d’instruction ou le procureur dans les affaires criminelles
des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................................................p. 1064
• ANNEXE N°9
-Tableau 19 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne, selon les textes
législatifs (1795-1915)......................................................................................p. 1065
-Tableau 20 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres, selon les textes
législatifs (1795-1915)......................................................................................p. 1065
1201

• ANNEXE N°10
-Tableau 21 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ..........p. 1066
-Tableau 22 : Répartition chronologique du nombre d’hommes de l’art requis
comme experts dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) ...p. 1066
• ANNEXE N°11
-Tableau 23 : Répartition des rapports particuliers ou contenus dans le
procès-verbal (affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) .........................p. 1067
-Tableau 24 : Répartition des rapports particuliers ou contenus dans le
procès-verbal (affaires criminelles des Deux-Sèvres, 1795-1915)...................p. 1067
-Tableau 25 : Répartition des types de rapports d’expertises avant et après 1825
(affaires criminelles poitevines, 1795-1915)....................................................p. 1067
-Tableau 26 : Le délai de rédaction du rapport d’autopsie dans les affaires
criminelles poitevines (1795-1915)..................................................................p. 1068
-Tableau 27 : Nombre d’experts présents au moment de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles poitevine (1795-1915).........................................p. 1068
• ANNEXE N°12
-Tableau 28 : Typologie des rapports d’autopsies dans les affaires criminelles
de la Vienne (1795-1915).................................................................................p. 1069
-Tableau 29 : Typologie des rapports d’autopsies dans les affaires criminelles
des Deux-Sèvres (1795-1915) ..........................................................................p. 1069
-Tableau 30 : Observations sur l’objet du rapport d’expertise dans les affaires
criminelles poitevines (1795-1915)..................................................................p. 1069
-Tableau 31 : Style employé pour la rédaction des rapports d’autopsies
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915) .......................................p. 1069
• ANNEXE N°13
-Tableau 32 : Collaboration entre le médecin requis et le médecin envoyé par
le parquet dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915) ......................p. 1069
1202

• ANNEXE N°14
-Tableau 33 : Ouvrages généraux de médecine légale conservés dans le fonds
de l’Ecole de médecine de Poitiers...................................................................p. 1070
-Tableau 34 : Chronologie des publications d’ouvrages généraux de médecine
légale (1795-1915)............................................................................................p. 1070
• ANNEXE N°15
-Tableau 35 : Chronologie des éditions originales et des rééditions d’ouvrages
généraux de médecine légale (1795-1915).......................................................p. 1071
• ANNEXE N°16
-Tableau 36 : Répartition des docteurs en médecine poitevins selon leur Faculté
d’origine (1795-1915) ......................................................................................p. 1072
• ANNEXE N°17
-Tableau 37 : Mention du paiement des honoraires de médecins experts dans les
affaires criminelles du Poitou (1795-1915)......................................................p. 1073
-Tableau 38 : Répartition chronologique de l’indication ou non des honoraires
alloués aux experts (affaires criminelles du Poitou, 1795-1915) .....................p. 1073
-Tableau 39 : Répartition du délai de paiement des frais d’expertises médicales
(affaires criminelles du Poitou, 1795-1915).....................................................p. 1073
• ANNEXE N°18
-Tableau 40 : Répartition des décès suspects poitevins sur l’année (1795-1915)....p. 1074
• ANNEXE N°19
-Tableau 41 : Répartition des autopsies médico-légales en fonction du délai écoulé
entre le moment du décès et le début de l’acte (affaires criminelles du Poitou,
1795-1915) .......................................................................................................p. 1074
1203

• ANNEXE N°20
-Tableau 42 : Typologie des moins non médicaux de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915).............................p. 1075
-Tableau 43 : Typologie des moins non médicaux de l’examen post mortem
dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915) ...................................p. 1075
-Tableau 44 : Manifestation du refus du prévenu d’être présent lors de la réalisation
de l’examen post mortem dans les affaires criminelles poitevines
(1795-1915) ......................................................................................................p. 1075
• ANNEXE N°21
-Tableau 45 : Répartition des divers lieux ayant servi à la réalisation d’un examen
post mortem dans les affaires criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915)........p. 1076
-Tableau 46 : Répartition des divers lieux ayant servi à la réalisation d’un examen
post mortem dans les affaires criminelles de la Vienne (1795-1915)...............p. 1076
• ANNEXE N°22
-Tableau 47 : Les différents supports servant de table d’autopsie dans les affaires
criminelles des Deux-Sèvres (1795-1915) .......................................................p. 1077
-Tableau 48 : Les différents supports servant de table d’autopsie dans les affaires
criminelles de la Vienne (1795-1915) ..............................................................p. 1077
• ANNEXE N°23
-Tableau 49 : Evolution chronologique de l’utilisation des lieux médicalisés
dans les affaires criminelles poitevines (1795-1915) .......................................p. 1077
-Tableau 50 : Evolution chronologique du recours à un lieu médicalisé en fonction
de la commune où le décès est survenu (affaires criminelles poitevines,
1795-1915) .......................................................................................................p. 1078
-Tableau 51 : Répartition des examens post mortem effectués à l’Ecole de médecine
de Poitiers en fonction du lieu du décès et du praticien qui les réalisent
(affaires criminelles de la Vienne, 1795-1915) ................................................p. 1078
1204

• ANNEXE N°24
-Tableau 52 : Répartition chronologique des divers stades putrides rencontrés
au cours des examens post mortem dans les Deux-Sèvres (1795-1915) .........p. 1079
-Tableau 53 : Répartition chronologique des divers stades putrides rencontrés
au cours des examens post mortem dans la Vienne (1795-1915).....................p. 1080
• ANNEXE N°25
-Tableau 54 : Répartition chronologique de l’ouverture de l’abdomen comme
première cavité explorée lors des examens post mortem (affaires criminelles
des Deux-Sèvres, 1795-1915)...........................................................................p. 1081
-Tableau 55 : Répartition chronologique de l’ouverture de l’abdomen comme
première cavité explorée lors des examens post mortem (affaires criminelles
de la Vienne, 1795-1915) .................................................................................p. 1082
1205

ILLUSTRATIONS
TABLE DES ILLUSTRATIONS
• CHAPITRE 1
ET AUTRES DOCUMENTS
-Illustration 1 : Ordonnance du juge d’instruction de Bressuire pour requérir
un expert ...........................................................................................................p. 113
-Illustration 2 : Ordonnance du juge d’instruction de Loudun pour requérir
un homme de l’art comme expert.....................................................................p. 114
-Illustration 3 : Ordonnance du juge d’instruction de Loudun pour requérir
un homme de l’art comme expert (années 1900) .............................................p. 114
-Illustration 4 : Réquisition du juge d’instruction de Montmorillon
(années 1890)....................................................................................................p. 115
-Illustration 5 : Prestation de serment intégrée au procès-verbal ............................p. 122
-Illustration 6 : Prestation de serment intégrée au procès-verbal ............................p. 123
-Illustration 7 : Prestation de serment d’expert .......................................................p. 124
-Illustration 8 : Prestation de serment du tribunal de Poitiers (années 1890)..........p. 124
• CHAPITRE 2
-Illustration 9 : Rapport d’examen médical rédigé par l’expert et intégré au
procès-verbal ....................................................................................................p. 140
-Illustration 10 : Identification du rédacteur grâce à la signature............................p. 151
-Illustration 11 : Rédaction du rapport par quelqu’un d’autre que l’expert.............p. 152
-Illustration 12 : Reprise des questions de l’ordonnance du juge dans le préambule
du rapport..........................................................................................................p. 172
-Illustration 13 : Reprise des questions de l’ordonnance du juge pour les
conclusions .......................................................................................................p. 174
-Illustration 14 : Photographie du cadavre sur les lieux du crime...........................p. 182
-Illustration 15 : Photographie d’un enfant mort, 1853...........................................p. 186
1207

-Illustration 16 : Photographie d’un homme soutenant sa femme morte, assise,
vers 1846 ..........................................................................................................p. 187
-Illustration 17 : Photographies d’une femme pour son identification. Les sourcils
froncés ou le visage fait un grimace .................................................................p. 189
-Illustration 18 : Plan des lieux du crime avec figuration du corps.........................p. 191
-Illustration 19 : Dessin de la blessure.....................................................................p. 193
-Illustration 20 : Dessin de la position du corps sur les lieux..................................p. 194
-Illustration 21 : Pointillés signifiant l’incision à faire pour ouvrir le thorax et
l’abdomen .........................................................................................................p. 202
-Illustration 22 : Instruments représentés seuls pour signifier l’opération ..............p. 202
-Illustration 23 : Incision mento-pubienne. Représentations des mains de
l’opérateur pendant l’incision...........................................................................p. 202
-Illustration 24 : Emploi des noms et prénoms du défunt dans les conclusions
du rapport..........................................................................................................p. 208
-Illustration 25 : Rapport rédigé dans un style télégraphique..................................p. 211
• CHAPITRE 3
-Illustration 26 : Citation des autorités médico-légales. Référence générique........p. 252
-Illustration 27 : Citation des autorités médico-légales. Référence nominative......p. 253
-Illustration 28 : Citation des autorités médico-légales. Référence nominative
à un auteur ........................................................................................................p. 321
• CHAPITRE 4
-Illustration 29 : Monument élevé pour Paul Brouardel..........................................p. 444
• CHAPITRE 5
-Illustration 30 : Affiche du Grand Museum d’anatomie du Dr Spitzner pour la
foire de Roubaix (1908)....................................................................................p. 524
-Illustration 31 : Mise à nu de la cage thoracique, visage à découvert....................p. 574
-Illustration 32 : Décollement de la plèvre pariétale, yeux mi-clos.........................p. 574
1208

-Illustration 33 : Incisions pour l’ouverture de la bouche et du cou........................p. 591
• CHAPITRE 6
-Illustration 34 : Lanterne d’éclairage médical (années 1870)................................p. 627
-Illustration 35 : Table de dissection de D’Arcet, vue de dessus (années 1830).....p. 633
-Illustration 36 : Table à autopsie (années 1900) ....................................................p. 633
-Illustration 37 : Table à dissection à pied central en ardoise de Mathieu
(années 1900)....................................................................................................p. 634
-Illustration 38 : Billot placé sous la tête (mise à nu de la calotte crânienne).........p. 636
-Illustration 39 : Billot placé sous la tête (libération du plancher buccal)...............p. 636
-Illustration 40 : Billot placé sous la tête (amputation du voile du palais)..............p. 636
-Illustration 41 : Table de dissection de D’Arcet, vue en coupe (années 1830)......p. 638
-Illustration 42 : Table à autopsie, plan et coupe (années 1900) .............................p. 639
• CHAPITRE 7
-Illustration 43 : Couteaux de grande dimension (années 1810) .............................p. 704
-Illustration 44 : Bistouris (années 1810) ................................................................p. 704
-Illustration 45 : Scalpel (années 1830)...................................................................p. 705
-Illustration 46 : Bistouri démontable de Galante (années 1880)............................p. 706
-Illustration 47 : Bistouri (années 1860)..................................................................p. 707
-Illustration 48 : Bistouri de Mathieu (années 1900)...............................................p. 707
-Illustration 49 : Scalpel (années 1900)...................................................................p. 708
-Illustration 50 : Scalpel de Charrière (années 1860)..............................................p. 708
-Illustration 51 : Couteau à autopsie (années 1860) ................................................p. 709
-Illustration 52 : Couteau à cerveau de Mathieu (années 1900) ..............................p. 709
-Illustration 53 : Paire de ciseaux droits (années 1860)...........................................p. 710
-Illustration 54 : Paire de ciseaux courbés sur le plat (années 1830) ......................p. 712
1209

-Illustration 55 : Paire de ciseaux courbés sur le côté (années 1830)......................p. 712
-Illustration 56 : Cisailles à vis ou à pivot (années 1860) .......................................p. 714
-Illustration 57 : Costotome (années 1860) .............................................................p. 714
-Illustration 58 : Scie à dos mobile (années 1830) ..................................................p. 715
-Illustration 59 : Scie à dos mobile (années 1880) ..................................................p. 716
-Illustration 60 : Scie à arbre (années 1830)............................................................p. 716
-Illustration 61 : Couronne de trépan avec tranchants extérieurs (années 1830).....p. 718
-Illustration 62 : Couronne de trépan lisse (années 1880).......................................p. 719
-Illustration 63 : Trépan anglais ou tréphine (années 1830)....................................p. 719
-Illustration 64 : Trépan à arbre, ancien modèle......................................................p. 719
-Illustration 65 : Ciseau (années 1830)....................................................................p. 720
-Illustration 66 : Gouge ou ciseau concave (années 1830)......................................p. 720
-Illustration 67 : Ciseau burin ordinaire avec manche taillé à pans (années 1900).p. 721
-Illustration 68 : Ciseau à manche rond strié (années 1860) ...................................p. 721
-Illustration 69 : Ciseau avec un manche à l’extrémité aplatie (années 1860)........p. 721
-Illustration 70 : Maillet (années 1860) ...................................................................p. 721
-Illustration 71 : Marteau à autopsie avec crochet (années 1860) ...........................p. 722
-Illustration 72 : Hachette anatomique de Bichat (années 1860).............................p. 723
-Illustration 73 : Rugines de formes quadrilatère et triangulaire (années 1830) .....p. 724
-Illustration 74 : Pinces à dissections, profil et face (années 1830) ........................p. 725
-Illustration 75 : Pinces à dissection de petite, moyenne et grande dimensions
(années 1860)....................................................................................................p. 726
-Illustration 76 : Davier de Farabeuf (années 1900)................................................p. 727
-Illustration 77 : Pince de Kocher (années 1900) ....................................................p. 727
-Illustration 78 : Erignes simple et double à manche (années 1870).......................p. 728
-Illustration 79 : Ecarteurs doubles d’Ollier (années 1900) ....................................p. 729
1210

-Illustration 80 : Doubles crochets écarteurs de Farabeuf (années 1910)................p. 729
-Illustration 81 : Elévatoire (années 1880) ..............................................................p. 729
-Illustration 82 : Bougies (années 1860) .................................................................p. 730
-Illustration 83 : Stylet (années 1820) .....................................................................p. 731
-Illustration 84 : Sonde brisée (années 1820) ..........................................................p. 732
-Illustration 85 : Sonde urétro-vésicale (années 1820)............................................p. 733
-Illustration 86 : Sonde en caoutchouc vulcanisé (années 1880).............................p. 733
-Illustration 87 : Sonde cannelée (années 1820)......................................................p. 733
-Illustration 88 : Usage de la sonde cannelée lors de l’incision de la dure-mère ....p. 734
-Illustration 89 : Mécomètre de Chaussier (années 1820).......................................p. 736
-Illustration 90 : Compas d’épaisseur à coulisse de Mathieu (années 1900)...........p. 736
-Illustration 91 : Mètre en ruban (années 1860) ......................................................p. 736
-Illustration 92 : Compas de Broca (années 1900) ..................................................p. 737
-Illustration 93 : Compas crâniomètre (années 1860) .............................................p. 737
-Illustration 94 : Pelvimètre de Crouzat (années 1880)...........................................p. 737
-Illustration 95 : Balance métrique pour nouveau-né (années 1880).......................p. 738
-Illustration 96 : Pèse-bébés (années 1880).............................................................p. 738
-Illustration 97 : Loupe (années 1860) ....................................................................p. 739
-Illustration 98 : Microscope (années 1880)............................................................p. 740
-Illustration 99 : Tube à insuffler muni d’un robinet (années 1860) .......................p. 740
-Illustration 100 : Trocart (années 1880).................................................................p. 740
-Illustration 101 : Aiguilles courbes de différentes dimensions et courbures
(années 1860)....................................................................................................p. 741
-Illustration 102 : Aiguille forte et droite (années 1860).........................................p. 742
-Illustration 103 : Bistouri convexe (années 1830) .................................................p. 746
-Illustration 104 : Bistouri droit (années 1830) .......................................................p. 747
1211

-Illustration 105 : Bistouri droit de Charrière (années 1850) ..................................p. 748
-Illustration 106 : Scie droite pliable de Mérat (années 1810) ................................p. 749
-Illustration 107 : Scie à dos mobile de Charrière (années 1850) ...........................p. 750
-Illustration 108 : Scie à dos mobile de Natton (années 1900)................................p. 751
-Illustration 109 : Petite scie à dos mobile de Dutar (années 1900)........................p. 752
-Illustration 110 : Curseur à fixer sur la couronne du trépan (années 1830)...........p. 752
-Illustration 111 : Scie graduée avec guide de Mathieu (années 1900)...................p. 753
-Illustration 112 : Rugines d’Ollier (années 1880)..................................................p. 754
-Illustration 113 : Couteau de Charrière (années 1850) ..........................................p. 755
-Illustration 114 : Gouge coudée de Legouest (années 1880) .................................p. 756
-Illustration 115 : Maillet avec dépressions pour les doigts (années 1900).............p. 757
-Illustration 116 : Bistouri pliable à valves métalliques de Mathieu (années 1900)p. 758
-Illustration 117 : Lancette de Dutar (années 1900)................................................p. 758
-Illustration 118 : Scalpel de Charrière, position démontée (années 1860).............p. 759
-Illustration 119 : Bistouris démontables de Mathieu (années 1880)......................p. 759
-Illustration 120 : Scie à arbre (années 1880)..........................................................p. 761
-Illustration 121 : Aiguille à chas mobile (années 1890).........................................p. 762
-Illustration 122 : Boîte à autopsie en métal de Collin (années 1900) ....................p. 770
-Illustration 123 : Scie à dos mobile avec manche en métal de Mathieu
(années 1900)....................................................................................................p. 771
-Illustration 124 : Entérotome (années 1900)..........................................................p. 775
-Illustration 125 : Bronchiotome (années 1860)......................................................p. 775
-Illustration 126 : Scie à lame convexe (années 1810)............................................p. 777
-Illustration 127 : Scie rachitome (années 1860).....................................................p. 778
-Illustration 128 : Scie rachitome double (années 1860).........................................p. 778
-Illustration 129 : Rachitome à épaulement (années 1860) .....................................p. 779
1212

-Illustration 130 : Rachitome d’Amussat (années 1860).........................................p. 779
-Illustration 131 : Section des lames vertébrales avec le rachitome d’Amussat .....p. 780
-Illustration 132 : Rachitome de Brunetti (années 1900) ........................................p. 780
-Illustration 133 : Section des lames vertébrales avec le rachitome de Brunetti.....p. 780
-Illustration 134 : Cisailles de Magendie (années 1860) .........................................p. 781
-Illustration 135 : Cisailles de Hirschfeld (années 1860) ........................................p. 781
-Illustration 136 : Médullotome de Hirschfeld (années 1860) ................................p. 782
-Illustration 137 : Scie mécanique d’Ollier (années 1870)......................................p. 784
-Illustration 138 : Couteau de Virchow (années 1880)............................................p. 786
-Illustration 139 : Ouverture de la boîte crânienne avec la trépan et la scie............p. 792
-Illustration 140 : Ouverture de la boîte crânienne au marteau ...............................p. 793
-Illustration 141 : Ouverture de la boîte crânienne à la scie....................................p. 793
-Illustration 142 : Etui de lames de scalpel de Charrière (années 1860) .................p. 799
-Illustration 143 : Trousse à dissection en métal de Mathieu (années 1860) ..........p. 801
-Illustration 144 : Trousse médicale de Galante (années 1880) ..............................p. 802
-Illustration 145 : Trousse médicale porte feuilles de Mathieu (années 1900) .......p. 802
-Illustration 146 : Trousse médicale à quatre compartiments de Mathieu
(années 1900)....................................................................................................p. 803
-Illustration 147 : Boîte de poche pour petite chirurgie de Mathieu (années 1900) p. 804
• CHAPITRE 8
-Illustration 148 : Les différentes espèces composant « les escouades de
la mort » ..........................................................................................................p. 846
-Illustration 149 : Poumons d’un enfant nouveau-né n’ayant pas respiré.
Etat fœtal ..........................................................................................................p. 862
-Illustration 150 : Poumons d’un enfant nouveau-né pénétrés par l’air et le sang ..p. 862
-Illustration 151 : Photographie d’une femme dont le visage est déformé par les
premiers phénomènes morbides .......................................................................p. 882
1213

-Illustration 152 : Photographie de la même femme après les soins .......................p. 882
-Illustration 153 : Photographie d’un homme ayant séjourné dans l’eau, le visage et
gonflé et la peau a pris une coloration verte.....................................................p. 884
-Illustration 154 : Photographie du même homme après les soins..........................p. 884
-Illustration 155 : Tablier-bavette à boutonnière de Bruneau (années 1910)..........p. 907
-Illustration 156 : Tablier en toile caoutchoutée de Bruneau (années 1910)...........p. 907
-Illustration 157 : Décollement de la plèvre pariétale, protection des mains de
l’opérateur par le repli des téguments sur les côtes coupées ............................p. 923
-Illustration 158 : Désarticulation des clavicules, risque de piqûre anatomique.....p. 924
-Illustration 159 : Gant du Dr Chaput en caoutchouc (années 1900) ......................p. 926
-Illustration 160 : Gant américain en caoutchouc (années 1900) ............................p. 926
• ANNEXES N°26 A 37
-Illustration 161 : Rapport constitué de paragraphes successifs..............................p. 1085
-Illustration 162 : Rapport où les groupes d’observations sont distingués par
des numéros ......................................................................................................p. 1087
-Illustrations 163 et 164 : Rapports avec les conclusions clairement indiquées .....p. 1089
-Illustration 165 : Rapport dont la construction suit des questions .........................p. 1091
-Illustration 166 : Rapport dont les titres correspondent aux régions corporelles
examinées .........................................................................................................p. 1099
-Illustration 167 : Rapport avec titres et numéros ...................................................p. 1103
-Illustration 168 : Rapport présenté en paragraphes (Louis André Ganne).............p. 1107
-Illustration 169 : Rapport avec titres dans la marge (Louis André Ganne)............p. 1111
-Illustration 170 : Rapports du Dr Louis André Ganne : établissement d’un modèle
à suivre. Rapport de janvier 1858.....................................................................p. 1118
-Illustration 171 : Rapports du Dr Louis André Ganne : établissement d’un modèle
à suivre. Rapport de juillet 1858.......................................................................p. 1122
-Illustration 172 : Rapport où le rédacteur désigne le défunt par le terme
de “victime”......................................................................................................p. 1126
1214

-Illustration 173 : Fiche de levée de corps...............................................................p. 1129
• ANNEXES N°47 A 55
-Illustration 174 : Carte des Deux-Sèvres (1845)....................................................p. 1177
-Illustration 175 : Carte de la Vienne (1870)...........................................................p. 1179
-Illustration 176 : Fiches modèles de Lacassagne ...................................................p. 1181
-Illustration 177 : Mémoire des honoraires d’expertise ..........................................p. 1184
-Illustration 178 : Cire anatomique. Corps complet d’une femme..........................p.1186
-Illustration 179 : Cire anatomique. Première phase du démontage : la peau est
retirée................................................................................................................p. 1186
-Illustration 180 : Cire anatomique. Deuxième phase du démontage : les muscles
sont enlevés ......................................................................................................p. 1186
-Illustration 181 : Cire anatomique. Troisième phase du démontage : les premiers
organes sont retirés ...........................................................................................p. 1187
-Illustration 182 : Cire anatomique. Quatrième phase du démontage : différents
organes sont ouverts .........................................................................................p. 1187
-Illustration 183 : Une exécution capitale................................................................p. 1187
-Illustration 184 : Vue intérieure de la Morgue.......................................................p. 1187
-Illustration 185 : Aertz Pietersz, L’anatomie du Dr Egbertez (1603). Visage
cadavérique dissimulé par un bras....................................................................p. 1188
-Illustration 186 : Van Miereveld, Anatomie du Dr van der Meer (1617). Visage
cadavérique dissimulé ......................................................................................p. 1188
-Illustration 187 : Jean Riolan, Les Œuvres anatomiques (1629). Visage à
découvert ..........................................................................................................p. 1188
-Illustration 188 : Du Laurens, Opera Omnia (1628). Table de dissection ovale ...p. 1189
-Illustration 189 : William Hogarth, Les quatre étapes de la cruauté (1751). Table
de dissection ovale............................................................................................p. 1189
-Illustration 190 : Le bateau morgue de Lyon en 1901 ...........................................p. 1189
1215

AUTRES DOCUMENTS
-Annexe n°38 : Liste alphabétique des ouvrages généraux de médecine légale
publiés en France entre 1795 et 1915 ...............................................................p. 1133
-Annexe n°39 : Tableau de la répartition chronologique des manuels et traités
de médecine légale, publiés en France de 1795 à 1915....................................p. 1139
-Annexe n°40 : Questionnaire du Ministère de l’Intérieur, Direction de l’Assistance
Publique, Hôpitaux et hospices ........................................................................p. 1141
-Annexe n°41 : Salles et autres locaux mis à la disposition des médecins par les
hôpitaux et hospices pour réaliser les examens post mortem ...........................p. 1146
-Annexe n°42 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour les incisions,
les sections et les parties osseuses ....................................................................p. 1149
-Annexe n°43 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour explorer,
mesurer et observer...........................................................................................p. 1156
-Annexe n°44 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour les expériences
et les observations complémentaires ................................................................p. 1163
-Annexe n°45 : Matériel de l’autopsie. Listes d’instruments pour achever
l’examen ...........................................................................................................p. 1167
-Annexe n°46 : Ordre préconisé par les auteurs pour l’ouverture des cavités
splanchniques ...................................................................................................p. 1171
1216

TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS......................................................................................................p. 5
ABREVIATIONS ..........................................................................................................p. 7
SOMMAIRE.................................................................................................................p. 9
INTRODUCTION GENERALE................................................................................ p. 13
Première partie
« MEDECIN AU RAPPORT » POUR LA JUSTICE :
PRECARITE DU STATUT DE L’EXPERT ET
NORMALISATION DU RAPPORT D’AUTOPSIE
Introduction de la première partie ............................................................... p. 61
Chapitre 1 er . LA REQUISITION DES MEDECINS EXPERTS :
MAITRISER LES HOMMES POUR MAITRISER L’ACTE .............. p. 63
I) La réquisition : un pouvoir partagé.............................................. p. 64
A) Dans les textes officiels ........................................................... p. 64
B) Dans la pratique judiciaire ....................................................... p. 68
1) Une ou plusieurs instances requérantes...................................... p. 68
2) Le juge d’instruction, roi de la réquisition .................................. p. 72
C) Suicides et morts accidentelles : originalité des réquisitions
expertales ? ........................................................................ p. 78
1) La constitution du corpus suicidaire et accidentel ........................ p. 78
2) Particularismes départementaux ............................................... p. 82
II) Les hommes de l’art requis.......................................................... p. 85
A) Un titre, des diplômes .............................................................. p. 85
1) Un flou juridique................................................................... p. 85
2) Des experts médicaux hétérogènes ? ......................................... p. 87
3) Le déclin des officiers de santé ................................................ p. 91
B) L’âge et le domicile des experts............................................... p. 96
1) Jeunesse, maturité ou ancienneté ?............................................ p. 96
2) Entraide entre voisins............................................................. p. 101
C) Combien de médecins faut-il pour réaliser une expertise ? ..... p. 103
1) Recommandations numériques................................................. p. 103
2) Nombre d’experts requis......................................................... p. 105
1217

III) Commettre ou soumettre le médecin expert ? .......................... p. 111
A) Formalités de la réquisition...................................................... p. 111
1) Formes de la réquisition ......................................................... p. 111
2) Le refus de réquisition............................................................ p. 116
B) Etapes de la soumission de l’expert ......................................... p. 120
1) Le serment........................................................................... p. 120
2) Directives du magistrat........................................................... p. 126
C) Expert, un statut fragile ............................................................ p. 129
1) A chacun son serment ............................................................ p. 129
2) Défendre son particularisme.................................................... p. 131
Chapitre 2. LES US ET COUTUMES DU RAPPORT D’AUTOPSIE...... p. 137
I) Conditions et contraintes rédactionnelles .................................... p. 138
A) Le rapport dans le dossier d’instruction................................... p. 138
B) La rédaction : délai et préparation............................................ p. 144
1) Temps rédactionnel ............................................................... p. 144
2) Travail préparatoire ............................................................... p. 147
C) Rédacteurs et lieux de rédaction .............................................. p. 150
1) Des experts écrivains ............................................................. p. 150
2) Lieux de la rédaction.............................................................. p. 154
II) Typologie des rapports d’autopsie .............................................. p. 157
A) La forme… ............................................................................. p. 157
1) Evolution de la structure du rapport .......................................... p. 157
2) Les rapports d’autopsies poitevins ............................................ p. 160
B) … et le fond.............................................................................. p. 164
1) Le préambule ....................................................................... p. 164
2) Le corps du rapport d’autopsie................................................. p. 166
3) Les conclusions .................................................................... p. 169
C) Juges et rapports judiciaires ..................................................... p. 170
1) Reprise des questions du juge .................................................. p. 171
2) Utilisation du rapport par son commanditaire.............................. p. 176
III) Le rapport judiciaire, source ésotérique................................... p. 180
A) La photographie : un « témoin irrécusable » peu entendu....... p. 180
B) L’art des rapports d’expertise n’est pas artistique.................... p. 189
1) Une absence d’iconographies................................................... p. 189
2) Un particularisme médico-légal ? ............................................. p. 197
C) De l’art du rapport à la science du rapport............................... p. 204
Chapitre 3. DES MEDECINS ET DES EXPERTS ................................... p. 215
I) Les prémices de la spécialisation en médecine légale.................. p. 216
A) Du médecin expert au médecin légiste .................................... p. 217
1) La médecine légale : une spécialité médicale ?............................ p. 218
2) Les compétences des experts médicaux : liste officielle et diplôme . p. 223
1218

3) L’impossible professionnalisation des médecins experts ............... p. 233
B) Les “ténors” de l’expertise médico-légale ............................... p. 241
1) Autorité, mode d’emploi......................................................... p. 241
2) S’en référer aux hautes autorités............................................... p. 249
3) Renforcer son rôle d’autorité ................................................... p. 259
C) Autorités médico-légales locales.............................................. p. 263
1) Territoire, fréquence et longévité.............................................. p. 263
2) Les divers profils des autorités médico-légales locales.................. p. 269
3) Une autorité inamovible ......................................................... p. 274
II) La formation des hommes de l’art .............................................. p. 281
A) L’enseignement de la médecine légale .................................... p. 282
1) L’enseignement médical post-révolutionnaire ............................. p. 282
2) Création d’un enseignement médico-légal.................................. p. 286
3) L’apprentissage par la pratique ................................................ p. 294
B) La “formation continue” du médecin expert............................ p. 305
1) La diffusion des savoirs : préceptes et concepts........................... p. 305
2) La littérature médico-légale..................................................... p. 310
3) Dictionnaires et périodiques, outils de propagande....................... p. 323
4) Lieux d’échange et d’instruction .............................................. p. 332
C) Ecoles de pensée médico-légale............................................... p. 338
1) Maîtres et disciples................................................................ p. 338
2) Les domaines réservés de chaque Faculté................................... p. 346
Conclusion de la première partie.................................................................. p. 359
Deuxième partie
CONTRAINTES ET LIBERTES PROTOCOLAIRES DE
L’AUTOPSIE MEDICO-LEGALE
Introduction de la deuxième partie .............................................................. p. 363
Chapitre 4. PRATIQUER UNE AUTOPSIE : UNE PRISE DE RISQUES
PROFESSIONNELLE ET INDIVIDUELLE........................................ p. 365
I) Toute peine mérite salaire : les honoraires des experts .............. p. 366
A) Aux sources du conflit financier .............................................. p. 367
1) Le mutisme des sources.......................................................... p. 367
2) Décret du 18 juin 1811 : des tarifs dérisoires............................... p. 375
3) Décret du 18 juin 1811 : une application problématique................ p. 382
B) Revendication et aménagements : un bras de fer médico-judiciaire
autour du décret de 1811 ...................................................p. 387
1) Défendre ses honoraires, défendre son honneur........................... p. 387
1219

2) Les moyens d’action.............................................................. p. 391
3) La justice à tout prix ?............................................................ p. 395
C) Instauration de nouveaux honoraires d’expertises en 1893 ..... p. 401
1) Les prémices de la réforme ..................................................... p. 401
2) Les nouveaux tarifs ............................................................... p. 403
3) Application des nouveaux tarifs ............................................... p. 407
II) L’expert au secours de la communauté ...................................... p. 412
A) Les devoirs du médecin expert ................................................ p. 413
1) Dévouement......................................................................... p. 414
2) Prudence ............................................................................. p. 417
3) Impartialité .......................................................................... p. 421
B) La toute puissance du médecin expert ..................................... p. 429
1) Les experts médico-légaux : un contre-pouvoir judiciaire ?............ p. 429
2) Les magistrats et l’expertise : confiance, défiance et méfiance ....... p. 435
III) Bonne et mauvaise publicité....................................................... p. 442
A) Risquer sa carrière pour quinze minutes de gloire................... p. 442
1) La notoriété.......................................................................... p. 442
2) Une réputation en jeu............................................................. p. 445
B) Responsabilités et dérives de l’expertise judiciaire ................. p. 452
1) Des risques partagés .............................................................. p. 452
2) L’expert responsable de son expertise ? ..................................... p. 454
Chapitre 5. PRESCRIPTION, PERCEPTION, PROMOTION................ p. 463
I) Interdits et libertés de la pratique cadavérique........................... p. 464
A) Un cadavre, des examens cadavériques ................................... p. 464
1) La vérification des décès......................................................... p. 464
2) La dissection ........................................................................ p. 467
3) L’embaumement et le moulage ................................................ p. 468
4) L’autopsie ........................................................................... p. 469
B) Un calendrier délimité..............................................................p. 471
1) La saison cadavérique ............................................................ p. 471
2) 24 heures de sursis pour le défunt............................................. p. 478
C) Des hommes de l’art sous surveillance .................................... p. 488
1) Autorisations d’autopsier........................................................ p. 488
2) Opposition et restrictions ........................................................ p. 496
3) Regards inquisiteurs .............................................................. p. 504
II) Perception profane et perception médicale ................................ p. 513
A) Idées fausses et fantasmagorie macabre................................... p. 514
1) Le respect du cadavre............................................................. p. 514
2) Attraction et répulsion............................................................ p. 522
3) Les hommes de l’art : entre insensibilité et trahison ..................... p. 535
B) Les désagréments de l’autopsie................................................ p. 543
1) Vivre avec la mort................................................................. p. 543
2) Les révélations de l’autopsie.................................................... p. 547
3) L’autopsie, marque infamante.................................................. p. 553
1220

C) Des médecins et des morts ....................................................... p. 559
1) Un mort ne peut être soigné..................................................... p. 559
2) Des sens à rude épreuve.......................................................... p. 565
3) Des sentiments à contenir ....................................................... p. 575
III) Emergence d’un protocole moral de l’autopsie........................ p. 583
A) Ménager la sensibilité de la famille ......................................... p. 583
1) Incisions et extractions ........................................................... p. 584
2) Reconstitution et dissimulation ................................................ p. 593
B) Recherches dans l’intérêt des familles ..................................... p. 602
1) Convaincre l’opinion ............................................................. p. 603
2) Une opinion convaincue ......................................................... p. 606
Conclusion de la deuxième partie ................................................................. p. 615
Troisième partie
LES CONDITIONS D’EXERCICE DE L’AUTOPSIE :
SAVOIR S’ADAPTER A SON ENVIRONNEMENT
Introduction de la troisième partie............................................................... p. 621
Chapitre 6. THEATRES DE L’AUTOPSIE JUDICIAIRE....................... p. 623
I) Le local idéal ................................................................................... p. 624
A) Faire la lumière sur l’autopsie.................................................. p. 624
B) Besoin d’air ..............................................................................p. 628
C) La table d’autopsie : supporter le corps et évacuer les déchets p. 631
1) Commodité d’exercice ........................................................... p. 631
2) Bois, pierre ou métal ? ........................................................... p. 634
3) « La maîtrise des flux » .......................................................... p. 637
D) La solution : le dépôt mortuaire ...............................................p. 642
II) Les lieux utilisés ............................................................................ p. 647
A) Typologie des espaces.............................................................. p. 647
1) Lieux de vie privés ................................................................ p. 648
2) Lieux de travail privés............................................................ p. 650
3) Lieux publics........................................................................ p. 651
4) Lieux médicalisés.................................................................. p. 653
B) La répartition des lieux de l’autopsie ....................................... p. 654
1) Indications méthodologiques ................................................... p. 654
2) Des examens en majorité « privés » ou « publics »....................... p. 655
3) Opérer sur un lieu de travail .................................................... p. 662
1221

C) Trouver un local convenable.................................................... p. 664
1) Sortir de l’ombre................................................................... p. 664
2) Ventilation, discrétion ou pollution : un dilemme aérien................ p. 668
3) D’infortunées tables de fortune ................................................ p. 670
III) Les structures médicalisées ........................................................ p. 679
A) Place et rôle des lieux médicalisés........................................... p. 679
1) Les établissements hospitaliers ................................................ p. 681
2) L’Ecole de médecine de Poitiers .............................................. p. 687
B) Des structures adaptées ? ......................................................... p. 691
1) De l’amphithéâtre de dissection au cabanon de jardin................... p. 691
2) Critères hospitaliers et critères “autoptiques”.............................. p. 694
3) La morgue : parangon du lieu d’autopsie ? ................................. p. 697
Chapitre 7. LA “BOITE A OUTILS” DU MEDECIN EXPERT.............. p. 701
I) La panoplie du parfait médecin expert ........................................ p. 702
A) Instruments pour inciser et sectionner ..................................... p. 703
1) Couteaux, bistouris et scalpels ................................................. p. 703
2) Deux lames valent mieux qu’une.............................................. p. 710
B) “Tomber sur un os” ..................................................................p. 713
1) Cisailles et sécateurs.............................................................. p. 713
2) Instruments à lame dentée....................................................... p. 715
3) Instruments à percussion......................................................... p. 720
4) La rugine............................................................................. p. 723
C) Instruments d’exploration ........................................................ p. 724
1) Pinces et crochets.................................................................. p. 724
2) Sonder les abîmes corporels .................................................... p. 730
D) Le matériel complémentaire .................................................... p. 734
1) Prendre des mesures .............................................................. p. 734
2) Scruter et insuffler................................................................. p. 739
3) Rendre le corps (presque) dans l’état où on l’a trouvé................... p. 741
II) L’évolution technique du matériel d’autopsie............................ p. 743
A) Modifications apportées aux principaux instruments .............. p. 745
1) Optimiser l’efficacité par la forme ............................................ p. 745
2) Solidité et démontage : les systèmes de fixation .......................... p. 757
3) Le choix des matériaux........................................................... p. 763
B) Apparition d’un matériel spécialisé ......................................... p. 772
1) Modalités d’appellation.......................................................... p. 772
2) Les instruments spécialisés : variations sur le même thème............ p. 774
C) Disparition d’instruments obsolètes ou sans intérêt réel.......... p. 783
1) Des attitudes réfractaires......................................................... p. 783
2) Procédures d’abandon ............................................................ p. 786
III) Autopsier avec seulement un bistouri........................................ p. 789
A) Des listes d’instruments personnalisées .................................. p. 789
1) Le nombre requis .................................................................. p. 789
2) Un matériel en adéquation avec la technique opératoire ................ p. 791
1222

3) Les boîtes à autopsie.............................................................. p. 795
B) Une panoplie onéreuse ............................................................. p. 796
C) Une trousse de médecin en guise de boîte d’autopsie.............. p. 804
1) Evocations matérielles dans les dossiers de procédures................. p. 804
2) Le matériel des établissements hospitaliers ou d’enseignement....... p. 807
3) Des lacunes révélatrices.......................................................... p. 810
Chapitre 8. « UNE CHAROGNE INFAME » : LA DECOMPOSITION
PUTRIDE DU CORPS.......................................................................... p. 817
I) La putréfaction : une alliée précieuse du médecin expert… ...... p. 818
A) Etudes sur les phénomènes putrides ........................................ p. 820
1) Les phases de la décomposition................................................ p. 822
2) Les facteurs de développement ................................................ p. 824
3) Eléments explicatifs des phénomènes putrides ............................ p. 827
B) L’âge du cadavre ......................................................................p. 829
C) Les « escouades » de la mort ................................................... p. 840
II) …Mais un obstacle et un risque à surmonter............................. p. 850
A) Complications et précautions médico-légales dans l’examen d’un
corps en décomposition ................................................... p. 851
1) Evaluation du stade putride et utilité de l’examen ........................ p. 852
2) Un examen sous influence ...................................................... p. 857
3) Une prudence et un doute décuplés ........................................... p. 859
B) Lutter contre l’inéluctable ........................................................ p. 868
1) Embaumement et autopsie médico-légale, opérations incompatibles p. 868
2) Le froid conserve .................................................................. p. 870
3) Aspersions et couvertures antiputrides....................................... p. 875
4) La reconstruction de l’identité ................................................. p. 879
C) Supporter et affronter la chair décomposée.............................. p. 885
1) Actions corporelles................................................................ p. 885
2) Actions environnementales ..................................................... p. 892
3) Actions personnalisées ........................................................... p. 895
III) Traitements et préventions de la menace putride .................... p. 899
A) Désinfection et préservation des objets.................................... p. 900
1) Un local purifié..................................................................... p. 900
2) Un matériel à usages multiples................................................. p. 902
3) La tenue d’autopsie ............................................................... p. 906
B) La purification des hommes ..................................................... p. 910
1) Attention à vos doigts : les piqûres anatomiques.......................... p. 911
2) Prévenir plutôt que guérir ....................................................... p. 920
3) Obstacles à la mise en pratique ................................................ p. 929
Conclusion de la troisième partie.................................................................. p. 937
1223

CONCLUSION GENERALE .................................................................................... p. 941
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE............................................................................ p. 957
Sources manuscrites. Présentation générale des séries............................... p. 959
Sources manuscrites. Détail des affaires criminelles et correctionnelles .. p. 969
Sources imprimées ......................................................................................... p. 993
Bibliographie .................................................................................................. p. 1025
ANNEXES................................................................................................................. p. 1055
Tableaux statistiques...................................................................................... p. 1057
Rapports d’autopsies médico-légales ........................................................... p. 1085
Listes, inventaires, questionnaires................................................................ p. 1131
Illustrations..................................................................................................... p. 1175
TABLE DES GRAPHIQUES ET DES TABLEAUX STATISTIQUES ..................... p. 1193
TABLE DES ILLUSTRATIONS ET AUTRES DOCUMENTS................................. p. 1207
TABLE DES MATIERES.......................................................................................... p. 1217
1224

DANS LES COULISSES DE L’AUTOPSIE JUDICIAIRE : CADRES, CONTRAINTES ET
CONDITIONS DE L’EXPERTISE CADAVERIQUE DANS LA FRANCE DU XIX e SIECLE
Résumé : Au XIX e siècle, la médecine légale se constitue comme une science à part
entière. Dès 1795, après la réorganisation de l’enseignement médical, elle est intégrée à la
formation des docteurs en médecine. Les magistrats considèrent que chaque médecin est
capable de réaliser une autopsie médico-légale. Loin de structures adaptées, les médecins
experts ordinaires doivent répondre aux attentes et questions des magistrats sur les causes
du décès. Les conditions matérielles dans lesquelles ils effectuent les examens
cadavériques sont peu conformes aux critères établis par la littérature spécialisée. Les
médecins experts doivent s’adapter et improviser en fonction de la situation. De plus, leur
participation à une procédure judiciaire constitue un risque professionnel et personnel.
Mais, l’autopsie judiciaire est l’activité cadavérique qui offre le plus de libertés opératoires
à ses praticiens. Réglementations, interdits et réticences populaires sont levés face à
l’autopsie médico-légale.
Mots-clés : médecine légale, XIX e siècle, expertise, médecin, expert, autopsie, cadavre,
mort
IN THE WINGS OF FORENSIC AUTOPSY: CONTEXTS, CONTRAINTS AND CONDITIONS OF
POST MORTEM MEDICAL EXAMINATION IN FRANCE IN THE 19 th CENTURY
Abstract: In the 19 th century, forensic medicine is formed as a full science. From 1795,
after the reorganization of medical education, it is included into the teaching for the
doctorate of medicine. Judges consider each physician is able to carry out a forensic
autopsy. Far from suitable structures, ordinary medical experts have to answer the judges’
expectations and questions about the causes of death. They perform post mortem
examinations in material conditions that are not in accordance with the criteria established
by literature. Medical experts have to get used to the situation and to improvise. Moreover,
their participation in legal proceedings is a professional and a personnel hazard. However,
forensic autopsy offers more technical freedom than other post mortem activities. Forensic
autopsy lifts all the regulations, the bans and the popular reluctances.
Key words: forensic medicine, 19 th century, examination, physician, expert, autopsy, dead
body, death