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Des vestiges

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l’évolution typologique qui étaient recherchées comme des marqueurs d’événements<br />

culturels, comme si les matériaux archéologiques n’étaient qu’une simple décalque, une<br />

empreinte directe des événements historiques du passé auxquels on pouvait directement avoir<br />

accès par leur intermédiaire. Les historiens faisaient de l’histoire avec des textes et les<br />

archéologues poursuivaient le travail historique sur les « sociétés sans histoire » avec des<br />

matériaux archéologiques ; c’était clair. Surtout, je ne possédais pas une connaissance<br />

suffisante de l’histoire de l’archéologie pour pouvoir montrer que ce changement<br />

d’interprétation ne remettait pas en cause, bien au contraire, le paradigme kossinien sur lequel<br />

la thèse migrationniste elle-même s’était construite: à savoir qu’on persistait à attribuer aux<br />

transformations des caractères typologiques de la culture matérielle le statut d’indicateur<br />

direct des changements culturels éprouvés par les populations qui l’avait produite 61 . Alors que<br />

les chercheurs des années 1920 et 1930 tiraient des phénomènes de rupture qu’il observaient<br />

dans la chronologie du mobilier métallique la conclusions qu’ils étaient provoqués par des<br />

migrations de populations, les chercheurs des années 1980, qui se pensaient beaucoup mieux<br />

informés, tiraient des phénomènes de continuité que mettait en évidence l’analyse fine des<br />

assemblages archéologique la conclusion symétrique que ces derniers étaient le résultat d’une<br />

évolution sur place des populations, assimilant les influences extérieures.<br />

Quelque chose n’allait pas avec cela, quelque chose qui choquait le raisonnement<br />

archéologique. Le premier problème tenait à l’interprétation des processus en cause dans les<br />

phénomènes de changement culturels, qui étaient ramenés à une seul et unique origine.<br />

L’interprétation des données était piégée dans un raisonnement circulaire, d’où elle ne pouvait<br />

sortir : dans la mesure où les transformations stylistiques étaient interprétées comme le<br />

résultat plus ou moins direct d’événénements historiques particuliers, la nécessaire unification<br />

des systèmes typo-chronologiques en usage dans les différentes régions aboutissait à une<br />

inéluctable unification des processus de changement culturels envisagés pour expliquer ces<br />

transformations.<br />

Une autre archéologie est possible<br />

Le grand historien de l’art allemand Aby Warburg – qui a initié au début du XX ème<br />

siècle le projet révolutionnaire d’une histoire de l’art fonctionnant comme une « biologie »<br />

des images, ou encore comme une anthropologie des représentations – a déclaré qu’il s’était<br />

engagé dans cette voie, parce qu’il était « sincèrement dégoûté » de « l’histoire de l’art<br />

esthétisante », dont il trouvait les débats et les controverses « stériles » 62 . Sans en être<br />

« dégoûté », je n’ai jamais été réellement satisfait par l’archéologie telle que j’ai pu la<br />

cotoyer, notamment en France, dans la mesure où elle m’a toujours paru dépenser beaucoup<br />

d’énergie à côté de son objet véritable. J’ai mis longtemps à me rendre compte qu’au delà du<br />

caractère traditionnellement historico-culturel de cette archéologie conventionnelle, c’est<br />

fondamentalement sa dimension « historique » qui me gênait et, plus exactement encore, c’est<br />

le discours historique conventionnel qui me met mal à l’aise lorsqu’il est surimposé au passé<br />

archéologique. Nous avons tous tellement été élevés dans le culte de l’histoire qu’il paraît<br />

aujourd’hui presque blasphématoire de dire que, dans l’archéologie, c’est la manière<br />

61 J’ai développé cette argumentation dans une contribution au colloque de l’AFEAF de Colmar, paru en 2003 :<br />

« Peuples », « cultures » et manifestations archéologiques de l’âge du Fer : Gustav Kossinna, Gordon Childe et<br />

nous. Dans PLOUIN S. et JUD P. (dir .) – Habitats, mobiliers et groupes régionaux à l’âge du Fer. Actes du<br />

XXe Colloque de l'Association Française pour l'Etude de l'Age du Fer (Colmar, 1996). Dijon, 20 ème supplément<br />

à la Revue Archéologique de l’Est, 2003, p. 231-239.<br />

62 GOMBRICH (1970) : 88.<br />

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