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Des vestiges

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ne fouiller que des sites du premier âge du Fer, si possible « riches » ou « exceptionnels » ; je<br />

pensais quant à moi qu’il était essentiel, au stade particulièrement lacunaire où en était la<br />

connaissance de l’archéologie de ces périodes, d’aborder les sites dans l’étude de leur<br />

contexte chronologique et spatial : cela impliquait d’une part de s’intéresser à l’histoire de<br />

l’occupation des sites, qui se développait dans la longue durée, et d’autre part d’examiner leur<br />

environnement archéologique, de manière à tenter d’aborder le réseau d’occupation du sol<br />

dans lequel les constructions archéologiques que nous fouillions prenaient place.<br />

Evidemment, cela nécessitait qu’on se consacre à des périodes qui n’étaient pas celles du<br />

premier âge du Fer et qu’on s’emploie à recueillir de l’information sur des sites qui ne<br />

contenaient pas de mobilier bien conservé, comme dans les nécropoles. Cela n’intéressait plus<br />

Walter ni la plupart de nos amis allemands, qui venaient chez nous pour trouver quelque<br />

chose. Parallèlement à la poursuite de la fouille la plus complète du site de Diarville – y<br />

compris dans ses occupations médiévales les plus récentes – nous avons donc concentré nos<br />

efforts sur la reconnaissance systématique d’un territoire de 400 kilomètres carrés, développé<br />

à la périphérie du site de hauteur de la « Côte de Sion » à Saxon-Sion (Meurthe-et-Moselle),<br />

où devait manifestement être recherché le centre économique ayant provoqué cette<br />

concentration de richesses au VI ème siècle av. J.-C. Nous avons pris en compte une échelle<br />

chronologique de longue durée, étendue des débuts de l’âge du Bronze jusqu’au début de la<br />

période contemporaine. Les résultats de cette enquête, à l’occasion de laquelle nous avons<br />

procédé à plusieurs séries de sondages, en particulier dans les enceintes protohistoriques de<br />

Gugney (Meurthe-et-Moselle) et de Saxon-Sion, ont été particulièrement importants pour la<br />

poursuite de nos recherches sur l’âge du Fer. J’y reviendrai bientôt.<br />

Quoi de neuf sur la guerre ?<br />

Cette expérience franco-allemande, qui s’est poursuivie pendant cinq ans, a été pour<br />

les uns et les autres un apprentissage extrêmement important : en confrontant sur un même<br />

terrain les méthodes avec lesquelles nous fonctionnions ici, en France, et là-bas, en<br />

Allemagne, nous mettions en présence, face à un même objet archéologique, des traditions de<br />

recherche, des stratégies et des façon de penser les <strong>vestiges</strong> du passé en réalité opposées. Mon<br />

intérêt pour l’histoire de l’archéologie – qu’avait éveillé Alain Schnapp dans ses cours à<br />

l’Institut d’Archéologie de la rue Michelet – a commencé à travailler à ce moment, stimulé<br />

par la question de savoir ce sur quoi se fondait cette façon que nous avions, nous Français et<br />

eux Allemands, d’appréhender différemment non seulement la fouille mais aussi les <strong>vestiges</strong><br />

archéologiques et la finalité même de la démarche archéologique.<br />

Bien qu’aucun d’entre nous, Français ou Allemands, n’ait connu directement les<br />

événements de la Seconde Guerre Mondiale – nos parents étaient enfants – nous faisions se<br />

confronter, dans notre rencontre, l’histoire de nos deux pays, avec ses tabous et ses non dits.<br />

Je n’avais pas réalisé par exemple que, pour les gens de Marainville et des environs, notre<br />

fouille leur donnerait pour la première fois l’occasion d’entendre à nouveau parler Allemand<br />

chez eux depuis 1944. Pourtant, la plupart nous témoignaient beaucoup de soutien et de<br />

gentillesse ; pour eux, le fait qu’une équipe composée de jeunes Français et Allemands puisse<br />

travailler et vivre ensemble était le signe tangible que la guerre était bien finie. Notre présence<br />

ensemble, sur le chantier ou chez eux, étaient pour eux une sorte de revanche tranquille, mais<br />

irrécusable, de la vie sur les malheurs du passé. C’est lorsque nous sommes allés en<br />

Allemagne que la réalité du poids de la Seconde Guerre Mondiale nous est apparue dans toute<br />

sa force et en même temps dans toute son absence totale de possibilité de réparation.<br />

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