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16 / N°194 / janvier 2012 / la terrasse<br />
théâtre critiques<br />
Molière<br />
LE TARTUFFE<br />
Mise <strong>en</strong> scène<br />
Monique HERVOUET<br />
compagnie banquet d’avril<br />
4 et 5 janvier : la Halle aux Grains à Blois (41) / 31 janvier : C<strong>en</strong>tre Culturel Joël Le Theule à Sablé-sur-Sarthe (72)<br />
11, 12, 13 janvier : Grand R à <strong>La</strong> Roche-sur-Yon (85) / 9 et 10 février : Onyx à Saint-Herblain (44)<br />
16 janvier : Scène Nationale 61 à Flers (61) / 29 février et 1er mars : Théâtre Quartier Libre à Anc<strong>en</strong>is (44)<br />
24 et 25 janvier : Théâtre Municipal à <strong>La</strong>val (53) / 8 mars : Théâtre Municipal à Morlaix (29)<br />
27 janvier : Piano’cktail à Bougu<strong>en</strong>ais (44) / 17 mars : Théâtre Jean Vilar à Suresnes (92)<br />
22 et 23 mars : C<strong>en</strong>tre Culturel Jacques Duhamel à Vitré (35)<br />
www.banquetdavril.fr<br />
Coproduction :<br />
Le Grand R / Scène Nationale de la Roche-sur-Yon.<br />
critique <br />
la PrOmesse de l’aUBe<br />
Bruno aBraham-kremer raconte <strong>en</strong> virtuose la promesse De l’auBe<br />
De gary, jouant les rôles Du narrateur autoBiographe, De sa chère<br />
mère et Des autres.<br />
« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube<br />
une promesse qu’elle ne ti<strong>en</strong>t jamais… On vi<strong>en</strong>t<br />
toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme<br />
un chi<strong>en</strong> abandonné. » <strong>La</strong> voix de Romain Gary<br />
est d’emblée id<strong>en</strong>tifiable dans la perception de<br />
ces intonations griffées d’ironie et d’humour, de<br />
distance et de dérision délicate qui révèl<strong>en</strong>t une<br />
s<strong>en</strong>sibilité à fleur de peau. Dans <strong>La</strong> Promesse de<br />
l’aube, le récit à connotation autobiographique est<br />
pris <strong>en</strong> charge scéniquem<strong>en</strong>t par Corine Juresco<br />
et le conteur Bruno Abraham-Kremer. Celui-ci<br />
investit le plateau avec un intérêt plein de feu, il<br />
est l’auteur narrateur qui prête à la figure féminine<br />
maternelle une att<strong>en</strong>tion toute particulière.<br />
<strong>La</strong> mère <strong>en</strong>vahissante a su décl<strong>en</strong>cher chez le<br />
jeune homme l’affirmation d’une construction personnelle.<br />
Dev<strong>en</strong>ir idéalem<strong>en</strong>t héros aviateur, puis<br />
diplomate, et dans le même temps, homme de lettres,<br />
voilà des projets affichés et manifestem<strong>en</strong>t un<br />
peu fous qui se sont pourtant accomplis. L’actrice<br />
Nina Borisovskaia accompagne le fils tant aimé<br />
dans ses études, grâce à une prés<strong>en</strong>ce vigoureuse<br />
et passionnée, teintée d’admiration pour<br />
la France – sa culture et sa littérature – et pour<br />
le statut prestigieux d’ambassadeur. Passant de<br />
la misère à la grande vie et vice-versa, de Russie<br />
<strong>en</strong> Pologne jusqu’à Nice, le couple joyeusem<strong>en</strong>t<br />
infernal de la mère et de l’<strong>en</strong>fant s’est armé pour<br />
la perspective chaotique de la vie.<br />
Bruissem<strong>en</strong>ts intimes<br />
De l’être<br />
Grâce à l’appr<strong>en</strong>tissage d’aviateur de l’école de<br />
l’air et de résistant à l’écoute de l’Appel du 18<br />
juin, <strong>en</strong> mission dans un ciel dangereux et belliqueux,<br />
le fils est fait preux chevalier d’aujourd’hui.<br />
Auparavant, il aura fallu passer par de petits arrangem<strong>en</strong>ts<br />
inavouables que la destinée prépare, et<br />
de médiocres humiliations maternelles : un fils n’a<br />
jamais haï sa mère comme lui, dit le narrateur.<br />
Et celle-ci, face aux camarades militaires virils et<br />
méprisants de son rejeton, répète : « Alors, tu as<br />
honte de ta vieille mère ? » Ri<strong>en</strong> des émotions ni<br />
des mouvem<strong>en</strong>ts de l’âme n’échappe au comédi<strong>en</strong><br />
Bruno Abraham-Kremer, plus conteur qu’acteur<br />
dans cette incarnation de gamin bousculé<br />
et contrarié mais imm<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t chéri <strong>en</strong> dépit<br />
des éternelles maladresses maternelles. Il joue<br />
le fils - héros manipulé et jouet fragile dans des<br />
mains divines -, il est aussi la mère à l’acc<strong>en</strong>t slave<br />
critique <br />
Blanche neige<br />
Deux ans après la création De Blanche neige, nicolas liautarD<br />
repr<strong>en</strong>D à la scène Watteau ce spectacle sans parole tiré Du conte Des<br />
frères grimm. une proposition qui Déploie De Belles suites D’images<br />
mais manque De suBstance.<br />
Tout comm<strong>en</strong>ce par une scène l<strong>en</strong>te et distanciée.<br />
Une reine, comme abs<strong>en</strong>te et mélancolique,<br />
assise au sein d’un large siège, brode une pièce<br />
de tissu un jour d’hiver. Elle se pique avec son<br />
aiguille. Il s’agit, évidemm<strong>en</strong>t, de la future mère de<br />
Blanche Neige qui, comme l’ont raconté Jacob<br />
et Wilhelm Grimm, forme le vœu de faire naître<br />
une <strong>en</strong>fant à la peau aussi blanche que la neige<br />
qu’elle voit tomber ce jour-là, aux lèvres aussi<br />
rouges que les gouttes de sang qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de<br />
jaillir de son doigt, aux cheveux aussi noirs que le<br />
bois d’ébène dont sont faites les f<strong>en</strong>êtres de son<br />
palais. Mais de tout cela ri<strong>en</strong> n’est dit. A l’instar<br />
de cette scène initiale totalem<strong>en</strong>t muette - scène<br />
baignée d’une atmosphère laiteuse et évanesc<strong>en</strong>te<br />
- pas un seul mot ne sera prononcé durant<br />
toute la durée du spectacle conçu par le direc-<br />
prononcé, il contrefait les camarades, français,<br />
anglais, américains… Ri<strong>en</strong> n’est impossible pour<br />
l’artiste quand il s’agit, au son d’une clarinette, de<br />
Bruno Abraham-Kremer <strong>en</strong> bel aviateur résistant.<br />
sertir un morceau d’Histoire contemporaine pour<br />
que les faits de guerre comme les bruissem<strong>en</strong>ts<br />
intimes de l’être ne connaiss<strong>en</strong>t pas l’oubli. <strong>La</strong><br />
construction de soi, aussi av<strong>en</strong>tureuse soit-elle,<br />
a valeur universelle de témoignage, chacun peut<br />
se reconnaître dans cette volonté exist<strong>en</strong>tielle<br />
furieuse.<br />
Véronique Hotte<br />
<strong>La</strong> Promesse de l’aube, de Romain Gary ; adaptation<br />
et mise <strong>en</strong> scène de Bruno Abraham-Kremer et<br />
Corine Juresco. À partir du 12 janvier 2012, pour<br />
100 représ<strong>en</strong>tations. Du mardi au samedi à 20h45.<br />
Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue R<strong>en</strong>é-Boulanger<br />
75010 Paris. Tél. 01 42 02 32 82 Spectacle vu au<br />
Théâtre de la Commune-CDN d’Aubervilliers.<br />
teur artistique de <strong>La</strong> Scène Watteau. Pas un mot,<br />
pas un cri, pas un chuchotem<strong>en</strong>t ne franchira les<br />
lèvres de Pauline Acquart, Juli<strong>en</strong> Campani, Jürg<br />
Häring et Marion Suzanne, les quatre interprètes<br />
qui compos<strong>en</strong>t le cheminem<strong>en</strong>t sans texte<br />
de ce Blanche Neige aux atouts ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />
picturaux.<br />
un cheminem<strong>en</strong>t<br />
elliptique<br />
Un cheminem<strong>en</strong>t elliptique auquel il manque des<br />
sursauts, des points de d<strong>en</strong>sité, auquel il manque<br />
des chocs, des contrastes, des partis pris allant<br />
plus loin que la simple composition de panoramas<br />
visuels (fuss<strong>en</strong>t-ils séduisants). Bi<strong>en</strong> sûr, ce<br />
Blanche Neige d’une grande élégance fait figure<br />
de belle proposition dans le paysage assez terne<br />
//// VOus cHercHeZ uN JOB étuDiANt, écriVeZ-NOus sur lA.terrAsse@wANADOO.fr ////<br />
© Pascal Gély<br />
© Siegrfried Marque<br />
© <strong>La</strong> Nouvelle Compagnie<br />
la terrasse / janvier 2012 / N°194 / 17<br />
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critique <br />
UrBik/OrBik<br />
le théâtre s’intéresse rarem<strong>en</strong>t à la sci<strong>en</strong>ce-fiction et c’est<br />
Bi<strong>en</strong> Dommage. urBik/orBik, nouvelle création De la compagnie<br />
haut et court, Donne <strong>en</strong> effet à p<strong>en</strong>ser que les Deux g<strong>en</strong>res sont<br />
intimem<strong>en</strong>t liés.<br />
Quelle différ<strong>en</strong>ce y a-t-il <strong>en</strong>tre le grand théâtre du<br />
monde fait de songes et de m<strong>en</strong>songes qu’arp<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
les héros de Shakespeare et le monde parallèle<br />
<strong>en</strong> forme de toile virtuelle t<strong>en</strong>taculaire qu’habit<strong>en</strong>t<br />
les personnages de Matrix ? <strong>La</strong> confondante<br />
réversibilité du réel <strong>en</strong> illusion est bi<strong>en</strong> constitutive<br />
du théâtre, autant que de la sci<strong>en</strong>ce-fiction, et l’on<br />
s’étonne à la vue d’Urbik/Orbik que ce cousinage<br />
n’ait pas davantage été exploité. <strong>La</strong> sci<strong>en</strong>ce-fiction<br />
reste <strong>en</strong> effet majoritairem<strong>en</strong>t propriété du roman,<br />
du cinéma ou plus récemm<strong>en</strong>t des jeux vidéo. <strong>La</strong><br />
faute peut-être à la difficulté de développer sur<br />
Le théâtre de sci<strong>en</strong>ce-fiction d’Urbik/Orbik.<br />
scène des effets spéciaux que le théâtre à machines<br />
baroque avait pourtant largem<strong>en</strong>t popularisés.<br />
Depuis ses débuts de metteur <strong>en</strong> scène,<br />
Joris Mathieu a ori<strong>en</strong>té ses recherches dans ce<br />
s<strong>en</strong>s, du côté d’un théâtre visuel, immersif, qui<br />
s’empare des moy<strong>en</strong>s modernes pour jouer sur les<br />
perceptions du spectateur. A l’origine sans appét<strong>en</strong>ce<br />
particulière pour la sci<strong>en</strong>ce-fiction, il a trouvé<br />
là un terrain de jeu naturel à la poursuite de ses<br />
recherches autour d’une esthétique qui combine<br />
les ressources les plus pointues de la technologie<br />
et l’intemporelle matière du spectacle vivant.<br />
frottem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre<br />
la technique et le vivant<br />
Au c<strong>en</strong>tre d’Urbik/Orbik : le personnage de Philip<br />
K.Dick, écrivain américain de sci<strong>en</strong>ce-fiction,<br />
connu notamm<strong>en</strong>t pour les adaptations cinématographiques<br />
de ses œuvres (Blade Runner<br />
ou Minority Report pour ne citer qu’elles). En<br />
Une Blanche Neige opalesc<strong>en</strong>te signée Nicolas Liautard.<br />
des spectacles « jeune public ». Mais doit-on s’<strong>en</strong><br />
cont<strong>en</strong>ter ? D’une linéarité trop méthodique, d’un<br />
dépouillem<strong>en</strong>t qui frôle parfois la pauvreté, cette<br />
représ<strong>en</strong>tation pèche par manque d’inv<strong>en</strong>tivité.<br />
mélangeant ses œuvres et sa biographie, Joris<br />
Mathieu, avec l’aide de Lorris Murail, a construit<br />
un texte de sci<strong>en</strong>ce-fiction, version anticipation,<br />
qui repose sur le concept de micromondes,<br />
sortes de trouées dans l’univers du réel,<br />
qu’un auteur et son ami inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, avant de s’<strong>en</strong><br />
retrouver dépossédés par l’état. Sur scène, projections<br />
et jeu théâtral se mêl<strong>en</strong>t à tel point qu’il<br />
devi<strong>en</strong>t difficile de distinguer qui est <strong>en</strong> jeu, de<br />
l’acteur ou de son image, du personnage ou<br />
de son clone, et les archétypes du g<strong>en</strong>re de<br />
la sci<strong>en</strong>ce-fiction défil<strong>en</strong>t – monde parallèle,<br />
m<strong>en</strong>ace d’extinction de l’univers, oppression<br />
de l’individu par l’Etat, combat de l’Homme et<br />
de la machine… – au gré d’une narration qui<br />
voit le personnage c<strong>en</strong>tral de l’écrivain dépassé<br />
par ses propres inv<strong>en</strong>tions. Le résultat visuel<br />
est impressionnant, l’esthétique réellem<strong>en</strong>t singulière,<br />
mais pour cette deuxième représ<strong>en</strong>tation,<br />
le frottem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre la technique et le vivant<br />
a trop souv<strong>en</strong>t tourné à l’avantage du premier<br />
dans une immersion un peu ouatée. Qu’importe.<br />
Il y a là un territoire que Joris Mathieu défriche<br />
avec audace et inv<strong>en</strong>tivité dans un spectacle<br />
résolum<strong>en</strong>t original, et une voie nouvelle qui ne<br />
demande qu’à être approfondie.<br />
éric Demey<br />
Urbik/Orbik, de Joris Mathieu, vu lors de sa création<br />
à la Comédie de Ca<strong>en</strong>. Du 31 janvier au 18 février<br />
au Théâtre Monfort, 106 rue de Briançon, Paris 15e .<br />
Tél. 01 56 08 33 88.<br />
Car la prés<strong>en</strong>ce d’animaux sur scène (un cheval,<br />
des oiseaux), les quelques projections de vidéos<br />
et les surgissem<strong>en</strong>ts d’ombres, les effets d’opacités<br />
et de transpar<strong>en</strong>ce, les climats sonores énigmatiques<br />
ne font pas tout. Toutes ces perspectives<br />
ne suffis<strong>en</strong>t pas à remplir le vide laissé par<br />
l’abs<strong>en</strong>ce de mots, l’abs<strong>en</strong>ce de voix et, surtout,<br />
l’abs<strong>en</strong>ce de mise <strong>en</strong> jeu des êtres, des corps…<br />
Et les <strong>en</strong>fants dans tout cela ? Ils applaudiss<strong>en</strong>t,<br />
heureux de s’être eux-mêmes racontés l’histoire<br />
qu’ils connaiss<strong>en</strong>t et <strong>en</strong>chantés d’avoir passé un<br />
mom<strong>en</strong>t au théâtre.<br />
Manuel Piolat Soleymat<br />
Blanche Neige, d’après le conte des frères Grimm ;<br />
conception, scénographie et mise <strong>en</strong> scène<br />
de Nicolas Liautard (spectacle tout public à partir<br />
de 7 ans). Les 14 et 16 janvier 2012 à 20h30,<br />
le 15 janvier à 16h. <strong>La</strong> Scène Watteau,<br />
place du Théâtre, 94736 Nog<strong>en</strong>t-sur-Marne.<br />
Tél. 01 48 72 94 94 et sur www.sc<strong>en</strong>ewatteau.fr<br />
Durée de la représ<strong>en</strong>tation : 50 minutes.<br />
Spectacle vu <strong>en</strong> décembre 2011, au Hangar23<br />
à Rou<strong>en</strong>. Égalem<strong>en</strong>t au Théâtre de Cachan<br />
du 17 au 20 janvier 2012.<br />
/////////// reJOigNeZ-NOus sur fAceBOOk et sOyeZ iNfOrmés quOtiDieNNemeNt ///////////