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20 / N°194 / janvier 2012 / la terrasse<br />
théâtre critiques<br />
critique <br />
la grande et faBUleUse<br />
histOire dU cOmmerce<br />
créé à Béthune, capitale régionale De la culture 2011, le nouveau<br />
spectacle De joël pommerat, <strong>en</strong> tournée <strong>en</strong> france jusqu’à la fin De<br />
la saison, interroge avec finesse la moDernité consumériste.<br />
étoile, et propose une lecture<br />
fine et intellig<strong>en</strong>te De ruy Blas,<br />
Fort d’un formidable succès public et critique, des désirs, des rêves et des déboires de leurs<br />
servie par Des coméDi<strong>en</strong>s De<br />
tal<strong>en</strong>t.<br />
Joël Pommerat compte désormais parmi les<br />
créateurs les plus estimés de la scène française.<br />
Avec <strong>La</strong> grande et fabuleuse Histoire du commerce,<br />
il signe sa quatrième création cette saison,<br />
et revi<strong>en</strong>t à une forme d’interrogation sociétale<br />
et anthropologique que Cet <strong>en</strong>fant, créé <strong>en</strong><br />
2006 après des <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s m<strong>en</strong>és dans la région<br />
ca<strong>en</strong>naise, avait si brillamm<strong>en</strong>t mise <strong>en</strong> théâtre.<br />
A partir des interviews d’anci<strong>en</strong>s voyageurs de<br />
commerce, réalisées dans le Béthunois par Philippe<br />
Carbonneaux et virginie <strong>La</strong>broche, Joël<br />
Pommerat a retravaillé ce matériau textuel pour<br />
composer l’histoire de commis voyageurs qui<br />
se retrouv<strong>en</strong>t, de soir <strong>en</strong> soir et de ville <strong>en</strong> ville,<br />
pour faire le bilan de leurs v<strong>en</strong>tes quotidi<strong>en</strong>nes.<br />
Le spectacle s’organise <strong>en</strong> deux parties, autour<br />
du personnage de Franck : novice de la v<strong>en</strong>te<br />
à domicile <strong>en</strong> mai 68, formé par un quarteron<br />
de vieux briscards, maîtres dans l’art de réussir<br />
à v<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> semblant r<strong>en</strong>dre service, Franck<br />
est dev<strong>en</strong>u, tr<strong>en</strong>te ans plus tard, un spécialiste<br />
de l’<strong>en</strong>tourloupe commerciale et de l’intrusion<br />
intime, et forme, à son tour, quatre démarcheurs<br />
ambulants.<br />
que perD-on à gagner<br />
à tout prix ?<br />
on retrouve dans ce spectacle tous les élém<strong>en</strong>ts<br />
ess<strong>en</strong>tiels du travail de la Compagnie<br />
Louis Brouillard. <strong>La</strong> scénographie est économe<br />
et les changem<strong>en</strong>ts de décor font varier<br />
les points de vue comme par magie ; le jeu est<br />
maîtrisé et précis, et sa subtilité chromatique<br />
est r<strong>en</strong>forcée par l’utilisation de micros, offrant<br />
à la parole toute la palette de l’int<strong>en</strong>sité, du<br />
chuchotem<strong>en</strong>t feutré au grondem<strong>en</strong>t colérique.<br />
Les costumes, les allures, les mimiques et les<br />
gestes sont traités avec un souci frappant du<br />
détail. <strong>La</strong> scénographie et l’interprétation jou<strong>en</strong>t,<br />
comme toujours chez Pommerat, de la dialectique<br />
<strong>en</strong>tre véracité hyperréaliste et parabole.<br />
L’effet de spirale <strong>en</strong>tre description et analyse,<br />
illusion romanesque et interprétation philosophique,<br />
<strong>en</strong> est d’autant mieux r<strong>en</strong>forcé. Car, si<br />
l’on peut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre et voir cette pièce comme un<br />
très habile tableau des affres psychologiques<br />
d’individus retors, tâchant de jouer des peurs,<br />
critique <br />
this is<br />
the <strong>en</strong>d<br />
spectacle De fin D’étuDes De la<br />
23 e promotion Des élèves Du<br />
c<strong>en</strong>tre national Des arts Du<br />
cirque, this is the <strong>en</strong>D propose De<br />
Découvrir Bi<strong>en</strong> Davantage que les<br />
exploits Des espoirs Du cirque :<br />
un exemple <strong>en</strong>thousiasmant Du<br />
r<strong>en</strong>ouveau esthétique Du cirque<br />
contemporain.<br />
Une musique omniprés<strong>en</strong>te, un propos qui s’étire<br />
un peu, quelque excès dans les bons s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts :<br />
quelques critiques peuv<strong>en</strong>t être formulées à l’<strong>en</strong>contre<br />
de ce spectacle. Il n’empêche. David Bobee<br />
à qui l’on a confié cette année la mise <strong>en</strong> scène<br />
de cet exercice de g<strong>en</strong>re a pris sa mission très à<br />
cœur. Résultat : il donne à voir toute la force d’une<br />
jeunesse internationale qui s’<strong>en</strong>gage dans l’exercice<br />
périlleux de sa passion, avec ses doutes, ses peurs<br />
et ses fragilités, mais surtout avec cette puissance<br />
cli<strong>en</strong>ts pot<strong>en</strong>tiels, pour leur caser leur camelote<br />
inutile, on peut aussi la considérer comme une<br />
métaphore politique de l’évolution du consumérisme<br />
contemporain, offrant à réfléchir sur les<br />
rapports complexes du prix et de la valeur. Que<br />
Joël Pommerat crée <strong>La</strong> grande et fabuleuse Histoire<br />
du commerce à Béthune.<br />
faut-il sacrifier de l’humanité, <strong>en</strong> soi et <strong>en</strong> l’autre,<br />
pour réduire l’intersubjectivité à des rapports<br />
marchands ? Comm<strong>en</strong>t l’esprit du capitalisme<br />
a-t-il, dans la seconde moitié du XXème siècle,<br />
<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t phagocyté les représ<strong>en</strong>tations et<br />
les comportem<strong>en</strong>ts ? Pommerat suggère plutôt<br />
qu’il ne dénonce, indique plutôt qu’il ne théorise,<br />
<strong>en</strong> phénoménologue plutôt qu’<strong>en</strong> moraliste. Il<br />
montre la barbarie contemporaine sans jamais<br />
se départir d’un humanisme foncier, et d’une<br />
empathie qui r<strong>en</strong>d les winners aussi pitoyables<br />
que les loosers…<br />
Catherine Robert<br />
<strong>La</strong> grande et fabuleuse Histoire du commerce,<br />
spectacle conçu par Joël Pommerat. Tournée <strong>en</strong><br />
France <strong>en</strong> 2012. Les 12 et 13 janvier, au Granit,<br />
Scène nationale de Belfort (03 84 58 67 67).<br />
Du 18 au 21 janvier, au Théâtre National de Bordeaux<br />
<strong>en</strong> Aquitaine (05 56 33 36 80). Les 27 et 28 janvier,<br />
au Rayon Vert, Scène conv<strong>en</strong>tionnée de Saint-Valéry<strong>en</strong>-Caux<br />
(02 35 97 25 41). Voir la suite de la tournée<br />
sur notre site : www.journal-laterrasse.fr<br />
Durée : 1h30. Spectacle vu à la Comédie de Béthune.<br />
du désir seule propre à r<strong>en</strong>verser des montagnes.<br />
This is the <strong>en</strong>d célèbre la jeunesse, le cirque, la<br />
fin immin<strong>en</strong>te d’un monde et la possibilité de son<br />
r<strong>en</strong>ouveau. Absolum<strong>en</strong>t régénérant.<br />
le risque De voir<br />
tout s’écrouler<br />
This is the <strong>en</strong>d fonctionne suivant le principe d’un<br />
compte à rebours qui égrène les cinq minutes qui<br />
nous sépar<strong>en</strong>t de la fin. Enfin, de la fin… des fins.<br />
De le fin du monde, de la fin de la vie, mais aussi<br />
<strong>en</strong> filigrane de la fin des études pour ces élèves, ou<br />
même de la fin de leur numéro. Le risque de voir<br />
tout s’écrouler est consubstantiel à la vie du circassi<strong>en</strong><br />
et David Bobee a exploré cette prés<strong>en</strong>ce<br />
lat<strong>en</strong>te chez ces jeunes g<strong>en</strong>s qui, comme chacun,<br />
viv<strong>en</strong>t dans un monde de plus <strong>en</strong> plus instable. A<br />
partir d’un travail d’improvisations scéniques, d’interviews,<br />
de textes où l’on retrouve parfois, comme<br />
par magie, les acc<strong>en</strong>ts de la poésie naïve et généreuse<br />
de son anci<strong>en</strong> compère Ronan Chéneau, il a<br />
permis aux élèves d’exposer bi<strong>en</strong> davantage que<br />
leur virtuosité technique : leur histoire, leur s<strong>en</strong>sibilité,<br />
leur poésie personnelle, cette folie qui les<br />
pousse à répéter sans cesse des gestes virtuoses<br />
//// VOus cHercHeZ uN JOB étuDiANt, écriVeZ-NOus sur lA.terrAsse@wANADOO.fr ////<br />
© Élisabeth Carecchio<br />
© D. R.<br />
© Philippe Cibille pour le CNAC<br />
la terrasse / janvier 2012 / N°194 / 21<br />
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critique <br />
rUy Blas<br />
christian schiaretti met <strong>en</strong> scène<br />
l’épopée politique et amoureuse<br />
Du ver De terre épris D’une<br />
A trop confondre romantisme et romanesque, on<br />
pourrait croire que Ruy Blas est une bluette pour<br />
cousettes, où la Reine, jeune et jolie, métamorphose<br />
par son amour le crapaud <strong>en</strong> prince char-<br />
Christian Schiaretti met <strong>en</strong> scène Ruy Blas, leçon et espoir pour le peuple.<br />
mant. Christian Schiaretti, qui a des Lettres, ne<br />
s’y trompe pas et évite de transformer les deux<br />
tourtereaux <strong>en</strong> amoureux niais, qui parvi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t<br />
à r<strong>en</strong>verser l’ordre social par la seule force de leur<br />
attachem<strong>en</strong>t. Et parce que le metteur <strong>en</strong> scène sait<br />
aussi que le peuple doit se battre pour s’émanciper<br />
(sa volonté obstinée d’un « élitaire pour tous » à la<br />
tête du TNP suffit à le prouver), il n’édulcore pas<br />
la lutte des classes, dont la pièce de Hugo illustre<br />
la cruauté. Lorsque sa Reine (Juliette Rizoud)<br />
s’<strong>en</strong>fuit de la maison dans laquelle sa réputation<br />
est <strong>en</strong> péril, c’est de loin, et lâchem<strong>en</strong>t, qu’elle fait<br />
ses adieux au valet qu’elle a pris pour un grand,<br />
<strong>en</strong> aristocrate pusillanime, rétive à assumer l’opprobre<br />
et le ridicule des amours ancillaires. Quant<br />
à Ruy Blas (Nicolas Gonzales), il apparaît comme<br />
un petit jeune homme dépassé par la situation,<br />
couinant plutôt que grondant, chiot plutôt que<br />
mâtin face à la meute sanguinaire des loups, dont<br />
Salluste est le plus brutal.<br />
Drame Du peuple<br />
Mort, peut-être, mais vainqueur, le sinistre v<strong>en</strong>geur<br />
prouve que les puissants l’emport<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />
et toujours, même quand ils font croire au peuple<br />
This is the <strong>en</strong>d : un plateau de cirque version David Bobee.<br />
quand tout autour d’eux m<strong>en</strong>ace de s’écrouler.<br />
Sur douze élèves, seuls deux sont français. Les<br />
autres vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de Suisse, de Suède, de Finlande,<br />
du Brésil, de Palestine, du Cambodge… Au ruban,<br />
aux sangles, à la bascule, au mât chinois, à l’acrobatie<br />
ou <strong>en</strong>core au monocycle, ils ont chacun travaillé<br />
leur agrès tout au long de leur scolarité. Mais<br />
le cirque contemporain s’hybride de théâtre et de<br />
danse, l’heure est au s<strong>en</strong>sible et au propos autant<br />
qu’à la performance. David Bobee le savait très<br />
qu’il peut s’élever au-dessus de sa condition et<br />
gouverner. En confiant les rôles-titres de la pièce<br />
aux jeunes comédi<strong>en</strong>s de la troupe du TNP, et <strong>en</strong><br />
réservant ceux de Salluste et de César aux magnifiques<br />
Robin R<strong>en</strong>ucci et Jérôme Kircher, Christian<br />
Schiaretti fait mieux que mêler sur scène maîtres et<br />
débutants : il illustre théâtralem<strong>en</strong>t la portée politique<br />
de Ruy Blas. Cette pièce est le drame de la jeunesse<br />
et du peuple, écrasés par la toute-puissance<br />
des aristocrates. Car César et Salluste ne sont pas<br />
cousins par hasard : si le premier représ<strong>en</strong>te l’avers<br />
des valeurs positives de l’aristocratie (la témérité,<br />
le mépris constitutif pour l’arg<strong>en</strong>t, qu’il ne convoite<br />
que pour le dép<strong>en</strong>ser avec prodigalité – parangon<br />
de l’homme de <strong>La</strong> Société de cour qu’analyse si<br />
bi<strong>en</strong> Norbert Elias), le second <strong>en</strong> incarne le revers<br />
(la mesquinerie, la morgue, le mépris de classe). <strong>La</strong><br />
tragédie apparaît donc, dans cette mise <strong>en</strong> scène,<br />
par la dim<strong>en</strong>sion politique : si le vipérin Salluste<br />
meurt la tête écrasée comme un serp<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>imeux,<br />
Ruy Blas crève comme un ver de terre pitoyable.<br />
Le spl<strong>en</strong>dide décor d’azulejos imaginé par Rudy<br />
Sabounghi et magnifié par les lumières de Julia<br />
Grand suggère le confinem<strong>en</strong>t délétère de cette<br />
cour à l’étiquette étouffante, où tous complot<strong>en</strong>t,<br />
ourdiss<strong>en</strong>t des pièges et s’épi<strong>en</strong>t. Les comédi<strong>en</strong>s<br />
chorégraphi<strong>en</strong>t et interprèt<strong>en</strong>t avec une belle<br />
aisance ce drame du peuple, à la fois leçon, avertissem<strong>en</strong>t<br />
et espoir. S’il faut définir le théâtre populaire,<br />
c’est peut-être à la source hugoli<strong>en</strong>ne qu’il<br />
faut retourner s’abreuver : Christian Schiaretti s’y<br />
emploie avec assurance et panache !<br />
Catherine Robert<br />
Ruy Blas, de Victor Hugo ; mise <strong>en</strong> scène de Christian<br />
Schiaretti. Du 6 au 29 janvier 2012. Du mercredi au<br />
samedi à 20h45 ; dimanche à 17h. Les Gémeaux-<br />
Scène Nationale, 49 av<strong>en</strong>ue Georges-Clém<strong>en</strong>ceau,<br />
92330 Sceaux. Tél. 01 46 61 36 67. Durée : 3h.<br />
Spectacle vu au TNP, à Villeurbanne.<br />
bi<strong>en</strong>, qui a régulièrem<strong>en</strong>t intégré des circassi<strong>en</strong>s<br />
dans ses mises <strong>en</strong> scène, et donne ici des ailes<br />
au cirque de demain.<br />
éric Demey<br />
This is the <strong>en</strong>d, spectacle de fin d’études des élèves<br />
du C<strong>en</strong>tre National des Arts du Cirque de Chalons<strong>en</strong>-Champagne,<br />
mis <strong>en</strong> scène par David Bobee.<br />
Du 18 janvier au 12 février à l’Espace chapiteau du<br />
Parc de la Villette. Réservations : 01 40 03 75 75.<br />
/////////// reJOigNeZ-NOus sur fAceBOOk et sOyeZ iNfOrmés quOtiDieNNemeNt ///////////<br />
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<br />
Du 8 au 19 février 2012<br />
Jan Karski<br />
(Mon nom est une fiction)<br />
D’après le roman de Yannick Ha<strong>en</strong>el<br />
Mise <strong>en</strong> scène et adaptation<br />
Arthur Nauzyciel<br />
C<strong>en</strong>tre Dramatique National<br />
Orléans / Loiret / C<strong>en</strong>tre<br />
Tél : 01 46 61 36 67