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68 / N°194 / janvier 2012 / la terrasse<br />
jazz | musiques du monde | chanson<br />
spécial voix du sud<br />
festival au<br />
fil des voix<br />
////// Festival /////////////////////////////////////////////////////////////<br />
l’événem<strong>en</strong>t Parisi<strong>en</strong> <strong>en</strong>tame sa<br />
quatrième saison de r<strong>en</strong>contres<br />
transcontin<strong>en</strong>tales.<br />
Fatoumata Diawara, vi<strong>en</strong>t de signer son premier album<br />
« Fatou ». Le 2 février à l’Alhambra.<br />
L’originalité du festival au Fil des Voix ? S’installer l’été<br />
à Vaison-la-Romaine et l’hiver dans la capitale pour<br />
bâtir des ponts <strong>en</strong>tre les cultures des quatre coins du<br />
monde. Au m<strong>en</strong>u, six soirées thématiques qui vont des<br />
« Afriques Urbaines » (avec Fatoumata Diawara et Ba<br />
Cissoko) aux « Dames d’Ici et d’Ailleurs ». Cette année,<br />
le tango (le 10) sera dignem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>té par le nouveau<br />
projet de la chanteuse Débora Russ et l’univers<br />
intimiste et délicat des deux jumelles de <strong>La</strong>s Hermanas<br />
Caronni. A noter aussi la v<strong>en</strong>ue de l’ex-fondateur de<br />
l’Orchestre National de Barbès Aziz Sahmaoui à l’affiche<br />
d’une nuit « Émois d’Ori<strong>en</strong>t » (le 9) ou la prés<strong>en</strong>ce<br />
du pianiste cubain Omar Sosa invité du Trio Chemirani<br />
pour une alléchante soirée « Sixième Contin<strong>en</strong>t » (le<br />
4) : un pétillant mélange. M. Durand<br />
Du jeudi 2 au samedi 11 février à 20h30 à l’Alhambra.<br />
Tél. 01 40 20 40 25.<br />
gros plan <br />
la faCe CaChée de la lune<br />
p<strong>en</strong>dant deux jours, dark side of the moon, le lég<strong>en</strong>daire album<br />
des pink floyd, revit sur la scène de la maison de la musique à<br />
nanterre.<br />
En 1973, les Pink Floyd publi<strong>en</strong>t ce qui devi<strong>en</strong>dra<br />
l’un des disques les plus v<strong>en</strong>dus de l’histoire<br />
de la musique. Mais bi<strong>en</strong> plus qu’un simple<br />
bestseller, Dark Side of The Moon marque<br />
un tournant dans l’histoire du rock : les quatre<br />
Anglais y expérim<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des synthétiseurs et<br />
spécial voix du sud / katia gueRReiRO<br />
la vérité du fado<br />
alors qu’elle s’apprête à fouler les planches de l’olympia et à sortir<br />
son premier « best of », katia guerreiro peut fièrem<strong>en</strong>t regarder<br />
derrière elle : <strong>en</strong> à peine dix ans, cette portugaise aujourd’hui bi<strong>en</strong><br />
campée dans sa tr<strong>en</strong>taine s’est imposée comme l’une des figures<br />
phares du fado. acclamée du brésil au japon, la jeune femme<br />
nous raconte comm<strong>en</strong>t cette tradition séculaire lusitani<strong>en</strong>ne a<br />
bouleversé sa vie.<br />
quel mot pourrait résumer ces dix années<br />
qui ont suivi la sortie de votre premier disque<br />
« fado maior » ?<br />
katia guerreiro : <strong>La</strong> surprise ! Je n’avais ni la<br />
volonté ni l’<strong>en</strong>vie de dev<strong>en</strong>ir une artiste. J’ai laissé<br />
les choses arriver… Je n’étais pas préparée au<br />
succès ou à la notoriété. Je voulais être médecin,<br />
c’est tout. Mais j’ai eu la chance de faire des choses<br />
absolum<strong>en</strong>t incroyables et de travailler avec<br />
des artistes et musici<strong>en</strong>s qui m’ont fait rêver et<br />
m’ont donné <strong>en</strong>vie de suivre ce chemin.<br />
qu’est-ce qui a changé chez vous ?<br />
k. g. : Je suis vraim<strong>en</strong>t tombée amoureuse de la<br />
magie de cette musique ! Avant j’aimais chanter le<br />
fado, mais je n’avais pas consci<strong>en</strong>ce des émotions<br />
que cela provoquait chez les autres. Même des<br />
g<strong>en</strong>s qui ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas notre langue pleur<strong>en</strong>t<br />
et nous font pleurer lors des concerts. De la<br />
France au Japon, je me suis r<strong>en</strong>du compte qu’on<br />
ress<strong>en</strong>t tous les choses de la même façon. J’ai<br />
mieux compris le monde et les g<strong>en</strong>s après avoir<br />
comm<strong>en</strong>cé à chanter le fado.<br />
Ce n’était pas le cas quand vous faisiez partie<br />
d’un groupe de rock ?<br />
k. g. : J’aime bi<strong>en</strong> le rock, mais c’est avec le fado<br />
que j’ai découvert la vérité des émotions, la façon<br />
spécial voix du sud / gianMaRia testa<br />
le teMps du retour sur soi<br />
autodidacte passé à la chanson sur le tard (il a <strong>en</strong>registré son<br />
premier album à 37 ans…), gianmaria testa a depuis longtemps<br />
atteint la plénitude de son expression. son art le rapproche plus<br />
que jamais, par son indép<strong>en</strong>dance, sa tranquillité et la profondeur<br />
de son inspiration, de leonard coh<strong>en</strong>. avec « vitamia » (ma vie) le<br />
chanteur itali<strong>en</strong> signe son album le plus rétrospectif à ce jour.<br />
quel s<strong>en</strong>s faut-il donner au titre de ce nouvel<br />
album « Vitamia » ?<br />
gianmaria Testa : J’ai titré ce disque « Vitamia »,<br />
(« mavie »), <strong>en</strong> un seul mot parce qu’il ne s’agit ni<br />
d’un résumé ni d’un bilan. Ce sont plutôt les notes<br />
d’un journal personnel, mais à partager, dans lequel<br />
on retrouve un peu de passé, beaucoup de prés<strong>en</strong>t<br />
et même une petite (et laïque) invocation pour un futur<br />
dans lequel le l<strong>en</strong>demain serait <strong>en</strong>visageable… J’ai<br />
dédié l’album à Erri De Luca (ndlr : écrivain, poète et<br />
dramaturge itali<strong>en</strong>, né <strong>en</strong> 1950, qui a associé Gianmaria<br />
Testa à son projet théâtral Chisciotte e gli invincibili<br />
– Quichotte et les invincibles – <strong>en</strong> 2007).<br />
Ce qui frappe d’emblée dans cet album, c’est<br />
une liberté musicale que l’on n’avait jamais<br />
© Youri L<strong>en</strong>quette<br />
r<strong>en</strong>contrée à ce point dans vos disques précéd<strong>en</strong>ts…<br />
g. T. : <strong>La</strong> diversité sonore dans ma tête et dans mes<br />
int<strong>en</strong>tions était une t<strong>en</strong>tative de reproduire, dans l’espace<br />
d’un disque, les différ<strong>en</strong>tes couleurs et t<strong>en</strong>sions<br />
des émotions. <strong>La</strong> collaboration amicale et complice<br />
des musici<strong>en</strong>s qui ont l’habitude de travailler avec moi<br />
a r<strong>en</strong>du possible l’exploration de territoires musicaux<br />
qui ne me sont pas spécialem<strong>en</strong>t familiers. Comme<br />
par exemple un certain esprit rock que j’ai utilisé pour<br />
mieux raconter le déchirem<strong>en</strong>t d’un prés<strong>en</strong>t difficile.<br />
la thématique du temps – celui qui passe, qui est<br />
à v<strong>en</strong>ir, ou derrière soi, celui de l’amour, de l’<strong>en</strong>fance,<br />
de la rupture, etc… – est au cœur de votre<br />
inspiration dans les textes de cet album…<br />
des techniques d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t inédits. Près<br />
de quarante ans après sa sortie, cet objet<br />
sonore non id<strong>en</strong>tifié reste un obscur objet de<br />
désir pour des générations de musici<strong>en</strong>s, du<br />
rock à l’électro, de Radiohead à MGMT. Une<br />
telle œuvre ne pouvait que fasciner Thierry<br />
la plus honnête d’exprimer mon ess<strong>en</strong>ce. Et même<br />
quand je chantais du rock, les g<strong>en</strong>s me disai<strong>en</strong>t « tu<br />
as quelque chose de fado dans ta voix ! » (rires)<br />
En dev<strong>en</strong>ant fadiste, avez-vous fait davantage<br />
att<strong>en</strong>tion à votre voix ?<br />
k. g. : Dans le fado, il faut être spontané : quand je<br />
chante, je ne p<strong>en</strong>se pas. Cette façon de faire sortir<br />
la voix typique du fado, on l’a ou on ne l’a pas.<br />
Les compositions ne sont pas complexes, mais<br />
c’est justem<strong>en</strong>t cette simplicité qui donne toute sa<br />
beauté au fado. L’interprète peut faire tout ce qu’il<br />
veut et même changer les mélodies s’il <strong>en</strong> ress<strong>en</strong>t le<br />
besoin. C’est une interprétation dans le s<strong>en</strong>s fort du<br />
terme : vivre int<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t ce qu’on fait et célébrer<br />
un mariage parfait <strong>en</strong>tre paroles et musique.<br />
En quoi la nouvelle génération de fadistes<br />
à laquelle vous appart<strong>en</strong>ez a-t-elle dépoussiéré<br />
le g<strong>en</strong>re ?<br />
k. g. : Les g<strong>en</strong>s p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t que le fado, ce ne sont que<br />
des chansons tristes, mais ce n’est pas vrai. C’est<br />
une musique qui parle de la vie et, dans la vie, les<br />
mom<strong>en</strong>ts tristes altern<strong>en</strong>t avec les mom<strong>en</strong>ts joyeux.<br />
Notre génération a changé cette perception figée :<br />
on chante l’amour, l’espoir, l’amitié… On chante la<br />
poésie populaire, mais aussi contemporaine, qui est<br />
universelle. Ce ne sont plus des petites histoires des<br />
quartiers de Lisbonne comme il y a tr<strong>en</strong>te ans.<br />
g. T. : Je ne suis pas obsédé par le temps. Je considère<br />
le temps comme notre véritable richesse, petite,<br />
et donc précieuse. Trop petite et précieuse pour la<br />
gâcher ou permettre qu’on nous la vole. On a t<strong>en</strong>dance<br />
à compter la vie par années mais les années<br />
sont des mesures presque métaphysiques qui nous<br />
sembl<strong>en</strong>t très longues. Si on comptait la vie <strong>en</strong> jours,<br />
alors on se r<strong>en</strong>drait mieux compte que notre réserve<br />
de temps est petite ! L’espace <strong>en</strong>tre l’aube et le coucher<br />
du soleil est court et facilem<strong>en</strong>t mesurable. Le<br />
temps ne peut être ni ami ni <strong>en</strong>nemi : il est tout simplem<strong>en</strong>t<br />
la route sur laquelle passe notre voyage.<br />
Le célèbre visuel de la pochette fut réalisé par<br />
un collectif de graphistes novateurs baptisé Hipgnosis.<br />
© Marco Caselli<br />
© Thibault Walter<br />
« j’ai mieux compris<br />
le monde et les g<strong>en</strong>s<br />
après avoir comm<strong>en</strong>cé<br />
à chanter le fado. »<br />
Katia Guerreiro<br />
la poésie joue-t-elle un rôle capital dans<br />
votre univers ?<br />
k. g. : Oui, j’ai énormém<strong>en</strong>t de livres de poésie<br />
chez moi… mais je ne les mets pas tous <strong>en</strong><br />
musique ! Mais dès que je me reconnais dans un<br />
poème, j’ai <strong>en</strong>vie de le chanter. Je ne suis pas<br />
actrice, je ne suis pas capable de jouer un personnage<br />
autre que moi-même : pour exprimer<br />
avec vérité des émotions, il faut donc que je me<br />
retrouve dans ce que je chante. C’est pourquoi<br />
certains soirs, selon l’atmosphère de la salle ou<br />
mes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts du mom<strong>en</strong>t, je peux changer la<br />
set-list du concert au dernier mom<strong>en</strong>t. Il faut toujours<br />
chanter la vérité !<br />
Propos recueillis par Mathieu Durand<br />
Lundi 23 janvier à 20h à l’Olympia.<br />
Tél. 08 92 68 33 68.<br />
« une t<strong>en</strong>tative de<br />
reproduire, dans<br />
l’espace d’un disque,<br />
les différ<strong>en</strong>tes couleurs<br />
et t<strong>en</strong>sions des<br />
émotions. » Gianmaria Testa<br />
Une autre inspiration forte de ce disque est<br />
la question sociale. Comm<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>tez-vous<br />
notre époque sur le plan politique et social ?<br />
g. T. : On nous explique tous les jours que la crise<br />
économique est très grave. C’est sans doute vrai.<br />
Ceci dit, plus que la crise économique <strong>en</strong> tant que<br />
telle, ce qui me pèse est le manque de perspectives<br />
futures qui accompagne notre prés<strong>en</strong>t. En ce qui<br />
concerne l’Italie, je regrette que toutes ces difficultés<br />
effac<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t la beauté et l’esprit de mon<br />
pays. Et je suis d’accord avec Roberto B<strong>en</strong>igni<br />
quand il dit que l’Italie n’est pas le pays des révolutions.<br />
Elle est plutôt capable de résurrections…<br />
Propos recueillis par Jean-Luc Caradec<br />
Les 23 et 24 janvier à 20h à l’Alhambra.<br />
Tél. 01 40 20 40 25.<br />
Balasse. Complice de Pierre H<strong>en</strong>ry comme de<br />
Michel Portal, cet alchimiste du son et spécialiste<br />
de la composition électroacoustique s’est<br />
lancé un défi alléchant : rejouer sur scène ce<br />
chef-d’œuvre sonique. Accompagné pour l’occasion<br />
de la voix de Magma, Klaus Blasquiz,<br />
et de sept musici<strong>en</strong>s au carrefour des g<strong>en</strong>res,<br />
Thierry Balasse r<strong>en</strong>dra réel un fantasme que<br />
peu d’auditeurs ont vécu : expérim<strong>en</strong>ter la<br />
musique de Dark Side of The Moon <strong>en</strong> chair et<br />
<strong>en</strong> notes. M. Durand<br />
Les v<strong>en</strong>dredi 27 et samedi 28 janvier à 20h30 à la<br />
Maison de la Musique de Nanterre. Tél. 39 92.<br />
© Rui Ochoa