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28 / N°194 / janvier 2012 / la terrasse<br />
théâtre critiques<br />
<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> / paola CoMis et sanDrine lanno<br />
<strong>La</strong> Scène<br />
le chaOs d’exister<br />
avec, comme matériaux textuels, aBBés, De pierre michon, ainsi que<br />
Watteau<br />
Des témoignages D’agriculteurs et De prêtres, paola comis et sanDrine<br />
théâtre de Nog<strong>en</strong>t-sur-Marne<br />
lanno construis<strong>en</strong>t un spectacle autour Du chaos D’exister.<br />
Blanche Neige<br />
conception du spectacle Nicolas Liautard<br />
<strong>La</strong> Nouvelle Compagnie<br />
du 10 au 16 janvier 2012<br />
Place du Théâtre / station RER E Nog<strong>en</strong>t-Le Perreux<br />
01 48 72 94 94<br />
Encart <strong>La</strong>_<strong>Terrasse</strong>_BN.indd 1 30/11/11 13:38<br />
Le Lucernaire, l’Harmattan et la Cie Théâtre du Loup blanc prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />
ŒDIPE<br />
VOLTAIRE<br />
Mise <strong>en</strong> scène<br />
Jean-Claude SEGUIN<br />
Avec<br />
Vinc<strong>en</strong>t DOMENACH<br />
Marie GRUDZINSKI<br />
Antoine HERBEZ<br />
François CHODAT<br />
Luc DUCROS<br />
Juliette WIATR<br />
SUCCÈS AVIGNON !<br />
<strong>La</strong> r<strong>en</strong>aissance d’un<br />
chef-d’œuvre, triomphe<br />
du jeune Voltaire.<br />
Une tragédie policière au susp<strong>en</strong>se haletant… Une distribution<br />
brillante et homogène… Une fête du théâtre… <strong>La</strong> Marseillaise<br />
à partir du 18<br />
janvier 2012<br />
du mardi au samedi<br />
dimanche à !"#<br />
Œdipe <strong>La</strong> <strong>Terrasse</strong> 122x182.indd 1 05/12/11 18:17<br />
graphisme Philippe Bouana - photographie <strong>La</strong> Nouvelle Compagnie - lic<strong>en</strong>ces d’<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eur de spectacles : 1-1041399, 2-1041401, 3-1041402<br />
comm<strong>en</strong>t ce spectacle s’inscrit-il dans votre<br />
œuvre à deux ?<br />
Paola comis : Nous avons déjà créé <strong>en</strong>semble un<br />
diptyque sur l’id<strong>en</strong>tité : Ces bottes sont faites pour<br />
marcher, et Question : où nag<strong>en</strong>t les grands-mères ?<br />
Nous voulions continuer à interroger ce que nous<br />
sommes et nous avions <strong>en</strong>vie d’autres formes de<br />
narration, non pas linéaires mais plus proches de la<br />
danse. Nos id<strong>en</strong>tités sont faites de strates, de bouts,<br />
de morceaux : nous voulions explorer cette forme.<br />
comm<strong>en</strong>t ce nouveau spectacle est-il né ?<br />
sandrine lanno : Cette fois-ci, nous avions <strong>en</strong>vie<br />
de nous frotter à une matière textuelle. J’ai fait lire<br />
Pierre Michon à Paola, <strong>en</strong> lui proposant d’<strong>en</strong> reparler<br />
<strong>en</strong>suite, et le hasard a fait que nous avons toutes<br />
les deux relevé la même phrase, dans Abbés :<br />
« Toutes choses sont muables et proches de l’incertain.<br />
» C’est cette phrase qui inspire le titre du<br />
spectacle. Nous avons lu tout le reste de l’œuvre<br />
de Michon mais nous nous sommes arrêtées sur<br />
Abbés, composé de trois nouvelles, toutes sur ce<br />
même thème du muable et de l’incertain. Nous<br />
avons choisi de ret<strong>en</strong>ir la troisième qui raconte<br />
l’asc<strong>en</strong>sion et la chute d’un prêtre. Ensuite, nous<br />
nous sommes questionnées : quelle population et<br />
quelle professions sont aujourd’hui mises à mal ?<br />
Nous avons choisi les agriculteurs et les prêtres,<br />
dans la continuité du texte de Michon, et parce<br />
que ceux qui choisiss<strong>en</strong>t ces métiers s’y <strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t<br />
a priori pour toute une vie. or, ce qui est muable,<br />
aujourd’hui, c’est notre travail : peut-on <strong>en</strong>core<br />
choisir d’avoir le même métier toute sa vie ?<br />
P. c. : Nous ress<strong>en</strong>tons tous un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de<br />
fragilité, de précarité dans nos vies. C’est ce que<br />
nous nommons le chaos d’exister. Dans ce spectacle,<br />
nous avons voulu montrer ce que produit<br />
cette précarité sur nos id<strong>en</strong>tités. Habituellem<strong>en</strong>t,<br />
nous partons d’improvisations et chacun écrit<br />
une partie du texte. C’est la première fois que<br />
nous avons autant de textes au départ. Nous<br />
sommes partis de la nouvelle de Michon, que<br />
nous avons beaucoup resserrée, et des témoignages<br />
recueillis.<br />
s. l. : Une partie de l’écriture s’est faite <strong>en</strong><br />
amont, mais une partie s’écrit aussi collectivem<strong>en</strong>t,<br />
au plateau.<br />
P. c. : Car il a fallu déterminer comm<strong>en</strong>t incarner<br />
et distribuer les témoignages. Nous frottons<br />
les textes aux contraintes scéniques, à l’univers<br />
sonore créé par Fanny Martin et à la musique de<br />
Theo Hakola : <strong>en</strong> tordant ces matériaux dans tous<br />
les s<strong>en</strong>s, nous <strong>en</strong> tirons un fil, un s<strong>en</strong>s.<br />
quel est ce s<strong>en</strong>s ?<br />
s. l. : Au départ, nous avons voulu interroger la<br />
conversation /<br />
elisabeth hölzle et Maria goMez<br />
l’art de la jOUte verBale<br />
la compagnie Du c<strong>en</strong>tre Dramatique De la courneuve, Dirigée par<br />
la coméDi<strong>en</strong>ne maria gomez, prés<strong>en</strong>te sa 51 e création : la tête<br />
Des autres De marcel aymé. elisaBeth hölzle met <strong>en</strong> scène cette<br />
satire sociale aux airs De pièce De BoulevarD. un spectacle ponctué<br />
De chorégraphies et De chansons D’h<strong>en</strong>ri salvaDor, De B<strong>en</strong>jamin<br />
Biolay…<br />
Après Nous, les héros et Jean la Chance, <strong>La</strong><br />
Tête des autres est la troisième pièce que<br />
vous mettez <strong>en</strong> scène avec les comédi<strong>en</strong>s<br />
du c<strong>en</strong>tre dramatique de la courneuve.<br />
qu’est-ce qui a nourri cette nouvelle <strong>en</strong>vie<br />
de collaboration artistique ?<br />
elisabeth Hölzle : Cela fait très longtemps que<br />
nous nous connaissons. Avant même de mettre<br />
<strong>en</strong> scène Nous, les héros et Jean le Chance, j’ai<br />
été invitée à deux reprises comme comédi<strong>en</strong>ne<br />
par la compagnie du C<strong>en</strong>tre dramatique de la<br />
Courneuve : pour <strong>La</strong> Nuit des rois, <strong>en</strong> 1996, et<br />
Le Songe d’une nuit d’été, <strong>en</strong> 2004. Je me suis<br />
s<strong>en</strong>tie immédiatem<strong>en</strong>t très à l’aise parmi eux. Ce<br />
sont des artistes travailleurs, passionnés, très<br />
ouverts sur l’extérieur, très actifs sur le plateau<br />
comme <strong>en</strong> dehors du plateau. J’ai découvert un<br />
dynamisme de chaque instant au sein de cette<br />
compagnie.<br />
maria gomez : <strong>La</strong> r<strong>en</strong>contre avec Elisabeth a<br />
<strong>en</strong> effet été une vraie r<strong>en</strong>contre, qui a donné<br />
naissance à une relation forte, belle. L’une des<br />
caractéristiques de notre compagnie est d’inviter<br />
régulièrem<strong>en</strong>t des metteurs <strong>en</strong> scène à v<strong>en</strong>ir<br />
créer des spectacles à <strong>La</strong> Courneuve. L’humain<br />
et l’artistique allant de pair pour nous, nous<br />
avons naturellem<strong>en</strong>t proposé à Elisabeth de<br />
retravailler avec notre compagnie. Nous apprécions<br />
beaucoup sa délicatesse, son écoute.<br />
Lorsque l’on apparti<strong>en</strong>t à un groupe d’acteurs<br />
ayant l’habitude de travailler <strong>en</strong>semble, il est<br />
important de pouvoir se confronter à un œil<br />
extérieur. Elisabeth nous pousse sur des chemins<br />
que nous n’aurions pas empruntés seuls.<br />
Elle nous fait beaucoup avancer, nous amène à<br />
nous surpr<strong>en</strong>dre les uns les autres, à dépasser<br />
les limites que, sans elle, nous n’aurions probablem<strong>en</strong>t<br />
pas dépassées. Et c’est quelque chose<br />
d’inestimable !<br />
qu’est-ce qui a ori<strong>en</strong>té votre nouveau<br />
choix de pièce ?<br />
e. H. : J’avais <strong>en</strong>vie de mettre <strong>en</strong> scène une<br />
pièce drôle et inatt<strong>en</strong>due, une pièce à la fois<br />
plus légère et plus folle que Nous, les héros ou<br />
Jean la Chance. Marcel Aymé place l’action de<br />
<strong>La</strong> Tête des autres dans un pays imaginaire : <strong>La</strong><br />
Poldavie. Dans cette satire, une société bourgeoise<br />
aux mœurs dissolues apparaît dans toute<br />
son immoralité. Suite à une affaire mêlant justice<br />
et coucheries, différ<strong>en</strong>ts personnages t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t,<br />
coûte que coûte, de sauver leur honneur. Marcel<br />
Aymé déploie une succession de rebondissem<strong>en</strong>ts<br />
improbables et saugr<strong>en</strong>us qui rappell<strong>en</strong>t<br />
les codes du théâtre de boulevard.<br />
m. g. : Il s’agit d’un texte très d<strong>en</strong>se, qu’Elisabeth<br />
a souhaité retravailler. Nous l’avons beaucoup<br />
resserré afin de l’alléger, de lui donner<br />
davantage d’âpreté, d’acc<strong>en</strong>tuer son rythme<br />
de cavalcade et son caractère de folie. Marcel<br />
Aymé dresse un tableau sombre et cinglant<br />
du milieu judiciaire. Dans <strong>La</strong> Tête des autres,<br />
voyous, femmes du monde, petits bourgeois…<br />
se meuv<strong>en</strong>t au milieu de l’ambiguïté et de la<br />
bassesse avec une aisance incroyable.<br />
quels sont, selon vous, les principaux<br />
atouts de cette écriture ?<br />
e. H. : <strong>La</strong> langue est rythmée, les répliques<br />
fus<strong>en</strong>t et jailliss<strong>en</strong>t avec une grande virtuosité.<br />
//// VOus cHercHeZ uN JOB étuDiANt, écriVeZ-NOus sur lA.terrAsse@wANADOO.fr ////<br />
© D. R.<br />
© Loïc Loeiz Hamon<br />
la terrasse / janvier 2012 / N°194 / 29<br />
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Sandrine <strong>La</strong>nno Paola Comis<br />
muabilité : la notion de choix, les métiers, les rêves<br />
dont on change. Et est-ce que qu’une solution<br />
serait de repartir de zéro ? Il y a des âges de la<br />
vie où ces interrogations surgiss<strong>en</strong>t et où se pose<br />
la question de la réalisation de ses fantasmes, de<br />
son désir de vivre ailleurs, de la réalisation de ses<br />
rêves d’<strong>en</strong>fant… Plutôt que d’imposer un s<strong>en</strong>s,<br />
nous voulons formuler des questions et faire <strong>en</strong><br />
sorte que le spectateur <strong>en</strong> arrive à un questionnem<strong>en</strong>t<br />
personnel grâce aux témoignages.<br />
comm<strong>en</strong>t travaillez-vous <strong>en</strong>semble ?<br />
P. c. : Moi, je suis toujours à la fois dedans et<br />
dehors ; au plateau et à l’extérieur du plateau. Sandrine,<br />
elle, est toujours à l’extérieur. Nous avons<br />
inv<strong>en</strong>té notre façon de travailler <strong>en</strong>semble.<br />
s. l. : De l’extérieur, j’ai plus une vision globale<br />
du rythme du spectacle. Nous croisons nos idées,<br />
nos équipes, nous choisissons <strong>en</strong>semble les interprètes.<br />
Nous partageons nos idées et nous nous<br />
Elisabeth Hölzle et Maria Gomez.<br />
Il y a quelque chose d’immédiatem<strong>en</strong>t jubilatoire<br />
dans cette écriture incisive, mordante, qui<br />
met <strong>en</strong> place un véritable art de la joute verbale.<br />
Marcel Aymé n’a pas peur de nous faire basculer<br />
dans des situations invraisemblables. Il fait<br />
preuve, dans cette pièce, d’une grande audace,<br />
d’une liberté d’auteur folle !<br />
m. g. : Sous des appar<strong>en</strong>ces de drôlerie et de<br />
légèreté, <strong>La</strong> Tête des autres révèle égalem<strong>en</strong>t<br />
une grande viol<strong>en</strong>ce, une grande acidité. Lorsque<br />
cette pièce a été créée, <strong>en</strong> 1952, par André<br />
Barsacq au Théâtre de L’Atelier, elle a d’ailleurs<br />
provoqué un grand scandale.<br />
Pour quelle raison avez-vous souhaité<br />
mêler des chansons à ce texte ?<br />
e. H. : J’avais <strong>en</strong>vie de nourrir ce spectacle de<br />
joie, de fantaisie, <strong>en</strong>vie de répondre aux libertés<br />
que pr<strong>en</strong>d Marcel Aymé dans sa pièce par<br />
mes propres libertés de metteure <strong>en</strong> scène. J’ai<br />
donc demandé aux huit comédi<strong>en</strong>s participant<br />
« Peut-on <strong>en</strong>core<br />
choisir d’avoir le<br />
même métier<br />
toute sa vie ? » Sandrine <strong>La</strong>nno<br />
mettons d’accord sans <strong>en</strong> passer par des rapports<br />
de pouvoir : il y a une chose assez évid<strong>en</strong>te dans<br />
ce travail à deux !<br />
P. c. : Et cette évid<strong>en</strong>ce est d’autant plus précieuse<br />
que, justem<strong>en</strong>t, ce n’est pas toujours évid<strong>en</strong>t<br />
d’être <strong>en</strong>semble dans cette évid<strong>en</strong>ce !<br />
Propos recueillis par Catherine Robert<br />
Muable et incertain, projet et mise <strong>en</strong> scène de<br />
Paola Comis et Sandrine <strong>La</strong>nno. Du 10 au<br />
21 janvier 2012 à 20h30 ; relâche les 15 et 16.<br />
Maison des Arts de Créteil, 1 place Salvador-All<strong>en</strong>de,<br />
94000 Créteil. Tél. 01 45 13 19 19.<br />
« Il y a quelque chose<br />
d’immédiatem<strong>en</strong>t<br />
jubilatoire dans<br />
cette écriture incisive,<br />
mordante… » Elisabeth Hölzle<br />
à cette av<strong>en</strong>ture, non seulem<strong>en</strong>t de chanter des<br />
chansons d’H<strong>en</strong>ri Salvador, de Jean-Jacques<br />
Goldman, de B<strong>en</strong>jamin Biolay…, mais égalem<strong>en</strong>t<br />
de danser. J’ai voulu donner un maximum de<br />
rythme, de couleurs, un maximum de relief à<br />
ce spectacle.<br />
Entreti<strong>en</strong> réalisé par Manuel Piolat Soleymat<br />
<strong>La</strong> Tête des autres, de Marcel Aymé ; mise <strong>en</strong> scène<br />
d’Elisabeth Hölzle. Du 11 au 29 janvier 2012.<br />
Les mercredis, v<strong>en</strong>dredis et samedis à 20h30, les<br />
jeudis à 19h, les dimanches à 16h30. C<strong>en</strong>tre culturel<br />
Jean-Houdremont, 11 av<strong>en</strong>ue du Général-Leclerc,<br />
93120 <strong>La</strong> Courneuve. Tél. 01 48 36 11 44.<br />
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