L'Envers vaut l'endr..
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son humain. C’était un concert aussi bestial que sublime.<br />
— Tes semblables ne trouveront asile nulle part ! Nul endroit où se soustraire à notre regard. Restitue<br />
ce que tu as volé !<br />
L’homme en noir n’avait toujours pas trouvé le courage de se tourner vers son poursuivant, mais il<br />
resserra encore sa prise sur le paquet. Il rassembla toute la défiance possible.<br />
— Vous ne l’aurez pas ! Il m’a choisi ! Il est à moi !<br />
Quelqu’un apparut dans l’embrasure de la porte. Une forme encore plus noire, plus dense que les<br />
ombres. Je sentis sa présence, sa pression, comme un grand poids dans la nuit. J’eus l’impression qu’un<br />
être immense et totalement inhumain s’était infiltré dans le monde des mortels. Il n’avait pas sa place ici,<br />
mais il était venu quand même. Il en avait le pouvoir.<br />
L’étrange murmure s’éleva de nouveau.<br />
— Rends-le-nous. Restitue-le maintenant ou nous t’arracherons l’âme, et nous la plongerons dans les<br />
flammes de l’enfer !<br />
L’incertitude tordit le visage du supplicié. Des larmes perlèrent à travers les épaisses sutures de ses<br />
paupières. Il finit par acquiescer et son corps se creusa sous la défaite. Il était trop épuisé pour courir, et<br />
trop effrayé pour penser à se défendre. Je ne le blâmai pas. Même à l’abri dans les ombres, cette voix<br />
malsaine et impitoyable manqua de me faire évanouir de trouille. Le malheureux déballa lentement un<br />
calice d’argent incrusté de pierres précieuses. Il luisait sous la lumière tamisée comme un morceau de<br />
paradis tombé sur Terre.<br />
— Prenez-le ! siffla l’homme à travers ses larmes. Prenez le Graal ! Mais… ne me torturez plus, s’il<br />
vous plaît.<br />
Il y eut un grand silence, comme si le monde lui-même retenait son souffle. Les mains du supplicié se<br />
mirent à trembler si fort que la coupe menaça de tomber. La voix aux harmoniques parla de nouveau,<br />
lourde et inflexible comme le destin.<br />
— Ce n’est pas le Graal.<br />
Une grande ombre s’élança dans la travée, et enveloppa l’homme en noir avant qu’il ait pu crier. Je me<br />
collai contre le mur, et priai pour que l’obscurité m’absorbe. Un rugissement fit trembler l’église, comme<br />
si tous les lions de la Terre s’y étaient donné rendez-vous. Puis l’ombre se retira, elle coula le long de la<br />
nef, comme si elle était… repue. Elle fila par l’entrée béante et disparut dans la nuit. Je ne sentis plus sa<br />
présence et m’avançai avec précaution pour examiner la forme toujours agenouillée devant l’autel.<br />
C’était devenu une statue blanche portant des vêtements noirs en lambeaux. Les mains blafardes restaient<br />
crispées sur le calice, et le visage était un masque d’horreur éternelle.<br />
Je rassemblai mes bougies, vérifiai que je n’avais laissé aucune trace de mon passage et quittai Saint-<br />
Jude. Je rentrai lentement à la maison en prenant le chemin des écoliers. Voilà qui méritait réflexion. Le<br />
Graal…<br />
Si le Saint-Graal est dans le Nightside, ou si les gens qui s’y intéressent le pensent, on est dans la<br />
merde jusqu’au cou ! La sainte coupe attire le genre de cadors qui donneraient des sueurs froides aux<br />
pires brutes du Nightside. Un homme avisé ferait bien de prendre en considération toutes les implications<br />
d’une telle nouvelle, de partir en vacances, et de revenir une fois les derniers décombres tombés.<br />
Après, si le Graal est vraiment dans le coin… Je suis John Taylor ! C’est mon boulot de trouver les<br />
choses !