L'Envers vaut l'endr..
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une faveur, ne t’approche pas de ces emplumés. Concentre-toi plutôt sur la Tare Académie. Y a une<br />
raison particulière pour que je puisse en vouloir au blond ?<br />
— Il a essayé de me draguer au Dancin’ Fool la semaine dernière. Il croyait m’impressionner parce<br />
qu’il avait fait partie de ce fameux boys band avec ses frères. On croit rêver ! C’est trop ringard… Quoi<br />
qu’il en soit, il n’a pas compris quand je lui ai dit : « Non, va voir ailleurs » ou « Va te faire mettre,<br />
bâtard ! », alors j’ai été obligée de le gifler. Je te jure, il est devenu rouge comme une tomate et il s’est<br />
mis à chialer. J’ai eu pitié et j’ai dansé avec lui, finalement. Je peux te garantir que quand il n’a pas son<br />
chorégraphe derrière lui, il bouge comme un sabot. Après, il s’est collé à moi pendant un slow et m’a<br />
fourré sa langue dans l’oreille, alors je lui ai défoncé le pied avec mon talon aiguille et je me suis tirée.<br />
Quel branleur. (Elle fit une pause et reprit brusquement : ) Ooh ! Ooh ! J’allais oublier ! J’ai des<br />
messages pour vous… Mouais. La direction de la Fosse a appelé pour signaler que Suzie et vous étiez<br />
interdits d’entrée… à vie. Il se pourrait même qu’on vous intente un procès pour détresse émotionnelle<br />
et/ou crises de stress posttraumatique. Big Nina a appelé, elle aussi, pour dire qu’il ne fallait pas<br />
s’inquiéter, c’était pas des morpions finalement, mais des scarabées.<br />
Je raccrochai. Parfois, vous savez quand il ne fait pas bon continuer certaines conversations.<br />
La Salsa du démon de Brewer Street était à deux pas et on pouvait entendre la baston à cent mètres du<br />
snack. Des hurlements, les objets que l’on brise, la musique caractéristique qui accompagne la Tare<br />
Académie en plein travail. Les badauds manifestaient un intérêt poli mais de loin. Les pouvoirs de<br />
l’Académie avaient tendance à partir dans tous les sens une fois qu’ils étaient lancés. Après avoir fendu<br />
la foule pour nous approcher du lieu, nous avons pu jeter un coup d’œil et personne ne nous remarqua.<br />
Tout le monde avait déjà assez de problèmes comme ça.<br />
L’endroit était assez médiocre, un papier peint pourri, des lumières agressives et des nappes en<br />
plastique, idéales pour un nettoyage rapide entre deux clients. Y a pas grand-chose qui s’accroche au<br />
plastique. La chaîne des Salsas du démon se spécialisait dans les chilis incendiaires avec toutes les<br />
variantes possibles. Une bouchée, et vos plombages fondaient et vos cheveux prenaient feu. Les chilis de<br />
l’enfer. Ils ont trois toilettes et pas de file d’attente. Les rouleaux de papier sont stockés dans des<br />
réfrigérateurs. Je vous parle de chilis atomiques et je n’imagine même pas les retombées. Ici, c’est pour<br />
les vrais fans de chili. Le tableau de la porte annonçait le menu du jour, du chili au wasabi. Le wasabi est<br />
une moutarde japonaise des plus féroces qui devrait être interdite par la convention de Genève. Ce truc<br />
est pire que le napalm.<br />
Il y avait un autre panneau qui parlait de sushis gratuits du moment qu’on fournissait le poisson.<br />
L’esprit d’entreprise est une chose merveilleuse.<br />
Nous sommes entrés pour regarder la Tare Académie dans sa version particulièrement déplaisante du<br />
racket de protection, enfin, terrorisme d’entreprise serait plus approprié. Il fut un temps où l’Académie<br />
était un boys band assez populaire, mais cela faisait bien longtemps que leurs reprises sucrées n’avaient<br />
pas bouleversé le top 50. À peine vingt ans et déjà sur une voie de garage, les membres de la Tare<br />
Académie avaient dérivé jusque dans le Nightside en quête d’une nouvelle carrière. Le Collectionneur<br />
leur avait donné un pouvoir plutôt pratique en échange de leur talent qu’il conservait dans un bocal, un<br />
minuscule bocal. De nos jours, les gars de l’Académie louaient leurs services pour casser des jambes ou<br />
effrayer les commerçants. Quand les affaires vont mal, ils se font de l’argent de poche en jouant les<br />
indépendants. Soit vous acceptiez de payer régulièrement leur police d’assurance, soit ils vous<br />
garantissaient de sacrés ennuis. Pour être plus précis, ils se pointaient chez vous et faisaient une