L'Envers vaut l'endr..
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mains battaient un rythme syncopé contre le mur. Je sentais des larmes couler sur mes joues. Walker avait<br />
raison : certains remèdes sont pires que le mal. Je regardai le Verbe gisant sur le sol à côté de son étui,<br />
mais je ne pus me résoudre à toucher ce maudit flingue. Alors Suzie le fit pour moi ; elle referma la boîte<br />
sur le Verbe sans même le toucher, puis la rangea dans la poche de son blouson. Elle se tint à mes côtés<br />
pendant que je reprenais mes esprits. Je savais que c’était ce qu’elle pouvait faire de mieux pour me<br />
réconforter.<br />
Mon agitation disparut rapidement et je repris du poil de la bête. J’étais fatigué, j’avais les jambes et<br />
l’esprit en plomb, comme si je n’avais pas fermé l’œil depuis une semaine. J’essuyai les larmes sur mes<br />
joues, reniflai deux ou trois fois, puis adressai à Suzie mon sourire le plus enjôleur. Assez convaincant, je<br />
dois dire. Elle le prit pour ce que c’était et hocha la tête ; le boulot n’attend pas. Suzie n’avait jamais été<br />
très à l’aise avec les moments d’émotion.<br />
— Je porte l’étui, lâcha-t-elle. J’ai plus l’habitude des flingues que toi.<br />
— C’est plus qu’un simple pistolet, Suzie.<br />
Elle haussa les épaules.<br />
— L’ange de tout à l’heure, tu crois qu’il venait d’en bas ou d’en haut ?<br />
Ce fut à mon tour de hausser les épaules.<br />
— Qu’est-ce que ça peut faire, Suzie ? Quand nous étions prisonniers de nos peurs, à la merci des<br />
Académiciens, pendant un moment, j’ai vu ce que tu voyais…<br />
— Et on n’en parlera pas, coupa-t-elle. Ni maintenant ni jamais. Si tu es mon ami.<br />
Parfois, « être un ami » signifie savoir quand laisser tomber et la fermer. Je me décollai donc du mur<br />
pour rejoindre la statue de sel la plus proche et mon amie m’accompagna. Les morceaux de la statue<br />
brisée éclataient sous nos chaussures. Je fixai les trois visages blancs, enfermés à jamais dans une<br />
seconde d’horreur. Parfois, j’ai l’impression que l’univers se shoote à l’ironie.<br />
— Bon, ben, je crois qu’on peut oublier notre dernière chance de trouver la cachette du Collectionneur,<br />
constata Suzie avec un calme absolu.<br />
— Pas forcément. Rappelle-toi la première règle du détective privé : dans le doute, fouille les<br />
poches…<br />
— Je croyais que la première règle c’était d’attendre pour être sûr que le chèque du client est honoré.<br />
— Gnagnagna.<br />
Cela nous prit du temps, mais nous finîmes par dénicher un prospectus qui annonçait un spectacle de<br />
Jack L’Ordure cosmique dans ce bon vieux théâtre Styx, prévu pour aujourd’hui même, enfin, cette nuit.<br />
— Alors le Cosmique est de retour, murmurai-je. Je n’aurais jamais cru qu’il comptait les<br />
Académiciens parmi ses fans.<br />
— Il doit y avoir un lien, dit Suzie. Je sais de source sûre que, par le passé, Jack a fourni certains<br />
objets au Collectionneur.<br />
— Allons discuter avec ce monsieur, on va bien voir s’il sait quelque chose.<br />
— Bonne idée, je suis d’humeur à frapper chez n’importe qui, voire même frapper n’importe qui tout<br />
court.<br />
— Ta méthode favorite, déclarai-je tout ragaillardi.