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Xavier Kawa-Topor
Je voudrais poser une dernière question à Grégoire Solotareff : vous avez, j’imagine, des
projets d’animation, pouvez-vous nous en parler ? Comment abordez-vous aujourd’hui ce
projet au vue de votre expérience et de ce qu’on vient de dire du contexte de la production
en France ?
Grégoire Solotareff
Nous avons, avec Prima Linea Production, le projet d’un long métrage, actuellement en
écriture, à partir des personnages de Loulou, mais en long métrage cette fois-ci. Je me
lance donc dans l’aventure à nouveau, dans tous les sens du terme, en sachant que les
paramètres ont changé. Avant la sortie de Kirikou et la sorcière, le grand public était
réticent car il n’existait que très peu de longs métrages d’animation français de qualité,
maintenant il existe trop de films d’animation. Parmi toutes ces nouveautés plus ou moins
heureuses, je pense malgré tout que quelque chose peut se produire : non pas un autre
Kirikou car il existe toujours une évolution dans tous les domaines, mais quelque chose
d’inattendu, qui nous surprendra. Cela ne sera peut-être pas un film en 2D avec peu
d’argent et de moyens techniques, ce sera quelque chose qu’on ne peut pas, par définition,
définir : une nouvelle surprise. S’il n’existait pas au fond de nous l’espoir de fabriquer une
œuvre qui sorte du lot, nous serions beaucoup moins nombreux à exercer ce métier, nous
serions davantage désespérés que nous le sommes. Selon moi, l’avenir n’est pas si noir. Par
exemple, le cinéma doit maintenant tenir compte du relief, mais, comme toutes techniques
qui perdurent (comme le noir et blanc par exemple), il trouvera sa place avec des entrées
plus chères. Cela sera peut-être de plus en plus difficile, mais le cinéma d’auteur a toujours
été plus difficile que le cinéma commercial. Dans le cas de notre projet, je ne sais pas si
cela correspond à la définition du film d’auteur, dans la mesure où il se réfère à un livre
existant et un court métrage. Mais dans la mesure où personne d’entre nous n’a de visée
purement commerciale, on peut dire qu’on essaie de mettre sur pied un film d’auteur.
Christophe Jankovic
Le débat sur le film d’auteur que tu ouvres est riche. Je le vois sur un plan pragmatique et
simple. Selon moi, un film qui est motivé par d’autres raisons que ce que le film met luimême
en œuvre, n’est pas un film d’auteur. Un film d’auteur se définirait, en tant que film
entrant dans la catégorie "film d’auteur", comme ceci : si l’unique raison d’être de ce film
se trouve en lui-même, dans celui qui l’a porté et qu’on définit comme un auteur. De ce
point de vue-là, Grégoire Solotareff est incapable de faire autre chose qu’un film d’auteur,
malheureusement peut-être pour nous qui le produisons et pour sa retraite !
Xavier Kawa-Topor
On va clore sur cette incapacité de Grégoire Solotareff, qui nous rassure tous !
Les enfants de cinéma - Actes de la Rencontre Nationale École et cinéma - Octobre 2009 61 n