Faculté de Philosophie et Lettres - Jean-Philippe Toussaint
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Daniel1 déclare à la page finale : « J’étais indélivré » (La PI : 484). Nous y reviendrons<br />
plus bas.<br />
Chez <strong>Toussaint</strong>, nulle acrimonie envers sa famille semblable à celle <strong>de</strong><br />
Houellebecq. Il n’empêche, <strong>de</strong>rrière la désinvolture ostentatoire du narrateur, les rapports<br />
qu’il entr<strong>et</strong>ient avec ses proches ne sont pas étroits. C’est dans La Réticence <strong>et</strong> La<br />
Télévision que l’auteur nous présente le fils <strong>de</strong> Je. Si dans c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière, le narrateur est<br />
finalement rejoint à Berlin par sa femme <strong>et</strong> ses « <strong>de</strong>ux enfants » en toute fin du récit (La<br />
Télévision : 206), dans La Réticence, l’écrivain nous donne à lire les déambulations d’un<br />
père seul – célibataire ? – avec son fils. Seul, le narrateur l’est aussi tout au long du récit<br />
<strong>de</strong> La Télévision : « J’ai passé l’été seul à Berlin, c<strong>et</strong>te année. Delon avec qui je vis, a<br />
passé les vacances en Italie, avec les <strong>de</strong>ux enfants, mon fils <strong>et</strong> le bébé pas encore né » (La<br />
Télévision : 8). Ce détachement, ici spatial, physique, du père à sa famille est reconduit<br />
lorsque le narrateur se méprend <strong>de</strong> manière répétée à propos <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> son fils (malgré le<br />
rappel <strong>de</strong> sa compagne) : « il a cinq ans ! dit-elle […] il a déjà cinq ans ! dis-je (c’était<br />
incroyable, ça changeait tout le temps) » (p. 218) ou encore « quatre ans, quatre ans <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong>mi, je ne sais plus très bien quel âge pouvait avoir mon fils à l’époque (il avait six ans<br />
maintenant) » (p. 214). Certes un jeu narratif entre les niveaux diégétiques est repérable.<br />
Mais il ne faut cependant pas se laisser duper. Ce désintéressement paternel anodin, le<br />
narrateur tente <strong>de</strong> s’en déculpabiliser en multipliant <strong>de</strong> façon démesurée les déterminants<br />
possessifs « mon » au côté du nom « fils » (La Télévision : 207, 208, 209, 210, 211, 213,<br />
214, 215, 219, 222) ; souvent dans le même paragraphe ou sur la même page.<br />
Dans La Réticence, <strong>Jean</strong>-<strong>Philippe</strong> <strong>Toussaint</strong> va encore plus loin quant au<br />
détachement du père vis-à-vis <strong>de</strong> son fils. En eff<strong>et</strong>, le narrateur, se rendant à Sasuelo<br />
accompagné <strong>de</strong> son fils se débarrasse <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier à l’hôtel, sans surveillance <strong>de</strong> jour<br />
comme <strong>de</strong> nuit, pour entamer ses pérégrinations à la recherche <strong>de</strong> Biaggi ; se rappelant<br />
parfois que son fils est resté à l’hôtel :<br />
Mais si Biaggi se trouvait à l’hôtel, me disais-je, si Biaggi était à l’hôtel<br />
maintenant, il avait sûrement dû me voir sortir c<strong>et</strong>te nuit, <strong>et</strong> c’était lui peut-être,<br />
[…] qui avait fermé la baie vitrée <strong>de</strong>rrière moi pour m’empêché <strong>de</strong> rentrer – <strong>et</strong> je<br />
songeai que mon fils aussi se trouvait à l’hôtel. (La Réticence : 64-65)<br />
Le narrateur poursuit ensuite son récit, sans que le lecteur ne sache ce qu’il advient du<br />
p<strong>et</strong>it garçon, qui apparaîtra <strong>de</strong> manière anecdotique au fil <strong>de</strong>s pages. Ce procédé n’est pas<br />
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