Faculté de Philosophie et Lettres - Jean-Philippe Toussaint
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Chantre <strong>de</strong> la déchéance <strong>de</strong>s idéologies <strong>et</strong> <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s polémiques, Michel<br />
Houellebecq n’évite pas d’abor<strong>de</strong>r ce nouveau phénomène qu’il exploite dans ses <strong>de</strong>ux<br />
<strong>de</strong>rniers ouvrages. Même si l’auteur décrit avec causticité l’essor <strong>de</strong> la secte <strong>de</strong>s<br />
Elohimites dans son récit Lanzarote <strong>et</strong> dans la première partie <strong>de</strong> son <strong>de</strong>rnier roman 1 , il<br />
n’empêche qu’il y fait adhérer inéluctablement ses personnages mal dans leur peau ;<br />
notamment l’athée Daniel, ironiste acerbe <strong>de</strong> La PI : « J’avais l’impression d’être engagé<br />
dans une démarche spirituelle – alors que ce mot n’avait jamais eu le moindre sens pour<br />
moi » (p. 120).<br />
Touchons également un mot sur l’autre conséquence <strong>de</strong> l’individualisme<br />
religieux : les fondamentalismes, dont la thématique est très présente chez Houellebecq. A<br />
l’opposé du syncrétisme culturel, le fondamentalisme est une réaction exacerbée à<br />
l’amollissement <strong>de</strong>s mœurs, une volonté affirmée d’un r<strong>et</strong>our au sens pur d’une doctrine<br />
religieuse. Hormis ceux <strong>de</strong> Lanzarote <strong>et</strong> <strong>de</strong> La PI, qui adhèrent tout <strong>de</strong> même à un système<br />
<strong>de</strong> croyance, les personnages houellebecquiens ne sont pas fondamentalement religieux. Si<br />
leur angoisse <strong>de</strong> la mort est permanente – nous allons y revenir – ils se déclarent anti-<br />
confessionnels ou athées. Cependant, leur parcours les amène régulièrement à se<br />
positionner par rapport aux intégrismes religieux (« à la mo<strong>de</strong> », principalement<br />
islamistes) <strong>et</strong> leurs propos ten<strong>de</strong>nt ouvertement vers l’hyperbole raciste. Cela est le plus<br />
patent dans Plateforme où le narrateur effectue <strong>de</strong>s séjours prolongés en Thaïlan<strong>de</strong> avec sa<br />
compagne Valérie, dans le cadre du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> vacances organisées « Nouvelles<br />
Frontières ». Au cours du récit, les protagonistes essuient une vague d’attentats<br />
revendiqués par <strong>de</strong>s intégristes islamisants dont le <strong>de</strong>rnier relaté sera fatal à Valérie.<br />
Comme le montre c<strong>et</strong> extrait, le narrateur, par le biais <strong>de</strong> son interlocuteur égyptien,<br />
attaque le monothéisme islamique, ses pratiques « radical[es] » <strong>et</strong> ses fidèles :<br />
Depuis l’apparition <strong>de</strong> l’islam, plus rien. Le néant intellectuel absolu, le vi<strong>de</strong> total.<br />
Nous sommes <strong>de</strong>venus un pays <strong>de</strong> mendiants pouilleux. Des mendiants pleins <strong>de</strong><br />
poux, voilà ce que nous sommes. Racailles, racailles… ! […] Il faut vous souvenir<br />
[…] que l’islam est né en plein désert, au milieu <strong>de</strong> scorpions, <strong>de</strong> chameaux <strong>et</strong><br />
d’animaux féroces <strong>de</strong> toutes espèces. Savez-vous comment j’appelle les<br />
musulmans ? Les minables du Sahara. Voilà le seul nom qu’ils méritent. L’islam<br />
ne pouvait naître que dans un désert stupi<strong>de</strong>, au milieu <strong>de</strong> Bédouins crasseux qui<br />
n’avaient rien d’autre à faire — pardonnez-moi — que d’enculer leurs chameaux.<br />
<br />
1 « J’appelais moi-même les élohimites les Très Saints […] Ils s’interdisaient <strong>de</strong> fumer, ils prenaient <strong>de</strong>s<br />
anti-radicaux libres <strong>et</strong> d’autres choses, qu’on trouve en général dans les boutiques <strong>de</strong> parapharmacie. Les<br />
drogues étaient plutôt mal vues. L’alcool était permis, sous forme <strong>de</strong> vin rouge – à raison <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux verres par<br />
jour. Ils étaient un peu régime crétois, si l’on veut. » (La PI : 118).<br />
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