La danseuse du Gai-Moulin
La danseuse du Gai-Moulin
La danseuse du Gai-Moulin
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Un vicieux !… Et il n’a pas besoin de se lever le matin pour aller<br />
à son bureau, lui !<br />
M. Chabot ne disait rien, mangeait en regardant son assiette<br />
pour ne pas avoir à prendre parti. Un locataire <strong>du</strong> premier<br />
descendit, un étudiant polonais, qui gagna directement la rue et<br />
se rendit à l’Université. On en entendait un autre qui s’habillait<br />
juste au-dessus de la cuisine.<br />
— Tu verras, Jean, que cela finira mal ! Demande à ton père<br />
s’il faisait la bombe, à ton âge !<br />
Et Jean Chabot avait vraiment les yeux striés de rouge, les<br />
traits tirés. On voyait un petit bouton pourpre sur son front.<br />
— Je m’en vais ! répéta-t-il en regardant l’heure.<br />
Juste à ce moment, quelqu’un donnait des petits coups à la<br />
boîte aux lettres encastrée dans la porte d’entrée. C’était la façon<br />
d’appeler des intimes, la sonnette servant aux étrangers. Jean se<br />
hâta d’aller ouvrir, se trouva en face de Delfosse qui<br />
questionna :<br />
— Tu viens ?<br />
— Oui… Je prends mon chapeau…<br />
— Entrez, Delfosse ! cria Mme Chabot de la cuisine.<br />
Justement, je disais à Jean qu’il est temps que cela finisse ! Il est<br />
en train de se ruiner la santé ! Que vous fassiez la noce, cela<br />
regarde vos parents. Mais Jean…<br />
Delfosse, long et maigre, le teint encore plus pâle que<br />
Chabot, baissait la tête en esquissant un sourire gêné.<br />
— Jean doit gagner sa vie ! Nous n’avons pas de fortune,<br />
nous ! Vous êtes assez intelligent pour le comprendre et je vous<br />
demande de le laisser tranquille.<br />
— Tu viens ?… souffla Jean, qui était au supplice.<br />
— Je vous jure, madame, que nous… balbutia Delfosse.<br />
— À quelle heure êtes-vous rentrés cette nuit ?<br />
— Je ne sais pas… Peut-être à une heure…<br />
— Et Jean a avoué qu’il était plus de deux heures <strong>du</strong> matin !<br />
— Il est temps que j’aille au bureau, mère…<br />
Il avait son chapeau sur la tête. Il poussa Delfosse dans le<br />
corridor. M. Chabot se levait à son tour et endossait son<br />
manteau.<br />
15