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Au château de Corinne - E-monsite

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invités, Schlegel, Constant, les Montmorency, Sismondi, Madame Récamier et beaucoup<br />

d’autres.<br />

– Moi aussi, j’aurais pu faire partie <strong>de</strong> cette compagnie, dit Walpole avec chaleur.<br />

– Laquelle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux dames auriez-vous accompagnée dans sa promena<strong>de</strong>, si vous aviez<br />

eu le choix ? <strong>de</strong>manda Madame Winthrop.<br />

– Laquelle ? Madame <strong>de</strong> Staël, bien sûr, répondit le petit célibataire, chevaleresque.<br />

– Et vous, Monsieur Percival ?<br />

– Celle qui avait le plus d’esprit, répondit le poète.<br />

– Nous <strong>de</strong>vons manquer <strong>de</strong> beauté, plus encore que nous ne l’imaginons, Sylvia,<br />

puisqu’ils choisissent tous la plus quelconque, dit Katharine en riant. Mais vous n’avez<br />

encore rien dit, Monsieur Ford, quel aurait été votre choix ?<br />

– Entre les <strong>de</strong>ux, il ne peut y en avoir.<br />

– N’êtes-vous pas un peu énigmatique ?<br />

– John veut dire qu’il les admire toutes les <strong>de</strong>ux à égalité, expliqua la tante.<br />

– Exactement, poursuivit le neveu.<br />

Le déjeuner fut disposé sur l’herbe. Le cocher <strong>de</strong> Madame Winthrop avait étalé un tapis<br />

improvisé avec les couvertures <strong>de</strong>s voitures et les châles. Percival se coula à terre, près<br />

<strong>de</strong>s dames. Cousin Walpole, après avoir essayé diverses positions, adopta celle dite <strong>de</strong>s «<br />

jambes croisées ». Ford contempla leur groupe un instant, puis il s’éloigna et revint avec<br />

un banc <strong>de</strong> jardin, sur lequel il s’assit confortablement, le dos contre un arbre.<br />

– Vous n’êtes pas assez humble, Monsieur Ford, déclara Katharine.<br />

– Ce n’est pas une question d’humilité, mais d’élégance. Je n’ai pas les dons <strong>de</strong> Monsieur<br />

Percival.<br />

Percival ne disait rien. Il était élégant ; pourquoi le nier ?<br />

– Mais vous êtes très soli<strong>de</strong>, John, dit Sylvia, dans l’intention <strong>de</strong> le consoler.<br />

– Et si vous n’êtes pas exactement élégant, je suis certaine que vous êtes bien conformé.<br />

Ses auditeurs, et parmi eux Ford lui-même, s’efforcèrent <strong>de</strong> ne pas rire, mais en vain.<br />

Leur gaieté éclata.<br />

– Vous pensez que John n’a pas besoin <strong>de</strong> mes encouragements ? <strong>de</strong>manda la petite<br />

dame, en observant les rieurs. Mais je me souviens si bien <strong>de</strong> lui et <strong>de</strong> ses chers petits bras<br />

potelés, dans sa petite robe d’enfant blanche ! Il voulait toujours manger du pain et du<br />

beurre que ce soit bon ou non pour lui. Il était si joli et si grassouillet.<br />

Ces réminiscences provoquèrent d’autres éclats <strong>de</strong> rire.<br />

– Vous pouvez rire, il mangeait beaucoup <strong>de</strong> sucre ! reprit Ma<strong>de</strong>moiselle Pitcher en<br />

hochant la tête sagement. Rien d’autre ne pouvait le satisfaire que ce bocal sur l’étagère<br />

supérieure.<br />

– Avez-vous conservé les mêmes goûts, Monsieur Ford ? <strong>de</strong>manda Katharine.<br />

Affectionnez-vous toujours ce qui se trouve hors d’atteinte, sur l’étagère supérieure ?<br />

– Quand on a grandi, il reste peu <strong>de</strong> choses qui soient absolument hors <strong>de</strong> portée,<br />

répondit Ford. En général, c’est seulement une question <strong>de</strong> détermination et <strong>de</strong> bras long.<br />

Le soleil déclinait. Ses rayons arrivaient <strong>de</strong> biais sous leur arbre, et ils traçaient sur l’herbe<br />

<strong>de</strong>s barres obliques mordorées. La conversation roulait désormais sur la société du<br />

XVIIII ème siècle. C’était surtout Percival qui parlait. Mais un poète a tout loisir <strong>de</strong><br />

discourir dans un jardin ancien, silencieux et ensoleillé, installé sous les arbres, sur un<br />

tapis matelassé, avec à sa portée du vin dans un verre à pied, et <strong>de</strong> belles dames qui<br />

l’écoutent, absorbées. Ford, adossé à son arbre fumait une cigarette. On pouvait supposer<br />

qu’il écoutait également.<br />

– Voilà ce que j’ai lu l’autre jour, dans la mesure où je parviens à m’en souvenir,<br />

commença l’orateur. Il fixait le sommet <strong>de</strong>s arbres <strong>de</strong> l’autre côté du bassin. Quand il<br />

parlait, il avait l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> poser le regard sur un endroit situé très au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s têtes<br />

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