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Au château de Corinne - E-monsite

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commençant <strong>de</strong> suite notre existence <strong>de</strong> mariés. Ne vous inquiétez pas, il ne comprend<br />

pas un mot d’anglais ! Disons, la semaine prochaine ?<br />

– Non.<br />

– Atten<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong> mieux me connaître ? Prenez-moi et ren<strong>de</strong>z-moi meilleur.<br />

– Quels sont vos principaux défauts, je veux dire, outre ceux que je connais déjà ?<br />

<strong>de</strong>manda-t-elle, en protégeant son visage <strong>de</strong> la chaleur du feu à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses gantelets <strong>de</strong><br />

cavalière.<br />

– J’en ai peu. J’aime agir à ma guise, mais toujours correctement. Mes opinions sont<br />

plutôt décidées, mais aimeriez-vous un homme indécis ? Je n’aime pas les gens en<br />

général, mais j’aime beaucoup certaines personnes en particulier. Je pense que c’est tout.<br />

– Et votre obstination ?<br />

– Seulement <strong>de</strong> la fermeté.<br />

– Vous êtes étriqué, plein <strong>de</strong> préjugés, vous ne croyez en aucun progrès. Vous voudriez<br />

rabaisser les femmes avec une main <strong>de</strong> fer.<br />

– Une main <strong>de</strong> velours.<br />

Le gardien saisit alors l’autre chaussure.<br />

– Il va certainement les élargir avec sa large paume, dit Ford, mais ce sera peut-être aussi<br />

bien. Vous avez l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> porter <strong>de</strong>s chaussures trop petites. Quelle ridicules petites<br />

affaires ce sont là ! Est-ce que douze paires par an vous suffiront ?<br />

Une rougeur lui monta au visage. Elle ne dit rien.<br />

– Ce sera difficile pour vous d’abandonner votre indépendance, votre contrôle sur les<br />

choses, remarqua-t-il.<br />

Mais elle se tourna vers lui avec une douce expression dans le regard :<br />

– Vous ferez cela pour moi, répondit-elle.<br />

Il se leva, fit quelques pas dans la pièce, revint s’appuyer sur le sommet doré du dossier<br />

<strong>de</strong> son siège, et prononça ces mots avec intensité :<br />

– Mais qu’a donc en tête ce vieil obstiné pour prendre racine ici ?<br />

Elle rit. Benjamin Franklin leva les yeux <strong>de</strong> sa tâche, rit également (probablement en<br />

vertu <strong>de</strong> principes généraux <strong>de</strong> socialité et en remerciement <strong>de</strong> son pourboire).<br />

– Pour en revenir à vos défauts, dit-elle, je vous en prie, venez vous asseoir près <strong>de</strong> moi<br />

pour les reconnaître. Vous avez une nature très jalouse.<br />

– Vous vous trompez. Cependant si vous appréciez la jalousie, je pourrai vous donner<br />

satisfaction.<br />

– Ce ne sera pas nécessaire. C’est déjà fait.<br />

– Vous pensez à un cas précis. De qui m’avez-vous supposé jaloux ?<br />

Elle ne répondit pas. Après un instant, il revint à la charge.<br />

– Vous pensez que j’ai été jaloux <strong>de</strong> Lorimer Percival, dit-il.<br />

Le gardien annonça que les <strong>de</strong>ux chaussures étaient sèches. Elle les enfila, les boutonna à<br />

l’ai<strong>de</strong> d’une épingle à cheveux, transformée en crochet à bottines improvisé. Le vieil<br />

homme se redressait après être resté courbé. Il continuait à sourire, probablement en<br />

vertu <strong>de</strong>s mêmes principes généraux. L’après-midi s’achevait. Ford lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> leur<br />

amener les chevaux. Il sortit. Ils purent entendre son pas sourd et pru<strong>de</strong>nt sur les marches<br />

glissantes. Katharine s’était levée. Elle se plaça <strong>de</strong>vant le miroir pour ajuster son chapeau<br />

<strong>de</strong> cavalière. Ford se leva à son tour et se tint <strong>de</strong>rrière elle.<br />

– Vous rappelez-vous la fois où je vous ai regardée dans ce miroir, <strong>de</strong> la même manière, il<br />

y a un an <strong>de</strong> cela ?<br />

– De quelle façon vous m’avez parlé ce jour-là <strong>de</strong> mon pauvre petit livre ! Vous m’avez<br />

affreusement blessée.<br />

– Je suis désolé. Pardonnez-moi.<br />

– Mais vous ne pardonnez pas le livre ?<br />

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