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Au château de Corinne - E-monsite

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– Sylvia sera ravie, dit Madame Winthrop, en tendant courtoisement sa main pour lui<br />

souhaiter la bienvenue. Monsieur Ford, nous espérions votre visite avant la fin <strong>de</strong> l’été.<br />

Ils restèrent là quelques instants, puis remontèrent l’allée <strong>de</strong> platanes jusqu’à la maison.<br />

Madame Winthrop prononça avec grâce et aisance les phrases attendues pour une<br />

première rencontre. Son compagnon lui fit les réponses convenues. Il était aussi à l’aise<br />

qu’elle, mais il ne cherchait pas spécialement à se montrer gracieux. Sylvia, qui appréciait<br />

sa conversation avec Cousin Walpole, était à l’intérieur, assise près <strong>de</strong> la porte d’entrée.<br />

Elle se montra très étonnée :<br />

– Oh, John, quelle surprise ! Je croyais que vous étiez à Norway. Comme je suis<br />

heureuse <strong>de</strong> vous voir, mon très cher garçon !<br />

Elle se mit sur la pointe <strong>de</strong>s pieds pour l’embrasser, ses yeux fatigués pleins d’humidité<br />

mais encore beaux.<br />

Madame Winthrop <strong>de</strong>meura à l’extérieur. Il y avait <strong>de</strong>s fauteuils <strong>de</strong> jardin sous le petit<br />

porche et elle s’assit dans l’un d’entre eux. Elle sourit un peu quand elle entendit Sylvia<br />

saluer un homme d’âge mûr par ces mots : « mon très cher garçon. »<br />

Cousin Walpole s’approcha à son tour : « Bienvenue », dit-il <strong>de</strong> sa petite voix fluette.<br />

Puis, oublieux <strong>de</strong> son français, il ajouta avec dignité :<br />

– Bienvenue à Miaw-lins, Miaw-lins-lay-Tower.<br />

Ford prit place dans le hall, à côté <strong>de</strong> sa tante. Elle lui parla avec volubilité. La surprise<br />

l’avait agitée. Mais <strong>de</strong> temps en temps, elle l’observait, le regard chargé <strong>de</strong> souvenirs<br />

lointains. Elle songeait à la mère <strong>de</strong> Ford, sa propre sœur, morte <strong>de</strong>puis longtemps :<br />

– Comme vous lui ressemblez ! dit-elle enfin. Vous avez exactement le même profil. Et le<br />

profil <strong>de</strong> Mary était très beau ! Tout le mon<strong>de</strong> l’admirait.<br />

Ford, qui fixait le tapis, leva les yeux. Son regard croisa celui <strong>de</strong> Madame Winthrop, et il<br />

y remarqua une lueur amusée.<br />

– Oui, mon profil ressemble à celui <strong>de</strong> ma mère. C’est pourquoi il est agréable, répondit-il<br />

avec gravité. Il est dommage que mon visage, vu <strong>de</strong> face, infirme cette impression.<br />

Cependant, je vis <strong>de</strong> profil autant que possible. J’apparais <strong>de</strong> côté.<br />

– Que voulez-vous dire, mon cher ? <strong>de</strong>manda Sylvia.<br />

– Je suis comme la nouvelle lune, répondit-il. Je ne montre qu’un croissant. Je tiens le<br />

restant dans l’obscurité.<br />

Madame Winthrop se mit à rire et <strong>de</strong> nouveau Ford saisit son regard. Ce qu’il avait dit <strong>de</strong><br />

lui-même était vrai. Il avait un profil régulier, bien net, et affirmé mais, <strong>de</strong> face son visage<br />

donnait une impression contraire, témoignant <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> force que <strong>de</strong> beauté. Ses yeux<br />

gris étaient peu expressifs, à moins que la tranquillité ne passe pour une expression. Ses<br />

cheveux et sa barbe, taillés <strong>de</strong> près, étaient d’un brun foncé. Quant à sa taille, nul ne<br />

l’aurait trouvé grand, mais personne non plus ne l’aurait décrit comme petit. La même<br />

tournure grammaticale pourrait du reste s’appliquer à son allure générale : personne ne<br />

l’aurait trouvé bel homme, mais personne non plus ne l’aurait décrit comme ordinaire.<br />

Concernant ce qui importe plus que l’apparence, c’est-à-dire ses manières, bien qu’il soit<br />

réservé et sans prétention, un observateur attentif aurait remarqué sans beaucoup<br />

d’efforts, que les opinions <strong>de</strong> John Ford, qu’il n’imposait à personne, le satisfaisaient en<br />

général pleinement. En outre, les opinions <strong>de</strong>s autres, qu’elles soient ou non en accord<br />

avec les siennes, lui étaient indifférentes.<br />

Après quelques minutes, tous se dirigèrent vers le point <strong>de</strong> vue pour admirer les <strong>de</strong>rnières<br />

lueurs du jour sur le Mont Blanc. Madame Winthrop marchait en tête avec Cousin<br />

Walpole, dont le chapeau haut-<strong>de</strong>-forme <strong>de</strong> paille, avait une dignité qu’aucun couvrechef<br />

mo<strong>de</strong>rne ne pourrait atteindre.<br />

Sylvia suivait avec son neveu.<br />

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