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Au château de Corinne - E-monsite

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– Et lui…<br />

– Trente-sept ans, huit mois et neuf jours, répondit la dame comme si elle lisait la<br />

rubrique nécrologique. De vingt ans plus jeune que lui ! Naturellement, elle est incapable<br />

d’apprécier la véritable profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> sa poésie.<br />

– Il se peut qu’il s’en moque, vous savez, si elle lui est reconnaissante, dit Ford, avec<br />

cruauté, selon Ma<strong>de</strong>moiselle Pitcher.<br />

Pendant ces trois semaines <strong>de</strong> présence auprès <strong>de</strong> sa tante, il avait naturellement vu<br />

Madame Winthrop quotidiennement. Il la rencontrait généralement dans la chambre <strong>de</strong><br />

la mala<strong>de</strong>. Madame Winthrop entourait sa patiente <strong>de</strong> soins tendres et dévoués. Si elle se<br />

trouvait au salon quand il <strong>de</strong>scendait, Cousin Walpole y était également. Il ne l’avait pas<br />

vue seule une fois. Il ne séjournait pas à Miolans bien qu’il y ait passé presque tout son<br />

temps. Il avait pris pension dans une ferme, non loin <strong>de</strong> là. La santé <strong>de</strong> Sylvia<br />

s’améliorait chaque jour et au début du mois <strong>de</strong> septembre, son neveu se prépara à partir.<br />

Il se rendrait à Heil<strong>de</strong>lberg. Un matin où il faisait beau, il se sentit d’humeur à<br />

entreprendre une longue promena<strong>de</strong> d’adieu à cheval. Il envoya un mot à Sylvia pour lui<br />

annoncer qu’il n’arriverait pas à Miolans avant le soir, il enfourcha son cheval, et le fit<br />

avancer à vive allure. Il resta <strong>de</strong>hors, toute une journée sous le ciel bleu, et il en fut<br />

heureux. Il découvrit quelques nouvelles perspectives sur le Mont Blanc, il céda à la<br />

tentation d’une enivrante vitesse sur certains tronçons <strong>de</strong> route, il déjeuna au milieu <strong>de</strong>s<br />

vignes, dans une auberge rustique, et il <strong>de</strong>meura dans la compagnie ininterrompue <strong>de</strong> ses<br />

propres pensées. Vers cinq heures, sur le chemin du retour, il s’approcha <strong>de</strong> Coppet. Là,<br />

la tranquillité <strong>de</strong> sa longue journée <strong>de</strong> loisir fut brisée par un petit inci<strong>de</strong>nt : son cheval<br />

perdit un fer. Il le conduisit jusqu’à la maréchalerie du village. Puis, alors que le<br />

maréchal ferrant accomplissait sa besogne avec une lenteur toute suisse, il s’engagea dans<br />

la montée qui conduisait au vieux <strong>château</strong>.<br />

Un chien blanc à poils longs vint à lui : c’était son ami Gibbon. Quelques instants plus<br />

tard, il reconnut le palefrenier <strong>de</strong> Madame Winthrop, qui tenait la bri<strong>de</strong> <strong>de</strong> son propre<br />

cheval et <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> sa maîtresse. Benjamin Franklin lui apprit que Madame Winthrop<br />

se trouvait au jardin. Il ouvrit la gran<strong>de</strong> porte, découpée dans le mur <strong>de</strong> pierre, et il<br />

s’avança dans l’allée.<br />

Elle se trouvait à l’autre extrémité. Il ne voyait que son dos. Elle n’entendit pas son pas.<br />

Elle sursauta quand il prononça son nom. Immédiatement après, elle se reprit, sourit et se<br />

mit à parler avec la même élégante aisance, qu’elle avait manifestée à son arrivée à<br />

Miolans, au moment <strong>de</strong> leur rencontre près du portail, il y avait un an <strong>de</strong> cela. Cela<br />

signifiait qu’elle avait ramené leur relation à ce qu’elle était alors.<br />

Il ne semblait pas disposé à s’en aller. Ils se promenèrent pendant une dizaine <strong>de</strong><br />

minutes, puis Madame Winthrop déclara qu’elle <strong>de</strong>vait rentrer. Ils se dirigèrent donc vers<br />

la sortie. Ils avaient évoqué la maladie <strong>de</strong> Sylvia et sa guérison.<br />

– Quand j’observe ma petite tante, je pense souvent à quel point elle <strong>de</strong>vait être jolie dans<br />

sa jeunesse. D’ailleurs, juste avant <strong>de</strong> quitter l’Ecosse, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a<br />

fait penser à elle, ou plutôt à mon idée <strong>de</strong> ce qu’elle avait dû être. C’était Madame<br />

Lorimer Percival.<br />

– On m’a dit qu’elle était charmante, répondit la dame qui se trouvait à ses côtés.<br />

– J’ignore si elle était charmante car je n’aime pas beaucoup ce mot. Mais elle était<br />

ravissante et vraiment adorable.<br />

– L’avez-vous vue souvent ?<br />

– Je l’ai vue plusieurs fois, mais seulement vue. Nous n’avons pas parlé.<br />

– Et vous êtes capable <strong>de</strong> vous former un jugement seulement d’après une apparence ?<br />

– Dans son cas, oui. Son caractère est écrit sur son visage.<br />

– Tout le mon<strong>de</strong> peut l’étudier alors. S’il vous plaît, décrivez-le moi.<br />

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